Mme la présidente. Vous avez donc de l’occupation pour la soirée… (Sourires.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pas de dîner !

M. Jean-François Rapin. Que fait le syndicat des sénateurs ? (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures dix.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures dix, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Recherche et enseignement supérieur

Article additionnel après l'article 57 septies
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2018
État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (et articles 57 octies et 57 nonies).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, pour lenseignement supérieur. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, près de 60 % des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sont consacrés à l’enseignement supérieur.

Au préalable, je souligne que les crédits de la mission inscrits dans le budget triennal pour les années 2018 à 2020 progressent moins rapidement que l’ensemble des dépenses du budget général. Je m’interroge sur cette absence de priorité, sachant que le niveau élevé et croissant des charges à payer de cette mission, depuis 2010, me conduit déjà à douter de la soutenabilité budgétaire de la mission…

Les crédits du bloc « enseignement supérieur » se caractérisent par une certaine rigidité. En effet, près de 80 % de cette dépense sont constitués des subventions versées aux opérateurs pour charges de service public. Je centrerai donc mon propos sur plusieurs éléments saillants, sur lesquels je souhaite, madame la ministre, appeler votre attention.

Le premier point porte sur le plan Étudiants, présenté le 30 octobre dernier. Ce plan traduit une certaine ambition, dont nous vous félicitons ; un montant d’un milliard d’euros devrait ainsi accompagner sa mise en œuvre durant le quinquennat.

Toutefois, seulement 1,5 % de ce montant est prévu pour 2018 ; cela me paraît trop faible pour concrétiser, dès la rentrée prochaine, l’application des nouvelles orientations. En outre, cette faiblesse contraste avec la rapidité ayant présidé à sa définition. Sans doute, madame la ministre, pourrez-vous nous préciser comment le Gouvernement entend réussir la rentrée 2018-2019.

Au-delà de l’accompagnement financier, seule la mise en place d’une professionnalisation de l’orientation, avec un module de plusieurs semaines, permettra de couronner cette réforme de succès.

Le deuxième point porte sur la situation budgétaire de certaines universités, qui se servent des attributions d’emplois comme variable d’ajustement pour équilibrer leurs budgets. Plus que jamais, il me paraît urgent que des mesures de rattrapage soient engagées pour les universités sous-dotées.

Au reste, cette question se pose dans un contexte particulier.

D’abord, les universités sont très inquiètes quant à la remise en cause des fonds de la taxe d’apprentissage et de leur accès à cette taxe.

Ensuite, une nouvelle expérimentation de dévolution immobilière sera conduite l’an prochain. Or aucune dotation initiale n’est prévue. Je soutiens la reprise de la dévolution immobilière, gage de l’autonomie des universités, mais il importe de ne pas précipiter le mouvement sans s’assurer que les universités concernées sont effectivement en mesure d’entretenir leur parc.

S’agissant des ressources des universités, je considère que les frais d’inscription pourraient être sensiblement relevés, en particulier pour les étudiants étrangers. Il est éclairant de constater que les droits de scolarité ne représentent qu’une part marginale des ressources des universités – moins de 3 %. Un relèvement de ces droits permettrait d’améliorer qualitativement l’accueil des étudiants, donc notre attractivité pour faire venir les meilleurs étudiants du monde entier.

Le troisième point porte sur les établissements d’enseignement supérieur privé. Je reviendrai sur leur situation financière fragilisée lors de la présentation de l’amendement adopté par la commission des finances.

Je souhaiterais toutefois, madame la ministre, que vous nous précisiez comment le Gouvernement compte assurer l’accompagnement de ces établissements. En effet, le Gouvernement s’était engagé à clarifier leur situation à travers la qualification d’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général, ou EESPIG.

Or, compte tenu des entrées et sorties dans cette qualification qui sont prévues en 2018 et des soutiens budgétaires que les établissements se sont vu garantir, il sera difficile de respecter la parole de l’État. En effet, il est prévu que cinq établissements ne soient pas qualifiés EESPIG et sortent « en sifflet » sur le plan de leurs financements, quand huit à dix autres établissements, auxquels on a garanti qu’ils seraient pris en compte, entreront dans le dispositif. En l’état, les crédits budgétaires conduiront donc à une impasse.

