Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. C’est terrible de se retrouver non inscrit ! (Sourires.) Je le ressens depuis trois jours ! On a l’impression de ne plus être nulle part… Avec ma collègue Corinne Bouchoux, nous essayons d’occuper le terrain et d’être des sénateurs non inscrits-écologistes ! J’ai d’ailleurs eu une fausse joie : mon amendement n° 198 rectifié a été rejeté à une voix près…

L’amendement de Bruno Retailleau me semble intéressant, et je le voterai en mon nom propre, ne pouvant plus m’exprimer au nom d’un groupe. (Nouveaux sourires.)

Les parlementaires, en particulier les sénateurs, doivent exister dans les structures représentatives de nos territoires, surtout avec le non-cumul des mandats. Heureusement que le non-cumul des mandats a été voté ! J’estime même, à titre personnel, que l’on peut difficilement être à la fois conseiller régional ou conseiller départemental et parlementaire, si l’on veut bien faire son travail.

La réserve parlementaire fait débat, et c’est normal. Nous appliquions depuis longtemps, au groupe écologiste, la transparence la plus totale. Les petites communes rurales ont besoin de ces subventions, nous sommes bien placés pour le savoir. On reproche à certaines associations d’être politiques, mais, dès lors que l’on s’intéresse aux affaires de la cité, on fait de la politique. Les associations d’éducation populaire souffrent d’un cruel manque de moyens. La réserve parlementaire nous permettait de les financer. Pour ma part, j’essayais de répartir à peu près équitablement l’enveloppe entre les associations et les communes.

Nous devons mener un véritable débat sur la réserve parlementaire, mais nous avons besoin à la fois de celle-ci et de la DETR.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je suis cosignataire de l’amendement présenté par M. Retailleau. Que l’ensemble des sénateurs et des députés du département, et non pas seulement quatre, puissent siéger à la commission chargée de répartir la DETR serait une bonne chose. Avant la DETR existait la dotation globale d’équipement, la DGE, qui fonctionnait en gros selon le même principe, avec l’intervention d’une commission d’élus.

Qui décide réellement en matière d’attribution des subventions au titre de la DETR ? En tant que sénateurs, nous pouvons soutenir tel ou tel dossier, mais ensuite la décision est laissée à l’appréciation du préfet et des sous-préfets. Les choses ne sont pas simples. Comme l’a rappelé le président Bas, il faut aussi tenir compte du nouveau dispositif de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements. Ce point est important.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Je voudrais profiter de ce débat sur la DETR pour évoquer la réserve parlementaire. La DETR est une enveloppe attribuée à chaque département, régie par le préfet et répartie par arrondissement. Ce sont les sous-préfets qui ont toute latitude pour attribuer les dotations aux communes comme ils l’entendent, sur la base de critères prédéfinis. Le préfet n’a obligation que de communiquer les projets bénéficiant d’une subvention supérieure à 150 000 euros.

La DETR ne prend pas en compte certains investissements pourtant nécessaires aux petites communes. J’ai par exemple dû financer grâce à la réserve parlementaire, dans mon département, l’installation de distributeurs de billets dans de petites communes, les banques avançant toutes sortes de raisons, notamment de sécurité, pour ne pas s’en charger, alors que la présence de ces équipements permet, on le sait, de sauver des commerces.

C’est pourquoi nous devrons être très attentifs à la question de la réserve parlementaire, dont les règles d’attribution doivent évoluer, mais qui ne devra en aucun cas être fondue avec la DETR. Il conviendra notamment de sacraliser les fonds destinés aux communes.

M. Philippe Bas, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. En tant que sénateur représentant les Français de l’étranger, c’est avec beaucoup d’humilité que j’interviens sur ce sujet. Je souhaite cependant vous faire part de la gêne que j’éprouve à l’écoute de ce débat : un mandat de parlementaire est un mandat national.

