M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Roland Courteau. Madame la ministre, vous persistez ! Vous persistez à considérer que cette proposition de loi est prématurée. Nous, nous persistons à dire qu’il y a urgence sociale. Les amendements que vous proposez, pour une application en 2020 ou plus tard, ne dupent personne. Vous voulez éviter le vote conforme. Nous, nous voulons ce vote conforme, parce qu’il y a urgence.

Nous ne nous parlons pas le même langage. Vous nous parlez d’équilibre des comptes ; nous parlons de justice sociale et de nécessaire solidarité. On nous dit que cette proposition de loi est prématurée. Nous, nous disons qu’il y a une urgence sociale et que, par exemple, la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune n’était aucunement une urgence sociale ou une nécessité !

Certes, vous nous dites que les retraités agricoles méritent toute l’attention du Gouvernement. Très bien ! Mais c’est comme en amour : seules comptent les preuves ! (Sourires.)

Vous refusez les propositions de financement de ce texte du groupe CRCE, mais vous n’en formulez aucune autre. Or, dans cette proposition de loi, il est envisagé de mettre à contribution le monde de la finance. En quoi cela peut-il gêner de prélever un centime d’euro pour l’achat d’une action de dix euros ?

Vous nous parlez de chiffres et d’équilibre des comptes. Des chiffres, en voici, madame la ministre : retraite de monsieur, non-salarié agricole dans le département de l’Aude, 646 euros ; retraite de madame, non-salariée agricole dans le département de l’Aude, 321 euros ; au total, pour ce couple, 967 euros de retraite par mois ! Ne pensez-vous pas qu’un effort supplémentaire puisse être fait et qu’il y a urgence en la matière ?

Voilà la situation difficile, pour ne pas dire précaire, dans laquelle se trouvent les anciens travailleurs de la terre après des décennies de dur labeur. Ils ne demandent donc que reconnaissance et justice sociale.

Au demeurant, cette demande urgente concerne en priorité non pas les grands propriétaires terriens, mais les petits paysans de métropole et d’outre-mer, ceux qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ont fait passer l’agriculture autarcique à une agriculture de production. Ils ont droit à notre reconnaissance ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, sur l’article.

M. Pierre Cuypers. Je suis gêné par cette discussion, et plus encore, en cette période difficile que traversent le monde agricole et le monde de l’économie rurale, lorsque je songe à ceux qui ont construit la richesse de notre pays pendant des décennies, j’ai honte.

J’ai honte de voir que l’on ne reconnaît pas la qualité de leur travail, la qualité de la production, la sécurité qu’ils apportent à nos besoins alimentaires au quotidien. J’ai honte qu’un agriculteur, quel qu’il soit, n’ait pas aujourd’hui une retraite juste.

Madame la ministre, je vous invite à réfléchir. Je vous suggère d’imaginer que vous repreniez une exploitation agricole, que vous en trouviez les moyens, que vous travailliez pendant quarante ans ou cinquante ans, que vous éleviez votre famille et que, à la fin de votre vie, vous touchiez seulement 687 euros pour vivre. Je pense que c’est insupportable !

Je vous appelle sincèrement à mieux prendre en compte les dispositions qui nous sont proposées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.

M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les pensions de retraite sont un enjeu vital pour nos agriculteurs. C’est d’autant plus vrai dans nos territoires ultramarins, à plus d’un titre.

En Martinique, notre agriculture est soumise à des contraintes insulaires – je pense à l’exiguïté ou à la dépendance économique vis-à-vis de certains produits d’importation –, climatiques, sanitaires, par exemple, la pression parasitaire, et à des possibilités réduites d’économies d’échelle, du fait de la prédominance des petites exploitations, du coût de la main-d’œuvre et du prix élevé du foncier qui augmentent les coûts de production. Les coûts post-récoltes sont également élevés, en raison de la faible taille et de l’isolement des opérateurs concernés, rendant certains produits issus de l’agriculture locale peu compétitifs face aux importations.

Entre 2001 et 2011, la Martinique a vu le nombre de ses exploitations agricoles passer de 8 000 à 3 300. Cette diminution a été particulièrement marquée pour les petites structures. Aujourd’hui, 66 % des 2 994 exploitations agricoles présentent une surface agricole utile, ou SAU, de moins de 5 hectares. L’agriculture couvre désormais 21 % du territoire, soit une diminution de 23 % de la SAU en dix ans.