Le quatrième point porte sur les crédits destinés à la vie universitaire, le programme 231. Ces crédits paraissent stables par rapport à 2017. Je relève cependant que cette stabilité repose, en réalité, sur la diminution des crédits finançant l’aide à la recherche du premier emploi.

Derrière cette stabilité en trompe-l’œil, les crédits du programme 231 se caractérisent par un fort dynamisme, porté principalement par les facteurs de hausse continue de l’enveloppe dévolue aux bourses.

Dans un contexte budgétaire contraint, il importe plus que jamais de s’interroger sur le dynamisme des dépenses. À cet égard, une réflexion sur le contrôle des bourses et de l’assiduité des étudiants devrait être conduite. Je me permets, madame la ministre, de vous signaler les recommandations que j’ai formulées à l’occasion d’un rapport d’information en 2016 sur ce sujet. Elles restent d’actualité et offrent des solutions afin de concilier l’utilité de ce soutien à la poursuite des études et le nécessaire contrôle qui doit les régir.

Avant de laisser mon collègue vous livrer son analyse des crédits consacrés à la recherche, je soulignerai le rôle de la recherche universitaire. Près de 4 milliards d’euros lui sont destinés. L’enjeu crucial pour améliorer l’efficacité de cette recherche est d’agir sur le transfert de ses résultats, afin de mieux valoriser les efforts en la matière.

C’est tout le sens du travail que j’ai conduit cette année sur les sociétés d’accélération du transfert de technologies, les SATT. J’espère, madame la ministre, que cette étude inspirera votre action, afin de renforcer l’efficacité de l’action des SATT et de parvenir à une meilleure valorisation de la recherche universitaire.

Avant de conclure, madame la ministre, je veux souligner l’enjeu crucial de la réforme que vous souhaitez engager pour mieux réussir l’orientation et la répartition des étudiants à leur entrée à l’université. Il y va de l’avenir de nos jeunes, à qui l’on doit arrêter de mentir en les laissant s’entasser dans des filières sans avenir. Il y va aussi d’une meilleure utilisation de l’argent public, donc d’une amélioration des performances de notre enseignement supérieur.

Soyez assurée, madame la ministre, que vous nous trouverez à vos côtés pour conduire cette réforme, qui, je le crois, est sûrement l’un des enjeux majeurs de notre société. En conclusion, la commission des finances a adopté les crédits de votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la recherche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon intervention portera sur les crédits de la mission consacrés à la recherche.

Permettez-moi, pour commencer, d’exprimer un certain scepticisme – rassurez-vous, cela ne va pas durer –, celui que m’inspire la présentation de ce budget, son manque de souplesse et son manque de vision interministérielle. En fait, on se rend compte, à la lecture de ce budget, que celui-ci se prête peu à l’amendement et que les données qui nous sont fournies ne peuvent aisément être utilisées par le Parlement.

J’en viens, madame la ministre, à l’analyse des crédits proprement dite.

La somme des budgets des programmes « Recherche » atteindra 11,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement, ou AE, et en crédits de paiement, ou CP, en 2018, ce qui représente une hausse de 394,4 millions d’euros en AE et, surtout, de 512,3 millions d’euros en CP par rapport aux crédits votés par le Parlement en loi de finances pour 2017. Ces hausses de crédits sont significatives, en dépit d’un contexte que nous savons tous très difficile et contraint.

De fait, il était temps que la recherche soit considérée comme un budget prioritaire, au même titre que ceux de la sécurité, de la justice ou de l’éducation, car elle constitue la dépense d’avenir par excellence.

Le montant total des crédits alloués aux programmes qui dépendent du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, c’est-à-dire les programmes 172, « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 193, « Recherche spatiale », s’établira en 2018 à 8 345,9 millions d’euros en AE et 8 391,8 millions d’euros en CP, soit une forte hausse, de 4,4 % en AE et de 6 % en CP, par rapport à 2017. Il s’agit là d’un effort considérable. Les crédits de ces programmes seront donc abondés de façon significative pour la deuxième année d’affilée.

