M. Jean-Pierre Sueur. Par cet amendement, nous proposons, dans un souci de clarification et d’efficacité, d’interdire aux partis et groupements politiques de recevoir des prêts de personnes physiques.

Il paraît en effet difficile d’effectuer un contrôle a posteriori des prêts sur le long terme et de s’assurer qu’ils ne constituent pas, en cas de non-remboursement, des dons supérieurs à 7 500 euros, ces derniers étant interdits.

Il nous semble qu’il serait plus clair de disposer que les personnes physiques ne peuvent pas faire de prêts aux partis politiques.

M. le président. L’amendement n° 38, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :

Alinéas 11 à 15

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 11-3-1. – Les prêts consentis par des personnes physiques à des partis politiques sont interdits. » ;

La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement est similaire à l’excellent amendement que vient de défendre M. Jean-Pierre Sueur.

L’objectif est d’éviter toute ambiguïté en interdisant complètement les prêts consentis par des personnes physiques à des partis politiques. On peut toujours trouver des moyens pour mieux les contrôler, mais on sait bien que la seule solution pour en finir avec ce système de prêts qui se transforment en dons est d’interdire complètement les prêts.

Par conséquent, je me rallie à l’amendement n° 117 et je retire le mien.

M. le président. L’amendement n° 38 est retiré.

L’amendement n° 189 rectifié, présenté par MM. Labbé et Cabanel et Mmes Benbassa, Archimbaud et Bouchoux, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le prêt consenti par un parti ou groupement politique à un autre parti ou groupement politique ne peut donner lieu au versement d’intérêts.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Certains micropartis politiques servent de réserve financière à des candidats ou à d’autres partis politiques. Si l’on ne peut interdire les prêts entre ces différentes entités juridiques, on peut interdire à ces formes de mini-banques privées de la vie politique de faire des bénéfices en se rémunérant sur les prêts qu’elles accordent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a émis des avis défavorables sur ces deux amendements.

S’agissant de l’amendement n° 117, le Gouvernement, dans son projet de loi, a déjà posé des mesures d’encadrement. Cet amendement est plus radical puisqu’il tend à interdire purement et simplement les contributions consenties, sous forme de prêts, par des personnes physiques au financement des partis politiques. Il ne faudrait pourtant pas que des formations politiques en viennent à être asphyxiées tant les contraintes pesant sur leur financement seraient alourdies. La commission des lois a accepté les restrictions apportées par le Gouvernement ; nous proposons, mes chers collègues, que l’on s’en tienne là.

Quant à l’amendement n° 189 rectifié, dont je comprends les intentions, qui sont positives, il tend en réalité à apporter une restriction qui ne me paraît pas utile. En effet, la loi relative au financement des partis politiques prévoit la possibilité de dons entre partis. Il ne serait donc pas cohérent que l’on ait, d’une part, cette possibilité, mais que, d’autre part, les prêts ne puissent être qu’à intérêt. C’est la raison pour laquelle cet amendement a lui aussi reçu un avis défavorable de notre part.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Nous avons en effet encadré les prêts octroyés par des personnes physiques de manière assez stricte : ces prêts auront une durée maximale de cinq ans et seront plafonnés. En outre, ils seront communiqués à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour vérifier qu’il ne s’agit pas de dons déguisés.

L’avis du Gouvernement est également défavorable sur l’amendement n° 189 rectifié.

Naturellement, les financements entre partis, notamment sous forme de dons ou de prêts, sont soumis aux obligations prévues par la loi du 11 mars 1988.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 117.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 189 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 119 rectifié, présenté par MM. Leconte, Sueur, Marie, Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Au début du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Une personne physique peut verser un don à un parti ou groupement politique si elle est de nationalité française ou si elle réside en France. » ;

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement a pour objet d’exclure du champ de financement de la vie politique française les personnes qui ne sont pas citoyennes françaises et celles pour lesquelles l’administration française n’a pas la capacité de s’assurer de l’origine des revenus qui leur permettent de financer un ou plusieurs partis politiques.