Lorsque nous avons réformé la représentation des Français de l’étranger, nous avons coupé le lien entre l’Assemblée des Français de l’étranger et les parlementaires représentant ces derniers. On souhaite naturellement toujours continuer à suivre ce qui se passe sur le terrain et y jouer un rôle actif, cependant la vocation d’un parlementaire est de voter la loi et de contrôler l’action du Gouvernement : quand on exerce cette fonction de représentant de la nation, il est tout de même difficile de prétendre avoir une influence directe sur ce qui se passe dans le territoire dont on est issu. C’est une question de lisibilité de l’action publique et du rôle de chacun pour nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Je rappelle que les parlementaires votent le budget de l’État, dont la dotation d’action parlementaire est une modeste part. De ce fait, il n’est pas inintéressant, pour nous, de pouvoir vérifier sur le terrain comment sont répartis par le préfet les crédits que nous avons votés.

Par ailleurs, Mme la ministre estime que prévoir une majorité des trois cinquièmes risque d’entraîner des blocages. Je ne le crois pas. Sur le terrain, les parlementaires sont capables de trouver ensemble des solutions pour régler les problèmes locaux, notamment en secteur rural. En pratique, les choses se passent très bien : nous trouvons toujours une voie pour répartir les financements de manière équitable. Je ne crains donc nullement des blocages. Même avec une majorité des neuf dixièmes, je suis persuadé que nous continuerions de trouver des solutions intelligentes.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Le président Bas m’a suggéré de retirer l’amendement que j’ai présenté : je laisse à Rémy Pointereau le soin d’en décider. Personnellement, je me rallierais volontiers à l’amendement de M. Retailleau.

Madame la ministre, votre position m’étonne quelque peu. Vous affirmez rechercher la transparence, mais j’ai le sentiment que dans votre esprit elle doit valoir davantage pour les parlementaires – nous avons montré notre bonne volonté à cet égard – que pour le Gouvernement.

Ainsi, vous ne souhaitez pas que la réserve ministérielle soit traitée comme la dotation d’action parlementaire. En ce qui concerne les frais de représentation des ministres, nous avons compris que vous ne souhaitiez pas non plus qu’ils soient traités comme l’IRFM des parlementaires. Dans le même ordre d’idées, la solution que nous proposons pour la dotation de l’État qu’est la DETR ne vous agrée pas.

Le Gouvernement gagnerait à appliquer la même exigence de transparence à son action qu’à celle des parlementaires. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne peux rester insensible au fait que de tels propos suscitent des applaudissements…

Je précise que je ne me suis pas encore prononcée sur la réserve ministérielle, ce sujet relevant du projet de loi organique, que nous examinerons ultérieurement. Je ne vois pas très bien, monsieur le sénateur, par quel procédé divinatoire vous pouvez savoir à l’avance quelle sera ma position… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. En ce qui concerne la proposition de M. Retailleau, il me semble avoir expressément dit que je n’y étais pas hostile. J’ai même indiqué que je souscrivais à son principe. Simplement, je ne crois pas que ce soit le lieu ni le moment d’évoquer cette question. Nous aurons d’autres occasions de le faire.

À ce stade de nos débats, il me semblait utile de préciser ma pensée, que je n’avais certainement pas exprimée suffisamment clairement tout à l’heure…

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.

M. Michel Raison. Madame la ministre, je salue ces précisions, mais nous devrons être très attentifs à la question de la réserve ministérielle. Celle-ci, je le rappelle, concerne aussi de hauts fonctionnaires. Ainsi, dans mon département, un ambassadeur, qui possède une résidence secondaire dans une petite commune de 150 habitants, a fait appel à la réserve ministérielle pour financer un projet ; le député du lieu n’était pas du tout au courant et n’a pas compris pourquoi la subvention qu’il avait demandée au bénéfice du même projet a été annulée : la réserve parlementaire et la réserve ministérielle s’étaient entrechoquées ! Il faut remettre un peu d’ordre dans tout cela.

En ce qui concerne les associations, je voudrais dire à notre collègue Joël Labbé, qui lutte en permanence et avec une belle ferveur contre les conflits d’intérêts et le lobbying, qu’il défend ici une forme de clientélisme. J’en suis choqué !

