Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 438 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l’adoption 135
Contre 189

Le Sénat n'a pas adopté.

Les articles du projet de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.

En conséquence, le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2015 n’est pas adopté.

Article 11 (début)
Dossier législatif : projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2015
 

9

 
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d'électricité
Discussion générale (suite)

Fourniture de gaz et d'électricité

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d'électricité
Article unique (début)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d'électricité (projet n° 545, texte de la commission n° 761, rapport n° 760.)

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Ségolène Royal, actuellement en déplacement, qui m’a chargé de la remplacer cet après-midi.

L’ordonnance que le Gouvernement propose de ratifier dans ce projet de loi vise à accompagner la fin des tarifs réglementés de l’électricité et du gaz pour certains consommateurs non domestiques.

Depuis le 1er janvier 2016, les tarifs réglementés ne s’appliquent plus en France au-delà d’une puissance de 36 kilovoltampères pour l’électricité et d’une consommation annuelle de 30 mégawattheures pour le gaz – à l’exception de certains syndicats de copropriétaires ou propriétaires uniques d’un immeuble à usage principal d’habitation, consommant annuellement moins de 150 mégawattheures. En revanche, le Gouvernement défend le maintien des tarifs réglementés de vente pour les petits consommateurs, notamment les consommateurs résidentiels, qui ne sont donc pas concernés par cette ordonnance.

Cette ordonnance est prise sur le fondement de l’article 172 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Elle institue un dispositif permettant de garantir la continuité de la fourniture d’électricité et de gaz, dont les tarifs réglementés de vente ont été supprimés au 31 décembre 2015, aux consommateurs qui n’avaient pas souscrit une offre de marché au 30 juin 2016.

Avec la suppression des tarifs réglementés, les contrats qui liaient ces clients et leurs fournisseurs historiques de gaz et d’électricité – ENGIE, EDF et des entreprises locales de distribution – sont devenus caducs.

En application de l’article 25 de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation et afin de maintenir la continuité d’approvisionnement, les clients concernés ont pu bénéficier d’une offre de marché transitoire de six mois, qui a pris fin le 30 juin 2016.

La très grande majorité des clients concernés ont entre-temps opté pour une offre de marché, profitant parfois d’économies substantielles, mais plus de 10 000 clients n’avaient pas accompli les démarches nécessaires au 30 juin 2016, malgré plusieurs courriers d’information des pouvoirs publics. À défaut de la mise en place d’un nouveau dispositif, ces clients auraient été exposés au risque d’interruption de fourniture dès le 30 juin 2016, ce qui était bien sûr totalement inenvisageable pour le Gouvernement.

L’ordonnance qu’il vous est proposé de ratifier, mesdames, messieurs les sénateurs, organise donc l’affectation, depuis le 1er juillet 2016, des clients n’ayant pas souscrit une offre de marché à des fournisseurs retenus selon une procédure concurrentielle, organisée par la Commission de régulation de l’énergie, la CRE.

L’ordonnance fixe les objectifs et les principales caractéristiques de cette procédure concurrentielle. Elle définit les éléments clefs de la relation contractuelle entre clients et fournisseurs, notamment les principales obligations des fournisseurs à l’égard des clients en termes d’information et de modalités de résiliation, afin de protéger les consommateurs.

En outre, ce texte précise le traitement des clients qui n’auraient pas souscrit une offre de marché, dans le cas d’une procédure d’appel d’offres infructueuse, et inscrit dans la loi l’obligation pour les fournisseurs historiques de transmettre les données de consommation des clients bénéficiant de l’offre de marché transitoire, à compter du 1er janvier 2016, à tout fournisseur autorisé par les autorités françaises qui en ferait la demande. Cette disposition vise à permettre aux fournisseurs alternatifs de démarcher les clients susceptibles de souscrire un contrat en offre de marché.

Ce texte important permettra d’accompagner la suppression des tarifs réglementés de vente pour certains consommateurs non domestiques, en évitant toute interruption de livraison. Il vous est donc proposé de le ratifier sans délai.