Cet amendement procède de la même logique que l’interdiction des dons faits par des personnes morales aux partis et groupements politiques, interdiction qui ne porte pas atteinte à la libre activité de ces derniers.

Il s’agit, en réalité, d’assurer une meilleure transparence des fonds qui peuvent parvenir aux partis. En effet, quand ils proviennent d’une personne physique qui n’est pas française ou ne réside pas en France, on ne sait pas du tout d’où vient l’argent : il y a donc là, pour ainsi dire, un trou dans la raquette  !

Afin d’assurer un parallélisme, les auteurs du présent amendement ont déposé un amendement similaire, concernant le financement des campagnes électorales, à l’article 9 du présent projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, l’article 4 de la Constitution prévoit que les partis politiques doivent respecter la souveraineté nationale. Les financements reçus de l’étranger peuvent faciliter l’influence d’États étrangers sur la vie politique française.

En second lieu, les autorités nationales françaises n’ont pas de réel pouvoir pour s’assurer qu’un prêteur étranger respecte nos lois en matière de financement politique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que la commission, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Nous soutiendrons évidemment cet excellent amendement.

Il ne faut pas oublier par ailleurs le travail effectué par la cellule TRACFIN sur les financements étrangers qui font l’objet de signalements obligatoires : cet amendement est absolument nécessaire, mais ces financements étrangers sont assez bien tracés grâce à la législation en vigueur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 37, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 16

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les associations de financement et les mandataires financiers ainsi que les micropartis doivent chaque année rendre publique la liste des personnes ayant consenti annuellement un ou plusieurs dons d’une valeur totale supérieure à 500 euros. » ;

La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. L’objectif est d’atteindre une transparence un peu à l’anglo-saxonne : tout mettre sur la table permet d’éviter les abus.

Reste à fixer à partir de quelle valeur totale les dons doivent être rendus publics. Mon amendement prévoit de fixer le seuil à 500 euros.

Le groupe socialiste et républicain a déposé un amendement similaire avec un seuil de 2 000 euros. Si mon amendement n’était pas adopté, je me rallierais bien sûr à cette proposition.

M. le président. L'amendement n° 50 rectifié, présenté par MM. Leconte, Courteau et Mazuir, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La liste des donateurs et le montant des dons de plus de 500 euros consentis à une association de financement ou à un mandataire financier d’un parti politique sont rendus publics par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans les conditions fixées par le même décret en Conseil d’État.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 120 rectifié, présenté par MM. Marie, Sueur et Leconte, Mmes Lienemann et Yonnet, MM. Vandierendonck, Durain, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette dernière publie, pour chaque parti, le nom des personnes physiques dont le montant total des dons excède annuellement 2 000 euros.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Défendu, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par Mme Lienemann, n'est pas soutenu.

L'amendement n° 98, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La liste des donateurs pour les dons ou les prêts supérieurs à plus de 2 500 euros est rendue publique par la Commission nationale des compagnes et des financements politiques.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. L’objet de cet amendement est simple. Il s’agit de prévoir, en sus des obligations des partis politiques et candidats auprès de la Commission nationale des comptes des campagnes et des financements politiques, une obligation de publicité par cette instance des donateurs de plus de 2 500 euros.

L’exigence de transparence conduit ainsi à rendre accessibles à tous, et non pas seulement à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, ces informations importantes pour la compréhension des liens d’intérêts et de finances entre un candidat ou un parti politique et des personnalités influentes.

Peut-être se souvient-on ici des déclarations de François Bayrou avant qu’il ne devienne garde des sceaux – un garde des sceaux éphémère, certes, mais il reste l’initiateur de ce projet de loi – dans lesquelles il faisait référence à la levée de fonds du président Macron à la City, à New York, parmi des banquiers et autres puissants de ce monde et s’interrogeait sur cette problématique. Nous partageons sa volonté de limiter la porosité entre la finance et la politique, même si la politique a besoin de financements.

