Sommaire

Présidence de Mme Catherine Troendlé

Secrétaires :

M. Éric Bocquet, Mme Jacky Deromedi.

1. Procès-verbal

2. Décès d’un ancien sénateur

3. Candidatures à une commission mixte paritaire

4. Modification de l’ordre du jour

5. Accueil des gens du voyage. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

M. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi n° 557

M. Loïc Hervé, auteur de la proposition de loi n° 680

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur

Mme Françoise Gatel

M. Jean-Luc Fichet

M. Dany Wattebled

M. Stéphane Ravier

M. Yvon Collin

M. Arnaud de Belenet

M. Pierre-Yves Collombat

M. Cyril Pellevat

M. Jean-Yves Leconte

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Alain Milon

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. Jean Louis Masson

M. Jean-Pierre Sueur

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

6. Questions d’actualité au Gouvernement

coupures d’eau en guadeloupe

M. Dominique Théophile ; M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

aéroport toulouse-blagnac

Mme Françoise Laborde ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances.

glyphosate

M. Pierre Ouzoulias ; M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

aide financière aux collectivités concernant les rythmes scolaires

Mme Françoise Cartron ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale ; Mme Françoise Cartron.

liberté des collectivités sur la question des rythmes scolaires

M. Joël Guerriau ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale.

mesures du gouvernement sur le logement

M. Marc-Philippe Daubresse ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.

situation en outre-mer

M. Yves Détraigne ; Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer.

lévothyrox

M. Yvon Collin ; M. Christophe Castaner, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.

sélection à l'université

M. Jacques Grosperrin ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Jacques Grosperrin.

gestion du retour des djihadistes

Mme Laure Darcos ; M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur ; Mme Laure Darcos.

grippe aviaire

Mme Monique Lubin ; M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales

M. Philippe Adnot ; Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; M. Philippe Adnot.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

7. Accueil des gens du voyage. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Article 1er (suite)

Amendement n° 14 rectifié bis de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.

Amendements identiques nos 21 de M. Jean-Luc Fichet et 28 du Gouvernement. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 1 rectifié bis de Mme Dominique Estrosi Sassone. – Adoption.

Amendement n° 5 rectifié de M. Cyril Pellevat. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 2

Amendements identiques nos 22 de M. Jean-Luc Fichet et 29 du Gouvernement. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 15 rectifié ter de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 3

Amendement n° 3 rectifié de M. Pierre Médevielle. – Retrait.

Amendement n° 4 rectifié de M. Jean-Claude Carle. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l'article 3

Amendement n° 2 rectifié de Mme Sophie Primas. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 4

M. Jean-Pierre Grand

Amendement n° 20 de M. Jean-Yves Leconte. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 5

Amendement n° 30 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 23 de M. Jean-Luc Fichet. – Rejet.

Amendement n° 6 rectifié de Mme Jocelyne Guidez. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 6

Amendement n° 24 de M. Jean-Luc Fichet. – Rejet.

Amendement n° 8 rectifié de M. François Patriat. – Rectification.

Amendement n° 8 rectifié bis de M. François Patriat. – Rejet.

Amendement n° 31 du Gouvernement. – Rejet.

Amendements identiques nos 12 rectifié de Mme Maryse Carrère et 16 de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 7 (nouveau)

Amendements identiques nos 9 rectifié bis de M. François Patriat, 11 rectifié de Mme Maryse Carrère, 17 rectifié ter de M. Pierre-Yves Collombat et 25 de M. Jean-Luc Fichet. – Retrait de l’amendement n° 9 rectifié bis ; rejet des amendements nos 11 rectifié, 17 rectifié ter et 25.

Adoption de l’article.

Article 8 (nouveau)

Amendements identiques nos 13 rectifié de Mme Maryse Carrère, 26 de M. Jean-Luc Fichet et 32 du Gouvernement. – Rejet des trois amendements.

PRÉSIDENCE DE Mme Marie-Noëlle Lienemann

Amendement n° 18 de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 9 (nouveau)

Amendements identiques nos 19 rectifié ter de M. Pierre-Yves Collombat, 27 de M. Jean-Luc Fichet et 33 du Gouvernement. – Rejet des trois amendements.

Adoption de l’article.

Article 10 (nouveau) – Adoption.

Vote sur l’ensemble

M. Loïc Hervé

M. Jean-Yves Leconte

M. Jean-Claude Carle

M. Michel Canevet

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Sophie Primas

Mme Jacqueline Gourault, ministre

Adoption, par scrutin public n° 4, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

8. Ordre du jour

Nomination de membres d’une commission mixte paritaire

compte rendu intégral

Présidence de Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Secrétaires :

M. Éric Bocquet,

Mme Jacky Deromedi.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 26 octobre 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Décès d’un ancien sénateur

Mme la présidente. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancienne collègue Nelly Olin, qui fut sénateur du Val-d’Oise de 1995 à 2004.

3

Candidatures à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes, et n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Par lettre en date du 30 octobre 2017, le Gouvernement a demandé de compléter l’ordre du jour du jeudi 9 novembre 2017 par l’inscription, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de finances rectificative pour 2017.

Acte est donné de cette demande.

La commission des finances se réunira pour examiner le rapport le mercredi 8 novembre au matin. Le délai limite de dépôt des amendements sur ce texte pourrait être fixé au jeudi 9 novembre, à midi, et la réunion de la commission pour l’examen des amendements, au début d’après-midi.

Y a-t-il des observations ? …

Il en est ainsi décidé.

5

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites
Discussion générale (suite)

Accueil des gens du voyage

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites
Article 1er (début)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi de loi tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d’accueil des gens du voyage, présentée par M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues (proposition n° 557 [2016-2017], texte de la commission n° 45, rapport n° 44), en examen conjoint avec la proposition de loi visant à renforcer et rendre plus effectives les sanctions en cas d’installations illégales en réunion sur un terrain public ou privé, présentée par M. Loïc Hervé et plusieurs de ses collègues (proposition n° 680 [2016-2017], rapport commun).

Dans la discussion générale, la parole est à l’auteur de la proposition de loi n° 557. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi n° 557. Madame la présidente, je salue vos débuts dans vos fonctions et je suis flatté d’être le premier orateur à qui vous donniez la parole en séance publique. (Sourires.)

Le texte que j’ai déposé et qui a été cosigné par nombre de mes collègues du groupe Les Républicains s’inscrit parfaitement dans l’esprit de la loi Besson du 5 juillet 2000, qui est un texte équilibré, accordant à chacune des parties des droits et devoirs : droit pour les gens du voyage d’être accueillis, dans le cadre d’un schéma d’accueil départemental, et, en contrepartie, devoir pour eux de respecter les clauses de ce schéma ; devoir pour les collectivités territoriales de réaliser les aires d’accueil inscrites dans le dispositif d’accueil départemental et, dans ce cas, droit d’attendre des pouvoirs publics l’évacuation des personnes et véhicules qui occupent illicitement un terrain.

Or, aujourd’hui, cet équilibre entre droits et devoirs est rompu. Le cadre législatif de 2000 n’est plus adapté aux réalités de 2017. Les flux de gens du voyage sont de plus en plus nombreux et s’étalent sur une durée plus longue. Cette année, les premiers rassemblements en Haute-Savoie ont débuté au mois de février et perdurent encore à l’heure actuelle.

M. Jean-Claude Carle. Un certain nombre de personnes, peut-être en rupture avec la vie urbaine, choisissent ce mode de vie sans en partager la culture et viennent s’agréger aux voyageurs traditionnels.

Les incidents sont de plus en plus fréquents et plus violents. Aux insultes s’ajoutent des agressions physiques envers les élus, qui veulent que la loi soit respectée, mais aussi envers les agriculteurs, les entrepreneurs, qui souhaitent protéger leur outil de travail. Des élus ont été frappés, dans le Nord comme en Haute-Savoie : c’est totalement inacceptable. Les maires sont désarmés, se sentent peu soutenus et sont véritablement exaspérés.

Dans son bilan sur l’accueil des gens du voyage en Haute-Savoie, le préfet l’affirme clairement : « L’accueil des grands groupes dans le département doit désormais tenir compte de l’exaspération de nombreux élus locaux face à la multiplication des stationnements illicites. »

La population est excédée, elle ne comprend pas que, d’un côté, la loi s’applique avec sévérité lorsque l’on dépasse, ne serait-ce que d’une heure, la durée autorisée de stationnement en ville, et que, de l’autre, on fasse preuve de laxisme envers des personnes qui stationnent de façon totalement illicite plusieurs jours, voire plusieurs semaines, sur des terrains publics ou privés, en toute impunité, procédant à des branchements sauvages pour s’alimenter en eau et en électricité et laissant ces terrains dans un état de dégradation inacceptable.

Nos compatriotes reprochent alors à leur maire cette inaction ou ce laxisme. C’est injuste, car, dans la plupart des cas, il n’y a ni inaction ni laxisme. Simplement, les procédures et le cadre législatif actuels ne sont plus adaptés.

Mme le procureur du tribunal de grande instance d’Annecy a déclaré très clairement devant les maires de Haute-Savoie réunis en congrès le 21octobre dernier : « En l’état actuel du droit, n’attendez rien de plus de l’autorité judiciaire. »

Mes chers collègues, la loi Besson n’est plus efficiente, elle doit être modifiée. C’est l’objet de ma proposition de loi et de celle de notre collègue Loïc Hervé.

Ce texte n’est en aucun cas discriminatoire, comme le prétendent certains. Comment pourrait-il en être ainsi, sauf à violer les principes de notre Constitution, que le président de la commission des lois, Philippe Bas, n’aurait pas manqué de me rappeler s’il en avait été besoin ?

Si nous voulons avancer, nous devons le faire dans un esprit de concorde, et non d’affrontement. Pour cela, il nous faut éviter deux écueils.

Le premier serait de faire preuve d’un angélisme naïf et de nier la réalité des faits.

Mes chers collègues, ne tenons pas de double langage, en déclarant ici, dans cet hémicycle, que l’accueil des gens du voyage ne pose pas de problèmes, que les élus ne remplissent pas leurs devoirs, comme je l’ai entendu hier en commission, et, dans le même temps, en affirmant l’inverse sur le terrain et en pressant le préfet et la ministre de procéder à des évacuations rapides, tant la situation est intolérable.

Le second écueil, c’est l’amalgame et la stigmatisation des gens du voyage. Ces situations problématiques sont le fait non de l’ensemble des voyageurs, mais d’une minorité d’entre eux qui bafoue nos lois et qui, de ce fait, porte préjudice à l’ensemble des communautés.

Ma proposition de loi tend d’abord à responsabiliser et, si nécessaire, à sanctionner, car une sanction n’a de sens que si elle a été clairement expliquée.

Mes chers collègues, sortons de ce débat d’un autre siècle qui voudrait opposer information, éducation et sanction. Au contraire, conjuguons-les : c’est le sens de ce texte, dont le premier volet clarifie le rôle de l’État et celui des collectivités territoriales.

La loi MAPTAM de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et la loi NOTRe portant nouvelle organisation territoriale de la République ont confié aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre une compétence obligatoire pour l’aménagement, l’entretien et la gestion des terrains d’accueil, sans en tirer les conséquences dans la loi Besson.

Ainsi, l’article 1er de ma proposition de loi vise à distinguer clairement les compétences des communes de celles des EPCI. Il reprend l’article 2 bis de la proposition de loi tendant à faciliter la recomposition de la carte intercommunale, que vous aviez cosignée avec Mathieu Darnaud, madame la ministre, pour rappeler la compétence des EPCI en matière de création des aires et terrains. Cet article tend également à faciliter les efforts de mutualisation au sein d’un EPCI. Par souci de clarté, il exclut explicitement des schémas départementaux les EPCI ne comptant aucune commune de plus de 5 000 habitants, seuil fixé par la loi Besson.

L’article 2 vise à supprimer la procédure de consignation introduite par l’Assemblée nationale dans la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté. Bien que constitutionnelle, cette procédure est une mesure coercitive à l’encontre des collectivités territoriales à l’heure où celles-ci doivent faire face à une baisse des dotations de l’État, comme l’a déploré la Cour des comptes, qui a estimé le coût moyen d’une aire d’accueil à 35 000 euros.

L’article 3 tend à répondre aux problèmes rencontrés par les élus locaux. Il prévoit un mécanisme d’information afin de mieux anticiper les rassemblements et passages et confie au préfet le pouvoir de police lors de ces manifestations.

Le chapitre II a trait à la modernisation des évacuations et stationnements illicites. Ses trois articles visent à améliorer l’efficacité des procédures, à renforcer les sanctions pénales, à interdire le phénomène des « sauts de puces » et à empêcher les personnes concernées d’aller s’installer à quelques mètres du terrain évacué, comme c’est souvent le cas actuellement.

L’article 4, auquel j’associe notre collègue Jean-Pierre Grand, met fin à une interprétation erronée de la loi Besson figurant dans une réponse ministérielle du 31 octobre 2013. Il précise qu’une commune qui remplit ses obligations en matière d’accueil des gens du voyage est en droit de demander l’évacuation des campements illicites, même si elle appartient à un EPCI qui ne respecte pas ses engagements.

L’article 5 précise que la mise en demeure de quitter les lieux concerne la totalité du territoire de la commune ou de l’EPCI, afin, je le répète, d’empêcher les personnes concernées de s’installer à quelques mètres du terrain évacué.

Par ailleurs, mes chers collègues, je vous propose d’ajouter aux troubles à l’ordre public l’évacuation lorsque l’occupation illicite du terrain est de nature à entraver une activité économique ou agricole, y compris s’agissant des terrains en jachère.

Je vous propose également deux mesures pour accélérer les procédures administratives : d’une part, réduire le délai d’exécution de la mise en demeure du préfet de vingt-quatre à six heures lorsque les mêmes personnes ont déjà indûment occupé le terrain de la commune ou d’une autre commune de l’EPCI au cours de l’année ; d’autre part, fixer à quarante-huit heures au maximum le délai de recours contre la mise en demeure du préfet, alors qu’en l’état actuel il n’existe aucun délai uniforme pour ce recours suspensif. De plus, le préfet pourrait faire procéder à l’évacuation si un terrain d’accueil est disponible à moins de cinquante kilomètres.

L’article 6 renforce les sanctions pénales. Il tend à doubler les peines encourues, en les portant à un an d’emprisonnement et à 7 500 euros d’amende. Il crée un mécanisme de pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1 000 euros par jour et par véhicule.

Enfin, je vous propose de renforcer la saisie des véhicules et de permettre le transfert de ceux qui sont destinés à l’habitation vers des aires d’accueil du département. En l’état actuel du droit, les véhicules d’habitation ne peuvent être ni transférés ni déplacés.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, telles sont les principales mesures de cette proposition de loi, auxquelles s’ajoutent celles du texte de Loïc Hervé et celles qui ont été introduites par la commission des lois, présidée par Philippe Bas, dont chacun connaît le sens de la mesure.

Permettez-moi de saluer le travail rigoureux, méticuleux du rapporteur, Catherine Di Folco. Son écoute, son pragmatisme, sa sérénité ont permis d’enrichir considérablement ce texte.

En effet, madame la ministre, mes chers collègues, c’est bien de la sérénité qu’attendent les élus, toujours en première ligne et dont je salue l’esprit de responsabilité. C’est aussi de la sérénité qu’attendent la majorité des gens du voyage, victime d’une minorité qui ne respecte pas nos lois. C’est enfin de la sérénité que réclame la population, qui sait que le « vivre ensemble » est l’ADN de la France, à condition que chacun respecte l’autre.

Dans notre République, la loi doit énoncer clairement le cadre des droits et devoirs de chacun, car la liberté, fût-ce celle de circuler, s’arrête où commence celle de l’autre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à l’auteur de la proposition de loi n° 680.

M. Loïc Hervé, auteur de la proposition de loi n° 680. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, il y aurait, dans notre pays, des sujets plus difficiles à aborder que d’autres ; si difficiles d’ailleurs que le législateur devrait être précautionneux, tant et si bien que l’abstention devrait prendrait le pas sur l’action. Assurément, c’est le cas du sujet de l’accueil des gens du voyage.

Peut-être en est-il ainsi parce qu’il s’agit de la vie quotidienne de nos compatriotes, peut-être parce que notre rapport à cet accueil reste complexe, sans doute parce que nous craignons d’être nous-mêmes victimes de nos représentations et préjugés.

D’emblée, je veux tordre le cou à une forme d’inversion des responsabilités. On nous explique que les torts seraient du côté des élus qui, ne respectant pas la loi Besson et les obligations du schéma départemental, seraient ipso facto les responsables d’une situation dans laquelle ils se seraient eux-mêmes placés.

Eh bien, il faut regarder la situation en face : dans nos départements, les élus, au travers de leurs communes, des syndicats compétents, des intercommunalités, ont, conformément au schéma départemental, engagé des investissements considérables dont ils assument aujourd’hui les charges et déficits de fonctionnement. Ce sont des choix difficiles qu’il leur faut assumer devant leurs concitoyens.

Je parle en connaissance de cause, puisque, dans la communauté de communes dont je suis le président pour quelques heures encore, la construction de trente places d’accueil, il y a deux ans, a coûté la somme rondelette d’un million d’euros, hors foncier.

En Haute-Savoie, territoire par territoire, nous sommes en conformité avec le schéma départemental ou en passe de l’être sur tous les sujets : aires d’accueil, aires de grand passage, aires de sédentarisation. La Haute-Savoie est un département de lacs et de montagne, un département dynamique et frontalier, un département accueillant et attractif, y compris pour les gens du voyage. Pourtant, chaque année, souvent dès le mois de février, comme l’a rappelé Jean-Claude Carle, de très nombreux stationnements illicites sont constatés sur tout le territoire, sur des parcelles agricoles, sur des tènements économiques, interrompant parfois l’activité des entreprises –cela a été le cas dans ma commune cette année –, sur des équipements publics, en empêchant même la jouissance paisible par les associations et nos concitoyens. Si notre département est ouvert sur le monde et accueillant, ne nous leurrons pas : l’offre d’aires aménagées ne répondra jamais à une demande toujours croissante.

La réalité haut-savoyarde qui est notre quotidien n’est qu’un exemple de ce qui se vit ici où là dans le pays. Les contributions à la rédaction tant des propositions de loi que des amendements de nombre de collègues, cosignataires de l’un ou l’autre des textes, originaires de tous les départements, l’ont démontré.

Au-delà de l’apport des collègues cosignataires, que je remercie, je précise d’ailleurs que c’est au travers d’un travail de fond avec les élus, mais aussi avec les acteurs de la justice, de l’éducation nationale ou de la sécurité, comme les gendarmes, que nous avons élaboré des propositions de nature à répondre concrètement aux difficultés suscitées par les stationnements illicites.

En prévoyant d’ouvrir aux forces de l’ordre la possibilité d’exiger le paiement immédiat d’une amende forfaitaire délictuelle, nous tentons de redonner aux policiers, aux gendarmes, mais aussi aux élus locaux un moyen d’action concret et efficace. Aujourd’hui, nos concitoyens ont trop souvent le sentiment que ces acteurs sont de simples spectateurs de ces occupations illicites, dépourvus de tout moyen d’action…

Aujourd’hui, c’est la réalité de terrain qui nous appelle à légiférer de nouveau. Le texte résultant des travaux de la commission des lois dont nous allons débattre est issu de deux propositions de loi rédigées par mon collègue Jean-Claude Carle et moi-même. Nous avons pour point commun d’être tous deux élus du département de la Haute-Savoie, de même que Cyril Pellevat, qui interviendra tout à l’heure dans la discussion générale. C’est bien la réalité quotidienne vécue par les élus qui nous a alertés et poussés à regarder ce qui, dans la loi, pouvait être encore amélioré.

Oui, au travers de nos propositions de loi, de nos prises de parole, ce sont de très nombreuses communes et leurs élus qui interpellent le Sénat et qui réclament une prise en compte de ce qu’ils vivent. Certains de ces élus sont présents en tribune cet après-midi pour écouter nos débats ; je les salue cordialement.

Dans tout le pays, de nombreux maires, présidents d’intercommunalité ou de syndicat, de bonne volonté et respectueux de la loi, font face chaque année à des situations difficiles dans lesquelles cette même loi est ouvertement bafouée, comme le sont les droits des riverains, des dirigeants économiques, des agriculteurs, des collectivités, et ce des semaines durant, les dégradations se chiffrant souvent en dizaines de milliers d’euros d’argent tant privé que public.

À ceux qui sont dubitatifs et aux esprits chagrins, j’indique que ces propositions sont concrètes et mesurées. Je le dis clairement, elles ne sauraient encourir le reproche d’une prétendue « stigmatisation ».

Certains pensent qu’il faudrait complètement récrire la loi Besson. Ce n’est pas mon cas, et je ne crois pas utile de revenir sur les fondements de ce texte.

En revanche, clarifier le rôle de l’État et celui des collectivités territoriales et des EPCI, améliorer l’information, moderniser les procédures d’évacuation des terrains occupés illicitement me paraît assurément indispensable, de même qu’adopter les mesures qui permettront de renforcer l’arsenal pénal et de rendre plus effectives les peines prononcées.

Je tiens à remercier très sincèrement Mme le rapporteur, Catherine Di Folco, de son travail d’analyse, de synthèse et d’enrichissement. Chacune des mesures proposées a été pesée et consolidée juridiquement ; je m’en réjouis.

Madame la ministre, vous êtes très bien informée des remontées du terrain. Vous avez d’ailleurs pris le temps de recevoir élus et agriculteurs de la Haute-Savoie à la fin du mois de juillet. Vous savez les difficultés suscitées par certains stationnements illicites des gens du voyage, vous savez que cette situation inquiète les élus, parfois même les épuise. Vous savez aussi que cette question pose problème au regard de notre pacte social.

Madame la ministre, l’État de droit existe quand la loi votée par le Parlement est appliquée par l’administration et l’autorité judiciaire dans les décisions qu’elles prennent ou rendent. Il faut dès lors que la loi soit rédigée de manière à résoudre les troubles à l’ordre public ou les atteintes à la propriété privée.

L’État de droit existe quand les décisions administratives ou judiciaires donnent lieu à une exécution rapide. Quand le sentiment d’impunité se répand, c’est la République qui s’affaiblit et c’est la force même de la loi qui en pâtit.

Il y va de la crédibilité de l’État, du Parlement, de la justice, des élus locaux, de la police et de la gendarmerie. Disons-le, il y va finalement de notre crédibilité collective, c'est-à-dire de la crédibilité de tous ceux et de toutes celles qui exercent une autorité publique au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, la commission des lois a examiné conjointement la proposition de loi de M. Jean-Claude Carle tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d’accueil des gens du voyage et la proposition de loi de M. Loïc Hervé visant à renforcer et rendre plus effectives les sanctions en cas d’installations illégales en réunion sur un terrain public ou privé.

En matière d’accueil, d’habitat et de stationnement des gens du voyage, notre droit se caractérise depuis bientôt trente ans par la recherche d’un équilibre entre droits et devoirs de chacun.

Néanmoins, cet équilibre demeure précaire.

Force est de constater que, d’un côté, les aires et terrains d’accueil destinés aux gens du voyage ne sont pas en nombre suffisant, notamment en raison du désengagement financier de l’État,…

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. … qui ne finance plus depuis 2009 la réalisation des aires d’accueil et terrains familiaux, sauf pour les communes nouvellement inscrites au schéma départemental.

Ainsi, les crédits de paiement inscrits à cette fin en loi de finances sont passés de 46 millions d’euros en 2008 à 5,3 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2018. Quant à l’aide au fonctionnement, selon le rapport de 2017 de la Cour des comptes, la réforme de l’aide au logement temporaire à compter du 1er janvier 2015 a fait baisser les montants versés de 36,7 millions d’euros en 2014 à 32 millions d’euros en 2015.

Toutefois, de gros progrès ont été réalisés ces dernières années. Selon un rapport du ministère du logement, en 2016, le nombre de places disponibles en aires permanentes d’accueil aménagées s’élevait à 26 873, soit un peu plus de 70 % du total des prescriptions des schémas départementaux. En revanche, le retard est plus important concernant les aires de grand passage : selon la Cour des comptes, 170 aires avaient été réalisées au 1er janvier 2014, soit environ 50 % du total prescrit.

Madame la ministre, les communes devant faire face depuis plusieurs années à de multiples charges supplémentaires sans compensation, à une diminution importante des dotations, je ne peux qu’inviter le Gouvernement à prendre l’initiative de rétablir le subventionnement par l’État des aires d’accueil et des terrains familiaux, pour donner aux communes les moyens d’exercer leur compétence.

Par ailleurs, il convient de souligner que nombre d’aires et de terrains ont un taux de fréquentation relativement faible, aux alentours de 55 %.

D’un autre côté, cela vient d’être précisé, les stationnements illicites perdurent, et auraient même tendance à se multiplier. Les élus locaux manquent de moyens pour faire cesser ces troubles. Il n’est pas question ici de mettre au ban de la société les gens du voyage,…

M. Jean-Claude Carle. Absolument !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. … dont le mode de vie itinérant mérite respect et considération. Ils se sont vu reconnaître de longue date par la République le droit d’être accueillis sur le territoire des communes où ils viennent à s’établir.

Lors des auditions, les représentants des associations de gens du voyage qui ont bien voulu répondre à notre invitation – certains ont refusé – ont déclaré que ceux-ci voulaient être traités comme tout citoyen français. Or, faut-il le rappeler, tout citoyen français a des droits et des devoirs (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.) : s’il ne respecte pas ces derniers, il encourt des sanctions.

L’objet principal de ces deux propositions de loi est d’apporter des réponses concrètes aux problèmes posés par les installations illicites, en clarifiant le contenu et les modalités de mise en œuvre du schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage instauré par la loi du 5 juillet 2000, en assurant une meilleure préparation des grands passages, en facilitant l’évacuation des résidences mobiles irrégulièrement installées et en renforçant la répression pénale de ces comportements.

La commission des lois a adopté vingt-quatre amendements visant à inclure dans la proposition de loi de M. Carle les principaux apports de la proposition de loi de M. Hervé, à améliorer ou compléter les dispositions proposées et à remédier à certaines difficultés juridiques.

En ce qui concerne le schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage, la commission a clarifié la répartition des rôles entre communes et EPCI dans sa mise en œuvre.

À l’article 1er, elle a adopté un amendement de Mme Françoise Gatel et un autre de M. Jean-François Longeot tendant à apporter de nouvelles garanties aux élus locaux sur le contenu du schéma.

M. Loïc Hervé. Excellent !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. À l’article 2, approuvant la suppression de la procédure de consignation de fonds à l’encontre des communes et EPCI défaillants, la commission, sans remettre en cause le pouvoir de substitution de l’État, a souhaité qu’il ne puisse s’exercer que six mois après la mise en demeure du préfet.

Concernant la gestion des grands passages et des grands rassemblements, à l’article 3, la commission a approuvé l’information préalable des autorités publiques. Toutefois, il ne lui a pas paru souhaitable de transférer au préfet le pouvoir de police municipale lors de ces événements. En effet, il est à craindre que ce transfert ne laisse les maires encore plus démunis en cas d’inaction du préfet et ne constitue un précédent fâcheux. Le droit en vigueur laisse ouverte la possibilité, pour le préfet, de se substituer au maire dans le cas où ce dernier n’aurait pas les moyens matériels d’assurer le maintien de l’ordre public.

Concernant le pouvoir de police du stationnement des résidences mobiles, la loi du 5 juillet 2000 attribue au maire le pouvoir d’interdire le stationnement de ces dernières sur le territoire de la commune en dehors des aires et terrains aménagés à cet effet.

À l’article 4, la commission a précisé les dispositions relatives à ce pouvoir de police spéciale et prévu de l’étendre aux maires des communes pourvues d’une aire d’accueil, même si l’EPCI auquel elles appartiennent n’a pas rempli l’ensemble de ses obligations. Ce pouvoir de police spéciale est également étendu au président de l’EPCI, pour tenir compte de la nouvelle répartition des compétences entre les communes et leurs groupements.

Concernant l’évacuation des campements illicites, malgré l’existence de différentes voies de droit, les élus locaux et les propriétaires des terrains peinent à obtenir une évacuation rapide. Cela tient notamment à l’insuffisance des moyens humains et matériels dont disposent les préfectures pour procéder à l’évacuation forcée d’office ou en exécution d’une décision de justice.

À l’article 5, la commission a entendu accélérer la mise en œuvre de la procédure d’évacuation d’office des résidences mobiles irrégulièrement stationnées en limitant le délai de recours contre la mise en demeure du préfet à quarante-huit heures et en fixant à vingt-quatre heures le délai d’exécution de la mise en demeure d’évacuer en cas de nouveau stationnement illicite sur le territoire de la commune ou de l’EPCI au cours de la même année.

Afin de répondre aux préoccupations légitimes de nombreux élus locaux, la commission a adopté un nouveau cas de mise en demeure, en plus du trouble à l’ordre public.

M. Jean-Claude Carle. Bonne proposition !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Ce nouveau cas met en balance la liberté d’aller et venir des gens du voyage avec d’autres principes d’égale valeur constitutionnelle : le droit de propriété, la liberté d’aller et venir des autres habitants, la liberté du commerce et de l’industrie et la continuité du service public.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. La commission a également facilité le recours aux procédures juridictionnelles de droit commun que sont le référé administratif, le référé civil et la requête civile. Cette dernière procédure, non contradictoire, est particulièrement adaptée dans l’hypothèse – fréquente – où il est impossible d’obtenir l’identité des occupants sans titre.

Concernant la répression pénale des occupations illicites, la commission a donné un avis favorable aux amendements de M. Hervé visant à renforcer le dispositif répressif. Cependant, la répression pénale ne peut avoir un effet dissuasif que si elle est effectivement mise en application – M. Hervé y a fortement insisté, et je partage son point de vue. Or ce n’est souvent pas le cas, faute de moyens, mais aussi de volonté de la part des procureurs de la République.

L’article 6 modifie l’article 322-4-1 du code pénal relatif au délit d’occupation sans titre d’un terrain : il prévoit de doubler les peines encourues, qui seraient portées à un an d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. Il permet également le transfert des véhicules destinés à l’habitation sur tout aire ou terrain aménagé à cet effet dans le ressort du département. Cet article instaure enfin une amende forfaitaire délictuelle.

L’article 7 renforce les sanctions pénales en cas de destructions, dégradations ou détériorations du bien d’autrui.

L’article 8 crée un délit d’occupation habituelle sans titre d’un terrain : au moins quatre contraventions sur une période inférieure ou égale à vingt-quatre mois caractérisent l’habitude.

L’article 9 permet l’application de la peine complémentaire d’interdiction de séjour en cas d’infraction d’occupation sans titre d’un terrain.

L’article 10 prévoit l’application outre-mer des dispositions modifiant le code pénal.

Enfin, la commission a adopté un nouvel intitulé pour la proposition de loi : « Proposition de loi relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites ».

Un dernier élément contenu dans la proposition de loi de M. Hervé n’a pu être retenu car il relève du domaine réglementaire. Il s’agit de la présence obligatoire d’un représentant du directeur académique des services de l’éducation nationale au sein de la commission départementale consultative associée à l’élaboration et à la mise en œuvre du schéma départemental, afin de « mieux prendre en compte les besoins éducatifs des enfants, et de définir des actions éducatives et sociales destinées aux gens du voyage ».

Ce sujet est effectivement très important : les enfants des gens du voyage sont soumis, comme les autres, à l’obligation scolaire. Or leur taux de scolarisation reste faible : il est de 70 % au niveau élémentaire, et de seulement 5 % au niveau du collège. Bien que des mesures aient été prises pour assurer le respect de l’obligation scolaire, il serait intéressant de faire un état des lieux de la scolarisation des enfants du voyage, afin d’identifier les difficultés qui subsistent et d’y apporter les réponses nécessaires. Madame la ministre, il conviendrait de veiller à ce que les services de l’éducation nationale soient systématiquement associés à la définition des politiques publiques en matière d’accueil, d’accompagnement social et éducatif des gens du voyage. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame le rapporteur, messieurs les auteurs des propositions de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, la Haute Assemblée a souhaité remettre à l’ordre du jour la révision du cadre juridique applicable aux conditions d’accueil et d’habitat des gens du voyage qui résulte de la loi du 5 juillet 2000, dite « loi Besson ».

Ce cadre avait fait l’objet de modifications substantielles au travers des lois territoriales de 2014 et de 2015, qui ont transféré la compétence aux métropoles et aux intercommunalités, et surtout au travers de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté adoptée sur l’initiative des députés Dominique Raimbourg et Bruno Le Roux.

Je ne reviendrai pas sur le contenu des deux propositions de loi, qui ont été très précisément présentées par leurs auteurs, ni sur le contenu du texte résultant des délibérations de votre commission des lois, dont je veux saluer le travail, en particulier celui de son rapporteur, Mme Catherine Di Folco.