En ce qui concerne les subventions pour charges de service public destinées à financer les moyens généraux des organismes de recherche dépendant du ministère – notamment le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, CEA et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM –, je me félicite que la compensation de la hausse de la CSG pour les chercheurs, point sur lequel m’ont alerté tous les directeurs des organismes que nous avons auditionnés, ait fait l’objet d’un abondement en seconde délibération à l’Assemblée nationale.

Un autre élément m’a interpellé lors des auditions que j’ai menées : l’importance du recours aux contrats à durée déterminée dans ces organismes de recherche, qui risque, à court terme, de nous poser un problème social assez important. Nous devons y être attentifs. Il paraît difficile de demander aujourd’hui à nos chercheurs de très haut niveau, voire d’excellence, de se consacrer pleinement à leur métier, qui est aussi leur passion, dans des conditions que l’on peut considérer comme précaires.

Le troisième fait saillant dans les programmes du ministère de la recherche est l’effort budgétaire très important qui sera consenti en 2018 en faveur des très grandes infrastructures de recherche et des organisations internationales relatives à la recherche.

Je pense notamment à la hausse des financements destinés à l’Agence spatiale européenne, qui porte le très important projet Ariane 6, à l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, au réacteur thermonucléaire expérimental international et à l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques. Madame la ministre, le Gouvernement s’est incontestablement attaché, cette année, à améliorer la sincérité du budget de la recherche sur ce point.

En revanche, les autres programmes de la mission, qui ne dépendent pas du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, verront, pour la plupart, leurs moyens stagner, voire diminuer en 2018.

On note deux exceptions à cette tendance morose : le programme 142, « Enseignement supérieur et recherche agricoles », qui verra ses crédits augmenter de 2 %, afin notamment de répondre aux besoins des filières agricoles en cadres de haut niveau, et le programme 190, « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », qui bénéficiera de la budgétisation des crédits de recherche et développement dans le domaine de l’aéronautique civile qui figuraient, jusqu’en 2016, par les deux premiers programmes d’investissement d’avenir, pour un montant de 135 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Le fait que l’État apporte de nouveau une aide précieuse à un secteur décisif pour l’avenir de notre industrie, après le « trou d’air » de 2017 – si vous me permettez ce jeu de mots –, constitue une excellente nouvelle.

J’ajoute que l’aggravation du déficit du commerce extérieur est de moins en moins marquée. Cette détérioration est en grande partie due aux importations de matériel aéronautique. Il est très paradoxal d’entendre que nous devons être encore plus performants quand nous avons la fierté de voir la qualité de nos programmes d’investissement saluée par Airbus et même par l’aviation militaire.

J’en viens à présent au sujet de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, et du financement de la recherche par projets.

Dans son rapport de juillet dernier, mon prédécesseur Michel Berson avait montré que la baisse drastique des crédits de l’ANR survenue au début du quinquennat précédent avait eu des conséquences catastrophiques, avec un taux de succès atteignant difficilement 11 % en 2015.

Le précédent gouvernement avait fait un effort. On constate, cette année, un effort chiffré qui ne peut qu’aller dans le sens du renforcement de l’ANR. C’est une bonne chose.

Peut-on pour autant considérer que l’objectif que s’est fixé le nouveau Président de la République, à savoir redonner à l’ANR des moyens dignes de ceux de ses homologues étrangers, est atteint ? Je ne le pense pas. Globalement, on devrait pouvoir financer jusqu’à 25 % de ses projets. C’est peut-être un maximum, mais c’est un objectif digne d’une agence comme l’ANR.

En ce qui concerne les financements européens, les premiers chiffres du programme-cadre « Horizon 2020 » pour la recherche en Europe tendent à montrer que le recul de la France en matière de recherche au niveau européen s’amplifie.

Si l’Allemagne et la Grande-Bretagne obtiennent traditionnellement plus de financements européens que notre pays, la France est désormais rattrapée par les Pays-Bas et par l’Espagne. Notre pays gagnerait donc à s’enrichir des expériences étrangères.

En l’an 2000, il avait été décidé que l’effort de recherche de chaque État membre de l’Union européenne devrait atteindre 3 % du PIB en 2020. À ce jour, ce taux s’élève, dans notre pays, à 2,15 %.