M. Joël Labbé. Vous ne m’avez pas bien entendu !

M. Michel Raison. La réserve parlementaire va être supprimée, mais il faut sauvegarder les moyens destinés aux communes. Si les communes disposent d’un budget suffisant, il leur revient de décider, en toute objectivité, si elles doivent aider telle ou telle association. Cela n’incombe pas au parlementaire, qui pourra être motivé par des considérations électoralistes.

M. François Patriat. Quelle hypocrisie !

M. Michel Raison. Monsieur Labbé, je ne vous comprends plus !

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Le sujet qui nous occupe à cet instant, c’est la DETR, et pas la réserve parlementaire ou la réserve ministérielle.

Je constate que François Baroin, président de l’Association des maires de France, n’est pas cosignataire de l’amendement présenté par M. Retailleau. Cela se comprend : notre rôle n’est pas de nous substituer aux communes. Il revient à celles-ci, via la commission des maires désignée par l’association départementale des maires, d’établir, en concertation avec le préfet, les critères de répartition de la DETR. C’est ensuite le préfet, dans son impartialité – quoi qu’on en pense –, qui attribue les subventions. Il en est ainsi dans tous les départements.

Nous sommes donc défavorables à ces amendements. Une telle mesure a d’ailleurs déjà été adoptée, mais le président Larcher nous a indiqué qu’il était impossible de la mettre en œuvre. Dans un département comme le Nord, va-t-on faire siéger, au côté de sept maires, une trentaine de parlementaires ?

Comme le disait justement Jean-Yves Leconte, nous ne devons pas nous substituer aux maires. Le Sénat, en particulier, qui représente les collectivités territoriales, ne doit pas prendre le pouvoir sur les communes. L’Association des maires de France et les associations départementales de maires doivent continuer de jouer un rôle central dans le dispositif de la DETR, attribuée in fine par le préfet. Que des délégués des parlementaires puissent être membres des commissions, pourquoi pas ? Mais je m’oppose à ce que les sénateurs prennent le pas sur les maires, qui sont les représentants légitimes de leur territoire. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.

M. René Vandierendonck. À partir de mon expérience personnelle, je trouve tout de même problématique que les parlementaires ne soient aucunement informés, ni a fortiori consultés, sur la manière dont la DETR est attribuée.

Lors des débats sur la loi NOTRe, nous avions tenté de formuler des propositions. Personnellement, j’ai voté en faveur du non-cumul des mandats, mais il me paraît évident que les sénateurs, aux termes de la Constitution représentants des collectivités territoriales, doivent être consultés s’agissant par exemple des dépenses destinées à la revitalisation rurale. Cela ne semble pas exorbitant ! Que nous ne soyons pas associés à la manière dont la DETR est répartie me paraît constituer une lacune.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.

M. Rémy Pointereau. Du fait du non-cumul des mandats, les parlementaires vont à l’évidence devenir des élus « hors-sol », déconnectés des réalités de terrain. Être conseiller municipal d’une petite commune ne peut suffire pour appréhender l’ensemble des problèmes du territoire. C’est pourquoi il me semble tout à fait indispensable que les parlementaires puissent siéger dans un certain nombre de commissions départementales, telles que la commission départementale de la coopération intercommunale, les commissions d’accessibilité ou, plus encore, la commission chargée de répartir la DETR, puisque ce sont bien eux qui votent les crédits alimentant la DETR. Cela justifie amplement qu’ils aient un droit de regard sur l’utilisation de cette dotation, d’autant qu’elle progresse tandis que la dotation globale de fonctionnement diminue. Dans mon département, la DETR constitue désormais l’enveloppe la plus importante.

On invoque la transparence à propos de la réserve parlementaire : on pourrait faire de même pour la DETR. Je fais partie, en tant que maire, de la commission d’élus de mon département, mais seuls les dossiers de plus de 150 000 euros sont étudiés par celle-ci. Dans mon département, nous avons réussi à obtenir que ce seuil soit abaissé à 100 000 euros, mais en deçà on s’en remet au bon vouloir du préfet, qui décide sans aucune transparence ! Il serait tout à fait logique que les parlementaires siègent dans cette commission.

Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. François Patriat. J’ai un peu l’impression d’être au café du commerce… Peut-être pourrions-nous prendre un peu de hauteur ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Vous allez nous y aider…

M. François Patriat. J’ai entendu beaucoup d’interventions qui ne concernent pas vraiment l’objet du projet de loi que nous examinons aujourd’hui et qui portent sur des questions d’argent à distribuer, de reconnaissance, voire de clientélisme.

Si, au motif que nous votons le budget de l’État, nous devons siéger dans toutes les commissions qui prennent des décisions en matière d’attribution d’argent public, nous y passerons toutes nos journées ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Patriat. Vous voulez être partout, alors que votre rôle de parlementaire se joue ici ! Il n’est pas d’intervenir pour l’attribution d’une subvention destinée au lavoir, au terrain de boules ou de tennis de telle ou telle commune… Vous êtes dans le vieux monde ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous n’avez pas compris ! Votre attitude dénote un état d’esprit que je déplore. Pour ma part, je suis pleinement d’accord avec Didier Guillaume.

Un sénateur du groupe Les Républicains. Retournez au PS, alors !

M. François Patriat. Il a eu raison de dire que la DETR doit être attribuée selon des critères établis en concertation avec les associations départementales de maires. Un parlementaire a autre chose à faire que siéger dans des commissions les lundis, mardis et vendredis après-midi pour que tel ou tel maire sache que c’est grâce à lui que sa commune recevra une subvention ! Tout cela me paraît bien dérisoire et n’honore pas le Parlement ! Je ne m’y associe pas !

M. Rémy Pointereau. C’est méprisant !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. L’intervention de M. Patriat me conduit à m’exprimer de nouveau. Mon cher collègue, je reconnais que, par cette brillante déclaration, vous avez réussi à faire prendre de la hauteur à nos débats… (Rires sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme Catherine Deroche. C’est la pensée complexe !

M. Philippe Bas, rapporteur. Pour ma part, je voudrais souligner que le Sénat, qui représente les collectivités territoriales de la République, a toute légitimité à vouloir que les commissions qui attribuent les subventions au titre de la DETR travaillent sous le regard de tous les parlementaires, qu’ils siègent à gauche, à droite ou au centre, ou même nulle part… (Sourires.)

Il me paraît très important d’admettre ce principe, afin que nous puissions demeurer enracinés dans nos territoires. Notre légitimité tient aussi à notre expérience de terrain, et il est essentiel de la cultiver.

En matière de transparence, au cours de ma déjà longue expérience des affaires publiques, j’ai pu constater que les différents ministères disposent de très nombreux crédits d’intervention. Ainsi, les subventions de l’État aux associations représentent plus de 2 milliards d’euros chaque année. Or je me suis aperçu, au fil des ans, que l’attribution de ces crédits qui irriguent le territoire national, dans les domaines de la culture, du sport ou de la santé par exemple, s’effectue dans des conditions souvent opaques, tandis que tout ce qui concerne l’utilisation de la réserve parlementaire fait l’objet d’une totale transparence et publicité. De surcroît, les parlementaires de tout bord ont accès à celle-ci exactement dans les mêmes conditions. Ce système constitue le seul moyen à notre disposition aujourd’hui pour assurer le financement par l’État de petits travaux qui n’entrent pas dans son champ de vision habituel. En effet, l’État est naturellement porté à regarder toujours plus haut, conformément à ce que vous semblez souhaiter, monsieur Patriat.

De mon côté, je souhaite que l’on regarde suffisamment bas (Rires.) pour percevoir les besoins des petites collectivités en matière de financements ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. François Patriat. La démagogie n’a pas de limites !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 277 rectifié.

J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public, émanant l’une de la commission des lois, l’autre du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 112 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 317
Pour l’adoption 185
Contre 132

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14, et les amendements nos 11 rectifié quater et 181 rectifié n’ont plus d’objet.

