Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, j’avoue être un peu pris de court. (Sourires.) Je préfère différer ma réponse pour ne pas risquer de vous donner des informations inexactes.

Quoi qu’il en soit, je m’engage à vous répondre d’ici à la fin de la semaine.

Mme Claudine Lepage. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article 14 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 15

(Non modifié)

L’article 3 entre en vigueur le 1er janvier 2018. – (Adopté.)

Mme la présidente. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Article 15
Dossier législatif : proposition de loi visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, je donne la parole à Mme la présidente de la commission de la culture.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Nous arrivons au bout du bout de la discussion de ce texte, qui, comme vous l’avez dit au début de la discussion générale, marque la fin d’un cycle puisqu’il s’agit du dernier texte que vous défendez dans cet hémicycle, monsieur le secrétaire d’État.

Nous pouvons nous féliciter collectivement de l’excellent travail que nous avons effectué avec vous au cours des deux dernières années sur un ensemble de textes relatifs au sport.

Le Sénat peut aussi s’honorer que cette proposition de loi, déposée sur l’initiative de notre collègue Dominique Bailly et qui a trait à l’éthique, à la régulation et à la transparence du sport professionnel, soit d’origine sénatoriale. Ce texte témoigne du travail très approfondi que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat accomplit sur le sport, même si cela n’apparaît pas très lisiblement dans l’intitulé de notre commission.

Les auteurs de cette proposition de loi se sont appuyés sur la Grande Conférence sur le sport professionnel français, mais aussi sur les conclusions du groupe de travail sénatorial sur l’éthique du sport, animé par notre collègue Dominique Bailly.

Nous poursuivons par ailleurs nos travaux au sein de la mission d’information relative à la gouvernance du football, présidée par Dominique Bailly et dont les corapporteurs sont MM. Claude Kern et Jean-Jacques Lozach. Celle-ci devrait bientôt publier son rapport dans lequel devraient figurer un certain nombre de propositions destinées à approfondir le sujet.

J’évoquerai aussi le rapport d’information de 2013, fait conjointement au nom de la commission de la culture et de la commission des finances, sur le financement public des grandes infrastructures sportives.

Je citerai, en outre, les réflexions sur les normes imposées aux collectivités territoriales en faveur des fédérations sportives, auxquelles participent Michel Savin et Christine Prunaud.

« L’important, c’est de participer », disait Pierre de Coubertin. C’est en participant tous ensemble, chacun apportant sa pierre à l’édifice, et en se fondant sur la philosophie portée par notre rapporteur, que nous avons pu parvenir à un consensus sur ce texte. Nous pouvons nous en féliciter. Je tiens, enfin, à remercier l’investissement extrêmement positif des groupes. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – Mme Corinne Bouchoux et M. Didier Guillaume applaudissent également.)

M. Michel Savin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Lozach. Lors de la discussion générale, M. le secrétaire d’État a commencé son intervention en évoquant sa méthode et sa détermination. Celles-ci aboutissent favorablement par un consensus sur cette proposition de loi, comme cela avait déjà été le cas sur les textes antérieurs. Je tenais à le souligner.

Nos travaux se sont inscrits dans la continuité de la Conférence nationale sur le sport professionnel. Depuis quelque 20 ans, beaucoup d’autres conférences, assises, états généraux et autres n’ont pas toujours débouché sur des textes législatifs ou des initiatives réglementaires. Je pense à toutes celles et à tous ceux qui ont participé à cette grande conférence sur le sport professionnel français et à ses six groupes de travail. Ils se reconnaîtront, au moins partiellement, dans ce texte.

Le sport rassemble une nouvelle fois au sein de la Haute Assemblée.

Pour conclure, je formulerai le vœu, en cette période particulière, que le sport prenne toute sa place dans le débat national de cette campagne présidentielle. Je salue ceux de nos collègues qui ont œuvré en vue de ce vote conforme, par-delà les sensibilités politiques. C’est un bel exemple de rapprochement et d’unité, en dépit de nos divergences sur notre vision de la société concernant d’autres sujets. Le Sénat aura pris pleinement sa place dans l’élaboration de ce texte. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Claude Kern et Mme Colette Mélot applaudissent également.)

Mme la présidente. Espérons que l’adoption conforme prévaudra pour d’autres textes aussi essentiels.