C’est l’une des raisons qui nous poussent non pas à interdire ces dons, mais simplement à en assurer une publicité pleine et entière pour nos concitoyens.

Nous avons déposé un amendement identique, que nous ne défendrons pas, à l’article 9.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La République française impose à chaque citoyen de passer, à l’occasion de chaque scrutin, par l’isoloir pour exprimer ses choix politiques, et ce depuis maintenant 128 ans.

Cette règle a été inventée pour permettre à nos concitoyens d’échapper à toute pression. Nul ne peut en France se voir imposer la révélation, à son insu ou malgré lui, de ses choix politiques. Quand il verse une aide à un parti politique et qu’il n’entend pas le faire savoir à son employeur, aux membres de sa famille, à son cercle d’amis, à son club de tennis, un Français n’a pas à être exposé à la divulgation d’une information qui relève strictement de sa vie privée et des choix qu’il accomplit en conscience comme citoyen s’il ne l’a pas décidé de lui-même.

Par conséquent, en raison de ces principes constitutionnels fondamentaux, auxquels nous sommes tous profondément attachés, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune. (Très bien ! sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement est évidemment attaché aux deux principes constitutionnels que sont le droit au respect de la vie privée et la liberté de conscience. C’est pourquoi, comme la commission des lois, il émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50 rectifié.

M. Jean-Yves Leconte. Je le retire, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 50 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 120 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l'amendement n° 98.

Mme Laurence Cohen. J’entends les arguments du rapporteur sur la nécessité de préserver les choix individuels et, comme l’ensemble de mon groupe, j’y suis sensible.

Toutefois, on confond, me semble-t-il, les choix individuels d’une personnalité et ce que vise cet amendement, à savoir la porosité entre pouvoir politique et pouvoir économique. Il s’agit là d’un autre monde, permettez-moi de le signaler, dans lequel des pressions peuvent s’exercer, ce qui constitue un réel danger. J’ai évoqué de manière feutrée l’intervention des grandes banques, qui exercent une influence extrêmement forte du point de vue économique.

Pour notre part, nous considérons que c’est toujours le politique qui prime sur l’économique. Reste que c’est une lutte acharnée, et il y a aussi une question de classe. Il faut réfléchir aux incidences que pourrait avoir cet amendement sur les décisions qui sont prises dans un pays comme le nôtre, en Europe et dans le monde.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Pour avoir déposé un amendement du même type, je comprends tout à fait la position de nos collègues. Malgré tout, s’agissant du financement de la vie politique, même si elle n’est pas exemplaire et s’il nous faut l’améliorer, notre législation est assez précise et je crois que nous pouvons en être fiers, surtout quand on la compare à ce qui se passe ailleurs, en Europe et dans le monde.

La disposition relative aux donateurs étrangers est une assurance de plus en termes de transparence et de non-dépendance.

Même s’il nous faut avancer par petits pas, en tenant compte du fait que pour certains les opinions politiques relèvent de l’intime même s’ils veulent aider un parti, et même si ces amendements ne sont pas adoptés, il me semble que nous aurons progressé à l’occasion de cette discussion.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 99, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 18

Remplacer les mots :

dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen

par les mots :

sur le territoire de la République française

II. – Alinéa 22

Après les mots :

droit étranger

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 79, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 18

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre d’une participation au financement d’un autre parti ou groupement politique ou d’une campagne électorale d’un candidat, les partis ou groupements politiques ne peuvent fournir des biens ou des services à des prix supérieurs à leurs prix d’achat effectif. »

II. – Alinéa 26

Remplacer le mot :

cinquième

par le mot :

sixième

III. – Après l’alinéa 28

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les mêmes peines sont applicables à un groupement ou parti politique qui a, pour le compte d’un autre parti ou groupement ou d’un candidat, fourni des biens ou des services en violation du quatrième alinéa de l’article 11-4. » ;

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Avec les établissements de crédit et sociétés de financement, les partis et groupements politiques sont les seules personnes morales à pouvoir financer une autre formation politique et des candidats aux élections.