Moins d’une année après l’entrée en vigueur de la loi Égalité et citoyenneté, fallait-il remettre sur le métier ces dispositions législatives, dont certaines n’ont pu encore faire l’objet d’une évaluation exhaustive de la part des ministères concernés ?

Vous avez apporté une réponse positive à cette question.

Mme Françoise Gatel. Absolument !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour ma part, dès les premières semaines ayant suivi mon entrée en fonction au Gouvernement, j’ai été sollicitée sur ce sujet par des élus nationaux et locaux, en particulier de Haute-Savoie.

Loïc Hervé l’a rappelé, j’ai reçu au ministère les élus de ce département le 26 juillet dernier. J’avais en effet été alertée, tant par ceux-ci que par la préfecture, de la multiplication des situations de stationnement illicite de gens du voyage, suscitant des troubles importants et un vif mécontentement des propriétaires de terrains illégalement occupés, ainsi que des élus locaux, qui m’ont expliqué que le caractère frontalier de leur département n’était pas étranger aux difficultés rencontrées.

Ainsi, au cours de l’année 2017, le département de Haute-Savoie a été confronté à des installations illicites ayant affecté des terrains agricoles ou des zones industrielles, et donc l’activité économique liée, à proximité de zones d’habitat. Ces situations provoquent des tensions parfois très vives avec les élus, les agriculteurs, les chefs d’entreprise et les riverains.

De tels incidents, d’ailleurs non limités à ce seul territoire et qui sont souvent le fait de quelques groupes isolés, contribuent à l’évidence à créer un climat délétère. Ce climat participe, du reste, de l’amalgame que peut faire la population entre les auteurs de ces pratiques et la grande majorité des gens du voyage, dont l’installation sur les aires d’accueil n’engendre pas de troubles.

J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer devant vous sur ce sujet, en répondant à une question orale qui m’a été posée par le même Loïc Hervé,…

M. Loïc Hervé. Décidément… (Sourires.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre. … le 24 juillet. J’avais alors eu l’occasion de vous dire qu’il faut pouvoir effectivement lutter contre les occupations illicites et que les outils juridiques disponibles doivent être utilisés au maximum.

M. Marc-Philippe Daubresse. Ils sont insuffisants !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’est ce que nous avons demandé aux préfets de faire.

Dans le même temps, comme l’a dit Mme le rapporteur, force est de constater que, dans certains départements, les obligations qui résultent des schémas départementaux d’accueil et d’habitat des gens du voyage sont encore loin d’être respectées par toutes les communes.

Ainsi, selon le dernier bilan établi par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, à la fin de l’année 2016, le nombre de places disponibles en aires permanentes d’accueil aménagées s’élevait à 26 755, soit 70,2 % du total des prescriptions des schémas départementaux. Il ne faut cependant pas noircir à outrance le tableau, puisque, dans certains départements, les prescriptions ont été réalisées à hauteur de 100 %.

Mme Françoise Gatel. Absolument !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cependant, le taux est de 70 % à l’échelle nationale.

M. Loïc Hervé. Ce n’est déjà pas mal !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour la Haute-Savoie, M. Hervé l’a dit, il est de 100 % pour les aires de grand passage et les aires d’accueil des gens du voyage. Il reste encore quelque progrès à faire concernant les terrains familiaux.

Par ailleurs, comme le relève la Cour des comptes dans son rapport public annuel pour l’année 2017, le nombre de places créées dans des aires d’accueil continue à progresser depuis 2010, avec une croissance de près de 25 % depuis cette date.

Mme Françoise Gatel. Absolument !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. On constate cependant des taux de réalisation particulièrement faibles en Île-de-France, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ou dans le Nord-Pas-de-Calais.

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est lié aux intercommunalités.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. En outre, là où les obligations sont respectées, les places créées ne répondent pas nécessairement à leur vocation, puisque l’on constate une faible fréquentation de certaines aires en raison d’une implantation géographique qui n’est pas toujours des plus adaptées.

Certaines difficultés en matière de réalisation de places sont bien identifiées, en particulier dans les zones tendues où la mobilisation de réserves foncières est le plus délicate. Se pose bien entendu également la question de l’acceptation par les riverains de l’implantation de ces aires.

La Cour des comptes relève enfin une tendance à l’« ancrage territorial » des gens du voyage, qui conduit à une occupation quasiment permanente de certaines aires d’accueil, voire d’aires de grand passage, certaines faisant même l’objet d’une appropriation totale par des groupes familiaux. (M. Jean-Claude Carle approuve.)

Le Gouvernement souhaite opter pour une approche équilibrée de cette question, qui doit être abordée, M. Carle l’a dit, dans la sérénité.

M. Jean-Claude Carle. Absolument !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il nous appartient à tous collectivement, Gouvernement, administration, élus nationaux et locaux, de donner aux gens du voyage les moyens de vivre selon la manière qu’ils ont choisie. C’est tout l’objet et le sens de la loi du 5 juillet 2000, dont l’application doit être garantie, encouragée, accompagnée. Toutefois, ce mode de vie doit bien entendu s’exercer dans le respect des lois de la République, et le Gouvernement sera sur ce point très vigilant.

Ce constat étant posé, est-il nécessaire de changer la loi ? Sûrement, sur certains aspects.

Ainsi, il est clair que le transfert des compétences « aménagement, entretien et gestion des aires et terrains destinés aux gens du voyage » aux métropoles au travers de la loi MAPTAM, mais également aux EPCI à fiscalité propre via la loi NOTRe, entrée en vigueur sur ce point le 1er janvier 2017, ne s’est pas accompagné des modifications adéquates de la loi du 5 juillet 2000.

Il en résulte ce paradoxe, que vous êtes nombreux à souligner, que si les EPCI sont désormais compétents en la matière, les obligations découlant des schémas départementaux continuent à reposer sur les communes, alors même qu’elles sont dépourvues de moyens juridiques d’agir, en vertu du principe d’exclusivité des compétences transférées.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. De ce point de vue, les réponses juridiques apportées par le texte élaboré par la commission des lois sont intéressantes et constituent une solide base de départ.

De même, la commission des lois propose de donner un fondement légal à la procédure d’information préalable des communes et EPCI et de la formaliser, en vue d’organiser les grands rassemblements et, surtout, les grands passages qui les précèdent.

Ces importants mouvements de groupes de gens du voyage, souvent composés de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de véhicules, font l’objet d’une attention toute particulière de la part des services de l’État, qui les préparent avec le plus grand soin, en liaison avec les collectivités concernées. Cette procédure, définie dans une circulaire du ministre de l’intérieur en date du 10 avril 2017, s’appuie sur les principes de programmation des occupations successives des terrains pour prévenir les occupations illicites et de définition de conventions d’occupation cosignées par les collectivités et les représentants des associations. Ces conventions fixent, aussi précisément que possible, les conditions et délais de stationnement et permettent une responsabilisation des acteurs.

Une telle formalisation, pour faiblement normative qu’elle puisse paraître, constitue également une base de réflexion intéressante. J’appelle néanmoins votre attention sur le fait qu’elle nous expose à un risque de non-application, dans la mesure où les arrivées de groupes sont parfois inopinées…

M. Alain Dufaut. « Parfois » ? C’est systématique !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. … et en décalage avec les prévisions, les organisateurs n’ayant pas toujours les moyens et l’autorité nécessaires pour faire respecter la planification.

En revanche, le Gouvernement ne saurait approuver les dispositions du texte soumis à votre délibération qui seraient de nature à affaiblir les obligations résultant des schémas pour les communes ou qui reviennent sur les outils dont dispose l’État pour les faire respecter.

Certes, je ne nie pas que le soutien financier de l’État n’est plus ce qu’il était avant 2008.

M. Jean-Claude Carle. C’est clair !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Toutefois, je veux souligner que les dotations de soutien à l’investissement local sont largement consolidées dans la prochaine loi de finances, avec plus d’un milliard d’euros affectés à la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR. Rien n’interdit aux collectivités qui auraient des projets de création d’aires d’accueil de solliciter un concours, au titre de la DETR, auprès des services de l’État.

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est un vœu pieux !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Par ailleurs, le Gouvernement est prêt à considérer les propositions visant à permettre de mieux lutter contre les occupations illégales de terrains.

Je peux ainsi comprendre la réflexion introduite par la proposition de loi sur l’accès au pouvoir de police spéciale pour les communes ayant rempli leurs obligations, qui est aujourd’hui conditionné au respect par l’EPCI dans son ensemble de ses obligations. Je peux comprendre que de telles dispositions suscitent l’incompréhension des élus locaux qui, bien qu’ayant parfaitement respecté la loi, ne peuvent prescrire l’interdiction du stationnement en dehors des aires réservées à cet effet.

De même, le Gouvernement considère que l’application de la procédure d’amende forfaitaire délictuelle au délit d’occupation en réunion sans titre d’un terrain en vue d’y établir une habitation constitue une piste intéressante pour améliorer la lutte contre les installations illicites.

Le Gouvernement ne saurait en revanche approuver les dispositions de la proposition de loi dont la constitutionnalité apparaît fragile, à l’instar des mesures contenues à l’article 5, dont l’application semble impossible. Je pense notamment à l’instauration d’un délit d’occupation habituelle d’un terrain à titre illégal.

Tel est en résumé, mesdames, messieurs les sénateurs, l’état d’esprit dans lequel le Gouvernement aborde ce débat. MM. Carle et Hervé ont rappelé la disponibilité dont il a fait preuve pour rencontrer les élus qui l’ont souhaité. Le Gouvernement est bien conscient de la réalité des difficultés qui se posent localement et de la nécessité de les résoudre.

M. Marc-Philippe Daubresse. Concrètement ?...

Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’est donc dans cet état d’esprit constructif et serein que je souhaite débattre avec vous ; c’est selon cette approche que je défendrai les amendements du Gouvernement et que je soutiendrai certaines de vos propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, je souhaiterais tout d’abord remercier la commission des lois et son président de s’être saisis des propositions de loi déposées par Loïc Hervé et Jean-Claude Carle. Ces textes font en effet écho aux difficultés récurrentes rencontrées par de nombreux élus locaux, en Haute-Savoie mais aussi dans des départements littoraux comme l’Ille-et-Vilaine. La question soulevée est en fait de portée assez générale. Il est nécessaire de mettre fin à l’impuissance des élus locaux à gérer des situations de troubles.

Je veux aussi saluer l’excellent travail accompli par notre collègue rapporteur Catherine Di Folco sur une thématique complexe et toujours délicate à traiter. Mais nier la réalité n’a jamais fait disparaître les difficultés.

M. Loïc Hervé. Absolument !

Mme Françoise Gatel. Le rapport de Catherine Di Folco insiste sur le respect dû aux gens du voyage, mais affirme en même temps que la citoyenneté, si elle est faite de droits, comporte également des devoirs.

Afin de répondre au devoir d’accueil des gens du voyage et de mettre fin aux campements sauvages, la loi de 1990 avait prévu la réalisation d’aires d’accueil sur tout le territoire national. Dix ans après son entrée en vigueur, seulement un quart des communes s’étaient acquittées de leurs obligations, faute de contraintes imposées aux communes récalcitrantes.

La loi Besson de 2000 est venue renforcer les obligations des communes. En contrepartie, elle a renforcé les pouvoirs de police du maire en cas d’occupation illégale de terrains et prévu notamment une procédure simplifiée d’expulsion en cas d’occupation illicite de terrains situés en dehors des aires d’accueil spécifiquement destinées à cette fin.

Pour autant, nous le savons, cette procédure n’est applicable que si le stationnement des résidences mobiles est de nature à porter atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publique. Elle s’avère difficile à mettre en œuvre en pratique.

Si les procédures d’expulsion sont bien mises en œuvre, les délais d’application sont très longs. Qui plus est, une fois expulsées, certaines communautés se réinstallent à quelques kilomètres, dans une autre commune, et la procédure d’expulsion doit alors être réengagée depuis le début.

Mme Françoise Gatel. Ainsi, le dispositif juridique censé permettre aux élus de répondre à la question de l’accueil des gens du voyage se caractérise par sa grande complexité, laissant, trop souvent, les maires totalement démunis. Ces situations engendrent des dégradations dans les lieux occupés, des altercations parfois violentes, il faut le dire, entre les gens du voyage et les habitants. Elles débouchent souvent sur des conditions d’accueil déplorables pour les gens du voyage, installés sur des terrains inadaptés.

La présente proposition de loi, issue des propositions de loi déposées par Loïc Hervé et Jean-Claude Carle, vient utilement répondre aux difficultés rencontrées sur le terrain, en premier lieu à celles qui sont liées à l’installation illégale de gens du voyage sur des terrains publics ou privés. Je pense en particulier à la proposition que je qualifierai pour ma part d’« innovante », madame la ministre, faite par notre collègue Loïc Hervé : devant le caractère inopérant de la répression pénale dans ces situations d’occupation illicite, il suggère judicieusement de créer un délit d’occupation habituelle sans titre d’un terrain et de renforcer les sanctions pénales, notamment en cas de dégradations.

Je pense également aux dispositions visant à remédier à une injustice subie par les maires s’étant acquittés de leurs obligations et ne pouvant faire usage de leur pouvoir de police en cas d’occupation illicite, dans l’hypothèse d’un manque d’emplacements sur le territoire intercommunal.

Cette proposition de loi répond aussi aux difficultés liées à la mise en œuvre des schémas départementaux d’accueil et d’habitat des gens du voyage, en prolongeant les efforts de mise en cohérence. En effet, ces dernières années, les communes ont créé de nombreuses aires dédiées. Dans mon département d’Ille-et-Vilaine, il n’en existe pas moins de quarante et une. Entre 2010 et 2015, le nombre de places disponibles sur le territoire national a augmenté de 25 %.

Pour autant, rappelons que la Cour des comptes a estimé, en 2012, que le coût moyen de réalisation d’une place en aire d’accueil est de 35 000 euros, auquel il convient d’ajouter les coûts de gestion et d’entretien de ces espaces.

C’est pourquoi, dans un contexte de grande frugalité budgétaire, la construction d’aires nouvelles doit se faire de façon raisonnée et raisonnable, comme celle de tout autre équipement, et tenir compte du phénomène croissant de sédentarisation des gens du voyage.

À cet égard, l’exclusion du schéma départemental des groupements de communes qui ne comptent aucune commune de plus de 5 000 habitants va, me semble-t-il, dans le bon sens.

Par ailleurs, avec un taux d’occupation moyen constaté d’environ 55 % en 2015 à l’échelle nationale, certaines aires construites restent vides. C’est pourquoi je me réjouis de l’acceptation par la commission des lois de mon amendement visant à prendre en compte le taux d’occupation moyen des aires et terrains existants dans un même secteur géographique d’implantation pour mieux apprécier la pertinence de la construction d’une aire supplémentaire et ainsi épargner, le cas échéant, aux communes et EPCI la réalisation coûteuse d’espaces parfois inutiles.

Le groupe Union Centriste votera donc cette proposition de loi, respectueuse de la citoyenneté des gens du voyage et du devoir d’accueil des collectivités territoriales. Elle est aussi impérieusement nécessaire pour donner aux élus locaux les moyens indispensables à l’exercice des responsabilités que la loi leur a confiées. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte issu des propositions de loi de MM. Carle et Hervé que nous examinons aujourd’hui nous laisse pour le moins perplexes.

M. Jean-Luc Fichet. Comment ne pas l’être en effet lorsque nous sommes appelés à nous positionner sur un ensemble de mesures qui remettent en cause un dispositif concerté et équilibré, inscrit il y a dix mois à peine au sein de la loi Égalité et citoyenneté ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Loïc Hervé. Tout va bien !

M. Jean-Luc Fichet. Nous le savons, la question de l’accueil des gens du voyage est récurrente et a fait l’objet d’un grand nombre de dispositions législatives et réglementaires depuis plus d’une trentaine d’années.

Je tiens, à ce sujet, à rendre hommage aux élus locaux, qui, dans l’exercice de leurs missions toujours plus nombreuses au service de nos concitoyens, démontrent chaque jour à quel point leur action est essentielle, en particulier en matière d’aménagement du territoire et d’accueil de toutes les populations.

C’est justement dans cet esprit qu’a été introduite en janvier dernier dans la loi Égalité et citoyenneté une réforme concertée, discutée et équilibrée de la loi Besson du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.

La loi Égalité et citoyenneté a ainsi précisé le contenu et les conditions d’élaboration des schémas départementaux d’accueil et d’habitat des gens du voyage, et a renforcé les dispositifs de mise en demeure et d’évacuation forcée en apportant trois améliorations au dispositif de la loi Besson, qui permet au maire d’interdire par arrêté le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d’accueil aménagées.

Premièrement, elle permet de traiter les situations dans lesquelles un groupe, après avoir commis un premier stationnement illicite, quitte les lieux et s’installe de manière tout aussi illégale sur un autre terrain situé à proximité.

Deuxièmement, elle réduit le délai laissé au juge administratif pour statuer sur les recours formés contre les mises en demeure.

Troisièmement, elle clarifie le cas des terrains affectés à une activité à caractère économique.

Dans le même temps, et dans un esprit de juste reconnaissance des droits et des devoirs de chacun, la loi Égalité et citoyenneté a supprimé le livret de circulation pour les gens du voyage – mesure dont nous pouvons être fiers –…

M. Loïc Hervé. On ne revient pas dessus !

M. Jean-Luc Fichet. … et introduit une nouvelle procédure à l’encontre des communes qui ne respectent pas les dispositions des schémas départementaux.

Entendons-nous bien : nous sommes, tout autant que les auteurs de ce texte, conscients des difficultés qui peuvent être rencontrées par les élus locaux en matière d’accueil des gens du voyage. Mais nous considérons que c’est précisément en rappelant et en faisant respecter les droits et les devoirs de chacune des parties prenantes que les choses pourront se trouver facilitées, et non en proposant d’instaurer, comme c’est le cas ici, alors même que les décrets d’application de la loi Égalité et citoyenneté ne sont pas encore tous parus, un nouvel arsenal de mesures uniquement répressives en direction des gens du voyage (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.),…

M. Loïc Hervé. Caricature !

M. Jean-Claude Carle. C’est faux !

M. Jean-Luc Fichet. … mesures dont chacun sait pertinemment que certaines seront inapplicables !

Quelle est l’utilité réelle d’une telle proposition de loi, qui revient sur des dispositions qui n’ont pas encore eu le temps d’être mises en œuvre, et donc de faire leurs preuves, sauf à vouloir obtenir un effet d’affichage ? (M. Loïc Hervé proteste.)

Mes chers collègues, ce n’est pas rendre service aux élus locaux que de procéder de la sorte ! Pour notre part, nous choisissons, au contraire, de prendre le parti de l’intelligence (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. François Bonhomme. Tout est dit !

M. Jean-Luc Fichet. … et de cet esprit de responsabilité dont fait preuve l’immense majorité des élus des collectivités locales, ceux qui savent pertinemment qu’ils ne pourront remédier à des situations d’occupation illégale que si eux-mêmes respectent leurs obligations en matière d’accueil des gens du voyage.

M. Jean-Claude Carle. Je ne dis pas autre chose !

M. Loïc Hervé. Chez nous, c’est le cas, elles sont respectées !

M. Jean-Luc Fichet. Cela n’est malheureusement pas le cas de tous. Selon le rapport de la Cour des comptes de janvier 2017, au 1er janvier 2014, 170 aires avaient été réalisées sur les 348 prescrites dans les schémas départementaux et, à ce jour, seuls 18 départements respectent leurs obligations en la matière…

Rappel des droits et des devoirs de chacun, respect des dispositions récemment votées par la représentation nationale, confiance dans les élus locaux et intercommunaux : autant de principes qui seraient battus en brèche si la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui était adoptée par la Haute Assemblée.

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Jean-Luc Fichet. C’est pourquoi mon groupe politique s’opposera à l’adoption de ces dispositions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled.

M. Dany Wattebled. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, de nombreux maires subissent chaque année des occupations illicites de terrains par des gens du voyage et, faute de disposer des moyens de lutter efficacement contre ces pratiques, ils ne peuvent que constater l’impunité dont bénéficient leurs auteurs.

L’exaspération des élus locaux se fait entendre de plus en plus, leur sentiment d’abandon et de solitude aussi… Ils sont totalement désemparés lorsqu’ils voient que les lois de la République ne sont pas respectées.

Une telle situation est inacceptable ! Qui peut la nier aujourd’hui ? Quel sénateur, quelle que soit la famille politique à laquelle il appartient, peut affirmer qu’il n’a jamais été alerté par des élus de son département sur les désordres qu’engendrent les occupations illicites, sur les intimidations à l’égard des représentants de l’ordre public et de la population, sur les destructions, les dégradations ou les détériorations de biens publics ou privés ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. Absolument !

Mme Françoise Gatel. Très bien !

M. Dany Wattebled. Mes chers collègues, si nous voulons pacifier les relations entre les Français sédentaires et les gens du voyage, il faut donc donner plus de droits aux communes et plus de moyens juridiques à leurs élus afin d’équilibrer les droits et devoirs des gens du voyage, d’une part, et ceux des communes, d’autre part.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Dany Wattebled. En application des dispositions de la loi dite « Besson 2 » du 5 juillet 2000, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale ont dû engager de lourds investissements afin d’accueillir les gens du voyage. Ainsi, toutes les communes de plus de 5 000 habitants ont été placées dans l’obligation de mettre en place une aire permanente d’accueil. En outre, en application des prescriptions du schéma départemental, elles ont pu se voir imposer la mise en place d’une aire de grand passage.

Pour information, en 2018, la métropole européenne de Lille, dont je suis élu, a pour objectif de créer 310 places d’aire permanente d’accueil et 200 places d’aire de grand passage, ce qui représente une dépense de plus de 4 millions d’euros en investissement et de 3 millions d’euros en fonctionnement, pour une recette globale de 1 million d’euros. Quand on sait que ces dépenses d’investissement accroissent les besoins de financement des collectivités, on peut s’interroger sur leur réalisation si l’article 10 du projet de loi de programmation des finances publiques est voté et appliqué dans sa rédaction actuelle, sachant que les collectivités territoriales respectent déjà des règles financières strictes en matière d’équilibre budgétaire. Mais nous aurons l’occasion d’en parler lors d’un prochain débat, mes chers collègues.

Les deux propositions de loi réunies en une seule par la commission des lois qui nous occupent tendent à permettre un meilleur équilibre, en matière de droits et de devoirs, entre les gens du voyage et ceux qui les accueillent.

M. Dany Wattebled. Leurs dispositions prévoient tout d’abord de clarifier le rôle de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements dans leur mission d’accueil des gens du voyage ; ensuite de moderniser les procédures d’évacuation des stationnements illicites ; enfin de renforcer et de rendre plus effectives les sanctions en cas d’installation illégale en réunion sur un terrain public ou privé.

Dans le texte issu des travaux de la commission, l’article 7, s’inspirant de l’article 3 de la proposition de loi de notre collègue Loïc Hervé, vise à créer, à l’article 322-3 du code pénal, une circonstance aggravante applicable au délit de destruction, de dégradation ou de détérioration d’un bien appartenant à autrui prévu à l’article 322-1 du code pénal.

Ainsi, les peines encourues seraient de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende en cas de destruction, de dégradation ou de détérioration d’un bien appartenant à autrui à l’occasion d’une installation illicite. Ces peines pourraient être portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque le bien détruit, dégradé ou détérioré est destiné à l’utilité ou à la décoration publique et appartient à une personne publique ou chargée d’une mission de service public. Enfin, en cas de récidive, ces peines pourraient être doublées.

Même si la question de l’imputabilité de ces infractions demeure, je suis favorable à ces dispositions. Renforcer les sanctions pénales, c’est envoyer un signal fort aux magistrats, pour leur dire que les infractions commises par les gens du voyage doivent être sanctionnées. Sans sanction, il n’y a pas de dissuasion, et l’on consacre alors une impunité réservée à certains citoyens !

Je voudrais également dire un mot sur le schéma d’accueil des gens du voyage.

Actuellement, le dispositif d’accueil est défini à l’échelle départementale. Ce schéma est élaboré conjointement par le préfet et le président du conseil départemental. On peut regretter l’absence de concertation ou de discussion globale entre départements limitrophes sur ce sujet. Je pense que la mise en place d’un schéma interdépartemental d’accueil des gens du voyage constituerait une solution pertinente.

Enfin, je souhaite attirer votre attention sur les délais de procédure en matière d’évacuation en cas d’occupation illicite. Je regrette que les délais de la procédure administrative soient plus longs qu’en matière civile, tout comme je regrette que le parquet renonce trop souvent à poursuivre en cas de destruction, détérioration ou dégradation de biens…

Pour conclure, je dirai que ce texte répond aux attentes des élus locaux, qui sont confrontés tous les ans au déséquilibre entre les droits et les devoirs des gens du voyage et ceux des collectivités. Il constitue un cadre en vue de parvenir à restaurer cet équilibre, condition nécessaire pour assurer une cohabitation apaisée entre sédentaires et gens du voyage. Aussi le groupe Les Indépendants le votera-t-il. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, une fois de plus, le législateur se penche sur la question de l’accueil des gens du voyage, qui, régulièrement, plonge dans le désarroi les maires de nos communes et nos concitoyens.

Car, face à cette question, l’État, comme souvent, ne prend pas ses responsabilités. Il transfère à l’échelon local des compétences et lui laisse sur les bras la charge financière des installations, en ayant le toupet d’exiger la réalisation de toujours plus d’aires d’accueil tout en diminuant sans cesse les subventions qu’il alloue en la matière.

Rappelons tout de même que le coût de réalisation d’une place d’aire d’accueil est de 35 000 euros. Pour les plus grandes aires, cela peut représenter plusieurs millions d’euros !

On exige des installations qui sont boudées par les bénéficiaires eux-mêmes, s’installant trop souvent où bon leur semble.

Ainsi, dans la région de Toulouse, deux aires de grand passage ouvertes l’été dernier n’ont été utilisées que par trois groupes, neuf autres préférant s’installer ailleurs.

Alors, plutôt que de brandir des menaces fiscales contre des communes qui font, la plupart du temps, de gros efforts financiers, l’État devrait faire régner l’ordre et la sécurité.

Les occupations illicites sont innombrables et provoquent des tensions entre « accueillants » et « accueillis », voire des affrontements avec la police, comme cela a été encore le cas le 26 octobre dernier. Le blocage de l’autoroute A1 au mois d’août 2015 est également dans toutes les mémoires.

Les gens du voyage sont des citoyens français et, comme cela a été opportunément rappelé, ils ont des droits, mais aussi des devoirs. Or, si l’État exige toujours plus d’aires d’accueil, l’expérience montre que, dans beaucoup trop de cas, ces communautés n’ont que faire des terrains qui leur sont préparés et s’installent en toute illégalité sur des terrains privés ou communaux.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas l’État qui exige, c’est la loi !

M. Stéphane Ravier. Très souvent, ces terrains sont laissés par la suite à l’abandon dans un état pitoyable, comme cela a été encore le cas voilà quelques mois dans le 11e arrondissement de Marseille, où un terrain de sport a été totalement dévasté, et comme c’est le cas chaque année lors du traditionnel rassemblement des Saintes-Maries-de-la-Mer.

Je le dis sans haine, mais avec fermeté : il faut que les communautés de gens du voyage cessent de se croire partout chez elles. Les maires ne doivent pas être les seuls à respecter la loi !

Plusieurs éléments positifs apparaissent cependant dans ce texte : le caractère facultatif, dans certains schémas départementaux, de la réalisation d’aires d’accueil de faible dimension sur le territoire de communautés de communes rurales qui ne comportent, parmi leurs membres, aucune commune de plus de 5 000 habitants ; la conservation par le maire de son pouvoir de police municipale ; l’accélération des procédures administratives d’évacuation des stationnements illicites ; enfin, le renforcement des sanctions pénales en cas d’occupation illicite d’un terrain.

Je suis favorable à l’aggravation des peines, car il est intolérable que de tels agissements ne soient pas sévèrement sanctionnés.

Mais il ne suffit pas, mes chers collègues, de prononcer des peines : encore faut-il avoir la volonté de les faire appliquer ! Comme dans beaucoup d’autres domaines, il faudrait commencer par appliquer la loi existante.

Face aux installations anarchiques des gens du voyage, le fond du problème, c’est un État lâche, volontairement impuissant à lutter contre une violation de la loi et du droit de propriété. Que des moyens soient donnés aux maires ainsi qu’aux forces de l’ordre afin que la loi, rien que la loi, mais toute la loi, soit appliquée ! L’accueil des gens du voyage ne pourra qu’en être mieux assuré et mieux accepté.

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, les questions abordées par les deux propositions de loi de nos collègues Loïc Hervé et Jean-Claude Carle sont éminemment sensibles et hautement clivantes.

S’affrontent, parfois violemment, la liberté d’aller et venir des uns et le droit de propriété des autres, l’aspiration à la tranquillité des riverains et les atteintes à l’ordre public.

Disons-le d’emblée, la République ne saurait faire de distinction entre ses citoyens autres que celles qui sont fondées sur le mérite. Elle l’a pourtant fait jusqu’à très récemment au détriment des gens du voyage, les soumettant à un statut administratif exorbitant du droit commun et à d’importantes limitations de leurs libertés publiques.

Cette même République ne saurait davantage accepter qu’une partie de la population se détourne de l’application de la loi.

Je connais, comme tous ceux qui ont exercé des fonctions exécutives locales, les implications sur le terrain, dans nos collectivités, de l’accueil des gens du voyage. Nous avons tous en tête des exemples de bonne cohabitation entre gens du voyage et riverains ou, a contrario, des cas d’occupation illicite et répétée de propriétés publiques ou privées.

Certains élus se sentent aujourd’hui désarmés, voire abandonnés par l’État et ses services, lorsqu’ils se retrouvent confrontés à des occupations illégales et à des dégradations d’ouvrages publics.

Mais il est tout aussi inacceptable que certaines communes s’affranchissent de leurs obligations légales en termes de réalisation d’aires d’accueil.

Ceux qui, comme moi, ont un peu d’expérience se souviennent de la loi Besson de 2000, et des retouches qui y ont été apportées en 2003 et en 2007.

J’ai également le souvenir des nombreux rapports de la Cour des comptes, de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, du Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, de parlementaires en mission ou de missions d’information, instituées à l’Assemblée comme au Sénat…

Il y a de cela quelques mois à peine, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, nous avons eu à examiner plusieurs articles qui abordaient plus globalement l’épineuse question de la place des gens du voyage dans notre société.

Cette loi Égalité et citoyenneté a été publiée au Journal officiel à la fin de janvier 2017. À ce jour, toutes ses dispositions ne sont pas encore entrées en vigueur, et je m’interroge donc sur la pertinence de vouloir, avec tant d’empressement, remettre l’ouvrage sur le métier. En d’autres termes, ce qui vaut pour l’art poétique selon Nicolas Boileau vaut-il aussi pour l’écriture de la loi ?

Sur certaines travées, d’aucuns parmi nos collègues estiment que la loi Égalité et citoyenneté ne va pas assez loin. Je suis, pour ma part, plutôt enclin à laisser à la nouvelle loi le temps de s’appliquer. Nous pourrons, ultérieurement, procéder à son évaluation – je pense, par exemple, au mécanisme de consignation – et proposer éventuellement des améliorations.

En effet, nous le savons, en matière d’accueil des gens du voyage, le principal écueil réside dans les difficultés à faire appliquer la loi, toute la loi.

En outre, les lois de 2000 et de 2017 reposent sur un équilibre, imparfait sans doute, mais qui prévoit le respect, par chacun, de ses droits et de ses devoirs : par les collectivités locales, tout d’abord, auxquelles la loi confère la responsabilité de l’accueil des gens du voyage ; par les gens du voyage, ensuite, qui doivent s’engager à être respectueux, dans leur comportement, des règles collectives et du droit ; par l’État, enfin, qui doit être le garant de cet équilibre et affirmer la solidarité nationale.

Or, il n’en va pas de même du texte que nous examinons aujourd’hui. Celui-ci n’est pas sans rappeler la proposition de loi de Pierre Hérisson, dont nous avions entamé l’examen fin 2013 et début 2014, opportunément quelques mois avant les élections municipales ! Je retrouve dans le texte qui nous est aujourd’hui soumis une continuité d'inspiration : il vise essentiellement à renforcer les sanctions prévues contre les occupations illicites.

Pour ces raisons, les sénateurs du RDSE ont accueilli ces deux propositions de loi avec circonspection, pour ne pas dire de fortes réserves.

Certaines des dispositions contenues dans le chapitre Ier, notamment celles visant à mieux prendre en compte les nouvelles compétences des intercommunalités, peuvent recueillir notre assentiment.

Il n’en va pas de même des articles qui remettent en cause les grands équilibres que j’évoquais. Je pense, notamment, à ceux qui prévoient d’alourdir les sanctions pénales – nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des amendements.

Nous abordons donc l’examen de ce texte en étant pleinement conscients des problématiques qu’il soulève et convaincus qu’elles doivent être abordées avec responsabilité et dans un esprit de concorde.