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je constate que ce texte a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs
 

8

Organismes extraparlementaires

Mme la présidente. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil de surveillance et de deux sénateurs appelés à siéger au sein du comité stratégique de la Société du canal Seine-Nord Europe.

Conformément à l’article 9 du règlement, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a été invitée à présenter des candidatures.

Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

9

 
Dossier législatif : proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale
Discussion générale (suite)

Réforme de la prescription en matière pénale

Adoption en nouvelle lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale
Article 3

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière pénale (proposition n° 405, texte de la commission n° 408, rapport n° 407).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, voici donc une nouvelle étape dans la discussion d’un texte auquel les deux chambres ont montré un commun attachement.

Après tout, c’est sous l’Empire romain que la prescription fut formalisée, et depuis ces temps les plus anciens, elle constitue toujours l’un des principes fondamentaux de notre droit. Il est donc assez logique que sa modification soit réfléchie, au travers d’un cheminement maîtrisé.

Pour autant, à ce stade de nos travaux, il n’est peut-être pas utile de revenir en détail sur les raisons pour lesquelles nous nous retrouvons.

Au nom du Gouvernement, je veux simplement redire notre intérêt pour le travail sur la prescription conduit au Sénat depuis 2007 sous la présidence de Jean-Jacques Hyest, et dont Richard Yung et Hugues Portelli étaient les rapporteurs, et repris en 2015 à l’Assemblée nationale par les députés Alain Tourret et Georges Fenech.

Tous avaient raison de rappeler que, fondé sur des principes simples fixés pour l’essentiel à l’époque de la codification napoléonienne, le droit de la prescription était entré dans une ère d’instabilité marquée par la multiplication chaotique des dispositions particulières et dérogatoires aux règles classiques du droit.

De surcroît, cette évolution, décidée notamment par la chambre criminelle de la Cour de cassation, s’inscrivait dans des perspectives contradictoires selon que l’on envisage le domaine pénal ou civil. En effet, dans le premier cas, les délais tendaient à s’allonger tandis qu’en matière civile, et en dépit de nombreuses nuances, la prescription trentenaire cédait de plus en plus le pas à des délais plus courts.

Il fallait donc rétablir une sécurité juridique et la qualité des propositions émises a eu raison de toutes les fatalités.

Ainsi, le Parlement a réussi à traiter une question complexe et difficile là où bien des gouvernements avaient échoué. J’ai notamment retrouvé, parmi les multiples projets, le dernier qu’avait conduit la Chancellerie et qui constituait un avant-projet de réforme du code de procédure pénale, soumis à concertation par Mme Michèle Alliot-Marie, alors garde des sceaux. Il prévoyait déjà une réécriture, notamment, des dispositions encadrant la prescription pénale mais il n’avait pu prospérer.

Le présent texte a déjà été adopté à deux reprises par votre assemblée, le 13 octobre 2016 et le 7 février dernier. Il tend à répondre à l’inadaptation du cadre juridique actuel afin de mieux protéger les intérêts de la société tout entière.

Évidemment, l’allongement des délais de prescription de l’action publique de droit commun constitue l’apport le plus important de ce texte : passer de trois à six ans pour les délits et de dix à vingt ans pour les crimes est considérable en soi.

Il s’agit de la mesure principale de la proposition de loi, mais non la seule.

Ce texte clarifie en effet, et ce n’est pas rien, les modalités de computation des délais, toujours source de nombreuses difficultés. Le texte harmonise également les délais de prescription de l’action publique et des peines, ce qui est une disposition importante.

Il est sain que le législateur intervienne, car le justiciable, qu’il soit victime ou prévenu, a le droit de savoir selon quelles règles l’action publique sera engagée, et, s’il est condamné, pendant combien de temps la peine pourra être exécutée.

Tous les justiciables ont droit à la sécurité juridique.

Avec ce texte, nous allons conforter l’un des fondements même de notre droit, car la prescription ne concerne pas seulement une ou deux affaires : des dizaines de milliers de cas sont, chaque année, concernés. En l’adoptant, nous allons nous rapprocher des règles en vigueur dans les pays qui ont maintenu la prescription, puisque certains, notamment les pays anglo-saxons, ont choisi de renoncer à ce principe.

Cette évolution intègre aussi le fait que le rapport au temps a changé en France.