La transition énergétique est l’outil de l’État français pour répondre à ses engagements en matière de lutte contre le dérèglement climatique et créer des emplois durables pour la croissance verte. Elle répond également à la nécessité d’assurer la continuité du service public de fourniture d’énergie, garant de la bonne marche de l’activité économique et de la qualité de vie. Le Gouvernement attache une importance particulière à l’accompagnement des consommateurs dans les évolutions réglementaires rendues nécessaires par l’ouverture des marchés de l’énergie.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je félicite les courageux qui travaillent jusqu’au bout la veille du 14 juillet !

MM. Daniel Gremillet et Jean-Paul Emorine. Merci ! (Sourires.)

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L’ordonnance que ce projet de loi nous invite à ratifier traite une situation bien particulière, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État. Pour éviter tout malentendu, disons-le d’emblée : il n’est pas question ici de légiférer sur le principe même de la fin des tarifs réglementés de vente pour les consommateurs non résidentiels. Il ne faut pas non plus confondre ces tarifs réglementés avec les tarifs sociaux dont bénéficient et continueront à bénéficier les consommateurs en situation de précarité énergétique jusqu’à ce que le nouveau chèque énergie, créé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et actuellement en phase d’expérimentation, les remplace.

Le dispositif qui nous est soumis aujourd’hui vise en fait uniquement, comme son nom l’indique, à garantir la continuité de fourniture aux clients qui, bien qu’étant devenus inéligibles aux tarifs réglementés au 1er janvier 2016, n’ont pas souscrit d’offre de marché dans les temps et risquaient, du fait de leur inaction, une coupure d’alimentation.

Ainsi, sur les 576 000 sites concernés par l’échéance du 31 décembre 2015 – je rappelle qu’elle visait les clients consommant annuellement plus de 30 mégawattheures de gaz ou ceux dont la puissance électrique souscrite dépassait les 36 kilovoltampères –, un peu moins de 120 000 n’étaient pas encore passés en offre de marché au 1er janvier dernier. Pour éviter des coupures, la loi relative à la consommation du 17 mars 2014 avait déjà prévu une bascule automatique des clients imprévoyants sur une offre par défaut servie par leur fournisseur historique, dite « offre transitoire », en moyenne 5 % plus chère, mais valable pour une durée maximale de six mois, soit jusqu’au 30 juin 2016. Or, à cette date et malgré plusieurs courriers reçus, 30 000 sites – environ 8 000 en gaz et 22 000 en électricité – n’avaient toujours pas basculé.

C’est précisément pour ces derniers retardataires que l’ordonnance a prévu, à compter du 1er juillet, un dispositif original consistant à les alimenter, à un tarif majoré d’au plus 30 %, par des fournisseurs sélectionnés par la CRE après mise en concurrence. Le niveau de majoration retenu, supérieur à celui de l’offre transitoire, se veut suffisamment incitatif pour pousser les clients les plus inertes à souscrire une offre de marché, qu’elle soit proposée par leur fournisseur historique – EDF, ENGIE ou les entreprises locales de distribution, les ELD – ou par un fournisseur alternatif.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce dispositif semble fonctionner, puisque la CRE m’a transmis hier les derniers chiffres : au 11 juillet, seuls 15 500 sites, au lieu des 30 000 précédemment, n’ont pas encore basculé. Augmenter les tarifs a donc été efficace.

Au mois de mars dernier, la CRE a rédigé le cahier des charges, puis lancé l’appel d’offres pour désigner les fournisseurs attributaires. Pour favoriser l’ouverture du marché, les clients ont été répartis en différents lots, chaque fournisseur ne pouvant remporter au plus que 15 % des lots présentés, le prix facturé étant fixé dans le cahier des charges pour inclure la majoration.