Voilà, madame la ministre, ce que je pouvais vous dire en sept minutes, sachant que j’ai dû élaguer une grande partie de mon propos. Comme l’a déjà indiqué Philippe Adnot, la commission a émis un avis favorable sur ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Jérôme Bignon applaudit également.)

M. Daniel Dubois, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue le Gouvernement pour l’effort qu’il consent en faveur de la recherche dans ce budget. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre commission s’est prononcée en faveur de l’adoption des crédits de la mission.

Il conviendra cependant de maintenir la hausse des crédits de l’Agence nationale de la recherche dans les futurs budgets du quinquennat, notamment en vue d’augmenter le préciput pris en charge par l’agence.

Madame la ministre, la préparation de mon rapport m’a notamment amené à m’interroger sur les points suivants : au vu des avancées de SpaceX, Ariane 6 sera-t-elle suffisamment compétitive pour garantir à l’Europe un accès indépendant à l’espace ?

Mme Sophie Primas. Espérons-le !

M. Daniel Dubois, rapporteur pour avis. Le Figaro évoquait justement ce sujet dans son édition de ce matin.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication, pour lenseignement supérieur. Vous avez de saines lectures ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Dubois, rapporteur pour avis. A-t-on pris conscience qu’il est crucial que nos entreprises se saisissent des opportunités économiques de Galileo et de Copernicus ?

Quel est l’avenir des pôles de compétitivité, alors que le Fonds unique interministériel baisse régulièrement et qu’un état consolidé des financements publics des pôles n’est pas disponible ? Ne devrait-on pas rechercher une plus grande cohérence des structures d’avenir en vue de valoriser la recherche et d’accroître la recherche partenariale ?

J’ai également souhaité, madame la ministre, porter mon attention sur l’une des structures créées dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, à savoir France Brevets. Il s’agit d’une société par actions simplifiées, dotée d’un capital de 100 millions d’euros, réparti à parité entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations.

Active depuis 2011, France Brevets est la seule structure publique dédiée à l’investissement dans les brevets en Europe. Elle acquiert des droits sur des brevets en vue de les regrouper en grappes, puis de les licencier, avec pour objectifs de protéger l’innovation française à l’échelon international et de permettre aux entreprises françaises souhaitant utiliser une technologie brevetée de le faire à conditions tarifaires raisonnables.

Six ans après sa création, France Brevets doit toujours faire ses preuves. Si son activité est utile, elle s’est surtout développée au gré des opportunités et a donné lieu à des réalisations relativement limitées au regard des objectifs initiaux, alors que ses résultats financiers apparaissent nuancés.

La société s’est récemment dotée d’un nouveau plan d’affaires, qui procède à des ajustements bienvenus. Mais, à terme, il faudra procéder à une évaluation indépendante et exhaustive, afin de s’assurer de la valeur ajoutée effective de France Brevets, qui, à ce stade, ne me paraît pas encore totalement démontrée. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication, pour la recherche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en dépit de contraintes budgétaires fortes, le projet de loi de finances pour 2018 témoigne de l’importance qu’attache le Gouvernement à la recherche et à l’innovation, que ce soit à travers l’augmentation des crédits de l’Agence nationale de la recherche ou via l’arrêt d’une pratique qui consistait à sous-estimer systématiquement les contributions de la France aux organisations internationales de recherche. C’est la raison pour laquelle la commission de la culture a émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

Néanmoins, au-delà du budget de la recherche et de l’innovation, il me semble indispensable, surtout en début de quinquennat, de poser la question suivante : quelle recherche veut-on ? Et pour quelle France ? En effet, si notre pays veut rester compétitif, il devra investir massivement dans la recherche et l’enseignement supérieur pour faire de l’innovation le moteur de la croissance économique.

Comme l’a dit précédemment mon collègue Jean-François Rapin, avec une dépense de recherche et développement de la France représentant 2,24 % du PIB, notre pays n’a jamais atteint l’objectif de la stratégie de Lisbonne de 2000, qui fixait ce taux à 3 % du PIB. Les moyens pour y parvenir sont connus : investir davantage dans la recherche publique, mais également encourager le développement de la recherche privée. Soyons honnêtes : jusqu’à présent, aucun gouvernement, toutes majorités confondues, n’y est parvenu.