Il est difficile d’évoquer aujourd’hui le droit à l’oubli, car cette notion n’est plus acceptée : les victimes ne la comprennent pas. Le rapport au temps a aussi changé pour les auteurs présumés de délits et de crimes, qui pensent pouvoir s’abriter derrière des délais courts de prescription. Le rapport au temps a enfin changé avec les progrès de la science, notamment grâce aux recherches de l’ADN et à toutes celles qui sont susceptibles aujourd’hui d’aider au dévoilement de la vérité judiciaire.

Il fallait donc en finir avec les acrobaties juridiques auxquelles les magistrats du parquet étaient contraints d’avoir recours pour pouvoir engager des poursuites dans certaines affaires criminelles, dans lesquelles il aurait été incompréhensible que les auteurs des faits ne puissent être poursuivis.

Voilà pourquoi le Gouvernement considère que ce texte, dont il n’était pas à l’origine, est utile et précieux. Seule une disposition relative à la loi de 1881 a interdit son adoption par un vote conforme. Il a donc fallu une commission mixte paritaire, qui n’a pu aboutir, ce qui nous vaut le plaisir de nous retrouver aujourd’hui.

Le Gouvernement souhaite maintenant que ce texte termine son cheminement. (M. Yves Détraigne applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois, en remplacement de M. François-Noël Buffet, rapporteur.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. François-Noël Buffet, rapporteur. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de la discussion de cette proposition de loi, qui est importante. En effet, elle modifie le régime de la prescription, qui est l’un des fondements de notre législation pénale, et ce depuis longtemps.

La prescription se justifie, traditionnellement, par la difficulté d’administrer la preuve d’un crime ou d’un délit quand un long délai s’est écoulé. Elle se justifie également par le fait que, malgré tout, la société assure une certaine absorption des délits et des crimes qui sont commis. Comme le deuil, ce travail s’accomplit avec le temps, même si, M. le garde des sceaux vient de le rappeler avec raison, le droit à l’oubli n’est plus accepté dans notre société comme il a pu l’être autrefois.

À ce titre, la prescription a connu de nombreuses atteintes, du fait même de la jurisprudence.

À l’origine, le point de départ du délai de prescription était certain : la date retenue était celle de la commission des faits répréhensibles. Mais, les années passant, il est devenu de plus en plus flou, notamment avec la notion de délai caché. Ce dernier permet à la justice de faire courir la prescription à compter de la date à laquelle le délit ou le crime est non pas commis, mais rendu public.

Ces incertitudes justifiaient que l’on s’intéressât de nouveau au régime de la prescription. C’est ce qu’ont fait les auteurs du présent texte, deux députés, l’un issu de la majorité législative, l’autre représentant l’opposition. Nos deux collègues députés ont accompli un très long travail, auquel je veux rendre hommage, pour déterminer un nouveau régime de la prescription en allongeant les délais de cette dernière.

La motivation est simple, et M. le garde des sceaux l’a énoncée de la manière la plus claire : dans un certain nombre de cas, compte tenu des progrès de la technologie, l’auteur d’un crime commis il y a longtemps devient désormais identifiable. Dès lors, l’allongement des délais de prescription peut être utile.

L’Assemblée nationale et le Sénat ont donc cheminé, d’abord difficilement, ensuite harmonieusement, pour aboutir à un accord sur l’ensemble des articles sauf un. L’article en question porte sur la protection des victimes de calomnies et de diffamations sur internet.

À cet égard, deux positions s’affrontaient à l’origine. L’Assemblée nationale privilégiait la protection des auteurs des informations susceptibles de circuler sur internet ; quant au Sénat, il donnait la priorité à la protection des victimes.

M. Antoine Lefèvre. C’est mieux !

M. Philippe Bas, rapporteur. À un moment de la procédure, nous avons eu le plaisir de constater que le garde des sceaux et les rapporteurs du présent texte à l’Assemblée nationale et au Sénat s’étaient accordés sur une formule transactionnelle. Cette rédaction nous paraissait respectueuse de la liberté de la presse et à même d’assurer la protection des victimes de diffamation.

Malheureusement, cet accord n’a pas été respecté par le Gouvernement.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Il ne s’agit pas du Gouvernement !