Même s’il est difficile d’en estimer le niveau exact, le montant total de ces restitutions viendra alimenter le budget général et n’excédera vraisemblablement pas, compte tenu de l’efficacité du mécanisme, une quinzaine de millions d’euros, monsieur le secrétaire d’État. Si 30 000 sites avaient encore été concernés, vous auriez pu espérer 40 millions d’euros supplémentaires pour votre budget…

Dans ce nouveau dispositif, la protection des consommateurs est triplement assurée. D’abord, une communication préalable des conditions contractuelles applicables, puis de leurs modifications éventuelles à l’issue de la première année du contrat, est prévue. Ensuite, un droit d’opposition avant la prise d’effet du contrat ou en cas d’évolutions contractuelles après un an pourra être exercé. Enfin, au cours du contrat, un régime de résiliation dérogatoire au droit commun et très favorable au consommateur est mis en place, ce dernier pouvant résilier le contrat à tout moment, gratuitement et moyennant un préavis de seulement quinze jours.

Au début du mois de mai, la CRE a désigné les fournisseurs lauréats. En électricité, l’essentiel des lots attribués sur le territoire desservi par ENEDIS – ex-ERDF – a été réparti entre des acteurs déjà bien implantés et des nouveaux entrants sur le marché, pour un montant moyen reversé de 19,50 euros par mégawattheure. En gaz, les vingt lots desservis par GRDF ont été attribués à des fournisseurs nationaux ou à des ELD, pour un montant de reversement moyen d’un peu plus de 8 euros par mégawattheure. Électricité et gaz confondus, cinquante-huit lots, représentant à l’origine plusieurs milliers de clients, ont cependant été déclarés infructueux faute d’offre déposée, dont cinquante-quatre lots sur le territoire des ELD. Toutefois, le nombre de clients concernés se résorbera « naturellement » et rapidement – nous en constatons déjà les premiers effets –, les ELD parvenant à convertir de nombreux clients en offre de marché.

Qui sont ces clients « dormants » ?

Le profil des clients concernés est très varié : il peut s’agir d’artisans, de commerçants, de PME ayant peu ou pas de temps à consacrer à une démarche de changement de fournisseur, même quand l’énergie constitue un poste de dépenses important, mais aussi, dans une proportion que l’on peut estimer entre 20 % et 30 %, des acheteurs publics, imprévoyants pour certains – j’ai rappelé les plus connus en commission –, ou dont tous les sites n’avaient pas été recensés correctement pour d’autres, notamment un certain nombre de gendarmeries sur notre territoire. Toutefois, qu’il s’agisse d’acteurs privés ou publics, chacun mesure les conséquences qu’une rupture d’approvisionnement aurait pu entraîner sur la vie économique ou sur la continuité du service public.

Au total, vous l’aurez compris, mes chers collègues, la commission des affaires économiques approuve le principe comme les modalités de mise en œuvre d’un dispositif, certes relativement complexe, mais qui a le mérite d’apporter une réponse pragmatique à une difficulté réelle. Faut-il une ordonnance ? Compte tenu du délai, je réponds par l’affirmative. Faut-il la ratifier ? Ma réponse est la même, car cette ratification présente l’intérêt de sécuriser juridiquement l’ordonnance : en lui conférant une valeur législative, elle rend ses dispositions non contestables devant le juge administratif.

Le Gouvernement ayant cependant tardé à inscrire le texte, la promulgation de la loi n’interviendra, au mieux, du fait de la navette parlementaire, que dans le courant du mois de septembre prochain, alors que les nouveaux contrats ont pris effet dès le 1er juillet.

Sur le fond cependant, le risque de voir d’éventuels recours prospérer me semble mesuré, car, même si l’on touche au droit des contrats, toutes les conditions sont réunies pour garantir la protection du consommateur.

J’ajoute que, si l’Autorité de la concurrence a émis, au mois de décembre dernier, des réserves sur le principe d’une « répartition administrative des clients inertes », ses quatre recommandations générales ont été très largement suivies par l’ordonnance : la possibilité de basculer à tout moment en offre de marché sans délai et sans pénalité, la pénalisation financière de l’inertie, l’accès des fournisseurs alternatifs aux données des fournisseurs historiques pour pouvoir démarcher les clients inertes, l’information des clients sur « les échéances contractuelles, les conséquences tarifaires de l’inertie et les risques de coupure sélective ».