Articles additionnels après l'article 14
Dossier législatif : projet de loi pour la confiance dans la vie politique
Demande de seconde délibération

Intitulé du projet de loi

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 224, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Projet de loi rétablissant la confiance dans l’action publique

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à revenir à l’intitulé initial du projet de loi. Rétablir la confiance des citoyens dans l’action publique, conduite tant par les parlementaires que par le Gouvernement : tel est exactement notre objectif.

Mme la présidente. L’amendement n° 180, présenté par MM. Doligé et Cardoux, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Projet de loi portant diverses dispositions relatives à la transparence démocratique

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Avant que la commission ne change l’intitulé du projet de loi, je m’étais moi-même penché sur la question. À la lecture du texte, je l’ai trouvé stigmatisant, uniquement négatif, visant à mettre en avant des turpitudes potentielles, en premier lieu de la part des parlementaires. Je n’ai pas du tout apprécié cette approche, qui m’a fait penser à une chanson d’Henri Salvador, Zorro est arrivé

L’exposé des motifs du projet de loi précise, à juste titre, que « beaucoup a été fait ces dernières années » et que plusieurs lois concernant « la transparence, la fraude, la grande délinquance économique et financière » ont déjà été votées. Comme l’a indiqué le Conseil d’État, l’intitulé choisi est donc susceptible de donner lieu à des interprétations inappropriées. En effet, le terme « rétablir » est subjectif. Qui peut dire quel est le seuil du rétablissement ? Si la confiance n’existe plus, ce qu’exprime l’intitulé, peut-on affirmer que les mesures proposées restitueront la confiance ? Où se situe le seuil entre confiance et défiance ?

Depuis quelques années, les lois fondées sur une telle motivation se succèdent, et le dépôt de ce nouveau projet de loi tend à prouver que l’objectif n’a toujours pas été atteint.

Selon ses auteurs, le texte doit permettre de « rétablir la confiance dans l’action publique ». Mais l’exercice de l’action publique est-il limité aux parlementaires, aux membres du Gouvernement et aux maires, qui sont concernés par ce texte, ou relève-t-il d’acteurs beaucoup plus nombreux ? En effet, tous les agents publics – ils sont plusieurs millions en France – participent à l’action publique. De très nombreux agents publics ont des responsabilités importantes.

Or, dans le texte du Gouvernement, il est de fait sous-entendu que l’action publique est limitée aux quelques élus visés et que les mesures proposées vont permettre de redonner confiance dans celle-ci.

Je propose de modifier l’intitulé du projet de loi pour le rendre plus conforme à la réalité de son contenu. Nous ne sommes pas là pour faire de la démagogie, mais pour régler des problèmes.

Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par MM. Cabanel, Manable, Tourenne et Duran, Mmes Yonnet et Monier, MM. Labazée, Carcenac et Courteau et Mme Jourda, est ainsi libellé :

Compléter cet intitulé par les mots :

en renforçant sa moralisation

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Le présent amendement a pour objet de préciser l’intitulé du projet de loi, en rappelant l’objectif de moralisation, conformément à l’intitulé initial du texte.

Je ne me lancerai pas dans une analyse sémantique du terme, n’étant pas un expert en linguistique, mais je puis vous assurer qu’il n’y a là aucune référence à une morale religieuse ou à un quelconque dogme. Il s’agit seulement de se référer à un mot qui est aujourd’hui employé par les médias et les citoyens pour évoquer le contexte actuel et ce projet de loi. Pour moi, il s’agit avant tout d’affirmer une éthique et une exemplarité.

Ce mot revêt un sens simple pour tous : « faire la différence entre ce qui est bien et ce qui est mal, et les lois sont faites pour ça », comme le précise Catherine, une citoyenne qui a apporté une contribution sur la plateforme « Parlement & citoyens » où, avec mon collègue Joël Labbé, nous avons mis en consultation publique ce projet de loi et nos amendements.