En outre, entre 2013 et 2014, nous avons assisté à une régression de 14 % des cultures légumières, de 6 % des cultures fruitières semi-permanentes et de 30 % des cultures fruitières permanentes !

Dans un contexte de fort vieillissement de la population et de déclin démographique, le renouvellement des exploitants agricoles – seulement 9 % des chefs d’exploitation ont moins de quarante ans – exige une forte vitalité de l’enseignement agricole et une intensification de la politique d’encouragement à l’installation. Mais comment y parvenir quand l’on promet aux potentiels jeunes agriculteurs travaux pénibles et horaires à rallonge, faibles revenus durant leur vie active et retraite aux antipodes de tous les efforts fournis pendant tant d’années ?

Selon le rapport de 2016 du Conseil d’orientation des retraites, les prestations de retraite pour une carrière complète s’élèvent à 1 690 euros pour les salariés agricoles et à 710 euros pour les non-salariés agricoles, soit un niveau inférieur à la fois au seuil de pauvreté et à l’allocation de solidarité aux personnes âgées, sachant qu’un non-salarié agricole monopensionné sur deux en outre-mer perçoit une retraite mensuelle inférieure à 333 euros !

Nos agriculteurs sont en grande souffrance. Ils se tuent à la tâche sans parvenir à vivre décemment du produit de leur labeur, et, à la retraite, ils se retrouvent dans une extrême misère. Nous ne pouvons pas tolérer cette situation ni être complices de cette infamie. En attendant, peut-être, de meilleures propositions du Gouvernement dans le cadre du prochain projet de loi agricole, sur lequel nous serons extrêmement vigilants, j’ose espérer que cette proposition de loi ira au terme de son cheminement législatif pour une réelle application, rendue plus que nécessaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les agriculteurs sont des passionnés. Ils aiment leur travail. Ils travaillent pour faire progresser leur ferme, leur productivité et la richesse de notre pays.

Les agriculteurs, notamment les éleveurs, ont eu des journées, des mois, des années pleines de difficultés : responsabilité sanitaire, responsabilité de vendre leurs produits en essayant de dégager un excédent pour faire vivre leur famille et payer les emprunts. En 2016, ils ont même vendu au-dessous du prix de revient.

Je connais bien ces agriculteurs à la retraite, qui ont travaillé sept jours sur sept toute leur vie sur des petites propriétés, qu’ils ont agrandies à force de labeur.

Ce serait donc pour moi justice de porter leur retraite à 85 % du SMIC en métropole et à 75 % du SMIC dans les territoires d’outre-mer en 2020.

En commission, j’avais émis un vote positif sur l’amendement du Gouvernement, l’échéance de 2020 me paraissant acceptable.

Je comprends bien qu’il faut respecter certaines exigences budgétaires lorsque l’on gère un pays. Les retraites que verse la Mutualité sociale agricole, la MSA, sont déjà subventionnées par l’État, puisque les agriculteurs en activité ne sont pas assez nombreux.

Le Gouvernement a formulé une proposition, qui est certainement appréciée, mais qui n’est pas assez importante. Je pense qu’il faut porter le montant de la pension à 987 euros par mois le plus vite possible. Certes, les gouvernements précédents auraient pu le faire, et ils ne l’ont pas fait… Les conjoints – ce sont essentiellement des femmes –, qui ont beaucoup travaillé, souvent sept jours sur sept, doivent avoir une retraite décente, proche de celle des chefs d’exploitation. Ce n’est pas le cas avec les 5 % prévus.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, sur l’article.

Mme Françoise Laborde. Le 7 mars dernier, beaucoup d’entre nous, qui étaient déjà présents dans l’hémicycle, ont été stupéfaits de la demande de vote bloqué formulée par le Gouvernement. Je n’ai pas eu alors l’occasion d’exprimer mon profond désaccord.

