Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

proposition de loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle

TITRE IER

PRÉSERVATION DES TERRES AGRICOLES

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle
Article 7 bis

Article 1er

(Texte de la commission mixte paritaire)

I. – La section 3 du chapitre III du titre IV du livre Ier du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 143-15-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 143-15-1. – I. – Lorsqu’ils sont acquis par une personne morale de droit privé ou font l’objet d’un apport à une telle personne, les biens ou droits mentionnés à l’article L. 143-1 sur lesquels les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural peuvent exercer leur droit de préemption sont rétrocédés par voie d’apport au sein d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole. Cette obligation s’applique uniquement lorsque, à la suite de l’acquisition ou de l’apport, la surface totale détenue en propriété par cette personne morale de droit privé et par les sociétés au sein desquelles les biens ou droits sont apportés excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles mentionné à l’article L. 312-1.

« En cas de cession de la majorité des parts ou actions de la personne morale de droit privé mentionnée au premier alinéa du présent I, les parts ou actions des sociétés au sein desquelles les biens ou droits ont été apportés sont réputées cédées dans les mêmes proportions.

« Le même premier alinéa ne s’applique pas aux acquisitions effectuées par un groupement foncier agricole, un groupement foncier rural, une société d’aménagement foncier et d’établissement rural, un groupement agricole d’exploitation en commun, une exploitation agricole à responsabilité limitée ou une association dont l’objet principal est la propriété agricole. Il en est de même des apports effectués à ces sociétés, groupements et associations. Il ne s’applique pas non plus aux acquisitions, par des sociétés, de terres agricoles sur lesquelles ces sociétés sont titulaires d’un bail conclu avant le 1er janvier 2016.

« II. – Lorsqu’une des opérations mentionnées au I est réalisée en violation du même I, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural peut, dans un délai de six mois à compter de la publication de l’acte de cession ou, à défaut, dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la cession lui est connue, demander au tribunal de grande instance soit d’annuler la cession, soit de la déclarer acquéreur en lieu et place de la société. »

II. – (Supprimé)

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Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle
Article 8 A

Article 7 bis

(Suppression maintenue)

TITRE II

DÉVELOPPEMENT DU BIOCONTRÔLE

Article 7 bis
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Article 8

Article 8 A

(Texte de la commission mixte paritaire)

Le II de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette interdiction ne s’applique pas non plus aux traitements par des produits phytopharmaceutiques qui, sur la base des résultats de la surveillance réalisée en application de l’article L. 251-1, s’avèrent nécessaires pour lutter contre un danger sanitaire grave menaçant la pérennité du patrimoine historique ou biologique et ne pouvant être maîtrisé par un autre moyen, y compris une méthode non chimique. »

Article 8 A
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Article 9

Article 8

(Texte du Sénat)

À la fin du 2° du II de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-5 » sont remplacés par les mots : « définis à l’article L. 253-6 et ne faisant pas l’objet d’une classification mentionnée à l’article L. 253-4 ou si ces produits sont des substances de base au sens de l’article 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil ».

Article 8
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle
Article 10

Article 9

(Texte du Sénat)

Le II de l’article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce certificat n’est exigé ni pour les médiateurs chimiques au sens de l’article L. 253-6, ni pour les substances de base au sens de l’article 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil. »

Article 9
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Article 11 A (début)

Article 10

(Texte de la commission mixte paritaire)

La section 3 du chapitre IV du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime est ainsi rétablie :

« Section 3

« Certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques

« Art. L. 254-10. – À titre expérimental et pour une période allant du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2022, il est mis en place en métropole un dispositif visant à la réduction de l’utilisation de certains produits phytopharmaceutiques mentionnés à l’article L. 253-1 dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État et comportant l’émission de certificats d’économie de ces produits.

« Art. L. 254-10-1. – I. – Sont soumises à des obligations de réalisation d’actions tendant à la réduction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques les personnes qui vendent en métropole, à des utilisateurs professionnels, des produits mentionnés à l’article L. 254-10. Ces personnes sont dénommées les « obligés ».