En effet, il nous a semblé évident que ce projet de loi était par excellence un texte à mettre en débat avec les citoyens. Le Gouvernement s’y était d’ailleurs engagé, mais cela n’a pas été fait. Nous y avons remédié, car on ne peut éluder le débat citoyen sous couvert de contraintes de calendrier.

Dans cette démarche purement législative, l’intitulé « projet de loi rétablissant la confiance dans l’action publique » nous a paru quelque peu présomptueux, car en présentant un texte inspiré par les seuls élus, sans débat initial avec les citoyens, nous reproduisons les schémas d’hier, tant critiqués.

Ce sont les méthodes employées qui vont changer la donne et restaurer la confiance ; les seules intentions ne suffisent pas. N’ayons pas peur des mots, car les Français savent comprendre quelles sont nos intentions au travers des formules choisies. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Madame la ministre, pardonnez-moi, j’ai du mal à trouver mes mots. Je trouve quelque peu prétentieux l’intitulé « projet de loi rétablissant la confiance dans l’action publique ». Disant cela, je ne vous vise pas personnellement, car il s’agit d’un arbitrage gouvernemental.

Cette loi, vous le savez, ne rétablira pas la confiance, car la confiance dépend de beaucoup d’autres facteurs. Elle n’est pas atteinte uniquement parce qu’il y a des doutes sur les modalités de régulation de la vie publique. On le sait bien, le chômage endémique, la difficulté pour les jeunes d’accéder à l’emploi, la stagnation du pouvoir d’achat jouent aussi. Dans le même temps, les Français voient ce qui se passe depuis des années au Royaume-Uni et en Allemagne, deux pays qui ont atteint le plein emploi.

Je ne doute pas que le Gouvernement va s’atteler à la tâche et inscrire au premier rang de ses priorités le redressement économique et social. Je serais heureux qu’il réussisse dans cette entreprise, mais, de grâce, ne donnons pas à croire aux Français que nous-mêmes pourrions imaginer qu’une loi, la trente-et-unième de cet ordre depuis 1985 et la première loi réglementant le cumul des mandats, permettra de « rétablir la confiance dans l’action publique », même si ce texte peut constituer une pierre apportée à l’édifice.

C’est tout simplement par souci d’honnêteté intellectuelle et d’exactitude que la commission a cherché un autre intitulé. Je reconnais que celui que nous avons trouvé est d’une très grande platitude, mais il me semble mieux refléter la réalité de ce texte.

Monsieur Doligé, je crois que vous êtes inspiré par les mêmes motifs que la commission des lois en proposant l’intitulé « projet de loi portant diverses dispositions relatives à la transparence démocratique ». C’est encore trop, à mon avis, et je préférerais que vous acceptiez de vous rallier à notre suggestion. Je vous propose donc de retirer votre amendement au bénéfice de celui de la commission.

Monsieur Cabanel, votre amendement rehausse le niveau d’ambition, mais, pour les mêmes motifs qui m’ont poussé à ne pas retenir l’amendement du Gouvernement, je ne peux pas y donner un avis favorable. Faire référence à la moralisation au sens propre du terme – pardon de faire un peu de sémantique – signifierait que la loi peut créer de la morale. Or, au contraire, c’est la morale qui crée de la loi. La loi, quant à elle, instaure des régulations qui imposent des comportements à ceux qui n’auraient pas suffisamment de morale pour se les imposer eux-mêmes spontanément. À mon sens, il n’est donc pas approprié de parler de loi de moralisation. C’est du reste ce qu’ont décidé dans un même ensemble le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement, bien que les exposés des motifs des textes qui nous sont soumis parlent de moralisation.

Voilà les raisons pour lesquelles je demande également le retrait de l’amendement n° 16.

Enfin, je prie Mme la garde des sceaux de bien vouloir excuser les termes que j’ai employés pour exprimer mon avis défavorable à l’amendement du Gouvernement ; j’espère qu’elle ne les a pas trouvés trop rudes ! (Mme la garde des sceaux sourit.)