Sur la forme, le Gouvernement a préféré le bras de fer pour gagner du temps, restreignant à son minimum l’expression des parlementaires, ce qui n’est arrivé que six fois depuis 1959 – je crois que cela a été souligné – pour une proposition de loi, dans un contexte où il n’y avait pas d’obstruction.

Si le Gouvernement ne veut pas de ce texte, il a toutefois la responsabilité de respecter le débat démocratique et son expression. Cette proposition de loi, votée à l’unanimité par les députés, certes avant l’élection du nouveau Président de la République, aurait pu entrer en application au 1er janvier 2018 si elle avait été adoptée par le Sénat.

Je félicite ses auteurs, ainsi que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’avoir rendu possible son examen. En outre, le texte est parfaitement cohérent avec les engagements de campagne du candidat Emmanuel Macron en faveur de la revalorisation des retraites agricoles.

Sur le fond, c’est insultant pour une profession en détresse depuis des années. Pour eux, la situation est intenable.

Si je peux entendre que le Gouvernement souhaite par cohérence retarder la revalorisation des retraites agricoles pour la faire coïncider avec la réforme globale annoncée des retraites, il n’en demeure pas moins que la situation des agriculteurs de nos territoires en matière de retraite est dramatique. Et c’est encore plus vrai pour les agricultrices, qui, pour une grande part, n’ont pas de statut professionnel ou relèvent du statut de conjointe collaboratrice, lequel ne les couvre pas en l’espèce.

Aujourd’hui, nous nous retrouvons autour de la proposition de loi « revalorisation acte II ».

J’ai pris connaissance, comme nombre d’entre nous dans cette enceinte, des deux amendements déposés par le Gouvernement, portant sur des mesures qui pourraient être mises en application en 2020. Je regrette de constater qu’il s’agit d’une aumône ; d’un côté, certains diront que c’est mieux ; de l’autre, certains se demanderont où est le respect…

Puisque ce texte fait l’objet d’un vote bloqué, ma question est claire : en l’absence de vote conforme, sera-t-il inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr que non !

M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, sur l’article.

Mme Nadine Grelet-Certenais. Quelle déception, madame la ministre ! Quelle déception de constater que le Gouvernement veut une nouvelle fois jouer de tous les artifices de la procédure parlementaire pour entraver l’adoption définitive de ce texte !

En déposant deux nouveaux amendements, en apparence favorables aux agriculteurs, vous tentez d’atténuer votre stratégie d’obstruction à ce texte présenté par nos collègues communistes.

Mais nous ne sommes pas dupes ! Votre unique objectif est d’empêcher à tout prix un vote conforme du texte adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale. La procédure du vote bloqué soumet la Haute Assemblée à votre souhait d’enterrer au plus vite ce texte. Est-ce cela la démocratie responsable et efficace que vous prônez ? Une démocratie dans laquelle le Parlement serait hors-jeu ?

Vous pourriez tout à fait déposer ces amendements dans le cadre d’autres véhicules législatifs et permettre ainsi l’adoption de la revalorisation des petites retraites agricoles à 85 % du SMIC dès cette année. C’est le principal sujet de la proposition de loi ; c’est celui qui nous rassemble ce soir, au-delà des clivages politiques. Il y a une urgence sociale, vous le savez. Repousser l’entrée en vigueur de ce texte reviendrait à nier la précarité de ces hommes et de ces femmes de la terre.

Plutôt que de laisser les sénateurs voter la loi en l’état, vous fomentez une nouvelle diversion et vous exercez un marchandage tactique sur le dos des agriculteurs. Ce n’est pas acceptable !

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Nadine Grelet-Certenais. C’est pourquoi, en toute logique, nous sommes opposés à ces amendements-postiches, qui, aussi pertinents soient-ils, sont des leurres destinés à fracturer la quasi-unanimité de la Chambre haute, démontrée le 7 mars dernier. Les deux sujets que vous mettez au dernier moment sur la table sont loin d’être sans intérêt pour les agriculteurs. Vous pouvez compter sur nous pour vous rappeler ces bonnes intentions le temps venu.

Dans le cas présent, il fallait adopter rapidement ce texte. Vous nous l’empêchez par la procédure du vote bloqué et décevez du même coup l’ensemble du monde agricole et rural, qui nous regarde et soutenait unanimement l’adoption de ce texte sans modification. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.

Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous avez maintenu le recours au vote bloqué, comme vous l’aviez d’ailleurs annoncé à l’issue de nos débats le 7 mars dernier. Vous n’avez pas bougé d’un iota.

M. François Patriat. Vous non plus !

Mme Éliane Assassi. Nous constatons donc une fermeture totale de votre part sur un sujet qui fait pourtant l’objet d’une quasi-unanimité.

Ce nouveau coup de force est inacceptable ! Il illustre votre manque de respect à l’égard des retraités agricoles, mais aussi du Parlement, un manque de respect qui transparaît également d’ailleurs dans vos projets de loi organique et ordinaire, lesquels visent ni plus ni moins à réduire la place du Parlement dans l’architecture institutionnelle de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Éliane Assassi. Je veux maintenant profiter de l’examen de l’article 1er du présent texte pour évoquer la situation catastrophique des retraités agricoles outre-mer.

Les principales raisons de cette situation sont connues : des superficies agricoles nettement plus faibles, mais aussi la mise en place tardive du régime de retraite de base, ou encore, pour la retraite complémentaire obligatoire, une assiette de cotisations basée non pas sur le revenu professionnel, mais sur la surface des exploitations pondérée par l’activité. Les outre-mer sont donc doublement défavorisées. (Mmes Catherine Conconne et Victoire Jasmin applaudissent.)

Ainsi, à La Réunion, où vivent plus de la moitié des 30 000 agriculteurs retraités d’outre-mer, le montant moyen de la pension était – écoutez bien ! – de 375 euros par mois en 2016.

M. Roland Courteau. Scandaleux !

Mme Éliane Assassi. Les trois quarts d’entre eux perçoivent un revenu inférieur au seuil de pauvreté, et 25 % perçoivent moins de 100 euros mensuels.

C’est la raison pour laquelle il est indispensable, dans un premier temps, de supprimer la condition d’une durée minimale d’assurance en tant que chef d’exploitation. À défaut, toute mesure de revalorisation – aujourd’hui 75 %, demain 85 % du SMIC – risque de rester virtuelle.

Bien évidemment, d’autres mesures seraient nécessaires pour revaloriser les pensions de tous les retraités agricoles, et particulièrement de ceux de l’outre-mer. Mais nous aurons, je pense, l’occasion d’y revenir au cours de la discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Mme Viviane Malet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l’article.

Mme Christine Prunaud. Traditionnellement le monde agricole a longtemps été considéré, à tort, comme un milieu d’hommes, en oubliant le rôle central des femmes, assumant souvent dans l’ombre une bonne partie des tâches de la ferme.

De nos jours, alors que le métier d’agriculteur et d’agricultrice a beaucoup évolué et impose des contraintes très lourdes, les inégalités, notamment lors du départ à la retraite, subsistent, en particulier pour les femmes.

Si les femmes ont depuis toujours joué un rôle crucial dans la vie des exploitations agricoles, celui-ci n’a pas toujours été reconnu comme tel. Du fait de leur statut de conjointe ou d’aide occasionnelle, elles restent minoritaires en tant qu’agricultrices à part entière. Les agricultrices qui réussissent à avoir des terres obtiennent bien souvent les plus petits lots lors des ventes.

Il est important de dénoncer ici la situation extrêmement précaire des femmes retraitées de l’agriculture. Les agriculteurs, pour beaucoup d’entre eux, ont des revenus faibles, je vous laisse donc imaginer, comme Éliane Assassi et d’autres collègues l’ont souligné, le montant de leurs pensions de retraite ! Savoir que des femmes et des hommes perçoivent 100, 200 ou 300 euros de retraite par mois m’inspire un sentiment de révolte difficilement contrôlable ! Comment pouvons-nous, en tant que parlementaires, accepter cela ?

La moyenne des pensions versées par la MSA était, ces dernières années, autour de 400 euros. Dans mon département des Côtes-d’Armor, en Bretagne, je rencontre beaucoup d’agriculteurs, de paysans, de représentants syndicaux : les femmes ne perçoivent pas obligatoirement 400 euros, elles touchent plutôt environ 150 euros !