Quant au vote final des membres du RDSE, il dépendra, vous l’aurez compris, du sort réservé aux amendements qu’ils ont déposés. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet.

M. Arnaud de Belenet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chers Jean-Claude Carle et Loïc Hervé, quelle quête que celle de l’équilibre entre mode de vie des itinérants et respect de la réglementation, particulièrement, du stationnement des résidences mobiles ! Le législateur s’y attache régulièrement et la présente proposition de loi s’inscrit dans cette démarche.

Les plus hautes juridictions s’y sont engagées également. Le Conseil d’État, en 1983, avait eu l’occasion de consacrer le droit pour les gens du voyage d’être accueillis sur le territoire des communes où ils viennent s’établir et de reconnaître leurs véhicules comme des domiciles dont l’inviolabilité est constitutionnellement garantie.

Le Conseil constitutionnel a pu rappeler, le 9 juillet 2010, que la liberté d’aller et venir constituait également une liberté constitutionnellement garantie.

Toutefois, cet équilibre demeure précaire, marqué pour les élus locaux de difficultés liées aux stationnements illicites. Les orateurs précédents ayant dirigé ou dirigeant encore des exécutifs locaux ont dit le quotidien des maires, leur exaspération et parfois même leur mise en danger.

Les schémas d’accueil prévus par la loi Besson se concrétisent peu à peu. Dix-sept départements ont déjà atteint leurs objectifs. La Seine-et-Marne, elle aussi attractive, pour d’autres raisons que la Haute-Savoie, et soumise à de nombreuses tensions, notamment l’été, figure parmi les bons élèves, avec 811 places déjà construites sur les 1 214 places prescrites. La maîtrise du calendrier par le préfet reste, évidemment, une question.

La Cour des comptes constate un taux d’occupation des places disponibles de 55 % à 60 %, qu’elle explique par une « implantation géographique inadaptée » ou, bien évidemment, par la non-acceptation de ces équipements par la population dans les zones sous tension. La dernière raison avancée par la Cour des comptes est la faible mobilité des gens du voyage due à la scolarisation des enfants – celle-ci reste au demeurant bien trop faible –, à leur plus grande précarité financière, à la fragilité juridique de leur installation et à l’absence de garantie de retrouver une place sur leur terrain d’élection.

L’effort des collectivités ne répond pas encore aux besoins et ne suffit pas à endiguer les occupations illicites qui exaspèrent tant.

Si nous ne pouvons que partager les objectifs affichés, nous nous interrogeons sur la mise en œuvre, l’efficacité, voire la constitutionnalité, de plusieurs dispositions.

Il nous semble ainsi difficile d’exclure du dispositif 45 % des intercommunalités de la Nation, celles qui ne comptent aucune commune de plus de 5 000 habitants, comme le prévoit l’article 1er.

Le caractère dissuasif du doublement des peines encourues prévues à l’article 322-4-1 du code pénal en cas d’occupation illicite peine, hélas, à convaincre quand on sait que soixante condamnations seulement ont été prononcées en 2016 pour ce délit, dont cinq à des peines d’emprisonnement ferme. Ce peut être, effectivement, un signal à destination des magistrats, mais il nous semblerait plus adapté d’envisager une aggravation des peines applicables quand l’installation illicite sur un terrain s’accompagne de destructions, de détériorations ou de dégradations.

S’agissant de l’article 5, certaines de ses dispositions comportent des risques d’inconstitutionnalité, même si la commission en a levé certains concernant le droit à un recours effectif et la liberté d’aller et venir.

L’article 6, qui vise à étendre la confiscation des véhicules prévue par l’article 322-4-1 du code pénal à ceux destinés à l’habitation paraît difficilement conciliable avec le principe constitutionnel d’inviolabilité du domicile et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’article 8, qui prévoit la création d’un délit de fraude d’habitude d’installation sur le terrain d’autrui, soulève quelques difficultés d’application, sans pour autant être dépourvu de fondement.

Cela étant, nous soutenons sans réserve plusieurs objectifs et dispositifs de la proposition de loi tels qu’elle a été amendée. Par exemple, nous saluons le fait qu’elle tire les conséquences du transfert aux intercommunalités des compétences « création, aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage et des terrains familiaux » prévu par la loi NOTRe, la comptabilisation en tant que logements sociaux au sens de la loi SRU des emplacements des aires permanentes – c’est une mesure incitative et équitable –, ou encore la création, à l’article 3, d’un mécanisme d’information obligatoire pour faciliter l’organisation de l’accueil des gens du voyage lors des grands passages et des grands rassemblements. Nous soutenons aussi l’article 4, qui prévoit notamment d’étendre aux maires des communes dotées d’une aire d’accueil conformément aux prescriptions du schéma départemental le pouvoir d’interdire le stationnement des résidences mobiles même si l’établissement public de coopération intercommunale auquel elles appartiennent n’a pas satisfait à l’ensemble de ses obligations.

Enfin, bien évidemment, nous soutenons particulièrement l’innovation que représenterait la création d’une amende forfaitaire délictuelle, mécanisme prévu à l’article 6 qui peut s’avérer efficace.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Arnaud de Belenet. Le groupe La République En Marche se retrouve dans l’approche décrite par Mme la ministre et apporte un soutien pragmatique au texte, tout en souhaitant qu’un certain nombre d’améliorations lui soient apportées. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’accueil des gens du voyage est un véritable casse-tête et une source de conflits et de difficultés permanente pour les élus locaux qui en ont la responsabilité, comme en témoignent les deux propositions de loi synthétisées dans celle de la commission des lois.

À ce jour, trois textes règlent les conditions d’accueil des gens du voyage par les collectivités : les lois Besson, MAPTAM et NOTRe, auxquelles s’est ajoutée la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

Comme vous le savez, c’est la loi Besson du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage qui a posé les bases de la législation, en attribuant la compétence en matière d’aires d’accueil des gens du voyage aux collectivités territoriales et en inscrivant dans la loi l’obligation, pour les communes de plus de 5 000 habitants inscrites au schéma départemental d’accueil des gens du voyage, de créer des aires d’accueil. Les lois MAPTAM et NOTRe attribueront par contre aux EPCI, en tant que compétence obligatoire, celle de l’aménagement, de l’entretien et de la gestion de ces aires d’accueil.

À mon sens, les difficultés actuelles tiennent, premièrement, aux retards dans l’élaboration et la mise en œuvre des schémas départementaux – en 2014, 35 % des aires d’accueil permanentes restent encore à réaliser, et 18 % de celles qui existent ne répondent pas complètement aux obligations prévues –, et, deuxièmement, à la difficulté de faire respecter la loi par un nombre non négligeable de gens du voyage, les préfets, généralement, ne manifestant pas un grand enthousiasme pour faire évacuer par la force publique les contrevenants qui s’installent là où bon leur semble, parfois même quand existe une aire d’accueil réglementaire sur le territoire de la commune.

Ces retards, voire ces absences de réaction de la part des pouvoirs publics sont source d’incompréhension pour les élus, si ce n’est de rejet par le voisinage, qui en vient à se demander s’il n’y a pas deux catégories de citoyens : ceux que l’on sanctionne quand ils ne respectent pas la loi et ceux qui peuvent se le permettre en toute impunité.

Notre sentiment est que nous ne sortirons de l’impasse qu’en faisant respecter la loi Besson par les uns et par les autres : par les collectivités en facilitant la réalisation des aires d’accueil, par les gens du voyage en facilitant la police des grands rassemblements ainsi que l’évacuation des terrains occupés illégalement dans les EPCI respectant la loi Besson et en renforçant les sanctions pénales en cas d’occupation illicite d’un terrain.

Afin de faciliter la mise en œuvre des schémas d’accueil, outre le rétablissement des financements de l’État – on peut toujours espérer… –, il convient de clarifier la réglementation existante. À cet égard, il ne me semble pas suffisant de mieux distinguer les compétences relevant des communes de celles relevant des EPCI, comme le prévoyait l’une des propositions de loi initiales. Pourquoi ne pas, plus radicalement, confier aux EPCI l’ensemble de la compétence, comme l’a suggéré la commission ? Aucune raison ne s’y oppose. Cela répond à la vocation des intercommunalités – assumer à plusieurs ce qu’on ne peut pas faire seul – et devrait favoriser la création d’aires d’accueil. Le texte de la commission va dans ce sens, son seul tort, à mon goût, étant qu’il le dit de manière si compliquée que personne n’y comprend rien ! (Sourires.) Le premier amendement que nous avons déposé vise donc à clarifier les choses en récrivant l’ensemble de l’article 1er de la proposition de loi initiale.

Par souci de cohérence, notre deuxième amendement tend à rétablir la consignation des fonds prévue par la loi Égalité et citoyenneté à l’encontre des collectivités qui ne respecteraient pas le schéma départemental d’accueil. Certaines n’ont absolument aucune envie de le faire !

L’objet des autres articles du texte de la commission est de faciliter l’application effective des mesures d’ordre public dans les communes appartenant à des EPCI ayant satisfait à leurs obligations en matière d’accueil des gens du voyage. Mais si nous souscrivons aux dispositions qui visent à répondre à la situation, nous refusons celles qui sont inutilement répressives, et donc inefficaces.

À quoi bon durcir les sanctions, multiplier les procédures expéditives quand on n’est pas capable d’appliquer celles qui existent, faute de volonté ? Quand vous aurez saisi les véhicules servant d’habitations, ce qu’exclut actuellement le code pénal, que ferez-vous des gens qui les occupent ?

M. Jean-Pierre Sueur. Très bonne question !

M. Pierre-Yves Collombat. Quant à la possibilité de retirer le permis de conduire à ceux qui contreviennent à la législation relative aux gens du voyage, elle n’aboutira, selon moi, qu’à l’augmentation du nombre de conducteurs sans permis, qui sont déjà beaucoup trop nombreux !

Vous l’aurez compris, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera le texte si les propositions de bon sens qu’il formule sont acceptées. Dans le cas contraire, il ne l’approuvera pas. Mais comme vous allez naturellement adopter nos amendements, je suis sûr que nous pourrons voter favorablement ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – MM. Jean-Luc Fichet, Patrick Kanner et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, le texte de loi qui nous préoccupe aujourd’hui est hautement attendu par de nombreux élus, notamment en Haute-Savoie.

Ce n’est d’ailleurs pas une coïncidence si les trois sénateurs de la Haute-Savoie et ceux qui les ont précédés ont, tour à tour, déposé des questions orales ou écrites, rédigé des propositions de loi et interpellé, comme je le fais depuis trois ans, les différents ministres de l’intérieur qui se sont succédé.

Madame la ministre, je vous remercie d’avoir répondu favorablement à ma demande de nous recevoir au ministère de l’intérieur avec l’ensemble des acteurs concernés par la thématique des gens du voyage. Vous avez pu constater que la situation sur le terrain était préoccupante et que nous sommes assis sur une véritable poudrière, qui peut s’embraser à tout moment, d’un côté comme de l’autre.

Afin de clarifier mes propos, je voudrais apporter quelques précisions.

Tout d’abord, nous devons différencier les gens du voyage qui respectent les règles et représentent une très large majorité de ceux qui, au contraire, se comportent comme des délinquants et ne respectent pas les lois de la République et les arrêtés des communes ou des EPCI.

J’ai été maire d’une commune rurale de 1 500 habitants de 2008 à 2016, et pas une année ne s’est écoulée sans que je sois concerné par des installations illicites, ce qui a été le cas de nombreux maires cette année encore. Je connais donc bien le sujet, et il est important que je puisse relayer auprès de vous de façon factuelle le quotidien de ces élus de terrain, que comprend forcément moins bien l’administration.

Les installations illicites se font durant des périodes de plus en plus longues : en Haute-Savoie, cette année, c’est le cas depuis février. La tension est de plus en plus importante : toujours en Haute-Savoie, nous avons connu, ces dernières années, deux incidents majeurs, à Neydens et Pers-Jussy, avec des menaces à l’arme à feu sur un maire et un gendarme.

Madame la ministre, les élus et les services de l’État s’investissent dans leurs missions. Les élus de mon territoire respectent leurs obligations légales, décidées dans le cadre du schéma départemental des gens du voyage. En effet, mon département dispose à ce jour de 16 aires d’accueil offrant une capacité de 488 places. Avec l’ouverture de l’aire de Reignier, l’ensemble du département est en conformité avec le schéma 2011-2017 concernant les aires d’accueil et de grands passages.

Malgré cela, certains groupes semblent s’affranchir de droits fondamentaux, tels que le droit de propriété, qui est régulièrement bafoué.

Concernant les petits groupes de gens du voyage, les troubles générés par les occupations illicites ont été particulièrement forts cette année en Haute-Savoie : 57 communes du département en ont subi au moins une et 103 demandes d’arrêtés de mise en demeure ont été formulées depuis le début de l’année, contre 89 en 2016 – plus de 70 % sont le fait de deux familles.

Concernant les grands passages, certains groupes se sont imposés, dans le département, par le nombre et la force, bien qu’un refus de séjour leur ait été notifié en début d’année, puis réitéré lorsqu’ils se sont annoncés la veille pour le lendemain. D’autres groupes arrivent aussi à leur convenance, méconnaissant les dates officielles de réservation.

Les élus locaux n’en peuvent plus de passer des jours et des nuits à gérer les installations illicites, à subir invectives, menaces et intimidations, à constater des dégradations sur des terrains de football ou des aménagements municipaux, sans jamais pouvoir se retourner contre ceux qui dégradent volontairement ces espaces.

Lorsque j’étais maire d’Arthaz-Pont-Notre-Dame, j’ai vécu, par trois fois, des installations illicites sur mon terrain de football : elles ont eu pour conséquence une détérioration totale de cette surface, alors que la commune venait d’effectuer 30 000 euros de travaux et que les licenciés reprenaient l’entraînement. Bien sûr, puisqu’il est impossible d’attaquer un groupe, nous ne pouvons pas porter plainte, et les dégâts sont à la charge de la commune. Il faut que cela change !

Les élus doivent aussi gérer les interrogations de la population, qui fustige une justice à deux vitesses et qui considère que nos lois sont bien trop permissives.

Les propriétaires privés ne comprennent pas que l’on puisse s’installer en toute impunité sur leur terrain et qu’ils doivent entamer des procédures longues.

Les chefs d’entreprises sont également concernés. Des groupes s’installent par exemple sur des parkings de commerces, provoquant leur fermeture provisoire et une baisse du chiffre d’affaires. Certains chefs d’entreprise se trouvent dans l’obligation de faire appel à des services de sécurité privés.

Autres professionnels lourdement importunés : les agriculteurs. Ils sont excédés, subissent des dégradations de leur outil de travail, avec toutes les nuisances que cela entraîne : pertes de récoltes, dégâts dans les champs dus aux détritus – lames de rasoir, déchets plastiques, etc. – et impact sur les appellations d’origine contrôlée. Je comprends ceux qui crient à l’aide et manifestent, comme récemment à Viry ou lors de la grande journée de mobilisation organisée en Haute-Savoie. J’étais, durant ces deux journées, à leurs côtés.

Les gendarmes aussi sont épuisés par cette situation : face à de grands groupes, ils sont mobilisés avec des effectifs limités, pendant des périodes de plus en plus longues, alors qu’ils ont de nombreux autres dossiers à suivre. Même s’ils ont un devoir de réserve, nous pouvons aisément sentir, sur le terrain, leur exaspération.

Les préfets et sous-préfets sont lassés de devoir continuellement répondre sur ce sujet aux élus locaux, à la population ou aux agriculteurs et de devoir lancer des procédures d’expulsion toujours plus nombreuses.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, il y a urgence ! Urgence à légiférer sur un nouveau texte, utile et applicable, grâce auquel l’État pourra mettre des moyens à disposition.

Comme je vous l’indique et comme vous l’avez déjà entendu de la part de l’ensemble des intervenants qui sont venus vous rencontrer place Beauvau, la situation est grave, très grave, et elle empire d’année en année. Nous frôlons le drame chaque semaine entre les communautés de gens du voyage et les gendarmes, élus locaux et paysans. Nous craignons que cela ne se solde par un cas mortel.

La proposition de loi de mon collègue Jean-Claude Carle, dont je suis cosignataire et qui a été inspirée par le sénateur honoraire Pierre Hérisson, et celle de Loïc Hervé visant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d’accueil des gens du voyage apportent des réponses concrètes. Je souhaite aussi remercier ma collègue Catherine Di Folco de la qualité de son rapport.

Je souligne que ce texte comble un vide législatif important, en répondant aux problèmes rencontrés par les élus locaux à l’occasion des grands rassemblements et passages des gens du voyage.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Cyril Pellevat. Je conclus, madame la présidente. Vous aurez compris, mes chers collègues, que ce texte constitue une nécessité. Tous les acteurs concernés par ce sujet espèrent un vote au Sénat et une lecture rapide à l’Assemblée nationale, en vue d’une application dès la saison prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les occupations illicites sont inacceptables et les détériorations révoltantes. Toutefois, si toutes les émotions et la révolte que ces situations peuvent susciter sont compréhensibles, nous sommes ici, dans cette enceinte, pour voter la loi. Nous sommes là non pas pour amplifier les émotions, mais pour légiférer de manière efficace et utile.

M. Jean-Yves Leconte. C’est la raison pour laquelle il nous faut commencer par dire quelques vérités.

Monsieur Carle, vous nous présentez cette proposition de loi comme s’inscrivant dans la suite de la loi Besson et vous estimez que cette loi était équilibrée, mais qu’elle n’a pas bougé depuis son adoption. Vous avez raison, elle était équilibrée, mais vous avez tort, elle a bougé ! Des conditions nouvelles ont en effet conduit le gouvernement précédent à proposer, lors de l’examen de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, de modifier l’équilibre trouvé à l’époque. Ce ne sont donc plus les termes de la loi de 2000 qui s’appliquent, mais ceux de la loi de 2017, qui n’ont pas encore eu le temps de vivre.

Madame la rapporteur, vous parlez d’un désengagement de l’État. De quoi parle-t-on ? La loi Besson de 2000 fixe des obligations aux communes, assorties de subventions. Si les communes ne remplissent pas leurs obligations, elles ne perçoivent pas de subventions. Ce n’est pas un désengagement de l’État, c’est un fait ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Ce n’est pas du tout cela !

Mme Françoise Gatel. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Yves Leconte. Cela mérite pourtant d’être dit !

La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017 a renforcé les procédures administratives de mise en demeure et d’évacuation forcée, ce qui était une nécessité. Aujourd’hui, la mise en demeure du préfet demeure valable sept jours en cas de réinstallation.

Cette nouveauté n’a été mise en place qu’au début de l’année et elle doit être replacée dans un équilibre d’ensemble avec une autre procédure, celle de la consignation, qui concerne les communes qui ne respectent pas leurs obligations. Il faut espérer que cette nouvelle procédure sera plus efficace que le pouvoir de substitution du préfet, qui existait auparavant et qui n’a jamais été mis en œuvre… En mettant en avant les limites du pouvoir préfectoral de substitution, la Cour des comptes avait d’ailleurs souligné l’urgence d’une disposition nouvelle, la consignation.

Vous voyez bien que nous avons fait vivre cet équilibre dans la loi Besson, et il ne devrait pas être question de le modifier, alors que les dispositions adoptées au début de l’année ne sont pas encore complètement mises en œuvre.

Par ailleurs, comme l’a souligné Mme la ministre, la loi Besson date de 2000 ; pourtant, 69 % des places prescrites pour les aires permanentes d’accueil sont disponibles.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. C’est un peu plus de 70 % !

M. Jean-Yves Leconte. En Île-de-France, sur 5 471 places envisagées, 3 100 sont encore à construire ! Seulement 17 départements respectent leurs obligations.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Non, 18 !

M. Jean-Yves Leconte. Peut-être 18 aujourd'hui, mais, selon le rapport de la Cour des comptes de février 2017, c’était 17 ! Enfin, 170 aires de grand passage ont été installées sur l’ensemble du territoire, sur les 348 prescrites. Voilà la situation ! Et elle n’est pas satisfaisante.

L’équilibre consiste à obliger à la fois les gens du voyage à respecter le droit – la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté est plus stricte encore – et les collectivités à remplir leurs obligations – les chiffres que je viens de citer et qui proviennent de la Cour des comptes ne vont pas dans ce sens.

Or ce sont les communes qui respectent leurs obligations qui sont victimes des autres. Il faut le dire clairement ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Loïc Hervé. On ne peut pas dire ça ! C’est inadmissible !

M. Jean-Yves Leconte. Pourquoi ne pourrait-on pas dire que les communes qui respectent leurs obligations sont victimes de celles qui ne le font pas, cher collègue ? (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Loïc Hervé. Ne montez pas les communes les unes contre les autres !

M. Jean-Yves Leconte. Que voulez-vous dire par vos protestations ? Que les collectivités qui ne respectent pas la loi ne sont pas responsables ?

M. Jean-Claude Carle. Sur le fond, vous avez raison ! (Brouhaha.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. Leconte a la parole.

M. Jean-Yves Leconte. Il est absolument indispensable de faire en sorte que la loi soit respectée par l’ensemble des collectivités.

Parlons un peu des gens du voyage ! Il y a un an, un rendez-vous important a eu lieu avec le Président de la République, François Hollande, qui a reconnu, à Montreuil-Bellay, sur le lieu du plus grand camp d’internement de Tsiganes, la responsabilité de l’État dans leur persécution.

M. Jean-Claude Carle. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Yves Leconte. Dans la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, portée en particulier par Patrick Kanner et Dominique Raimbourg, nous avons aboli le livret de circulation, qui fixait des obligations de pointage, et certaines conditions spécifiques à l’exercice du droit de vote.

Le texte que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans une logique absolument différente, et elle n’est pas acceptable.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Yves Leconte. Il faut que chacun respecte la loi, les collectivités comme les Français itinérants, et, pour ces derniers, les enjeux sont nombreux et différents. Si vous voulez régler le problème à long terme, il ne faut pas vous fixer uniquement sur une situation spécifique, qui a été analysée, je le rappelle, et pour laquelle un certain nombre de dispositions nouvelles ont été prises au travers de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Loïc Hervé. Venez donc faire un stage en Haute-Savoie !

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, les propositions de loi examinées aujourd’hui rappellent que l’encadrement juridique de l’accueil des gens du voyage est hautement perfectible, en raison de la sensation d’abandon ressentie par les élus, qui font face à des situations souvent critiques, généralement sources de conflits.

Avec dix-sept ans d’expérience, de retours du terrain, et alors même que les élus réclament les aménagements nécessaires, la loi doit être modifiée dans l’intérêt et le respect de tous.

En octobre 2016, lors de l’examen de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, le Sénat avait déjà manifesté sa volonté de rééquilibrer la loi Besson, de l’assouplir, mais sans succès face à l’Assemblée nationale, qui avait préféré le dogmatisme au pragmatisme. (M. Jean-Claude Carle et Mme Françoise Gatel approuvent.)

Alors que nous avons l’occasion de débattre à nouveau de ces enjeux un an après, j’espère que votre gouvernement, madame la ministre, se montrera, cette fois, plus à l’écoute des attentes des élus et des habitants, qui sont excédés par des comportements dépourvus de civisme, comme l’illustre le blocage, en juin dernier, de l’accès à la ville de Cannes, depuis l’autoroute, par 180 caravanes à la suite d’un refus de mise à disposition d’un terrain par le préfet.

M. Gilbert Bouchet. Oui, c’est scandaleux !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Malgré leurs efforts, les maires sont continuellement en position d’accusés, même lorsqu’ils doivent faire face à des agissements répréhensibles, à des dégradations d’infrastructures, à des installations sauvages, voire à des comportements violents.

D’une part, la question de l’évacuation est une préoccupation majeure des élus, tant sur les terrains privés que sur les aires dédiées. Face à des gens du voyage qui se déplacent de moins en moins, comme l’atteste la Cour des comptes, avec des aires permanentes d’accueil en partie détournées de leur vocation, certaines faisant même l’objet d’une appropriation par des groupes familiaux, la réponse législative actuelle est insuffisante, quel que soit le terrain.

Proposer un outil juridique pour une évacuation dans les meilleurs délais, afin d’éviter que les tensions ne se cristallisent et ne deviennent encore plus difficiles à régler, tout en renforçant les sanctions, apporte un signal fort et rassurant aux élus, qui, lorsqu’ils sont face à plusieurs centaines de véhicules, n’ont pas, actuellement, de moyens d’exécution.

Je pense tout particulièrement aux communes membres d’un EPCI où se situe une aire d’accueil et qui ont toujours respecté leurs engagements,…

M. Loïc Hervé. Absolument !

Mme Dominique Estrosi Sassone. … mais qui ne peuvent plus procéder aux évacuations, car la commune voisine, appartenant pourtant au même EPCI, n’a pas rempli les siennes.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Pour les communes volontaires, c’est une double peine, puisque le préfet peut refuser l’utilisation de la force publique dans les communes disposant pourtant d’une aire.

En l’état du droit, les gens du voyage sont définis par la loi comme les personnes dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles. À ce jour, cette définition n’a fait l’objet d’aucune contestation, ni de la part des gens du voyage ni de celle des autorités publiques. C’est donc dans cet esprit que la loi doit être modifiée.

D’autre part, les élus ont une marge de manœuvre particulièrement étriquée sur le plan budgétaire. (Mme Françoise Gatel approuve.)

Cette compétence suscite un coût important, tant pour l’installation des emplacements légaux que pour la réparation de dégâts. En 2013, à Nice, le squat d’un terrain de rugby par les caravanes a entraîné des réparations d’un montant d’environ 620 000 euros, alors même que les emplacements d’accueil existaient depuis cinq ans.

Quant à la création d’emplacements légaux, leur coût n’est pas anodin, puisque, vous l’avez rappelé, la Cour des comptes l’a estimé à près de 35 000 euros en moyenne.

Même dans les communes volontaires comme Nice, où l’aire permanente, construite il y a 11 ans, est l’une des plus fréquentées de France, avec un taux de remplissage de 83 %, contre 55 % sur le reste du territoire, cette compétence représente une charge constante, dans un contexte budgétaire tendu. Ainsi, pour créer son aire d’accueil, Nice a dépensé, en 2008, quelque 2,4 millions d’euros et les frais de fonctionnement s’élèvent à 270 000 euros par an pour la gestion, la surveillance et l’entretien des lieux. La dépense nette et fixe atteint donc près de 2,5 millions d’euros, même lorsque l’aire d’accueil est inoccupée.

En outre, la détresse budgétaire s’accentuera dans le temps, puisque les collectivités ne peuvent plus s’appuyer, en partie, sur l’aide au logement temporaire, l’ALT, depuis qu’un décret de décembre 2014 relatif à l’aide versée aux gestionnaires d’aire d’accueil des gens du voyage a réformé ses modalités de calcul et d’attribution. Le précédent gouvernement, que j’avais interrogé sur ce point, m’avait confirmé sa volonté de moduler l’ALT en fonction du taux d’occupation des aires, alors même que, en parallèle, la Cour des comptes pointe le fait que de nombreuses aires sont peu fréquentées : entre 55 % et 60 % sont réellement occupées.

Dans la mesure où des aires d’accueil sont opérationnelles, il est regrettable que les communes qui consentent à faire des efforts pour prendre à bras-le-corps ce sujet soient à nouveau pénalisées.

Or forcer les maires à créer des aires d’accueil, en imposant de nouvelles contraintes financières, n’apportera pas la réponse aux blocages qui peuvent exister. Face à des frais importants, à la raréfaction des financements publics et aux risques pris à délivrer les autorisations d’installation, les communes et leurs groupements doivent avoir l’assurance que, en contrepartie de leurs efforts, elles n’en seront pas de leur poche et qu’elles auront l’appui de la force publique. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, accueillir les gens du voyage et offrir des conditions décentes à cette population font partie des objectifs qui sous-tendent les obligations faites aux collectivités territoriales de créer des lieux spécifiques. Cet accueil mérite l’attention de tous les acteurs concernés par cette problématique. Or, force est de constater que la réalité est différente : l’implication est souvent insuffisante et l’engagement financier de l’État en la matière a tendance à se réduire dangereusement.

Comme il était prévu par la loi NOTRe et comme il est devenu effectif depuis le 1er janvier dernier, l’aménagement, l’entretien et la gestion des aires d’accueil sont désormais une compétence des EPCI, qui deviennent les garants du respect de la loi en matière de réalisation d’aires d’accueil.

S’il n’est pas incohérent que les EPCI aient désormais cette compétence, qui peut s’intégrer à celle du logement, il est en revanche très pénalisant de l’exercer sans soutien de l’État.

À la suite de la loi Besson, pour impulser cette politique et inciter les créations d’aires, l’État avait accordé des subventions d’investissement. Aujourd’hui, ces aides ont disparu et laissent les collectivités financer intégralement cette compétence, tout en imposant des contraintes supplémentaires.

La répartition de la taxe sur les résidences mobiles ne semble pas compenser les aides initialement allouées et, en tout cas dans mon département, elle est à ranger au rang des inconnues : qui la perçoit ? Comment est-elle répartie ? Est-ce automatique ? Sur demande ? Selon quel critère ? Beaucoup de questions, pas de réponse !

En revanche, comme l’indique la circulaire du 19 avril 2017 relative à l’application de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, l’article 2 de la loi du 5 juillet 2000 a été complété et prévoit désormais qu’un décret en Conseil d’État déterminera un certain nombre de règles applicables à l’accueil des gens du voyage.

Certes, ces textes ne sont pas encore parus, mais parallèlement aux règles imposées, intègreront-ils un soutien financier ? J’en doute !

Or la réalisation de ces aires soulève quelques questions. Le critère démographique de 5 000 habitants, retenu pour leur création, est-il pertinent ? On peut légitimement s’interroger, quand on voit le taux de fréquentation de certaines aires d’accueil.

M. Alain Milon. Sur le territoire d’une même intercommunalité, on va obliger, le cas échéant, à construire une ou plusieurs nouvelles aires, sans même se soucier de l’occupation des aires existantes. Or cela entraîne des coûts conséquents, en investissement et en fonctionnement, pour tous les partenaires.

Je ne reviendrai pas sur l’investissement et n’aborderai ici que le fonctionnement. Jusqu’en 2014, l’État subventionnait le fonctionnement des aires, en octroyant une aide de 132,45 euros par place et par mois.

Depuis lors, le dispositif a évolué, au détriment des collectivités territoriales, puisque, si l’enveloppe reste a priori similaire, elle se scinde en une part fixe de 88,30 euros et une part variable de 44,15 euros versée en fonction du taux d’occupation.

Cette modification, a priori anodine, entraîne pour les collectivités un surcoût non négligeable,…

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Exactement !

M. Alain Milon. … puisque le taux d’occupation est rarement de 100 % et que le suivi des données entraîne des dépenses de personnel. La Cour des comptes constatait déjà, en 2012, que « le reste à charge pour les collectivités était significatif ».

En outre, comme je l’indiquais plus haut, dans la mesure où la création est liée à un critère démographique sans lien aucun avec la présence de gens du voyage, donc avec les besoins véritables, on se retrouve devant des situations ubuesques d’aires quasiment inoccupées.

Or, si cela a un coût considérable pour les collectivités, il en va de même pour l’État, qui verse une subvention fixe pour des places supplémentaires créées sans étude préalable.

Des contraintes importantes, des financements gaspillés, des besoins pas satisfaits : la politique en matière d’accueil des gens du voyage a encore beaucoup à s’améliorer. Serait-ce la raison pour laquelle l’État s’en est déchargé ? Le rapport de la Cour des comptes relevait déjà, en 2012, qu’il s’agissait « d’une politique insuffisamment pilotée ».

Outre ces questions d’infrastructures, les gestionnaires sont confrontés à des réalités, qui ne permettent pas toujours de garantir la sécurité.

Le législateur a englobé, dans un terme générique, des groupes aux histoires et réalités différentes ; ce souci égalitaire, concrétisé par la terminologie, ne parvient pas, pour autant, à occulter les dissensions qui existent entre communautés. Leur cohabitation est souvent difficile, source de tensions, en raison de modes de vie et de pensée bien différents.

Actuellement, l’arrivée de populations nombreuses d’Europe de l’Est, notamment croates, génère pour les gestionnaires d’aires d’accueil de grandes difficultés. Celles-ci sont accrues, dans certaines communes, par le fait que les forces de police nationale ou municipale refusent de rentrer sur les aires d’accueil, arguant de leur caractère privé, alors même que les maires ont conservé le pouvoir de police et que l’État est censé intervenir partout.

Ici, comme dans certains quartiers dits « sensibles », se développe un sentiment d’impunité et la loi du plus fort s’impose peu à peu : port d’armes, trafics et prostitution sont largement suspectés, mais, faute d’intervention de la police, difficiles à établir.