M. Philippe Bas, rapporteur. Il n’a pas été possible d’adopter, en commission mixte paritaire, la rédaction à laquelle nous étions parvenus. Approuvée en cela par notre excellent collègue François Pillet, qui maîtrise parfaitement ces questions, la commission des lois du Sénat n’a pas voulu céder, parce qu’elle met en avant la protection des victimes.

De ce fait, nous n’avons, hélas ! pas pu obtenir d’accord au sein de la commission mixte paritaire.

Mes chers collègues, je vous le confirme : votre commission des lois est restée fidèle à sa position, qui nous paraît fondée. Il s’agit de faire en sorte que le délai de prescription des actes délictueux commis sur internet soit d’un an, sauf lorsqu’est en cause une expression émanant d’un site placé sous le régime de la presse, exception dans laquelle ce délai est réduit à trois mois. Il s’agit là d’une disposition protectrice visant à la fois la presse papier et la presse en ligne.

Cette solution n’était sans doute pas parfaite ; au moins évitait-elle que les victimes de calomnies ne se voient privées de recours passé le délai de trois mois.

Voilà où nous en sommes ; voilà la raison pour laquelle notre rapporteur, François-Noël Buffet, qui ne pouvait présenter lui-même les positions de la commission ce soir et que je vous prie d’excuser, a souhaité que nous maintenions la rédaction sénatoriale par un vote. La commission s’est ralliée à lui avec une conscience d’autant plus sûre que c’est la solution la plus protectrice pour les éventuelles victimes d’un délit.

Voilà résumés à grandes enjambées à la fois l’accord de l’Assemblée nationale et du Sénat sur toutes les autres dispositions du présent texte et notre désaccord sur cette seule mesure. À ce titre, nous vous demandons de confirmer la position que vous avez déjà exprimée à deux reprises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission mixte paritaire n’est pas parvenue à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale. Nous voici donc appelés à nous exprimer, en nouvelle lecture, sur cette proposition de loi, qui constitue une réforme importante pour notre droit pénal.

Je le rappelle à mon tour : ce texte repose essentiellement sur son article 1er, qui modifie les dispositions relatives à la prescription de l’action publique, en particulier les articles 7 à 9 du code de procédure pénale, en doublant les délais applicables en matière criminelle et délictuelle.

Cette proposition de loi est conforme à la logique dominante de ces derniers temps, durcir toujours davantage la justice pénale. Cette logique est pourtant désapprouvée par de nombreux professionnels du droit.

L’article 1er de cette proposition de loi modifie les dispositions relatives à la prescription de l’action publique en doublant les délais applicables en matière criminelle et délictuelle.

La commission des lois du Sénat a défendu cette solution en arguant que certaines contraventions sont d’anciens délits requalifiés. Nous l’avons déjà dit lors de la première lecture : il nous paraîtrait plus efficace de revoir l’échelle des peines plutôt que de prolonger les délais de prescription de toutes les contraventions.

De plus, ce choix néglige le problème du dépérissement des preuves, ainsi que le droit à l’oubli et le pardon social, qui justifient de laisser au temps le soin de calmer un litige et de favoriser l’apaisement.

Les cas les plus graves, comme les faits délictuels ou criminels que la victime tarde à dénoncer, relèvent dans la majorité des cas de règles de prescription spécifiques et dérogatoires.

L’idée de laisser, pour de tels faits, autant de temps que possible à la personne victime, est invoquée pour justifier la logique du texte. Mais, nous l’avons déjà dit, nous refusons de faire la loi sous le seul angle émotionnel. (M. le garde des sceaux manifeste sa circonspection.)

Il est nécessaire de se soucier des problèmes psychologiques subis, notamment, par les victimes de violences physiques et sexuelles. Cependant, nous adhérons au raisonnement suivi par le Syndicat de la magistrature : avant tout, il faut s’intéresser à la prévention, ainsi qu’à l’accessibilité au dépôt de plainte pour les intéressés. Il faut donner la priorité à ce type d’enquêtes.

En outre, il est essentiel de s’intéresser aux faits sociaux liés à ce phénomène : respecter la victime sans la faire passer pour responsable de ce qu’elle a subi ; lutter contre la banalisation ; faciliter le recueil du témoignage, etc.

Allonger la prescription revient à fuir le problème de la prescription, lequel découle du manque de moyens dont souffrent les services de la police et de la justice. À l’évidence, il est nécessaire de réfléchir sur le sens de la peine, donc sur la pénalisation d’un certain nombre d’actes.