Cet article, comme l’ensemble de cette proposition de loi, est indispensable pour reconnaître une évolution urgente du montant des pensions de retraite : nous ne devrions même pas en discuter ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – MM. Roland Courteau et Jean-Marc Boyer applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Monique Lubin. Monsieur le président, madame la ministre, c’est la troisième fois depuis décembre 2017 que nous avons la possibilité d’accéder à la demande plus que légitime des agriculteurs de porter le minimum de leur retraite à 85 % du SMIC.

Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, aucune majorité ne s’était dégagée dans ce sens. En mars dernier, le Gouvernement a sorti « l’artillerie lourde » pour empêcher ce vote. Aujourd’hui, nous sommes de nouveau placés devant ce choix. Et, de nouveau, alors que les sénateurs sont quasiment unanimes, vous ne voulez pas de l’adoption de ce texte.

Au travers des amendements que vous déposez, vous feignez de vouloir faire évoluer la situation des retraités agricoles, mais toutes vos propositions n’ont pour seul but que de repousser l’échéance !

M. Roland Courteau. C’est un leurre !

Mme Monique Lubin. Comme cela a été dit au cours du débat sur le recul du trait de côte, allons-nous enfin sortir de nos circonvolutions habituelles qui, sous des prétextes toujours renouvelés, nous empêchent de régler des situations humaines urgentes ? Allons-nous cesser de remettre à plus tard, sous prétexte d’un mieux, ce que nous pouvons faire de bien ici et maintenant ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, sur l’article.

M. Éric Kerrouche. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, cela ne vous a pas échappé, les membres de cette assemblée ont du mal à comprendre votre sens de la justice sociale tel qu’il transparaît au travers des amendements que vous avez déposés.

Cela étant, n’ayant pas une pensée suffisamment complexe, je vous propose de nous en tenir à la réalité des faits, lesquels ont une fâcheuse tendance à être têtus !

La réalité, c’est celle des 13 483 agriculteurs retraités landais, mais c’est aussi le cas sur d’autres territoires, qui perçoivent moins de 85 % du SMIC. La réalité, c’est celle d’un agriculteur de Saint-Vincent-de-Tyrosse, dans les Landes, qui a exercé sa profession de quatorze ans à soixante ans, avec les servitudes inhérentes au métier d’agriculteur, et qui, pour cette carrière, touchera une pension de 815 euros par mois quand le seuil de pauvreté est de 1 015 euros !

La réalité, c’est celle aussi d’associations, de syndicats, qui se mobilisent pour dire qu’il n’est pas possible que les retraités agricoles vivent sous le seuil de pauvreté : ils se sont sentis trahis par l’attitude du Gouvernement le 7 mars dernier.

M. Roland Courteau. Ah oui, c’est vrai !

M. Éric Kerrouche. La réalité, c’est que cette proposition de loi fait l’objet d’un consensus parlementaire, ce que vous n’acceptez pas et ne prenez pas au sérieux. Cela laisse augurer de la place que vous voulez laisser au Parlement, avant même votre proposition de réforme constitutionnelle…

La réalité, c’est que votre gouvernement a choisi de privilégier les 330 000 contribuables assujettis à l’ISF, au détriment des retraités agricoles, pour un rapport d’un à dix puisqu’il est question de 350 millions d’euros d’un côté et de 3,2 milliards d’euros de l’autre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

La réalité, et c’est la seule qui doit compter ici, c’est que les agriculteurs ne sont pas des sous-citoyens qui ne mériteraient qu’une retraite de misère. Les 116 euros de revalorisation dont il est aujourd’hui question sont une nécessité et, croyez-moi, ils ne seront pas placés, eux, dans un paradis fiscal ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons dans cet hémicycle, le 20 février dernier, débattu d’un rapport d’information de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes intitulé Femmes et agriculture : pour légalité des territoires.

Chacune des oratrices et chacun des orateurs a fait un constat partagé, un constat unanime, d’un métier rimant avec « passion », « courage », « engagement », aussitôt suivis par les mots « pénibilité », « préjugés » et « invisibilité », surtout quand il s’agit des femmes agricultrices.