« L’obligé est tenu de mettre en place des actions visant à la réalisation d’économies de produits phytopharmaceutiques ou de faciliter la mise en œuvre de telles actions.

« II. – L’autorité administrative notifie à chaque obligé l’obligation de réalisation d’actions qui lui incombe du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021 en vertu de la présente section compte tenu des quantités de produits phytopharmaceutiques qu’il a déclarées en application des articles L. 213-10-8 et L. 213-11 du code de l’environnement.

« Cette obligation est proportionnelle aux quantités de chaque substance active contenues dans ces produits phytopharmaceutiques, pondérées, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, par des coefficients liés soit aux caractéristiques d’emploi de ces produits, soit aux dangers des substances actives qu’ils contiennent. Elle est exprimée en nombre de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques.

« III. – Les personnes, autres que celles mentionnées au I, exerçant une activité de conseil aux agriculteurs qui mettent en place des actions visant à la réalisation d’économies de produits phytopharmaceutiques peuvent obtenir en contrepartie des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques. Ces personnes sont dénommées les «éligibles».

« Art. L. 254-10-2. – Les obligés justifient de l’accomplissement de leurs obligations soit par la production de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques obtenus par la mise en place d’actions visant à la réduction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, soit par l’acquisition de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques auprès d’autres obligés ou d’éligibles.

« Le nombre de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques obtenus par la mise en place d’une action est fonction de son potentiel de réduction de l’usage et de l’impact des produits phytopharmaceutiques, de sa facilité de mise en œuvre, de son bilan économique et de son potentiel de déploiement.

« Art. L. 254-10-3. – Les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques sont des biens meubles, exclusivement matérialisés par leur inscription au registre national informatisé des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques, au sein duquel est tenue la comptabilité des certificats obtenus par chaque obligé ou éligible. Ils peuvent être acquis dans les conditions prévues au III de l’article L. 254-10-1 et à l’article L. 254-10-2, détenus ou cédés par les obligés et les éligibles.

« Art. L. 254-10-3-1 (nouveau). – Une évaluation de l’expérimentation de l’obligation de mise en place d’actions visant à la réalisation d’économies de produits phytopharmaceutiques est effectuée et rendue publique avant le 1er janvier 2020.

« Art. L. 254-10-4. – À l’issue d’une procédure contradictoire, les obligés qui, au 31 décembre 2021, n’ont pas satisfait à l’obligation qui leur a été notifiée doivent verser au Trésor public une pénalité proportionnelle au nombre de certificats d’économie de produit phytopharmaceutique manquants pour atteindre l’objectif dont le montant est arrêté par l’autorité administrative.

« Le montant de cette pénalité par certificat d’économie de produit phytopharmaceutique manquant est fixé par décret en Conseil d’État.

« Le montant total des sommes qu’une même personne physique ou morale peut être tenue de verser à ce titre ne peut excéder cinq millions d’euros.

« Les titres de recettes sont émis par l’autorité administrative et sont recouvrés comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine. Une majoration de 10 % du montant dû est appliquée pour chaque semestre de retard dans le paiement de la pénalité.

« Art. L. 254-10-5. – Les inspections et contrôles du dispositif mis en œuvre par la présente section et ses textes d’application sont réalisés dans les conditions prévues au chapitre préliminaire du titre V du présent livre.

« Art. L. 254-10-6. – Le fait de faire obstacle à l’exercice des fonctions des agents habilités à rechercher et constater les manquements aux dispositions de la présente section et de ses textes d’application est puni comme le délit prévu à l’article L. 205-11.

« Art. L. 254-10-7. – I. – Le fait de se faire délivrer indûment, par quelque moyen frauduleux que ce soit, un certificat d’économie de produits phytopharmaceutiques, est puni comme le délit prévu au premier alinéa de l’article 441-6 du code pénal.

« II. – Les agents mentionnés au I de l’article L. 205-1 du présent code sont habilités à rechercher et à constater les infractions mentionnées au I du présent article dans les conditions prévues au chapitre V du titre préliminaire du présent livre.