Pour conclure, madame la ministre, il est plus que nécessaire que l’État s’occupe des problèmes financiers liés aux aires d’accueil des gens du voyage, aide les collectivités territoriales à maintenir ces terrains en état et fasse en sorte que des populations qui ne s’apprécient pas puissent vivre en paix sur des aires d’accueil différentes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites

Chapitre Ier

Clarifier le rôle de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. – La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifiée :

1° L’article 1er est ainsi modifié :

a) Le sixième alinéa du II est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement au schéma départemental. Celui-ci ne peut prévoir, à titre obligatoire, la réalisation d’aires ou de terrains mentionnés aux 1° à 3° du présent II sur le territoire d’une commune dont la population n’atteint pas ce seuil, à moins qu’elle n’appartienne à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre comportant, parmi ses membres, au moins une commune de plus de 5 000 habitants.

« Le schéma départemental ne peut prévoir la réalisation d’aires ou de terrains mentionnés aux 1° à 3° du présent II sur le territoire d’une commune que si le taux d’occupation moyen des aires et terrains existants dans le même secteur géographique d’implantation, constaté au cours des trois dernières années, est supérieur à un seuil défini par décret.

« Le schéma départemental définit la nature des actions à caractère social destinées aux gens du voyage. » ;

b) (nouveau) Le deuxième alinéa du III de l’article 1er est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est tenu compte, lors de sa révision, des évolutions du schéma départemental de coopération intercommunale. » ;

c) (nouveau) À la première phrase du premier alinéa du IV de l’article 1er, le mot : « public » est remplacé par le mot : « publics » ;

2° Les I et II de l’article 2 sont ainsi rédigés :

« I. – A. – Les communes figurant au schéma départemental et les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de création, d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l’article 1er sont tenus, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en œuvre.

« B. – Les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale compétent remplissent leurs obligations en accueillant sur leur territoire les aires et terrains mentionnés au A du présent I.

« L’établissement public de coopération intercommunale compétent remplit ses obligations en créant, en aménageant, en entretenant et en assurant la gestion des aires et terrains dont le schéma départemental a prévu la réalisation sur son territoire. Il peut retenir un terrain d’implantation pour une aire ou un terrain situé sur le territoire d’une autre commune membre que celle figurant au schéma départemental, à la condition qu’elle soit incluse dans le même secteur géographique d’implantation.

« L’établissement public de coopération intercommunale compétent peut également remplir ses obligations en contribuant au financement de la création, de l’aménagement, de l’entretien et de la gestion d’aires ou de terrains situés hors de son territoire. Il peut, à cette fin, conclure une convention avec un ou plusieurs autres établissements publics de coopération intercommunale.

« C. – Les communes qui ne sont pas membres d’un établissement public de coopération intercommunale compétent remplissent leurs obligations en créant, en aménageant, en entretenant et en assurant la gestion des aires et terrains dont le schéma départemental a prévu la réalisation sur leur territoire. Elles peuvent également contribuer au financement de la création, de l’aménagement, de l’entretien et de la gestion d’aires ou de terrains situés hors de leur territoire. Elles peuvent, à cette fin, conclure une convention avec d’autres communes ou établissements publics de coopération intercommunale compétents.

« II. – Les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents assurent la gestion de ces aires et terrains ou la confient par convention à une personne publique ou privée. »

II. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au début du d du 3° du I de l’article L. 3641-1, du 4° du I de l’article L. 5214-16, du 7° du I de l’article L. 5215-20, du 13° du I de l’article L. 5215-20-1, du d du 3° du I de l’article L. 5217-2 et du d du 2° du II de l’article L. 5219-1, il est ajouté le mot : « Création, » ;

2° Au 6° du I de l’article L. 5216-5, après les mots : « gens du voyage : », il est inséré le mot : « création, » ;

3° Le 8° de l’article L. 5214-23-1 est ainsi rédigé :

« 8° Création, aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ; ».

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article.

M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, je voudrais souligner les problèmes que me pose ce texte, notamment son article 1er, en ce qui concerne les rapports entre les communes et les intercommunalités.

Je crois que, pour des raisons d’équité, il revient avant tout aux communes de plus de 5 000 habitants de créer des aires d’accueil.

Or, avec le transfert obligatoire, notamment dans le cas des communautés d’agglomération, de la compétence de gestion des aires de nomades, on permet aux intercommunalités de créer une telle aire, non pas dans une commune de plus de 5 000 habitants, qui a normalement l’obligation de la réaliser, mais dans une petite commune voisine qui n’a que 200 habitants.

Or, chacun sait que, dans les intercommunalités, ceux qui tirent les ficelles, ce sont les maires des grandes villes ou des villes les plus importantes… (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Il ne faut tout de même pas nous faire croire que, dans une communauté d’agglomération, un maire d’une petite commune peut être entendu et voir ses problèmes réellement pris en compte.

Avec un tel système – donner à l’intercommunalité la possibilité de choisir une petite commune comme emplacement d’une aire de nomades, qui normalement devrait se situer dans une commune de plus de 5 000 habitants –, on aboutit à des situations profondément injustes, car ce sont toujours les petites communes qui se retrouvent, dans ces situations, les dindons de la farce … (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

J’ai récemment vu un tel exemple dans mon département : dans la communauté d’agglomération de Metz, le maire qui s’occupe, pour l’intercommunalité, du dossier des nomades est élu d’une commune de plus de 5 000 habitants. Il est en train de manœuvrer pour qu’une aire d’accueil soit créée dans une commune de 160 habitants, et pas dans la sienne.

Bien sûr, tous les bons prétextes peuvent, ensuite, être avancés pour justifier des décisions, mais il est évident que, dans une communauté d’agglomération de 150 000 habitants, personne n’écoute le maire d’une commune d’à peine 200 habitants.

Je crois que tout cela est totalement contraire à l’idée initiale de la loi, qui entendait faire porter l’effort dans les communes les plus importantes. Avec les intercommunalités, on fait exactement le contraire !

De ce fait, quoi qu’il arrive, je ne voterai pas la proposition de loi qui nous est soumise.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, je voulais vous remercier de la position équilibrée que vous avez présentée. En effet, pour avoir beaucoup travaillé sur ces sujets avec Louis Besson, j’ai pu remarquer la grande sagesse dont celui-ci a toujours fait preuve, considérant que, dans cette affaire, il fallait que les communes et les intercommunalités respectent leurs droits et leurs devoirs, de même qu’il fallait que les gens du voyage respectent leurs droits et leurs devoirs.

Une fois cela dit, nous devons défendre ensemble des positions d’équilibre, qui fassent en sorte que l’on n’ait plus seulement 18 départements sur 101 qui appliquent la loi en matière de terrains d’accueil et de terrains de grand passage.

Par ailleurs, il est clair qu’il faut renforcer les moyens des maires et des présidents d’intercommunalité pour faire appliquer la loi lorsque ces terrains existent. Nous sommes très clairs sur ce point, car il est toujours tellement tentant d’exaspérer les tensions sur ce sujet, tout le monde le sait !

C’est pourquoi il faut bien admettre, mes chers collègues, que quelque chose ne va pas : ces propositions de loi sont discutées aujourd’hui alors que nous avons voté, il y a quelques mois, la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, présentée par Patrick Kanner.

Cette loi comportait un grand nombre d’articles inspirés par Dominique Raimbourg, qui s’inscrit exactement dans la même philosophie que Louis Besson. Tout le monde sait que cette loi a été adoptée après de longs débats et tout le monde sait qu’elle ne peut pas s’appliquer, puisque les textes d’application ne sont pas publiés. Nous devrions donc tous demander au Gouvernement que les décrets d’application paraissent, afin que cette loi soit mise en œuvre et ses conséquences évaluées.

Le procédé consistant à refaire une loi, alors que l’encre de la loi précédente n’est pas sèche et que l’on ne peut ni l’appliquer ni l’évaluer…

Mme Françoise Gatel. Nous, nous ne l’avons pas adoptée !

M. Jean-Pierre Sueur. Madame Gatel, cette loi a été adoptée par le Parlement, en vertu de la Constitution de la République française. Elle est donc parfaitement adoptée, même si vous ne l’avez pas votée ! Nous devons respecter la loi, même si nous ne l’avons pas votée.

Cette loi s’impose aujourd’hui. Nous devons donc demander qu’elle soit appliquée et garder ce même esprit de sagesse et d’équilibre, comme vous nous l’avez montré, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er (début)
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Discussion générale

6

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

J’appelle chacun d’entre vous à être attentif au respect des temps de parole.

coupures d’eau en guadeloupe

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe La République En Marche.

M. Dominique Théophile. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, à l’approche de votre déplacement en Guadeloupe, le 4 novembre prochain, les questions de l’emploi et des déchets, tout comme celles de l’alimentation en eau potable et des transports, constituent les principales préoccupations des Guadeloupéens.

Aujourd’hui, je voudrais évoquer la problématique du financement des investissements dans l’eau potable en Guadeloupe, ce que l’on appelle dans ma région « le scandale de l’eau » !

Les coupures d’eau sont désormais quotidiennes en Guadeloupe. Karukéra, l’île aux belles eaux, est devenue l’île sans eau ! Cette question est préoccupante dans un pays où le précieux liquide ne semble pourtant pas manquer. En effet, si nous ne souffrons pas d’une production insuffisante, l’état désastreux des réseaux et des installations connexes nous indique l’ampleur de la catastrophe.

De façon systématique, des coupures d’eau ont lieu dans les communes. Elles sont appelées « tours d’eau ». Ces coupures touchent et handicapent la quasi-totalité de la population. Le rendement du réseau est, en moyenne, à moins de 50 %. Nos réseaux demeurent archaïques, datant pour la plupart de plus de cinquante ans.

De nombreuses études sur la question du volume des investissements à réaliser ont été entreprises et toutes, notamment la dernière étude du Secrétariat général pour les affaires régionales, le SGAR, de 2016, s’accordent à admettre qu’il nous faudra, sur les dix années à venir, mobiliser plus de 900 millions d’euros afin de mettre aux normes nos installations.

Monsieur le Premier ministre, vous le comprendrez, cette situation doit changer ! La question de l’eau est un enjeu à la fois économique, environnemental et sanitaire. Comment admettre, en 2017, dans une île tournée vers un tourisme de qualité, gage de son développement, que nous puissions assister à de tels « tours d’eau » et que certains foyers se trouvent privés d’eau plus de quatre jours dans la semaine ? Malgré les efforts financiers des collectivités locales, nous sommes très loin des montants nécessaires à la résolution de ce problème.

Ma question sera donc la suivante : pouvez-vous nous indiquer quelles sont les différentes mesures d’aide que prendra le Gouvernement sur cette question, dans le cadre d’une véritable solidarité nationale ?

M. Gérard Larcher. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Dominique Théophile. Rappelons que, dans son programme présidentiel, le candidat Macron, devenu Président de la République, indiquait qu’un milliard d’euros seraient consacrés à la Guadeloupe sur les cinq prochaines années, afin de résoudre les problèmes d’eau et d’assainissement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Théophile, je ne peux pas vous dire le contraire : la situation n’est pas supportable plus longtemps.

Vous l’avez rappelé, la Guadeloupe connaît effectivement depuis un long moment cette crise de l’alimentation en eau potable, qui a été aggravée récemment par les coupures d’électricité liées aux récents cyclones. Il n’est pas tolérable, ni pour vous ni pour nous, qu’une partie de la population française subisse des coupures d’eau quotidiennes.

Par conséquent, depuis plusieurs années, l’État et ses opérateurs apportent d’ores et déjà un appui technique et financier important aux collectivités locales, qui sont, comme vous le savez, compétentes en matière d’alimentation en eau potable, afin de les aider à améliorer la situation.

Il est vrai que la géographie de l’île et ses conditions climatiques rendent parfois difficile l’accès à la ressource en eau, qui ne manque pas, comme vous l’avez évoqué, d’où la nécessité d’infrastructures pour l’acheminer là où il y en a besoin. Des investissements sont ainsi en cours pour la réalisation d’opérations prioritaires, afin d’améliorer les infrastructures. Des financements importants – plusieurs dizaines de millions d’euros – sont par ailleurs mobilisables jusqu’en 2020 via les fonds européens, les crédits d’État, l’Office de l’eau et le conseil régional.

Toutefois, l’argent n’est pas le facteur limitant. C’est sa mobilisation, qui doit permettre l’émergence de projets opérationnels et finalisés, qui est difficile. Partant du diagnostic qui a été dressé par un rapport interministériel, l’État a donc lancé un Plan national d’action pour les services d’eau et d’assainissement en Guadeloupe et dans chaque département d’outre-mer. Ce plan vise à renforcer l’efficience des investissements.

Pour conclure, j’ajoute qu’il faut saluer le dynamisme sur ce sujet des collectivités de Guadeloupe, qui font de ce territoire ultramarin l’un de ceux qui avancent le plus vite. Mon secrétaire d’État, Sébastien Lecornu, qui travaille avec moi sur ce sujet, ira sur place en fin de semaine à l’occasion du déplacement du Premier ministre.

Ce sera l’occasion de tirer les enseignements du passé, afin de poursuivre le travail mené en soutien aux collectivités et au bénéfice des usagers, qui est bien l’essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

aéroport toulouse-blagnac

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Mme Françoise Laborde. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et concerne la gouvernance des aéroports régionaux, plus particulièrement celui de Toulouse-Blagnac.

Le décret d’avril 2015 a permis au consortium chinois Casil Europe d’entrer au conseil d’administration à hauteur de 49,99 % du capital. Les actionnaires publics locaux – conseil départemental, région Occitanie, Toulouse Métropole, chambre de commerce et d’industrie – s’étaient alors inquiétés de l’évolution de la gouvernance de cet outil de développement essentiel pour le territoire, infrastructure de transport hautement stratégique, y compris pour Airbus qui en est un utilisateur privilégié.

Aujourd’hui, c’est l’avenir des dernières parts de l’État qui cristallise les appréhensions, puisque le décret dispose qu’une option de vente pourrait être exercée, dès 2018.

Ce sujet d’inquiétude s’est trouvé renforcé par les prises de position des actionnaires privés en conseil d’administration. Si 12,8 millions d’euros ont été redistribués aux actionnaires au titre des bénéfices des exercices 2015 et 2016, ce sont 15 millions d’euros de plus qui leur ont été versés en 2017 sur les réserves financières de l’aéroport. Il me semble que ces dernières n’ont pas vocation à rémunérer un investisseur privé. (Marques d’approbation sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Compte tenu de ces éléments et des craintes unanimes des acteurs publics locaux et des industriels, pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous assurer que les dernières parts détenues par l’État ne feront pas l’objet d’une vente au consortium privé déjà présent, garantissant ainsi une minorité de blocage de 50,01 % pour les acteurs publics – à moins que tout cela ne soit déjà inscrit dans le pacte des actionnaires qui n’a, hélas, jamais été rendu public ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice, vous avez parfaitement raison : il faut garantir à tous les aéroports régionaux une bonne gouvernance.

S’agissant de l’aéroport Toulouse, le choix de l’État a été de céder 49,99 % de ses parts à un actionnaire privé chinois. L’État a gardé 10,01 % de ses parts et ne peut pas les vendre avant avril 2018. Je voudrais juste vous rassurer sur un certain nombre de points.

Tout d’abord, s’il y a eu versement de dividendes, c’est parce que l’aéroport se porte bien. Si l’État actionnaire a accepté ce versement, c’est tout simplement parce que les résultats sont bons et qu’il y a des investissements – 160 millions d’euros d’investissements prévus pour l’aéroport de Toulouse, c’est une excellente nouvelle !

Ensuite, s’agissant de l’actionnaire principal, nous ne connaissons pas ses intentions sur le long terme. Il a acheté 49,99 % des parts, nous ne savons pas quelles sont ses intentions, et c’est à lui de les préciser désormais.

Enfin, s’agissant des parts de l’État – 10,01 % –, je peux vous assurer qu’aucune décision ne sera prise sans concertation étroite avec les élus locaux, avec la région, avec le département, avec vous-même, madame la sénatrice,…

M. Bruno Le Maire, ministre. … avec les communautés de communes, la ville de Toulouse et, évidemment, avec les entreprises représentées dans le cadre de la chambre de commerce. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Nous sommes rassurés, alors !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous connaissons parfaitement la sensibilité du sujet. L’aéroport de Toulouse est un magnifique projet industriel, il se porte bien, il a des investissements et il est lié à l’avenir d’Airbus, qui nous tient aussi extrêmement à cœur. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)

Soyez rassurée, aucune décision ne sera prise sans une concertation étroite avec les élus locaux et sans la certitude qu’elle va dans le sens de l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

glyphosate

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues sénatrices et sénateurs, en novembre 2015, l’Agence européenne de sécurité des aliments a rendu un avis sur le glyphosate et considéré que « son potentiel cancérigène était improbable ». Le 13 avril 2016, le Parlement européen a demandé la divulgation sans délai des données scientifiques de cette expertise. Cette demande de transparence et de contrôle démocratique, qui touche au principe de précaution, est restée lettre morte.

Le 5 octobre dernier, notre collègue Sabine Thillaye, présidente de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, s’est interrogée sur « l’indépendance et l’objectivité des agences européennes chargées d’évaluer la dangerosité des substances mises sur le marché » et a saisi l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur ce sujet.

Dans une résolution du 24 octobre dernier, le Parlement européen a rappelé une nouvelle fois que « l’évaluation scientifique des pesticides [doit s’appuyer] uniquement sur des études publiées indépendantes, ayant fait l’objet d’un examen par des pairs et commandées par les autorités publiques compétentes ».

Le 10 octobre dernier, le commissaire européen Phil Hogan a déclaré à propos du glyphosate : « Notre science montre qu’il n’y a pas de risque pour la santé humaine ». Mais de quelle science s’agit-il ? Celle des entreprises mondiales, nouvelle inquisition du XXIe siècle, qui n’acceptent que les preuves scientifiques conformes à leurs intérêts et excommunient les chercheurs qui les contestent ?

La Commission européenne discutera le 9 novembre prochain du renouvellement de la licence du glyphosate. À tout le moins, il nous semblerait illégitime qu’elle se prononçât à partir d’un avis scientifique suspecté d’insincérité.

Nous vous demandons, monsieur le ministre, de défendre devant cette instance les dernières résolutions du Parlement européen, notamment l’élimination progressive et définitive du glyphosate avant 2022. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, dans une affaire judiciaire, à défaut de preuves, on dirait que le faisceau de présomptions est « dense ». Il l’est tellement que l’application du principe de précaution me semble tout à fait d’actualité.

La semaine dernière, les États membres ont effectivement refusé de réautoriser pour dix ans le glyphosate. Je pense que c’est un acte raisonnable ; du moins, le contraire aurait été déraisonnable. Ce vote était très attendu.

Vous avez raison, nous sommes – y compris nous, les responsables politiques – à la croisée d’informations parfois contradictoires. Vous avez évoqué les informations émanant de certaines agences européennes, mais je fais aussi référence à celle du Centre international de recherche sur le cancer, le CIRC, une agence de l’Organisation mondiale de la santé, qui, elle, ne s’est jamais trompée dans son diagnostic et a bien dit que le glyphosate était un « cancérogène probable ». (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

D’autres informations convergent vers nous et je ne pense pas que nous puissions prendre de risque avec la santé. N’attendons pas la démonstration du pire pour mettre effectivement en œuvre le principe de précaution.

La position du Gouvernement sur le glyphosate est claire : nous plaidons pour une sortie du glyphosate d’ici à la fin du quinquennat. En parallèle, et je pense y contribuer avec mon collègue ministre de l’agriculture, il est indispensable de dialoguer avec les agriculteurs qui, à juste titre, se sentent parfois prisonniers du glyphosate.

M. Jean-François Husson. Et de l’opinion !

M. Nicolas Hulot, ministre d’État. J’en suis convaincu, nous allons prendre le temps de faire émerger des alternatives. Certaines existent déjà, d’autres sont « dans les tuyaux », notamment à l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA. La priorité absolue, aujourd’hui, est bien de valoriser ces initiatives, de les identifier et de les partager ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

aide financière aux collectivités concernant les rythmes scolaires

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Françoise Cartron. Ma question s’adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le ministre, la réforme des rythmes scolaires entre désormais dans une nouvelle phase en raison du choix désormais possible entre la semaine de 4 jours et celle de 4 jours et demi. Très sollicités par les enseignants et les parents d’élèves, les maires sont confrontés à ce choix, avec un élément important à considérer dans la décision qu’ils auront à prendre : le coût à assumer pour la collectivité.

Ce coût suscite des interrogations, voire de l’inquiétude, pour les élus locaux et, plus généralement, pour tous les acteurs concernés par cette réforme.

Or pour les territoires qui ont parfaitement joué le jeu de cette nouvelle organisation, et qui s’en déclarent très satisfaits, la poursuite des nouvelles activités périscolaires doit pouvoir s’effectuer dans les meilleures conditions d’accueil, avec une offre de qualité, et ce dans l’intérêt supérieur des enfants. Cela nécessite de la visibilité quant au type d’accompagnement financier.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je voudrais savoir quel sera, pour l’année scolaire 2018-2019, l’accompagnement financier pour les communes qui maintiennent la semaine de 4 jours et demi et les activités périscolaires qui l’accompagnent. Quels critères seront retenus pour ce financement ? Seront-ils identiques à ceux qui prévalaient jusqu’alors ? Quelle sera la pérennité de ce fonds ?

Enfin, la CAF, la Caisse d’allocations familiales, a été amenée à participer elle aussi au financement, après, il est vrai, beaucoup de discussions, pour ne pas dire des incitations très fortes. Monsieur le ministre, envisagez-vous de défendre auprès de la CAF le principe de la poursuite de ces aides indispensables ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, c’est en effet une question importante de cette année scolaire, mais aussi de l’année suivante, puisque c’est en ce moment que les maires, avec les communautés éducatives, prennent ces décisions.

Je vous remercie de cette question qui est tournée vers l’avenir, donc vers la qualité de ce qui va se passer pour l’organisation scolaire. Je le rappelle, que ce soit 4 jours ou 4 jours et demi, c’est le contenu qui compte, en particulier celui du mercredi, et la nature des activités périscolaires.

Je vous confirme que le fonds est maintenu. Il est programmé, en loi de finances pour 2018, pour 237 millions d’euros, avec un calcul qui est le même que précédemment, c’est-à-dire 50 euros par élève et 90 euros en zone d’éducation prioritaire.

C’est donc un effort dans la continuité qui est réalisé par l’État. Cela vous montre bien, d’ailleurs, qu’il n’y a pas d’incitation à passer à 4 jours, mais tout simplement, je le répète, une continuité de la parole en la matière.

Dans les temps qui viennent, nous serons concentrés sur l’enjeu de la qualité de ce qui se passe en matière périscolaire. Les moyens sont là et, vous l’avez dit, il est important aussi d’être attentif aussi à la question des moyens donnés par les caisses d’allocations familiales.

Nous menons un dialogue avec la caisse nationale, et j’observe de la bonne volonté. Je suis donc assez optimiste sur le fait que nous aurons au moins les mêmes moyens l’an prochain sur cette question.

Toutefois, nous allons progresser sur deux points au moins. Le premier, c’est la simplification des procédures. Tout le monde la souhaite, et nous sommes en train d’y travailler. Le second, c’est peut-être l’amplification de l’aide, avec une veille sur la qualité de ce qui se passe.

En effet, nous le savons tous, les fameux PEDT, les projets éducatifs territoriaux, sont, disons, très hétérogènes. Nous devons donc franchir une nouvelle étape, qui sera non pas quantitative, mais qualitative, grâce à des moyens, mais aussi grâce à un travail plus collaboratif entre l’éducation nationale et les collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Alain Chatillon et Gérard Longuet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour la réplique. Ma chère collègue, vous avez huit secondes, avec un peu de TVA… (Sourires.)

Mme Françoise Cartron. Je prends acte de cette déclaration de M. le ministre. J’ai bien retenu le mot « qualité », qui pourra éventuellement influencer l’évolution des aides allouées. Ce point est extrêmement important.

liberté des collectivités sur la question des rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Joël Guerriau. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le ministre, c’est un élu fort de vingt-deux ans d’expérience de maire qui se tient aujourd’hui, inquiet, devant vous.

En juin dernier, vous avez laissé la liberté d’organiser la semaine scolaire école par école. Dès septembre, 44 % des communes ont décidé de quitter le dispositif des rythmes scolaires. Aujourd’hui, des académies demandent aux maires de se prononcer dès le 15 décembre pour la rentrée prochaine. Faire, défaire, il faut savoir tenir le rythme !

Selon Jules Ferry – pour ne citer que lui, qui fut aussi président du Sénat – l’école solidarise les territoires. Or il est clair que, aujourd’hui, le sillon des inégalités territoriales se creuse.

Au fronton de nos écoles, nous pouvons lire « liberté, égalité, fraternité ». Où est la liberté pour les communes lorsqu’elles sont contraintes dans leurs choix et leurs décisions pour des raisons financières ? Où est l’égalité, quand des activités peuvent être soit gratuites soit payantes, inexistantes ou de qualités diverses, voire carrément supprimées selon les écoles ? Où est la fraternité, si notre France se divise dans ses pratiques sur un sujet aussi fondateur pour nos valeurs, à savoir l’éducation ?

Modifier les rythmes scolaires, vous le savez, c’est changer la vie non seulement des enfants, mais aussi des enseignants et des employés municipaux, ainsi que l’organisation de la vie familiale et professionnelle.

Nous demandons une évaluation de cette réforme, déjà préconisée dans un rapport sénatorial de juin dernier. Monsieur le ministre, laissez le temps à l’évaluation, donnez le temps à la concertation.

Nos enfants sont l’avenir de la France. Il est important qu’ils retrouvent les mêmes conditions, quel que soit leur lieu de domiciliation sur notre territoire.

Aussi, ma question est simple et courte, monsieur le ministre : selon vous, quel est le bon rythme ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, sur un rythme de deux minutes… (Sourires.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Guerriau, je vous remercie de cette question, qui me permet de prolonger ma réponse précédente.

Permettez-moi de vous dire que la situation que vous avez décrite n’est pas celle d’un risque futur : c’est la situation passée, celle que j’ai trouvée quand je suis arrivé à mon poste. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. François Patriat. C’est pourtant vrai !

M. Roger Karoutchi. Il a raison !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’ai trouvé une situation d’inégalité profonde, entre des communes qui avaient parfaitement pris le rythme de 4 jours et demi, en organisant des activités de grande valeur, et d’autres qui se trouvaient dans une situation totalement désespérée. C’est pourquoi plus de 40 % d'entre elles ont saisi l’occasion de ce décret pour passer à 4 jours. Personne ne les a obligées, et, comme je l’ai dit précédemment, le fonds n’est que pour celles qui restent à 4 jours et demi. Même avec cette incitation, les communes ont donc malgré tout choisi 4 jours.

C’est une philosophie. Jules Ferry, que vous avez cité, disait que le principe d’autorité est ce qui est à l’opposé de l’humanisme et de la République. Justement, nous ne sommes pas dans le principe d’autorité, ni dans l’argument d’autorité ; nous sommes dans l’argument de liberté. Il appartient aux communautés éducatives de choisir ce qui leur va.

Tout à l'heure, la question de Mme Françoise Cartron nous montrait que l’on pouvait désormais se tourner vers l’avenir, mais pas pour rejouer sans cesse un conflit entre 4 jours et 4 jours et demi.

À cet égard, puisque vous parlez d’évaluation, quand j’ai pris mes fonctions au ministère, j’avais sur mon bureau un rapport épais de l’ADEP, l’association « Les amis de l'école publique », qui est considérée comme l’entité ayant la plus grande expertise sur ce sujet. Ce document montrait tout simplement qu’il n’y avait aucun effet sur la performance scolaire des élèves, selon que l’on était à 4 jours ou à 4 jours et demi.

M. David Assouline. Évidemment, un an après !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande aujourd’hui de sortir d’une polémique qui, désormais, est dépassée, et de vous intéresser à la qualité, c’est-à-dire au contenu qualitatif de ces fameux PEDT, les projets éducatifs territoriaux, au contenu qualitatif de ce qui se passe le soir et le mercredi. Certaines communes s’en sortiront bien à 4 jours, d’autres à 4 jours et demi. C’est cela le pragmatisme, c’est cela la liberté ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

mesures du gouvernement sur le logement

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe Les Républicains.

M. Marc-Philippe Daubresse. Ma question s’adresse à M. le ministre de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, en septembre dernier, le Gouvernement a annoncé, à grand renfort de publicité, un choc sur l’offre de logements. Or les mesures que vous venez de faire voter à l’Assemblée nationale dans la loi de finances vont provoquer un contre-choc sur cette offre.

Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu’en décidant, notamment, de recentrer le prêt à taux zéro, qui concerne en priorité les primo-accédants à la propriété, particulièrement les jeunes couples de condition modeste, vous allez mettre à l’écart 70 % du territoire national, représentant toutes les villes moyennes et toute la ruralité de notre belle France. C’est une décision tout à fait funeste.

J’y insiste, parce que cette mesure a provoqué de l’émoi. Vous aviez d’abord prévu de supprimer le PTZ, le prêt à taux zéro ; maintenant, il s’agit non plus de le supprimer, mais de le dégrader, en passant d’une quotité de 40 % à 20 % d’aide de l’État sur la primo-accession, laquelle représentait, je le rappelle, presque 50 000 PTZ l’an dernier.

Même en faisant cela, monsieur le ministre, pour un ménage qui gagne deux à trois SMIC, vous allez faire passer le taux d’effort d’environ 35 % à 41 %, ce qui veut dire que nombre de jeunes ménages vont devoir abandonner leur projet d’accession à la propriété dans les villes moyennes et dans les zones rurales. Cela provoquera bien évidemment l’arrêt de l’activité d’un certain nombre de professionnels intervenant dans les domaines du logement et du bâtiment. Cela aura donc un impact sur l’emploi.

De plus, au moment où les taux d’intérêt sont à 1,6 %, il était possible d’instituer un prêt à taux réduit, ce qui aurait permis d’économiser 600 millions d’euros pour le budget de l’État sans toucher aux zones non tendues.

Monsieur le ministre, allez-vous arrêter ce funeste projet ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Daubresse connaît bien ce secteur, pour en avoir eu la charge.

Monsieur Daubresse, je crois que vous faites une présentation un peu négative, si vous me permettez l’expression,...

M. Marc-Philippe Daubresse. Ce n’est pas mon genre ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Mézard, ministre. … car nous vous avons largement entendu !

Le PTZ, tel que nous l’avons fléché aujourd’hui, comprend d’abord le maintien à 40 % sur l’ancien sur toutes les zones B2 et C, ce qui est significatif, car c’est là où il y a le plus besoin d’accession dans le bâti ancien. Sur le neuf, nous l’avons prévu sur 2 ans, à 20 % effectivement, mais je crois qu’il s’agit d’un équilibre tout à fait opportun, qui ne va pas susciter les conséquences que vous nous avez indiquées.

M. Jacques Mézard, ministre. Il est important de relever que le Gouvernement a prévu d’inscrire 110 millions d’euros pour l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, dans le budget 2018. Par ailleurs, dans le grand plan d’investissement, 1,2 milliard d’euros de crédits sont fléchés vers l’ANAH et vers les rénovations des passoires énergétiques.

J’ajoute, et je pense que vous y serez tout à fait sensible, que nous présenterons dans les prochains mois le plan « villes moyennes », sur lequel Action Logement interviendra de manière assez importante, une fois que la convention sera signée. Ces trois éléments représentent donc un réel effort pour la construction dans les zones détendues.

Monsieur le sénateur, pas de catastrophisme : je vous assure que tout ira bien ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

situation en outre-mer

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour le groupe Union Centriste.

M. Yves Détraigne. Ma question s'adresse à Mme la ministre des outre-mer.

Madame la ministre, le Président de la République a témoigné, en notre nom à tous, de la solidarité nationale, voilà quelques semaines, à l’égard des habitants de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Il vient également d’effectuer une visite en Guyane, où il a pu mesurer de nouveau l’ampleur des difficultés et des urgences.

L’année 2018 verra se dérouler deux scrutins cruciaux en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Les acteurs calédoniens sont d’ailleurs à Paris cette semaine, et je souhaite une issue positive à la réunion du Comité des signataires de l’accord de Nouméa, ce jeudi.

Nous le savons, madame la ministre, vous mesurez à quel point la situation est explosive, pour ne pas dire plus, à Mayotte. Plus que jamais, l’outre-mer est un sujet d’attention positive, mais aussi de préoccupation pour notre pays.

Dans ces contextes localement compliqués, dans une période de disette budgétaire et de volonté de refondation de nos politiques publiques à l’échelle nationale, le Président de la République a défini, à l’occasion de son déplacement en Guyane, ce que la politique gouvernementale ultra-marine ne sera pas ou ne sera plus, en déclarant : « L’État n’est pas un père Noël ».

M. Marc-Philippe Daubresse. Il a plutôt tout d’un père Fouettard ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Yves Détraigne. C’est clair et cela peut être entendu sous certaines conditions. En revanche, cela ne définit pas positivement ce qu’est la vision de l’outre-mer aux yeux du Gouvernement.