Sur ce dernier point, l’information donnée à titre individuel aux clients aurait sans doute gagné à être accompagnée d’une communication institutionnelle plus importante pour mieux légitimer le processus. Quant à la menace de coupure – même non appliquée –, les pouvoirs publics se sont toujours refusés à la mettre en avant.

Concernant le respect de l’habilitation accordée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte pour compléter la transposition des directives relatives aux marchés intérieurs de l’électricité et du gaz, je regrette qu’il n’ait pas été fait état d’un tel dispositif lors de l’examen des textes. J’observe toutefois qu’en prévoyant un mécanisme d’accompagnement de la fin des tarifs réglementés, elle-même rendue nécessaire par la transposition des directives, l’ordonnance est bien conforme au champ de l’habilitation.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires économiques propose d’adopter ce projet de loi sans modification.

Pour conclure, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer devant mes collègues en commission, l’histoire n’est sans doute pas finie, car, au-delà de la question spécifique traitée par l’ordonnance, c’est la pérennité des tarifs réglementés pour les particuliers qui pourrait, demain, être remise en cause.

En effet, dans le cadre d’une question préjudicielle posée par le Conseil d’État à la suite d’un recours déposé par les fournisseurs alternatifs contre les tarifs réglementés du gaz, la Cour de justice de l’Union européenne pourrait, dans les prochaines semaines, juger ces tarifs réglementés contraires au droit de la concurrence. En fonction des termes de la décision qu’elle rendra, la France pourrait être contrainte de revoir en tout ou partie le mécanisme des tarifs régulés pour les particuliers.

Monsieur le secrétaire d’État, même si le sujet dépasse largement le champ de l’ordonnance, je suis curieux de connaître l’état des réflexions du Gouvernement sur la question. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’ordonnance du 10 février 2016 dont le projet de loi prévoit la ratification illustre, selon nous, un acharnement à vouloir démanteler les tarifs réglementés de l’énergie et les opérateurs historiques qui sont toujours en situation de quasi-monopole – c’est bien cela qui gêne ! – malgré l’ouverture du marché de l’énergie en France. C’est également vrai pour les ELD qui desservent près de 5 % de la population.

Dans la même logique qui a imposé à EDF de vendre le quart de sa production à ses concurrents à des tarifs défiant toute concurrence, dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite loi NOME, cette ordonnance propose un montage complexe dont l’objet affiché serait d’assurer la protection des consommateurs, alors qu’il s’agit avant tout d’accroître la concurrence là où elle n’existe pas par choix des consommateurs.

Comme cela a été rappelé, ce texte prévoit que tous les sites sans contrat de marché au 1er juillet seront affectés à des fournisseurs désignés par la Commission de régulation de l’énergie, après mise en concurrence. Le terme « affecté » a de quoi surprendre en termes de liberté contractuelle, mais il semble que nous ne soyons pas, avec cette ordonnance, à une contradiction près…

Afin d’obliger – même si l’ordonnance parle d’incitation – les abonnés, désormais appelés clients, à rechercher une offre de marché, ce mécanisme leur impose un contrat dégradé, puisque le prix payé sera majoré de 30 % par rapport aux prix usuellement pratiqués.

Il nous est dit que ce mécanisme est concurrentiel. Or, dans le même temps, il a été interdit aux fournisseurs de candidater à tous les appels d’offres. Ainsi, un fournisseur a pu ne pas remporter un lot sur lequel il avait pourtant fait la meilleure offre.

En outre, selon le rapport, même l’Autorité de la concurrence a émis des réserves sur le mécanisme envisagé, le considérant contraire aux règles de concurrence. Elle a souligné les limites d’une « répartition administrative des clients inertes », « l’incertitude des résultats et le risque juridique non négligeable ». En effet, nous constatons une rupture manifeste d’égalité en termes de tarifications selon les consommateurs.