Au cours de la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron s’y est engagé. Nous observerons donc avec attention l’action de l’actuel Gouvernement et ses résultats dans ce domaine. D’ores et déjà, une piste devrait être privilégiée : le renforcement des Instituts Carnot, qui assurent avec efficacité le lien entre recherche et innovation et incitent les entreprises, notamment les PME, à investir dans la recherche.

Une autre action doit être menée en parallèle : la définition de priorités claires en matière de recherche. C’est ce qui explique le succès de l’Espagne et du Royaume-Uni dans le cadre des appels à projets européens ou encore le rayonnement de la recherche du Royaume-Uni et des Pays-Bas au niveau international, alors même que ces pays investissent proportionnellement moins d’argent dans la recherche que notre propre pays.

C’est un chantier délicat, mais indispensable, auquel le Gouvernement semble vouloir s’attaquer. Nous verrons si, au-delà du constat partagé, les politiques mises en œuvre seront utiles pour notre pays.

Les opérateurs de recherche ont également besoin d’une meilleure visibilité financière à moyen terme pour mener une recherche de qualité. Tel devrait être le rôle des contrats d’objectif et de performance signés entre les organismes de recherche et l’État, avec la mise en place d’une véritable contractualisation des objectifs et des moyens entre l’opérateur de recherche et son ministère de tutelle.

Enfin, l’État doit financer les actions qu’il lance. À cet égard, je rappelle que l’INSERM a été chargé par l’ancien gouvernement de plusieurs projets, tels que le lancement du consortium REACTing pour coordonner la recherche en cas d’émergence infectieuse, le pilotage du plan France Médecine Génomique 2025 ou encore la mise en place d’une cohorte dans le cadre du plan de lutte contre la maladie de Lyme – pour ne citer que ces trois exemples.

Ces programmes ont été annoncés à grand renfort de communication, mais leur financement n’a pas été assuré et a dû être pris en charge par l’INSERM à travers le redéploiement de ses propres ressources. Cela a été valable pour d’autres organismes de recherche, comme le CNRS. Les arbitrages pour 2018 n’ont pas encore été rendus, mais il serait très regrettable que l’État ne respecte pas ses engagements.

La semaine dernière, le Sénat a bien voulu adopter mon amendement visant à la remise d’un rapport sur les modalités de financement des plans de santé publique. Nous attendrons ces conclusions avec impatience. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication, pour lenseignement supérieur. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission de la culture, madame, messieurs les rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je dois reconnaître, madame la ministre, que la « première mouture » de ce budget, celle qui a été examinée par le Conseil des ministres du 27 septembre dernier, m’avait déçu.

Elle m’avait d’abord déçu parce que les seules mesures pour lesquelles vous prévoyiez des moyens nouveaux étaient issues du quinquennat de François Hollande : le parcours « professionnels, carrières et rémunérations » – le PPCR –, les 1 000 créations de postes, la revalorisation du point d’indice… Le premier budget de Mme Vidal n’aurait-il été que le dernier budget de Mme Vallaud-Belkacem ? Vous connaissant, je ne pouvais le croire.

Vous m’avez rassuré sur vos intentions lorsque vous avez décidé de financer, cette année, pour la première fois, le glissement vieillesse-technicité, qui incombe à l’État, dans le budget de masse salariale des établissements ayant accédé aux responsabilités et compétences élargies – les RCE –, et je vous en félicite. J’espère que vous poursuivrez dans cette voie lors des prochains budgets.

Je demeurais néanmoins inquiet, car rien n’était prévu, à ce moment, pour financer l’augmentation des effectifs dans l’enseignement supérieur, ni le scandale de l’échec en licence, alors que, chaque année, nous accueillons 30 000 étudiants supplémentaires dans notre enseignement supérieur, orientés par défaut vers l’université, où seulement un étudiant sur trois termine sa licence en trois ans, ce qui est une honte pour notre pays et sa jeunesse. Mais, du fait de votre parcours professionnel, vous le savez tout autant que moi, madame la ministre.