Madame la ministre, alors que les assises des outre-mer s’annoncent, pouvez-vous nous éclairer sur cette question ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Détraigne, le Président de la République s’est effectivement rendu en Guyane cette fin de semaine. Et c’est un geste fort qu’un déplacement dans ce territoire, la Guyane, qui a connu l’an dernier, je vous le rappelle, une crise politique très importante, suivie d’une crise économique. Ses habitants étaient en attente non pas obligatoirement de plus d’État, mais de mieux d’État. C’est la réponse que le Président de la République a apportée.

Vous vous souvenez des 194 mesures sur lesquelles le précédent gouvernement s’était engagé. Nous avions dit dès notre arrivée aux responsabilités que ces engagements seraient tenus. Aujourd’hui, 100 % des mesures d’urgence ont été mises en œuvre et les trois quarts des mesures sectorielles sont engagés.

Il reste un dernier étage, constitué de 35 mesures, qui avaient été pensées unilatéralement par les membres du collectif, et sur lesquelles il faut travailler, projet par projet, mais avec les collectivités territoriales. Tel est le nouveau message du Président de la République.

Il nous faut coconstruire sur les territoires des réponses à leurs difficultés, qui sont spécifiques. Coconstruire en Guyane, cela veut dire donner à la collectivité territoriale les moyens de répondre elle-même au développement économique du territoire.

Par exemple, j’ai signé samedi dernier une convention avec le conseil territorial de 100 millions d’euros, qui permettra à la collectivité, mais aussi aux mairies, d’assumer leur part de responsabilité. Il s’agit d’apporter une réponse sur chaque territoire. C’est cela ne plus être un père Noël ! Cette expression a pu choquer, mais je vous rappelle que, à Mayotte, voilà quelques mois, j’ai utilisé moi-même l’expression « mère Noël ». En effet, je suis moi-même ultramarine et cela fait des années que l’on répond aux besoins des outre-mer, qui sont des problèmes structurels forts, par un certain nombre de cadeaux. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Non, tel n’est pas le choix du gouvernement dont je fais partie. En tant qu’Ultramarine, à la tête de ce ministère, je souhaite que, à travers les assises des outre-mer, nous coconstruisions avec les politiques, avec les associations,…

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre. … avec les citoyens eux-mêmes.

C’est cette nouvelle méthode que je propose aux outre-mer. C’est avec cette mission que je m’investis dans le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. Merci, madame la ministre. Je suis tendre avec les outre-mer, comme vous pouvez le constater… (Sourires.)

lévothyrox

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Yvon Collin. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, ma question s’adressait à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Plusieurs centaines de plaintes viennent d’être déposées par les utilisateurs du Lévothyrox dans le cadre de l’enquête sur la nouvelle formule. Une perquisition a été menée au siège de l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé.

Cette affaire prend donc aujourd’hui une tournure judiciaire. Nous en connaissons les contours depuis sa forte médiatisation l’été dernier. Je les rappelle : plus de trois millions de Français, dont 2,5 millions de femmes, sous prescription ; un changement de formule en mars 2017 par le laboratoire Merck ; plusieurs milliers de patients gênés, voire handicapés, parfois gravement, par la nouvelle formule.

Face à ces problèmes et à la demande pressante des patients pour un retour à l’ancienne formule, la ministre des solidarités et de la santé a récemment annoncé que cinq nouveaux médicaments seraient disponibles. C’est une bonne nouvelle, mais que de temps perdu pour les patients, qui ont donné l’alerte sur les inconvénients de la nouvelle formule alors que ce problème aurait dû, me semble-t-il, surgir des instances de pharmacovigilance.

Monsieur le secrétaire d’État, à ce stade, sans vouloir préjuger des résultats de l’enquête, que savons-nous des responsabilités des acteurs impliqués dans la chaîne de surveillance des produits de santé ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Collin, comme vous l’avez dit, ce sujet prête non pas à la polémique, mais à la transparence. Celle-ci s’est manifestée tant dans le choix du Gouvernement de réagir dans le calendrier le plus resserré possible que dans le traitement des plaintes déposées et de l’enquête menée aujourd’hui.

Vous l’avez indiqué, c’est au mois de mars dernier que le principe actif a été considéré comme devant faire l’objet d'un changement et que le nouveau produit a été proposé à la vente.

Près de 15 000 personnes ont été identifiées comme ayant présenté des souffrances graves, lesquelles se sont exprimées à partir du début du mois de juillet, jusqu’au mois d’août dernier. La ministre a très vite diligenté une enquête, une inspection, un contrôle, compte tenu des premiers symptômes, tels qu’ils étaient apparus.

Cette enquête a permis de montrer qu’il y avait effectivement des dysfonctionnements – je m’exprime de manière prudente s’agissant d’une enquête en cours –, et il a fallu trouver d’abord des produits de substitution.

La ministre des solidarités et de la santé vient d’annoncer que cinq produits de substitution avaient été mis en production et que 180 000 boîtes de l’ancienne version du Lévothyrox avaient été récupérées et mises sur le marché. Finalement, tout cela s’est fait dans des délais relativement brefs, du moins par rapport au temps administratif, et non pour les patientes et patients qui ont souffert de ce problème.

Depuis la semaine dernière, 220 000 boîtes de Thyroxin, un nouveau produit, ont été aussi remises sur le marché. En outre, la ministre, qui est actuellement à l’Assemblée nationale pour l’adoption du PLFSS, ce qui explique que je réponde à sa place, a demandé que d’autres produits soient disponibles sur le marché. D’ici à quelques jours, quelques semaines au maximum, cinq produits seront en place.

Aujourd’hui, il importe de comprendre et d’analyser tout dysfonctionnement qui aurait pu conduire à ce changement de produit sur le marché, mais aussi tout dysfonctionnement dans la réactivité, de sorte que nous puissions améliorer notre système, car nous devons toujours avoir ce souci à l’esprit.

Il faut faire en sorte que, très vite, le plus vite possible, les patientes et les patients concernés aient une solution médicale pour diminuer leur douleur, et que, demain, notre système de mise sur le marché et notre réactivité soient plus performants encore. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

sélection à l'université

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe Les Républicains.

M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a suscité beaucoup d’espoir chez tous ceux qui déplorent que l’université française n’arrive plus à se hisser au même niveau que ses homologues à l’étranger.

Le taux d’échec des étudiants grandissant – ils sont moins d’un tiers à réussir leur licence en trois ans –, le Président de la République n’a-t-il pas déclaré : « Il faut arrêter de croire que l'université est la solution pour tout le monde » ?

Les Français, à plus de 66 %, sont conscients également de l’absurdité d’un système éducatif qui tourne le dos au mérite. Ils sont prêts à entendre la vérité. Aussi, pourquoi éviter les mots « prérequis » et « sélection » ? Nos compatriotes sont prêts à entendre, monsieur le Premier ministre, que l’université n’est pas la solution pour tout le monde, car la pire des sélections est la sélection sociale.

M. Jean-Claude Carle. C’est vrai !

M. Jacques Grosperrin. Votre idée, c’est vous qui le dites, n’est pas de dire « oui ou non », mais de dire « oui ou oui si » et de donner le dernier mot aux étudiants. Bel exercice sémantique qui fleure bon la prudence, peut-être même le compromis…

Ne pensez-vous pas, monsieur le Premier ministre, que le mérite, que je qualifie de républicain, doit être le critère déterminant pour orienter les étudiants et assurer l’égalité entre les citoyens ? Ne pensez-vous pas qu’en euphémisant votre projet initial et en cédant devant ceux dont l’idéologie a mis à mal notre système éducatif depuis de trop longues années,…

M. David Assouline. C’est vous qui l’avez mis à mal !

M. Jacques Grosperrin. … vous risquez de faire rater à la France, à l’université et à ses étudiants une belle occasion de réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Grosperrin, j’ai le sentiment que, pendant très longtemps, on s’est demandé avant tout si c’était les mots ou la réalité qui comptait le plus. Et l’on tranchait souvent la question en disant que c’était les mots, les principes, et en examinant peut-être moins qu’il ne le fallait la réalité de l’enseignement supérieur.

La réalité de l’enseignement supérieur, quelle est-elle aujourd’hui ? Elle est une sélection massive par l’échec ; elle est une sélection injuste par le tirage au sort. En disant cela, je décris une réalité qui n’est pas satisfaisante et qui même, à certains égards – pardon d’employer ce terme –, n’est pas glorieuse.

Elle n’est pas glorieuse collectivement, s’agissant d’un dispositif qui est pourtant essentiel à l’avenir de notre pays, à la formation de sa jeunesse, au relèvement du défi de l’intelligence collective, au relèvement du défi individuel de l’épanouissement par l'intelligence. Au total, nous obtenons des résultats qui ne sont pas glorieux.

Certes, il y a encore de remarquables résultats à l’université et dans l’ensemble de l’enseignement supérieur français, bien entendu, mais 60 % de ceux qui entrent à l’université n’obtiennent pas leur licence au bout de quatre ans. C’est cela la sélection par l’échec, avec en outre un système de tirage au sort qui est évidemment d’une très grande injustice.

J’ai voulu, avec la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et avec le ministre de l’éducation nationale, concevoir un système qui permettrait d’apporter des réponses crédibles à ces dysfonctionnements, en faisant le pari de l’orientation et de l’association des enseignants du second degré et des enseignants du supérieur à la définition de ce qui est nécessaire pour que l’étudiant réussisse. Nous avons fait le pari de la réussite pour les étudiants !

Cela passe par une meilleure orientation lors du second cycle et par une meilleure information sur la réalité des filières, sur leurs succès et sur ce qui est attendu d’un étudiant. Ainsi celui-ci aura-t-il les meilleures chances de réussir dans la filière qu’il aura choisie.

Vous l’avez dit à juste titre, monsieur le sénateur, le dispositif que nous proposons prévoit que l'étudiant aura le dernier mot dans le choix de la filière, mais que l'établissement aura le dernier mot en matière de définition du parcours de l'étudiant.

Mme Esther Benbassa. Cela s’appelle de la sélection !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Cela signifie que, lorsqu’un étudiant a un projet, lorsqu’il est motivé pour s’inscrire dans une filière, il pourra le faire, mais il sera accompagné si l’établissement, qui fera une analyse individuelle de chacun des dossiers, considère qu’il n’a pas suffisamment d’éléments pour dire de façon crédible qu’il va réussir dans cette filière.

Mme Esther Benbassa. Cela s’appelle de la sélection !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. C’est donc de l’orientation, de l’accompagnement, des moyens supplémentaires aussi, à savoir un milliard d’euros si l’on additionne les fonds au titre du grand plan d’investissement et les crédits budgétaires mis à disposition des établissements d’enseignement supérieur dans les cinq années qui viennent.

À côté de ce pari de l’orientation, nous avons la volonté d’améliorer la situation matérielle des étudiants, de transférer vers eux du pouvoir d’achat, pour faire en sorte que leur parcours s’effectue dans de meilleures conditions. C’est le sens de la suppression de la cotisation de sécurité sociale étudiante et du rattachement de l’ensemble des étudiants au régime général de la sécurité sociale, pour rendre un meilleur service, pour avoir de moindres frais de gestion et pour récupérer du pouvoir d’achat au bénéfice des étudiants. Il s’agit donc d’un vaste plan d’ensemble.

Comme j’ai dépassé mon temps de parole et que je sens le président Larcher bouillir derrière moi (Sourires.), je ne peux pas aller beaucoup plus loin, mais sachez, monsieur le sénateur, que ce qui est en jeu, dans cette réforme, c’est la réussite des étudiants.

Il ne s’agit pas de grands mots ou de grands principes ; il s'agit, tout simplement, de la réussite de chaque étudiant. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. Merci, monsieur le Premier ministre. Je maîtrise ma température… (Sourires.)

La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.

M. Jacques Grosperrin. Monsieur le Premier ministre, derrière les mots, il y a parfois aussi des maux. À mon sens, il est important de dire les choses. « Prérequis » et « sélection » signifient aussi que, à un moment donné, des lycéens doivent se rendre compte qu’il est compliqué d’entrer à l’université, qu’il leur faut travailler et qu’il y a un certain niveau d’exigence à respecter.

Enfin, il est important de prêter attention aux signaux que l’on envoie. Ainsi, on entend beaucoup dire que le Président de la République voudrait célébrer Mai 68… Ce serait à mon sens catastrophique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. David Assouline. Quel est le rapport ?

gestion du retour des djihadistes

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laure Darcos. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, l’État islamique a perdu une bataille. De ses fiefs de Raqqa en Syrie et Mossoul en Irak, il ne reste plus que des villes ravagées et des populations anéanties. Mais les terroristes n’ont pas dit leur dernier mot.

Le pire est sans doute à venir : partis en Syrie pour combattre aux côtés de Daesh, un couple et ses trois enfants souhaitent être rapatriés en France après avoir été capturés par les Kurdes du PKK à Raqqa. Plusieurs dizaines de combattants seraient déjà revenus sur notre territoire, peut-être prêts à commettre l’irréparable, une horreur que nous ne voulons pourtant plus revoir.

Combien sont-ils, monsieur le ministre ? Comment sont-ils revenus ? Sont-ils bien surveillés par nos services de renseignement ? Comptez-vous mettre en œuvre tous les moyens dont nous disposons pour traduire les djihadistes français en justice et les mettre hors d’état de nuire ?

Que comptez-vous faire de ces enfants et adolescents, partis avec leur famille ou nés au Moyen-Orient, qui ont connu l’horreur ou parfois commis les pires atrocités ?

Souvenons-nous que près de 240 de nos compatriotes ont déjà perdu la vie dans les attentats commis sur notre propre sol. Vous devez aux Français la protection à laquelle ils aspirent légitimement. Vous devez aux Français une action résolue, impitoyable et sans merci.

L’avenir de notre civilisation est en jeu. N’attendons pas le pire pour agir !

Je vous remercie, monsieur le ministre d’État, de nous éclairer sur les actions que le Gouvernement entend mener pour lutter avec la plus grande efficacité face à cette nouvelle étape de notre guerre contre le terrorisme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub et M. Pierre Louault applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l’intérieur.

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Oui, vous avez raison, madame la sénatrice Darcos, le combat contre le terrorisme est notre priorité. Il est la priorité du Gouvernement, mais il est notre priorité commune.

Aujourd’hui, vient d’entrer en vigueur la loi que nous avons adoptée ensemble pour combattre le terrorisme. Je veux remercier les sénateurs d’avoir permis la réussite de la commission mixte paritaire, qui a débouché sur l’adoption de cette loi. Nous avons ainsi manifesté notre volonté commune, quelle que soit notre sensibilité politique, de lutter contre le terrorisme.

Pour ce qui concerne les « returnees », nous en dénombrons aujourd'hui 244 – très exactement 178 hommes et 66 femmes –, 58 mineurs. La plupart des majeurs sont sous main de justice. Très exactement, 120 hommes, sur les 178, ont été écroués et sont aujourd'hui en prison. Les autres sont suivis par la DGSI, la Direction générale de la sécurité intérieure. Ils font bien sûr l’objet d’une extrême attention de notre part.

Pour ce qui est des femmes, sur les 66 « returnees », 14 sont aujourd'hui écrouées. Les autres sont, elles aussi, suivies par la DGSI.

Quant aux 58 enfants, la plupart ont moins de douze ans. Nous les suivons évidemment avec la justice, de manière à leur redonner un autre horizon.

Vous avez raison, il s’agit d’un combat global, d’un combat de civilisation. Nous, nous sommes pour la liberté, la liberté des femmes et des hommes dans le monde ; nous ne sommes pas pour le retour à des théories barbares et primitives. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.

Mme Laure Darcos. Tout en vous remerciant, monsieur le ministre d’État, pour votre réponse, j’insiste sur ce qu’attendent nos concitoyens : que nous nous assurions de judiciariser toutes ces familles, surtout en ne les traitant pas collectivement mais individuellement, grâce à des psychologues agréés, et de les assigner à demeure, peut-être loin de chez eux, justement.

grippe aviaire

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Monique Lubin. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de l’alimentation.

Les Landes – comme d’autres départements du sud-ouest de la France – ont été durement impactées par deux phases consécutives de grippe aviaire.

Des centaines de producteurs de palmipèdes et de volailles ont souffert et souffrent encore face à cette crise d’ampleur inédite. La filière tout entière, de l’amont à l’aval, est concernée. Cela représente, sur le territoire landais, plus de 5 000 emplois.

Si un certain nombre d’aides ont été apportées sous le gouvernement précédent par l’État et par l’Europe, un problème majeur subsiste : la date de fin du vide sanitaire a été arrêtée au 29 mai 2017. Les pertes d’exploitation sont donc couvertes jusqu’à cette date … Mais cette date ne peut être que théorique.

En effet, toute la chaîne ayant été touchée, y compris les fournisseurs de reproducteurs et de canetons, les élevages ne reviennent en fonctionnement que petit à petit, sur plusieurs semaines.

Il faut donc prévoir une couverture des pertes d’exploitation qui va au-delà du 29 mai.

Une mobilisation de la filière mais aussi de plus de 200 élus a eu lieu le samedi 14 octobre. Parce que nous devons soutenir des familles qui vivent aujourd’hui des situations très compliquées, et parce que la filière agroalimentaire est une des principales richesses de notre département.

À l’occasion des fêtes de fin d’année, j’espère que nombre d’entre vous dégusteront du foie gras, mets d’excellence particulièrement ancré dans notre tradition culinaire et gastronomique.

N’oublions simplement pas que pour maintenir la production de ce que Henri Emmanuelli appelait « le pétrole des Landes », et par là même les 5 000 emplois induits, il faut soutenir les producteurs et la filière dans son ensemble.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, si l’ouverture du dispositif d’indemnisation de l’aval de la filière palmipèdes vient d’être annoncée pour 2016, nous attendons une réponse claire sur l’indemnisation des producteurs au-delà du 29 mai 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Maryse Carrère et Mme Nadia Sollogoub applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Monique Lubin, je connais parfaitement la mobilisation des élus du territoire, celui des Landes en particulier, et la mobilisation de toute une filière qui souhaite pouvoir continuer à travailler.

Je voudrais ici être parfaitement précis tant sur les aides déjà versées que sur le calendrier de ce que nous allons faire au cours des prochaines semaines.

Concernant la crise de 2007 H5N8, les paiements pour indemniser les abattages préventifs subis dans les élevages sont pratiquement achevés aujourd’hui à hauteur de 13 millions d'euros.

En parallèle, le dispositif qui permet le versement d’une avance de 50 % sur les pertes de non-production dans les zones réglementées a débuté à la mi-juin et est en cours de règlement sur 95 % des dossiers. Comme je l’avais annoncé le 23 juin dernier, une seconde avance de 20 % a été octroyée. Les paiements ont démarré depuis la deuxième quinzaine d’octobre.

S’agissant du maillon « sélection et accouvage », un nouveau dispositif qui permet la prise en charge des pertes par les accouveurs est déployé depuis le début du mois d’août. Les paiements devraient intervenir, pour eux, à partir du mois de novembre.

Concernant la prise en charge des pertes indirectes – car c’est aussi votre question –, ce sujet est parfaitement identifié au ministère. J’ai eu l’occasion de recevoir à ce propos un certain nombre de parlementaires et les représentants de la filière professionnelle, notamment le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras, le CIFOG. Et j’ai demandé à la Commission européenne de tenter une médiation pour savoir si nous sommes en mesure d’ouvrir une indemnisation sur ces pertes indirectes. Aujourd'hui, nous n’avons pas de retour particulier, mais nous essayons d’avancer et de trouver des solutions pour faire en sorte que ces pertes indirectes puissent être reconsidérées et que nous soyons en capacité de venir en aide à la filière, qui en a bien besoin.

Je veux aussi…

M. le président. Il faut conclure maintenant !

M. Stéphane Travert, ministre. … saluer des opérations positives. Ainsi, la France a retrouvé son statut « indemne » sur l’influenza aviaire, ce qui a permis au Japon de rouvrir son marché aux produits de volailles et au foie gras, et je m’en réjouis, bien évidemment, pour l’ensemble de la filière du Sud-Ouest.

fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l’intérieur.

Pour avoir assisté dans mon département à la réunion de synthèse des conférences territoriales, j’ai pu constater qu’une question était prioritairement évoquée par les présidents d’intercommunalité. Elle concerne le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.

Certaines intercommunalités se voient en effet privées de tout autofinancement et subissent des prélèvements extraordinairement importants. Pour des communautés de 5 000 habitants, ils peuvent aller jusqu’à 250 000, voire 300 000 euros. Vous voyez ce que cela peut donner !

Il n’est pas question pour moi de nier l’intérêt des solidarités territoriales, je ne saurais davantage vous accuser d’avoir pris de mauvaises décisions. Je le sais, votre gouvernement n’est pas à l’origine du FPIC, qui a été créé en 2012. Je veux simplement dire que ce qui était supportable en 2012, à hauteur de 150 millions d'euros, ne l’est plus en 2017, quand le prélèvement atteint 1 milliard d’euros !

Ce qui révolte les intercommunalités rurales, contributrices en majorité au profit des intercommunalités urbaines, c’est surtout l’application du coefficient qui varie de 1 à 2 – vous avez bien entendu, mes chers collègues, de 1 à 2 ! – en fonction du nombre d’habitants, au motif que, plus il y a d’habitants, plus il y a de charges. Outre que cette analyse n’est pas avérée, elle est contraire à la réalité et à l’équité républicaine.

Nos concitoyens qui vivent en milieu rural supportent d’autres charges. Ainsi, ils doivent prendre leur voiture s’ils veulent profiter de tous les services auxquels ils ont droit et qui ne sont pas délivrés sur le territoire de leur commune.

Madame la ministre, si on ne veut pas exacerber les clivages entre milieu rural et milieu urbain, il faut revenir sur ce coefficient de 1 à 2, qui est injuste et injustifié.

Ma question est donc simple : allez-vous prendre des mesures pour revenir à l’équité ? (Applaudissements sur des travées du groupe du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur Philippe Adnot, le FPIC a été créé par une loi de 2012. C’est le premier mécanisme de péréquation horizontale. Il me paraît important de rappeler le contexte dans lequel il a été instauré : on venait de supprimer la taxe professionnelle.

Un bilan du FPIC est présenté chaque année au Parlement ; le prochain le sera en novembre. Nous en tirons plusieurs constatations.

Premièrement, s’agissant des effets de la refonte de la carte intercommunale sur le FPIC, qui était quand même une grande interrogation, il est apparu que la situation est restée à peu près inchangée entre 2016 et 2017. En effet, pour 93 % des ensembles intercommunaux, la situation demeure identique. (M. Pierre-Yves Collombat fait un signe de protestation.)

Deuxièmement, en 2017, 59 % des territoires – contre 53 % en 2016 – sont bénéficiaires du FPIC ; je le précise, ils sont bénéficiaires nets !

Troisièmement, pour les calculs faits sur la base de ressources consolidées d’effet anti-péréquateur, nous avons aménagé des mécanismes qui permettent de traiter la question des communes riches dans un ensemble intercommunal pauvre et vice versa.

Quatrièmement, il arrive de plus en plus souvent que les élus utilisent les mesures dérogatoires (M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement et Mme Françoise Gatel opinent.) et décident, à la majorité qualifiée, à l’intérieur d’une intercommunalité, de modifier la répartition du FPIC.

Cinquièmement, enfin, l’analyse de la répartition montre que le FPIC favorise globalement les ensembles intercommunaux de petite taille, c’est-à-dire ruraux, et met globalement à contribution les intercommunalités urbaines.

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas vrai !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, dans un souci de lisibilité et de solidarité, a décidé, dans le projet de loi de finances pour 2018, de maintenir le FPIC à hauteur de 1 milliard d'euros. (M. Arnaud de Belenet applaudit. – M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour la réplique.

M. Philippe Adnot. Madame la ministre, vous venez de terminer votre propos sur une chose totalement inexacte. Je connais les chiffres, j’ai lu le rapport et je peux vous dire que, avec ce coefficient de 1 à 2, lorsque la population est nombreuse, les ressources qui sont regardées sont divisées par deux.

M. Philippe Adnot. Vous ne pouvez pas nous dire ensuite que les petites communes rurales sont bénéficiaires…

M. Michel Savin. Effectivement !

M. Philippe Adnot. … par rapport au monde urbain. C’est totalement faux ! Je vous demande de publier les chiffres pour que tout le monde y voie clair sur ce sujet ! (M. Michel Savin opine.)

Mais nous en reparlerons, parce que la situation est totalement injuste et que les choses ne pourront pas rester en l’état ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, je vous remercie.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 9 novembre 2017 et seront retransmises sur France 3, Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

7

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites
Article 1er

Accueil des gens du voyage

Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la discussion de la proposition de loi tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d’accueil des gens du voyage, présentée par M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues, en examen conjoint avec la proposition de loi visant à renforcer et rendre plus effectives les sanctions en cas d’installations illégales en réunion sur un terrain public ou privé, présentée par M. Loïc Hervé et plusieurs de ses collègues.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites
Article 2

Article 1er (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par M. Collombat, Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Cohen, M. P. Laurent, Mme Cukierman, M. Foucaud, Mme Prunaud, MM. Watrin, Gay et Ouzoulias, Mme Gréaume, MM. Savoldelli et Gontard et Mme Benbassa, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 15

Remplacer ces alinéas par vingt-deux alinéas ainsi rédigés :

I. – La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifiée :

1° L’article 1er est ainsi rédigé :

« Art. 1er. - I. – Les établissements publics de coopération intercommunale comportant une ou plusieurs communes de plus de 5000 habitants participent à l’accueil des personnes dites gens du voyage et dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles.

« II. – La compétence aires d’accueil des gens du voyage est exercée par les établissements publics de coopération intercommunale telle que prévue par les articles L. 5214-16, L. 5215-20, L. 5215-20-1, L. 5216-5 et L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales. Les communes qui ne sont pas membres d’un établissement public de coopération intercommunale remplissent les obligations des établissements publics de coopération intercommunale lorsqu’elles sont inscrites au schéma départemental d’accueil des gens du voyage.

« III. – Dans chaque département, au vu d’une évaluation préalable des besoins et de l’offre existante, notamment des taux d’occupation moyens des aires et terrains d’accueil existants, de la fréquence et de la durée des séjours des gens du voyage, des possibilités de scolarisation des enfants, d’accès aux soins et d’exercice des activités économiques, un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d’implantation des aires permanentes d’accueil, les établissements publics de coopération intercommunale et les communes où celles-ci doivent être réalisées.

« Le schéma départemental précise la destination des aires permanentes d’accueil et leur capacité. Il définit la nature des actions à caractère social destinées aux gens du voyage qui les fréquentent.

« Le schéma départemental détermine les emplacements susceptibles d’être occupés temporairement à l’occasion de rassemblements traditionnels ou occasionnels et définit les conditions dans lesquelles l’État intervient pour assurer le bon déroulement de ces rassemblements.

« Une annexe au schéma départemental recense les autorisations délivrées sur le fondement de l’article L. 444-1 du code de l’urbanisme. Elle recense également les terrains devant être mis à la disposition des gens du voyage par leurs employeurs, notamment dans le cadre d’emplois saisonniers.

« Le schéma départemental tient compte de l’existence de sites inscrits ou classés sur le territoire des communes concernées. La réalisation des aires permanentes d’accueil doit respecter la législation applicable, selon les cas, à chacun de ces sites.

« IV. – Le schéma départemental est élaboré par le représentant de l’État dans le département et le président du conseil départemental. Après avis du conseil des établissements publics de coopération intercommunale, du conseil municipal des communes concernées et de la commission consultative prévue au V, il est approuvé conjointement par le représentant de l’État dans le département et le président du conseil départemental. Il fait l’objet d’une publication.

« Le schéma départemental est révisé selon la même procédure au moins tous les six ans à compter de sa publication.

« V. – Dans chaque département, une commission consultative, comprenant notamment des représentants des établissements publics de coopération intercommunale, des communes concernées, des représentants des gens du voyage et des associations intervenant auprès des gens du voyage, est associée à l’élaboration et à la mise en œuvre du schéma. Elle est présidée conjointement par le représentant de l’État dans le département et par le président du conseil départemental ou par leurs représentants.

« La commission consultative établit chaque année un bilan d’application du schéma. Elle peut désigner un médiateur chargé d’examiner les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de ce schéma et de formuler des propositions de règlement de ces difficultés. Le médiateur rend compte à la commission de ses activités.

« VI. – Le représentant de l’État dans la région coordonne les travaux d’élaboration des schémas départementaux. Il s’assure de la cohérence de leur contenu et de leurs dates de publication. Il réunit à cet effet une commission constituée des représentants de l’État dans les départements, du président du conseil régional et des présidents des conseils départementaux, ou de leurs représentants. »

2° L’article 2 est ainsi rédigé :

« Art. 2. - I. – Les établissements publics de coopération intercommunale figurant au schéma départemental en application des I et III de l’article 1er sont tenus, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en œuvre. Ils le font en mettant à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d’accueil, aménagées et entretenues.

« II. – Les établissements publics de coopération intercommunale intéressés et les communes par délégation assurent la gestion de ces aires. La gestion peut être confiée par convention à une personne publique ou privée.

« III. – Le délai de deux ans prévu au I est prorogé de deux ans, à compter de sa date d’expiration, lorsque l’établissement public de coopération intercommunale a manifesté, dans ce délai, la volonté de se conformer à ses obligations :

« - soit par la transmission au représentant de l’État dans le département d’une délibération ou d’une lettre d’intention comportant la localisation de l’opération de réalisation ou de réhabilitation d’une aire d’accueil des gens du voyage ;

« - soit par l’acquisition des terrains ou le lancement d’une procédure d’acquisition des terrains sur lesquels les aménagements sont prévus ;

« - soit par la réalisation d’une étude préalable.

« Le délai d’exécution de la décision d’attribution de subvention, qu’il s’agisse d’un acte unilatéral ou d’une convention, concernant les communes ou établissements publics de coopération intercommunale qui se trouvent dans la situation ci-dessus est prorogé de deux ans. »

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne vous infligerai pas la lecture de cet amendement, qui avait la prétention de réécrire certains passages de la loi Besson, pour que cela soit un peu plus compréhensible. Je vais en revanche dire deux mots sur sa substantifique moelle. (Sourires.)

Comme vous le savez, aux termes des lois MAPTAM et NOTRe, les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, exercent désormais, en lieu et place des communes membres, la compétence « accueil des gens du voyage ». Toutefois, ces textes ne revenaient pas sur le fait que les communes conservaient la charge de leur création, le reste de la compétence appartenant aux EPCI.

Cet amendement vise à dire clairement que cette compétence, dans toutes ses dimensions, est entièrement exercée par les EPCI, ce qui évite les « prises de tête » pour savoir qui fait quoi et comment. Cela peut quand même aider à l’achèvement des schémas départementaux.

De plus, nous nous sommes conformés à l’esprit de la loi Besson en prévoyant, comme elle le faisait, d’exonérer de cette obligation les EPCI qui ne comportent aucune commune de plus de 5 000 habitants.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 21 est présenté par MM. Fichet, Leconte et Sueur, Mmes Harribey et G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Rossignol, M. J. Bigot, Mme Cartron, M. Courteau, Mme Lubin, M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 28 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 3 à 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l’amendement n° 21.

M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement vise, dans la droite ligne de ce qu’a exprimé M. Collombat, à supprimer les alinéas 3 à 6 de l’article 1er.

La proposition de loi exclut du schéma départemental les groupements de communes qui ne comporteraient parmi leurs membres aucune commune de plus de 5 000 habitants. Ainsi, une communauté de communes se trouvant dans cette situation ne pourrait se voir assigner aucune obligation en matière d’aires d’accueil des gens du voyage. Cette proposition présente un recul par rapport au droit en vigueur.

En outre, la mesure proposée qui consisterait à conditionner la réalisation des aires et des terrains familiaux et de grands passages sur la base d’un nouvel indicateur correspondant à un taux d’occupation minimal de l’offre existante introduirait une nouvelle norme inappropriée et inopérante. Cette mesure présentée comme un garde-fou pour les collectivités constituerait davantage une entrave supplémentaire à l’effectivité de la loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 28.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement estime que toute évolution de la loi du 5 juillet 2000 ne doit pas se traduire par une réduction de la participation des communes et de leurs groupements à l’accueil des gens du voyage.

Pour mémoire, les communautés de communes ne comportant que des communes de moins de 5 000 habitants représentent près de 45 % des communautés sur le plan national. On ne saurait donc les exonérer de leur compétence en matière d’accueil des gens du voyage, au risque d’alléger considérablement le volume global des obligations qui leur incombent au titre de la loi de 2000.

Il est par ailleurs proposé de fixer comme critère supplémentaire de détermination celui d’un taux d’occupation des aménagements existant dans le même secteur géographique. Même si l’on comprend l’intention qui sous-tend cette disposition, une telle mesure reviendrait à complexifier le dispositif actuel de manière inutile dès lors que le schéma départemental, fait en concertation entre l’État et le conseil départemental, s’appuie nécessairement sur une évaluation réelle des besoins.