Afin d’éviter un contournement de la loi par certaines formations politiques, il est proposé d’interdire la fourniture de prestations surfacturées d’un parti ou groupement politique à un candidat lors d’une campagne électorale et des partis et groupements politiques entre eux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. C’est un amendement intéressant, mais, dès lors que les dons entre partis politiques ne sont pas limités, on ne saurait encadrer les achats entre partis politiques, qu’ils soient surévalués ou sous-évalués, au motif d’empêcher un don déguisé. Si un parti politique voulait consentir un don à un autre parti politique, il pourrait l’effectuer directement.

Cet amendement revient de façon sous-jacente à remettre en cause les dons entre partis politiques : sous-évaluer ou surévaluer un prix, c’est précisément faire un don, et les dons sont permis. À la limite, il faudrait tous les interdire. Si c’était ce que vous souhaitiez, nous en débattrions, mais ce n’est pas l’objet de votre amendement.

Pourriez-vous le retirer, cher collègue ?

M. Jean-Pierre Grand. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 79 est retiré.

L'amendement n° 140, présenté par M. Maurey, n'est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 201 rectifié, présenté par M. Labbé et Mmes Benbassa et Archimbaud, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 28

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 11-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de manquement aux obligations prévues par la loi n° … du … rétablissant la confiance dans l'action publique, la commission peut également interdire à un parti politique de consentir des prêts ou des avances remboursables, à un parti, un groupement politique ou un candidat pour une durée maximale de cinq ans. » ;

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. La principale sanction d’un parti en cas de manquement à ses obligations comptables, à savoir la perte de la possibilité de financer la campagne électorale d’un candidat ou d’un autre parti politique, n'est toujours pas inscrite dans la loi. Comme le soulignait la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans son rapport d’activité de 2016, cette sanction reste d’origine jurisprudentielle. Il est proposé de mettre fin à cette lacune et de fixer à cinq ans la durée de l’interdiction.

M. le président. L'amendement n° 80, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :

Alinéa 36

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Pendant la durée des sanctions, les partis ou groupements politiques ne peuvent contribuer au financement d’un parti ou groupement politique pour lequel la commission a constaté un manquement aux obligations prévues au présent article.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. L’article 9 de la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats a permis à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de moduler les sanctions et leur durée en cas de manquement aux obligations comptables pour une meilleure proportionnalité entre les motifs du constat et ses conséquences juridiques. Cette disposition est conservée dans la nouvelle rédaction de l’article 11-7 proposée à l’article 8 du présent projet de loi.

Cependant, les actuelles dispositions relatives à la sanction du non-respect des obligations comptables semblent ne pas atteindre complètement l’objectif. En effet, certaines formations politiques défaillantes peuvent, peu après la décision les concernant, créer un parti politique « frère » dont la dénomination est très proche et qui est uniquement destiné à se substituer l’année suivante à la formation en cause pour l’encaissement des dons et cotisations. Les fonds ainsi perçus ouvrant droit à la réduction d’impôt au bénéfice des sympathisants et adhérents, la formation nouvellement créée peut ensuite en toute légalité les reverser au profit du parti pour lequel un manquement avait été constaté.

Ce constat illustre la difficulté pour le législateur de définir une sanction adéquate et efficace à l’encontre des partis politiques qui ne respecteraient pas les obligations prévues par la loi sur la transparence financière.

Sans remettre en cause la liberté constitutionnelle de création et d’organisation des partis politiques, il est proposé d’interdire à un parti ou groupement politique sanctionné de recevoir des contributions financières d’autres partis ou groupement politiques.

Il s’agit là de répondre à une recommandation de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, notamment dans son seizième rapport d’activité, publié en 2014.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 201 rectifié, car le texte de la commission atteint à peu près le même résultat par un autre biais.