À nos yeux, cette réforme met en péril le droit au procès équitable. Au-delà d’un certain laps de temps, la prescription se veut garante du procès, car le dépérissement des preuves et de la capacité à s’y opposer demeure une réalité.

Le droit à être jugé dans un délai raisonnable impose des délais de prescription mesurés. La peine doit non seulement punir, mais permettre la réinsertion de l’individu. Elle doit donc rester individualisée.

Néanmoins, comme nous l’avons dit dès le stade de la première lecture, nous estimons que ce texte contient deux avancées. Premièrement, il assure davantage de sécurité juridique en précisant les conditions d’interruption du délai de prescription et en fixant les conditions de sa suspension. Deuxièmement, il étend l’imprescriptibilité totale – jusqu’alors réservée aux crimes contre l’humanité – aux crimes de guerre.

M. le président de la commission l’a rappelé de manière détaillée : le processus d’adoption de cette proposition de loi a été freiné par la disposition allongeant le délai de prescription des délits de presse de trois mois à un an pour les publications numériques.

Comme je l’ai indiqué voilà à peine quinze jours, les députés se sont opposés à cette disposition en séance publique, puis au sein de la commission mixte paritaire, au nom de la défense de la liberté de la presse. Ce geste a été salué par l’association des avocats praticiens de droit de la presse. L’ensemble des syndicats de la presse ont même manifesté leur hostilité à cette mesure. Ils craignaient « une discrimination injustifiée entre presses imprimée et numérique ».

Je le dis et je le répète : au-delà de cette disposition spécifique, le sujet soulève de nombreuses difficultés et se révèle beaucoup moins simple à résoudre qu’il n’y paraît.

En tout état de cause, la prescription des infractions de presse est une question bien particulière. Elle doit être traitée en tant que telle. La loi de 1881 devra certainement être modifiée. Sans préjuger en rien les majorités à venir, la législature qui s’annonce présentera, j’en suis sûre, l’occasion de réfléchir à ce sujet de manière globale, en incluant la question du support et la nécessité éventuelle de distinguer la presse écrite et la presse numérique selon leurs usages, donc quant aux droits et devoirs des journalistes.

Toutefois, pour l’heure, il nous paraît quelque peu cavalier de traiter la question au détour d’un article du présent texte. Comme il y a quinze jours, nous nous abstiendrons sur cette mesure très précise, que la commission a rétablie ce matin même et que, par voie d’amendement, notre collègue Esther Benbassa propose de supprimer.

Enfin, pour en revenir au texte qui nous occupe dans son ensemble – le dernier point évoqué n’en est qu’une partie mineure –, d’autres moyens que l’allongement de la prescription existent pour améliorer l’aide aux victimes. Je les ai déjà évoqués. Cette proposition de loi aurait dû s’y intéresser plutôt que de s’engouffrer dans une politique pénale toujours plus répressive.

C’est la raison principale qui nous conduit à nous opposer une nouvelle fois à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.

Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, au-delà du désaccord spécifique qui continue de diviser nos deux chambres après l’échec de la commission mixte paritaire à propos des délits de presse, l’examen de cette proposition de loi a surtout permis de constater que la question de la temporalité de la justice est loin de faire consensus.

En la matière, les aspirations de nos concitoyens sont parfois contradictoires. Les délais de l’instruction et du jugement leur semblent rarement satisfaisants. Lorsque la justice va vite, des voix s’élèvent pour dénoncer son caractère expéditif ; et lorsqu’elle va plus lentement, d’autres, parfois les mêmes, accusent les juges d’indigence.

Il ne s’agit pas d’un sujet nouveau. Dès les années 2000, la bonne administration de notre justice a été mise en cause devant la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, et la France a été condamnée à de nombreuses reprises pour la lenteur de ses procédures judiciaires. Depuis lors, la jurisprudence des « délais raisonnables » s’est largement imposée dans notre droit, à budget constant. N’est-il pas paradoxal, au regard des efforts demandés aux agents chargés de l’instruction pour réduire les délais de jugement dans l’intérêt du justiciable, de permettre à ce dernier de se manifester des années, voire des décennies après la survenance de faits dont il s’estime victime ?