Telles sont les raisons pour lesquelles il est proposé de supprimer les alinéas 3 à 6 du présent article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L’amendement n° 14 rectifié bis de M. Collombat vise une réécriture complète de l’article. On reconnaît le souci de simplicité et de lisibilité du droit qui anime l’auteur de cet amendement.

Toutefois, cette rédaction comporte quelques écueils.

Tout d’abord, on peut s’étonner que le groupe CRCE propose de supprimer le principe de portée générale inscrit dans la loi du 5 juillet 2000, selon lequel « les communes participent à l’accueil des personnes dites gens du voyage ».

Ce principe est reconnu de longue date par la République et l’aménagement des aires et terrains d’accueil prévus par les schémas départementaux n’est que l’une de ses modalités d’application. Les communes non inscrites au schéma et dépourvues d’aires d’accueil sont tenues, elles aussi, de « participer à l’accueil des gens du voyage » en les laissant stationner quelques heures sur leur territoire – sauf si elles appartiennent à un EPCI qui a rempli les obligations mises à sa charge par le schéma.

Substituer à ce principe général la disposition selon laquelle les « établissements publics de coopération intercommunale comportant une ou plusieurs communes de plus de 5 000 habitants participent à l’accueil des personnes dites gens du voyage » constituerait donc un recul pour les droits de ces personnes.

On peut s’étonner aussi que votre groupe, monsieur Collombat, supprime la disposition selon laquelle le préfet peut signer seul le schéma, si le président du conseil départemental refuse de le faire. En effet, cette disposition est indispensable pour empêcher des blocages.

Autre élément, l’amendement fait l’impasse sur les terrains familiaux locatifs et les aires de grand passage, alors qu’ils figurent au schéma. Ces terrains et ces aires sont évidemment indispensables.

Enfin, je ne suis pas certaine que la rédaction proposée simplifie réellement le droit.

Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

J’en viens aux amendements identiques nos 21 et 28, qui sont contraires à la position de la commission.

En premier lieu, ils visent à supprimer la disposition selon laquelle le schéma départemental ne peut prévoir, à titre obligatoire, la réalisation d’aires ou de terrains d’accueil dans les petites communautés de communes rurales ne comportant aucune commune de plus de 5 000 habitants.

Cette disposition est conforme à l’intention du législateur de 2000, puisqu’il n’envisageait la création d’aires d’accueil que dans les « agglomérations ».

Elle met le droit en accord avec la pratique, puisque les schémas départementaux que l’on a pu consulter n’imposent pas d’obligations à de telles communautés de communes. Il arrive que le schéma prévoie, à titre facultatif, la réalisation d’aires ou de terrains d’accueil dans les EPCI ne comportant aucune commune de plus de 5 000 habitants, et la commission a eu soin de conserver cette simple faculté. Ce n’est pas une interdiction stricte, il subsiste la faculté de le faire.

En second lieu, les amendements visent à supprimer la disposition introduite en commission sur l’initiative de Mme Gatel, selon laquelle le schéma départemental ne peut prévoir la création de nouvelles aires ou de nouveaux terrains si le taux d’occupation des aires et terrains existant dans le même secteur géographique d’implantation est inférieur à un seuil défini par décret. On voit mal pourquoi les communes et leurs groupements créeraient de nouvelles aires ou de nouveaux terrains si ceux qui existent aux alentours restent à moitié vides ! On a rappelé le taux de 55 % d’occupation.

Cette disposition ne compliquerait nullement la procédure. Elle fournirait simplement un critère utile pour évaluer les besoins locaux.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable sur les amendements identiques nos 21 et 28.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 14 rectifié bis ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Collombat, le Gouvernement considère qu’il faut maintenir l’engagement de tous les territoires quant à l’accueil des gens du voyage. Aussi, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 14 rectifié bis.

Si les amendements identiques – celui de M. Fichet et le nôtre – étaient adoptés, je pense que l’on arriverait à une position tout à fait raisonnable.

En revanche, il n’est pas du tout raisonnable d’exonérer de l’obligation d’accueil des gens du voyage 45 % des intercommunalités, la concentrant ainsi sur seulement la moitié des territoires français !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne peux pas laisser dire cela ! Quelle est la situation actuelle ? La loi Besson prévoit que ne sont assujetties à l’obligation de participer au schéma que les communes de plus de 5 000 habitants. Je propose, quant à moi, que les EPCI dans lesquels il n’y a que des communes de moins de 5 000 habitants n’y participent pas. C’est la même chose ! Ces communes ne participaient pas au système autrefois. Donc, cela ne tient pas debout.

Ensuite, je rappelle que les EPCI disposent de la compétence « accueil des gens du voyage », dans toutes ses dimensions. Vous nous opposez un problème avec les financements, mais pourquoi crée-t-on des EPCI, sinon pour éviter, justement, ce type de financements croisés ? C’est l’EPCI lui-même, en tant que tel, qui est responsable et les communes membres participent à travers leur contribution habituelle à la vie de l’établissement public. Je ne comprends pas ces arguments !

Je n’ergoterai pas sur tel ou tel défaut de rédaction, car je ne suis pas certain de n’avoir pas commis d’erreurs. Toutefois, une simplification affirmant que les EPCI exercent la totalité de la responsabilité – cela ne changera rien quant au nombre de communes qui participeront – et que la solidarité s’exprime à travers la vie de l’EPCI ne me semble pas extraordinaire. Pour une fois, on simplifierait !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je suis d’accord avec vous, monsieur le sénateur. Notre rédaction reprend tout cela, mais la vôtre me semble imparfaite.

M. François Bonhomme. C’est certain !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Vous serez sans doute satisfait du texte que nous avons proposé en commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié bis.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 28.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mme Estrosi Sassone, MM. Carle, Retailleau, Mouiller et Pillet, Mmes Primas, Bonfanti-Dossat et M. Mercier, MM. Longuet et Reichardt, Mme Deroche, M. J.M. Boyer, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Cuypers, Bouchet, Dufaut, Chatillon et Vial, Mme Deseyne, M. Piednoir, Mme Deromedi, MM. Ginesta, Babary, Husson, Mayet et Bonne, Mmes Berthet, Bories, Lherbier, Lamure et Procaccia, MM. Cambon, D. Laurent, Kennel, Poniatowski, Forissier, Daubresse, Mandelli, Huré, Savary, Lefèvre et Bonhomme, Mmes Micouleau, Lassarade, Troendlé, Imbert, Dumas et L. Darcos, MM. Hugonet, Bizet, B. Fournier, Paccaud, Grosperrin, Calvet, Chaize, Grand, Danesi, Meurant, Rapin et Morisset, Mme Duranton, MM. de Nicolaÿ et Cardoux, Mmes Gruny et Morhet-Richaud, M. Paul, Mme Puissat et MM. Laménie, Gremillet, Perrin et Raison, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Après le 5° du IV de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° – Les emplacements des aires permanentes d’accueil mentionnées au 1° du II de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ; ».

La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Cette disposition, qui a déjà été adoptée par la majorité sénatoriale lors de l’examen de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, vise à soutenir les collectivités territoriales en prévoyant de comptabiliser dans le taux de logements locatifs sociaux les emplacements des aires permanentes d’accueil des gens du voyage.

En effet, ces aires permanentes d’accueil entrent pleinement dans le champ des hébergements sociaux puisque ce sont des lieux de séjour qui peuvent accueillir des personnes en situation de précarité et que celles-ci peuvent rester sur ces lieux plusieurs mois, voire plusieurs années.

De plus, ces aires représentent un coût non négligeable pour les collectivités locales qui en ont la charge. Ce sont des équipements pérennes et qui sont à la fois construits et gérés par les collectivités locales, avec un accès aux commodités.

Enfin, je rappelle que les dépenses, notamment foncières, faites par une commune pour la création d’une aire d’accueil des gens du voyage peuvent déjà être déduites au titre des pénalités de la loi SRU.

Il est donc légitime, à travers cet amendement, d’aller au bout de la logique en comptabilisant ces aires permanentes d’accueil des gens du voyage dans l’obligation de construction des logements locatifs sociaux.

M. François Bonhomme. Bien sûr ! C’est de bon sens !

Mme la présidente. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Pellevat et D. Laurent, Mme Troendlé, M. Dufaut, Mme Lamure, M. Reichardt, Mme Canayer, M. de Legge, Mme Garriaud-Maylam, MM. Lefèvre et Huré, Mme de Cidrac, M. Grand, Mme Imbert, M. Cambon, Mme Thomas, MM. Milon et Longuet et Mme Chain-Larché, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Après le 6° du IV de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi modifié :

« …° Les aires d’accueil en état de service, dont la réalisation est prévue au schéma départemental d’accueil des gens du voyage ; ».

La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Cet amendement a été excellemment défendu par ma collègue Dominique Estrosi Sassone. Je rappelle simplement qu’une telle mesure est attendue par les collectivités territoriales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. L’amendement n° 1 rectifié bis tend à comptabiliser les emplacements en aire permanente d’accueil dans les logements locatifs sociaux au titre de la loi SRU.

En l’état du droit, seuls les terrains locatifs familiaux sont comptabilisés comme logements sociaux.

Ainsi que l’a excellemment dit notre collègue Dominique Estrosi Sassone, une telle mesure se justifie pleinement, puisque ces aires, comme les logements sociaux, sont destinées à des personnes qui sont souvent en situation de précarité, que leur création, leur aménagement, leur entretien et leur gestion coûtent cher aux communes et EPCI et que les dépenses exposées à ce titre par les communes et leurs groupements sont déjà déductibles du prélèvement sur les ressources fiscales des communes qui n’ont pas atteint le taux de logements sociaux prévu par la loi SRU.

L’avis est donc favorable.

Concernant l’amendement n° 5 rectifié, qui a le même esprit, je vous demande, monsieur Pellevat, de le retirer. En effet, la rédaction proposée par Mme Estrosi Sassone est plus aboutie.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Comme il a été dit précédemment, le sujet a déjà fait l’objet de débats à l’occasion de la discussion de différents textes, le dernier étant la proposition de loi dite « Raimbourg » relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.

Il a toujours été considéré que les aires d’accueil des gens du voyage ne sauraient être assimilées à des logements pérennes destinés à des ménages modestes et dont la production nécessaire constitue l’essence même des dispositions de l’article 55 de la loi SRU. Elles ne sauraient donc être décomptées au titre de cette loi, et ce d’autant moins que, en l’absence de bail ou d’occupation de type locatif, aucun mécanisme ne vient garantir l’occupation effective de ces aires à des fins sociales par des personnes sous plafond de ressources, ce qui rendrait impossible une comptabilisation permettant de vérifier la satisfaction des objectifs SRU.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Il me paraît absolument normal qu’au bout de quelques années ces emplacements soient comptabilisés au titre des obligations que doivent remplir les communes.

Je ne comprends pas la logique qui préside au refus du Gouvernement de les considérer comme des logements sociaux de fait. Tous les maires, tous les élus locaux, connaissent le type de populations auquel ils ont affaire et les conditions dans lesquelles elles vivent. À tout cela s’ajoute le phénomène de sédentarisation, qui s’accroît depuis 15 ans.

Je ne comprends pas que ce refus soit justifié par l’absence d’assurances quant au caractère social. Celui-ci est pourtant évident : il n’est pas nécessaire de construire des mécanismes ou de mener des études poussées pour comprendre que l’on est en plein dans le sujet des logements à caractères sociaux. À mes yeux, ces aires entrent pleinement dans le champ des hébergements sociaux.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Je retire l’amendement n° 5 rectifié, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié est retiré.

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Sur ce même sujet, j’avais déposé un amendement lors de l’examen de textes précédents, visant à ce que ces emplacements soient comptabilisés dans les logements sociaux.

Quant à l’effectivité de l’occupation, il suffit de prendre en compte les taux d’occupation de l’aire, qui sont contrôlables et contrôlés.

Si un effort dans ce domaine est nécessaire, il existe des mécanismes pour nous aider à construire des logements sociaux pour les populations en voie de sédentarisation. J’étais en train de le faire dans la commune dont j’étais maire jusqu’il y a quelques semaines et, croyez-moi, c’est un parcours du combattant. J’ai passé quatre ans sur le dossier !

Il faut que l’on nous aide dans ce domaine, mais aussi que l’on accepte que les aires d’accueil dans lesquelles il y a un taux d’occupation soient comptabilisées dans les logements sociaux. Il me semble que c’est conforme à l’esprit de la loi SRU, laquelle ne doit pas être une bible absolument immuable, comme elle a trop souvent tendance à l’être, à mon goût.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

L’article 3 la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « en matière d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires permanentes d’accueil, des aires de grand passage et des terrains familiaux locatifs aménagés dans les conditions prévues à l’article L. 444-1 du code de l’urbanisme » et les mots : « selon un calendrier déterminé » sont supprimés ;

b) Les deuxième et dernier alinéas sont supprimés ;

2° Le II est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est supprimé ;

b) Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « Si, à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la mise en demeure prévue au I, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale n’a pas rempli les obligations mises à sa charge par le schéma départemental, l’État peut acquérir… (le reste sans changement). » ;

c) La seconde phrase du troisième alinéa est supprimée ;

3° (Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 22 est présenté par MM. Fichet, Leconte et Sueur, Mmes Harribey et G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Rossignol, M. J. Bigot, Mme Cartron, M. Courteau, Mme Lubin, M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 29 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l’amendement n° 22.

M. Jean-Luc Fichet. Il s’agit d’un amendement de suppression. Nous considérons que l’article 2 est un encouragement à l’immobilisme. Il vide de sa substance le pouvoir de substitution du préfet aux communes et aux EPCI qui ne respectent pas le schéma départemental d’accueil des gens du voyage en réduisant son champ d’application et, surtout, en supprimant le dispositif de consignation de fonds auquel il est adossé.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 29.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement est défavorable à la suppression du mécanisme de consignation, qui a été créé par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité à la citoyenneté. Il constitue une amélioration du dispositif d’accueil des gens du voyage dans la mesure où il permet au représentant de l’État dans le département de prendre des mesures efficaces et pratiques lorsque les obligations prévues par le schéma départemental n’ont pas été accomplies par les communes ou les EPCI.

Il ne s’agit pas d’une mesure coercitive, il s’agit d’une disposition incitative, de bonne application de la loi, que le préfet peut utiliser avant, éventuellement, de mettre en œuvre le mécanisme de substitution prévu à l’article 3 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.

En outre, l’introduction récente du mécanisme de consignation ne laisse aucun recul sur l’efficacité de sa mise en œuvre. Il est donc particulièrement inopportun, à notre avis, de le supprimer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Ces amendements identiques tendent à supprimer l’article 2, qui lui-même supprime la procédure de consignation de fonds à l’encontre des communes et EPCI défaillants dans leurs obligations de mise en œuvre du schéma départemental d’accueil des gens du voyage.

Contrairement à ce qu’a dit M. Fichet, la commission n’a pas remis en cause la possibilité pour le préfet de se substituer à une commune ou un EPCI défaillant, non plus que les précisions apportées par la loi « égalité et citoyenneté » sur les modalités d’application de cette procédure de substitution. Nous n’y touchons pas.

La commission a seulement estimé que la procédure de consignation de fonds était inutilement attentatoire à la libre administration des collectivités territoriales.

Si le préfet se substitue à une commune ou à un EPCI, les dépenses qu’il engage pour réaliser des aires ou des terrains d’accueil constituent des dépenses obligatoires pour cette commune ou cet EPCI. Il suffit donc à l’État de faire l’avance des fonds.

Permettez-moi d’ajouter, madame la ministre, qu’il est assez déplaisant de voir l’État frapper d’anathème les élus locaux alors que lui-même se désengage.

Si l’État tient à ce que les aires et terrains manquants soient construits, il faut qu’il en rétablisse le subventionnement. Il sera temps de déterminer, dans quelques années, si les progrès accomplis sont suffisants. Donnez les moyens aux communes d’exercer leurs compétences !

MM. Jean-Claude Carle, Guy-Dominique Kennel et Claude Kern. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je soutiens la position de Mme la ministre. Ce dispositif de consignation a été créé après une longue concertation, parce que le pouvoir de substitution du préfet n’a jamais été mis en œuvre et ne fonctionne pas. On a donc essayé de trouver une autre solution, par le dialogue.

C’est l’équilibre que vous avez tant vanté, en particulier vous-même, monsieur Carle, lors de votre intervention dans la discussion générale, qui serait remis en cause (M. Jean-Claude Carle fait un signe de dénégation.) si l’on supprimait l’outil destiné à pallier le fait que les communes qui ne respectent pas la loi pèsent sur celles qui la respectent.

On ne peut pas renoncer à cet outil, il a été pensé pour cela et nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour évaluer son efficacité. Évidemment, pour vous, ce n’est pas grave de ne pas se préoccuper des communes qui ne respectent pas des obligations déjà bien anciennes !

Ces amendements de suppression me semblent donc vraiment utiles.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. L’amendement n° 15 rectifié ter, qui suit, étant de facture comparable et concernant le même problème, ce que je vais dire maintenant servira donc également à le présenter, ce qui nous permettra de gagner un peu de temps.

Il faut être un peu cohérent. Nous ne pouvons pas avoir une chance de sortir des difficultés dans lesquelles nous sommes si nous n’essayons pas de tenir la balance en équilibre. Que les collectivités fassent leur travail et que les préfets fassent respecter l’ordre !

Supprimer cette contrainte, qui vise à inciter les élus à mettre en place les dispositifs appropriés, ne me semble pas être une bonne mesure, d’autant que, à partir du moment où la compétence appartient aux EPCI, elle me paraît beaucoup plus facile à exercer que lorsqu’une seule commune devait faire face à des obligations qu’elle avait peut-être des difficultés à assumer.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 29.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 15 rectifié ter, présenté par M. Collombat, Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Cohen, M. P. Laurent, Mme Cukierman, M. Foucaud, Mme Prunaud, MM. Watrin, Gay et Ouzoulias, Mme Gréaume, MM. Savoldelli et Gontard et Mme Benbassa, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Supprimer les mots :

et les mots : « selon un calendrier déterminé »

II. - Alinéas 4, 6 et 8

Supprimer ces alinéas

Cet amendement a été présenté. (M. Pierre-Yves Collombat opine.)

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons énoncées précédemment.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
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Article additionnel après l'article 3

Article 3

I. – Après l’article 9-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, il est inséré un article 9-2 ainsi rédigé :

« Art. 9-2. – Afin d’organiser l’accueil des personnes dites gens du voyage, tout stationnement d’un groupe de plus de cent cinquante résidences mobiles est notifié par les représentants du groupe au représentant de l’État dans la région de destination, au représentant de l’État dans le département et au président du conseil départemental concernés trois mois au moins avant l’arrivée sur les lieux pour permettre l’identification d’une aire de stationnement correspondant aux besoins exprimés.

« Le représentant de l’État dans le département concerné informe le maire de la commune et le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre sur le territoire desquels est située l’aire désignée pour cet accueil deux mois au moins avant son occupation. Il précise les conditions de cette occupation. »

II. – (Supprimé)

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Médevielle, Longeot, Cigolotti et Delcros, Mmes Loisier et Vermeillet, M. Moga, Mmes Vullien et de la Provôté, MM. Laugier, Canevet et Kern, Mmes Billon, Gatel, Goy-Chavent, Sollogoub et Micouleau et M. Chatillon, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Tout stationnement d’un groupe de moins de cent cinquante résidences mobiles est notifié par les représentants du groupe au maire de la commune d’accueil au moins 24 heures avant l’arrivée sur les lieux. »

La parole est à M. Pierre Médevielle.

M. Pierre Médevielle. Si les déplacements de résidences mobiles de plus de cent cinquante unités, comme les pèlerinages aux Saintes-Maries-de-la-Mer ou à Lourdes, semblent aujourd’hui encadrés, ce n’est pas le cas s’agissant des mouvements de moindre importance.

Cet amendement a pour objet de permettre aux maires d’être informés au moins vingt-quatre heures à l’avance de l’arrivée dans leur commune d’un groupe de moins de cent cinquante résidences mobiles. Il vise donc à faire obligation aux responsables du convoi d’avertir les autorités locales vingt-quatre heures avant l’arrivée sur les lieux.

Cette mesure permettra d’anticiper au mieux l’accueil des personnes dites « gens du voyage » et d’organiser leur arrivée et leur stationnement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Le présent amendement vise à soumettre le stationnement de groupes de moins de cent cinquante résidences mobiles à un régime de déclaration préalable : il devrait être notifié au maire au moins vingt-quatre heures à l’avance.

Le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur la faculté d’apporter des restrictions aux libertés constitutionnellement garanties, telles que la liberté d’aller et venir, afin de les concilier avec d’autres objectifs de valeur constitutionnelle, tels que le maintien de l’ordre public. Ces restrictions peuvent notamment consister en un régime d’autorisation ou de déclaration préalable.

Toutefois, on peut s’interroger sur la proportionnalité de la mesure proposée, d’autant qu’aucun seuil n’est fixé : n’importe quel groupe de caravanes, fût-ce de deux unités, devrait, avant de stationner sur le territoire d’une commune, en informer le maire au moins vingt-quatre heures à l’avance. Il n’est d’ailleurs pas précisé si cette obligation s’appliquerait seulement lorsque les personnes concernées envisagent de stationner sur un terrain public, ou si elle s’appliquerait aussi en cas de stationnement sur un terrain privé, qui pourrait même appartenir au propriétaire des caravanes.

Or le stationnement de quelques caravanes n’est pas, par lui-même, de nature à porter atteinte à l’ordre public.

Mon cher collègue, je vous invite donc à retirer cet amendement, dont une version plus aboutie pourrait être déposée dans la suite de la navette.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Tout d’abord, comme le rapporteur vient de le dire, il porterait certainement atteinte à la liberté de circulation des gens du voyage.

En outre, nous considérons que cette proposition n’est pas applicable.

Mme la présidente. Monsieur Médevielle, l’amendement est-il maintenu ?

M. Pierre Médevielle. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

M. Jean-François Longeot. Cet amendement est très important, d’abord parce qu’il vise à créer un climat de confiance entre les deux parties en disant à celles et ceux qui vont venir dans la commune qu’on les accueillera dans de bonnes conditions.

Sans doute peut-on fixer un seuil à deux ou trois caravanes, mais en n’approuvant pas cette mesure, on prend le risque que l’arrivée d’un certain nombre de gens du voyage alors qu’il y en a déjà sur les aires d’accueil ne conduise à des difficultés et à des conflits, ainsi que cela a été dit dans la discussion générale. Cet amendement a pour objectif de tenter de régler ces problèmes.

À mon sens, il ne s’agit pas du tout d’une contrainte. J’ai été maire durant vingt et un ans et j’avais installé avec certains groupes un climat de confiance. C’est bien l’objet de cette proposition, qui n’est en rien une condamnation des gens du voyage. Certains me téléphonaient en me disant « Je viendrai dans trois ou quatre jours » et nous les accueillions correctement. Ce climat entre nous était vraiment important.

Il ne faut donc pas envisager cet amendement négativement. Son objectif n’est pas d’apporter des contraintes, mais bien d’être positif pour chacune des parties.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. J’entends bien votre préoccupation, mon cher collègue, mais je me permets d’insister : cet amendement mériterait tout de même une rédaction plus précise, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment.

Soit nous l’adoptons maintenant et nous le rectifions au cours de la navette, soit nous attendons la navette pour en présenter une version un peu plus aboutie. En l’état actuel, il présente quelques difficultés d’interprétation.

S’il était retiré, nous pourrions mieux le travailler.

M. Pierre Médevielle. Je retire cet amendement, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.

L’amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Carle et Mme Estrosi Sassone, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, en cas de stationnement de plus de cent cinquante résidences mobiles sur le territoire d’une commune, le maire, s’il n’est pas en mesure d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, peut demander au représentant de l’État dans le département de prendre les mesures nécessaires. »

La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Cet amendement tend à se substituer à l’alinéa 5 de l’article 3, qui n’a pas été retenu, à juste titre, par la commission, car il risquait de porter atteinte aux prérogatives des maires, même si ceux-ci auraient sans doute été moins contrits de perdre cette prérogative que de voir disparaître la taxe d’habitation ! (Sourires.)

Cet amendement vise donc à donner la possibilité aux maires de demander l’aide du préfet, sans pour autant abandonner leur pouvoir.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Le présent amendement tend à accorder au maire, s’il n’est pas en mesure d’assurer lui-même l’ordre public à l’occasion du stationnement de plus de cent cinquante résidences mobiles dans sa commune, la faculté de demander au préfet de département de prendre les mesures nécessaires.

Dans sa version initiale, l’article 3 de la proposition de loi prévoyait de transférer de plein droit au préfet le pouvoir de police générale du maire lors des grands passages et grands rassemblements de gens du voyage.

M. Jean-Claude Carle a entendu les réticences exprimées par votre commission à l’idée de ce transfert, lequel aurait privé les maires de toute possibilité légale d’agir pour maintenir l’ordre public lors de ces événements, et il propose ici un dispositif différent.

Il convient de rappeler qu’en l’état actuel du droit le préfet dispose de la faculté de se substituer, après mise en demeure, à un maire qui refuserait de prendre les mesures nécessaires pour maintenir l’ordre public dans sa commune. Le préfet agit alors en lieu et place du maire, et il engage la responsabilité de la commune en cas de faute, même simple, dans l’exercice de ce pouvoir de police municipale.

En outre, en cas de trouble grave à l’ordre public et face à la carence du maire, si le préfet ne fait pas usage de son pouvoir de substitution, il est susceptible d’engager la responsabilité de l’État pour faute lourde.

Le présent amendement envisage une hypothèse différente, selon laquelle le maire ne refuse pas d’agir, mais se trouve dans l’impossibilité matérielle de le faire. Il pourrait alors demander au préfet de prendre les mesures nécessaires. Le préfet conserverait cependant la faculté de rejeter la demande et de laisser au maire le soin d’assurer l’ordre public, quitte à se substituer à lui en cas de carence, après mise en demeure.

Il s’agit donc d’une innovation, afin de répondre aux préoccupations de certains maires de petites communes qui s’estiment démunis pour faire face aux grands passages et grands rassemblements de gens du voyage.

En revanche, plusieurs questions se posent.

Premièrement, en cas d’acceptation par le préfet de la demande du maire, il semble résulter de la rédaction proposée que le préfet agirait au nom de l’État. Toute faute commise dans l’exercice de ses pouvoirs engagerait donc la responsabilité de l’État. Toutefois, le maire conserverait-il la possibilité légale d’agir ? La commune serait-elle déchargée de toute responsabilité en cas de dommages liés à un trouble à l’ordre public ou à l’exercice des pouvoirs de police ?

Deuxièmement, en cas de refus du préfet, celui-ci devrait-il être motivé ? Un refus injustifié engagerait-il la responsabilité de l’État ?

Cet amendement pose donc des questions qui méritent plus ample réflexion afin, notamment, de lever toute incertitude sur la répartition des responsabilités entre la commune et l’État.

Aussi, pour l’heure, je m’en remets à la sagesse du Sénat et je demande l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, cette proposition apparaissant satisfaite par le droit en vigueur. En effet, l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000 qui prévoit que « le schéma départemental définit les conditions dans lesquelles l’État intervient pour assurer le bon déroulement des rassemblements traditionnels ou occasionnels et des grands passages » confie déjà la police des rassemblements et des grands passages des gens du voyage à l’État, et ce quel que soit le régime de police dont relève la commune.

C’est pourquoi le Gouvernement considère que le droit permet déjà ce que vous proposez.

Mme la présidente. Monsieur Carle, l’amendement n° 4 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Carle. J’ai bien entendu les réponses de Mme la rapporteur concernant les questions que soulève mon amendement, ainsi que la demande de retrait de Mme la ministre. Je préfère toutefois maintenir cet amendement et profiter de la navette pour essayer de l’améliorer et, si nécessaire, le retirer.

Il me semble que nous devons envoyer un signal en ce sens.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(L’article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4

Article additionnel après l'article 3

Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mmes Primas et Estrosi Sassone, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 1013 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le IV est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le montant : « 150 » est remplacé par le montant : « 200 » ;

b) À la seconde phrase, le montant : « 100 » est remplacé par le montant : « 150 » ;

2° Le VI est ainsi rédigé :

« VI. – Le récépissé mentionné au V est délivré sous une forme permettant au redevable de l’apposer de manière visible sur son véhicule servant de résidence mobile terrestre. Cette apposition est obligatoire. » ;

3° Au VIII, le mot : « de présentation » est remplacé par le mot : « d’apposition ».

La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Cet amendement vise à rendre plus efficiente la taxe sur les résidences mobiles à usage d’habitat principal prévue à l’article 1013 du code général des impôts.

Il tend, premièrement, à augmenter ladite taxe de 50 euros, afin de renforcer la couverture des dépenses engagées par les collectivités et les EPCI dans le cadre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, dite « loi Besson ».

Il vise, deuxièmement, à transformer le récépissé délivré lors du paiement de la taxe en une vignette, que le redevable devra apposer de manière visible sur son véhicule.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. La quatrième loi de finances rectificative pour 2010 a instauré une taxe sur les résidences mobiles terrestres occupées à titre d’habitat principal. Cette taxe revêt la forme d’un droit de timbre, inspiré de l’ancienne vignette automobile, que les propriétaires doivent acquitter chaque année.

Cette taxe relève de la procédure de paiement sur déclaration : le propriétaire d’une résidence mobile occupée à titre d’habitat principal doit en faire la déclaration auprès du centre des finances publiques et s’acquitter immédiatement de la taxe due. Un récépissé lui est délivré.

Le produit annuel de la taxe est réparti entre les collectivités territoriales et les EPCI au prorata de leurs dépenses engagées pour la création, l’aménagement, l’entretien et la gestion d’aires et de terrains d’accueil destinés aux gens du voyage.

Le présent amendement tend à augmenter le montant de la taxe, en le portant de 150 à 200 euros par an, ou de 100 à 150 euros pour les résidences mobiles vieilles de plus de dix ans.

Il prévoit aussi que le récépissé est délivré par l’administration fiscale sous forme d’une vignette, celle-ci devant obligatoirement être apposée sur le véhicule.

Je ne suis pas certaine que cette dernière disposition – la « vignette » – soit de nature à faciliter le recouvrement de la taxe ou la sanction de son non-paiement. On peut d’ailleurs s’interroger sur les modalités de contrôle de cette taxe : lors d’un contrôle routier, si le conducteur du véhicule n’est pas en mesure de produire le récépissé délivré par l’administration, comment l’agent de police ou de gendarmerie peut-il s’assurer que le véhicule est bien utilisé en tant qu’habitation principale ? Le Gouvernement nous éclairera peut-être sur ce point.

Il n’en demeure pas moins que l’augmentation du produit de la taxe fournirait aux communes et EPCI des moyens précieux pour construire les aires et terrains d’accueil prévus par les schémas départementaux, alors que, je le redis encore une fois, l’État ne subventionne plus ces projets.

En conséquence, la commission est favorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’avis est défavorable, car cet amendement complexifie les choses, et je ne suis pas sûre de son efficacité.

Par ailleurs, je transmettrai vos questions au ministère des finances, madame le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. L’objectif est de rendre la législation effective. Tout ce qui va trop loin, tout ce qui est inutilement répressif, va dans le mauvais sens. Cette augmentation, que va-t-elle rapporter de plus ?

On voit bien l’intention, mais cet amendement va plutôt à l’encontre de ce que l’on veut. Qu’on applique la législation telle qu’elle est !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cela n’empêche pas de l’appliquer !

M. Jean-Yves Leconte. C’est juste le témoignage d’un état d’esprit !

M. Pierre-Yves Collombat. Et que l’on n’essaie pas de dissuader les gens !

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Vous dites que c’est excessif, mais l’objet de cet amendement n’est pas du tout excessif.

Madame le rapporteur l’a justement rappelé, aujourd'hui, avec la raréfaction des financements publics, les communes sont de plus en plus mises à contribution pour ce qui concerne la création, la gestion, l’entretien, la surveillance des aires d’accueil des gens du voyage. Cette mesure, qui est de nature à apporter une obole supplémentaire pour mieux gérer ces aides, n’est pas du tout excessive. (M. Guy-Dominique Kennel opine.) Au contraire, elle permettra aux communes d’être encore plus performantes dans la gestion de ces aires.

M. Pierre-Yves Collombat. Les gens ne paieront pas !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.

Chapitre II

Moderniser les procédures d’évacuation des stationnements illicites

Section 1

(Division et intitulé supprimés)

Article additionnel après l'article 3
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Article 5

Article 4

L’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. – Le maire d’une commune membre d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de création, d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l’article 1er peut, par arrêté, interdire en dehors de ces aires et terrains le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées au même article, dès lors que l’une des conditions suivantes est remplie :

« 1° L’établissement public de coopération intercommunale a satisfait aux obligations qui lui incombent en application de l’article 2 ;

« 2° L’établissement public de coopération intercommunale bénéficie du délai supplémentaire prévu au III du même article 2 ;

« 3° L’établissement public de coopération intercommunale dispose d’un emplacement provisoire agréé par le préfet ;

« 4° L’établissement public de coopération intercommunale est doté d’une aire permanente d’accueil, de terrains familiaux locatifs ou d’une aire de grand passage, sans qu’aucune des communes qui en sont membres soit inscrite au schéma départemental prévu à l’article 1er ;

« 5° L’établissement public de coopération intercommunale a décidé, sans y être tenu, de contribuer au financement d’une telle aire ou de tels terrains sur le territoire d’un autre établissement public de coopération intercommunale ;

« 6° La commune est dotée d’une aire permanente d’accueil, de terrains familiaux locatifs ou d’une aire de grand passage conformes aux prescriptions du schéma départemental, bien que l’établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient n’ait pas satisfait à l’ensemble de ses obligations.