Il est vrai que le mécanisme évite une surrémunération des fournisseurs imposés en limitant leurs marges à un niveau équivalent ou proche de celui qui est appliqué dans leurs offres de marché habituelles. Ainsi, la majoration de 30 % sera reversée pour partie à l’État, ce qui transforme les opérateurs en collecteurs d’impôt, et alimentera le budget général. Nous avions d’ailleurs envisagé de déposer un amendement pour que cette recette soit fléchée, mais il nous a été confirmé que celui-ci aurait été déclaré irrecevable.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Absolument !

M. Jean-Pierre Bosino. Pour notre part, nous ne comprenons pas une telle complexité, alors qu’il aurait été plus simple d’étendre encore la période de transition ou de permettre à ces abonnés de garder leur fournisseur au prix du marché.

En effet, le 29 juin, le nombre de clients concernés par l’échéance du 31 décembre 2015 était de 15 500 sur 576 000. C’est d’ailleurs pourquoi la prolongation de l’offre transitoire a été envisagée par les acteurs, compte tenu de la diminution rapide du stock de consommateurs qui n’avaient pas choisi d’offre de marché, mais la CRE a rejeté cette proposition.

De plus, nous n’avons aucune indication sur le coût de ce montage complexe. Il a fallu rédiger un cahier des charges, recenser les entreprises n’ayant pas encore fait le choix d’un contrat de marché, déterminer un allotissement géographique et par type de sites de consommation, un plafonnement par nombre de consommateurs, de lots ou de volumes attribués, tout cela pour permettre la continuité de la fourniture, mais surtout pour imposer l’ouverture du marché, les opérateurs historiques étant contraints.

Dans ce dispositif, EDF est fortement handicapée, alors même qu’une autre distorsion aux règles de concurrence existe, mais ne fait l’objet d’aucune mesure particulière : ainsi, les nouveaux opérateurs n’appliquent pas le statut des industries électriques et gazières, les IEG, au mépris de la loi. Il s’agit là d’une concurrence déloyale, mais qui est tolérée.

Que dire encore de la précipitation avec laquelle nous devons ratifier cette ordonnance, sans avoir la possibilité de l’amender, puisque le montage est déjà réalisé et qu’il s’appliquera avant même le vote du présent texte ? À cet égard, tout cela ne fait que renforcer notre opposition au recours aux ordonnances.

De plus, cette ratification ne permettra plus la contestation devant le juge administratif, alors que les griefs qui pourraient être soulevés contre ce texte sont solides : atteinte à la liberté contractuelle, disproportion, rupture d’égalité. Au contraire, une fois ratifiée par le Parlement, l’ordonnance acquiert une valeur législative et ne peut être contestée que devant le juge constitutionnel.

Enfin, comme l’a très justement souligné M. le rapporteur, la pérennité des tarifs réglementés pour les particuliers est aujourd’hui loin d’être assurée, à moins d’une volonté politique forte, que nous n’avons pas constatée pour le moment.

Il existe donc un risque de voir à l’avenir ce mécanisme appliqué à une échelle beaucoup plus importante, sachant que les amendements proposés par les fournisseurs alternatifs au mois de janvier 2015 allaient beaucoup plus loin. Ces derniers voulaient par exemple avoir accès aux fichiers impayés des opérateurs historiques.

C’est pourquoi, madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cela ne vous surprendra pas : nous voterons contre ce texte dont l’objectif est simplement, à nos yeux, d’accélérer la perte de part de marché des fournisseurs historiques en créant une concurrence artificielle au détriment des usagers et du service public. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, bien entendu, le groupe socialiste et républicain approuve et soutient ce projet de loi.

Depuis l’adoption de la loi NOME en 2010, la France s’est engagée à supprimer progressivement les tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz pour les consommateurs non domestiques. Certes, notre pays a agi sur injonction de la Commission européenne, mais, les choses étant ce qu’elles sont, il devenait indispensable d’organiser cette extinction : les contrats déjà souscrits devenant caducs, les consommateurs concernés s’exposaient à une interruption de leur fourniture de gaz ou d’électricité.