Mes chers collègues, pour la prescription comme pour les délais de jugement, une seule question se pose à nous : à quel moment la justice doit-elle être rendue pour être utile ?

Tzvetan Todorov, disparu la semaine dernière, écrivait : « Le devoir de mémoire ne sera pas moralement justifié si le rappel du passé nourrit avant tout mon désir de vengeance ou de revanche, s’il me permet simplement d’acquérir des privilèges ou de justifier mon inaction dans le présent. » Cette maxime pourrait également s’appliquer au requérant très tardif.

En dehors des cas très particuliers que les juges prennent déjà en compte, à savoir les délits occultes et les omissions traumatiques, nous ne sommes pas favorables à une extension si longue du délai de prescription.

Rappelons qu’il s’agit de doubler les délais de droit commun. Mes collègues Jacques Mézard et Jean-Claude Requier ont déjà évoqué les limites de cette initiative, également reconnues par nombre de magistrats, à commencer par les membres de l’Union syndicale de la magistrature et du Syndicat de la magistrature : le dépérissement des preuves et la rancœur contre le système judiciaire qui pourrait en résulter. Pour les éviter, il faudra peut-être songer à former nos juges aux techniques de l’archéologie… (Mme Françoise Gatel et M. Yves Détraigne sourient.)

Plus sérieusement, et alors qu’il s’agit probablement du dernier texte relatif à la justice pénale que nous examinerons sous ce quinquennat, nous regrettons que ce débat ne se soit pas inscrit dans une discussion plus large quant à la modernisation du code de procédure pénale et même de notre justice.

Monsieur le garde des sceaux, vous n’êtes pas responsable de cette situation : vous avez pris le train des réformes en marche. (M. le garde des sceaux sourit.) Mais vous savez bien que ce débat s’impose depuis l’affaire d’Outreau et l’échec de la réforme de la collégialité de l’instruction.

Au cours de ce quinquennat, un certain nombre de chantiers ont été ouverts afin de moderniser notre système pénal.

La loi relative à l’individualisation des peines nous a permis de débattre de l’avenir des mesures alternatives aux peines de prison, qu’on les plébiscite ou que l’on s’y oppose.

La nécessité de garantir l’indépendance de nos magistrats a également animé nos discussions, bien que certaines entreprises décrétales postérieures risquent de mettre à mal les maigres avancées obtenues en la matière.

Nous avons tous à l’esprit les raisons qui, en revanche, nous ont contraints d’escamoter le débat sur l’amélioration de la procédure pénale : la nécessité de renforcer notre cadre légal de lutte contre le terrorisme. À nos yeux, les échanges que nous avons eus à ce sujet, en marge de l’examen de la loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, sont très insuffisants. Espérons que le prochain gouvernement se saisira de ce dossier avec plus d’ardeur !

Mes chers collègues, chacun de nous sait également que cette réflexion ne pourra déboucher sur des résultats probants si l’on maintient le ministère de la justice dans le carcan budgétaire qui est le sien. Là plus qu’ailleurs, on éprouve les limites de la théorie selon laquelle il est possible de faire mieux avec moins de moyens.

Tout en trouvant de nouveaux équilibres entre les différents acteurs de l’instruction, dans l’intérêt du justiciable, il faudra donc réfléchir aux gisements de moyens supplémentaires pour rendre notre système pénal plus efficace dans la lutte contre la récidive et plus respectueux des critères fixés dans nos engagements internationaux.

Sans aller jusqu’aux solutions qui ont permis aux Pays-Bas de réduire drastiquement le nombre de leurs détenus, au point de louer une partie de leur parc carcéral à leurs voisins, notre réflexion pourrait se nourrir davantage des expériences étrangères.

Enfin, l’examen de cette proposition de loi a mis en lumière le nouveau défi que nous pose internet, alors que certaines pratiques ravivent les débats relatifs à la liberté d’expression.

Si, dans leur majorité, les membres du groupe du RDSE sont plutôt favorables à la rédaction proposée par le Sénat sur la question précise de la prescription des délits de presse sur internet, nous considérons que le sujet mériterait d’être approfondi dans un cadre plus large.

Quoi qu’il en soit, cette préférence n’est pas de nature à emporter notre faveur pour l’adoption d’un texte dont – je l’ai dit – nous contestons le principe. La grande majorité des membres du groupe auquel j’appartiens voteront donc contre cette proposition de loi.