Nous avons abordé à cette occasion, outre le statut économique critique des agricultrices, la question de la parité dans les instances dirigeantes du monde agricole, la question du statut juridique de la femme conjointe ou collaboratrice d’agriculteur.

Marlène Schiappa, qui représentait le Gouvernement lors de ce débat, s’est dite consciente de la situation et particulièrement concernée. Quoi de plus normal, me direz-vous, pour la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes ?

Mais permettez-moi, mes chers collègues, de dénoncer le scénario ubuesque que nous vivons une fois de plus aujourd’hui. Au-delà de tous les aspects antidémocratiques qui ont été déjà dénoncés sur le recours au vote bloqué, voilà un gouvernement qui, selon les dires de Marlène Schiappa, est attentif et sensible à une situation, mais refuse de prendre en compte notre proposition, laquelle permettrait justement de revaloriser la pension des femmes agricultrices particulièrement malmenées.

J’avoue que ce double langage est insupportable… Notre proposition de loi a justement pour but de répondre à la question des faibles revenus, aux retraites insignifiantes, à la reconnaissance du travail de ces femmes. La refuser aujourd’hui, c’est concrètement refuser de prendre en compte la situation des femmes agricultrices.

Une fois de plus, dans une situation où le président Macron a affirmé vouloir faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une grande cause nationale, les mesures concrètes ne suivent pas. On pourrait s’amuser à plagier une célèbre chanson et fredonner « Paroles, paroles, paroles », si le contexte n’était pas aussi dramatique !

Madame la ministre, j’aimerais vraiment savoir comment le Gouvernement entend répondre précisément aux problématiques des femmes agricultrices sans permettre la revalorisation des pensions agricoles ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, sur l’article.

Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’adoption de ce texte est une nécessité pour répondre à une urgence sociale.

Non, les retraites des agriculteurs ne sont pas comparables avec les autres retraites ni dans leur niveau ni dans leurs modalités de calcul. Il n’y a donc aucun argument technique pour attendre qu’elles soient abordées dans le cadre de la réforme générale des retraites prévue en 2020.

La retraite moyenne d’un non-salarié agricole, tous bénéficiaires confondus, s’élève aujourd’hui à 766 euros par mois, contre 1 800 euros pour l’ensemble des Français, soit un niveau inférieur à la fois au seuil de pauvreté et à l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Je souligne, par ailleurs, que les agricultrices retraitées perçoivent une retraite moyenne de 570 euros par mois !

Dans les modalités de calcul des pensions, il existe, là aussi, des différences importantes avec le régime général : pour le monde agricole, l’ensemble de la carrière est pris en compte, alors que, pour les salariés, seules les vingt-cinq meilleures années entrent dans le calcul.

Dans la Drôme, en 2016, le montant moyen de la pension de retraite d’un non-salarié agricole pour une carrière complète était de 758 euros par mois. Mais les carrières sont, vous le savez, souvent courtes et hétérogènes : moins de 30 % des anciens exploitants justifient d’une carrière complète et moins de la moitié bénéficient de la retraite complémentaire. Les pensions réellement versées sont donc trop souvent beaucoup plus faibles.

Face à cela, le précédent gouvernement avait mené une politique volontariste en faveur des anciens exploitants en relevant le minimum garanti à 75 % du SMIC net, avec l’objectif d’aller plus loin en le portant à 85 % dès 2018, comme nous le proposons aujourd’hui.

Hommes ou femmes, cultivateurs ou éleveurs, tous les agriculteurs retraités témoignent des mêmes difficultés : une vie de dur labeur pour une retraite de misère ! Cette situation est vécue comme une injustice.

Madame la ministre, il y a urgence à soutenir le monde agricole. Ce monde contribue à nourrir la France, à développer nos terroirs, à entretenir nos paysages et à maintenir la vie dans nos territoires. Oui, l’urgence sociale et la précarité vécue par des milliers d’anciens paysans ne sont pas acceptables et ne peuvent attendre 2020.

L’amélioration des recettes fiscales doit permettre au Gouvernement de trouver, au titre de la solidarité nationale, les 350 millions d’euros nécessaires qui pourraient changer le quotidien de milliers de retraités agricoles et corriger un peu les injustices qui caractérisent ce régime de retraite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et sur des travées du groupe Les Républicains.)