À M. Grand, je veux dire que nous partageons la préoccupation qu’il exprime à l’amendement n° 80. En commission, notre collègue Hugues Portelli a déposé un amendement visant à sanctionner pénalement le non-dépôt des comptes des partis politiques, amendement qui a été adopté. Ces sanctions sont assez lourdes, puisqu’elles comportent des peines de prison et des peines d’amendes allant jusqu’à 45 000 euros.

Dans la mesure où cette disposition a été intégrée au texte de la commission, mettre en concurrence une sanction administrative et une sanction pénale risque de vider cette dernière, qui est beaucoup plus sévère, de sa portée.

C’est la raison pour laquelle j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement, à moins que vous ne décidiez de le retirer, mon cher collègue, à la lumière de cette explication et dans la mesure où votre intention était de prévoir une sanction.

M. le président. Monsieur Grand, l’amendement n° 80 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Grand. Si j’ai bien compris, pour un parti défaillant, la sanction est lourde. Cependant, si un autre parti peut récupérer des fonds et les transférer au parti sanctionné, il remboursera en quelque sorte la sanction. Ce n’est pas le but.

M. Philippe Bas, rapporteur. Dans ce cas, cet autre parti sera sanctionné pour non-présentation de ses comptes annuels !

M. Jean-Pierre Grand. Je retire mon amendement, mais je suggère que l’on y réfléchisse.

M. le président. L'amendement n° 80 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 201 rectifié ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’interdiction de financer un parti qui a méconnu ses obligations comptables résulte de la loi du 11 mars 1988. Elle découle des sanctions prononcées par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à savoir la perte du bénéfice des dispositions des articles 8 à 10 de la loi de 1988 et du bénéfice de la réduction d’impôt prévu à l’article 200 du code général des impôts.

La durée de ces sanctions initialement fixées à un an a été portée à trois ans par la loi du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats.

Compte tenu de tous ces éléments, il ne paraît pas opportun de changer la loi.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Mme la ministre m’a convaincu. Aussi je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 201 rectifié est retiré.

L'amendement n° 216, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 30

Après le mot :

politiques

insérer les mots :

bénéficiaires de tout ou partie des dispositions des articles 8 à 11-4

La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 prévoit que les partis et groupements politiques ont l'obligation de tenir une comptabilité et de déposer des comptes certifiés, lesquels sont contrôlés par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

La loi du 11 mars 1988 ne donne aucune définition des partis et groupements politiques. Son champ d’application résulte de l’économie générale du dispositif de transparence du financement de la vie publique politique telle qu’elle a été interprétée par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État.

En l'état du droit, les obligations comptables s'imposent, d'une part, aux partis et groupements politiques qui bénéficient d'un financement public, d'autre part, à ceux qui se soumettent au dispositif prévu par les articles 11 à 11-4 de la loi du 11 mars 1988. Ce dispositif repose sur le recours à un mandataire et sur la mise en œuvre d'un cadre strict de financement. En contrepartie, les partis et groupements politiques peuvent notamment recevoir des dons ouvrant droit à une réduction d'impôt et contribuer au financement des campagnes électorales ou d’autres partis.

Les obligations comptables prévues par la loi du 11 mars 1988 et le contrôle de la Commission des comptes de campagne et des financements politiques n'ont de sens que pour ces seuls partis et groupements politiques. Étendre les obligations comptables à l'ensemble des partis et groupements politiques serait de nature à remettre en cause l'équilibre du dispositif de transparence du financement de la vie politique issu de la loi de 1988 et validé par le Conseil constitutionnel au regard de l'article 4 de la Constitution.

Compte tenu des sanctions administratives et pénales dont est assorti le non-respect des obligations comptables prévues par l’article 11–7, il est indispensable d'éviter toute ambiguïté ou difficulté sur leur champ d'application. C’est pourquoi cet amendement vise à revenir à la rédaction actuelle de la loi, qui est maîtrisée par l'ensemble des parties prenantes.