« Art. L. 254-10-8. – Les modalités d’application de la présente section et les conditions dans lesquelles l’expérimentation est évaluée sont fixées par décret en Conseil d’État. »

TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES

Article 10
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle
Article 11 A (fin)

Article 11 A

(Texte de la commission mixte paritaire)

Les articles 1er à 5 entrent en vigueur trois mois après la promulgation de la présente loi.

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Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Je voterai évidemment cette proposition de loi, compte tenu du bel accord obtenu en commission mixte paritaire. Je tiens à féliciter M. le rapporteur et tous nos collègues membres de la commission mixte paritaire de cette réussite.

Cela dit, il ressort des interventions de plusieurs de nos collègues, MM. Le Scouarnec et Montaugé par exemple, que cette proposition de loi ne répond pas à la préoccupation actuelle des agriculteurs : obtenir un revenu qui leur permette de vivre de leur métier.

Pardonnez-moi d’être aussi direct, mais le discours que nous avons entendu sur le foncier est passéiste. Aujourd’hui, le revenu des agriculteurs ne leur permet plus d’être propriétaires ! Par conséquent, les SAFER attribuent aujourd’hui des terres en location, et non en propriété. On pourrait d’ailleurs proposer que les propriétaires ne puissent plus exploiter directement leurs terres, mais soient tenus de s’adresser à un groupement foncier agricole, un GFA, qui louerait aux propriétaires, les obligeant à passer sous les fourches caudines des uns ou des autres.

Comme je l’avais fait la semaine dernière, j’insiste sur le fait que notre statut du fermage est très protecteur et répond tout à fait aux problèmes des agriculteurs. Ce statut a peut-être besoin d’être modernisé, mais il a le mérite d’exister.

J’en viens aux certificats d’économie de produits phytosanitaires. Comme vous le savez, monsieur le ministre, je suis agriculteur : nous sommes à la morte-saison, et nous en profitons pour acheter les produits que nous allons utiliser dans l’année à venir. Je constate que les coopératives qui vendent ces produits ont déjà investi dans le biocontrôle – pourquoi ne pas le faire ? –, mais les produits de biocontrôle sont plus chers que les fongicides classiques.

M. Stéphane Le Foll, ministre. On en consomme moins !

M. Bruno Sido. Peut-être, mais ils sont plus chers à l’hectare. Croyez-moi, je suis un praticien !

Enfin, monsieur le ministre, vous avez critiqué le travail que nous avions fait à l’occasion du Grenelle de l’environnement. Permettez-moi de vous objecter qu’il s’agissait d’un premier pas ; nous avions déjà souligné à l’époque la nécessité de séparer l’activité de vente de l’activité de conseil. Tout n’est pas aussi simple que l’on voudrait le faire croire.

Pour conclure, cette proposition de loi ne répond pas aux questions qui se posent aujourd’hui. On a voulu légiférer parce qu’un Chinois avait voulu acheter des terres qui appartenaient à des Hollandais. Il fallait peut-être le faire, mais cela ne répond pas aux problèmes des agriculteurs ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Mme la présidente. Je constate que ce texte a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

Article 11 A (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle
 

4

 
Dossier législatif : projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux  réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables
Discussion générale (suite)

Autoconsommation d’électricité et énergies renouvelables

Discussion des conclusions d’une commission mixte paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux  réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables (texte de la commission n° 361, rapport n° 360).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qu’il nous revient d’adopter définitivement cet après-midi comporte plusieurs dispositions importantes pour le fonctionnement de notre système électrique et gazier. Ses objectifs sont largement partagés, comme en atteste l’accord auquel nous sommes parvenus avec nos collègues députés lors de la commission mixte paritaire du 1er février dernier.

En premier lieu, le texte fixe un cadre légal à l’autoconsommation d’électricité. C’était d’autant plus nécessaire que cette pratique est appelée à se développer et qu’elle n’est pas sans conséquence sur les réseaux. Il convenait donc d’en définir précisément les contours.