Afin d’éviter de telles situations particulièrement préjudiciables aux professionnels, la loi relative à la consommation a prévu que les consommateurs n’ayant pas souscrit une nouvelle offre de marché avant l’extinction des tarifs réglementés puissent, à défaut, basculer vers des offres transitoires. Pour ce qui concerne l’électricité, rappelons que seuls les tarifs verts et jaunes ont été supprimés au 31 décembre 2015. Pour ce qui concerne le gaz, le processus de suppression des tarifs réglementés a été engagé en fonction des catégories de consommateurs ; il a été plus étalé dans le temps.

Pour résumer, depuis le 1er janvier 2016, tous les tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz naturel sont supprimés pour les gros et moyens consommateurs professionnels. Or, à ce jour, malgré de nombreux courriers et rappels, un nombre significatif de consommateurs concernés par la suppression des tarifs réglementés n’ont pas encore contracté une nouvelle offre de marché.

Il était donc absolument nécessaire de mettre en œuvre un nouveau dispositif permettant de garantir la continuité de la fourniture d’énergie ; l’ordonnance du 10 février 2016 a été élaborée à cette fin.

Ainsi la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, est-elle chargée de désigner un fournisseur d’électricité ou de gaz naturel par le biais d’une procédure de mise en concurrence, pour ceux des consommateurs qui n’auront toujours pas conclu un nouveau contrat à l’issue de la période transitoire.

Je précise une fois de plus – est-ce bien nécessaire ? – que la suppression des tarifs réglementés ne concerne en aucune façon les ménages.

À cet égard, la France se voit reprocher la non-limitation des tarifs réglementés dans le temps. Récemment, le Gouvernement a engagé des négociations en la matière, qui ont abouti à la préservation des tarifs réglementés pour les ménages et les petits professionnels. Des millions de ménages, de petits consommateurs non résidentiels et de petites copropriétés pourront ainsi continuer à bénéficier des tarifs réglementés, lesquels restent malgré tout plus protecteurs dans la durée.

Au demeurant, lors de l’examen du projet de loi NOME, les membres de mon groupe ne s’étaient pas prononcés pour l’extinction des tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz naturel. Je le rappelle, même si je dois reconnaître qu’à l’époque la Commission européenne avait multiplié les injonctions contre la France, en les doublant de mises en demeure et d’avis motivés. Elle estimait en effet que les tarifs réglementés contrevenaient à la concurrence. Chacun sait dans cet hémicycle que les instances européennes ont toujours accordé la primauté aux mécanismes concurrentiels sur tout autre mécanisme régulateur.

Nous avions alors exprimé un certain nombre de craintes pour nos entreprises, d’autant qu’à l’époque les offres de prix de marché ne garantissaient pas un niveau compétitif.

Mes chers collègues, souvenez-vous : après être passés sous le niveau des tarifs réglementés, les prix de marché avaient fortement augmenté. Certaines entreprises qui avaient fait le choix de la concurrence avaient été mises en difficulté : comme nombre d’hôpitaux et de collectivités territoriales, elles s’étaient trouvées tout simplement piégées. Nous avions alors été obligés de mettre en œuvre le tarif réglementé d’ajustement au marché, le fameux TaRTAM.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Créé par Jean-Claude Lenoir ! (Sourires.)

M. Roland Courteau. Grâce à ce dispositif, les entreprises qui avaient choisi – mal leur en avait pris ! – de basculer vers l’offre de marché ont pu revenir à une forme de tarif réglementé plus avantageux.

N’oubliez pas que nous avons toujours été obligés d’agir pour contrecarrer les effets négatifs d’un certain laisser-faire. Plus récemment encore, nous avons même dû prendre des dispositions en faveur des électro-intensifs, pour que ces derniers ne soient pas soumis aux forces du marché et proposés à des prix qui pourraient nuire à leur activité.

Certes, à l’heure actuelle, les prix de marché sont inférieurs aux tarifs réglementés. Mais qui peut garantir que cette situation sera durable ou qu’elle est viable ?