« L’agrément prévu au 3° est délivré pour une durée ne pouvant excéder six mois, en fonction de la localisation, de la capacité et de l’équipement de l’emplacement concerné, dans des conditions définies par décret.

« L’agrément d’un emplacement provisoire n’exonère pas l’établissement public de coopération intercommunale des obligations qui lui incombent dans les délais prévus à l’article 2. »

2° (nouveau) Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Le maire d’une commune qui n’est pas membre d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de création, d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l’article 1er peut, par arrêté, interdire en dehors de ces aires et terrains le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées au même article, dès lors que l’une des conditions suivantes est remplie :

« 1° La commune a satisfait aux obligations qui lui incombent en application de l’article 2 ;

« 2° La commune bénéficie du délai supplémentaire prévu au III du même article 2 ;

« 3° La commune dispose d’un emplacement provisoire agréé par le préfet, dans les conditions prévues aux avant-dernier et dernier alinéas du I du présent article ;

« 4° La commune, sans être inscrite au schéma départemental prévu à l’article 1er, est dotée d’une aire permanente d’accueil, de terrains familiaux locatifs ou d’une aire de grand passage ;

« 5° La commune a décidé, sans y être tenue, de contribuer au financement d’une telle aire ou de tels terrains sur le territoire d’une autre commune. »

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, sur l’article.

M. Jean-Pierre Grand. Madame la ministre, je me félicite de cet article, qui reprend la philosophie sous-tendue par l’amendement que j’avais déposé avec notre collègue Jean-Claude Carle, comme il l’a rappelé précédemment, et que le Sénat avait adopté l’an dernier lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.

Aujourd’hui, il est anormal de pénaliser une commune qui fait des efforts en réalisant une aire sur son territoire du seul fait du transfert de compétences à un EPCI qui, lui, ne respecte pas, à son échelle, l’ensemble de ses obligations. Je souhaite argumenter, madame la ministre, pour donner quelques idées à nos collègues de l'Assemblée nationale lors de la navette…

J’observe que l’on a aujourd’hui tout intérêt à reconnaître l’existence d’une aire d’accueil des gens du voyage. Pour prendre l’exemple de la métropole de Montpellier, il faudrait que nous réalisions un certain nombre d’aires d’accueil. Mais personne n’en a envie parce qu’elles ne vont pas se construire tout à coup. Financièrement, ce n’est pas possible. Si l’on veut que la troisième aire soit réalisée cette année, la quatrième l’année prochaine et la cinquième ultérieurement, on a intérêt, chaque fois qu’une aire est créée, à donner les pouvoirs de police. Pourquoi ?

L’implantation d’une aire est complexe. Montpellier n’a rien à voir avec Paris, qui pourrait faire des aires d’accueil autant qu’elle le veut sur les voies de berge libérées, avec des métros et des écoles à proximité. Ce n’est pas du tout similaire en province. Il faut que nous les implantions à des endroits qui ne soient pas en contradiction avec la loi. Nous le savons, chaque fois que nous voulons faire une aire d’accueil des gens du voyage, ce n’est pas si facile que cela. Une telle réalisation entraîne une levée de boucliers des riverains, et pas seulement.

Aussi, le Gouvernement serait bien inspiré de proposer que les grandes collectivités, les EPCI, déposent un plan, étale la réalisation dans le temps. Et chaque fois qu’une aire d’accueil est implantée, on devrait bénéficier de facilités pour faire partir ceux qui contreviennent à la loi. Sinon, personne n’a intérêt à en réaliser une. Personne ! Peut-être même ira-t-on, madame la ministre, jusqu’à fermer nos aires d’accueil : cela nous coûte aujourd'hui très cher et on n’est pas réellement reconnu par l’État. Même si l’on a bénéficié de quelques financements à un certain moment, on sait ce que cela coûte dans la durée. Il suffirait que la Cour des comptes se penche un peu sur cette question…

Mme la présidente. L'amendement n° 20, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. J’ai simplement fait apparaître dans l’objet de cet amendement qu’il s’agit d’un amendement de cohérence. Je comprends bien la finalité de l’article 4 : ne pas supprimer des pouvoirs administratifs aux communes qui n’ont pas d’obligations ou respectent leurs engagements, même si l’EPCI ne respecte pas ses obligations.

Toutefois, j’attire votre attention sur un point : si cet article est adopté, la responsabilité de l’EPCI sera totalement dissoute. On en reviendra alors à une responsabilité par commune.

M. Jean-Yves Leconte. Telle est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement, même si, je le répète, je comprends la philosophie de cet article. C’est la notion même de responsabilité en la matière et la compétence de l’EPCI qui sont ici indirectement remises en cause.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la disposition selon laquelle le maire d’une commune dotée d’une aire permanente d’accueil, de terrains familiaux locatifs ou d’une aire de grand passage conformes aux prescriptions du schéma départemental dispose du pouvoir d’interdire le stationnement des résidences mobiles sur le territoire de sa commune, hors des aires et terrains prévus à cet effet, même si l’EPCI auquel appartient la commune n’a pas rempli l’ensemble de ses obligations en la matière.

Il s’agit vraiment pour nous de réparer une injustice, qui suscite l’incompréhension des élus locaux, ainsi que M. Grand l’a bien expliqué. Pourquoi construire une aire si l’on ne peut pas avoir ce droit de police parce que l’ensemble de l’EPCI ne satisfait pas à ses obligations ? C’est une double peine. La proposition de loi répare cette injustice.

En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je l’ai déjà indiqué dans mon propos liminaire, le Gouvernement demeure bien sûr attaché à ce que la solidarité au sein de l’EPCI soit le moteur permettant la réalisation de l’ensemble des aires d’accueil prévues au schéma départemental.

Pour autant, je suis sensible à la situation un peu délicate des communes qui disposent d’une aire d’accueil, mais qui sont situées dans un EPCI ne remplissant ses obligations. Je peux entendre l’incompréhension des élus de terrain ; c’est absolument évident. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.

M. Jean-Yves Leconte. Je le retire, madame la présidente !

Mme la présidente. L'amendement n° 20 est retiré.

Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifiée :

1° L’article 9 est ainsi modifié :

a) Le II est ainsi modifié :

– au premier alinéa, après les mots : « le maire », sont insérés les mots : « , le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre » et les mots : « les lieux » sont remplacés par les mots : « le territoire de la commune ou, le cas échéant, de l’établissement public de coopération intercommunale, à l’exception des aires et terrains mentionnés aux 1° à 3° du II de l’article 1er » ;

– le deuxième alinéa est complété par les mots : « , ou s’il est de nature à porter une atteinte d’une exceptionnelle gravité au droit de propriété, à la liberté d’aller et venir, à la liberté du commerce et de l’industrie ou à la continuité du service public » ;

– après la première phrase du troisième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Si un stationnement illicite par les mêmes occupants, sur le territoire de la commune ou, le cas échéant, de l’établissement public de coopération intercommunale, a déjà été constaté au cours de l’année écoulée, la mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution de vingt-quatre heures. » ;

– au quatrième alinéa, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « quinze » ;

b) À la première phrase du II bis, après les mots : « fixé par celle-ci », sont insérés les mots : « et qui ne peut être supérieur à quarante-huit heures à compter de sa notification » ;

c) Le IV est abrogé ;

2° Le premier alinéa de l’article 9-1 est complété par les mots : « , ou à porter une atteinte d’une exceptionnelle gravité au droit de propriété, à la liberté d’aller et venir, à la liberté du commerce et de l’industrie ou à la continuité du service public » ;

3° (nouveau) Après l’article 9-1, sont insérés des articles 9-1-1 et 9-1-2 ainsi rédigés :

« Art. 9-1-1. – Sous réserve des compétences dévolues à la juridiction administrative, en cas d’occupation, en violation de l’arrêté prévu au I de l’article 9, d’un terrain public ou privé, le propriétaire ou le titulaire d’un droit réel d’usage sur le terrain peut saisir le président du tribunal de grande instance aux fins d’ordonner, sur requête ou en référé, l’évacuation forcée des résidences mobiles. La condition d’urgence prévue aux articles 808 et 812 du code de procédure civile est présumée remplie.

« Les mêmes dispositions sont applicables, dans les communes mentionnées à l’article 9-1, en cas d’occupation sans titre d’un terrain public ou privé au moyen de résidences mobiles mentionnées à l’article 1er.

« Art. 9-1-2. – La condition d’urgence prévue à l’article L. 521-3 du code de justice administrative n’est pas requise en cas de requête relative à l’occupation d’une dépendance du domaine public non routier d’une personne publique en violation de l’arrêté prévu au I de l’article 9 de la présente loi. Elle n’est pas non plus requise en cas de requête relative à l’occupation sans titre, au moyen de résidences mobiles mentionnées à l’article 1er, d’une dépendance du domaine public non routier d’une personne publique sur le territoire des communes mentionnées à l’article 9-1. »

Mme la présidente. L'amendement n° 30, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet article permettrait au préfet de mettre en demeure les gens du voyage de quitter non pas seulement le terrain occupé illicitement, mais aussi le territoire de la commune ou même de l’EPCI, sauf les aires permanentes d’accueil, les aires de grand passage et les terrains familiaux situés sur le territoire de la collectivité.

Cette mesure apparaît disproportionnée, au regard de la notion de liberté d’aller et venir. Le trouble à l’ordre public justifiant l’évacuation s’apprécie au niveau du terrain et non à l’échelle du territoire de la commune ou de l’EPCI.

Par ailleurs, cet article modifie l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 pour considérer le trouble à l’ordre public comme une condition possible mais non nécessaire à l’intervention du préfet dans le cadre de la procédure de mise en demeure et d’évacuation. Une telle disposition ne peut être acceptée. En effet, ce n’est que pour garantir l’ordre public que le préfet peut faire usage de ses pouvoirs de police en la matière, comme l’a rappelé récemment le Conseil constitutionnel.

De plus, l’article 5 prévoit que le délai d’exécution de la mise en demeure est de vingt-quatre heures systématiquement si les occupants ont déjà occupé précédemment de façon illicite un terrain sur le territoire de la commune ou de l’EPCI concerné. Or la mise en demeure étant une mesure de police administrative et non une sanction, il n’est pas possible de corréler le délai d’exécution de l’évacuation au comportement passé des occupants du terrain.

La différence de traitement opérée entre « récidivistes » ou non méconnaîtrait le principe d’égalité. Qui plus est, les conditions pratiques de mise en œuvre d’un dispositif – base de données – permettant de constater la réitération et la présence des mêmes personnes semblent complexes.

Enfin, l’article vise à établir dans la loi que la condition d’urgence n’est pas requise ou est présumée remplie, en cas d’occupation illégale d’un terrain par des gens du voyage, dans le cadre des procédures d’expulsion pouvant être diligentées devant le juge administratif ou devant le juge judiciaire. Une telle présomption d’urgence, appliquée aux seuls gens du voyage occupant illicitement un terrain, encourrait le double grief d’atteinte au principe d’égalité et de discrimination.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. La multiplication des installations « sauvages » justifie de renforcer les procédures existantes, qu’il s’agisse de procédures de police administrative ou de procédures judiciaires.

Les arguments avancés par le Gouvernement – veuillez m’en excuser, madame la ministre ! – ne sont pas convaincants.

Premièrement, étendre le périmètre de la mise en demeure d’évacuer à l’ensemble de la commune ou de l’EPCI serait « manifestement disproportionné au regard de la liberté d’aller et venir », le trouble à l’ordre public s’appréciant à l’échelle de chaque terrain.

Pourtant, le droit en vigueur prévoit d’ores et déjà que la mise en demeure du préfet reste applicable…

M. Loïc Hervé. Absolument !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. … si la même résidence mobile se retrouve de nouveau, dans un délai de sept jours, en stationnement illicite sur le territoire de la commune ou de l’EPCI. Le texte de la commission, sur ce point, ne change rien au droit positif : il ne fait que préciser la rédaction de la loi.

Deuxièmement, au motif que la mise en demeure est une mesure de police administrative et non une sanction, il ne serait pas possible de différencier son délai d’exécution en fonction du comportement passé des occupants, et de le limiter à vingt-quatre heures en cas de réitération au cours de la même année.

La commission des lois est sensible à la nécessité de maintenir une frontière nette entre police administrative et répression pénale. Toutefois, il arrive d’ores et déjà que des mesures de police administrative soient motivées par le comportement passé des personnes. Il en va ainsi de l’arrêté d’expulsion pris à l’encontre d’un étranger, qui prend acte de son comportement passé pour en déduire un risque de trouble à l’ordre public qu’il est nécessaire de prévenir.

Troisièmement, l’augmentation de sept à quinze jours de la durée d’applicabilité de la mise en demeure serait « excessive ». En réalité, la durée actuelle de sept jours est nettement insuffisante. Compte tenu des délais incompressibles dans lesquels est enfermée la procédure, il peut s’écouler près d’une semaine entre la mise en demeure du préfet et l’évacuation effective des terrains. Si l’on veut empêcher que des campements illicites ne se reconstituent immédiatement à proximité, il est nécessaire de porter à quinze jours le délai d’applicabilité de la mise en demeure.

Quatrièmement, contrairement à ce que l’on peut lire dans l’objet de l’amendement du Gouvernement, le texte de la commission ne limite nullement à quarante-huit heures le délai d’exécution de la mise en demeure. Le préfet reste libre de fixer un délai d’exécution plus long s’il l’estime opportun. C’est seulement le délai de recours qui est limité à quarante-huit heures.

Cinquièmement, les dispositions introduites par la commission selon lesquelles la condition d’urgence est écartée ou présumée remplie en cas de référé administratif, de référé civil ou de requête civile portant sur l’occupation sans titre d’un terrain par des résidences mobiles seraient attentatoires au principe d’égalité et discriminatoires. Permettez-moi seulement de rappeler au Gouvernement que la loi du 5 juillet 2000 prévoit déjà des procédures exorbitantes du droit commun en cas de stationnement illicite de résidences mobiles – la procédure d’évacuation d’office et la procédure civile spéciale en cas d’occupation d’un terrain affecté à une activité économique. Ces procédures sont la contrepartie des droits reconnus aux gens du voyage par cette même loi et des obligations d’accueil faites aux communes et à leurs groupements. Or, à moins que je ne me trompe, le Gouvernement ne propose pas de les supprimer …

Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

M. Loïc Hervé. Je tiens à dire mon attachement à l’article 5, se fondant sur les expériences de terrain vécues par les maires à propos des sauts de puce.

Sont constatés de nombreux stationnements illicites, qui donnent lieu à une mise en demeure administrative de quitter les lieux. Effectivement, comme on le dit, les gendarmes ou les policiers poussent les gens du voyage en infraction à quitter le terrain en question, mais ceux-ci vont dans la même commune sur un autre terrain, sur un autre tènement cadastral où ils s’installent de nouveau ou bien ils changent de commune, mais restent dans le même EPCI.

Il s’agit d’une question extrêmement concrète à laquelle j’ai été confrontée cette année, avec quatre stationnements consécutifs sur le territoire communal. Ce principe des sauts de puce est une stratégie utilisée par les groupes qui pratiquent l’installation illicite sur des fonciers publics ou privés. Cette question est donc, à mes yeux, extrêmement importante.

Concernant le volet de la durée de validité de la mise en demeure administrative du préfet de quitter les lieux, il faut être cohérent entre la volonté du législateur et les moyens mis en œuvre.

En effet, nous sommes dans une période de lutte contre le terrorisme : l’été, la plupart des forces mobiles de police ou de gendarmerie sont occupées à d’autres fonctions que la fonction de lutte contre les stationnements illicites des gens du voyage et, parfois, il faut attendre la disponibilité des forces de l’ordre afin de pouvoir faire appliquer concrètement la décision du préfet. Passer de sept à quinze jours permettrait de rendre plus effectives les décisions des préfets. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé ces dispositions dans cette proposition de loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 23, présenté par MM. Fichet, Leconte et Sueur, Mmes Harribey et G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Rossignol, M. J. Bigot, Mme Cartron, M. Courteau, Mme Lubin, M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 5 à 14

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. L’article 5 vise à « garantir l’évacuation rapide » des résidences mobiles des gens du voyage en cas de stationnement illicite. Il modifie la procédure administrative d’évacuation d’office et prévoit d’assouplir les procédures du référé administratif, du référé civil et de la requête civile.

La loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a déjà renforcé la procédure administrative de mise en demeure et d’évacuation forcée.

Elle a également pris en considération le cas d’occupation de terrains affectés à une activité économique parmi lesquels figurent les terrains agricoles, lorsque cette occupation est de nature à entraver ladite activité.

Ainsi, le droit en vigueur offre déjà toute une palette d’interventions.

Indépendamment de la procédure spéciale d’évacuation d’office et de la procédure civile spéciale applicable au stationnement illicite de résidences mobiles sur un terrain affecté à une activité économique, le maire de toute commune conserve la possibilité de faire évacuer d’office un campement sur le fondement de son pouvoir de police générale, en cas de risque grave pour l’ordre public et si l’urgence le justifie.

En outre, ces possibilités d’évacuation d’office coexistent avec les procédures juridictionnelles administratives et civiles d’expulsion de droit commun ainsi qu’avec la procédure pénale.

Certes, le législateur peut toujours s’employer à rechercher les voies et moyens pour rendre les procédures plus opérantes et plus rapides. Mais est-ce bien fondé quand cette démarche hypothétique revient à défaire une réforme qui a moins d’un an d’existence et qui n’a pu déployer la totalité de ses effets en raison de l’absence de publication des décrets d’application ?

Surtout, est-ce réaliste lorsque l’ensemble des observateurs et notre rapporteur conviennent que les difficultés pour faire évacuer les campements illicites tiennent moins à la nature des procédures existantes qu’à l’insuffisance des moyens nécessaires à leur mise en œuvre ?

Vous reconnaissez vous-même que « les préfets ne mobilisent qu’avec parcimonie la force publique pour faire évacuer d’office des campements ou faire exécuter une décision de justice, à l’heure où policiers et gendarmes sont fortement sollicités sur d’autres terrains ».

Ainsi, la limitation à quarante-huit heures du délai de recours contre la mise en demeure d’évacuer les lieux délivrée par le préfet ne changera rien, comme il serait illusoire de croire qu’il suffit de porter de sept à quinze jours la durée d’applicabilité de la mise en demeure en cas de nouveau stationnement illicite sur le territoire de la même commune ou du même EPCI pour réaliser l’évacuation des campements illicites.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Luc Fichet. Il existe même une forme de démagogie à fixer à vingt-quatre heures le délai d’exécution par le préfet en cas de récidive au cours de l’année écoulée, car cette mesure n’est assortie d’aucune sanction en cas de défaut d’intervention de la force publique. Vous pouvez donc toujours en exprimer le souhait et même l’écrire, assouplir les procédures du référé administratif, du référé civil et de la requête civile, cela n’en fera pas une disposition législative effective pour autant.

Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Guidez, MM. Delahaye, Moga et Longeot, Mme Gruny, MM. Janssens, Morisset, Louault et Kern et Mme Lopez, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

et les mots : « de la commune ou de tout ou partie du territoire de l’intercommunalité concernée en violation du même arrêté du nombre ou, s’il est compétent, du président de l’établissement public de coopération intercommunale » sont remplacés par les mots : « du département concerné en violation de l’arrêté » ;

La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Cet amendement tend à modifier le périmètre d’application du maintien de la mise en demeure du préfet prévu à l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000.

En effet, à ce jour, ce dispositif vise uniquement le territoire de la commune ou de l’intercommunalité concernée par le stationnement illicite. Or cette mesure n’est pas adaptée au regard de la situation et ne prend pas en compte la réalité du terrain.

Il y a quelques jours, j’étais encore maire et présidente d’une communauté de communes, et, comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, j’ai été confrontée à ce problème majeur.

Aujourd'hui – c’est notamment vrai dans l’Essonne –, une fois l’ordre donné de quitter les lieux, on observe régulièrement un déplacement de ces installations sur des communes voisines. Aussi, je tiens à souligner que les collectivités territoriales, pour la plupart d’entre elles, ont fait des efforts considérables dans la construction d’aires d’accueil pour les gens du voyage,…

M. Loïc Hervé. Absolument !

Mme Jocelyne Guidez. … très souvent sous-occupées. Tout au moins, c’est le cas dans le sud de l’Essonne.

D’ailleurs, il faut préciser qu’elles ont investi énormément d’argent pour se doter de structures modernes et être, par conséquent, en conformité avec la loi et les schémas départementaux.

Dans ces conditions, on ne peut pas accepter de telles occupations illicites.

En outre, je puis vous assurer, madame la ministre, mes chers collègues, que cet amendement est à la hauteur de l’exaspération, pour ne pas dire de la colère des élus locaux, qui n’en peuvent plus de subir fréquemment de telles occupations illicites. Ces derniers attendent des solutions concrètes. Il est donc indispensable d’améliorer cette mesure en élargissant l’échelon territorial actuellement visé dans la loi, afin d’éviter l’engagement de nouvelles procédures auprès du préfet et de mieux lutter contre ces agissements qui, je vous l’assure, épuisent les maires.

Enfin, cet amendement s’inscrit pleinement dans l’esprit de cette proposition de loi, à savoir plus de clarté et de justice pour nos territoires. Voilà pourquoi je propose d’étendre les effets de cette mise en demeure au niveau départemental.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. L’amendement n° 23 tend à supprimer la plus grande partie de l’article 5 relatif au renforcement des procédures d’évacuation des résidences mobiles irrégulièrement stationnées.

Il est vrai que les difficultés rencontrées sur le terrain tiennent avant tout à l’insuffisance des moyens dont disposent les préfectures pour faire évacuer les campements, d’office ou en exécution d’une décision de justice. Policiers et gendarmes sont, aujourd’hui, fortement sollicités sur d’autres terrains.

Il n’en reste pas moins que les procédures elles-mêmes méritent d’être précisées et renforcées.

À titre d’exemple, dans le cadre de la procédure administrative d’évacuation d’office, aucun délai de recours contre la mise en demeure du préfet n’est actuellement prévu par la loi. Il semble parfaitement légitime de limiter ce délai de recours à quarante-huit heures au maximum.

De même, la durée d’applicabilité de la mise en demeure prévue par le droit en vigueur, à savoir sept jours, est nettement insuffisante ; j’ai déjà développé ce point précédemment lors de l’examen d’un amendement.

Enfin, la commission a également revu les procédures juridictionnelles applicables en la matière. Elle s’est attachée à faciliter le recours à la procédure sur requête, une procédure non contradictoire admise par le juge lorsqu’il est impossible d’assigner en justice l’auteur d’un trouble dont on demande la cessation.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Concernant l’amendement n° 6 rectifié, je comprends bien la question qui vous préoccupe, madame Guidez, et le souci qui anime beaucoup d’élus locaux.

Cet amendement concerne le périmètre d’application de la mise en demeure du préfet : la mise en demeure resterait applicable dans un délai de quinze jours, comme le prévoit la proposition de loi, si la résidence mobile concernée se retrouvait de nouveau en stationnement illicite, en violation du même arrêté, sur le territoire du département, et non plus seulement sur le territoire de la commune ou de l’EPCI.

Cette proposition se heurte à une impossibilité juridique, puisque l’arrêté dont il est question est un arrêté du maire ou du président de l’EPCI compétent, applicable sur le territoire de la commune ou de l’EPCI, et pas au-delà. C’est la violation de son arrêté qui permet au maire ou au président de l’EPCI de saisir le préfet et de mettre ainsi en mouvement la procédure d’évacuation d’office. Si les contrevenants se retrouvent de nouveau, dans un délai de quinze jours, en stationnement illicite sur le territoire d’une autre intercommunalité, c’est nécessairement en violation d’un autre arrêté, et cela nécessite que le maire ou le président de l’EPCI concerné prenne à son tour l’initiative d’une demande au préfet de mise en demeure.

En outre, le périmètre proposé, qui couvrirait l’ensemble du territoire départemental, paraît excessif. Un nouveau stationnement irrégulier dans un autre EPCI, en violation d’un autre arrêté municipal ou intercommunal, constitue un trouble à l’ordre public distinct, qui justifie qu’une nouvelle mise en demeure soit adressée par le préfet avant l’évacuation forcée.

Enfin, l’amendement n’aurait qu’une portée pratique limitée. Certes, la seconde mise en demeure est assortie d’un nouveau délai d’exécution, mais celui-ci peut être limité à vingt-quatre heures. Compte tenu de la difficulté rencontrée par les préfectures à mobiliser les forces de l’ordre pour de telles opérations, la mesure proposée permettrait, tout au plus, d’évacuer les campements illicites quelques heures plus tôt.

Vous l’avez compris, on se heurte à un écueil juridique. C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement, ma chère collègue.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Dans la logique de l’amendement du Gouvernement que j’ai présenté, je suis favorable à l’amendement n° 23.

Concernant l’amendement n° 6 rectifié, je reprendrai l’argumentation au fond de Mme le rapporteur. Comme pour toute mesure de police administrative, la validité juridique du dispositif de la mise en demeure n’est garantie que si elle est adaptée et proportionnée au but visé.

Dans une décision en date du 9 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a rappelé que les mesures de police administrative susceptibles d’affecter l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté d’aller et venir, doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l’ordre public et proportionnées à cet objectif.

Dans le cas présent, l’extension de l’applicabilité de la mise en demeure aux autres communes du département est manifestement excessive. Cette mise en demeure intervient notamment en cas de violation du même arrêté du maire ou, s’il est compétent, du président de l’établissement public. L’interdiction de stationner en dehors des aires d’accueil aménagées ne saurait donc concerner l’ensemble du département.

Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.

Mme Jocelyne Guidez. Je retire l’amendement n° 6 rectifié, madame la présidente !

Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié est retiré.

M. François Pillet, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Section 2

(Division et intitulé supprimés)

Chapitre III

Renforcer les sanctions pénales

(Division et intitulé nouveaux)

Article 5
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites
Article 7 (nouveau)

Article 6

L’article 322-4-1 du code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « de six mois » sont remplacés par les mots : « d’un an » et le montant : « 3 750 euros » est remplacé par le montant : « 7 500 euros » ;

2° (nouveau) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les conditions prévues à l’article 495-17 du code de procédure pénale, l’action publique peut être éteinte par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 1 000 euros. » ;

3° Le second alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « , à l’exception des véhicules destinés à l’habitation, » sont supprimés ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les véhicules peuvent être transférés sur une aire ou un terrain mentionnés aux 1° à 3° du II de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage et situés sur le territoire du département. »

Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par MM. Fichet, Leconte et Sueur, Mmes Harribey et G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Rossignol, M. J. Bigot, Mme Cartron, M. Courteau, Mme Lubin, M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. L’article 6 renforce les sanctions pénales en cas d’occupation en réunion sans titre d’un terrain en vue d’y établir une habitation. Il double les peines prévues à l’article 322-4-1 du code pénal, avec une peine d’emprisonnement d’un an et une amende de 7 500 euros. En outre, il applique à cette infraction la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle fixée à 500 euros, 400 euros lorsqu’elle est minorée et 1 000 euros lorsqu’elle est majorée. Enfin, il supprime la protection accordée aux véhicules destinés à l’habitation contre les saisies et confiscation.

Le doublement des peines proposé à l’article 6 ne permettra pas de mieux prévenir les occupations illicites de terrains puisque les sanctions en vigueur s’avèrent déjà faiblement prononcées par les juges. Se poserait de plus un problème de nécessité et de proportionnalité.

La procédure de l’amende forfaitaire délictuelle sera inopérante dès lors qu’elle s’appliquera pour sanctionner l’infraction d’occupation illicite en réunion et non individuelle. Il en est de même de l’assouplissement des conditions de saisie et de confiscation des véhicules, en raison des frais de justice liés tant à l’évacuation qu’au gardiennage qu’il faudra engager et des capacités réduites de mobilisation des forces de l’ordre sur ces questions.

Enfin, la faculté de saisir des véhicules destinés à l’habitation ne respecte probablement pas l’équilibre nécessaire entre la sauvegarde de l’ordre public et la garantie liée à l’inviolabilité du domicile.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je le répète, la commission est favorable au renforcement des sanctions encourues : comme cela a été expliqué au cours de la discussion générale, cette évolution législative sera un signal envoyé tant aux délinquants qu’aux juridictions. La commission est donc évidemment favorable à l’application de l’amende forfaitaire au délit d’occupation sans titre en réunion.

L’argument selon lequel cette amende serait inopérante est faux. Certes, le délit n’est constitué qu’à partir de deux caravanes ; mais cela n’empêche nullement de dresser des procès-verbaux pour chaque caravane qui participe à l’infraction. En effet, chaque participant individuel à l’infraction est susceptible d’être condamné pour ce délit ou de faire l’objet d’une amende forfaitaire délictuelle.

Les auteurs du présent amendement considèrent que la saisie des véhicules destinés à l’habitation n’est pas équilibrée. Je rappelle que le code pénal et le code de procédure pénale permettent déjà de saisir des domiciles. Tout bien susceptible d’être confisqué peut être saisi et, en application d’une disposition générale du code pénal, tout bien ayant servi à commettre une infraction peut être confisqué. Or il est évident que les résidences mobiles, en cas d’occupation illicite, participent à la commission d’une infraction.

La suppression de la protection accordée aux véhicules d’habitation n’est pas dérogatoire ; elle permet simplement de revenir à l’application normale des règles en matière de saisie et de confiscation.

Au surplus, je rappelle que, pour un certain nombre de délits, la confiscation peut porter sur tout bien appartenant au patrimoine du délinquant. Dans ces cas-là, le lieu d’habitation peut être saisi, puis confisqué.

Certes, la confiscation du domicile constitue une atteinte au droit de propriété – davantage qu’à l’inviolabilité du domicile, dont la protection est inopérante s’agissant d’une décision juridictionnelle contradictoire relevant des juridictions judiciaires ; mais cette atteinte est conforme à la Constitution, ainsi que le Conseil constitutionnel l’a maintes fois rappelé.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Patriat, de Belenet et Yung, Mme Schillinger, MM. Marchand et Lévrier, Mme Rauscent et MM. Hassani et Navarro, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsque l’installation s’accompagne de la commission de l’infraction définie au premier alinéa de l’article 322-1. »

La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Il s’agit d’un amendement de cohérence, visant à simplifier le texte de la commission en substituant une aggravation des peines applicables au dispositif prévu à l’article 7, lequel deviendrait ainsi sans objet si cet amendement était adopté.

Plutôt que de faire de l’installation illicite un motif d’aggravation de la dégradation d’un bien appartenant à autrui, nous proposons de faire de la dégradation d’un bien appartenant à autrui une circonstance aggravante de l’installation illicite, ce qui paraît plus logique.

Cet amendement embrasse davantage les objectifs de la proposition de loi, en se focalisant sur les mécanismes de répression pénale envisagés pour juguler le stationnement illicite des gens du voyage, qu’un dispositif fondé sur la définition de différentes circonstances aggravantes de la dégradation d’un bien appartenant à autrui.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Le texte de la commission aggrave les sanctions applicables en cas de destructions, détériorations ou dégradations d’un bien d’autrui commises au cours d’une occupation illicite.

Les auteurs du présent amendement proposent, à l’inverse, d’aggraver les sanctions applicables au délit d’occupation illicite quand celui-ci s’accompagne de destructions, détériorations ou dégradations d’un bien d’autrui et, en conséquence, de supprimer la circonstance aggravante prévue à l’article 7 du texte de la commission.

Cette proposition de M. Patriat aurait pu être un choix pertinent, mais elle présente un inconvénient majeur : elle ne permet pas d’aggraver les peines en cas de commission de deux circonstances aggravantes.

Or le dispositif répressif des destructions, détériorations ou dégradations d’un bien d’autrui est construit de manière graduée dans le code pénal : il permet des sanctions de plus en plus fortes en cas de circonstance aggravante, voire de pluralité de circonstances aggravantes. Les peines peuvent être portées jusqu’à sept ans d’emprisonnement si deux circonstances aggravantes sont réunies : par exemple, lorsqu’une dégradation a été commise au cours d’une occupation illicite et que le bien dégradé est destiné à l’utilité publique et appartient à une personne publique.

Ainsi, parce que son adoption reviendrait à affaiblir la réponse répressive prévue par son propre texte, la commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis favorable à cet amendement, qui vise à aggraver les peines encourues pour le délit d’installation illicite en réunion lorsque cette installation s’accompagne de destructions, détériorations ou dégradations du terrain occupé. En effet, le préjudice subi par la victime du fait de l’installation est alors plus important.