Ainsi, sur l’initiative du Sénat, il a été précisé, d’une part, que l’autoconsommation individuelle devait être limitée à « un même site », afin d’éviter des effets d’aubaine sans bénéfice pour les réseaux, et, d’autre part, que l’autoconsommation collective pouvait s’étendre à tous les départs basse tension d’un même poste de transformation de moyenne en basse tension. Ce point, qui peut paraître très technique, n’en était pas moins essentiel pour permettre des échanges vertueux d’énergie entre bâtiments résidentiels et tertiaires.

De même, le Sénat a clarifié le droit applicable aux petits autoconsommateurs en matière d’exonérations de contribution au service public de l’électricité, ou CSPE, et de taxes locales sur l’électricité.

En deuxième lieu, le projet de loi permet d’organiser la traçabilité de l’électricité verte subventionnée par la mise aux enchères, par et au bénéfice de l’État, des garanties d’origines associées à cette production. Un tel mécanisme, introduit à l’Assemblée nationale, empêchera la double rémunération des producteurs et dégagera des recettes qui viendront en déduction des subventions versées aux énergies renouvelables. Pour mieux répondre aux demandes en faveur d’un mix diversifié et d’une énergie produite localement, le Sénat l’a complété de la possibilité de constituer des lots par filière et par zone géographique. Nous avons aussi prévu la faculté pour l’État de n’émettre qu’une partie des garanties, afin d’optimiser les coûts de gestion du système.

En troisième lieu, ce texte aborde la question des coûts de raccordement des installations d’énergies renouvelables. Pour faciliter la réalisation des projets les plus éloignés du réseau, le projet de loi rétablit la « réfaction tarifaire » au bénéfice des producteurs, c’est-à-dire la prise en charge par la collectivité d’une partie des coûts de raccordement.

Trois précisions importantes ont été apportées au cours de la navette.

Tout d’abord, sur l’initiative de l’Assemblée nationale, la possibilité de moduler le taux de la réfaction selon les filières et la taille des installations a été explicitement prévue. L’aide sera ainsi concentrée sur les plus petits projets, comme l’installation de panneaux solaires sur des bâtiments agricoles.

Ensuite, sur la proposition du Sénat, il a été décidé de plafonner le taux maximal de réfaction à 40 % des coûts, ce qui, combiné à la modulation, permettra de réduire la charge de trésorerie pour les entreprises locales de distribution, les ELD ; c’était là un point de vigilance essentiel pour un grand nombre d’entre nous.

M. Bruno Sido. C’est très clair !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Enfin, nous avons réaffirmé le rôle des autorités organisatrices de la distribution d’électricité, aux côtés des gestionnaires de réseaux, dans la maîtrise d’ouvrage des travaux de raccordement.

J’ajoute que nos collègues députés ont opportunément élargi le principe de la réfaction aux installations produisant du gaz renouvelable. Cela favorisera l’émergence de cette filière naissante.

Le projet de loi initial traitait un dernier point : celui des opérations liées au changement de nature du gaz acheminé dans le nord de la France. Cela concerne près de 1,2 million de consommateurs. Là aussi, le Sénat a enrichi le texte, d’abord en prévoyant la couverture par les tarifs d’utilisation des réseaux des coûts de conversion des sites de stockage, ensuite en actant la nécessité d’un accompagnement des consommateurs aux revenus modestes qui auraient à remplacer un équipement inadaptable, pour lequel le Gouvernement doit maintenant travailler à un dispositif opérationnel, ce à quoi il s’est engagé devant nous.

Madame la ministre, vous avez soumis un premier projet au Conseil d’État, qui ne l’a pas validé, mais vous vous êtes engagée à revenir sur ce sujet. Vous avez raison !

Enfin, la discussion du texte au Sénat a été l’occasion d’aborder un autre sujet important, justifiant qu’une soixantaine d’entre nous cosignent un amendement. Je fais référence au sort réservé aux anciens moulins à eau, face à une administration qui privilégierait trop souvent l’effacement des seuils pour restaurer la continuité écologique des cours d’eau. Il s’agit là d’une préoccupation que bon nombre d’eux nous, élus de territoires ruraux, ont constatée sur le terrain. Je dois le dire, elle a été partagée sur presque toutes les travées de cet hémicycle.