Sur les marchés de gros, les prix sont bas et exposés à une forte volatilité, laquelle est préjudiciable aux investissements à long terme.

De surcroît, le gain que les nouveaux tarifs représentent pour les ménages n’est pas à la hauteur de la baisse des prix sur le marché.

Ce constat milite en faveur du maintien des tarifs réglementés.

Cela étant, j’en suis convaincu : à l’heure du Brexit, nous ne souffrons pas de « trop d’Europe », mais de « pas assez d’Europe ». (M. Jean-Pierre Bosino manifeste sa circonspection.) Nous avons besoin d’une Europe qui ne se limite pas à la formation d’un marché et à la libéralisation de nos économies. Au contraire, nous avons besoin d’une Europe plus solidaire, plus coopérative, capable par exemple, dans le domaine énergétique, d’investir à long terme et de promouvoir un autre modèle de production plus respectueux de l’environnement, donc à faible intensité de carbone.

Or, force est de le constater, il y a loin de la coupe aux lèvres !

L’Union européenne n’a pas su se doter d’outils efficaces pour promouvoir une économie bas carbone ou une décarbonation de nos économies. À l’inverse, nous avons assisté à l’augmentation de notre dépendance vis-à-vis des importations, au maintien, voire à l’accroissement du recours au charbon dans certains États membres. Parallèlement, nous avons observé des lenteurs quant à la maîtrise de la consommation et des dysfonctionnements du marché carbone.

La situation européenne a fini par devenir préoccupante aux yeux mêmes des grands groupes énergétiques du continent. En 2014, ces derniers ont lancé un appel pour qu’émerge une véritable politique commune européenne de l’énergie. D’autres acteurs ont insisté sur le fait qu’il ne fallait pas seulement donner la priorité à l’ouverture à la concurrence et à la libéralisation des marchés énergétiques, mais aussi se doter d’outils plus volontaristes que le seul marché carbone.

Les mêmes considèrent qu’en érigeant en priorité la politique de la concurrence, en accordant au marché plus de vertus qu’il n’en possède, l’Union européenne a fait l’impasse sur le projet d’une Europe durable. Certes, depuis 2014, la Commission européenne a relancé l’Europe de l’énergie. De nouvelles propositions à l’horizon 2030 ont été réunies dans le nouveau paquet climat-énergie. Ces objectifs sont connus, je n’y reviendrai pas. La France les a traduits dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Il convient de relever que notre pays a mis en place une tarification carbone assortie d’une trajectoire ambitieuse à l’horizon 2020 et 2030. Oui, la France montre l’exemple !

Le Gouvernement a raison de plaider pour l’instauration d’un corridor tarifaire, avec un prix plancher de 20 à 30 euros et un prix plafond à 50 euros, permettant une stabilisation du prix carbone à un niveau suffisamment incitatif pour réorienter les investissements vers le bas carbone. En effet, dans cette zone de prix, le charbon cesse d’être rentable. Or c’est l’une des conditions d’un retour à une croissance durable, pourvoyeuse d’emplois et socialement plus inclusive.

D’une certaine manière, l’Union européenne s’était fixé une telle ambition, sans succès hélas ! Pour renouer avec ce projet, elle doit faire preuve d’un réel volontarisme politique à même de transcender les égoïsmes nationaux.

L’Union européenne est à la croisée des chemins : il lui faut relancer le projet européen, notamment celui d’une Europe de l’énergie. Ce faisant, elle pourra garantir la sécurité de ses approvisionnements et assurer des prix compétitifs pour nos entreprises tout en préservant le pouvoir d’achat des ménages.

Les lignes bougent, on peut le dire, et je reconnais que la France a engagé une action volontariste à l’échelon européen en vue de forger une véritable politique européenne de l’énergie.

Le chemin n’est pas des plus faciles, mais nous avançons ; ce ne sont pas Delphine Bataille et Yannick Vaugrenard qui me contrediront ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)