Je reconnais que vous avez véritablement corrigé votre copie et votre feuille de route, en proposant à l’Assemblée nationale de voter les financements, pour 2018, du plan Étudiants que vous avez présenté avec le Premier ministre le 30 octobre dernier. Les crédits de cette mission ont donc été abondés de 15 millions d’euros supplémentaires. C’est peu, mais ces crédits seront complétés par des financements sur projets issus des 450 millions d’euros annoncés dans le cadre du Grand plan d’investissement prévu sur la durée du quinquennat.

Vous le savez, je soutiens l’ambition de votre réforme, tout particulièrement votre volonté d’améliorer la réussite étudiante en premier cycle, sujet qui me préoccupe depuis plusieurs années et sur lequel j’ai plusieurs fois eu l’occasion d’interpeller vos prédécesseurs.

Cependant, je serai très vigilant sur les modalités que vous nous proposerez dans le cadre du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, que le Sénat examinera au début de l’année prochaine.

Nous n’avons pas le droit à l’erreur, madame la ministre : si, dans un an, le nouveau dispositif continue de dysfonctionner, nous ne pourrons plus dire : « C’est la faute d’APB »… Et la récente réforme de l’entrée en master a montré combien les fausses bonnes idées – je pense à ce fameux « droit à la poursuite d’études », que nous n’avions pas véritablement plébiscité au Sénat – pouvaient faire naître des complexités et des dysfonctionnements.

Gagnés successivement par la déception, l’espérance et l’inquiétude, soucieux de soutenir votre action quand elle est intéressante pour nos étudiants, mais vigilants en ce qui concerne l’efficacité des mesures proposées, les membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont décidé d’émettre un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Nelly Tocqueville, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable, pour le programme « Recherche dans les domaines de lénergie, du développement durable et de la mobilité durable ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me revient de vous présenter l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur les crédits du programme 190, consacré à la recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables.

Ces crédits soutiennent les actions de sept opérateurs, compétents dans des secteurs très différents. Les travaux de recherche menés par ces établissements sont essentiels pour répondre aux défis environnementaux de la France et pour réussir notre transition écologique. Ils permettent d’éclairer les décideurs publics lors de l’élaboration de politiques nouvelles, dans des domaines caractérisés par une évolution permanente des connaissances et des techniques.

Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une légère hausse du total des crédits de ce programme, avec 1,73 milliard d’euros en crédits de paiement et 1,76 milliard d’euros en autorisations d’engagement.

Nous avons relevé que les dotations prévues pour les sept opérateurs sont globalement préservées. À cette stabilité d’ensemble s’ajoute un effort spécifique en faveur de la recherche aéronautique, qui vise à prendre la suite de ressources précédemment apportées dans le cadre du programme d’investissements d’avenir.

Si notre commission s’est majoritairement félicitée de la stabilité des crédits en 2018, plusieurs de ses membres ont appelé de leurs vœux, au-delà d’une préservation de l’existant, une revalorisation plus significative de ces derniers, déterminants pour aborder le futur de notre énergie et de nos mobilités.

Notre commission a relevé et approuve deux orientations qui guident de plus en plus les activités des organismes soutenus par le programme.

Premièrement, nous avons salué les efforts de coopération et de mutualisation entrepris par les différents établissements, efforts qui contribuent à un enrichissement mutuel de leurs travaux, mais aussi à une optimisation des dépenses publiques. Par ces processus de réorganisation, ces organismes s’attachent à établir des priorités dans leurs activités de recherche, ce qui est une démarche très positive, qu’il faut renforcer à l’avenir.

Deuxièmement, nous nous sommes félicités des nombreux partenariats établis par ces opérateurs avec la société civile. Ce souci d’ouverture vise à mieux identifier les attentes sociétales, à y répondre plus efficacement, donc, in fine, à améliorer la pertinence et la légitimité de la recherche publique. Une telle approche permet également de développer la coopération entre ces établissements et le secteur industriel, donnant ainsi des perspectives d’application plus directe aux travaux de recherche.

Pour conclure, madame la ministre, notre commission considère qu’un engagement financier de l’État à un niveau élevé est indispensable pour maintenir à un degré d’excellence les capacités publiques de recherche dans le domaine du développement durable.

Au vu de la stabilité des crédits pour 2018, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)