Pour répondre à cette préoccupation, de nombreuses initiatives ont été prises ces derniers mois dans différents textes, mais une seule a perduré : l’article 86 de la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, rappelant que « la gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques […] ».

Une telle précision, de portée essentiellement déclaratoire, n’aura en réalité que peu ou pas d’effets. C’est la raison pour laquelle le Sénat a proposé d’aller plus loin, en dispensant de règles administratives les anciens moulins équipés pour produire de l’électricité.

En commission mixte paritaire, la philosophie du texte du Sénat a été non seulement préservée, mais aussi confortée. Madame la ministre, votre soutien nous a aidés à parvenir à une bonne solution.

Cette philosophie a été confortée sur le plan juridique par la réécriture ou la suppression des notions, d’« anciens » moulins et de moulins « situés en milieu rural ». Elle a été préservée, car le principe de la dispense des règles applicables aux moulins existants, déjà équipés aujourd’hui ou qui pourraient l’être demain pour produire de l’électricité, a été maintenu.

La seule précision apportée, qui consiste à réserver cette dispense aux moulins situés sur les cours d’eau classés en « liste 2 », n’en limite pas la portée pratique, puisque ce sont en réalité les seuls à être concernés par le risque d’« effacement ». Pour éclairer le sujet, je m’appuierai sur quelques données chiffrées.

Sur les 19 000 seuils de moulins recensés en France, 15 800 environ sont situés sur des cours d’eau prioritaires, dont 10 000 sur des cours d’eau classés en « liste 1 » et 5 800 en « liste 2 ».

Le classement en liste 1 attestant le très bon état écologique des cours d’eau concernés, il n’a, par définition, pas d’autre impact que celui de préserver leur état pour l’avenir, c’est-à-dire d’interdire toute construction d’un nouvel ouvrage, ou de subordonner le renouvellement de la concession ou de l’autorisation d’un ouvrage existant à des règles permettant de maintenir ce très bon état, ce qui revient donc à ne pas modifier les ouvrages existants. Ainsi, outre le fait qu’il est légitime de conserver des règles pour ces cours d’eau « ultra-prioritaires », les 10 000 moulins qui s’y trouvent ne sont donc pas concernés par un risque de destruction, puisque leur existence ne remet pas en cause, d’ores et déjà, le très bon état des rivières concernées. Monsieur le président du groupe d’études « Chasse et pêche », vous pourrez donc rassurer les pêcheurs !

La dispense de règles produira en revanche son plein effet pour les 5 800 ouvrages situés en liste 2, qui étaient jusqu’à présent tenus de réduire leur impact sur la continuité écologique dans les cinq ans, les mesures correctrices requises par l’administration pouvant aller jusqu’à l’arasement des seuils. Désormais, ces règles ne s’appliqueront plus pour tous les ouvrages existants qui sont équipés aujourd’hui, ou qui le seraient demain, pour produire de l’électricité ; mes chers collègues, vous aurez compris qu’il ne s’agit plus seulement des ouvrages situés en zone de montagne. Or c’était bien le sujet que nous entendions traiter : éviter qu’au nom de la restauration de la continuité, l’administration n’impose l’effacement et n’empêche la valorisation énergétique de ce patrimoine. À raison d’une moyenne de 50 kilowatts de production électrique par moulin, et toutes choses égales par ailleurs, c’est donc un potentiel maximal de 290 mégawatts de production renouvelable qui pourrait être mobilisé ; je le précise, car certains avaient évoqué l’équivalent de la production d’une centrale nucléaire.

C’est pourquoi la solution à laquelle nous sommes parvenus me semble résoudre définitivement la question, de manière pragmatique et avec le souci de la conciliation des différents intérêts en présence. Je vous renouvelle mes remerciements sur ce point, madame la ministre.

Mes chers collègues, compte tenu du bon accord que nous avons pu trouver en commission mixte paritaire, je vous invite à adopter le texte en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux  réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables
Discussion générale (suite)