Néanmoins, l’amendement soulève une légère difficulté : les peines proposées – cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende – sont disproportionnées par rapport aux peines encourues initialement prévues par la commission – un an d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. Il conviendrait donc, par cohérence avec ces dernières peines, de fixer les peines aggravées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

De plus, la rédaction de l’amendement serait plus cohérente si elle était calquée sur la rédaction habituelle en matière de circonstance aggravante : l’aggravation devrait être prévue lorsque l’installation est précédée, accompagnée ou suivie d’un acte de destruction, dégradation ou détérioration.

Il serait donc opportun de rédiger l’amendement en ces termes : « Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende lorsque l’installation est précédée, accompagnée ou suivie de l’infraction définie au premier alinéa de l’article 322-1. »

Mme la présidente. Monsieur Patriat, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme la ministre ?

M. François Patriat. Tout à fait, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Patriat, de Belenet et Yung, Mme Schillinger, MM. Marchand et Lévrier, Mme Rauscent et MM. Hassani et Navarro, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende lorsque l’installation est précédée, accompagnée ou suivie de l’infraction définie au premier alinéa de l’article 322-1. »

Madame la rapporteur, la commission maintient-elle son avis défavorable ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.

Mme Samia Ghali. Nous débattons de l’aggravation des peines d’emprisonnement ou d’amende, mais la réalité du problème est que, plus on laisse les gens se maintenir de manière illicite sur un terrain, plus, malheureusement, des dégradations ont lieu. L’enjeu aujourd’hui n’est pas tant d’augmenter les peines que, tout simplement, de permettre une activation plus rapide des services de police et de justice pour éviter les dégradations !

Je suis donc contre ce qui est proposé. Pour moi, c’est un serpent qui se mord la queue : de cette façon, on n’est pas près d’en sortir !

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

M. Loïc Hervé. Je rappelle que les peines prévues sont des peines maximales : c’est au juge qu’il appartient de fixer librement les peines.

M. Jean-Yves Leconte. Il n’utilise déjà pas toute l’étendue des peines prévues aujourd’hui…

M. Loïc Hervé. Donnons-lui donc encore plus la possibilité de le faire !

J’ajoute qu’un niveau de peines plus élevé augmente les chances que des poursuites soient lancées par les tribunaux contre les auteurs de ces délits.

M. Jean-Yves Leconte. Et l’échelle des peines, qu’en faites-vous ?

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 5 à 7

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement tend à supprimer tout d’abord la possibilité, prévue par le texte de la commission, de saisir tous les véhicules ayant servi à l’installation illicite, y compris ceux qui sont destinés à l’habitation.

En effet, la saisie et la confiscation de véhicule ne peuvent concerner un véhicule servant de lieu d’habitation. Une telle mesure, qui aurait pour effet de priver de toit l’auteur des faits, contrevient au principe de l’inviolabilité du domicile qui est protégé constitutionnellement.

Au reste, l’exclusion de la confiscation des véhicules destinés à l’habitation a été voulue par le gouvernement de l’époque lors de l’examen du projet de loi dont est issue la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, afin d’éviter la confiscation de la caravane constituant le domicile des gens du voyage.

Le présent amendement vise à supprimer également la possibilité donnée au juge de transférer les véhicules sur une aire ou un terrain d’accueil situé sur le territoire du département.

En effet, cette disposition ne paraît pas conforme au principe constitutionnel d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi : elle est insuffisamment précise, dans la mesure où elle ne prévoit pas les modalités de son application. Une application qui, au surplus, s’annonce délicate sur le plan opérationnel, s’agissant d’une mesure innovante en matière pénale de déplacement d’un objet appartenant à autrui, qui s’apparente à une saisie.

En outre, cette mesure appelle les mêmes remarques qu’en matière de saisie concernant les véhicules destinés à l’habitation et porte atteinte au principe d’inviolabilité du domicile.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 12 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, MM. Collin et Requier et Mmes Costes et Laborde.

L’amendement n° 16 est présenté par M. Collombat.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Avec l’article 6, nous entamons l’examen du chapitre III de la proposition de loi qui renforce les sanctions pénales et le dispositif répressif. Ce chapitre, disons-le d’emblée, est celui qui nous laisse le plus circonspects.

L’alinéa 6 de l’article 6 rend possible la saisie des véhicules d’habitation en cas d’installation illicite. Mme la ministre nous a fait part de ses réserves quant à la conformité d’une telle mesure avec les grands principes constitutionnels. Celle-ci semble en effet contrevenir au principe d’inviolabilité du domicile.

Nonobstant cet argument, pourtant convaincant, et en supposant que la disposition soit adoptée et survive à son examen par le Conseil constitutionnel, on peut s’interroger sur l’applicabilité de celle-ci. Pour être concret, imagine-t-on les forces de l’ordre procéder à la saisie des caravanes des gens du voyage, alors même que ces dernières sont leur résidence principale ? J’ai été maire et j’ai vu mon terrain de camping envahi… Je vois mal comment on pourrait saisir des caravanes au milieu des gens du voyage et dans l’ambiance qui règne en pareil cas !

En d’autres termes, si cette disposition était adoptée, il y aurait de fortes chances qu’elle ne soit tout simplement pas appliquée. (Mme Françoise Laborde acquiesce.)

Pour ces raisons, nous pensons qu’il serait plus raisonnable de supprimer l’alinéa 6.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 16.

M. Pierre-Yves Collombat. L’alinéa 6 de l’article 6 revient sur la disposition du code pénal interdisant la saisie des véhicules servant de domicile aux gens du voyage. L’alinéa 7 permet de déplacer ces véhicules.

Je pense que l’alinéa 6 est l’exemple même d’une mesure répressive qui aura des effets tout à fait contraires à ce qu’on recherche. Non seulement le problème se pose de l’appliquer, mais, une fois les véhicules saisis, mes chers collègues, que faites-vous des gens ?

M. Pierre-Yves Collombat. Franchement, je préférerais ne pas me trouver dans cette situation !

En revanche, la disposition prévue à l’alinéa 7 me paraît convenable, puisqu’il s’agit simplement de déplacer sur des aires prévues pour eux des gens qui n’ont pas respecté la loi. En effet, il n’est pas rare de constater – j’en ai moi-même été le témoin – que, arrivant dans une commune qui dispose d’une aire d’accueil, des gens s’installent ailleurs, par exemple sur le terrain de foot, parce que l’herbe y est plus belle ou que l’endroit leur convient mieux. Que l’on puisse déplacer leurs véhicules ne me semble pas déraisonnable.

C’est pourquoi je propose de supprimer l’alinéa 6 en maintenant l’alinéa 7.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je ne répéterai pas mes explications sur la possibilité de saisir les véhicules. Je précise simplement, en réponse à Mme la ministre, que la protection prévue par la loi du 18 mars 2003 pour les lieux d’habitation ne se justifie plus, en particulier depuis la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, qui a profondément rénové les mécanismes de saisie et de confiscation.

S’agissant du transfert des véhicules, le Gouvernement considère que la disposition adoptée par la commission méconnaît le principe constitutionnel d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi. Nous estimons au contraire que la mesure est suffisamment précise, d’autant que les précisions sur ses modalités opérationnelles ne relèvent pas du tout de la loi, mais du règlement. Libre au Gouvernement de déterminer comment l’appliquer ; ce n’est pas au législateur de le faire.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 31.

Elle est défavorable également aux amendements identiques nos 12 rectifié et 16.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je me permets d’inviter mes anciens collègues du Sénat à adopter plutôt l’amendement n° 31, du Gouvernement ; mais, si celui-ci n’était pas adopté, je serais naturellement favorable aux amendements identiques nos 12 rectifié et 16.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 rectifié et 16.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
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Article 8 (nouveau)

Article 7 (nouveau)

Après le 5° de l’article 322-3 du code pénal, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :

« 5° bis Lorsqu’elle est commise au cours d’une installation sans titre sur un terrain constitutive de l’infraction prévue à l’article 322-4-1 ; ».

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 9 rectifié bis est présenté par MM. Patriat, de Belenet et Yung, Mme Schillinger, MM. Marchand et Lévrier, Mme Rauscent et MM. Hassani et Navarro.

L'amendement n° 11 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, MM. Collin et Requier et Mmes Costes et Laborde.

L'amendement n° 17 rectifié ter est présenté par M. Collombat, Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Cohen, M. P. Laurent, Mme Cukierman, M. Foucaud, Mme Prunaud, MM. Watrin, Gay et Ouzoulias, Mme Gréaume, MM. Savoldelli et Gontard et Mme Benbassa.

L'amendement n° 25 est présenté par MM. Fichet, Leconte et Sueur, Mmes Harribey et G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Rossignol, M. J. Bigot, Mme Cartron, M. Courteau, Mme Lubin, M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François Patriat, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié bis.

M. François Patriat. Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié bis est retiré.

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié.

Mme Françoise Laborde. Je serai un peu moins brève que je l’avais prévu, pensant que M. Patriat aurait parlé avant moi.

La création d’une circonstance aggravante au délit de destruction, de dégradation ou de détérioration d’un bien appartenant à autrui lorsque le délit est commis au cours d’une installation illégale d’un groupe de gens du voyage pourrait sembler une disposition de bon sens. En effet, pourquoi ne pas trouver les voies d’une sanction plus forte dans les cas où l’occupation illégale d’un terrain se double de dégradations ?

Il apparaît toutefois que les condamnations au titre de l’article 322-4-1 du code pénal sont à ce jour particulièrement peu nombreuses. Il y a donc fort à parier qu’une telle évolution législative n’améliorerait en rien la situation que connaissent les maires et certains de nos concitoyens sur le terrain. Alors que l’objet affiché est de rendre les sanctions plus effectives, je crains pour ma part que cet article ne les rende que plus virtuelles !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 17 rectifié ter.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l’amendement n° 25.

M. Jean-Luc Fichet. Il faut souligner que le droit en vigueur sanctionne d’ores et déjà les destructions, dégradations ou détériorations d’un bien appartenant à autrui : l’article 322-1 du code pénal prévoit deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, des peines qui peuvent déjà être aggravées dans plusieurs hypothèses.

La question à laquelle sont confrontées les autorités publiques est de répondre concrètement aux difficultés qui se posent sur le terrain, non d’afficher des postures sans efficacité ! (M. Loïc Hervé s’exclame.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Comme vous vous en doutez, mes chers collègues, la commission est défavorable à ces amendements identiques.

En effet, ils visent à supprimer l’aggravation des peines fixées en cas de délit de destruction, dégradation ou détérioration d’un bien d’autrui. Or je répète depuis un moment que la volonté de la commission est de renforcer ces peines.

Selon les auteurs des amendements, les condamnations pour ce délit sont peu nombreuses. Pourtant, selon la Chancellerie, 13 505 infractions de destruction, dégradation ou détérioration d’un bien d’autrui ont fait l’objet d’une condamnation en 2016 ; parmi elles, plus de 5 000 ont fait l’objet d’une condamnation unique, ce qui signifie que les personnes n’ont pas été en même temps condamnées pour une autre infraction.

Certes, il n’est pas possible de savoir sur quels biens les dégradations ont été commises ; mais il est incontestable que les faits de dégradations sont particulièrement fréquents. Tous ceux parmi nous qui ont été maires l’ont plusieurs fois répété depuis le début de l’après-midi. Il convient donc d’aggraver la répression de tels faits lorsqu’ils sont consécutifs à une occupation illicite.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 rectifié, 17 rectifié ter et 25.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7 (nouveau)
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Article 9 (nouveau)

Article 8 (nouveau)

La section 1 du chapitre II du titre II du livre III du code pénal est complétée par un article 322-4-2 ainsi rédigé :

« Art. 322-4-2. – Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de commettre, de manière habituelle, le délit prévu à l’article 322-4-1.

« L’habitude est caractérisée dès lors que la personne concernée s’est acquittée, sur une période inférieure ou égale à vingt-quatre mois, de plus de quatre amendes forfaitaires en application du même article 322-4-1. »

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 13 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, MM. Collin et Requier et Mmes Costes et Laborde.

L'amendement n° 26 est présenté par MM. Fichet, Leconte et Sueur, Mmes Harribey et G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Rossignol, M. J. Bigot, Mme Cartron, M. Courteau, Mme Lubin, M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 32 est présenté par le Gouvernement.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 13 rectifié.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement faisant l’objet d’une discussion commune, je m’attacherai à être synthétique. Je ne reviendrai pas sur les problèmes législatifs que le dispositif choisi par la commission soulève ; l’exposé des motifs de l’amendement n° 32, du Gouvernement, les résume très bien.

On peut en outre se poser ces questions : la création du délit d’installation en fraude sur le terrain d’autrui est-elle de nature à améliorer la situation ? Permettra-t-elle une évacuation plus rapide des occupations illicites ? Aura-t-elle des vertus dissuasives ? On peut en douter !

Je pense qu’inscrire dans le code pénal des délits et des sanctions afférentes tout en sachant très bien que celles-ci ne peuvent s’appliquer est au contraire de nature à limiter l’application de ce code et, in fine, à affaiblir celui-ci.

C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 8.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l'amendement n° 26.

M. Jean-Yves Leconte. Nous proposons la suppression de l’article 8, dont les dispositions, parce qu’elles seraient difficilement applicables, ne seraient en rien dissuasives.

L’habitude serait caractérisée dès lors que la personne concernée se serait acquittée de quatre amendes forfaitaires sur une période inférieure ou égale à vingt-quatre mois. Mais comment saura-t-on si les personnes se seront déjà rendues coupables de stationnements illicites au cours de la période considérée ? Il faudrait, pour qu’on puisse le savoir, constituer une base de données, ce qui n’est pas envisageable pour des raisons juridiques, notamment constitutionnelles.

Mes chers collègues, nous devons rechercher un équilibre entre les droits et les devoirs, et non pas simplement communiquer en instaurant des peines qui ne sont ni proportionnées ni applicables, ce qui nuit à notre sagesse et à l’intelligence de la loi !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 32.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’article 8 de la proposition de loi crée un délit sanctionnant la commission de manière habituelle du délit d’installation en réunion sans titre sur le terrain d’autrui prévu à l’article 322-4-1 du code pénal. Or cette disposition est inapplicable, car l’article 495-17 du code de procédure pénale, qui régit la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle, prévoit, dans son second alinéa, que cette procédure n’est pas applicable si le délit a été commis en état de récidive légale.

La récidive étant appréciée sur une période de cinq ans, selon l’article 132-10 du code pénal, l’auteur du délit prévu à l’article 322-4-1 du même code ne peut se voir appliquer la procédure de l’amende forfaitaire qu’une seule fois durant une période de vingt-quatre mois. Le délit d’occupation habituelle ne trouvera donc pas à s’appliquer.

En conséquence, le Gouvernement propose de supprimer l’article 8 de la proposition de loi.

(Mme Marie-Noëlle Lienemann remplace Mme Catherine Troendlé au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Marie-Noëlle Lienemann

vice-présidente

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements identiques visant à supprimer l’article 8.

Celui-ci instaure, sur l’initiative de M. Hervé, un délit d’occupation habituelle sans titre et en réunion d’un terrain. Ce type de délit a démontré son efficacité en matière de lutte contre les transports, où un délit similaire de fraude habituelle existe. La création de ce délit complète utilement l’arsenal pénal et contribuera à décourager la réitération de ce genre de comportements délictuels.

Le Gouvernement considère que le délit d’occupation habituelle ne trouvera pas à s’appliquer. L’amende forfaitaire délictuelle ne pouvant être appliquée dans l’état de récidive légale, il estime que deux amendes forfaitaires ne peuvent pas être appliquées à la même personne au cours d’une même année.

La commission fait une analyse différente de l’état de récidive légale : elle considère que, en l’état actuel du droit et de la jurisprudence de la Cour de cassation, la récidive légale ne se constate qu’en cas de réitération d’une infraction après une condamnation devenue définitive, ce qui suppose une déclaration de culpabilité par une juridiction de jugement après mise en mouvement de l’action publique. Or une amende forfaitaire délictuelle, au même titre qu’une amende de composition pénale, par exemple, n’est pas une condamnation ; elle permet d’éteindre l’action publique, sur laquelle elle a un effet similaire à celui d’une amnistie. De plus, les amendes forfaitaires délictuelles ne sont pas inscrites au casier judiciaire.

Comme il n’y a pas de condamnation, il n’y a pas de premier terme de la récidive. En conséquence, toute réitération ne peut pas être qualifiée de récidive, ce qui rend possible l’application de l’amende forfaitaire.

Au surplus, la constatation de l’état de récidive légale n’est jamais obligatoire : celui-ci peut ne pas être relevé par un acte de poursuites ou par la juridiction de jugement.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 rectifié, 26 et 32.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 18, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Supprimer les mots :

de trois ans d’emprisonnement et

2° Remplacer le nombre :

45 000

par le nombre :

15 000

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agit d’une sorte d’amendement de repli. Une infraction de récidive n’est pas scandaleuse ; mais ce qui est un peu ébouriffant, ce sont les peines prévues, que nous proposons de diminuer. (M. Pierre Ouzoulias acquiesce.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. M. Collombat propose une peine de 15 000 euros d’amende au lieu d’une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en cas d’installation illicite habituelle. Or, pour être cohérente, cette peine doit être plus élevée que celle qui est encourue pour la première installation illicite : un an d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende, d’après le texte de la commission.

De plus, une peine d’emprisonnement doit être encourue pour permettre l’application de certaines procédures, comme la garde à vue.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement vise seulement à abaisser les peines encourues par les auteurs du délit d’installation illicite habituelle ; le Gouvernement ayant proposé la suppression de ce délit, je ne puis, par cohérence, qu’y être défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je réalise l’exploit d’être en désaccord simultanément avec Mme la rapporteur et avec Mme la ministre, lesquelles sont par ailleurs en désaccord entre elles… (Sourires.)

Mme Sophie Primas. C’est la transitivité !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 8 (nouveau)
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Article 10 (nouveau)

Article 9 (nouveau)

La section 4 du chapitre II du titre II du livre III du code pénal est ainsi modifiée :

1° Le I de l’article 322-15 est ainsi modifié :

a) Au 4°, avant la référence : « 322-7 », est insérée la référence : « 322-4-1 et » ;

b) Sont ajoutés des 7° et 8° ainsi rédigés :

« 7° Dans les cas prévus à l’article 322-4-1, la suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire ;

« 8° Dans les cas prévus à l’article 322-4-1, la confiscation du ou des véhicules automobiles utilisés pour commettre l’infraction. » ;

2° L’article 322-15-1 est abrogé.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 19 rectifié ter est présenté par M. Collombat, Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Cohen, M. P. Laurent, Mme Cukierman, M. Foucaud, Mme Prunaud, MM. Watrin, Gay et Ouzoulias, Mme Gréaume, MM. Savoldelli et Gontard et Mme Benbassa.

L’amendement n° 27 est présenté par MM. Fichet, Leconte et Sueur, Mmes Harribey et G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Rossignol, M. J. Bigot, Mme Cartron, M. Courteau, Mme Lubin, M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 33 est présenté par le Gouvernement.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié ter.

M. Pierre-Yves Collombat. Pour évoquer une thématique régulièrement revenue dans nos débats, je dirai qu’avant d’aggraver les peines et d’inventer de nouveaux délits, il serait peut-être préférable d’appliquer la législation telle qu’elle existe aujourd’hui !

M. Bruno Sido. Très juste !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l’amendement n° 27.

M. Jean-Luc Fichet. Je fais miens les propos de M. Collombat pour défendre mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 33.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement tend à supprimer la possibilité qu’aurait le juge de prononcer une interdiction de séjour à titre de peine complémentaire en cas de commission du délit d’installation illicite en réunion sur le terrain d’autrui.

Une telle peine complémentaire semble en effet disproportionnée au regard de la peine principale encourue en cas de délit d’installation illicite, même si celle-ci a été portée à un an d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende par l’article 6 de la présente proposition de loi.

L’amendement vise également à rétablir l'exclusion de la confiscation du véhicule ayant servi à commettre l’infraction quand il s’agit d’un véhicule destiné à l’habitation, car cette confiscation serait contraire au principe constitutionnel d’inviolabilité du domicile.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. L’article 9 a été introduit dans le texte sur l’initiative de M. Hervé afin de répondre de manière efficace au problème des occupations illicites récurrentes.

Je me suis également interrogée sur la proportionnalité d’une peine qui peut paraître sévère. Néanmoins, cette peine est d’ores et déjà applicable à des délits punis d’une courte peine d’emprisonnement.

Elle est par exemple applicable en cas de délit de demande de fonds sous contrainte qui est puni d’une peine de six mois d’emprisonnement. Ce délit a été créé par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure et a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 mars 2003.

La peine complémentaire d’interdiction de séjour est également applicable au délit prévu à l’article 431-22 du code pénal, qui réprime d’une peine d’un an d’emprisonnement le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement scolaire sans autorisation. Ce délit et les peines complémentaires afférentes créés par la loi du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public ont également été déclarés conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 février 2010.

En conséquence, l’application de cette peine complémentaire à des infractions punies d’un an d’emprisonnement n’est pas disproportionnée et paraît conforme à la jurisprudence constitutionnelle.

Enfin, je ne reviendrai pas sur les différents volets abordés par le Gouvernement pour avoir moi-même développé un certain nombre d’arguments il y a un instant.

La commission est défavorable à ces trois amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 rectifié ter, 27 et 33.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9.

(L’article 9 est adopté.)

Article 9 (nouveau)
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 10 (nouveau)

Après le mot : « résultant », la fin de l’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigée : « de la loi n° … du … relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. » – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 10 (nouveau)
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

M. Loïc Hervé. Avant de passer au vote sur l’ensemble de ce texte, je me permets de prendre la parole au nom du groupe Union Centriste. En effet, nombreux sont les membres de mon groupe à avoir cosigné la proposition de loi dont je suis l’auteur principal, laquelle, avec la proposition de loi de Jean-Claude Carle, a constitué la matière première qui a permis à Mme le rapporteur d’établir le texte de synthèse qui nous est soumis aujourd’hui.

Je souhaite d’abord me réjouir des différentes ouvertures faites par le Gouvernement, qui montre de cette façon qu’il était prêt à avancer sur des questions importantes. À d’autres moments de la discussion où Mme la ministre s’est peut-être montrée moins ouverte au dialogue, je suis néanmoins certain qu’elle a entendu les difficultés que nous rencontrons aujourd'hui. Nos débats font ainsi œuvre de sensibilisation.

Je le répète : nous autres, élus de Haute-Savoie, tenons au dialogue qui a pu se nouer avec le Gouvernement, le ministère de l’intérieur, en particulier, et désirons le poursuivre pour aboutir à des solutions concrètes.

Je veux également remercier tous mes collègues qui ont permis à nos débats de se dérouler dans de bonnes conditions, dans un esprit de concorde et de respect mutuel, même si un tel sujet suscite parfois des approches différentes. Le timing a été respecté, bien que mon intervention allonge un peu la discussion.

Si ce texte est adopté dans quelques instants, il sera transmis à l’Assemblée nationale. Il appartiendra alors à nos collègues députés, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, de s’en saisir, d’y apporter eux-mêmes des adaptations ou des modifications, de l’enrichir avant que la proposition de loi nous revienne.

Profitons de l’hiver, d’une période où les gens du voyage sont moins présents sur nos territoires ou, en tout cas, posent moins de difficultés pour certains d’entre eux, pour avoir ce débat avec nos collègues de l’Assemblée nationale. Il importe de travailler en bonne intelligence dans le cadre de la navette parlementaire et de laisser le Gouvernement apporter son expertise, afin que la loi évolue sur le sujet dans notre pays.

Le groupe Union Centriste votera ce texte tel qu’il résulte de nos travaux.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. On ne peut que regretter un débat finalement très tronqué. Si je devais résumer, le sentiment qui domine, c’est que les gens du voyage équivalent à des hooligans.

M. Loïc Hervé. Je n’ai jamais dit ça !

M. Jean-Yves Leconte. Nous n’avons parlé que des sanctions prises à l’encontre de ces personnes. C’est ce qui ressort de nos débats ! On a parlé de saisir les domiciles : c’est totalement contraire aux principes constitutionnel et conventionnel.

Monsieur Hervé, j’ai la faiblesse de penser que certains groupes politiques, s’ils avaient été aux responsabilités, n’auraient pas voté le texte sous cette forme.

Madame la ministre, vous avez certainement pris la mesure de l’attente que suscitent les décrets. Elle montre la nécessité de mettre en œuvre l’ensemble des dispositions votées en 2017 dans le cadre de la loi Égalité et citoyenneté. En effet, ces décrets permettront de faire vivre la loi Besson, ainsi que les évolutions considérées comme nécessaires depuis le vote de cette loi.

Ce débat n’a pas permis d’aborder un certain nombre de sujets actuels, qui sont pourtant importants pour les Français itinérants : la question de la scolarisation, rapidement évoquée lors de la discussion générale, celle du vieillissement de cette population, les besoins en matière de sédentarisation exprimés par ceux, notamment, qui voient dans les terrains familiaux une solution à leurs difficultés, même si cela pose d’autres problèmes à l’échelon des plans d’urbanisme, en particulier.

M. Loïc Hervé. Alors, pourquoi ne pas avoir déposé d’amendements ?

M. Jean-Yves Leconte. Il faut discuter de ces questions et pas seulement de l’occupation illicite des terrains !

Il faudrait également parler de la précarisation d’une partie de la population française : l’habitat mobile doit être voulu et non subi, parce que cela ne relève pas de la même culture.

Il faut enfin témoigner des difficultés dont nous ont fait part les professionnels du cirque et des fêtes foraines au cours des auditions : je pense aux agissements de plus en plus violents auxquels sont confrontés certains cirques qui font travailler des animaux ou encore à la loi Sapin II, qui structure différemment l’attribution des autorisations d’occupation du domaine public, ce qui va créer des complications à la fois pour les communes et pour une partie de ces professionnels.

M. Loïc Hervé. Ça, c’est un vrai sujet !

M. Jean-Yves Leconte. Alors que ces questions auraient mérité d’être abordées, elles ne le sont pas. Cette proposition de loi ne résoudra rien. En revanche, elle remet en cause un certain nombre de dispositions figurant dans la loi Égalité et citoyenneté votée au début de l’année, et ce alors même que le Gouvernement travaille à les faire appliquer.

En conséquence, mon groupe ne votera pas ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Carle. Au terme de ce débat, je voudrais à mon tour remercier le rapporteur, Catherine Di Folco, qui a réalisé une bonne synthèse des deux propositions de loi, celle de Loïc Hervé et la mienne.

Ce texte ne résoudra évidemment pas tous les problèmes : en effet, comme vous le dites, monsieur Leconte, derrière tout cela, il existe un problème culturel. Or tout ce qui relève de la culture s’inscrit autant dans le temps que dans les textes.

En revanche, cette proposition de loi permettra aux élus plus particulièrement de mieux faire face à des situations qui sont totalement inacceptables. Les difficultés émanent non pas de la totalité des gens du voyage, mais d’une minorité, qui pose des problèmes en termes d’ordre public ou cause des préjudices économiques. C’est pourquoi il fallait absolument modifier la loi Besson.

J’espère bien sûr que ce texte sera adopté, mais j’espère surtout qu’il sera débattu à l’Assemblée nationale, de sorte que nous puissions à l’avenir répondre de façon définitive à un problème qui existe et qui est récurrent.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Comme Loïc Hervé et Jean-Claude Carle que je remercie d’avoir ardemment travaillé sur ce sujet, je me réjouis que nous puissions discuter aujourd'hui d’un texte dédié à l’accueil des gens du voyage, nous évitant ainsi de devoir examiner des mesures éparses dans différents textes.

En effet, nous sommes confrontés sur le terrain à de nombreuses difficultés en matière d’accueil des gens du voyage. Je ne parle pas de la communauté dans son ensemble, mais bien de quelques situations spécifiques dans lesquelles on constate malheureusement des abus. Nous nous rendions bien compte que l’arsenal juridique à disposition jusqu’à présent n’était pas suffisant et ne permettait pas d’apporter des réponses à l’occupation illicite des terrains. Il importait donc que nous puissions adopter de nouvelles mesures.

Je ne peux par conséquent que me réjouir que ce texte y contribue, en espérant qu’il puisse prospérer le plus rapidement possible à l’Assemblée nationale. Il importe en effet que les maires, notamment ceux des secteurs littoraux que je représente ici, qui voient affluer de nombreux gens du voyage durant les périodes estivales soient désormais en mesure de faire en sorte que tout se passe dans les meilleures conditions et de faire cesser les occupations illicites.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ferai deux remarques.

Premièrement, les élus sont confrontés à tous les problèmes dont on vient de parler non pas parce que la législation est inadaptée, mais parce qu’elle n’est pas appliquée ! Il arrive d’ailleurs parfois qu’elle ne le soit pas pour de bons motifs : pour un préfet, devoir choisir entre une évacuation et une émeute mérite quand même réflexion.

Mme Sophie Primas. Ça ne devrait pas !

M. Pierre-Yves Collombat. De mon point de vue, aggraver les peines ne changera strictement rien !

M. Loïc Hervé. Il n’y a pas que cela dans le texte !

M. Pierre-Yves Collombat. Deuxièmement, nous avons tenté, de manière certes un peu gauche, de maintenir l’équilibre institué par la loi Besson en formulant un certain nombre de propositions positives. Le sujet est passionnel, il était donc normal que l’exaspération l’emporte, mais c’est dommage !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. J’entends parler d’exaspération ou de texte déséquilibré. Moi, ce qui m’a exaspéré cette année, cet été plus particulièrement, c’est l’appel de dizaines de maires qui ne savaient plus comment réagir à l’arrivée illicite de gens du voyage !

M. Loïc Hervé. Elle a raison !

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas le sujet !

Mme Sophie Primas. Monsieur Collombat, vous avez peut-être la chance de vivre dans un département qui ne connaît pas d’occupations illicites, mais c’est bien le sujet !

M. Pierre-Yves Collombat. Mais non, ce n’est pas le problème !

Mme Sophie Primas. Laissez-moi m’exprimer, monsieur Collombat. Nous voulons répondre en l’espèce à l’exaspération et, en tout cas, à l’impuissance des maires et de la force publique.

Quand je vous entends dire, mon cher collègue, qu’une installation illicite sur un terrain vaut mieux qu’une émeute, je me pose des questions.

M. Pierre-Yves Collombat. C’est pourtant ce qui se passe !

Mme Sophie Primas. À force de laisser faire, on n’arrive pas à bout de nos difficultés.

Pour vous répondre monsieur Leconte, je voudrais dire que le texte ne me paraît pas déséquilibré, dans la mesure où la loi Égalité et citoyenneté dont vous appelez de vos vœux l’application était selon nous un peu déséquilibrée dans l’autre sens. Nous ne faisons que rétablir l’équilibre avec ce texte.

Désormais, le débat est ouvert : nous attendons que la proposition de loi soit examinée à l’Assemblée nationale, qu’elle soit amendée et modérée, car elle n’est sans doute pas parfaite. Ce dialogue entre l’Assemblée nationale et le Sénat fait la beauté de notre métier d’une certaine façon.

Je viens de le dire : j’appelle de mes vœux l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale. Je souhaite également voir les députés de la majorité qui me semblent assez peu experts en matière de collectivités territoriales nouer un dialogue très important avec les élus des territoires. Je crois en effet ces députés assez peu expérimentés au sujet des difficultés rencontrées sur le terrain.

Quoi qu’il en soit, je voterai ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ai deux petites choses à ajouter, puisque vous êtes plusieurs à vous être interrogés sur la parution des décrets, mesdames, messieurs les sénateurs.

Un premier décret relatif aux normes techniques sur les aires d’accueil est en cours de concertation au ministère du logement. Un deuxième décret de normalisation des documents d’identité est prêt au ministère de l’intérieur et est en cours de signature.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ? …

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 4 :

Nombre de votants 334
Nombre de suffrages exprimés 333
Pour l’adoption 207
Contre 126

Le Sénat a adopté.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites
 

8

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 7 novembre 2017, à quatorze heures trente et le soir :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement (n° 21, 2017-2018) ;

Rapport de Mme Élisabeth Lamure, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 42, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 43, 2017-2018) ;

Avis de M. Jean-Marc Boyer, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 46, 2017-2018).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

nomination de membres d’une commission mixte paritaire

La liste des candidats établie par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.

Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 9 du règlement, cette liste a été ratifiée.

Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : MM. Hervé Maurey, Alain Fouché, Gérard Cornu, Guillaume Chevrollier, Mme Nelly Tocqueville, MM. Olivier Jacquin, Ronan Dantec ;

Suppléants : MM. Claude Bérit-Débat, Philippe Bonnecarrère, Mme Pascale Bories, MM. Guillaume Gontard, Didier Mandelli, Frédéric Marchand, Michel Vaspart.

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD