Sommaire

Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi

Secrétaires :

Mmes Catherine Deroche, Annie Guillemot.

1. Procès-verbal

2. Questions orales

application des frais de garderie aux revenus tirés des éoliennes en forêt

Question n° 096 de M. Jean Pierre Vogel, en remplacement de M. Alain Joyandet. – M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

rentrée scolaire 2018-2019

Question n° 338 de M. Jean Pierre Vogel. – M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Jean Pierre Vogel.

situation précaire des auxiliaires de vie scolaire

Question n° 341 de M. Pierre Cuypers. – M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Pierre Cuypers.

seuils de la dotation de solidarité rurale

Question n° 317 de M. Pierre Cuypers, en remplacement de M. Didier Mandelli. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; M. Pierre Cuypers.

situation économique des opérateurs privés de l’archéologie préventive

Question n° 332 de Mme Christine Lanfranchi Dorgal. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Christine Lanfranchi Dorgal.

difficultés des entrepreneurs de spectacles historiques

Question n° 325 de Mme Laurence Harribey. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Laurence Harribey.

organisation des concours « meilleurs ouvriers de france »

Question n° 293 de M. Jean-Marie Janssens. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Suspension et reprise de la séance

interlocuteur en matière d’environnement des porteurs de projets d’aménagement

Question n° 328 de M. Dany Wattebled. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Dany Wattebled.

demandes d’autorisation de mise sur le marché des produits biocides

Question n° 330 de M. Stéphane Piednoir. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Stéphane Piednoir.

dotation à l’électrification rurale dans le calvados en 2018

Question n° 347 de Mme Corinne Féret. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Corinne Féret.

aménagement de l’autoroute a8 près de la commune de biot

Question n° 314 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Dominique Estrosi Sassone.

situation financière des étudiants en capacité en droit

Question n° 193 de M. Jacques Bigot. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Jacques Bigot.

dysfonctionnements de la caisse d’allocations familiales de seine-saint-denis

Question n° 318 de Mme Éliane Assassi. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Éliane Assassi.

risques pour la santé liés aux terrains de sport synthétiques

Question n° 291 de Mme Françoise Laborde. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Françoise Laborde.

absence de médecin traitant dans les zones sous-dotées et remboursement des consultations

Question n° 279 de Mme Anne-Catherine Loisier. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Anne-Catherine Loisier.

place des infirmières dans l’organisation de la vaccination

Question n° 286 de Mme Catherine Deroche. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Catherine Deroche.

situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

Question n° 356 de M. Jean-Marie Mizzon. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Jean-Marie Mizzon.

Suspension et reprise de la séance

délais de délivrance des certificats de nationalité française

Question n° 285 de Mme Claudine Lepage. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Claudine Lepage.

régime juridique des dons entre partis politiques

Question n° 351 de M. Jean Louis Masson. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jean Louis Masson.

respect de la législation en vigueur sur les « devis modèles » relatifs aux obsèques

Question n° 280 de M. Jean-Pierre Sueur. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jean-Pierre Sueur.

conséquences de la contractualisation entre les collectivités territoriales et l’état

Question n° 352 de M. Jean-Claude Carle. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jean-Claude Carle.

charges d’état civil des communes disposant d’une maternité

Question n° 322 de M. Didier Rambaud. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice.

impossibilité pour un policier municipal de consulter les fichiers adéquats

Question n° 261 de Mme Brigitte Lherbier. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Brigitte Lherbier.

demande d’effectifs supplémentaires dans les commissariats de police de vendée

Question n° 244 de Mme Annick Billon. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Annick Billon.

remboursement des frais de transport des membres de l’exécutif des intercommunalités

Question n° 277 de Mme Dominique Vérien. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Dominique Vérien.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

3. Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Florence Parly, ministre des armées

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, rapporteur

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission des lois

Demande de réserve

Demande de réserve de l’article 2 et du rapport annexé. – M. Christian Cambon, rapporteur ; Mme Florence Parly, ministre. – La réserve est ordonnée.

Discussion générale (suite) :

M. Stéphane Ravier

M. Raymond Vall

M. Bernard Cazeau

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

Mme Christine Prunaud

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Jean-Louis Lagourgue

M. Pascal Allizard

M. Olivier Cigolotti

M. Cédric Perrin

M. Gérard Poadja

Mme Florence Parly, ministre

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Mme Fabienne Keller

M. Bernard Cazeau

Adoption de l’article.

Article 2 et rapport annexé (réservés)

Article 3

M. Bernard Cazeau

Amendement n° 63 rectifié de Mme Christine Prunaud. – Rejet.

Amendement n° 109 de M. Jean-Marc Todeschini. – Retrait.

Amendement n° 110 de M. Yannick Vaugrenard. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 4

M. Bernard Cazeau

M. Gilbert-Luc Devinaz

M. Cédric Perrin

Mme Hélène Conway-Mouret

Amendement n° 64 rectifié de Mme Christine Prunaud. – Rejet.

Amendement n° 132 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 133 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 32 de Mme Christine Prunaud. – Rejet.

Amendement n° 33 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 4 bis (nouveau)

Amendement n° 137 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 5

Amendement n° 111 rectifié de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 6

Amendement n° 34 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.

Amendement n° 112 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Retrait.

Amendement n° 5 rectifié bis de M. René Danesi. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 6

Amendement n° 15 de M. Olivier Cigolotti. – Retrait.

Article 6 bis

Amendement n° 65 rectifié de Mme Christine Prunaud. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 6 ter – Adoption.

Article 6 quater

Amendement n° 135 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 6 quinquies (nouveau)

Amendement n° 136 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Article 6 sexies (nouveau)

Amendement n° 134 du Gouvernement. – Retrait.

Amendement n° 148 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 6 sexies

Amendement n° 113 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Retrait.

Article 7

Amendement n° 82 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 8 – Adoption.

Article 9

Amendement n° 35 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.

Adoption de l’article.

Articles 9 bis (nouveau) et 10 – Adoption.

Articles additionnels après l’article 10

Amendement n° 27 rectifié de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Retrait.

Amendement n° 28 rectifié de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Retrait.

Article 10 bis

M. Claude Haut

Mme Christine Prunaud

Amendement n° 22 rectifié bis de M. Ronan Le Gleut. – Rejet.

Amendement n° 23 rectifié ter de M. Ronan Le Gleut. – Rejet.

Amendement n° 25 rectifié de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l’article 10 bis

Amendement n° 92 rectifié de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 11

Amendement n° 36 de Mme Christine Prunaud. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article 11

Amendement n° 24 rectifié ter de M. Ronan Le Gleut. – Retrait.

Amendement n° 68 rectifié bis de Mme Corinne Imbert. – Retrait.

Article 11 bis A (nouveau)

Amendement n° 86 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.

Articles 11 bis et 11 ter (supprimés)

Article 11 quater (nouveau) – Adoption.

Articles additionnels après l’article 11 quater

Amendement n° 20 rectifié bis de M. Édouard Courtial. – Retrait.

Amendement n° 8 de M. Joël Guerriau. – Rejet.

Article 12 – Adoption.

Articles additionnels après l’article 12

Amendement n° 87 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 3 rectifié de Mme Sylvie Vermeillet. – Retrait.

Articles 13 et 13 bis – Adoption.

Article additionnel après l’article 13 bis

Amendement n° 6 rectifié ter de Mme Patricia Morhet-Richaud. – Retrait.

Article 14 – Adoption.

Article 14 bis

Amendement n° 13 de M. Bernard Cazeau. – Retrait.

Adoption de l’article.

Articles 14 ter et 15 – Adoption.

Article additionnel après l’article 15

Amendement n° 70 rectifié bis de Mme Corinne Imbert. – Retrait.

Article additionnel avant l’article 16

Amendement n° 11 rectifié quinquies de Mme Marie-Thérèse Bruguière. – Retrait.

Article 16 – Adoption.

Article 17

Amendements identiques nos 26 rectifié bis de Mme Joëlle Garriaud-Maylam et 114 rectifié de Mme Hélène Conway-Mouret. – Adoption des deux amendements.

Adoption de l’article modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty

Article 18

M. Bernard Cazeau

M. Pascal Allizard

Amendement n° 79 rectifié de M. Joël Guerriau. – Retrait.

Amendement n° 153 du Gouvernement. – Retrait.

Amendement n° 147 rectifié du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 154 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 78 de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 19

M. Richard Yung

Amendement n° 125 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 124 du Gouvernement. – Rejet.

M. Christian Cambon, rapporteur

Mme Florence Parly, ministre

Adoption de l’article modifié.

Article 20 (suppression maintenue)

Article 21 – Adoption.

Article 22

Amendement n° 138 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article 22

Amendement n° 91 rectifié du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 118 de M. Jean-Pierre Decool. – Non soutenu.

Intitulé du chapitre III ter

Amendement n° 139 du Gouvernement. – Rejet.

Article 22 bis – Adoption.

Article 22 ter (nouveau)

M. Richard Yung

Amendement n° 140 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 23

Amendements identiques nos 37 de Mme Christine Prunaud et 75 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 24 – Adoption.

Article additionnel après l’article 24

Amendement n° 7 rectifié de M. Joël Guerriau. – Retrait.

Articles 24 bis A et 24 bis – Adoption.

Article 25

Mme Christine Prunaud

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l’article 25

Amendement n° 41 de Mme Christine Prunaud. – Rejet.

Amendement n° 39 de Mme Christine Prunaud. – Rejet.

Amendement n° 40 de Mme Christine Prunaud. – Rejet.

Amendement n° 42 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.

Renvoi de la suite de la discussion.

4. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

Secrétaires :

Mme Catherine Deroche,

Mme Annie Guillemot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 17 mai 2018 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

application des frais de garderie aux revenus tirés des éoliennes en forêt

M. le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, en remplacement de M. Alain Joyandet, auteur de la question n° 096, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Jean Pierre Vogel. Monsieur le ministre, je suis chargé de présenter la question de M. Joyandet, qui a été empêché à la dernière minute et qui vous adresse ses excuses.

M. Joyandet souhaite attirer votre attention sur l’application des frais de garderie aux revenus issus des éoliennes présentes en forêt.

En effet, en application du premier alinéa de l’article 92 de la loi de finances n° 78-1239 du 29 décembre 1978, les contributions des collectivités territoriales, sections de communes, établissements publics, établissements d’utilité publique, sociétés mutualistes et caisses d’épargne aux frais de garderie et d’administration de leurs forêts relevant du régime forestier, prévues à l’article L. 147-1 du code forestier, sont fixées à 12 % du montant hors taxe des produits de ces forêts. Dans les communes classées en zone de montagne, ce taux est fixé à 10 %.

Les produits des forêts mentionnés au premier alinéa de l’article 92 précité sont tous les produits des forêts relevant du régime forestier, y compris ceux issus de la chasse, de la pêche et des conventions ou concessions de toute nature liées à l’utilisation ou à l’occupation de ces forêts, ainsi que tous les produits physiques ou financiers tirés du sol ou de l’exploitation du sous-sol.

Il résulte de ces dispositions que les recettes tirées de la présence d’éoliennes dans les bois et forêts qui relèvent du régime forestier sont prises en compte dans l’assiette des frais de garderie. Or cette situation n’est pas compréhensible pour les élus locaux. De surcroît, elle peut dans certains endroits constituer un frein au développement de cette énergie renouvelable.

Aussi, M. Joyandet souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage d’exonérer des frais de garderie ces revenus particuliers afin de faciliter le lancement et l’aboutissement des projets d’implantation d’éoliennes en zone forestière.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Vogel, vous m’interrogez, au nom de M. Joyandet, sur l’application des frais de garderie aux revenus issus des éoliennes présentes en forêt.

En application du code forestier, les forêts des collectivités territoriales relèvent du régime forestier lorsqu’elles sont « susceptibles d’aménagement, d’exploitation régulière ou de reconstitution ». À ce titre, elles sont gérées par l’Office national des forêts, l’ONF.

La mise en œuvre du régime forestier garantit une gestion durable des forêts des collectivités territoriales. Elle permet de répondre aux diverses attentes de la société, comme la protection de l’environnement et l’accueil du public, tout en assurant, bien entendu, la pérennité de notre patrimoine forestier.

L’entretien de chaque forêt est assuré en vertu d’un document de gestion, dit « document d’aménagement », qui fixe notamment les travaux et les coupes à réaliser. Chaque forêt bénéficie ainsi d’une gestion adaptée à ses spécificités.

En contrepartie de cette gestion, les collectivités territoriales doivent verser à l’Office national des forêts des frais de garderie assis sur tous les produits de leur domaine forestier. Les contributions des collectivités territoriales sont fixées à 12 % du montant hors taxe des produits de ces forêts. Dans les communes classées en zone de montagne, ce taux s’établit à 10 %.

Tous les produits des forêts relevant du régime forestier sont pris en compte, y compris ceux issus de la chasse, de la pêche et des conventions ou concessions de toute nature liées à l’utilisation ou à l’occupation de ces forêts, ainsi que tous les produits physiques ou financiers tirés du sol ou de l’exploitation du sous-sol. En conséquence, les recettes tirées de la présence d’éoliennes dans les bois et forêts qui relèvent du régime forestier sont prises en compte dans l’assiette des frais de garderie.

Le développement de l’énergie éolienne dans les forêts peu productives offre une ressource financière complémentaire non négligeable pour les collectivités territoriales ; le Gouvernement y est très sensible.

De plus, l’application du régime forestier à tous les revenus des forêts communales permet de financer les activités de l’ONF.

Je rappelle que, moyennant les perceptions ordonnées par la loi pour indemniser l’ONF des frais de garderie et d’administration des bois et forêts relevant du régime forestier, toutes les opérations de conservation et de régie dans les bois et forêts des collectivités territoriales sont assurées sans aucuns frais par l’établissement public.

Les frais de garderie contribuent à hauteur de 17 % au coût de l’application du régime forestier dans les forêts des collectivités. Le reste est financé par l’État au travers du versement compensateur attribué à l’Office national des forêts.

Au regard des services rendus par l’ONF, vous comprenez qu’il n’est pas envisageable d’exclure de l’assiette des frais de garderie les recettes tirées de la présence d’éoliennes. Une telle exclusion ouvrirait la porte à d’autres demandes et serait de nature à remettre en cause l’équilibre dégagé entre l’État, les communes forestières et l’Office national des forêts.

rentrée scolaire 2018-2019

M. le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, auteur de la question n° 338, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Jean Pierre Vogel. Monsieur le ministre, avec le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseau d’éducation prioritaire, destiné à offrir aux enfants un meilleur accompagnement, le Gouvernement défend une idée louable. Mais cet effort ne peut être mené au détriment des communes rurales, lesquelles sont déjà fortement affectées par la désertification des services publics locaux.

Ainsi, dans le département de la Sarthe, le dédoublement en réseau d’éducation prioritaire va entraîner la suppression de 38 postes d’enseignants dans les écoles rurales. Ces postes vont être redirigés vers des écoles de quartiers prioritaires. Les fermetures de classes rurales vont donc permettre de pourvoir les emplois nécessaires aux dédoublements des classes de la métropole mancelle.

Les territoires ruraux sont donc bien les variables d’ajustement de votre politique éducative !

Le Gouvernement doit comprendre que nos campagnes doivent être traitées de la même manière que les zones urbaines défavorisées.

Ainsi, le seuil de fermeture des classes devrait être divisé par deux en milieu rural, comme il est divisé par deux dans les zones urbaines d’éducation prioritaire. De nombreuses communes rurales de la Sarthe ont été classées en zone de revitalisation rurale, ou ZRR, ce qui revient à reconnaître leur statut de territoire défavorisé. Tous les enfants habitant des zones défavorisées doivent être traités avec la même attention, qu’ils soient scolarisés en ville ou à la campagne.

Le Président de la République a fait de l’école l’un des enjeux phares de sa campagne électorale. Il l’a d’ailleurs réaffirmé, lors de l’entretien qu’il a accordé au journal de 13 heures de TF1, le 12 avril dernier : « La base de notre pays, c’est l’école, c’est la première des batailles que j’avais définies. » Encore faudrait-il se donner les moyens de la remporter sans que l’effort se fasse au détriment des élèves des campagnes !

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour apaiser la colère des écoles rurales ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Vogel, tout d’abord, je vous prie d’excuser Jean-Michel Blanquer, qui m’a chargé de répondre, à sa place, à votre question.

La préparation de la rentrée 2018 est marquée par un soutien budgétaire incontestable en faveur du premier degré.

À ce titre, je vous rappelle quelques données générales. À la prochaine rentrée, il y aura, dans le premier degré, 32 657 élèves de moins et 3 881 emplois de professeurs supplémentaires. À l’inverse, si l’on avait strictement suivi la baisse démographique, 1 438 postes auraient été supprimés.

Les efforts budgétaires consentis se traduisent par un meilleur taux d’encadrement sur l’ensemble du territoire dans le premier degré. Ainsi, le ratio du nombre de professeurs pour 100 élèves sera de 5,55 à la rentrée 2018, contre 5,46 à la rentrée 2017. Pour mémoire, il s’élevait à 5,20 à la rentrée 2012.

Dans chaque département, il y aura donc davantage de professeurs par élève à la rentrée 2018 dans le premier degré.

J’en viens au département qui vous concerne tout particulièrement.

Dans la Sarthe, à la rentrée 2018, il y aura 750 élèves en moins dans le premier degré, selon les premières prévisions. Toutefois, aucun poste n’est supprimé dans ce département. Or, si la baisse démographique avait été répercutée de manière automatique, quarante postes auraient été supprimés.

Le ratio du nombre de postes d’enseignants en équivalents temps plein pour 100 élèves progressera donc à la rentrée 2018 : il passera à 5,44, contre 5,22 en 2017.

Le nombre d’élèves par classe en milieu rural restera inférieur au nombre d’élèves par classe en milieu urbain, hors éducation prioritaire.

Enfin, aucune fermeture d’école n’est prévue dans ce département pour la rentrée 2018.

Bien entendu, les services de l’éducation nationale sont très sensibilisés à la situation de l’école en milieu rural. La carte scolaire prévisionnelle du département de la Sarthe en est la parfaite illustration.

Il va sans dire que tous les services du ministère se tiennent à votre disposition pour poursuivre ce dialogue singulier et régulier que vous consacrez, comme tous les élus de la République, à l’école de la République.

M. le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel.

M. Jean Pierre Vogel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je la transmettrai aux maires qui, dans le département dont je suis l’élu, subissent des fermetures de classe.

En effet, même si, dans la Sarthe, il n’y aura pas de fermeture d’école en 2018, un certain nombre d’écoles seront fragilisées par des fermetures de classe.

Les chiffres sont têtus : à la rentrée prochaine, mon département connaîtra 38 fermetures de classe en milieu rural et 38 dédoublements en milieu urbain. Les élus ruraux concernés analyseront la situation !

situation précaire des auxiliaires de vie scolaire

M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, auteur de la question n° 341, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Pierre Cuypers. Monsieur le ministre, je suis certain que vous vous êtes déjà interrogé sur l’état d’esprit d’un enfant qui, après un, voire deux ans de suivi, perd l’aide d’un ou d’une auxiliaire de vie scolaire, ou AVS, connaissant parfaitement sa pathologie.

Je rappelle que les AVS relèvent actuellement de deux statuts différents : d’une part, les accompagnants des élèves en situation de handicap, ou AESH, qui bénéficient d’un contrat de droit public ; d’autre part, les agents engagés par contrat unique d’insertion – contrat d’accompagnement dans l’emploi, ou CUI-CAE, recrutés sous contrat de droit privé et relevant donc du code du travail.

Le statut de ces derniers agents est très précaire, notamment dans l’enseignement privé. Ces personnels sont recrutés dans le cadre d’un contrat aidé d’une durée d’un an renouvelable une seule fois : ils se retrouvent donc sans emploi au terme de cette période de vingt-quatre mois.

J’insiste sur le paradoxe incroyable que constitue l’obligation faite aux directeurs des établissements de recruter de nouveaux AVS pour remplacer ceux qui étaient en poste.

Monsieur le ministre, à l’instar du recteur d’académie dont relève mon département, vous êtes pleinement conscient de l’importance du rôle des AVS pour la scolarisation en milieu ordinaire des élèves en situation de handicap. Par leur présence en classe, ainsi que dans l’ensemble des activités scolaires, ces professionnels apportent à l’enfant un soutien continu, adapté et humain, en un mot indispensable.

Il est donc urgent de changer les procédures de recrutement et de pérenniser l’emploi des AVS. Je m’interroge sur la logique du système, alors que le Gouvernement a fait de l’inclusion des personnes handicapées une véritable priorité.

Le 11 avril dernier, à l’Assemblée nationale, vous avez annoncé qu’un décret était en préparation. Pouvez-vous nous préciser en quoi ce texte améliorera le statut des AVS et nous indiquer l’époque à laquelle il paraîtra ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Cuypers, je vous prie d’accepter les excuses de Jean-Michel Blanquer, qui ne pouvait être présent ce matin et qui m’a chargé de vous répondre en son nom.

La situation que vous décrivez est celle qui existait avant 2014, année de la création du statut d’accompagnant des élèves en situation de handicap. Les missions de ces agents sont précisées dans le décret n° 2014-724 du 27 juin 2014.

Depuis la rentrée 2014, les AESH se sont substitués sur la mission AVS aux assistants d’éducation, ou AED. Ils interviennent selon les mêmes modalités que les anciens AED-AVS.

Votre question porte spécifiquement sur l’enseignement privé, mais je précise que les règles de gestion des AESH sont les mêmes dans l’enseignement public et dans l’enseignement privé.

À la fin de mars 2018, les 11 908 élèves du privé bénéficiant d’une prescription d’aide individuelle émise par une maison départementale des personnes handicapées, ou MDPH, étaient accompagnés par 2 070 AESH et 3 450 CUI-AVS.

Contrairement aux AED, les AESH ont la possibilité d’accéder à un CDI, après six années d’engagement en CDD.

Les candidats aux fonctions d’AESH doivent être titulaires d’un diplôme professionnel dans le domaine de l’aide à la personne. Toutefois, peuvent être dispensées de la condition de diplôme les personnes qui ont exercé pendant au moins deux années les fonctions d’aide à l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap.

L’accès à un contrat d’AESH est possible pour tous les titulaires d’un contrat unique d’insertion, qu’ils exercent dans le public ou dans le privé. C’est le cas des personnels recrutés sous statut de CUI-CAE : après deux ans d’engagement dans la mission d’AVS, ils peuvent accéder au statut d’AESH.

C’est pour atteindre ce but qui nous semble essentiel, la déprécarisation des personnels, qu’est engagée, depuis la rentrée 2016, la transformation sur cinq ans de 56 000 CUI-CAE en 32 000 équivalents temps plein d’AESH, à raison de 11 200 CUI-CAE transformés par an.

Le décret que vous mentionnez est en cours de finalisation entre les différents ministères concernés. Ce texte sera publié avant la rentrée scolaire 2018. Il assouplira les conditions de recrutement des AESH, en diminuant notamment la durée d’expérience requise pour accéder à ce statut.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers.

M. Pierre Cuypers. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces quelques précisions, même si votre réponse ne me rassure pas totalement.

Vous confirmez la rédaction d’un décret : c’est bien, mais je souhaiterais que le ministre de l’éducation nationale aille plus loin dans ses explications, notamment pour ce qui concerne la situation de ces personnels, qui restent soumis à des régimes différents. Enfin, il n’est pas compréhensible que des enfants puissent être abandonnés par leur AVS au bout de deux ans.

Le Gouvernement va-t-il enfin mettre en œuvre des règles à même d’améliorer et de pérenniser le statut des AVS ? Nous vous demandons de prendre des mesures de justice en ce sens.

seuils de la dotation de solidarité rurale

M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, en remplacement de M. Didier Mandelli, auteur de la question n° 317, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

M. Pierre Cuypers. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi d’excuser M. Mandelli, dont je supplée à l’absence.

La dotation de solidarité rurale, ou DSR, est attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants. Elle permet de soutenir les collectivités dans la réalisation de projets d’aménagement de leur territoire et les aide à assurer le bon fonctionnement de leur offre de service.

Or de nombreuses communes bénéficiant d’un fort dynamisme devraient bientôt franchir le seuil de 10 000 habitants et, ainsi, perdre l’éligibilité à la dotation de solidarité rurale.

C’est le cas de la commune d’Aizenay, en Vendée, dont la population est passée de 6 095 à 9 212 habitants en quinze ans. Cette commune bénéficie actuellement de la DSR à hauteur de 794 000 euros. Le montant de cette dotation devrait atteindre 1,047 million d’euros en 2021.

Aizenay accueille 200 à 250 nouveaux habitants chaque année. Du fait de cette évolution démographique, cette commune devrait franchir très prochainement le seuil de 10 000 habitants. Dès lors, elle serait privée de la dotation de solidarité rurale. Certes, elle deviendrait éligible à la dotation de solidarité urbaine, mais celle-ci ne s’élèverait, pour ce qui la concerne, qu’à 300 000 euros.

Cette commune perdrait donc plus de 700 000 euros de dotations, pour la simple raison qu’elle aura franchi le seuil symbolique de 10 000 habitants.

Ce système de paliers est extrêmement pénalisant pour les communes.

Maintenir ce seuil n’encourage d’ailleurs pas la création de communes nouvelles. En effet, un pacte financier garantit pendant trois ans le niveau des dotations de l’État aux communes fusionnant au sein de communes nouvelles de moins de 10 000 habitants, avec une majoration de 5 %. Cependant, rien n’est envisagé pour les communes nouvelles de plus de 10 000 habitants.

Dès lors, deux solutions peuvent être envisagées : la première consisterait tout simplement à relever ces seuils ; la seconde serait d’instaurer une dégressivité sur cinq ans, par exemple, de la dotation de solidarité rurale, jusqu’à parvenir au niveau de la dotation de solidarité urbaine. Ce système garantirait une transition beaucoup plus souple pour le budget des communes.

Monsieur le secrétaire d’État, M. Mandelli souhaite connaître la position du Gouvernement face à ces deux propositions.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu relayer les interrogations de votre collègue, M. Mandelli, au sujet de la commune d’Aizenay.

Aizenay perçoit cette année une dotation globale de fonctionnement, ou DGF, en hausse de 8,5 % – cette dotation s’élève à 1,7 million d’euros, contre 1,6 million d’euros l’année dernière. Cette augmentation résulte notamment de la progression de la dotation de solidarité rurale, qui voit son montant augmenter pour atteindre 867 000 euros en 2018.

Toutefois, je précise que le montant que cette commune devrait percevoir en 2021 ne peut être garanti. En effet, la DGF est une dotation que l’on qualifie de « vivante » : elle évolue chaque année en fonction de critères de ressources et de charges, et ne suit pas une trajectoire linéaire, commune par commune.

En conséquence, il est impossible de prévoir ce que percevrait la commune d’Aizenay si elle restait éligible à la dotation de solidarité rurale. De même, il est impossible d’imaginer le montant qu’elle pourrait percevoir si elle devenait éligible à la dotation de solidarité urbaine, la DSU. Je le répète, ces montants sont calculés en fonction de la situation relative de chacune des communes.

Aizenay connaît effectivement une progression constante de sa population, sur laquelle M. Mandelli insiste dans sa question, et que vous venez de rappeler. Cette évolution est susceptible de lui faire franchir le seuil de 10 000 habitants, en deçà duquel une commune est éligible à la DSR.

Un tel effet de seuil est inhérent aux mécanismes de répartition. Il est en effet indispensable de fixer des seuils au-dessus ou en dessous desquels les communes sont ou ne sont pas éligibles à tel ou tel dispositif. Si l’on ne procède pas ainsi, on dispersera nécessairement les concours financiers de l’État entre l’ensemble des collectivités.

Ce n’est pas là une simple réponse théorique, il s’agit d’un cas tout à fait concret : tout élargissement de la liste des communes éligibles à une dotation réduit d’autant les montants attribués aux autres communes.

Ainsi, en 2018, seize communes ont dépassé en métropole le seuil de 10 000 habitants. Si leurs attributions de DSR avaient été maintenues, il aurait fallu déduire plus de 3 millions d’euros des dotations attribuées aux communes de moins de 10 000 habitants.

Au demeurant, rehausser le seuil de 10 000 habitants afin d’attribuer la DSR aux communes de 15 000 ou 20 000 habitants ne permettrait pas de remédier à l’existence des effets de seuil, que le sénateur Mandelli critique de manière générale.

Le Conseil constitutionnel s’assure que le législateur ne fixe pas des seuils sans lien avec l’objet de la loi. Pour ce qui concerne la distinction entre communes rurales et communes urbaines, le seuil de 10 000 habitants paraît objectif et rationnel.

Le Conseil constitutionnel exige également que les seuils ne produisent pas des effets disproportionnés pour ceux qui y sont soumis. Sur ce point, vous observez vous-même que le passage au-dessus des 10 000 habitants permet souvent à une commune perdant son éligibilité à la DSR de devenir bénéficiaire de la DSU : on peut citer, par exemple, la commune de Juvignac, dans l’Hérault, qui a perdu 107 000 euros de DSR et gagné 238 000 euros de DSU, ou encore celle de Borgo, en Corse, qui a perdu 293 000 euros de DSR et gagné 346 000 euros de DSU.

De telles améliorations ne sont évidemment pas automatiques. Elles dépendent du classement de la commune au sein de chaque dispositif, en fonction des critères que j’ai précédemment évoqués.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers.

M. Pierre Cuypers. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite simplement revenir sur la seconde proposition formulée par M. Mandelli : un système de dégressivité, permettant d’assurer un lissage. Mon collègue suggère d’assurer ce lissage sur cinq ans, mais cela peut être réévalué et recalculé.

situation économique des opérateurs privés de l’archéologie préventive

M. le président. La parole est à Mme Christine Lanfranchi Dorgal, auteur de la question n° 332, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.

Mme Christine Lanfranchi Dorgal. Ma question concerne la situation économique des opérateurs privés de l’archéologie préventive agréés par le ministère de la culture, ainsi que leurs salariés, inquiets pour leur emploi.

La principale entreprise du secteur, laquelle compte 250 salariés, a été placée en redressement judiciaire. Certes, la crise économique peut constituer une explication, mais il semble également que les opérateurs privés subissent les effets d’une distorsion de concurrence avec les activités de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP.

Cet institut a été créé par l’État en 2001, en même temps que l’obligation de diagnostic et, si nécessaire, de fouilles pour tout aménagement dans les zones sensibles sur le plan archéologique.

Subventionné par l’État, l’INRAP dispose du monopole des diagnostics préventifs, mais il peut aussi soumissionner aux marchés publics de fouilles au même titre que les opérateurs privés.

En juin 2017, l’Autorité de la concurrence a reconnu un risque de « subventions croisées pouvant aboutir à des prix prédateurs ou produire des effets d’éviction ». Cette instance a donc demandé à l’INRAP une séparation comptable entre ses missions de service public et ses activités commerciales. Cet engagement a-t-il été respecté depuis lors ?

En outre, sachant que la loi du 17 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a régulé ce secteur, qui dépend des décisions publiques, il semble urgent de lancer une mission de l’Inspection générale des finances. Il faut aussi imaginer au plus vite des mesures afin d’éviter que la douzaine d’opérateurs privés concernés et leurs 600 emplois ne subissent le pire.

Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cette proposition.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics – monsieur le secrétaire d’État, je vous saurais gré de bien vouloir respecter les deux minutes trente qui vous sont imparties.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Je vais m’y efforcer, monsieur le président !

Madame la sénatrice Christine Lanfranchi Dorgal, l’activité des entreprises du secteur de l’archéologie préventive s’est contractée entre 2013 et 2016, en raison d’une baisse significative des opérations à réaliser.

Cette situation a conduit plusieurs acteurs à se retirer, et la principale entreprise du secteur est aujourd’hui placée en redressement judiciaire.

Je peux vous assurer que les services de l’État suivent avec attention la situation de l’ensemble de ces acteurs et mettent en œuvre les moyens dont ils disposent pour les accompagner dans ce contexte économique difficile.

L’Autorité de la concurrence a été saisie en 2015 par des opérateurs privés se plaignant de pratiques de l’INRAP pouvant créer des distorsions de concurrence. Dans le cadre de cette procédure, l’INRAP s’est notamment engagé à mettre en place, au plus tard le 1er janvier 2018, une comptabilité analytique permettant d’assurer une stricte séparation comptable entre, d’une part, ses activités relevant de sa mission de service public et, de l’autre, ses activités lucratives, donc ouvertes à la concurrence.

Dans sa décision du 1er juin 2017, l’Autorité de la concurrence a mis un terme à la procédure engagée contre l’INRAP. Elle a estimé que les engagements proposés répondaient aux préoccupations de concurrence exprimées et présentaient un caractère substantiel, crédible et vérifiable.

Conformément à ces engagements, l’INRAP a mis en œuvre depuis le 1er janvier 2018 un nouveau modèle de comptabilité analytique, qui a été présenté et validé lors du conseil d’administration de l’établissement du 28 mars dernier.

Il relève de la seule compétence de l’Autorité de la concurrence de vérifier que la comptabilité analytique mise en place par l’INRAP correspond bien aux engagements rendus obligatoires par l’Autorité. À cette fin, l’INRAP doit transmettre à l’Autorité de la concurrence une restitution annuelle comprenant un état synthétique de la comptabilité analytique auditée, ainsi que l’attestation de conformité du système de comptabilité analytique établie par l’auditeur missionné.

Par ailleurs, du fait de la spécificité du secteur de l’archéologie préventive, plusieurs missions lui ont déjà été consacrées ces dernières années, et des mesures visant à remédier aux dysfonctionnements constatés ont ainsi été proposées. On les trouve, notamment, dans le rapport remis par la députée Martine Faure en 2015 et dans le rapport annuel de la Cour des comptes, en 2016. De même, par sa décision du 1er juin 2017, l’Autorité de la concurrence a permis de faire l’état de la situation de la concurrence dans ce secteur.

Sur le fondement de ces constats, le Gouvernement a récemment pris l’initiative de plusieurs mesures visant à prévenir toute distorsion de concurrence entre les acteurs de l’archéologie préventive, notamment en garantissant l’égal accès de tous aux documents nécessaires à la réalisation d’opérations d’archéologie préventive.

Dans ces conditions, l’utilité du lancement d’une mission de l’Inspection générale des finances, que vous préconisez, ne nous paraît pas strictement établie. Je peux toutefois vous assurer que le Gouvernement sera attentif à ce que l’ensemble de ces mesures soient mises en œuvre, et à ce que les décisions de l’Autorité de la concurrence soient parfaitement respectées.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lanfranchi Dorgal.

Mme Christine Lanfranchi Dorgal. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse très détaillée.

Permettez-moi d’ajouter que ce mode de fonctionnement peut aussi avoir des répercussions sur les finances des collectivités locales, qui sont maîtres d’ouvrage pour les marchés de fouilles. Celles-ci ont en effet l’obligation, conformément aux règles de la commande publique, de soumettre le choix du candidat retenu comme le mieux-disant selon les critères du prix et de la valeur technique à la direction des affaires culturelles dont elles dépendent. La validation du marché par cette DAC conditionne son exécution.

Or il arrive que le candidat pressenti par une collectivité locale et celui que la DAC propose ne soient pas les mêmes, et que l’écart de prix entre les deux projets – parfois très important, j’en ai eu la preuve – menace de fragiliser le financement de l’opération dans son ensemble.

Dans ces conditions, ne pourrait-on pas imaginer un autre mode de fonctionnement, afin notamment que l’INRAP, qui détient le monopole des diagnostics, ne soumissionne pas aux marchés publics ouverts aux entreprises agréées par le ministère de la culture ? Ce n’est qu’un vœu pieux…

difficultés des entrepreneurs de spectacles historiques

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, auteur de la question n° 325, adressée à Mme la ministre de la culture.

Mme Laurence Harribey. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur les modalités d’application de l’article 32 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

Ces modalités ont été fixées par le décret du 10 mai 2017 relatif à la participation d’amateurs à des représentations d’une œuvre de l’esprit dans un cadre lucratif, lui-même précisé par un arrêté du 25 janvier 2018.

Premièrement, l’article 2 du décret susvisé limite le nombre de participations à cinq spectacles par an pour les amateurs participant à titre individuel, et à huit spectacles par an pour les groupements d’artistes amateurs constitués. De plus, un amateur ne peut participer, à titre individuel, à plus de dix représentations par an. Le ministre chargé de la culture peut toutefois accorder une dérogation à ces plafonds, après avis du Conseil national des professions du spectacle, si le spectacle comporte un intérêt artistique et culturel particulier.

Deuxièmement, aux termes de l’article 4 du décret, deux mois avant la première représentation, les spectacles doivent faire l’objet d’une télédéclaration auprès du ministère de la culture précisant les noms de tous les amateurs et les jours de représentation.

En pratique, même s’il est nécessaire de protéger le statut des amateurs participant à un spectacle lucratif, il est clair que cette réglementation peut aboutir à l’abandon de toutes les manifestations proposant une reconstitution historique ou une mise en valeur du patrimoine.

À titre d’exemple, en Gironde, le spectacle La Bataille de Castillon nécessite 450 bénévoles pour chacune de ses quinze représentations. Une solution semble avoir été trouvée pour cette année. Cela étant, ma question porte plus largement sur la définition de l’« intérêt artistique et culturel particulier » qui justifie les dérogations.

Par ailleurs, est-il possible de revoir à la baisse le délai de la télédéclaration, ou de concevoir une procédure moins figée dans le temps, afin d’éviter le découragement des entrepreneurs de spectacles vivants ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Madame la sénatrice Harribey, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture, qui m’a chargé de vous répondre.

Jusqu’à la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, la pratique artistique amateur n’était pas encadrée juridiquement. Ainsi, la participation d’amateurs à des spectacles courait le risque d’être assimilée à du travail dissimulé du seul fait qu’elle avait impliqué le recours à une billetterie payante, justifié l’utilisation d’équipements professionnels ou été précédée d’actions de publicité.

Il était donc nécessaire de doter cette pratique d’un cadre juridique protecteur et incitatif à son développement, ce qu’a fait la loi de 2016.

Cette dernière a tout d’abord créé une dérogation à la présomption de salariat afin de sécuriser le recours à des amateurs non rémunérés lorsqu’ils interviennent dans un spectacle lucratif s’inscrivant dans le cadre d’actions d’accompagnement de la pratique artistique amateur ou d’actions pédagogiques culturelles.

Le décret du 10 mai 2017 a ensuite précisé le périmètre du recours aux amateurs dans un cadre lucratif, prévoyant en particulier les plafonds de représentations que vous avez rappelés.

Enfin, l’arrêté du 25 janvier 2018 a finalisé le dispositif en déterminant le contenu de la convention passée avec une collectivité par les structures mobilisant des amateurs dans un spectacle professionnel et les modalités de la télédéclaration des spectacles.

Ces dispositions réglementaires encadrent donc la possibilité donnée par la loi à une entreprise de spectacle de faire appel à des amateurs sans avoir à les rémunérer ; elles ne s’appliquent que lorsqu’il s’agit de spectacles lucratifs. En revanche, la pratique amateur exercée dans un cadre non lucratif ne fait l’objet d’aucune limitation, en particulier quant au nombre de représentations.

La loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine protège ainsi la pratique amateur individuelle ou en groupement constitué intervenant dans un cadre non lucratif en lui ouvrant l’accès à la publicité, à la billetterie et aux moyens techniques professionnels.

Les spectacles nocturnes de la Cinéscénie du Puy du Fou, ainsi que la reconstitution de la bataille de Castillon, que vous avez évoquée, font intervenir exclusivement des amateurs comme figurants. Comme il s’agit de reconstitutions historiques organisées par des associations à but non lucratif, elles sont sécurisées par la loi et ne sont en rien plafonnées. Aucune menace ne pèse donc de ce point de vue sur ces spectacles.

Quant à vos propositions concernant, notamment, les délais de télédéclaration et l’ajustement de certaines procédures, Mme la ministre de la culture se tient à votre disposition pour continuer à débattre des améliorations possibles.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour ces éléments de réponse, même si la première partie de votre réponse ne faisait que répéter les faits que j’avais rappelés dans ma question.

Comme vous l’avez indiqué, le problème essentiel est lié à la notion de « spectacle lucratif ». Une solution a été trouvée cette année pour La Bataille de Castillon, le spectacle n’étant pas considéré comme ayant un but lucratif. C’est une bonne chose, mais il convient de préciser la distinction entre activités lucratives et non lucratives. En effet, il est évident que nombre de spectacles de reconstitution historique ou de valorisation du patrimoine ne peuvent se réaliser sans un système ouvert à l’économie, aux entrées payantes et aux partenariats financiers. Il faut donc préciser la notion de « spectacle lucratif », qui va de pair avec la présomption de salariat, d’autant que cette dernière peut mettre en danger d’autres volets de l’action culturelle, en particulier les chantiers de bénévoles pour le patrimoine.

Considérant que vous recevez mes propositions de manière positive, monsieur le secrétaire d’État, je reprendrai contact avec le ministère de la culture pour essayer d’aller plus loin dans cette discussion. Cela m’importe d’autant plus que je reste d’accord, sur le fond, avec la démarche de la loi de 2016 : il était nécessaire de réglementer le recours aux bénévoles dans ce secteur.

organisation des concours « meilleurs ouvriers de france »

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Janssens, auteur de la question n° 293, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Jean-Marie Janssens. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur l’organisation des concours « Meilleurs ouvriers de France ».

En effet, à l’occasion du Salon des fromagers qui se tenait parallèlement au Salon international de l’agriculture, j’ai été interpellé par des représentants de la profession, dont le président de la Fédération française des fromagers, qui m’ont fait part de leur inquiétude concernant l’organisation des concours « Meilleurs ouvriers de France ».

Une nouvelle organisation est actuellement mise en place pour ces concours.

En effet, un partenaire privé – en l’occurrence, une maison d’édition – prend désormais une place importante dans l’organisation des concours ainsi que dans leur financement. Les critères de sélection et de notation ont ainsi été modifiés.

Ces concours, organisés sous l’égide du ministère de l’éducation nationale, ont pour objet la reconnaissance et la valorisation de l’excellence professionnelle. Or le rôle prépondérant joué par un partenaire privé dans leur organisation est difficilement compréhensible pour les professionnels du secteur, qui craignent que l’indépendance et la dimension académique de ces concours ne soient remises en question.

Cette inquiétude est d’ailleurs partagée par tous les professionnels des secteurs, alimentaires ou non alimentaires, pour lesquels est organisé un concours « Meilleurs ouvriers de France ».

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous me garantir que ces concours auront toujours pour finalité de récompenser l’excellence en toute indépendance et en toute objectivité ?

Par ailleurs, pouvez-vous m’indiquer les différents acteurs du financement de ces concours et le rôle que vous entendez laisser jouer aux nouveaux partenaires privés ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le sénateur Janssens, je vous prie de bien vouloir excuser M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, qui m’a demandé de bien vouloir vous répondre.

L’organisation du concours pour l’obtention du diplôme d’État « Un des meilleurs ouvriers de France » repose sur un modèle original – vous l’avez rappelé – de coopération entre partenaires publics et privés, qui réunit le ministère de l’éducation nationale et ses partenaires ministériels, le comité d’organisation du concours et des expositions du travail, ou COET, les professionnels et leurs représentants.

Le COET met en œuvre les modalités d’attribution du diplôme « Un des meilleurs ouvriers de France ». Il organise les expositions du travail et la remise des diplômes. Il est financé par des subventions publiques, le ministère de l’éducation nationale étant le plus gros contributeur. Il est, dans le cadre actuel, éligible à la taxe d’apprentissage. Il peut également recevoir des dons, et perçoit des droits d’inscription des candidats.

Afin de pallier une fragilité financière récurrente, le comité d’organisation a passé une convention avec le groupe Uni-éditions, société filiale du Crédit Agricole. Ce partenariat financier ne présente aucun risque d’ingérence, dans la mesure où les métiers de la banque sont totalement absents des métiers ouverts au concours.

Par ailleurs, la modification des critères de notation n’est pas liée à cette convention ; elle traduit la volonté du COET de procéder à une vaste remise en ordre de l’organisation même de l’examen.

Dans le cadre de la réglementation fixée par le ministère de l’éducation nationale, le comité a ainsi rénové ses statuts et engagé une politique de transparence sur les conditions d’organisation des épreuves relevant de sa propre responsabilité.

Le COET a aussi chargé l’inspecteur général, président du jury général, de revoir l’ensemble des sujets, des référentiels et des critères d’évaluation des épreuves.

L’intervention des professionnels et de leurs fédérations est essentielle pour définir les exigences professionnelles attendues et, de la sorte, le niveau et la qualité du concours. Toutefois – il faut le préciser –, les fédérations professionnelles sont des partenaires, et non pas les organisateurs des épreuves, ce rôle étant dévolu au COET par le ministère de l’éducation nationale.

Le comité d’organisation, en accord avec sa tutelle ministérielle, a souhaité reprendre avec les fédérations professionnelles une coopération plus rationnelle dans le cadre organisationnel et juridique imparti. Une telle coopération permet d’assurer l’équilibre entre, d’une part, le respect des règles applicables aux candidats aux diplômes de l’éducation nationale et, de l’autre, la recherche permanente d’une définition de l’excellence professionnelle dans plus de deux cents métiers.

Monsieur le sénateur, j’espère avoir répondu à vos inquiétudes, notamment quant à l’absence d’interférence des acteurs privés dans le processus d’évaluation.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants pour permettre à Mme la secrétaire d’État auprès de M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, de rejoindre l’hémicycle.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures dix, est reprise à dix heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

interlocuteur en matière d’environnement des porteurs de projets d’aménagement

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, auteur de la question n° 328, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Dany Wattebled. Madame la secrétaire d’État, dans le cadre de la réforme de l’autorité environnementale, le préfet de région était désigné comme autorité compétente de l’État en matière d’environnement.

Le Conseil d’État, statuant au contentieux, a annulé cette disposition par sa décision n° 400559 en date du 6 décembre dernier. En conséquence, la seule possibilité réglementaire laissée aux porteurs de projet réside dans le pouvoir d’évocation du ministre, dont l’opportunité de mise en œuvre est laissée au libre choix de ce dernier.

Une instruction ministérielle non parue au Journal officiel préconise que les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement fassent prononcer les avis nécessaires par la mission régionale d’autorité environnementale, en lieu et place du préfet de région, sans toutefois qu’un texte législatif ou réglementaire le permette. À ce jour, nous sommes toujours dans l’attente d’un décret désignant la nouvelle autorité environnementale.

Madame la secrétaire d’État, j’en viens à mes questions.

Tout d’abord, comment sécuriser les projets avancés, qui ont été engagés sous la responsabilité du préfet de région antérieurement à la décision du Conseil d’État, et éviter les dérapages de calendrier, sachant que l’obtention des avis nécessaires demande entre six et douze mois ? Afin de ne pas bloquer les porteurs de projets, peut-on envisager de leur accorder un régime dérogatoire ?

Ensuite, concernant les procédures futures, les porteurs de projets sont invités à saisir la mission régionale d’autorité environnementale. Néanmoins, comme aucun texte ne lui donne compétence, ne faut-il pas craindre une éventuelle remise en cause de la légalité des procédures nécessaires à la réalisation des projets d’aménagement ? Dès lors, afin de permettre aux porteurs de projets de programmer au mieux chaque projet, pouvez-vous nous indiquer l’échéance à laquelle paraîtra le décret désignant l’autorité environnementale compétente ?

Enfin, ne faut-il pas craindre un engorgement des missions régionales d’autorité environnementale, non dimensionnées à ce jour pour traiter un tel volume de sollicitations ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Wattebled, l’évaluation environnementale permet à l’autorité compétente en la matière d’autoriser ou non un projet. Cette décision est éclairée par les conséquences envisagées dudit projet sur la santé humaine et sur l’environnement.

Le droit français prévoit qu’une autorité environnementale rend un avis sur le dossier en amont de l’ouverture de l’enquête publique, en indiquant comment le demandeur intègre les enjeux environnementaux dans la conception de son projet.

Le 6 décembre 2017, le Conseil d’État a annulé les dispositions du code de l’environnement qui instituaient le préfet de région comme autorité compétente pour rendre l’avis d’autorité environnementale et autoriser ou non un projet. Le Conseil d’État a en effet jugé que le préfet de région ne pouvait cumuler les deux fonctions.

Cette décision a inauguré une période d’incertitude pesante pour tous les acteurs. Très conscient de l’urgence que représente la sécurisation de ces procédures et soucieux d’éviter les blocages, le Gouvernement a transmis des instructions aux préfets et aux services chargés de l’évaluation environnementale dès le 20 décembre 2017. Cela a permis que les projets engagés pâtissent le moins possible de la situation actuelle.

La période transitoire est exploitée par les services de l’État et par les missions régionales d’autorité environnementale pour rechercher la meilleure solution.

En parallèle, le Gouvernement travaille activement à l’élaboration d’un nouveau décret. Plusieurs pistes ont été explorées pour mettre en place un dispositif à la fois conforme au droit européen et opérationnel sur le terrain. Le Gouvernement envisage une parution du décret dans le courant de l’été.

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled.

M. Dany Wattebled. Il y a quand même urgence ! De nombreux dossiers vont être en panne. Vous savez bien comment cela se passe sur le terrain : une fois qu’un dossier a pris du retard, même si le décret paraît en juillet, les travaux ne pourront être engagés que l’année prochaine, alors que les entreprises ont besoin de travail !

demandes d’autorisation de mise sur le marché des produits biocides

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, auteur de la question n° 330, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Stéphane Piednoir. Ma question porte sur le coût de l’instruction des demandes d’autorisation de mise sur le marché des produits biocides.

Cette autorisation s’obtient au terme d’une procédure en deux temps régie par le règlement européen n° 528/2012 du 22 mai 2012.

Dans un premier temps, les substances actives sont évaluées et approuvées à l’échelon européen par une agence dédiée, l’Agence européenne des produits chimiques, puis, dans un second temps, les produits contenant ces substances actives ayant vocation à être commercialisés en France doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché auprès de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES.

L’instruction de cette demande par l’ANSES a un coût, qui est à la charge des entreprises souhaitant commercialiser des produits biocides. Son montant est fixé, par arrêté, de manière forfaitaire et par produit contenant des substances actives.

Je m’interroge sur le bien-fondé de ce mode de calcul forfaitaire et par produit, indépendant de la quantité produite.

En effet, le coût d’instruction pour la commercialisation d’un produit est le même que ce dernier soit commercialisé par un grand groupe et à l’échelle nationale, ou bien par une petite entreprise dont le réseau de diffusion n’est que régional, voire départemental.

En vertu du principe du pollueur-payeur, il semblerait plus juste qu’une entreprise produisant des centaines de milliers de tonnes de produits polluants paye une redevance plus importante qu’une PME qui en produit moins de dix tonnes par an. C’est le cas d’une entreprise de mon département : elle ne peut assumer la charge que représentent ces coûts d’instructions.

Madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour corriger cette disposition qui entrave la libre concurrence ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Stéphane Piednoir, qu’ils soient utilisés par le grand public ou les professionnels, les produits biocides font partie intégrante de notre quotidien. Ils peuvent porter préjudice à notre santé comme à l’environnement, et c’est pourquoi ils font l’objet d’un encadrement réglementaire très strict aussi bien au niveau européen qu’au niveau national visant à évaluer leur impact de manière précise.

Je n’entrerai pas dans le détail des différentes dispositions, mais il me semble essentiel de rappeler l’importance de cet encadrement en raison des conséquences potentielles de ces produits sur la santé des Français.

En France, c’est l’ANSES qui procède à l’évaluation des produits biocides et délivre, ou non, l’autorisation de mise sur le marché. Son attention est centrée en priorité sur les PME. Environ 20 % d’entre elles, soit près d’un million d’entreprises, sont concernées par la réglementation relative aux produits biocides en France.

Les demandes d’autorisation soumises à l’ANSES par les entreprises sont soumises à une redevance fixée par l’arrêté du 22 novembre 2017. Ce texte a été élaboré en concertation avec les organisations professionnelles œuvrant dans le domaine des produits biocides. Il n’a pas été jugé pertinent de moduler le montant de la redevance en fonction de la taille de l’entreprise, car les frais engagés par les pétitionnaires servent à couvrir les coûts de l’instruction des dossiers par l’ANSES.

Je tiens par ailleurs à rappeler que la France dispose d’outils fiscaux compensatoires qui n’existent pas dans d’autres pays européens ; je pense par exemple au crédit d’impôt recherche ou au crédit d’impôt innovation. Ce dernier, consacré spécifiquement aux TPE et PME, leur permet de bénéficier d’un crédit d’impôt de 20 % des dépenses liées à la conception ou à la réalisation du prototype d’un produit nouveau. Les TPE et PME produisant des produits biocides peuvent donc en bénéficier directement. Bien que plafonnée à 400 000 euros par an et par entreprise, cette aide compense les désavantages de ces petites structures face aux grands groupes.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Je vous remercie pour votre réponse, madame la secrétaire d’État. Je prends bonne note des mesures compensatoires propres à la fiscalité française.

Néanmoins, quant à la phase d’autorisation des substances actives, des réductions de redevance sont envisagées à l’échelon européen pour les microentreprises et les petites entreprises qui ne peuvent en supporter le coût.

Plus globalement, il relève de notre responsabilité collective de maintenir des PME dans nos territoires. C’est pourquoi je vous invite à considérer la disproportion qui existe entre les coûts que cette redevance représente pour une petite entreprise et pour une multinationale, qui peut les assumer bien plus aisément.

dotation à l’électrification rurale dans le calvados en 2018

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, auteur de la question n° 347, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Corinne Féret. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur la diminution des aides publiques destinées à l’électrification rurale et, plus précisément, sur la situation du syndicat départemental d’énergie du Calvados, le SDEC Énergie.

Alors que, pour 2017, la dotation octroyée par le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, ou FACÉ, à ce syndicat s’élevait à 6 425 000 euros, elle n’est plus que de 5 138 000 euros cette année. Cette baisse brutale de près de 1,3 million d’euros lui a été notifiée en mars dernier sans raison claire et objective.

La priorité du SDEC Énergie est naturellement le renouvellement des installations électriques obsolètes et le renforcement du réseau. Or, avec une dotation du FACÉ amputée de 20 %, notre syndicat départemental ne pourra plus continuer à investir et, à court terme, la qualité du réseau d’électricité en secteur rural en sera affectée.

Cette situation est d’autant plus mal vécue que l’inventaire de l’état du réseau apparaît tronqué. En effet, depuis plusieurs années, le SDEC Énergie réalise à sa charge des campagnes de mesure de tension qui, sur la base de plusieurs centaines d’enregistrements, démontrent une différence notable – de plus de 20 %, tout de même – entre la mesure réalisée chez l’habitant et l’étude statistique GDO d’Enedis.

On peut déplorer qu’il ne soit pas davantage tenu compte, non seulement de ces différences de données, mais aussi des efforts récurrents du syndicat pour limiter au juste minimum les reports de crédits. Dans le Calvados, les dotations du FACÉ sont consommées, car les nécessités d’investissement sur les réseaux sont réelles et les réponses ne peuvent pas être ajournées.

Mes questions sont donc les suivantes, madame la secrétaire d’État.

Au-delà du coup de rabot général, de l’ordre de 5 %, voté dans la loi de finances pour 2018, pourriez-vous m’indiquer les raisons – et les données – qui ont motivé la baisse de 20 % des dotations du FACÉ cette année dans le Calvados ?

J’attire particulièrement votre attention sur la problématique des écarts de mesure de tension que je viens d’évoquer, et souhaite également connaître votre position sur cette question.

Enfin, plus globalement, pourriez-vous préciser les intentions du Gouvernement quant à l’avenir du FACÉ ? Une augmentation de cette aide publique à l’électrification rurale est-elle envisagée pour 2019 ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Féret, comme vous le soulignez, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ, doté de 360 millions d’euros en 2018, permet de réaliser les investissements nécessaires pour la qualité du réseau de distribution d’électricité en milieu rural.

Cet outil essentiel de la solidarité entre les territoires assure la péréquation entre milieu rural et milieu urbain. Le Gouvernement y est donc particulièrement attaché.

L’année dernière, nous avons réalisé un inventaire de l’état de nos réseaux électriques qui nous a permis de démontrer l’efficacité du FACÉ et l’amélioration continue de la qualité de la redistribution d’électricité en milieu rural.

Ainsi, pour l’année 2018, la dotation du syndicat départemental d’énergie du Calvados s’élève à plus de 5 millions d’euros. Elle était de 6,4 millions d’euros en 2017. Cette diminution est le produit de deux effets, l’un contextuel et l’autre factuel.

Premièrement, la politique d’électrification rurale participe, comme l’ensemble des politiques publiques, à l’effort de redressement des finances publiques. Dans ce cadre, le montant total du FACÉ, voté dans la loi de finances pour 2018, est en baisse de 5 %, passant à 360 millions d’euros.

Deuxièmement, en ce qui concerne les zones rurales du Calvados, le dernier inventaire a établi l’évolution favorable de la qualité du réseau électrique basse tension. À l’inverse, les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ont subi l’année dernière un cyclone qui a été – vous en conviendrez, madame la sénatrice – d’une gravité exceptionnelle. Le conseil du FACÉ a donc décidé d’accorder une subvention elle aussi exceptionnelle à ces deux collectivités.

Ces critères de répartition, tout comme les dotations du FACÉ pour 2018, ont par ailleurs été approuvés à l’unanimité par le comité compétent. La diminution de 20 % des dotations octroyées au Calvados résulte donc d’un arbitrage que nous jugeons juste, équitable et transparent.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Madame la secrétaire d’État, je vous ai bien écoutée : vous justifiez une baisse de 1,3 million d’euros d’aides publiques par l’évolution prétendue favorable de la qualité du réseau électrique basse tension en zone rurale dans le Calvados, en la comparant à celle que connaissent d’autres départements français, et par la situation, certes exceptionnelle et dramatique, de deux collectivités d’outre-mer.

Pour autant, je pense qu’il est grand temps de ne plus orienter à la baisse les dotations du FACÉ et, surtout, de s’accorder sur un inventaire partagé de l’état du réseau et des besoins. En effet, tant que les mesures de tension réalisées par le SDEC Énergie, autorité organisatrice dans le Calvados, ne seront pas mieux prises en compte, le conseil du FACÉ continuera à avoir une vision tronquée de la réalité du réseau et de la qualité de l’électricité distribuée dans le département.

Sachez, madame la secrétaire d’État, que je me tiens à votre disposition, de même que les responsables du SDEC Énergie, pour travailler sur ces questions. L’électrification en milieu rural, notamment dans un département comme le mien, est un enjeu primordial !

aménagement de l’autoroute a8 près de la commune de biot

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 314, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur l’aménagement de l’autoroute A8, qui passe à proximité de la commune de Biot, dans les Alpes-Maritimes, commune partiellement située dans la plaine inondable de la Brague.

Lors des inondations meurtrières qui ont frappé mon département en octobre 2015, causant vingt morts et plusieurs centaines de millions d’euros de dégâts matériels, les buses de l’autoroute A8, gérée sur le réseau Escota par Vinci Autoroutes, se sont bouchées, empêchant l’eau de s’écouler normalement. L’eau a alors stagné à une hauteur de plus de 1,50 mètre, pendant plus d’une heure, dans des zones d’habitation de la commune de Biot.

En mars 2018, lors d’une intempérie a priori sans conséquence, puisque sa puissance n’a été décelée ni par la préfecture, ni par Météo France, ni par les logiciels municipaux, le même schéma s’est reproduit. Les buses se sont trouvées partiellement bouchées, et la plaine de la Brague inondée. Fort heureusement, cette fois, il n’y a eu aucune victime.

Lors de cet épisode météorologique, la plaine a atteint sa limite de rétention d’eau sans que l’autoroute soit fermée, ce qui a créé une véritable dangerosité sur l’infrastructure autoroutière. Pris au piège par l’eau dans la zone de rétention, les habitants n’auraient eu aucun moyen de fuir, sans parler des dommages matériels subis que nous aurions pu répertorier une fois de plus, notamment sur les habitations.

Après les intempéries de 2015, la maire de Biot, Mme Guilaine Debras, avait alerté, sans succès, le précédent gouvernement, ainsi que le concessionnaire autoroutier, Vinci, afin de discuter des aménagements qu’il faudrait apporter à cette autoroute, qui forme un véritable barrage à l’écoulement de l’eau en cas de fortes pluies.

Madame la secrétaire d’État, si Vinci est gestionnaire d’Escota, l’autoroute reste bien la propriété de l’État. Comptez-vous donc intervenir auprès du concessionnaire afin de réduire le risque d’inondation en ordonnant les travaux d’aménagement nécessaires à la sécurité des habitants et à la pérennité des infrastructures ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Estrosi Sassone, la ministre des transports, Mme Élisabeth Borne, empêchée ce matin, m’a chargée de répondre à votre question sur l’autoroute A8.

À la suite des inondations ayant frappé la commune de Biot, dans les Alpes-Maritimes, en octobre 2015, vous l’interrogez sur les risques liés à ces fortes intempéries. Sachez que nous partageons vos préoccupations.

Sur la base des discussions engagées autour du bassin de la Brague entre les collectivités territoriales, les services de l’État et la société Escota, concessionnaire de l’autoroute A8, une étude hydraulique a été commandée en 2015 par la communauté d’agglomération de Sophia Antipolis. Cette étude a été transmise aux services du ministère des transports, où elle est en cours d’analyse, je vous le confirme.

Les aménagements réalisés le long de la Brague au cours des cinquante dernières années ont entraîné l’imperméabilisation de grandes surfaces urbaines, ce qui explique en partie les conséquences dramatiques des inondations. En effet, conçus dans les années soixante, ces aménagements ont été réalisés sans tenir compte ni des évolutions urbaines ni de l’accentuation des phénomènes d’engorgement. Ils ont en conséquence aggravé le phénomène d’écoulement des eaux au droit des ouvrages de l’autoroute A8.

La situation n’est donc pas satisfaisante ; nous partageons ce constat avec vous.

Soucieuse de l’amélioration de la situation et de la garantie apportée à la sécurité des personnes, Élisabeth Borne a demandé elle-même à ses services de traiter ce dossier avec vigilance.

Le programme d’aménagement devra être examiné au regard des conditions permettant de limiter les incidences sur les populations et territoires en aval de l’autoroute. Quant à son financement, il devra faire l’objet d’une mobilisation de ressources apportées par les différentes parties intéressées.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Merci, madame la secrétaire d’État, pour votre réponse. J’espère que l’instruction du dossier ne sera pas trop longue.

Pour être vous-même venue dans les Alpes-Maritimes parler de la culture du risque, en septembre 2017, et avoir à cette occasion été sensibilisée par les élus locaux à la nécessité de mettre en œuvre des ouvrages de protection des habitants et des habitations, vous savez qu’élus et habitants ne peuvent pas attendre un nouveau coup du sort, après les inondations meurtrières que nous avons connues.

J’espère donc que le Gouvernement va se saisir à bras-le-corps de cette question, car la multiplication d’épisodes pluvieux à l’origine de telles difficultés crée un véritable problème dans le département.

Je tiens à souligner la difficulté qu’il y a à négocier avec le délégataire : Vinci ne fait rien, alors que l’autoroute A8 est la plus fréquentée du territoire national et que les tarifs ont considérablement augmenté entre 2010 et 2016, jusqu’à devenir prohibitifs – plus de dix centimes par kilomètre sur l’ensemble de l’ouvrage !

Il appartient maintenant à Vinci de réaliser les aménagements nécessaires. Comme vous l’avez souligné, les communes ont fait ce qu’elles avaient à faire au niveau local, en réalisant des modélisations hydrauliques qui sont à la disposition tant de la ministre des transports que du délégataire.

Je compte vraiment sur votre force de persuasion, madame la secrétaire d’État, ainsi que sur celle de Mme Borne, pour que l’autoroute A8 reçoive enfin ces aménagements !

situation financière des étudiants en capacité en droit

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, auteur de la question n° 193, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

M. Jacques Bigot. Madame la secrétaire d’État, j’imagine que vous représentez ici aujourd’hui Mme la ministre de l’enseignement supérieur…

Au sein de l’enseignement supérieur, les facultés de droit présentent une particularité : elles offrent aux étudiants non bacheliers la possibilité d’entrer dans un cursus universitaire, par le biais de la capacité en droit.

Or ces étudiants ne sont pas traités de manière égalitaire, puisqu’ils ne peuvent pas bénéficier d’une bourse, ni en première ni en seconde années. En seconde année, la situation est même plus compliquée encore pour certains d’entre eux, qui, ayant pourtant réussi leur première année, non seulement ne peuvent pas être boursiers, mais doivent payer des frais d’inscription et cotiser à la sécurité sociale étudiante. Certains pourraient pourtant, compte tenu de leur situation extrêmement modeste, bénéficier de la couverture maladie universelle, la CMU.

Ces difficultés doivent impérativement être revues si nous voulons permettre le développement de la capacité en droit, qui donne à des jeunes en échec scolaire ou qui, en tout cas, n’ont pas réussi leur cursus, l’occasion de rejoindre, tout de suite avant le bac ou plus tard, la filière juridique. Cette formation accueille aussi de nombreux étudiants étrangers.

Il existe donc là un réel enjeu : assurer l’égalité entre ces étudiants et ceux du cursus classique de l’enseignement supérieur et faire perdurer une tradition propre aux facultés de droit, tradition qui, par le passé, a permis à certains d’atteindre un très haut niveau – j’ai eu des professeurs agrégés issus de la filière capacitaire en droit !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Jacques Bigot, Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, empêchée ce matin, m’a chargée de répondre à votre question.

Comme vous l’avez expliqué, la capacité en droit est une formation destinée à des étudiants non titulaires du baccalauréat qui permet d’accéder à l’enseignement supérieur, mais ne correspond pas à des études du niveau de l’enseignement supérieur : à certaines conditions, les étudiants de cette filière accèdent à la première ou à la deuxième année de la licence de droit.

Pour cette raison, la capacité en droit ne fait pas partie des formations ouvrant droit au bénéfice d’une bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux.

Pour autant, le public de cette formation n’est pas dénué de droits, et le Gouvernement travaille à les renforcer.

En matière de protection sociale, les étudiants inscrits en capacité en droit ne seront plus assujettis au régime de la protection sociale des étudiants, qui est voué à disparaître conformément aux dispositions de la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants. Ils seront désormais affiliés, en tant qu’assurés autonomes, à leur régime de protection sociale, généralement celui de leurs parents, c’est-à-dire le régime général de la sécurité sociale. La cotisation annuelle de 217 euros sera supprimée pour tous les nouveaux étudiants dès la rentrée 2018 ; elle le sera pour l’ensemble des étudiants en 2019.

Les étudiants inscrits en capacité en droit bénéficieront de cette mesure générale, qui se traduira par un gain net de pouvoir d’achat dès la rentrée prochaine.

En outre, ils disposent de droits spécifiques en tant qu’étudiants : ils peuvent bénéficier de prestations et de services offerts par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS. Ils peuvent en particulier accéder à la restauration universitaire à tarif social et déposer une demande de logement en cité universitaire. Si les étudiants concernés rencontrent des difficultés, ils peuvent prendre contact avec le service social du CROUS pour qu’il leur indique les aides susceptibles de leur être accordées compte tenu de leur situation.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, ainsi que Mme la ministre de l’enseignement supérieur, pour cette réponse.

Les étudiants en capacité en droit ne dépendent pas forcément tous de leurs parents ; ils sont parfois largement majeurs.

S’agissant du régime de sécurité sociale, avec le système mis en place, ils devraient donc pouvoir faire valoir leur droit éventuel à la CMU : cela peut être une solution, s’ils n’ont pas la possibilité de s’assurer.

S’agissant des frais d’inscription, je note que vous ne m’avez pas répondu.

J’ai bien entendu qu’il ne s’agit pas d’étudiants comme les autres, mais, en même temps, les lycéens, eux, peuvent être boursiers. Pourquoi donc ceux qui suivent la capacité en droit, jeunes ou personnes ayant choisi une reconversion professionnelle, ne peuvent-ils pas bénéficier d’aides ?

Le sujet reste entier, et la réponse que j’ai reçue ce matin n’est pas satisfaisante. J’espère, madame la secrétaire d’État, que votre gouvernement pensera, non seulement aux premiers de cordée, mais aussi à ceux qui peuvent réussir à monter !

dysfonctionnements de la caisse d’allocations familiales de seine-saint-denis

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la question n° 318, transmise à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Éliane Assassi. Madame la secrétaire d’État, je souhaite interpeller le Gouvernement sur la situation de la caisse d’allocations familiales de Seine-Saint-Denis et, en particulier, sur les conditions de travail de ses agents.

Le gel des salaires depuis 2010 entraîne une précarisation accrue de ces agents, dont une grande partie perçoit la prime d’activité. Les départs en retraite non remplacés et la multiplication des contrats précaires, avec recours aux heures supplémentaires comme variable d’ajustement, creusent le manque d’effectifs et accentuent la détérioration des conditions de travail.

Les agents font aussi face à un management dont la boussole est la rentabilité. Des missions sont mutualisées et externalisées, au détriment de la qualité du traitement des dossiers et du service rendu aux usagers. Ainsi, la paie des agents de Seine-Saint-Denis est traitée à Paris, tandis que des traitements de données sont confiés à des entreprises privées.

Malgré l’augmentation des charges de travail et la complexité accrue de la législation, les agents n’ont aucune reconnaissance de leur métier. Par ailleurs, les fermetures de locaux contraignent les agents, mais aussi les familles, à se déplacer régulièrement, aux dépens d’un service de proximité.

Les conventions d’objectifs et de gestion se succèdent, toujours plus drastiques. Les organismes sont de plus en plus sous tension dans l’ensemble des branches, particulièrement en Seine-Saint-Denis, où, de ce fait, de nombreuses familles ne peuvent être accompagnées.

Madame la secrétaire d’État, à quelques jours de la présentation d’un rapport de deux députés pointant que, en Seine-Saint-Denis, il y a moins de tout, le Gouvernement va-t-il prendre les mesures qui s’imposent pour que les caisses d’allocations familiales puissent accomplir au mieux leurs missions ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame Assassi, je réponds à votre question en lieu et place de ma collègue ministre des solidarités et de la santé, qui ne peut être ici ce matin.

La caisse d’allocations familiales de Seine-Saint-Denis, au regard de l’augmentation du nombre de bénéficiaires, est victime d’un allongement des délais de traitement des dossiers. Je rappelle toutefois que la Caisse nationale des allocations familiales lui a alloué ces dernières années des moyens importants pour lui permettre d’assurer pleinement ses missions compte tenu de ses spécificités. D’importants travaux ont également été réalisés.

Madame la sénatrice, le Gouvernement a entrepris une réflexion sur la simplification des démarches administratives, ainsi que sur l’ouverture nocturne dans les zones urbaines et l’ouverture sur rendez-vous, afin de répondre encore et toujours mieux aux contraintes des bénéficiaires.

Comme vous pouvez le constater, nous nous engageons pour améliorer notre service public. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 sera l’occasion pour Mme la ministre des solidarités et de la santé d’avancer plus loin encore dans la voie de la simplification.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la secrétaire d’État, vous avez commencé par constater, comme nous, que la situation de la caisse d’allocations familiales de Seine-Saint-Denis n’était pas bonne, et que cette administration se portait mal. Aussi ai-je pensé que vous alliez peut-être apporter des réponses concrètes à ses agents, dont plusieurs sont présents ce matin dans les tribunes !

Imaginez qu’il y a en moyenne onze semaines de retard dans le traitement des dossiers ! La paie même des agents est affectée par des retards importants, et des entretiens d’embauche sont réalisés – tenez-vous bien ! – dans les locaux de la cantine. Oui, à la cantine, et pas dans les bureaux ! C’est tout de même un peu méprisant pour les personnes qui veulent travailler à la CAF…

À cette situation, vous n’apportez aucune réponse concrète. Vous renvoyez au projet de loi de financement de la sécurité sociale de la fin de l’année, mais il y a urgence !

Les agents sont en souffrance, les familles bénéficiaires aussi, et que proposez-vous ? Des heures d’ouverture nocturnes ! Pourquoi pas le dimanche ? Vous rendez-vous compte de ce que vous proposez ? C’est méprisant, madame la secrétaire d’État, pour les agents et pour les populations de Seine-Saint-Denis.

Pour notre part, nous ne nous résignerons jamais, jamais ! Nous créerons les conditions pour que la Seine-Saint-Denis ne soit pas sacrifiée sur l’autel de la finance, comme le montre le rapport qui sera présenté à l’Assemblée nationale le 31 mai, un rapport qui fera beaucoup de bruit !

risques pour la santé liés aux terrains de sport synthétiques

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, auteur de la question n° 291, transmise à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Françoise Laborde. Madame la secrétaire d’État, ma question a trait aux menaces sur la santé publique et aux problématiques suscitées par la dangerosité des terrains de sport synthétiques.

Depuis le mois de novembre, les médias se font l’écho de risques sérieux pour la santé des usagers de ces gazons artificiels. Des milliers de stades, qui appartiennent le plus souvent aux communes, sont couverts d’une très grande quantité de granulats issus du recyclage de pneus broyés. Ces substances seraient, selon plusieurs études récentes, fortement nocives à la fois pour la santé, du fait de la présence de composés hautement cancérogènes, et pour l’environnement.

Des solutions existent, telles que l’aspiration des billes et le remplacement par des matériaux naturels, ou encore l’encapsulement par résine, mais elles présentent un coût élevé.

En outre, de nombreux terrains sont en commande ou en cours d’installation, et le simple report envisagé par certains élus entraîne lui aussi des frais colossaux.

Interpellée par plusieurs parlementaires, Mme la ministre des sports a répondu en des termes ambigus, pointant à la fois des études rassurantes et des incertitudes, avec pour conséquence la saisine par six ministères de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. L’ANSES devrait rendre très prochainement ses premiers résultats.

Selon les données invoquées, qui ont d’ailleurs été très largement contredites, les risques pour la santé seraient négligeables, du fait d’un seuil de toxicité en accord avec les normes européennes. Or c’est précisément le problème : comme l’ont souligné des chercheurs néerlandais, le règlement européen, bâti en fonction d’un usage normal des pneus automobiles, se révèle tout à fait inadapté s’agissant de ces granulats broyés. En effet, l’exposition aux matériaux toxiques et les sources de contact sont démultipliées pour les personnes : frottements, respiration des émanations, ingestion.

En vertu du principe de précaution, il ne faut pas, en présence d’un risque de dommages graves et irréversibles, que l’absence de certitude scientifique absolue serve de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives.

C’est pourquoi je demande au Gouvernement de mettre en place un fonds d’urgence à destination des collectivités territoriales, afin de les aider à engager des travaux de mise en sécurité de leurs équipements, à reporter leurs marchés publics dans l’attente des conclusions de l’ANSES et à communiquer sur les risques courus.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Françoise Laborde, je vous réponds en lieu et place de ma collègue ministre des solidarités et de la santé, qui s’excuse de ne pouvoir être présente ici ce matin.

Comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice, les terrains synthétiques à usage sportif à base de caoutchouc se sont considérablement développés en France à partir des années quatre-vingt-dix. En novembre dernier, à la suite d’un article publié par le magazine So Foot, plusieurs médias se sont interrogés sur les conséquences potentielles de ce type de revêtements sur la santé des utilisateurs.

Ces terrains synthétiques soulèvent des interrogations quant à leurs effets sur la santé et l’environnement en raison de substances dangereuses potentiellement présentes dans des granulés, en particulier dans le cadre de leur utilisation comme terrain de sport ou aire de jeux pour enfants.

L’Agence européenne des produits chimiques, l’ECHA, a conclu à un faible niveau de préoccupation, au vu des concentrations d’hydrocarbures aromatiques polycycliques. Il faut toutefois remarquer que les limites de concentration prévues par le règlement REACH ne sont pas spécifiques à un usage pour des terrains synthétiques, ce qui soulève, il est vrai, des incertitudes.

Face aux préoccupations des pratiquants et des communes, principaux propriétaires de terrains de grands jeux dans notre pays, les ministères de la transition écologique et solidaire, des solidarités et de la santé, de l’économie et des finances, du travail, de l’agriculture et de l’alimentation, et des sports, ont saisi l’ANSES le 21 février dernier.

Dans un premier temps, l’ANSES fera part de son analyse sur les données et études disponibles, ainsi que sur les préoccupations qui pourraient en résulter. La publication de ce premier travail est attendue pour la fin du mois de juin.

Dans un second temps, l’Agence devra compléter son analyse en identifiant et en hiérarchisant les besoins de connaissances supplémentaires qui pourraient justifier une évaluation des risques pour la santé et l’environnement à plus long terme.

Nous ne manquerons pas, madame la sénatrice, de vous communiquer les résultats de ces travaux.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Je vous remercie pour votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais je me permets d’insister, parce que je ne voudrais pas que, dans quelques années, on nous accuse, on vous accuse, d’avoir laissé passer un risque sanitaire et environnemental majeur – cancers, asthme et autres pathologies respiratoires, mais aussi diffusion dans l’atmosphère – dont nous découvrirons sûrement rapidement les effets.

Je voudrais aussi que le soutien du Gouvernement aux élus soit sans faille, avec une aide financière, bien sûr, mais également s’agissant de la conduite à tenir. Vous le savez, chaque élu gère au mieux dans sa commune, selon son propre intérêt sur la question, mais aussi selon ses moyens financiers et les remontées des usagers – parents, professeurs, ou associations, de futsal, par exemple.

Enverrez-vous des instructions claires aux communes, en interdisant l’installation de nouveaux terrains à base de billes de pneus, comme l’ont fait la Suède ou deux grandes villes telles qu’Amsterdam et New York, qui appliquent le principe de précaution en attendant des normes plus sévères en la matière ?

Vous n’ignorez pas, madame la secrétaire d’État, qu’il faut des années pour changer la réglementation. Même si l’installation de ces terrains partait d’une bonne idée – le recyclage des pneus –, nous devons être très attentifs et, peut-être, stopper momentanément la filière, faute de disposer de toutes les études épidémiologiques.

Je vous remercie en tout cas d’avoir répondu à cette question transversale : dans la mesure où elle touche également votre secrétariat d’État, je suppose que vous y serez très attentive.

absence de médecin traitant dans les zones sous-dotées et remboursement des consultations

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteur de la question n° 279, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la secrétaire d’État, ma question concerne le moindre remboursement des consultations pour les patients se trouvant en zone sous-dotée et n’ayant plus, de ce fait, de médecin traitant.

Du fait du manque de médecins généralistes et des nombreux départs à la retraite, de plus en plus de patients se retrouvent aujourd’hui sans médecin traitant. Ils vivent cette situation subie avec d’autant plus d’inquiétude, voire d’angoisse, qu’ils sont vulnérables, malades, âgés ou isolés.

Quand enfin ils ont accès à un médecin, l’absence de médecin traitant déclaré ne leur permet plus d’être pris en charge à 70 % : pour une consultation de base, facturée vingt-cinq euros et habituellement prise en charge à 70 %, moins l’euro de solidarité, soit 16,50 euros, seuls 6,50 euros, soit 30 % du total, leur sont remboursés.

Ces patients subissent ainsi une double peine : absence de médecin traitant en mesure de suivre leur dossier de santé, et reste à charge plus élevé sur les consultations.

Ces situations préoccupantes constituent un frein, un frein de plus, à l’accès aux soins, notamment en zone rurale. Sont-elles bien appréhendées par les services du ministère de la santé ? Serait-il envisageable, en zone sous-dotée, que l’absence de médecin traitant n’entraîne pas systématiquement une diminution du remboursement des consultations ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Loisier, je réponds à votre question en lieu et place de Mme la ministre des solidarités et de la santé, qui ne peut être présente ici ce matin.

Pour remédier aux difficultés que rencontrent nos concitoyens en matière d’accès aux soins, Agnès Buzyn a présenté l’année dernière le plan territorial d’accès aux soins, qui comporte vingt-six mesures issues du terrain. Ce plan s’appuie en effet sur les remontées des professionnels de santé, des collectivités territoriales et des usagers.

L’accès aux soins repose, non pas sur l’installation d’un médecin, mais sur l’organisation coordonnée de tous les professionnels de santé d’un territoire donné. C’est pourquoi nous travaillons actuellement sur la stratégie du système de santé.

Le plan comme la stratégie ont pour objectif d’augmenter le temps soignant des professionnels de santé ; ils généralisent la téléconsultation et la téléexpertise.

Mme Buzyn l’a toujours dit : ce plan sera amené à évoluer en fonction des besoins. Voilà pourquoi, à la suite des derniers chiffres de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère, la DREES, elle souhaite le compléter par de nouvelles mesures. Votre proposition est une demande forte et légitime des patients, qu’il faut étudier.

Pour remédier aux difficultés auxquelles font face nos concitoyens en matière d’accès aux soins, il n’y a pas de réponse miracle, mais un panel de solutions. Ces solutions, c’est ensemble que nous devons les trouver !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.

Mme Anne-Catherine Loisier. Nous sommes tous convaincus qu’il faut un panel de mesures. En particulier, un assouplissement des dispositifs existants est nécessaire pour les patients dont nous parlons, qui sont isolés et vivent des situations difficiles. Ils n’ont pas de médecin traitant, non pas parce qu’ils n’en cherchent pas, mais parce qu’ils ne peuvent plus accéder à un médecin de proximité : il est urgent de les aider !

place des infirmières dans l’organisation de la vaccination

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, auteur de la question n° 286, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Catherine Deroche. Ma question porte sur la place des infirmiers dans l’organisation de la vaccination.

Depuis plusieurs années, la loi permet aux infirmiers de revacciner l’ensemble de la population, afin d’élargir la couverture vaccinale. C’est ainsi que, depuis 2008, les infirmiers vaccinent sans prescription médicale préalable les personnes fragiles contre la grippe, à l’exception de la primo-vaccination. Cette mesure de santé publique est efficace : elle a augmenté le nombre de personnes vaccinées, ce qui a permis de réduire la mortalité due à la grippe dans la population fragile.

Toutefois, un décret du 29 août 2008 restreint les possibilités de vaccination des infirmiers à la grippe et aux personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, ainsi qu’aux personnes fragiles. L’entourage est exclu de cette possibilité de vaccination, ce qui limite la couverture vaccinale.

De nombreux rapports ont préconisé, pour assurer une couverture vaccinale large, une simplification de la vaccination en ville, notamment la possibilité pour les professionnels de santé autres que les médecins d’administrer des vaccins. Je pense en particulier au rapport public annuel de la Cour des comptes pour 2018 et au rapport du comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination.

Ma question est simple : le Gouvernement envisage-t-il d’élargir le droit de vaccination qui a été accordé aux infirmiers, sachant qu’ils sont plus de 600 000 professionnels et offrent donc un maillage territorial important ?

Nous avons soutenu la politique du Gouvernement en ce qui concerne l’extension de la couverture vaccinale. Il s’agit d’un sujet majeur. C’est pourquoi je souhaiterais savoir si vous comptez maintenir cette possibilité de vaccination en l’état.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Catherine Deroche, Mme la ministre des solidarités et de la santé partage votre préoccupation.

Je tiens en son nom à réaffirmer que la vaccination est un geste de prévention simple et efficace. Selon l’Organisation mondiale de la santé, elle permet d’éviter deux à trois millions de décès chaque année dans le monde pour les seules maladies de la diphtérie, du tétanos, de la coqueluche et de la rougeole.

Acteurs majeurs de la prévention et du soin, les infirmiers peuvent, sur prescription médicale, vacciner la population générale pour tous les vaccins. Depuis 2008, ils peuvent aussi vacciner sans prescription médicale – à l’exception des primovaccinés et des femmes enceintes – les personnes cibles de la vaccination antigrippale, à savoir les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans et les patients porteurs de pathologies chroniques comme les infections cardio-pulmonaires, le diabète ou l’obésité.

Nous dressons un bilan positif de cette possibilité offerte aux infirmiers. Compte tenu des résultats encourageants enregistrés, Agnès Buzyn a souhaité conduire une réflexion sur l’élargissement des compétences des infirmiers en matière de vaccination, afin de simplifier et d’améliorer le parcours vaccinal d’un plus grand nombre de personnes. Aussi a-t-elle adressé à la commission technique des vaccinations de la HAS, la Haute Autorité de santé, une saisine relative à l’élargissement des compétences des infirmiers et des pharmaciens en matière de vaccination.

Une consultation des ordres des professions médicales sera aussi menée sur le sujet pour aboutir à des propositions concrètes et rapides.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Je vous remercie pour ces précisions, madame la secrétaire d’État.

Il s’agit d’un sujet important : c’est donc une bonne chose que des consultations soient conduites avec les ordres professionnels.

En 2016, la loi de modernisation de notre système de santé a notamment étendu aux sages-femmes la possibilité de vacciner l’entourage et la famille des nouveau-nés au cours de la période postnatale. On verra bien ce que donneront les discussions que vous avez évoquées, mais il s’agit en tout cas, je le répète, d’un sujet important.

situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, auteur de la question n° 356, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

M. Jean-Marie Mizzon. Madame la secrétaire d’État, ma question, qui s’adresse en effet à Mme la ministre des solidarités et de la santé, concerne la situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD.

C’est un sujet sur lequel Mme la ministre s’est exprimée à deux reprises au Sénat en mars et avril derniers. Je l’ai écoutée à chaque fois avec un grand intérêt.

Permettez-moi cependant, madame la secrétaire d’État, de vous interroger à nouveau sur la politique du Gouvernement dans ce domaine, tant il est vrai qu’il s’agit d’une question de la plus haute importance pour nous tous.

La France vieillit. Pour autant, et contre toute attente, la politique de santé publique menée dans notre pays en direction des personnes âgées est quelque peu défaillante. Elle continue notamment à prendre insuffisamment en compte toutes les prévisions démographiques faisant systématiquement état d’un allongement de la durée de vie dans l’Hexagone.

Aussi, et en dépit d’avancées certaines portées par la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, la situation est aujourd’hui particulièrement préoccupante. Le nombre trop réduit d’établissements spécialisés en gériatrie en atteste. Qui plus est, ces établissements sont inégalement répartis sur l’ensemble du territoire, tant en zone urbaine qu’en zone rurale.

En Moselle, plus précisément, les EHPAD font presque partout cruellement défaut et souffrent d’un taux d’encadrement des personnes hébergées insuffisant. En outre, les salariés dénoncent régulièrement la pénibilité de leur travail et l’usure professionnelle. Ils demandent que l’organisation des soins soit revisitée, afin de pouvoir mener à bien leur mission.

Il n’en demeure pas moins que ces établissements sont littéralement pris d’assaut. C’est notamment le cas des établissements implantés dans le Nord lorrain, dont certains disposent d’une unité Alzheimer. Malheureusement, leur capacité d’accueil est limitée : toutes leurs chambres sont aujourd’hui occupées.

Ouvrir un nouvel établissement serait naturellement la solution idéale. Or, du point de vue financier, la création d’un EHPAD représente un investissement important, même dans le cadre d’un partenariat public-privé. Ainsi, l’ouverture d’un nouvel établissement est à l’étude – et toujours seulement à l’étude – à Ars-sur-Moselle, commune qui attend depuis plusieurs années maintenant la construction d’un EHPAD.

Cette situation n’étant pas spécifique à la Moselle, pourriez-vous m’indiquer, madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour pallier le manque dramatique d’établissements spécialisés de ce type ? Ils sont très attendus par de nombreuses communes, comme celle d’Ars-sur-Moselle, qui commence à trouver l’attente trop longue.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Mizzon, je vous réponds en lieu et place de Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Nous sommes face à un véritable enjeu de société. Vous avez raison, nous devons changer en profondeur le modèle des EHPAD en tirant le meilleur parti de ce qui se fait déjà dans les territoires. L’augmentation du nombre de places d’hébergement temporaire est également nécessaire, et nous devons mieux les valoriser financièrement.

L’une des priorités de Mme Buzyn sera de valoriser les personnes qui travaillent auprès des personnes âgées, notamment en orientant les nouveaux contrats parcours emploi compétences vers les EHPAD. Dans la mesure du possible, il faut améliorer le taux d’encadrement dans les établissements, en particulier autour de la dépendance et des soins.

Concernant les démarches pour l’ouverture d’un EHPAD, monsieur le sénateur, vous savez qu’elles sont extrêmement longues. Le lancement d’un établissement de ce type doit répondre à un appel à projets auquel est associé un cahier des charges.

Concrètement, oui, un projet d’EHPAD est prévu dans la commune d’Ars-sur-Moselle. L’Agence régionale de santé Grand Est se tient bien sûr à votre disposition pour travailler et évoquer ce dossier avec vous.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.

M. Jean-Marie Mizzon. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État, même si elle ne me donne pas entièrement satisfaction.

Notre département a un premier problème à régler : le taux d’équipement y est inférieur à la moyenne nationale. Si cette moyenne était atteinte, nous pourrions ouvrir quelque 450 lits.

Notre deuxième problème touche à l’évolution du profil des personnes âgées. Ces dernières présentent un état de santé de plus en plus compliqué à soigner. Or les dotations en soins ne suivent pas, ce qui engendre un manque de personnel et, d’une certaine manière, une forme de maltraitance.

Enfin, le troisième et dernier problème que je souhaitais évoquer concerne le reste à charge, qui est de plus en plus élevé, alors que les départements sont en extrême difficulté et que les familles ne sont pas toujours capables de le supporter.

M. le président. Mes chers collègues, madame la secrétaire d’État, nous avons si bien rattrapé le retard pris qu’il nous faut interrompre quelques instants nos travaux pour permettre à Mme la garde des sceaux de gagner l’hémicycle.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

délais de délivrance des certificats de nationalité française

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, auteur de la question n° 285, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Claudine Lepage. Madame la ministre, en tant qu’élue des Français établis hors de France, je suis très souvent sollicitée pour résoudre des difficultés rencontrées dans le cadre de démarches d’obtention d’un certificat de nationalité française.

Je dois souvent expliquer l’inexplicable aux demandeurs qui m’interrogent sur les délais de procédure. Le service de la nationalité des Français nés et établis hors de France, qui souffre d’un sous-effectif depuis trop longtemps, prévoit des délais moyens de traitement des dossiers d’environ trente-six mois.

En 2014 déjà, des mesures d’urgence avaient été mises en place, et des renforts temporaires accordés. Malgré cela, le retard accumulé n’a manifestement pas été absorbé, puisqu’il faut compter en moyenne trois ans de procédure, au lieu de deux ans.

Cette situation n’est pas acceptable : imaginez la détresse de la personne que l’on informe du temps moyen qu’il faut attendre pour faire reconnaître la nationalité française de son enfant et pouvoir le faire venir en France !

Face à une situation qui ne fait qu’empirer, les usagers du service de la nationalité sont de plus en plus nombreux à nous saisir, mes collègues et moi-même, pour nous faire part de leur inquiétude et même, parfois, de leur détresse.

Par ailleurs, il est prévu que ce service déménage pour s’installer dans les nouveaux locaux du tribunal de grande instance de Paris, ce qui sera positif à moyen terme pour les conditions de travail du personnel, mais risque à court terme de le perturber et, donc, d’allonger encore les délais de procédure.

Ma question est la suivante : des mesures d’urgence comme des mesures pérennes vont-elles être mises en place afin de garantir un réel service public de la justice ? Si oui, lesquelles et, surtout, quand ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Claudine Lepage, plus de 65 000 demandes de délivrance de certificats de nationalité sont enregistrées chaque année dans les tribunaux d’instance. Près d’un tiers des certificats sont délivrés à Paris.

Les délais de délivrance que vous avez relevés, et qui sont effectivement très longs, ont deux explications principales : d’une part, la complexité de l’analyse, qui doit être menée au cas par cas, et, d’autre part, le fait que différents acteurs sont appelés à authentifier le processus de délivrance. Je souhaite revenir sur ces deux éléments qui sont très importants.

Chaque situation est unique ; en effet, pour des questions de sécurité de l’état civil, les textes qui s’appliquent en matière de nationalité ne sont pas rétroactifs. Le texte applicable est donc celui qui était en vigueur lors de la minorité du demandeur.

En ce sens, et en fonction de la date de la demande, un droit très ancien peut trouver à s’appliquer, auquel cas il faut parfois remonter toute une chaîne d’ascendants pour trouver l’ascendant français transmettant sa nationalité et, donc, le droit qui s’applique.

En outre, pour les personnes originaires de territoires devenus indépendants, il faut vérifier les conditions de conservation et de perte de la nationalité française qui ont été fixées par les traités signés lors des indépendances, ce qui peut parfois prendre un certain temps.

Par ailleurs, au sens de l’article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité repose sur celui qui s’en prévaut. Il appartient donc au demandeur de réunir et de déposer les pièces qui sont liées à sa demande. Chaque situation étant unique, je le répète, le requérant se voit par conséquent chargé d’établir une liste de pièces personnalisée. Dès lors que le requérant constitue son propre dossier, il peut omettre de transmettre un certain nombre d’éléments, si bien que le délai de délivrance ne dépend pas toujours des services chargés de la nationalité ou n’est pas toujours maîtrisé par eux.

Les actes d’état civil étrangers qui sont nécessaires au traitement de la demande doivent de surcroît être authentifiés. Ces opérations d’authentification, qui sont conduites sous l’égide du ministère des affaires étrangères – elles ne dépendent donc pas du ministère de la justice – et qui impliquent des vérifications sur place, peuvent également prendre du temps. Comme vous le savez, l’accès à ces actes est plus ou moins difficile selon leur lieu d’établissement, en raison de la géographie ou des conditions de sécurité en vigueur dans le pays.

J’ajoute que certaines erreurs relevées peuvent également faire l’objet de jugements de rectification des actes demandés. Cependant, les preuves doivent être délivrées par l’autorité étrangère compétente et être complétées par la transmission d’un nouvel acte qui porte la mention de la rectification dudit jugement, ce qui explique que les délais puissent être longs.

Le délai moyen de délivrance des certificats de nationalité française masque en fait une réalité très contrastée : certains peuvent être délivrés très rapidement, alors que d’autres, pour les raisons que je viens d’évoquer, le sont dans de très longs délais.

Outre la complexité des demandes et leur nombre, le délai de délivrance résulte également de difficultés qui peuvent être liées à un certain manque d’effectifs dans les juridictions. Cette situation va s’améliorer au cours de l’année 2018 grâce à la diminution significative des vacances d’emplois qui résultera de l’arrivée de plus de mille directeurs des services de greffe judiciaires et greffiers, en cours de scolarité, arrivée qui profitera à l’ensemble des juridictions.

Enfin, vous l’avez vous-même rappelé, la création du tribunal d’instance de Paris et la fusion des tribunaux d’instance d’arrondissement, au mois de juin 2018, ainsi que la mise en place d’un pôle de la nationalité aux effectifs adaptés au traitement de ces demandes, contribueront à l’amélioration de la situation en matière de demandes de certificats de nationalité.

M. le président. Je vous remercie, madame la garde des sceaux, tout en vous rappelant que le temps qui vous est imparti est de deux minutes et trente secondes.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Toutes mes excuses, monsieur le président !

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions.

Pour avoir visité le service de la nationalité, rue du Château-des-Rentiers, à Paris, et pour avoir parlé à son directeur, je suis bien consciente de la complexité des procédures.

Vous l’avez mentionné, le sous-effectif et le turn-over très importants dans ce service sont l’une des principales causes du problème. En effet, les greffiers en place n’y restent pas très longtemps, compte tenu de la charge de travail. Il faut à chaque fois former de nouveaux greffiers, ce qui ralentit encore le processus.

Cela étant, madame la ministre, vous nous apportez comme une lueur d’espoir. Si j’ai bien compris vos propos, à partir de l’année prochaine, on pourrait noter une amélioration grâce à l’arrivée d’un nombre important de greffiers, actuellement en formation.

Néanmoins, je le répète, les procédures suivies par le service de la nationalité sont quelque peu différentes, si bien que les greffiers qui y travaillent doivent bénéficier d’une formation supplémentaire. Ils ont en outre tendance à ne jamais rester très longtemps en poste à cause de la charge de travail inhérente à leur mission.

régime juridique des dons entre partis politiques

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 351, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Jean Louis Masson. Madame le ministre, les différentes modifications législatives intervenues l’an dernier en matière de gestion et de contrôle des partis politiques sont très importantes.

Certains aspects de la législation ont connu des transformations absolument radicales. Évidemment, cette situation pose un certain nombre de questions. Il est donc nécessaire d’apporter une clarification sur les modalités pratiques d’application de cette loi.

La situation est actuellement très obscure. Malheureusement, il est difficile d’obtenir des réponses précises, aussi bien de la part de l’administration que de la part de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la CNCCFP. Les questions écrites adressées au ministre de l’intérieur se heurtent quant à elles à une absence de réponse. Or, quand on n’en reçoit pas, on n’a malheureusement d’autre choix que d’attendre : cela peut durer un an, deux ans, voire beaucoup plus longtemps !

Nous nous heurtons véritablement à des réponses évasives, dilatoires, et qui, bien souvent, ne font qu’indiquer qu’il faut attendre que l’ordre des commissaires aux comptes ait publié un guide de comptabilité. Or la parution de ce guide n’est pas prévue avant la fin de l’année 2018, voire le début de l’année 2019. Pire, rien ne dit que ce guide éclaircira tous les points obscurs de la loi.

En attendant, la loi s’applique à compter du 1er janvier 2018, ce qui crée à l’évidence un vide juridique tout à fait inacceptable.

Madame le ministre, ne pensez-vous pas que l’administration, la CNCCFP, voire le ministre de l’intérieur quand on l’interroge, devraient fournir des réponses précises aux questions qui leur sont posées au sujet des modalités d’application d’une loi adoptée il y a un an ? En l’état actuel des choses, il n’est pas possible d’attendre le début de 2019 pour savoir comment les partis politiques doivent être gérés en 2018 !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Masson, comme chaque année, la CNCCFP a rappelé, par une lettre en date du 13 avril 2018 envoyée à l’ensemble des formations politiques concernées, la définition du périmètre des comptes d’ensemble des partis au regard de l’article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.

Il y est indiqué que « les comptes remis au(x) commissaire(s) aux comptes sont des “ comptes d’ensemble ” constitués », entre autres, « des comptes des entités dans lesquelles le parti exerce un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion ». La CNCCFP précise que, pour déterminer l’existence d’un pouvoir prépondérant, elle a recours à la technique du faisceau d’indices développée par le juge financier et le juge administratif à l’encontre des associations dites « transparentes » ou para-administratives.

Ainsi, la CNCCFP examine si le parti politique est à l’initiative de la création de l’entité, en contrôle l’organisation et le fonctionnement, et lui procure l’essentiel de ses ressources. Dans l’affirmative, elle estime, sous le contrôle du juge, que les comptes de l’entité doivent être consolidés dans les comptes d’ensemble du parti.

Dans ce contexte, et pour déterminer l’existence d’un pouvoir prépondérant, l’aide financière attribuée par un parti politique à un tiers ayant ou non un objet politique, relevant ou non de la loi du 11 mars 1988, sera analysée pour les comptes de l’exercice 2017 au regard de ces différents critères, et non au seul regard de la dépendance financière de l’un envers l’autre.

Enfin, en application du décret du 28 décembre 2017 pris pour l’application de la loi pour la confiance dans la vie politique, le périmètre des comptes d’ensemble des partis pour les exercices ouverts après le 31 décembre 2017 devra inclure les comptes des organisations territoriales affiliées au parti, avec son accord ou à sa demande, ou qui ont participé localement, au cours de l’année considérée, à son activité ou au financement d’une campagne.

À cet égard, conformément aux nouvelles dispositions introduites par la loi précitée, l’Autorité des normes comptables doit établir un projet de règlement dont la version définitive devra être homologuée in fine par le ministre de l’économie et des finances avant la fin de l’année 2018.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Madame le ministre, je suis tout de même un peu surpris de votre réponse !

Alors que la loi a subi tout un tas de modifications, on nous laisse aujourd’hui dans l’incertitude la plus absolue quant à la façon dont les partis politiques doivent être gérés en 2018 !

Vous me répondez qu’à la fin de l’année ou, éventuellement, au début de l’année suivante, on nous expliquera comment il fallait gérer les partis politiques en 2018. Ce n’est pas sérieux, madame le ministre !

Vous venez vous-même de dire qu’il y a deux mois la CNCCFP a publié un récapitulatif – je l’ai lu, d’ailleurs – relatif aux comptes des partis de 2017.

Mais où sommes-nous, madame le ministre ? On publie au début de l’année 2018 un récapitulatif expliquant comment les partis politiques devaient être gérés en 2017 ! Et là, on va publier, à la fin de l’année 2018 ou au début de l’année 2019, une note sur la manière dont les partis doivent être gérés en 2018. C’est invraisemblable ! Ce n’est vraiment pas sérieux !

La moindre des choses, c’est d’être capable de répondre aux questions concernant les nouvelles modalités qui s’appliquent à la gestion des partis politiques en 2018. Il faut que ce vide permanent cesse !

Tout cela est incroyable ! C’est un peu comme si l’on adoptait un texte pénal – puisque vous êtes garde des sceaux – tout en annonçant à nos concitoyens qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent, et qu’on leur indiquera dans un an si ce qu’ils ont fait était légal ! C’est vraiment de la rigolade !

respect de la législation en vigueur sur les « devis modèles » relatifs aux obsèques

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 280, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la garde des sceaux, lorsqu’un deuil survient, les membres de la famille sont éprouvés et, par conséquent, vulnérables.

Ils doivent à cette occasion prendre un grand nombre de décisions en moins de vingt-quatre heures. C’est pourquoi la transparence quant au coût des différentes prestations liées aux obsèques est absolument fondamentale.

Je me bats sur ce sujet depuis de très nombreuses années. Grâce à la loi du 19 décembre 2008, qui est très importante, nous avons enfin obtenu que les entreprises habilitées déposent obligatoirement un devis modèle chaque année dans les communes de plus de 5 000 habitants ou dans celles au sein desquelles elles ont un établissement.

Le ministère de l’intérieur a publié un arrêté en 2010, modifié en 2011, qui fixe les prestations devant figurer dans ce devis modèle. Toutes les entreprises ont donc l’obligation de répondre aux communes et d’indiquer chaque année, en toute transparence, en toute clarté, les prix qu’elles pratiquent pour chaque prestation inscrite dans ce devis, étant bien entendu qu’elles peuvent proposer d’autres prestations, cette faculté ne posant aucun problème.

Or il se trouve que la fédération Familles rurales a mené une enquête, démontrant que cette législation est appliquée par 40 %, seulement, des entreprises. L’UFC-Que Choisir a aussi travaillé sur la question et parvient à un chiffre encore moins élevé.

Il y a donc un véritable problème au niveau de l’application de la loi.

Madame la garde des sceaux, un seul lobby me pousse à intervenir sur le sujet : les familles, éprouvées et, donc, vulnérables. Les entreprises habilitées doivent toutes appliquer la loi et les maires, en vertu de cette même loi, doivent rendre publics tous les devis modèles, en particulier via le site internet de la commune. Il s’agit de permettre aux familles d’avoir des informations comparables, en toute clarté et de manière extrêmement rapide.

Quelles dispositions pensez-vous pouvoir prendre afin que la loi s’applique pleinement ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Sueur, vous évoquez un sujet important, qui nous concerne évidemment tous. Les familles venant de perdre un être cher sont malheureusement amenées à prendre des décisions importantes, dans un temps extrêmement contraint et à un moment particulièrement difficile.

Votre proposition de loi, devenue la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, a incontestablement constitué une avancée très importante. Elle a notamment instauré, vous l’indiquiez, un modèle de devis pour les prestations funéraires.

L’arrêté du 23 août 2010 portant définition du modèle de devis applicable aux prestations fournies par les opérateurs funéraires, qui a été modifié par l’arrêté du 3 août 2011, est ensuite venu définir une terminologie commune, permettant de faciliter la comparaison des tarifs pratiqués par les différentes entreprises de pompes funèbres. Ce modèle de devis est en vigueur depuis le 1er janvier 2011 et il a permis aux familles d’organiser les obsèques de leurs proches dans une plus grande transparence des prix et des pratiques commerciales.

Vous avez également mentionné une enquête publiée par l’association Familles rurales le 1er novembre 2017, selon laquelle 4 entreprises habilitées sur 10, seulement, respectent cette obligation. Comme vous, je ne peux que déplorer ce résultat.

La situation décrite par cette enquête ne peut pas perdurer. L’application de la loi doit devenir effective sur l’ensemble du territoire.

Dans ces conditions, le Gouvernement va travailler à renforcer le dispositif de contrôle du respect de cette obligation, ainsi que le dispositif de sanctions en cas de manquement.

Ces devis étant consultés selon les modalités définies dans chaque commune par le maire, j’ai également souhaité que les représentants des collectivités siégeant au sein du Conseil national des opérations funéraires soient à nouveau sensibilisés sur l’importance de l’application de ces dispositions et qu’ils veillent à faciliter cette mise en œuvre. Ce sera fait dans les prochaines semaines.

Je ne manquerai pas, monsieur le sénateur, de vous tenir informé de l’avancée de ce travail.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie, madame la garde des sceaux, pour les précisions que vous avez bien voulu m’apporter.

J’ajouterai simplement une double remarque.

S’agissant des maires, il va de soi que la loi doit être appliquée et ce n’est pas un effort exorbitant que de veiller, dans chaque commune, chaque année, à ce que les opérateurs agréés ou habilités fournissent leurs devis modèles et que ceux-ci soient diffusés sur le site internet de ladite commune. Une telle disposition n’est pas difficile à mettre en œuvre ; il faut juste bien sensibiliser les élus.

Concernant les entreprises, j’ai toujours insisté auprès des représentants des fédérations d’entreprises du secteur, que je connais bien, sur l’intérêt qu’il y avait à jouer le jeu de la transparence, sur les prix et sur les prestations. C’est vraiment une preuve de respect, la garantie d’un bon rapport avec les familles et d’une bonne réputation auprès d’elles.

D’ailleurs, madame la garde des sceaux, si une entreprise ne respecte pas la loi en matière de devis modèle, il serait naturel que les préfets – et à cet égard, le ministère de l’intérieur peut donner des instructions – retirent ou suspendent l’habilitation. Je vous assure qu’une telle mesure, très simple, aurait des effets très concrets.

conséquences de la contractualisation entre les collectivités territoriales et l’état

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 352, transmise à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Jean-Claude Carle. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les conséquences de la contractualisation entre les collectivités territoriales et l’État.

La loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 dispose que « les collectivités territoriales contribuent à l’effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique ».

Sur le fondement de ce texte, le Gouvernement propose aux collectivités une contractualisation visant à encadrer leurs dépenses de fonctionnement, avec une marge de progression très serrée.

La loi précise en effet que l’objectif national d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités et de leurs groupements à fiscalité propre correspond à un taux de croissance annuel de 1,2 %, appliqué à une base de dépenses réelles de fonctionnement en 2017, en valeur et à périmètre constant, sur les cinq années concernées.

Pour le conseil départemental de la Haute-Savoie, ce cadrage laisse une marge de 7 millions d’euros de dépenses de fonctionnement pour chaque année.

Or notre département connaît, depuis deux décennies, une progression démographique particulièrement forte, de l’ordre de 1,2 %. Plus précisément, ce sont 10 000 habitants supplémentaires que nous accueillons chaque année. Cette hausse engendre mécaniquement des besoins nouveaux significatifs en matière d’accompagnement des usagers sur les compétences départementales – collèges, action sociale, etc.

De plus, je tiens à souligner un point important : la seule prise en charge des mineurs non accompagnés, les MNA, absorbe annuellement une enveloppe de 4 millions d’euros.

Ainsi, l’objectif d’encadrement des dépenses de fonctionnement proposé par le Gouvernement apparaît strictement impossible à atteindre, et ce alors même que le département se montre, depuis plus d’une décennie, exemplaire dans la gestion de ses finances. À titre d’exemple, il respecte un ratio entre le nombre de fonctionnaires territoriaux et la population très inférieur à la moyenne nationale et s’attache à parvenir à un taux d’endettement parmi les plus faibles de France.

En matière de maîtrise des dépenses, un effort considérable a été demandé aux collectivités depuis quelques années, de nouveaux transferts de compétences et de nouvelles charges, pour la plupart non compensées, venant s’ajouter à la baisse des dotations.

En conclusion, alors que le département de la Haute-Savoie atteint pleinement les objectifs de désendettement affichés comme prioritaires par le Gouvernement, il se trouve durement pénalisé par l’exigence qui est lui est faite de financer un volet de la politique migratoire.

Il est nécessaire, à mon sens, de prendre en compte de telles situations et de prévoir des dispositions dérogatoires pour les collectivités, dont le nombre est d’ailleurs limité, qui y sont confrontées.

Je vous demande donc, madame la ministre, de bien vouloir m’indiquer les mesures que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre à cette fin.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Carle, vous appelez mon attention sur le dispositif des contrats de maîtrise de la dépense entre l’État et les collectivités, représentant les deux tiers de la dépense publique locale.

Ce dispositif constitue un axe majeur de la nouvelle relation de confiance que le Gouvernement souhaite établir avec les collectivités, notamment avec les départements. C’est bien dans cet état d’esprit qu’il a été conçu, aux termes d’échanges nourris avec les représentations d’élus. Ces discussions ont permis d’aboutir à un mécanisme prenant en compte les spécificités de chacune des collectivités concernées.

À ce titre, personne ne peut nier que, comme vous le faites remarquer, une augmentation de la population engendre des charges supplémentaires.

L’article 29 de la loi de programmation mentionnée par vos soins permet de tenir compte de ce phénomène. Il ouvre en effet la possibilité d’une modulation à la hausse du taux d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement figurant dans le contrat d’au plus 0,15 point pour les collectivités connaissant une progression démographique marquée.

Le département dont vous êtes l’élu est bien éligible à cette modulation, sa population ayant augmenté, en moyenne, de près de 1,5 % entre 2013 et 2018.

Vous mentionnez par ailleurs la problématique des MNA pris en charge par les conseils départementaux au titre de l’aide sociale à l’enfance. Vous le savez, le Gouvernement est pleinement conscient de l’acuité de ce phénomène et des dépenses qu’il peut entraîner. Des négociations ont eu lieu avec l’Assemblée des départements de France et une solution, je crois, est en train d’être trouvée, portant sur la reprise par l’État du dispositif d’évaluation et sur une participation au niveau du dispositif de prise en charge post-évaluation.

Nous sommes évidemment sensibles aux efforts que les départements doivent continuer d’accomplir dans ce domaine. C’est pour cette raison qu’une négociation a été engagée avec les représentants des départements, en vue d’un accord global sur le financement des allocations individuelles de solidarité, les mesures financières supplémentaires pour les MNA et sur l’application qui peut en être faite en cas d’augmentation de ces dépenses dans les contrats.

Je souhaite enfin vous rappeler que les contrats ne se résument pas à la fixation d’un objectif d’évolution des dépenses de fonctionnement. Les échanges avec le préfet sur l’amélioration du besoin de financement permettront de mettre en lumière les engagements de votre département en matière de bonne gestion de ses finances, de même que des éléments d’explication d’ordre qualitatif – les élus locaux peuvent, s’ils le souhaitent, en faire figurer dans ces mêmes contrats.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je voudrais vous remercier, madame la ministre, pour les précisions que vous avez bien voulu m’apporter. Je pense notamment au rappel de la modulation à la hausse figurant à l’article 29 et au fait que le département de la Haute-Savoie y est éligible.

Par ailleurs, la prise en charge des mineurs isolés représente effectivement une dépense importante pour notre département, du fait de sa situation géographique. Si j’ai bien compris, la négociation est engagée sur ce sujet précis.

Madame la ministre, je suis conscient, comme l’ensemble des élus, de l’effort qui doit être réalisé par les collectivités pour réduire la dette publique, une dette colossale puisqu’elle s’élève à 2 200 milliards d’euros.

Mais sur ce total, 2 000 milliards d’euros sont imputables à l’État et 200 milliards d’euros – seulement, si j’ose dire – aux collectivités. En outre, la nature même de ces montants n’est pas la même : vous le savez comme moi, madame la ministre, la dette de l’État est une dette de fonctionnement, de voilure, tandis que celle des collectivités territoriales est essentiellement liée à leurs investissements.

En étant trop « drastique », allais-je dire, il ne faudrait pas pénaliser ces investissements et, parce que les investissements préparent l’avenir, pénaliser des départements comme celui de la Haute-Savoie, pourtant exemplaire, je l’ai dit, en termes de gestion des finances locales.

charges d’état civil des communes disposant d’une maternité

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, auteur de la question n° 322, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Didier Rambaud. Ma question concerne l’article L. 2321-5 du code général des collectivités territoriales, posant le principe d’une répartition des charges de tenue de l’état civil au profit d’une commune qui accueille sur son territoire un établissement de santé pourvu d’une maternité.

Selon cet article, introduit dans la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRe, par mon collègue député de l’Isère Olivier Véran, les communes dont les habitants ont accouché ou sont décédés dans un établissement situé hors du territoire communal contribuent aux charges de tenue de l’état civil de la commune siège dudit établissement, selon trois critères de seuil. Sont pris en compte dans ce cadre la taille de la commune accueillant l’établissement, le rapport entre le nombre de naissances dans l’établissement et la population de la commune qui l’accueille et, enfin, le nombre de décès ou de naissances imputables, si je puis dire, aux habitants des communes appelées à contribuer aux charges.

Ce dernier critère pose aujourd’hui problème. En effet, la contribution d’une commune est déclenchée à partir d’un seuil, pour une année, de 1 % des naissances ou des décès dans l’établissement concerné.

Après deux ans de mise en œuvre, ce seuil apparaît trop élevé et constitue un obstacle à une juste répartition, permettant à de nombreuses collectivités d’échapper à ce qui devrait apparaître comme une légitime contribution. La commune d’accueil du centre hospitalier supporte ainsi, de fait, une charge très largement supérieure à celle qui devrait être la sienne, eu égard au nombre de ses propres habitants nés ou décédés dans l’établissement de santé.

À titre d’exemple, dans mon département, la commune de La Tronche – 6 900 habitants – accueille le centre hospitalier universitaire de Grenoble. En 2016, près de 3 000 enfants y sont nés et 2 000 personnes y sont décédées. La mairie traite plus de 54 000 actes par an, maintient un service composé de 9 agents, pour une charge budgétaire représentant près de 350 000 euros. Si La Tronche ne devait supporter que les actes induits par les naissances et décès de ses propres habitants, sa charge budgétaire s’élèverait à 6 588 euros !

La commune n’est pas seule dans ce cas. Rien qu’en région Auvergne-Rhône-Alpes, mes collègues de la Loire, avec Saint-Priest-en-Jarez, du Rhône, avec Pierre-Bénite, ou encore de Haute-Savoie, avec Metz-Tessy, pourraient sans doute en témoigner.

Il apparaît dès lors qu’une fixation de ce seuil à 0,1 %, plutôt qu’à 1 %, permettrait une répartition beaucoup plus équitable.

Madame la garde des sceaux, de quelle manière le Gouvernement pourrait-il envisager une modification de cette répartition des charges, par exemple par une réduction du seuil contenu dans l’article L. 2321-5 du code général des collectivités territoriales ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Rambaud, vous évoquez la charge importante que représentent les dépenses d’état civil pour les communes qui sont le siège d’un établissement de santé accueillant un public en provenance de l’extérieur. Vous jugez insuffisante la contribution financière des communes extérieures concernées, fixée par l’article L. 2321-5 du code général des collectivités territoriales.

Cette contribution a été créée par la loi du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

Elle s’appliquait initialement selon les trois critères de seuil suivants : la différence entre le nombre de naissances comptabilisées au sein de l’établissement et la population d’implantation devait dépasser 40 % ; la commune dans laquelle se situait l’établissement devait compter moins de 3 500 habitants ; la contribution financière s’appliquait seulement aux communes dont les habitants représentaient au moins 10 % des naissances ou des décès constatés dans l’établissement.

L’intention du législateur était donc de répondre aux situations exceptionnelles de petites communes situées à proximité de grandes villes et accueillant de grands hôpitaux.

La loi NOTRe a étendu ce dispositif, pour prendre en compte la hausse des charges d’état civil d’un plus grand nombre de petites communes en difficultés financières.

Le plafond des communes éligibles au dispositif a été rehaussé pour englober toutes les communes de moins de 10 000 habitants. Le seuil d’éligibilité entre les naissances constatées dans un établissement et la population d’implantation a été abaissé à 30 %. Enfin, la contribution financière des communes extérieures a sensiblement augmenté, puisqu’elle s’applique à toutes les communes ayant plus de 1 % de naissances ou de décès dans un établissement.

Il semble donc au Gouvernement que, loin d’être marginale, cette contribution est devenue un vecteur réel du financement des charges d’état civil pour les communes accueillant un établissement de santé.

impossibilité pour un policier municipal de consulter les fichiers adéquats

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 261, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Brigitte Lherbier. Je m’adresse à vous, madame la garde des sceaux, mais cette question était effectivement destinée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, et à son ministre, Mme Gourault.

Au cours des dernières années, les missions dévolues par les municipalités à leur police municipale ont eu tendance à s’étoffer, en raison des événements survenus en France et de la menace terroriste qui pèse sur notre pays. Les policiers municipaux ont incontestablement gagné en professionnalisme et assurent une sécurité de proximité indispensable et complémentaire à l’intervention de la police nationale.

Pourtant, ils ont de grandes difficultés à assurer ces missions dans des conditions décentes, car les moyens dont ils disposent sont limités.

Par exemple, lors d’un banal contrôle de vitesse, ils n’ont pas accès au fichier national des permis de conduire – le FNPC – pour s’assurer de la détention effective et de la validité du titre présenté, ni au fichier des véhicules volés – le FVV – avant de procéder à la mise en fourrière d’un véhicule, ni au système d’immatriculation des véhicules – le SIV – pour notifier l’immobilisation ou l’annulation de l’immobilisation d’un véhicule, ni au fichier des personnes recherchées – le FPR –, qui permettrait également de garantir des conditions d’intervention plus sûres, notamment dans cette période de menace terroriste.

Les policiers municipaux sont donc dans l’obligation de faire appel à leurs collègues de la police nationale ou de la gendarmerie pour pouvoir effectuer toutes les vérifications d’usage qui s’imposent, même pour un banal contrôle de vitesse.

Il s’agit incontestablement d’une perte de temps et d’efficacité pour la police nationale, comme pour la police municipale, qui ne dispose pas de tous les moyens indispensables au bon accomplissement de ses missions.

C’est pourquoi de nombreux élus m’ont demandé d’intervenir ce matin. Ils souhaiteraient que l’État puisse revoir sa position concernant l’accès des policiers municipaux à l’ensemble des fichiers qu’ils doivent pouvoir consulter dans le cadre de leurs missions.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Comme vous le savez, madame la sénatrice Lherbier, les fichiers comportant des données à caractère personnel font l’objet d’un encadrement très strict. Bien évidemment, la loi du 6 janvier 1978 doit être respectée, sous le contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés – la CNIL –, mais comme nous l’avons vu ensemble dans cet hémicycle, le droit relatif à ces fichiers s’inscrit également dans un cadre constitutionnel et dans un cadre européen, avec l’entrée en vigueur de nouvelles directives le 25 mai prochain.

Une personne ne peut donc légalement consulter un fichier que si cette consultation est nécessaire et proportionnée à raison de sa fonction.

Dès lors que les policiers municipaux, agents de police judiciaire adjoints, ne disposent pas de la possibilité de réaliser des actes d’enquête, il n’y a pas nécessité de leur ouvrir un accès direct aux fichiers sur lesquels ces actes pourraient notamment se fonder.

Ainsi, au regard des missions dévolues aux policiers municipaux, il n’a pas été jugé nécessaire de leur permettre un accès direct au fichier des personnes recherchées, le FPR. Je tiens à vous rappeler qu’en application des dispositions en vigueur les policiers municipaux peuvent déjà être rendus destinataires, sous certaines conditions, d’informations issues de ce fichier, notamment afin de parer à un danger pour la population.

Pour des raisons similaires, un accès direct des policiers municipaux au fichier des objets et des véhicules signalés, le FOVeS, qui a remplacé le fichier des véhicules volés, n’est pas prévu.

Dans la pratique, les agents de police municipale peuvent avoir accès à un extrait actualisé du fichier en saisissant la plaque d’immatriculation sur leur terminal personnel, afin de savoir si un véhicule est volé ou utilise des plaques aux numéros usurpés avant mise en fourrière.

En outre, le Gouvernement ne peut que vous rejoindre sur la nécessité d’ouvrir aux agents de police municipaux un accès direct au système d’immatriculation des véhicules et au système national des permis de conduire, compte tenu de leurs prérogatives en matière de constatation des infractions au code de la route.

Cette évolution est déjà engagée, puisqu’un projet de décret en ce sens a été préparé par mes services. Ayant fait l’objet d’avis favorables du Conseil national d’évaluation des normes et de la CNIL, il est actuellement en phase d’examen devant le Conseil d’État.

Enfin, je suis sûre que la mission parlementaire en cours sur le continuum de sécurité, portée par les députés Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot, nous apportera un éclairage intéressant sur l’adaptation des conditions d’accès des policiers municipaux à ces fichiers.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier.

Mme Brigitte Lherbier. Merci de cette réponse, madame la ministre, et de cette perspective d’amélioration des possibilités d’action de la police municipale. Pendant des années, j’ai présidé chaque vendredi matin une cellule de veille et de partage d’informations à Tourcoing et très souvent, de tels dysfonctionnements remontaient dans ce cadre : perte de temps, obligation d’avoir recours à la police nationale pour des petits renseignements. Vous nous avez rassurés, vous allez prendre en main cette évolution et tout le monde, je pense, aura à y gagner.

demande d’effectifs supplémentaires dans les commissariats de police de vendée

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, auteur de la question n° 244, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Annick Billon. Madame la ministre, je me permets d’attirer votre attention sur la demande d’effectifs nécessaires dans les commissariats de police de Vendée.

Par un courrier en date du 2 novembre 2017, dont vous avez accusé réception, je vous ai alertée sur les conditions de travail dégradées dans les commissariats de La Roche-sur-Yon et des Sables-d’Olonne.

Le 8 février dernier, vous avez annoncé le lancement de la police de sécurité du quotidien – ou PSQ –, plan quinquennal ambitieux qui vise à construire dans notre pays une société rassemblée et apaisée. En Vendée, la mise en place de cette police de sécurité du quotidien devait conduire à l’arrivée d’effectifs supplémentaires à la gendarmerie de Fontenay-le-Comte, mais rien n’était envisagé pour les commissariats de police des Sables-d’Olonne et de La Roche-sur-Yon.

Or si ces établissements ne sont pas directement concernés par le nouveau dispositif, le besoin de personnel complémentaire n’en est pas moins indispensable.

La Vendée fait partie des 20 départements dans lesquels les extractions judiciaires sont toujours assurées par les policiers. Les évolutions, notamment numériques et contraventionnelles, censées réduire la charge de travail ne sont pas opérationnelles à ce jour.

Mais, surtout, les effectifs de référence sont totalement obsolètes et la situation ne s’arrange pas, avec un nombre de résidents qui continue d’évoluer à la hausse. La carence en personnel se concrétise par des journées à rallonge, des décalages horaires incessants. Le taux d’effectif en arrêt de travail ou en mi-temps thérapeutique atteint 20 % !

Depuis l’annonce du 8 février, la situation a évolué et je vous remercie d’avoir répondu aux attentes du commissariat des Sables-d’Olonne.

Pour que les créations de nouveaux délits soient constatées, comme l’outrage sexiste du projet de loi de la secrétaire d’État Marlène Schiappa, les commissariats doivent être suffisamment dotés en personnel.

Le 2 juillet prochain, la commission administrative paritaire nationale statuera sur les mutations. Une nouvelle fois, madame la ministre, je vous demande de répondre à la souffrance des personnels, en dotant les forces de police de Vendée, notamment de La Roche-sur-Yon, d’effectifs supplémentaires et attendus. Je vous remercie de prendre en compte cette demande, incessante.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Je suis ravie, madame la sénatrice Billon, de trouver dans cet hémicycle, aujourd’hui, un continuum avec les questions qui m’ont été posées, voilà quelques jours, aux Achards, en Vendée.

La sécurité, vous le savez, est une priorité pour ce gouvernement et, en la matière, les attentes des Français sont grandes, qu’il s’agisse de terrorisme ou de délinquance du quotidien.

C’est pourquoi, dans un contexte budgétaire contraint, le Gouvernement a fait le choix de renforcer les moyens matériels et humains des forces de l’ordre, avec, notamment, le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes au cours du quinquennat.

Cette action portera ses fruits en Vendée, j’en suis sûre.

Dans le cadre de la PSQ, la Vendée bénéficie d’un « groupement prioritaire de gendarmerie départementale », qui se verra octroyer des renforts humains spécifiques. Mais la montée en puissance de la police de sécurité du quotidien concerne tout le territoire national : elle s’applique donc dans toute la Vendée, grâce à de nouvelles méthodes reposant sur les stratégies locales de sécurité, couplées à une simplification significative, écrit mon collègue de l’Intérieur, de la procédure pénale à venir – j’en suis d’accord.

Si les effectifs de police en Vendée ont légèrement diminué entre 2016 et 2017, le nombre de gradés et de gardiens de la paix affectés en sécurité publique – ce sont les principaux policiers mobilisés au quotidien sur la voie publique – est, lui, quasi conforme à l’effectif de référence de ce département. On dénombre 153 personnels, pour un effectif cible de 154.

La circonscription de police de La Roche-sur-Yon compte, elle, 125 agents, avec un nombre de gradés et de gardiens de la paix très légèrement supérieur à l’effectif de référence, dont je sais – M. le maire me l’a dit – qu’il est contesté. Quoi qu’il en soit, cette situation sera attentivement examinée lors de la préparation du mouvement de mutation polyvalent 2018, qui aura lieu en septembre prochain.

Quant aux Sables-d’Olonne, cette circonscription compte actuellement 77 agents. Elle va gagner 3 agents supplémentaires d’ici à l’été et parviendra ainsi, à une unité près, à son effectif de référence. J’ajoute qu’un poste d’officier de police judiciaire y a été ouvert au titre du mouvement de mutation dit « profilé » pour une prise de poste au 1er septembre 2018. Comme pour La Roche-sur-Yon, la situation des effectifs de cette circonscription sera réexaminée dans le cadre du mouvement de mutation polyvalent 2018.

Vous pouvez être certaine, madame la sénatrice, qu’en Vendée comme sur l’ensemble du territoire national, tout sera fait pour doter les forces de l’ordre des moyens et des modes d’action qui leur permettront d’être très proches du terrain et d’agir efficacement. Bien sûr, l’implication des élus locaux, dont je peux porter témoignage, sera, elle aussi, l’une des clés de la réussite.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Effectivement, madame la ministre, nous nous retrouvons très peu de temps après votre visite aux Achards. Mais, vous l’avez bien compris, La Roche-sur-Yon conteste légitimement l’effectif de référence. Pour une satisfaction totale des Vendéens, cet effectif de référence ne doit plus être pris en compte et il faut doter, enfin, le commissariat de La Roche-sur-Yon d’effectifs supplémentaires.

J’insiste vraiment sur ce point, car la souffrance est réelle. D’ailleurs, les équipes du commissariat de La Roche-sur-Yon manifestaient lundi dernier devant la préfecture, en présence de M. Luc Bouard, maire de la ville, et de M. le président du département.

Il y a urgence, madame la ministre ! Il y a souffrance ! Merci donc de donner satisfaction à La Roche-sur-Yon le 2 juillet prochain, et à très bientôt en Vendée !

M. Loïc Hervé. Très bien !

remboursement des frais de transport des membres de l’exécutif des intercommunalités

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, auteur de la question n° 277, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Dominique Vérien. Madame la garde des sceaux, je veux à mon tour vous remercier de votre visite dans l’Yonne et de l’écoute attentive dont vous avez fait preuve à notre égard.

À travers cette question, je voulais interroger Mme Jacqueline Gourault sur un problème que rencontrent les élus locaux.

Vous connaissez la crise de vocation qui sévit actuellement chez les élus locaux, notamment en milieu rural. Une réflexion a été lancée sur leur statut et, dans ce cadre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés que rencontrent les présidents et vice-présidents de communautés de communes, faute d’être remboursés de leurs frais de transport au sein des établissements publics de coopération intercommunale – les EPCI – ruraux.

Les modalités de remboursement de ces frais sont actuellement régies par le code général des collectivités territoriales, le CGCT.

Les conseillers d’EPCI ne sont remboursés de leurs frais de transport que s’ils ne touchent pas d’indemnité dans le cadre de leur fonction et si le déplacement a lieu en dehors de leur commune. De fait, les présidents et vice-présidents d’EPCI percevant une indemnité ne peuvent donc pas bénéficier de ces remboursements.

Ces dispositions ne sont pas adaptées à la réalité de notre territoire. En effet, les EPCI ont souvent une superficie très étendue, mais comptent peu d’habitants, ce qui implique des indemnités faibles pour leurs présidents et vice-présidents.

Ma communauté de communes, par exemple, a un diamètre de 100 kilomètres pour 38 000 habitants. Les président et vice-présidents touchent donc un peu plus de 1 000 euros par mois et doivent parcourir des distances considérables pour accomplir leur devoir de représentant communautaire. Leur indemnité est alors uniquement dédiée à leurs frais d’essence, ce qui est contraire à son esprit originel.

Ainsi, madame la ministre, pouvez-vous envisager la mise en place d’un système de remboursement des frais de transport pour les présidents et vice-présidents de communautés de communes sur justificatifs, comme cela existe d’ores et déjà pour les conseillers régionaux ?

M. Loïc Hervé. Très bonne question !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, sur le fondement de l’article L. 5211–13 du code général des collectivités territoriales, les élus des communautés de communes qui ne bénéficient pas d’une indemnité de fonction au titre de leur mandat intercommunal peuvent demander l’indemnisation des frais de déplacement engagés à l’occasion de certaines réunions qui ont lieu dans une commune autre que la leur.

Le législateur n’a pas entendu autoriser le remboursement des frais de déplacement aux élus des communautés de communes qui bénéficient d’une indemnité de fonction. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, le Sénat avait repoussé un amendement qui tendait à leur accorder ce remboursement, après un débat qui avait été particulièrement intense. Les arguments échangés étaient alors les mêmes qu’aujourd’hui.

En revanche, les élus des communautés de communes peuvent, en application de l’article L. 5211–14 du CGCT, être remboursés des frais engagés lors de l’exécution d’un mandat spécial, dans les mêmes conditions que les élus municipaux.

Vous avez raison de souligner la difficulté engendrée par ces règles.

Le Président de la République a annoncé, le 23 novembre 2017, à l’occasion de la clôture du Congrès des maires, son souhait d’améliorer les conditions d’exercice des mandats locaux. Un chantier est consacré à cette thématique dans le cadre de la Conférence nationale des territoires. Il pourra se nourrir des travaux engagés par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, qui a constitué un groupe de travail sur le statut des élus locaux et qui devrait présenter ses préconisations d’ici à l’été 2018.

Ce sera un élément positif pour engager la recherche d’une solution à la difficulté que vous soulevez.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien.

Mme Dominique Vérien. Je vous remercie de votre réponse, madame la garde des sceaux. J’ai également soulevé cette question auprès de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

En zone rurale, le faible nombre d’habitants implique une indemnité de montant lui aussi très faible. C’est d’ailleurs également le cas dans certaines communes. Or le prix de l’essence est, lui, relativement élevé ! Il importe donc de tenir compte des caractéristiques du territoire. C’est un vrai sujet.

J’en profite pour dire que, de façon globale, mais tout particulièrement dans le cadre de la réforme constitutionnelle, la question des distances à parcourir et de la surface du territoire devrait alimenter la réflexion, notamment sur le nombre d’élus locaux.

M. le président. Je vous remercie, madame la garde des sceaux, de votre endurance. (Sourires.)

Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

3

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Discussion générale (suite)

Programmation militaire pour les années 2019 à 2025

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Demande de réserve

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (projet n° 383, texte de la commission n° 477, rapport n° 476, avis nos 472 et 473).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le président, monsieur le président-rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, la France a besoin de ses armées. Elle a besoin d’une défense forte, solide, moderne. Elle en a besoin face à des menaces violentes, diffuses, mouvantes, face à des ennemis indéterminés.

Les Français ont besoin de leurs armées. Elles sont la garantie de leur sécurité, de leur liberté. Elles sont la garantie de notre capacité à être entendus et écoutés.

Le monde dans lequel la France évolue a été décrit avec précision et lucidité lors des travaux de la revue stratégique. Nous en avions débattu dans cet hémicycle, et nous en avions partagé le constat, comme les conséquences.

Le constat est celui d’un monde plus violent, où le terrorisme continue de frapper, où les États reprennent la course aux armements. Un monde où les puissances s’affirment par tous moyens, où les dictateurs gazent leur propre peuple. Un monde instable, où les pratiques changent et les ennemis n’ont parfois ni motivation ni visage, mais continuent de frapper par des actions terroristes toujours plus barbares, y compris sur notre sol.

Face à ce monde, nous l’avions dit clairement, la France doit agir. Elle doit agir en donnant à ses armées tous les moyens nécessaires pour mener à bien leurs missions. Elle doit agir pour répondre à toutes les menaces, être capable d’intervenir sur tous les terrains face à tous les ennemis. Elle doit agir en disposant d’une ambition forte et d’un objectif clair : donner à nos armées des moyens à la hauteur et bâtir un modèle d’armée complet et équilibré.

Nous le devons à nos armées. Nous le devons aux Français.

Ce projet de loi de programmation militaire c’est une réponse : une réponse à l’appel de nos armées. Une réponse à la demande des Français. Une réponse aux menaces qui pèsent sur notre pays.

La loi de programmation militaire 2019–2025 est la première loi en expansion depuis la fin de la guerre froide. C’est le début d’une remontée en puissance historique. En effet, ce n’est pas un projet de loi de programmation militaire ordinaire dont nous débattons aujourd’hui : ce sont les fondations solides d’armées modernes, prêtes, équipées.

Il nous fallait investir massivement dans les armées. C’est ce que fait ce projet de loi.

Le cap fixé par le Président de la République ne pouvait être plus clair : 2 % de la richesse nationale française sera consacré à la défense d’ici à 2025.

Dès l’année 2017, j’ai obtenu le dégel de 1,9 milliard d’euros pour notre défense, permettant ainsi de respecter le budget 2017. L’ensemble des surcoûts des opérations extérieures, les OPEX, ont été couverts en interministériel par des ressources supplémentaires pour le budget de la défense.

Pour cette année, la loi de finances initiale pour 2018 marque la première marche de la remontée en puissance de nos armées, avec une augmentation de 1,8 milliard d’euros de son budget. Concrètement, après des années de baisse continue, l’effort de défense, en pourcentage du PIB, a remonté cette année.

Cette remontée en puissance se poursuit et s’accélère dans le présent projet de loi : 295 milliards d’euros seront ainsi consacrés à la défense sur la période de la programmation.

Certains craignent que ces moyens n’arrivent trop tard. Or, rien que sur la période 2019–2023, ce sont 198 milliards d’euros qui seront investis pour notre défense, soit 23 % de plus que sur la période couverte par la précédente loi de programmation militaire.

J’y insiste, ces moyens sont exceptionnels. Ils sont aussi concrets, puisqu’ils ne reposent sur aucune recette exceptionnelle ou aléatoire, et seulement sur des crédits budgétaires. C’est un projet de loi solide, un projet de loi budgétairement sincère.

Bien sûr, j’entends les craintes. Je pense au surcoût des OPEX et des missions intérieures.

Le Président de la République l’a dit et répété, la provision pour les OPEX et les missions intérieures, bien trop faible ces dernières années, a été augmentée à 650 millions d’euros en 2018, pour être portée à 1,1 milliard d’euros dès 2020.

Parallèlement, ce texte inscrit noir sur blanc que les surcoûts éventuels seront financés en interministériel. Avec cette hausse de la provision, nous atténuons donc l’incertitude dans laquelle se trouvait le ministère concernant les ressources disponibles pour financer les opérations extérieures, qui, in fine, faisait peser un risque sur les crédits d’équipement, trop souvent mis à contribution pour couvrir les OPEX.

Cette décision rend nos budgets plus sincères, comme cela avait été demandé à de nombreuses reprises sur les travées de cette assemblée. Elle empêche que l’incertitude budgétaire puisse faire planer une menace sur les OPEX et les missions intérieures.

Je connais aussi les doutes de certains sur le financement du service national universel. Le Président de la République l’a affirmé plusieurs fois : celui-ci bénéficiera d’un financement ad hoc, indépendant donc du financement des armées. Le texte du projet de loi le prévoyait déjà, et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a choisi de renforcer ces dispositions. Toutes les garanties sont donc réunies.

Je pense, enfin, à l’actualisation de 2021. Elle aussi est une garantie, et non un sujet d’inquiétude. Elle est la garantie de la bonne exécution de la loi de programmation militaire, la LPM. Elle est le gage que nous emploierons les bons moyens pour atteindre l’objectif de 2 % du PIB en 2025.

Déterminer dès aujourd’hui les crédits postérieurs à 2023, c’est risquer de nous tromper, c’est risquer de sous-estimer l’effort nécessaire. Nous le savons, l’enfer est pavé de bonnes intentions. À cet égard, il serait préjudiciable à nos armées que nous manquions l’objectif que nous nous étions fixé, faute d’avoir anticipé parfaitement l’évolution de notre PIB.

Cette actualisation en 2021 est donc une bonne chose. J’en veux pour preuve l’actualisation de la LPM précédente, qui a permis, en 2015, de réajuster les ressources à un niveau plus conforme aux besoins.

À l’inverse, cela permettra d’éviter les promesses non tenues, dès le début de la période, de la LPM 2009–2014. Une actualisation nous aurait sans doute permis d’y échapper.

Je veux le dire à tous : le rendez-vous de 2021 est une bonne chose, une garantie pour l’exécution de ce texte, une garantie pour les 2 %.

Je voulais vous dire que je comprends les craintes, mais aussi votre vigilance. Comment ne pas les comprendre après que tant de sacrifices ont été demandés à notre défense ?

Je sais quel a été le rôle clé du Sénat, en soutien constant de nos armées quand les moyens n’étaient pas au rendez-vous. Depuis longtemps, et au cours de la dernière mandature en particulier, les sénateurs ont porté, en étroite collaboration avec Jean-Yves Le Drian, la défense d’un budget adéquat pour nos armées dans un contexte budgétaire particulièrement contraint.

Ils ont contribué à préserver ce qui devait l’être, avec des ressources inférieures aux besoins, compte tenu du niveau très élevé d’engagement de nos armées. Cela a permis de répondre aux exigences de la défense nationale et aux besoins des femmes et des hommes qui servent pour notre pays. Je tenais à le souligner tout particulièrement.

Ce combat, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez poursuivi depuis un an. Monsieur le président Cambon, vous avez su prendre la mesure de l’importance de ce texte pour notre défense comme pour nos militaires. Vous avez su le porter au-delà des débats politiciens, pour travailler dans le seul intérêt de notre défense et de nos armées. Avec vous, c’est toute une commission qui s’est emparée de cette loi de programmation militaire.

Je tenais à rendre un hommage tout particulier au travail mené en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, un travail qui a montré votre engagement pour notre défense, qui a montré une volonté, votre volonté d’enrichir ce texte pour le bien de nos armées.

Je crois profondément au travail parlementaire et à la coconstruction législative. C’est pourquoi, dans le débat qui s’annonce, je serai particulièrement attentive aux changements réalisés lors de l’examen du texte en commission.

Je ne vais pas égrener les thèmes maintenant – il faut garder un peu de suspense pour la discussion des articles –, mais je peux d’ores et déjà vous dire que je soutiens une bonne partie des apports de la commission, sur le volet programmatique comme sur le volet normatif.

Nous allons investir dans nos armées, et nous allons investir massivement, en termes financiers et humains : d’ici à 2025, 6 000 postes seront créés, notamment dans le secteur du renseignement et de la lutte dans l’espace cyber. Ils permettront d’inverser résolument la courbe des recrutements et de nous préparer aux conflits du futur.

Nous avons donc les moyens. La question qui se pose est celle de leur répartition. Ce projet de loi s’articule autour de quatre grands axes, dont chacun permettra de réparer les carences du passé et de préparer l’avenir de nos armées.

Le premier choix de cette loi de programmation militaire, c’est de se placer à hauteur d’homme. Les précédents textes ont toujours placé en leur cœur les gros équipements ; celui-ci tient d’abord compte de celles et ceux qui se battent pour nous. C’est un choix que j’assume, que je revendique et dont je suis fière.

Depuis des années, les premières coupes budgétaires des gouvernements se faisaient au détriment des petits équipements. On enlevait donc à nos forces d’abord ce qui était le plus nécessaire à leur quotidien.

Nous ne pouvions plus le tolérer. C’est pourquoi ce projet de loi prévoit la livraison de 55 000 gilets pare-balles dernier standard, dont 25 000 dès l’année prochaine. Il prévoit également de livrer, dès cette année 2018, 23 000 nouveaux treillis ignifugés, dont l’ensemble du personnel en OPEX sera équipé dès 2020, et l’intégralité de nos forces d’ici à 2025.

Ce projet de loi de programmation militaire, ce sont aussi de nouveaux droits civiques. Il autorise en effet les militaires à siéger dans les conseils municipaux de certaines communes. C’est une mesure de justice. Il ne s’agit pas de faire de la politique, mais de laisser à des militaires les moyens d’un engagement local et de permettre à toutes les communes – surtout les plus petites – de bénéficier de tous les talents, de toutes les bonnes volontés.

Par ailleurs, ce projet de loi amplifie les mesures prévues dans le plan Famille, dont la plupart des dispositions entreront en vigueur dès cette année. Très concrètement, cela signifie du wifi, des places en crèche, des logements supplémentaires et des affectations connues plus tôt qu’actuellement.

Ce projet de loi donne de meilleures conditions de vie et d’exercice à nos militaires et à nos civils. Il maintient l’envie de s’engager et permet de continuer à vivre son engagement tout au long de sa vie. À cet égard, j’aimerais citer une mesure emblématique : ce texte permettra à tous les militaires, femmes et hommes, en congé pour convenance personnelle afin d’élever leur enfant, de servir dans la réserve et de maintenir ainsi un lien avec leur engagement, leur vocation.

Mme Florence Parly, ministre. Nos forces sont au cœur de ce projet de loi de programmation militaire qui n’oublie pas leur vocation : l’action. Pour leur permettre d’agir, d’agir pleinement et pour garantir le succès de nos opérations, ce texte prévoit un renouvellement majeur de nos capacités opérationnelles et une augmentation des cibles les plus stratégiques.

Nous aurons sans doute l’occasion, au cours du débat, de revenir sur ces cibles et sur l’avancée des principaux programmes. Je ne vais donc pas me lancer dans un inventaire à la Prévert. Je souhaite néanmoins vous dire ce qui a guidé nos décisions, en concertation très étroite avec les armées, les directions et les services, lors de l’élaboration de ce texte.

Certains de nos matériels sont usés, vieillissants, parfois même inadaptés. Leur renouvellement n’est donc pas une option, c’est un impératif absolu.

Réparer et préparer : je l’ai déjà dit, c’est l’une des lignes fondatrices de ce texte. Contrairement aux précédentes lois de programmation militaire, ce projet ne procède à aucune annulation de programme ou renégociation massive de contrats, compte tenu des dernières exécutions qui ont été conformes aux ressources annoncées. Nous allons donc, pour les trois armées, réparer les déficits capacitaires, relancer les programmes et les accélérer.

Pour l’armée de terre, nous allons accélérer le programme Scorpion. Par ailleurs, 50 % des nouveaux blindés médians auront été livrés d’ici à 2025.

La marine bénéficiera de nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque, de nouvelles frégates, de patrouilleurs modernes en plus grand nombre.

L’armée de l’air connaîtra l’arrivée de ses premiers drones armés, le renouvellement de sa flotte d’avions de chasse et l’acquisition de nouveaux avions ravitailleurs et de transport stratégique en plus grand nombre que prévu.

Armée de terre, marine, armée de l’air : aucune impasse n’a été faite. Les trois armées voient leurs capacités renforcées, modernisées et accrues pour les plus stratégiques.

Ce projet assure également le renouvellement de ce qui est en quelque sorte « l’assurance vie » de notre nation que constituent les deux composantes de notre dissuasion nucléaire. C’est le respect de l’engagement du Président de la République et c’est un choix que je revendique, car il n’est pas question de jouer aux dés avec le cœur de la souveraineté de notre nation ni de baisser la garde, alors que notre environnement stratégique se détériore un peu plus chaque jour.

Le troisième fondement de cette loi de programmation militaire, c’est justement la garantie de l’autonomie stratégique de la France. C’est s’assurer que la voix de la France sera toujours entendue, écoutée, respectée. C’est s’assurer que nous serons capables de l’emporter, toujours, partout et tout le temps.

Ce projet de loi de programmation militaire prend donc acte de la métamorphose des conflits actuels. Il nous faut anticiper mieux, prévoir, savoir.

C’est pourquoi cette LPM accorde des moyens exceptionnels au renseignement, avec 1 500 nouveaux postes et 4,6 milliards d’euros d’investissements pour ses équipements.

Ce projet de loi prend aussi le tournant et la mesure des enjeux de cyberdéfense, puisque nous investirons 1,6 milliard d’euros pour la lutte dans le cyberespace et que nous recruterons 1 000 cybercombattants supplémentaires d’ici à 2025.

La France a la plus grande armée d’Europe. Avec ce texte, elle conforte sa place. Je dirais même plus : la France assume sa place. Elle en assume les forces, comme les responsabilités, au premier rang desquelles celle de fédérer, de faire le choix des projets ambitieux, des coopérations à grande échelle plutôt que des succès étriqués.

Nous devrons nous tourner vers nos alliés, en particulier européens, et chercher des projets fédérateurs, stratégiques. Je pense à notre politique spatiale, à notre groupe aéronaval ou à la défense aérienne élargie.

Nos voisins européens sont confrontés aux mêmes menaces, affrontent les mêmes dangers et partagent les mêmes constats que nous. L’Europe de la défense est une réponse collective et nécessaire. Elle ne naîtra pas d’un énième traité. Nous la construirons autour d’opérations communes, autour de projets concrets. Il ne s’agit pas d’un pari sans fondement, d’une déclaration d’intention sans rien derrière : les lignes bougent. Je pense à l’initiative européenne d’intervention, je pense à la coopération structurée permanente. Je pense aussi à cet accord historique que j’ai signé, voilà quelques semaines, avec mon homologue allemande, pour le système de combat aérien futur. Nos deux États se sont mis d’accord pour travailler ensemble sur un projet structurant pour notre défense aérienne. C’est donc le début d’opportunités exceptionnelles pour l’Europe et pour notre industrie de défense.

Enfin, le dernier axe de cette LPM 2019–2025 que j’évoquerai est l’innovation.

C’est une orientation à laquelle je tiens tout particulièrement et c’est, je crois, une nécessité pour conserver notre supériorité opérationnelle. On ne se prépare pas aux conflits du XXIe siècle comme à une guerre de tranchées. S’accrocher coûte que coûte aux équipements ou aux doctrines actuels sans anticiper le futur, c’est comme se retrancher derrière la ligne Maginot.

Aussi, avec cette loi de programmation militaire 2019–2025, les armées font pleinement leur entrée dans la modernité.

Le numérique est présent partout. Nous devons donc l’intégrer dans toutes nos technologies et tous nos modes de combat. Nous devons nous emparer de la recherche, nous placer à sa pointe et créer des ponts entre l’économie civile et l’économie militaire.

Ces enjeux sont déterminants pour nos armées. Ils le sont aussi pour notre économie, pour les 200 000 emplois de l’industrie de défense, pour les 4 000 PME de la base industrielle et technologique de défense. Ils le sont également pour les start-up, pour les inventions qui feront, demain, notre quotidien.

La recherche militaire a déjà inventé internet, le pneu et le GPS, pourquoi s’arrêterait-elle maintenant ? Et pourquoi ces inventions seraient-elles l’apanage des Anglo-Saxons ?

Ce texte nous donne les moyens de réussir. Nous augmenterons les moyens des études et de l’innovation en les portant de 730 millions d’euros par an à 1 milliard d’euros dès 2022. Nous créerons une agence de l’innovation de défense. Nous prendrons le tournant des défis de demain, en investissant, par exemple, 100 millions d’euros par an dans l’intelligence artificielle.

Avec ce projet de loi, nous préparons aussi l’avenir en engageant les phases préparatoires des grands programmes d’armement qui structureront l’avenir de nos armées : 1,8 milliard d’euros par an en moyenne seront ainsi consacrés à ces études qui nous permettront de concevoir le char de combat du futur, le système de combat aérien futur, dont je parlais à l’instant, ou le successeur du porte-avions Charles de Gaulle.

L’innovation, c’est un mode de pensée, un état d’esprit. Avec cette LPM nous pourrons agir comme nous le souhaitons, briser les carcans, troubler les conservatismes. Quatorze chantiers de transformation nous permettront de moderniser le ministère, de le rendre plus numérique, de réformer la DGA – la Direction générale de l’armement – ou d’augmenter la disponibilité de nos appareils en réformant le maintien en condition opérationnelle.

Ces réformes sont nécessaires et je prends devant vous l’engagement ferme de les mener jusqu’au bout et de surveiller leur exécution – comme celle de la loi de programmation militaire elle-même.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’attente de nos armées est forte. Les espoirs des femmes et des hommes qui servent notre pays sont immenses.

Ce texte donne des moyens exceptionnels à notre défense : il permet de renouveler les équipements ; il donne l’opportunité de mieux vivre l’engagement militaire ; il rend nos armées plus fortes, plus prêtes à affronter les défis et les conflits de demain.

Ne nous trompons pas de débat : aujourd’hui, nous ne discutons pas de l’exécution de la programmation – nous aurons ce débat, année après année, lors de l’examen des projets de loi de finances et des projets de loi de règlement. Aujourd’hui, nous discutons d’une programmation qui redonne à notre outil de défense les moyens dont il a besoin pour accomplir l’ensemble de ses missions. Il s’agit de l’avenir de nos armées, de nos militaires, de notre défense.

Alors, donnons-nous toutes les chances et bâtissons, ensemble, une défense forte, moderne et audacieuse. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – MM. Jean-Claude Requier et Raymond Vall applaudissent également.)

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que, chaque jour, de nouvelles menaces font peser des risques inquiétants sur notre sécurité, il était temps de mettre fin à vingt ans d’éreintement de nos armées.

Face à ces menaces, chacun doit faire son devoir. Nos soldats font le leur, de manière admirable, jour après jour, nuit après nuit. Et je souhaite que mes premiers mots soient pour eux et qu’ils entendent l’hommage de notre assemblée des communes de France, qu’ils protègent à travers l’opération Sentinelle, jusqu’aux dunes de sable où, chaque jour, ils subissent les assauts du terrorisme et mettent leur vie en danger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

Chacun doit faire son devoir. Le Gouvernement a fait le sien en donnant à travers ce texte, dont vous venez de détailler les mesures, madame la ministre, les moyens à nos armées d’accomplir leur mission. Votre LPM est indiscutablement marquée par une remontée des crédits et des effectifs, et nous nous en réjouissons.

Faire son devoir, pour le Sénat, c’est évidemment soutenir l’inflexion positive que porte le Gouvernement, mais en contrôlant l’exécution de ce texte et le respect des engagements lourds que vous entendez prendre devant la représentation nationale aujourd’hui.

Permettez-moi de saluer le travail de la commission que j’ai l’honneur de présider et qui a systématiquement privilégié l’intérêt national aux dépens, parfois, des sensibilités de chacun – que ses membres en trouvent ici l’expression de ma profonde reconnaissance –, pour lui permettre de garder le rayonnement que mes augustes prédécesseurs ont su lui donner.

Après la « revue stratégique » qui a identifié les menaces, c’était avec impatience que la commission attendait ce projet de loi de programmation militaire. Nous en avions même fixé le cahier des charges, en mai 2017, dans le fameux rapport de Jean-Pierre Raffarin et Daniel Reiner, intitulé 2 % du PIB pour la défense nationale.

Ce projet de loi comporte à l’évidence de très nombreux aspects positifs. Enfin les moyens remontent ! Après des années d’attrition, de sous-investissement, de surengagement opérationnel, de fermetures de régiments, de suppressions de 50 000 – je dis bien 50 000 ! – postes militaires, nous changeons de registre.

Madame la ministre, vos priorités sont les nôtres : à « hauteur d’homme », régénération de nos moyens, favoriser l’innovation, mettre en avant la coopération… La commission de la défense partage vos ambitions : il faut préserver l’autonomie stratégique, garder un modèle complet d’armée qui maintient la capacité à entrer en premier sur le champ.

Nous approuvons aussi – même si nous aurions aimé davantage – les 6 000 créations de postes ou encore l’accélération sur certains équipements – les blindés médians de l’armée de terre, si utiles au Sahel, avec une meilleure sécurité pour nos soldats, les avions ravitailleurs et de transport, les patrouilleurs, notamment en outre-mer et, bien sûr, la rénovation programmée des deux composantes de nos forces de dissuasion nucléaire.

Mais les parlementaires que nous sommes se doivent aussi de pointer ce qui nous donne moins de satisfaction dans cette loi de programmation et vous dire notre inquiétude face à un certain nombre de fragilités, de lacunes et de paris.

La première fragilité, que nous avons tous perçue immédiatement, réside dans le calendrier des hausses des crédits. Le gros de l’effort interviendra après 2022, avec des hausses de 3 milliards d’euros qui nous paraissent à la limite de la soutenabilité. Madame la ministre, nous avons de sérieux doutes sur cette hausse brutale en fin de période. Les deux tiers des équipements seront mis en œuvre dans le dernier tiers de la LPM.

Le rapport que j’évoquais à l’instant recommandait d’étaler cet effort et de commencer dès 2018, année malheureusement « perdue » pour la défense, à la suite d’une décision dont tout le monde se souvient, en juillet dernier. Il eût été préférable de ne pas rater la première marche de ce difficile escalier.

La deuxième fragilité, au-delà de la clause de revoyure de 2021 sur laquelle vous avez donné votre sentiment, tient au caractère somme toute assez flou des engagements de la LPM.

Certes, il s’agit d’une loi de programmation, mais tout de même : nous manquons de visibilité sur le rythme des livraisons d’équipements ou sur les infrastructures, puisque nous devons nous contenter d’objectifs assez lointains – 2025 et 2030 –, sans les points de passage annuels.

Cette question est d’autant plus cruciale que la LPM ne couvre qu’une partie des besoins. Il manque 1,5 milliard d’euros de crédits d’infrastructures. En 2025, 60 % des installations de la défense, nos casernes notamment, seront « dégradées ».

De même, les recrutements nous paraissent trop faibles et trop lents : 450 recrutements chaque année pour des besoins que nous estimons à 2 500 par an. On est encore loin du compte.

Je veux marquer ici notre inquiétude pour les services de soutien, et particulièrement le service de santé des armées, le SSA. Ils sont éreintés. Je rappelle que les personnels projetés du service de santé des armées sont à 200 % de leur contrat opérationnel. Il en va de même du commissariat aux armées, pourtant essentiel à la qualité de vie en régiment.

Certaines lacunes capacitaires ne seront pas résorbées en fin de programmation. L’« accélération » annoncée ne peut être mesurée précisément d’ici à 2022. Elle sera donc assez modeste.

En 2025, 58 % de nos antiques « VAB » – véhicules de l’avant blindé – seront encore en service, 80 hélicoptères Gazelle des années 1970 auront été prolongés… En 2025 toujours, le drone de la marine sera tout juste commandé. « L’effort sur les petits équipements » ne se concrétisera qu’en 2021.

Enfin, la trajectoire de livraison des avions de transport tactique est, selon nous, assez peu crédible : il faudrait passer de 1,8 appareil par an en moyenne à 6 avions par an à partir de 2026 – voilà qui est assez ambitieux.

Les contrats opérationnels auraient dû être rehaussés, au regard de l’état des menaces. Le risque de surengagement existe donc toujours.

Votre programmation repose sur un autre pari, celui des coopérations capacitaires européennes. Vous avez bien évidemment raison, même si nous avons, ici encore, quelques observations à formuler.

Notre partenaire naturel, c’est le Royaume-Uni. Or il est affaibli à la fois par le manque de moyens et par le Brexit. Nous avons besoin de travailler avec nos amis anglais, mais les conditions sont encore assez difficiles.

Le partenariat avec l’Allemagne repose pour l’instant sur des affirmations politiques, certes volontaristes, qui butent sur une réalité industrielle et opérationnelle quelque peu différente. La coopération franco-allemande autour du futur avion de combat que vous avez évoquée, madame la ministre, devra préserver les intérêts industriels français et le sort des missions que chacun de nos pays exerce. Or les missions de la France ne sont pas toujours, c’est le moins que l’on puisse dire, celles de l’Allemagne…

De façon plus générale, que seront les coopérations européennes sans une préférence européenne pour l’achat des équipements ? Souvenons-nous de ce qui s’est passé en Pologne et aux Pays-Bas et qui se répétera peut-être demain dans des pays plus proches… Espérons que le bon sens l’emporte.

La commission a cherché à concilier ces deux aspects, positif et négatif; de votre texte. Je veux rendre ici hommage à mes dix rapporteurs budgétaires, toutes sensibilités confondues, qui ont énormément travaillé pour présenter des améliorations nous permettant de voter ce texte.

Les amendements apportés par la commission consolident la programmation, et renforcent le contrôle de son exécution, selon cinq axes.

Nous voulons tout d’abord sécuriser les moyens budgétaires. Une loi de programmation n’est pas un projet de loi de finances, nous l’avions tous compris.

La commission a donc voulu protéger les ressources de la LPM par rapport à l’éventuel service national universel. Vous avez pris des engagements solennels dont nous vous donnons acte pour que ce service national universel ne soit financé ni en crédits ni en personnels par les ressources de la programmation militaire. Faute de quoi, la LPM disparaîtrait de facto.

Le Président de la République l’a promis ; vous venez, madame la ministre, de renouveler cet engagement. Le Sénat, croyez-moi sur parole, vous y aidera. Nous serons très vigilants sur ce point, mais vous l’aviez compris depuis longtemps. (Sourires.)

Sur les OPEX, la commission a inclus dans le calcul de leur coût l’usure accélérée du matériel en opération. Le ministère des armées ne paiera pas plus que sa part dans le budget général.

De même, notre commission a enfin fixé le principe d’un retour intégral aux armées des produits de cessions immobilières, soit la coquette somme de 500 millions d’euros sur la programmation. Quand le ministère de la défense vend un immeuble, l’argent de cette vente doit lui revenir. Le principe est assez simple. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Raymond Vall applaudit également.)

Nous souhaitons renforcer le volet « immobilier ». Cette LPM qui s’affiche, à juste titre, « à hauteur d’hommes » ne prévoit pas suffisamment d’améliorations sur le difficile problème du logement des militaires.

Or c’est un enjeu crucial, en particulier pour Sentinelle, dispositif dont nous avons visité avec le président Larcher un centre opérationnel voilà à peine quelques semaines. Il manque en effet plus de 400 logements en région parisienne, ce qui contraint les soldats à faire d’incessants allers et retours.

Pire, la vente à bas prix du patrimoine prestigieux des armées à Paris continue. Nous souhaitons qu’il en soit différemment, et c’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement relatif à la fameuse « décote Duflot », qui doit s’appliquer seulement si 100 % des logements sociaux sont réservés aux militaires. On veut bien que les armées vendent moins cher leurs biens, mais il faut alors que les logements sociaux aillent aux militaires, et n’aient pas pour unique objet de satisfaire une dame qui exerce les fonctions de maire de Paris. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Si vous le souhaitez, nous pouvons discuter de l’îlot Saint-Germain !

La commission souhaite également que la décision de vente d’une partie du Val-de-Grâce soit reconsidérée, au regard des besoins en logement, notamment pour Sentinelle.

La commission a aussi souhaité mieux protéger les droits des pensionnés et des invalides de guerre en réintroduisant, au sein du contentieux administratif, les spécificités des formations de jugement actuelles.

S’agissant de la possibilité pour les militaires de se faire élire dans les communes, sujet qui nous a mobilisés un certain temps et reviendra sûrement en discussion au cours de la soirée, la commission a souhaité porter à 30 000 habitants le plafond au-dessus duquel les militaires en activité ne pourront pas être conseillers communautaires. En effet, le plafond de 15 000 habitants réduisait singulièrement la portée de ce texte. Elle a également supprimé l’interdiction pour les militaires élus dans les communes de moins de 9 000 habitants de participer à l’élection sénatoriale. Ne faisons pas des militaires des conseillers municipaux de seconde classe ! Ils doivent pouvoir exercer leur rôle comme un élu normal. (M. Robert del Picchia applaudit.)

M. Bruno Sido. Parfait !

M. Christian Cambon, rapporteur. Enfin – c’est un point très important –, la commission a voulu accroître les pouvoirs de contrôle du Parlement, dans le droit fil du souhait du Président de la République, qui nous avait réunis à Versailles pour nous demander d’approfondir les procédures de contrôle parlementaire. Nous avons ainsi proposé la transmission d’outils synthétiques pour mieux contrôler, année après année, l’exécution de cette loi. Il s’agit notamment de l’accroissement des pouvoirs d’information de la délégation parlementaire au renseignement, sujet à propos duquel nous aurons sans doute une longue discussion. Bien entendu, nous voulons non pas porter atteinte à la séparation des pouvoirs, mais aligner le contrôle du Parlement français en matière de renseignement sur la pratique de tous les autres pays européens. En Angleterre, ce sont même des organismes privés qui contrôlent les activités des services de renseignement.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Christian Cambon, rapporteur. Quoi qu’il en soit, la commission reste ouverte à la discussion sur ce point, madame la ministre.

Vous le savez comme nous, tout se jouera dans l’exécution ! C’est à sa mise en œuvre que nous pourrons juger si cette LPM était bonne ou pas. Je me tourne donc vers vous : aidez-nous à vous aider,…

M. Christian Cambon, rapporteur. … par le biais du bon accueil que vous réserverez aux amendements que nous avons déposés. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.) Notre commission sera à vos côtés pour que ces engagements soient tenus, car il y va de l’intérêt de la France. Au cas où ils ne le seraient pas, nous serions là pour le dire ! Rien ne serait pire que de décevoir.

Ne vous affolez pas devant la volonté d’un contrôle parlementaire. Mon illustrissime prédécesseur Georges Clemenceau (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.) expliquait de cette tribune que le contrôle parlementaire est indispensable au succès de l’action militaire du gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Jean-Claude Requier et Franck Menonville applaudissent également.)

M. Christian Cambon, rapporteur. Méditons tous ensemble cette phrase.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans ce monde instable, en crise, ces moyens nouveaux, nous les devons à nos armées, à qui je rends hommage une fois encore. Avec ces capacités nouvelles, la France pourra, mieux encore, accomplir sa vocation, celle d’une grande puissance qui, bien armée, sera plus efficace encore au service de la paix. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – Mme Hélène Conway-Mouret applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Françoise Gatel et Michèle Vullien applaudissent également.)

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la ministre, vous venez de qualifier cette LPM de loi de réparation et de préparation de l’avenir. Ce terme de réparation n’est pas neutre : il exprime votre sentiment sur les moyens de nos armées et sur la situation dont vous avez hérité.

Les causes sont bien connues : des moyens encore revus à la baisse par rapport à la période 2009–2014 et une activité opérationnelle dont la durée et l’intensité ont été bien supérieures aux prévisions affichées.

C’est ce qui nous avait conduits à qualifier à plusieurs reprises le budget des armées d’insincère. C’est à l’aune de ce critère de sincérité que la commission des finances a examiné le texte que vous nous soumettez.

Sur le plan des ressources, des progrès incontestables peuvent être relevés : la provision pour les OPEX, sur laquelle je ne reviendrai pas, M. Cambon l’ayant évoquée ; la fin des recettes exceptionnelles improbables ; et une meilleure prise en compte du soutien à l’exportation.

Sur le plan des dépenses, l’effort est également incontestable : création de 6 000 postes, amélioration de la condition militaire, crédits d’équipement majorés permettant le renouvellement de la dissuasion nucléaire, renouvellement de certains matériels, efforts en faveur des infrastructures et meilleur entretien programmé des matériels.

Pour autant, peut-on qualifier cette LPM de totalement sincère au sens budgétaire du terme ? Des points de fragilité, qui sont autant de points de vigilance, méritent d’être relevés.

Le premier, chacun l’a bien à l’esprit, c’est que le gros de l’effort est reporté à la législature suivante et au prochain quinquennat : les crédits des armées augmenteront ainsi de 1,7 milliard d’euros par an jusqu’en 2022 et de 3 milliards d’euros par an à partir de 2023. À charge pour vos successeurs de trouver les sommes nécessaires. Par ailleurs, si les besoins sont bien programmés jusqu’en 2025, les annuités 2024 et 2025 ne sont pas couvertes de manière ferme.

La même logique est appliquée en matière d’effectifs : sur les 6 000 créations de postes prévues, 4 500 sont renvoyées à après 2022.

La question du porte-avions Charles de Gaulle est tout juste effleurée, alors qu’une décision devra être prise avant le terme de cette LPM si nous voulons être prêts pour la date de 2038.

Le deuxième point de vigilance, et non le moindre, c’est que les contrats opérationnels assignés à nos armées sont pratiquement inchangés par rapport à ceux qui étaient inscrits dans la précédente LPM.

Or ces derniers ont été très largement dépassés et rien ne laisse penser que notre engagement puisse diminuer dans les prochaines années, bien au contraire ! Cela signifie, les mêmes causes ayant les mêmes effets, que l’effort engagé permettra sans doute de stopper la dégradation de nos capacités, mais leur régénération n’aura véritablement lieu qu’au cours du prochain quinquennat.

Le troisième point de vigilance, c’est que, à la différence de la précédente loi de programmation, ce texte ne prévoit pas de clause de sauvegarde en matière d’évolution des prix des carburants opérationnels, renvoyant à l’actualisation de 2021. Or le cours du baril de Brent atteint déjà plus de 70 dollars, alors que les hypothèses retenues dans le présent projet de loi s’établissent à 55 dollars.

Le quatrième point de vigilance, qui n’a selon moi pas été suffisamment relevé, c’est que l’équilibre général repose sur des hypothèses d’exportation, en particulier du A400M et du NH90, qui sont loin d’être acquises.

À ce titre, si l’on peut se réjouir d’une volonté de coopération avec nos partenaires, notamment l’Allemagne, les questions de propriétés industrielles et d’autorisation d’exporter, qui ne relèvent pas des mêmes procédures dans nos deux pays, sont loin d’être réglées. Notre industrie et notre souveraineté nationale ne peuvent en faire les frais.

Ces points de vigilance ont fait l’objet d’un travail approfondi entre la commission des affaires étrangères et de la défense, saisie au fond, et notre commission des finances, saisie pour avis.

Les amendements que nous avons déposés et adoptés en commission ne remettent pas en cause la trajectoire budgétaire proposée par le Gouvernement, ni les priorités que vous avez définies. Ils vont tous dans le même sens, à savoir conforter les recettes et en garantir l’usage.

Vous l’avez indiqué il y a un instant, madame la ministre, vous croyez profondément au travail parlementaire. Aussi ne comprendrions-nous pas que le Gouvernement, au Sénat, ou selon une technique maintenant bien éprouvée avec l’Assemblée nationale, les rejette tous, pour revenir in fine au texte initial.

Vous êtes attachée à rétablir et conforter le lien État-Nation. En entendant le Parlement, vous y contribuerez. La fonction régalienne dont vous avez la charge appelle au consensus. Nous y prendrons notre part en votant votre texte, mais vous devez aussi donner des garanties au Parlement que cette loi de programmation sera bien exécutée. Tel est l’état d’esprit dans lequel nous abordons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la LPM 2019–2025 constitue une avancée majeure, qui est appréciée. La France a besoin de ses armées, vous l’avez dit, madame la ministre, et il s’agit de leur donner les moyens de faire leur devoir, pour reprendre l’expression de M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Deux titres extraits du rapport pour avis de la commission des lois résument notre analyse. Voici le premier : « Soutenir les besoins des armées tout en assurant la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ». Notre pays a besoin d’une « remontée en puissance », les dangers géostratégiques, que vous connaissez tous, mes chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, étant considérables. Pour autant, le droit peut être aussi au service de l’efficacité. Une société doit assurer sa sécurité et sa défense en respectant les règles démocratiques. Le couple efficacité-valeurs démocratiques a constitué en quelque sorte le fil rouge de la réflexion menée par la commission des lois, pour ce qui concerne à la fois la sécurité extérieure, la sécurité intérieure, la diplomatie, avec les débats actuels autour de l’unilatéralisme et du multilatéralisme, l’économie – je pense à l’OMC, aux sanctions économiques et aux droits de douane – , la politique, avec la question européenne des valeurs, la conditionnalité des aides européennes en fonction de ces mêmes valeurs, et la montée des nationalismes un peu partout autour de nous.

C’est dire, mes chers collègues, qu’il doit y avoir en toute matière place à une régulation en fonction du droit. L’efficacité militaire n’est pas étrangère aux valeurs démocratiques. Plus ce modèle est mis en cause – reconnaissons-le – aux niveaux mondial et européen, plus il reste notre combat.

Cela me conduit au deuxième titre du rapport pour avis de la commission des lois que j’évoquais il y a un instant : « Une large approbation, des ajustements à la marge ». Une large approbation d’abord. Nous partageons les objectifs de la LPM, qui portera l’effort de la France à 2 % du PIB, comme l’ont fort bien expliqué Mme la ministre et M. le président Cambon. Il serait donc inélégant de ma part d’être redondant.

Je souhaite confirmer l’attention et le soutien de la commission des lois sur l’action en matière de cyberdéfense, articles 19 et 21. Il en va de même sur l’idée de doter les armées des moyens juridiques et opérationnels adéquats, articles 22, 23, 24 et 40. Je pense notamment aux questions concernant les conventions internationales, les règles de prélèvement en matière d’OPEX, et l’adaptation du droit commun aux spécificités de la défense. C’est également tout le travail effectué par le Gouvernement et l’ensemble de l’administration sur le statut, le recrutement, le droit électoral, les marchés publics, la participation, ou le contentieux des pensions militaires et, plus généralement, sur ce que M. le président Cambon appelle une LPM « à hauteur d’homme ».

Après cette approbation générale, j’en reviens au terme d’« ajustements », qui concerne deux points.

D’abord, s’agissant de l’article 19 relatif à la cyberdéfense, le fait de placer, à la demande de l’ANSSI et sous le contrôle de l’ARCEP, des sondes destinées à identifier les virus et les attaques n’est techniquement pas neutre. Il faut l’admettre, il y a là une possibilité d’atteinte à la vie privée. Celle-ci doit être proportionnelle et accompagnée de garanties. Nous vous proposerons donc, madame la ministre, des garanties supplémentaires en la matière.

Ensuite, je veux évoquer l’amendement du Gouvernement visant à introduire un article additionnel après l’article 22 bis, qui traite du contrôle parlementaire en matière de renseignement, que M. le président Cambon a évoqué il y a quelques instants.

Si je ne suis pas supposé parler ici au nom de la commission des affaires européennes, je voudrais toutefois vous dire, mes chers collègues, ayant souvent exprimé devant vous des convictions européennes marquées, à quel point la dimension européenne est importante pour ce texte.

À écouter nos collègues, l’exercice de coopération, en particulier avec l’Allemagne, est plus complexe que je ne le pensais. Je vous souhaite simplement, madame la ministre, de trouver des solutions et de pouvoir ainsi poursuivre une trace permettant aux autres pays européens d’accompagner la France dans un effort ô combien nécessaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. André Gattolin applaudit également.)

Demande de réserve

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Discussion générale

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cambon, rapporteur. Monsieur le président, pour la bonne organisation de nos débats, et comme il est de tradition s’agissant des projets de loi de programmation militaire, je demande le report de l’examen de l’article 2 et du rapport annexé jusqu’à la fin la discussion du texte de la commission, ce qui nous permettra d’examiner d’abord les articles de programmation.

M. le président. Je suis saisi d’une demande de réserve de l’examen de l’article 2 et du rapport annexé jusqu’à la fin de la discussion du texte de la commission.

Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

Mme Florence Parly, ministre. Favorable.

M. le président. La réserve est ordonnée.

Discussion générale (suite)

Demande de réserve
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 1er

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au Front national, nous estimons que ce projet de loi de programmation militaire ne va pas assez loin. (Ah ! sur plusieurs travées.)

Si nous ne le rejetons pas en bloc, nous l’estimons néanmoins insuffisant. De surcroît, nous affirmons qu’il agit en trompe-l’œil, laissant croire qu’une hausse des budgets effacerait le reste des manquements en matière de politique étrangère et militaire du Gouvernement.

Ce que nous affirmons depuis longtemps déjà, c’est que la France doit conserver, ou plutôt retrouver, son indépendance, afin que notre pays puisse avoir sa voix propre dans le concert des nations.

Or force est de le constater, malgré certaines avancées dans ce qui ne reste qu’une projection, la réalité demeure bien éloignée de cet objectif.

Sur le plan financier, le flou, qui n’a rien d’artistique, entourant le financement du budget des OPEX, d’ailleurs largement sous-évalué, n’est plus acceptable. Qui des armées ou de l’interministériel en assumera la charge ? Mystère…

À ce jeu de « la roulette de Bercy », nos armées sont perdantes, car les arbitrages se font au détriment des programmes d’équipements. Or rogner sur ces derniers, c’est jouer avec la vie de nos soldats.

Sur le plan stratégique, nous ne voulons pas d’un alignement aveugle sur les positions des États-Unis. L’OTAN exerce une tutelle trop forte sur la politique de défense française. De ce point de vue, notre réintégration fut une erreur, et elle le reste.

Sur le plan militaire, nous sommes isolés au Mali et notre armée s’y use. Sur le dossier syrien, notre intérêt n’est pas d’affaiblir le régime d’Assad, que nous estimons être un rempart contre le terrorisme islamique, malgré vos affirmations, madame le ministre.

Sur le plan industriel, ensuite, nous dénonçons la stratégie issue tout droit du « macronisme », que l’éphémère ministre de la défense Sylvie Goulard avait décrit en ces termes : « Si nous voulons faire l’Europe de la défense, il va y avoir des restructurations à opérer, à faire des choix, des choix de compatibilité et, à terme, [des choix] qui pourront passer dans un premier temps aboutissant à privilégier des consortiums dans lesquels les Français ne sont pas toujours leaders ».

Vous avez bradé STX à Fincantieri pour moins de 80 millions d’euros. Aujourd’hui, c’est Naval Group qui est menacé. Si nous n’avons rien, bien au contraire, contre des accords bilatéraux, ceux-ci doivent reposer sur des intérêts communs. Cela ne fonctionne pas avec nos partenaires allemands, qui, eux, agissent pour préserver leurs propres intérêts. Comment les en blâmer ?

Nous dénonçons un changement amorcé depuis déjà plusieurs années, celui d’une dépendance mutuelle avec nos partenaires européens, qui se traduira à terme par l’abandon de notre système de défense nationale.

Ce que vous qualifiez d’« efforts financiers » reste cruellement insuffisant. Les budgets annuels de votre LPM sont au-dessous des efforts financiers allemands et britanniques et ne tendront vers les 2 % du PIB qu’en 2025. Il ne peut exister de diplomatie indépendante sans une armée indépendante, sans une industrie nationale d’armement indépendante, sans un gouvernement indépendant.

À la vue courtermiste d’un banquier d’affaires au regard figé sur sa comptabilité, nous préférons quant à nous la vision nationale et historique de souveraineté. C’est l’honneur et l’intérêt de la France de maintenir, comme elle l’a fait tout au long de son histoire, en tout cas jusqu’à un passé récent, une voix souveraine et non alignée.

Nous avons les outils, nous avons l’intelligence, nous avons l’expérience, nous avons les soldats prêts au sacrifice de leur vie, pour que vive la France, et, pourtant, vous vous appliquez à les démanteler un à un.

Au nom de la France, de son armée et de ses soldats, nous ne pouvons l’accepter.

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la revue stratégique de 2017 fait état d’« un monde entré dans une ère de turbulences », comme si, d’ailleurs, il en était un jour sorti ! Hélas, aujourd’hui comme hier, le monde peine à trouver son point d’équilibre.

Quand l’espoir naît d’un côté, il s’évanouit de l’autre. Quand la Corée du Nord semble faire un pas sur le dossier nucléaire, l’accord de Vienne avec l’Iran est fragilisé ! Quand Daech perd du terrain en Irak et en Syrie, l’organisation se dissémine et frappe ailleurs, en Afghanistan ou en Indonésie ! Le Yémen s’enfonce dans la crise et la bande de Gaza s’enflamme de nouveau.

Aussi, dans ce contexte de menaces persistantes, notre pays doit non seulement maintenir, mais aussi renforcer son modèle d’armée. J’ajoute que, en tant que membre du Conseil de sécurité de l’ONU, la France en a le devoir.

Le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 affiche une ambition chiffrée, celle de porter l’effort de défense à 2 % du PIB d’ici à 2025. C’est un objectif qui est largement consensuel ; espérons qu’il sera respecté. À cet égard, le renforcement du contrôle du Parlement sur l’exécution de la LPM prévu aux articles 6 ter et 6 quater est le bienvenu, car nous savons combien la programmation a été malmenée par le passé.

Elle a souvent fait l’objet de quelques « ficelles », qui ont entamé la sincérité budgétaire de la mission « Défense ». Je pense à l’usage abusif de recettes exceptionnelles, à la pratique du « gel » budgétaire ou encore, s’agissant des équipements, au recours aux décalages calendaires ou à la réduction des cibles. S’agissant de l’avenir, une meilleure sécurisation des recettes opérée ici et là dans ce projet de loi permettra peut-être d’éviter certains écueils.

En tout état de cause, les moyens augmenteront sur toute la durée de la programmation, même si l’on peut regretter que l’accélération se fasse seulement à partir de 2022, avec tous les aléas économiques ou politiques que l’on pourrait par avance imaginer.

Le groupe du RDSE approuve en tout cas l’objectif à terme, d’autant que nous savons qu’il garantira aussi notre crédibilité au sein de l’Union européenne. C’est un fait, la sortie du Royaume-Uni, grande puissance militaire, alourdira notre responsabilité au sein de la politique de sécurité et de défense commune.

Vous l’avez dit, madame la ministre, avec cet effort, il s’agit à la fois de réparer et de préparer l’avenir.

Réparer, car, nous le savons tous, mes chers collègues, on observe depuis dix ans un dépassement de 30 % des contrats opérationnels, comme le rappelle régulièrement et publiquement le général Lecointre.

Il s’agit aussi de préparer l’armée aux défis futurs, qui sont nombreux, avec les nouveaux lieux de confrontations que sont l’espace exoatmosphérique ou le cyberespace.

Je m’arrêterai un instant sur la cybersécurité. L’ANSSI a dressé pour 2017 un bilan vraiment alarmant : plus de 2 000 signalements d’événements de sécurité numérique ont été détectés, dont 20 incidents majeurs. Il semblerait en outre que la multiplication des épisodes s’accompagne d’outils de plus en plus sophistiqués et dévastateurs.

Par conséquent, nous nous félicitons du fait que la cyberdéfense constitue l’une des priorités de ce texte. Celui-ci prévoit, sur les 6 000 emplois nouveaux créés, d’en affecter 1 500 à la cyberdéfense.

Par ailleurs, sur le plan normatif, la cyberdéfense est également visée au travers des mesures prévues au chapitre III. L’amélioration des capacités de détection des cyberattaques, avec l’intervention renforcée de l’ANSSI sous le contrôle de l’ARCEP, ou encore le bénéfice du régime d’« excuse pénale » des militaires pour les cybercombattants sont des mesures qui vont dans le bon sens.

Mieux préparer notre armée, vous l’avez dit, madame la ministre, la moderniser, innover, c’est aussi la doter rapidement des nouveaux équipements indispensables sur le terrain, en particulier en OPEX. Je pense tout particulièrement aux drones, qui sont aujourd’hui au centre de tous les dispositifs opérationnels.

Nous savons que l’armée ne peut plus s’en passer et que l’ennemi, même non étatique, utilise depuis quelques années déjà cette technologie, certes à petite échelle. On l’a vu dans la bataille de Mossoul, Daech utilisait contre nos militaires des mini-drones piégés.

Sur le plan industriel, il est bien sûr indispensable d’encourager une solution garantissant une certaine autonomie stratégique. Car l’utilisation des drones dont nous disposons est aujourd’hui étroitement contrôlée.

Au cours de la mission d’information de la commission de la défense du Sénat que nous avons menée, avec mes collègues Cédric Perrin, Gilbert Roger et Jean-Marie Bockel, nous avons pu constater combien la marge de manœuvre de l’armée française concernant ces drones est faible.

Aussi sommes-nous heureux de noter, madame la ministre, que vous avez tenu compte du rapport de cette mission d’information et que vous mentionnez l’affermissement de la coopération européenne en vue de la conception et la mise en service du drone MALE, sans oublier la coopération franco-britannique pour la réalisation d’un drone de combat furtif. Malheureusement, tout cela ne sera effectif qu’en 2030. Les premiers drones ne seront livrés qu’en 2025, soit en fin de LPM.

Mes chers collègues, parce que, derrière les chiffres et les objectifs de la programmation, il y a des hommes et des femmes courageux qui n’hésitent pas à risquer leur vie et parfois même à la donner pour la Nation, je veux souligner les améliorations que ce projet de loi apportera à leur quotidien et leur vie personnelle. Ils le méritent. Tout doit être fait pour qu’ils exercent leur fonction dans les meilleures conditions, car ils honorent la France. Leur engagement est pour nous une forme d’orgueil.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe du RDSE, dans sa grande majorité, après avoir soutenu tous les amendements déposés par la commission, votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi de programmation militaire constitue pour le Sénat un rendez-vous majeur, puisqu’il s’agit de débattre et de voter l’orientation générale de notre défense et l’effort financier qui doit la soutenir, au cours de la période 2019–2025.

Vous l’avez dit, madame la ministre, ce projet de loi donne à l’armée les moyens de son ambition. Notre budget de la défense est passé de 6,2 % du PIB en 1962 à 1,54 % du PIB en 2014. Au lendemain du choc du 13 novembre 2015, de l’intervention Chammal dans l’espace assyrien et à l’heure du renforcement de notre présence au Sahel, l’érosion constante de nos crédits n’est plus acceptable.

Je voudrais donc saluer votre détermination à tout mettre en œuvre pour redonner à notre défense les moyens d’affronter les menaces auxquelles nous devons faire face et pour préparer nos armées aux défis de demain, en portant l’engagement du Président de la République d’atteindre progressivement un effort de défense représentant 2 % du PIB en 2025.

Pour y parvenir, ce projet de loi de programmation militaire prévoit une hausse annuelle de 1,7 milliard d’euros par an jusqu’en 2022, soit de 5 % par an, avant les « marches » de 3 milliards d’euros par an, soit de 7 % par an, à partir de 2023. Au total, l’augmentation atteindra 295 milliards d’euros en 2025.

Toutefois, ce texte n’est pas un simple budget comptable. Il prend enfin en compte nos besoins et les besoins de nos soldats. Pour ce faire, il rompt avec la tendance de ces dernières années de réduction des effectifs. Après les 60 000 suppressions de postes dans les armées françaises entre 2005 et 2015, il est plus que louable que cette programmation vienne apporter un peu d’oxygène à nos armées, en prévoyant 6 000 postes supplémentaires d’ici à 2025, pour porter à cet horizon les effectifs à 275 000 personnes.

Entre 2019 et 2023, il est ainsi prévu d’augmenter de 14 % les dépenses liées aux conditions de travail et de vie du militaire. Je me félicite, madame la ministre, de ce choix de conférer une place prioritaire à l’amélioration de la vie professionnelle et personnelle de nos soldats, alors même que 400 millions d’euros avaient déjà été consacrés au bien-être des familles des militaires dans la dernière loi de finances.

Plus largement, ce projet de loi met en œuvre les trois ambitions définies pour l’horizon 2030 dans le cadre de la revue stratégique d’octobre 2017 : s’adapter, assumer, moderniser.

La première de ces ambitions consiste à adapter notre outil de défense aux évolutions rapides du contexte géopolitique. À cet égard, il est important de tenir compte de l’ouverture de nouvelles perspectives en matière de coopération européenne de développement des armes et des technologies de défense conjointe.

Comme l’a rappelé le Président de la République lors de ses vœux aux armées, « il ne s’agit pas de dupliquer ou de concurrencer l’OTAN, mais de réunir les conditions de l’autonomie stratégique de l’Europe ». C’est en ce sens que la décision de 25 pays de l’Union européenne de lancer une coopération militaire inédite, afin de développer en commun des équipements et des armements, mais aussi de faciliter les opérations extérieures menées, est une décision historique. De ce point de vue, je me félicite des avancées actées à la fin du mois d’avril à Berlin s’agissant de la coopération franco-allemande dans l’aéronautique, sur le système de combat aérien futur.

La deuxième ambition véhiculée par ce projet de loi est de permettre à la France de continuer à assumer les responsabilités particulières qui sont les siennes en matière de sécurité internationale.

Ces obligations entraînent des exigences lourdes : intervenir, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et membre de l’OTAN, dans le règlement de crises hors d’Europe, notamment en Afrique et au Proche-Orient.

Les armées françaises seront capables de s’engager dans la durée et simultanément sur trois théâtres d’opérations ; de ce fait, la provision annuelle au titre des opérations extérieures et des missions intérieures, qui était jusqu’à présent toujours sous-estimée, est rehaussée. C’est là un choix cohérent et bienvenu.

En outre, troisième ambition, ce projet de loi vise à poursuivre la modernisation de notre outil de défense dans un cadre financièrement crédible.

Une enveloppe totale de près de 173 milliards d’euros est consacrée aux équipements et à leur entretien. Le texte accélère leur modernisation, tout en augmentant le nombre de certains équipements prioritaires.

Par ailleurs, face à la course internationale au réarmement atomique, des travaux de renouvellement des deux composantes, navale et aérienne, de la dissuasion nucléaire seront engagés au cours de ce quinquennat, pour un budget de 37 milliards d’euros entre 2019 et 2025.

Ce projet de loi prévoit également, pour préparer l’avenir, le lancement d’études sur le remplacement de notre unique porte-avions, le Charles de Gaulle.

Parallèlement, le budget de recherche & développement est porté de 730 millions d’euros à 1 milliard d’euros par an.

Plusieurs modifications et enrichissements ont été apportés lors de l’examen de ce texte en commission, parmi lesquels un point en particulier nous alerte, à savoir celui qui concerne la délégation parlementaire au renseignement. Mais nous aurons l’occasion, au cours de la discussion de ce texte, d’en débattre plus avant – je n’en doute pas.

Ce projet de loi est l’étape indispensable dans l’accomplissement d’une ambition plus grande encore à laquelle je nous invite : l’ambition de renouer avec une France au cœur du concert des nations, l’ambition d’une France moteur de l’Europe, l’ambition de construire une Europe de la défense. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

(Mme Catherine Troendlé remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons l’examen de ce projet de loi de programmation militaire dans un contexte géopolitique mondial où les conflits n’ont jamais été aussi nombreux. Nous faisons face à des guerres par procuration, des résolutions de l’ONU bafouées, des ingérences militaires multiples, des milliers de morts.

Nos forces armées n’ont jamais été aussi mobilisées que ces dernières années. Toutes les opérations menées ont certes montré la puissance militaire de la France, mais aussi ses limites et ses insuffisances.

Répondre aux difficultés du maintien en condition opérationnelle du matériel ainsi qu’à la dégradation des conditions d’exercice de leur métier par les militaires est le premier défi de cette loi de programmation militaire.

Le texte prévoit une augmentation du budget à hauteur de 2 % du PIB. Cet objectif, décidé lors du sommet de l’OTAN de 2014, m’interroge. Sera-t-il suffisant ou insuffisant, alors même que le Gouvernement entend rogner partout ailleurs le budget de l’État ?

Cela nous interpelle d’autant plus qu’une part non négligeable de ces moyens est mise en œuvre dans le cadre du plan de modernisation nucléaire : 25 milliards d’euros jusqu’en 2023 ; ajoutés aux 12 milliards d’euros de dotations déjà prévues entre 2023 et 2025, soit un total de 37 milliards d’euros sur six ans. Mes chers collègues, c’est démesuré ! Nous sommes loin de la lutte contre la prolifération et pour la diminution des armes nucléaires, ambition pourtant inscrite dans le traité de non-prolifération.

Madame la ministre, il paraît difficile de parler de « modifications à puissance constante » lorsque l’on généralise des missiles de nouvelles générations. La puissance de notre arsenal nucléaire actuel est déjà égale à mille fois celle qui a été déployée sur Hiroshima. Pour ma part, et au nom de mon groupe, je refuse de voir la dissuasion nucléaire devenir une arme de destruction à l’échelle mondiale – nous avons le sentiment que c’est bien là ce qui est en train d’arriver.

Madame la ministre, je connais et j’apprécie votre préoccupation concernant la sécurité de nos militaires – vous l’avez de nouveau exprimée devant nous. Avec mon collègue Jean-Marie Bockel, nous vous avions déjà alertée, lors des discussions budgétaires, sur ce sujet.

Nous le savons : la capacité des troupes françaises à entrer les premières sur un terrain d’opérations extérieures et la sécurité des soldats reposent sur le service de santé des armées, le SSA. Or, depuis le début de l’application de l’actuelle LPM, le SSA a perdu 8 % de ses effectifs. C’est énorme ! J’espère que nos débats permettront de les augmenter, comme vous l’avez souhaité, afin de tenir compte de l’usure qu’a subie ce service ces dernières années.

S’agissant de l’OTAN, le texte prévoit une nouvelle extension des accords signés pour renforcer la présence de la France dans l’Organisation. Madame la ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés que nous rejetions ces dispositions.

Je m’explique : d’un côté, un premier groupe d’États souhaite agir dans le cadre de l’ONU ; de l’autre côté, un second groupe d’États, actant des blocages réels des Nations unies, préférera s’affranchir de l’Organisation plutôt que de mener la réforme de celle-ci.

Certes, le droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité contraint trop souvent de nombreux pays à outrepasser les décisions de l’ONU – nous l’avons constaté. Mais l’alignement de plus en plus fort de la France sur les États-Unis par le biais de l’OTAN pousse notre pays dans le second groupe d’États, ce que nous condamnons vivement.

Face à l’OTAN, nous est proposée dans cette LPM la réalisation d’une défense au niveau européen. Mais cette Europe de la défense se construira-t-elle en parallèle de l’OTAN ou en remplacement de celle-ci ? Cette question nous semble très importante.

Je ne peux omettre, par ailleurs, la question du développement toujours plus grand du commerce des armes, qui représente déjà 30 % de la production.

Malheureusement, cette LPM s’inscrit dans la continuité d’une politique visant à rechercher l’équilibre de la balance commerciale par l’exportation d’armes. Permettez-moi de citer quelqu’un que vous admirez tous, ici, à savoir Ban Ki-moon, qui alertait sur la nécessité que « les États parties prenantes du traité sur le commerce des armes montrent l’exemple en contrôlant l’approvisionnement en armes d’acteurs qui pourraient les utiliser en infraction au droit international humanitaire. »

Madame la ministre, je vous invite à suivre, avec autant de célérité que sur d’autres sujets, la position du Parlement européen, qui consiste à refuser l’exportation s’il existe un risque manifeste que la vente d’armes serve à commettre des violations graves du droit humain. Exemple édifiant : celui du Yémen, où des armes françaises ont été utilisées, et sont peut-être toujours utilisées, contre la population civile depuis des années.

N’oublions jamais que les armes causent des souffrances immenses et multiplient les risques d’un embrasement général.

Mes chers collègues, le tableau n’est toutefois pas totalement sombre. Ainsi, je me félicite des efforts faits en matière de recrutements sous statut. La prise en charge des réservistes reste perfectible, mais va dans le bon sens, tout comme le renforcement du maintien en condition opérationnelle et des garanties en termes de matériels individuels et de zones d’entraînement.

Malgré ces améliorations, que nous avions souhaitées et qui étaient attendues par nos forces armées, nous déplorons le renforcement de l’arme nucléaire, qui va bien au-delà, selon nous, de la simple dissuasion, ainsi que les nouveaux accords avec l’OTAN. C’est, entre autres éléments, à cause de ces derniers points que la majorité de mon groupe émet de très grandes réserves sur cette loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Richard Yung applaudit également.)

Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord avoir une pensée pour les femmes et les hommes engagés dans les missions qui leur sont confiées en France et dans le monde pour assurer notre sécurité, saluer l’ensemble de nos forces armées, rendre hommage aux blessés et à ceux qui ont perdu la vie au service de notre pays. J’ai une pensée particulière pour toutes les femmes qui font de notre armée la plus féminisée d’Europe après l’armée norvégienne.

Cette LPM s’inscrit malheureusement dans un contexte sécuritaire sous tensions : tensions internes, puisque la France reste sous une menace terroriste constante – les événements du 12 mai dernier dans le quartier de l’Opéra, à Paris, l’ont une nouvelle fois montré ; tensions externes liées à cette menace terroriste, mais également à beaucoup d’autres : la piraterie, le retour des États-puissances, l’effondrement de certains États, les conséquences du réchauffement climatique.

Devant ces menaces, les moyens des forces armées doivent non seulement être consolidés, mais également relevés. Les différentes opérations militaires en cours appellent une progression du budget, afin de permettre à nos soldats de réaliser leurs missions dans les meilleures conditions de sécurité possible.

Ainsi, il faut renforcer et moderniser les équipements et les installations de nos armées. Cela sera réalisable grâce à la présence sur nos territoires d’un tissu de dix grands groupes industriels et de près de 4 000 PME.

Cette industrie de défense est un fleuron national qui tire l’ensemble de notre économie vers le haut, notamment par les emplois créés qui ne sont pas délocalisables. Maintenir notre puissance et nos capacités d’action, c’est aussi garantir que notre industrie de défense continue d’être un secteur clé de notre économie.

Le volontarisme affiché par le Gouvernement devrait permettre aux industriels de la défense de produire davantage. Mais il ne faudrait pas que la planification 2019–2025, dont la part la plus importante des dépenses interviendra après 2022, reste modeste en début de programmation et nous mette en position d’infériorité dans le paysage de la Base industrielle et technologique de défense en cours de composition.

La Direction générale de l’armement pourrait être tentée d’être précautionneuse lors de la phase transitoire de relèvement du niveau des autorisations d’engagement, grippant ainsi le système, et notamment les carnets de commandes des industriels.

Cette LPM présente des perspectives positives pour les forces armées, avec la confirmation d’une hausse des crédits et la volonté d’accélérer certains programmes pour chacune des trois armées : Scorpion pour l’armée de terre, MRTT pour l’armée de l’air, le renouvellement des patrouilleurs pour la Marine nationale, programmes qui ont déjà connu, malheureusement, quelques reports.

L’enjeu essentiel de ce projet de loi réside aussi dans la confirmation de l’intention politique de consolider notre autonomie stratégique tout en renforçant nos partenariats au sein du continent européen. C’est un des fils rouges du rapport annexé. Si l’intention est louable, il nous faudra demeurer prudents et réalistes sur la capacité collective des Européens à cheminer ensemble. Nos cultures militaires sont différentes et les analyses stratégiques, souvent divergentes, ce qui n’exclut évidemment pas des convergences.

La prise de conscience est là – la coopération structurée permanente et la mise en place du Fonds européen en témoignent –, mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres, en matière de réalisations.

Passé les annonces et l’excellente communication qui les entoure, je souhaite revenir sur un certain nombre de points qui sont, à ce stade, autant d’interrogations.

Le premier est un constat : cette loi de programmation militaire est la treizième, et ses orientations s’inscrivent dans une forme de continuité avec ce qui a été décidé par le président Hollande en 2015, quand avait été annoncée une remontée en puissance de notre défense par le gel de la baisse des effectifs et par la stabilisation des crédits.

Le deuxième point concerne la trajectoire financière. Lors des nombreuses auditions menées au sein de notre commission, les militaires et les industriels ont unanimement salué l’augmentation des budgets et des effectifs inscrite dans la LPM 2019–2025.

Cependant, derrière cette augmentation, les premiers doutes se font jour. Comme pour les ressources financières – cela a été dit avant moi –, sur les 6 000 emplois promis, trois sur quatre sont envisagés pour le prochain quinquennat. Et si leur fléchage vers les secteurs du renseignement et de la cyberdéfense ou vers la protection des points sensibles nous semble pertinent, ceux qui sont dédiés aux exportations nous interpellent.

Par exemple, nous nous interrogeons sur les 400 postes fléchés prioritairement sur les exportations, alors que les moyens consacrés au recrutement, à la formation, à la santé, ne sont pas suffisants et mériteraient d’être renforcés.

En outre, madame la ministre, il serait utile que vous nous précisiez le reste des affectations prévues, et que vous nous disiez pourquoi la montée en puissance de ces effectifs ne se fait pas de manière continue à partir de l’an prochain – nous proposons d’ailleurs que tel soit le cas.

Nous comptons sur vous pour la mise en œuvre d’une gestion exemplaire des ressources humaines de nos armées.

Troisième point d’inquiétude : cette LPM abrite en son sein de réelles fragilités, liées à une trajectoire budgétaire surprenante.

Pour répondre aux ambitions affichées par le Gouvernement, l’effort reposera sur une trajectoire budgétaire dont la moitié sera réalisée après les élections de 2022. Or le budget alloué dépendra de la croissance future et de la situation des finances publiques. Néanmoins, les investissements militaires ne peuvent se faire au détriment d’autres domaines régaliens.

Autre lacune : les infrastructures sont fragilisées par une répartition des crédits peu opportune. Il aurait fallu, là aussi, un effort plus régulier ; en l’état, comme l’a rappelé le président Cambon, à l’horizon 2025, 60 % des infrastructures de la défense seront dégradées, voire inutilisables.

Concernant les équipements, les lacunes capacitaires ne seront pas résorbées d’ici à la fin de la programmation, et nombre d’entre eux n’auront pas pu être rénovés.

Cette loi de programmation militaire, au budget important, contient donc plusieurs faiblesses que nous ne pouvons occulter et auxquelles nous serons attentifs chaque année lors du vote du budget.

La commission a adopté la LPM en raison de la remontée en puissance des moyens annoncés pour sécuriser les ressources de nos armées. L’enjeu, pour nous, parlementaires, sera de nous assurer de la réalité de ces moyens et de contrôler la bonne application des dispositions de ce texte.

Grâce aux nombreux amendements portés notamment par les commissaires de la commission des affaires étrangères et par mes collègues du groupe socialiste et républicain, nous avons sanctuarisé les crédits de la LPM, affirmé le rôle du Parlement, renforcé le volet immobilier, simplifié les processus d’acquisition, préservé les droits des pensionnés et invalides de guerre, précisé les dispositions relatives aux incompatibilités liées à l’éligibilité des militaires en activité.

La triste réalité est qu’aujourd’hui seule la moitié du matériel militaire est utilisable. De nombreux parcs d’équipements souffrent d’une faible disponibilité – je pense aux hélicoptères de type Gazelle ou aux véhicules terrestres de type VAB – en raison d’une maintenance déficiente, d’une usure accélérée engendrée par la multiplicité des engagements, ou, simplement, parce qu’ils sont trop vieux.

En conséquence, nous avons adopté en commission des amendements visant à la modernisation des équipements de nos forces.

Concernant l’innovation, la commission a permis un assouplissement du cadre juridique des achats d’équipements, pour permettre une diffusion plus rapide et moins coûteuse de l’innovation.

Dans le domaine du renseignement, le texte issu de la commission nous semble garantir une meilleure association du Parlement dans son rôle de contrôle, pour un partage efficace des informations.

Parallèlement, pour ce qui est de la cyberdéfense, la commission a adopté à l’unanimité des amendements relatifs au contrôle parlementaire des communications électroniques et au durcissement des amendes en cas de non-transmission des données à l’ANSSI, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, par les opérateurs.

Nous avons aussi obtenu que soit garantie la constitutionnalité des mesures de la LPM en matière de cyberdéfense.

Autre sujet d’importance : la question de l’immobilier. Les commissaires socialistes ont fait adopter un amendement tendant à garantir un effort financier important en faveur de la politique immobilière jusqu’en 2023. Cela permettra l’amélioration des conditions d’exercice du métier, via celle du logement des militaires et de leurs familles.

Nous souhaitons désormais, dans le cadre du débat en séance publique, renforcer encore la priorité affichée par votre gouvernement, madame la ministre, à savoir faire de cette LPM une loi à hauteur de femmes et d’hommes pour maintenir un modèle d’armée complet.

Enfin, je défendrai à titre personnel, avec certaines et certains de mes collègues, des amendements en faveur de la lutte contre les discriminations et pour la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans nos armées. Je présenterai également des amendements visant à consolider le service militaire volontaire et son ouverture à l’ensemble des jeunes Français, y compris ceux qui résident à l’étranger, ainsi que des amendements visant à accompagner nos PME.

Nous avons abordé la LPM non pas comme un exercice purement comptable, mais comme un texte ayant vocation à protéger les Françaises et les Français. Embrassant les défis stratégiques et technologiques qui s’imposent à nous, les effets induits par les progrès technologiques qui y sont dessinés pourront se traduire par des applications civiles – il est ici important de le rappeler, dans la mesure où l’effort financier de cette programmation militaire repose sur les contribuables.

Contrairement à ce qui s’était passé pour la revue stratégique, nous sommes associés à l’élaboration de ce texte, ce qui nous permettra de jouer notre rôle de parlementaires.

Nous soutenons l’augmentation des crédits et des effectifs contenue dans cette LPM.

Nous saluons également l’ambition européenne de ce texte. Nous restons favorables à une réelle coopération militaire européenne jetant les bases d’une véritable autonomie stratégique.

Nous serons donc à vos côtés, madame la ministre, pour faire en sorte que cette trajectoire budgétaire soit respectée et que les avancées européennes se concrétisent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Richard Yung et Pierre Louault applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

M. Jean-Louis Lagourgue. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté par le Gouvernement formalise un engagement pour la défense de notre nation sur les sept prochaines années. Cet engagement est ambitieux – cela a été rappelé –, mais il est également nécessaire.

Il est nécessaire pour faire face au spectre des menaces identifiées par la revue stratégique de 2017 : la lutte contre le terrorisme, bien sûr, mais aussi le retour de la compétition stratégique, la complexité croissante des armements et l’émergence de nouveaux espaces de conflictualité, comme le cyberespace et l’espace exoatmosphérique.

Il est nécessaire pour réparer les dégâts d’une décennie de déflation, qui a mis en péril notre modèle d’armée.

Il est nécessaire pour que nous assumions notre responsabilité de modernisation de la dissuasion nucléaire et de défense de nos intérêts nationaux en tous lieux.

Cette loi de programmation militaire doit faire converger enfin l’ambition et les moyens destinés à nos armées.

Mais la question de sa soutenabilité se pose inévitablement : il faudra de la vigilance et de la ténacité politique pour la faire appliquer.

L’exécution des précédentes lois de programmation militaire a montré que de bonnes intentions peinent parfois à se traduire dans les faits. Pour vous aider à réussir une telle traduction, madame la ministre, sous l’impulsion du président Christian Cambon, notre commission a voté des amendements pour sécuriser le financement des dispositions de cette loi et exclure l’encadrement du service national universel de son périmètre.

Je souhaite évoquer maintenant la partie normative de la loi sous le prisme du programme 212, composante essentielle de cette loi de programmation militaire.

En matière de politique immobilière, d’abord, vous avez fait un pas vers davantage de sincérité.

Mais nous devons aller plus loin : il faut sécuriser le retour au ministère des armées de l’intégralité de ses produits immobiliers et aménager enfin la décote « Duflot », qui est une catastrophe financière pour ledit ministère, dont le patrimoine est un véritable atout pour notre effort de défense. C’est une ressource essentielle. Il est temps de cesser de la brader.

J’en viens aux ressources humaines. Le projet de loi prévoit une augmentation nette de 6 000 équivalents temps plein sur la durée de la programmation. C’est très en deçà des 50 000 emplois supprimés depuis 2008, mais les priorités des affectations, la cyberdéfense et le renseignement notamment, sont cohérentes.

Le lancement d’un plan Famille a également été une heureuse décision. Nos soldats et leurs familles méritent un tel plan, alors que depuis dix ans ils subissent la dégradation de leurs conditions de vie, de travail et de sécurité, couplée à un engagement opérationnel toujours croissant.

Pour faire face à cette situation, vous avez voulu, madame la ministre, mettre cette loi de programmation militaire « à hauteur d’homme ». L’accent a été mis sur les petits équipements, les infrastructures et le maintien en condition opérationnelle. La reconversion des militaires dans la fonction publique est facilitée ; les contraintes pesant sur l’éligibilité des militaires sont allégées.

Je souhaite par ailleurs évoquer la reconnaissance due à nos vétérans et aux soldats morts en opération.

S’agissant des premiers, la réforme du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est une nécessité désormais reconnue, qui doit préserver la singularité du droit à réparation prévue par le code actuel.

Concernant les seconds, nous souhaitons que le Gouvernement se penche enfin sérieusement sur la possibilité d’attribuer la mention « Mort pour la France » aux militaires déployés dans le cadre des opérations intérieures comme l’opération Sentinelle. Mon groupe déposera une proposition de loi en ce sens.

Mes chers collègues, cette loi de programmation militaire était celle de la dernière chance pour un modèle d’armée au bord de la rupture.

Plus encore, cette loi de programmation militaire est une composante du redressement national, tant il existe un pacte séculaire entre la grandeur de la France et la grandeur de ses armées.

Sans méconnaître le chemin qu’il reste à parcourir, le groupe Les Indépendants votera en faveur de cette cinquième loi de programmation militaire, probablement la meilleure dont nous ayons eu à connaître depuis au moins vingt ans.

Pour conclure, je souhaite féliciter et remercier chaleureusement l’équipe des collaborateurs de la commission des affaires étrangères, pour l’excellence de son travail de préparation de nos débats. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Sa compétence est essentielle…

M. Jean-Louis Lagourgue. … dans un moment où nous avons tous collectivement le privilège et la responsabilité de préparer notre pays à relever les défis de l’avenir et à affronter les tumultes du monde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Éric Gold applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Allizard.

M. Pascal Allizard. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la loi de programmation militaire 2019–2025 intervient dans un contexte international tendu, tant aux pourtours de l’Union européenne qu’au Moyen-Orient ou en Asie. Nous sommes loin de la « fin de l’Histoire » annoncée par certains analystes il y a trente ans.

Ces crises mal anticipées ont amené les armées à être engagées très au-delà de leurs contrats opérationnels, accélérant l’usure des matériels et des hommes, obérant les temps de repos ou de formation des personnels. Il apparaît peu probable qu’il en soit autrement demain, tant les foyers ardents de crise sont nombreux, les acteurs divers et imprévisibles. Se maintenir à ce niveau d’engagement me semble difficile ; aller au-delà serait hasardeux, voire dangereux. Personne ne peut dire de quoi demain sera fait ; c’est bien là la difficulté posée par cette LPM, qui renvoie l’essentiel de l’effort à des échéances plus lointaines.

J’aborderai d’abord le programme 144, à propos duquel je m’attacherai au point, essentiel, des études amont. Mon appréciation, en la matière, est nuancée : le projet de loi – il faut le souligner – comporte un élément positif, à savoir l’augmentation des crédits d’études amont, mais celle-ci s’inscrit dans un contexte très flou.

Cette hausse prévue de 37 % est bel et bien significative et correspond aux attentes de notre commission, exprimées l’année dernière, bien qu’on puisse toujours se demander si l’accélération des efforts de recherche des autres pays n’est pas plus forte encore.

La vitalité de notre base industrielle et technologique de défense repose de façon importante sur ces crédits d’études amont. Ainsi, dans le cas de grands acteurs industriels présents dans le monde entier, ces crédits contribuent de façon importante à l’attractivité de notre pays comme lieu de localisation des centres de recherche.

À l’autre extrémité de l’échelle industrielle, la question de l’accès des PME et des ETI, ou entreprises de taille intermédiaire, à ces crédits d’études amont est tout aussi cruciale, compte tenu, d’une part, du rôle qu’elles jouent dans l’innovation et, d’autre part, des difficultés d’accès aux financements bancaires, notamment liées aux règles de « compliance ». Madame la ministre, les banques préfèrent financer des applications pour mobiles que les PME de la défense ; c’est un problème sur lequel nous devrons nous pencher.

Au chapitre des études amont, j’ouvre une parenthèse pour rappeler l’importance de celles qui portent sur le projet du futur porte-avions. Je ne m’appesantirai pas sur l’opportunité de se doter d’un nouvel outil de projection de puissance – le déploiement du groupe aéronaval au Levant en a démontré toute la plus-value opérationnelle. Cela étant, compte tenu des délais, les études doivent être lancées au plus vite pour permettre au Président de la République de trancher à l’horizon 2020–2021.

Je ne débattrai pas ici de l’opportunité d’un éventuel service national universel, ou SNU, mais j’insiste – cela a été fait précédemment – pour que sa mise en œuvre ne soit pas réalisée, ni en crédits ni en personnels, sur les ressources de cette LPM.

Par ailleurs, dans un monde où la prolifération progresse de manière inquiétante, notre dissuasion, dans ses deux composantes, doit rester la garantie ultime de notre sécurité. Tout ajustement budgétaire inconsidéré entraînerait une perte de nos capacités opérationnelles, sur laquelle il serait quasi impossible de revenir ultérieurement.

Sur les grands équipements, cette LPM prévoit des commandes permettant un renouvellement des moyens et un rattrapage, parfois lent, de certaines des lacunes capacitaires, comme pour les avions ravitailleurs, mais ne laisse guère de marge et renvoie à des échéances éloignées. Encore faut-il aussi espérer qu’il n’y ait pas de difficultés après l’entrée en service des équipements, comme ce fut le cas pour l’A400M ou certains véhicules des forces spéciales.

Par ailleurs, je ne voudrais pas que, à trop vouloir montrer le principal, on en oublie l’accessoire, tout aussi indispensable. Ce renouvellement ne doit pas occulter la problématique des munitions, en particulier des munitions « complexes », pour lesquelles les dotations devront être suffisantes pour couvrir les opérations et l’entraînement. De même, si la LPM prévoit bien la modernisation des avions de patrouille maritime, il conviendra d’éviter les tensions sur les bouées acoustiques, essentielles dans la lutte anti-sous-marine, notamment pour la surveillance de nos approches.

Depuis plusieurs années, assurer pleinement notre souveraineté sur notre zone économique exclusive, ou ZEE, est devenu un défi. Les évolutions du parc de patrouilleurs étaient plus que nécessaires. Au regard des espaces considérables de ZEE à surveiller, les mailles du filet resteront larges. Imagine-t-on un seul camion de pompiers pour couvrir la superficie d’une région comme la Bretagne ou ma Normandie ?

Madame la ministre, nous devons préserver nos intérêts économiques, lutter contre les prédations sur la ressource halieutique, le sable et les autres richesses du sous-sol, et peut-être également demain défendre de vive force nos territoires lointains.

Les ressources humaines constituent un autre point favorable abordé par la loi de programmation. Beaucoup a été demandé aux personnels de la défense, dans un contexte de déflations massives et de recrudescence des engagements. Nous saluons tous ici leur dévouement. Ne plus avoir à acheter eux-mêmes certains de leurs effets, pouvoir prendre leurs congés ou réussir leur reconversion, ce sont autant d’attentes légitimes des militaires. En outre, ces derniers ne sont pas des citoyens de seconde zone. Par conséquent, il me semble nécessaire de ne pas poser d’incompatibilités trop restrictives entre leurs fonctions et certains mandats locaux.

Dans cet avenir incertain, beaucoup d’espoirs sont placés dans la coopération européenne, qui permet mutualisation et économies, au moment où la sophistication des équipements tire les coûts vers le haut. Gardons-nous toutefois de tomber dans l’excès de confiance. Il faudra plus que des déclarations d’intention et des moyens comptés pour contrer les mastodontes de la défense que sont les entreprises américaines et la montée en puissance des pays émergents.

Ce nouveau « paradigme » ne doit dissimuler ni les écueils ni les résultats parfois mitigés en matière de coopération européenne. La convergence des doctrines, l’harmonisation des expressions de besoins et l’alignement des calendriers opérationnels sont des conditions du succès des coopérations, mais se révèlent difficiles à obtenir. Il faudra aussi s’entendre jusque sur les mots, car, en matière d’industrie de défense, la France pense « défense », alors que l’Allemagne pense « industrie ». Dans un partenariat industriel, ces divergences d’appréciation peuvent conduire à de graves désillusions. Pour simplifier, l’Allemagne produit et vend, tandis que la France tire et paye ! (M. Jean-Marc Gabouty sourit.) Cette asymétrie n’est pas viable durablement. Au final, si les coopérations sont mal conduites, elles aboutissent à des retards et des surcoûts.

Au-delà des rapprochements, de la coopération, c’est aussi vers davantage de solidarité entre Européens qu’il faudra tendre.

Pour conclure, dans une époque marquée par une multiplication des tensions et du terrorisme, alors que les vastes espaces de plus en plus contestés sont à surveiller, nous avons besoin d’un outil militaire moderne et dimensionné pour assurer notre sécurité.

Cette loi de programmation est une étape, certes, positive, mais de nombreuses incertitudes persistent. Il en faudra sans doute davantage pour aborder l’avenir plus sereinement. Au final, madame la ministre, j’espère que vous saurez entendre les observations du Sénat et retenir ses propositions, dans l’intérêt même du monde combattant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Goy-Chavent et M. Jean-Marc Gabouty applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cigolotti. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Olivier Cigolotti. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de programmation militaire dont nous commençons l’examen ce jour marque la fin d’une décennie d’érosion qui a abouti à des pertes d’effectifs importantes.

Ce texte conjugue avec le nécessaire renouvellement des équipements des armées la volonté de maintenir notre pays comme l’un des acteurs majeurs en matière de défense, en prévoyant de doter nos armées de matériels au meilleur niveau technologique et en nombre suffisant.

C’est donc une LPM de remontée en puissance, mais également de défis. En effet, elle doit, en alliant budget et stratégie, instituer, d’une part, la dissuasion en enjeu majeur et, d’autre part, assurer la protection de notre territoire national, dans un contexte de menace terroriste permanente et de retour d’une rhétorique de puissance à l’échelon international.

Cette loi de programmation militaire couvre la période 2019–2025, avec deux séquences : une première, de 2019 à 2022, avec un budget en hausse annuelle de 1,7 milliard d’euros ; puis, une seconde, de 2023 à 2025, avec une augmentation du budget des armées qui atteindra 3 milliards d’euros par an.

La trajectoire est ambitieuse, mais elle peut apparaître douteuse après 2022, certes pour des raisons politiques, mais également par l’absence de trajectoire financière pour les infrastructures et par le manque de visibilité concernant les échéances de livraison de matériel.

En ce sens, notre groupe Union Centriste a souhaité déposer un amendement ayant pour objet d’inviter le Gouvernement à réaliser avant le 1er janvier 2021 une actualisation de la revue stratégique de défense et de sécurité nationale, afin d’évaluer les mutations stratégiques à la date de cette actualisation.

Notre travail en commission nous a d’ores et déjà permis de revenir sur de nombreux sujets. Je pense notamment à la question de la durée d’autorisation d’absence octroyée aux salariés des entreprises de plus de 200 salariés au titre de leurs activités de réserve.

À la quasi-unanimité, nous avons ramené ce congé à huit jours, contre les cinq qui sont actuellement en vigueur, et au lieu des dix jours souhaités par nos collègues députés. En effet, ce passage à dix jours n’a jamais été sollicité, ni par les réservistes eux-mêmes, ni par les associations qui les fédèrent, ni par le ministère des armées, ni par le secrétaire général de la Garde nationale.

Notre commission a également réintroduit à l’article 32, au sein du contentieux administratif, les spécificités des formations de jugement actuelles, et a précisé à l’article 36 les conditions de détermination des pensions militaires d’invalidité.

Notre groupe veillera pendant les débats à ce que les droits des blessés et pensionnés soient préservés.

Je souhaite aussi souligner les modifications apportées à l’article 5, afin de garantir que toute extension du service militaire volontaire, ou SMV, s’effectue avec des ressources supplémentaires par rapport à celles qui sont consacrées à la LPM. En effet, ce dispositif pourrait être amené à monter en puissance, dans le cadre du service national universel – SNU– voulu par le Président de la République.

Madame la ministre, j’insiste sur ce point : l’extension du SMV ou la naissance du SNU ne doivent en aucun cas se faire au détriment des moyens dévolus à la défense proprement dite et aux objectifs initiaux. Un certain nombre de rapports ont d’ailleurs été réalisés sur le sujet.

Je souhaite enfin évoquer le pari des coopérations capacitaires européennes.

Le rapport de la Cour des comptes sur la coopération européenne en matière d’armement publié en avril 2018 présente un bilan peu encourageant et souligne que « la plupart des grands programmes en cours ont rencontré des succès technologiques parfois remarquables, mais aucun n’a atteint la totalité des caractéristiques militaires espérées et n’a respecté son calendrier ».

Alors que le Royaume-Uni est affaibli par le Brexit – cela a été souligné – et que le partenariat avec l’Allemagne repose aujourd’hui plus sur une affirmation politique que sur une réalité opérationnelle, la situation est extrêmement fragile et inquiétante. C’est un sujet, madame la ministre, qu’il conviendra d’aborder en profondeur avec vous.

L’effort particulier du projet de loi dans le domaine du renseignement doit être salué, puisqu’il est susceptible de fédérer des partenaires autour de la France, tout en contribuant à l’autonomie stratégique européenne.

De nombreuses questions pourraient être abordées : la réflexion sur le dispositif Sentinelle ; le patrimoine immobilier sur la ville de Paris ; le risque de suractivité qui pèse sur les armées ; et bien d’autres…

Je laisserai le soin à mon collègue Gérard Poadja, sénateur de Nouvelle-Calédonie, d’aborder les spécificités de cette LPM qui concernent les outre-mer, et notamment la zone Pacifique.

À travers les amendements que mes collègues et moi-même défendrons, le groupe Union Centriste s’efforcera d’enrichir ce projet de loi, mais porte dès à présent un regard très favorable sur le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Fabienne Keller et M. Hugues Saury applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin.

M. Cédric Perrin. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères et de la défense, cher Christian, mes chers collègues, la préparation et le vote d’une loi de programmation militaire sont des moments importants du quinquennat. Il s’agit de définir l’avenir de la défense nationale, donc de la sécurité du pays dans un contexte géopolitique marqué par une instabilité chronique.

À l’heure en effet où les grandes puissances s’affranchissent du système onusien en rejetant le multilatéralisme, il est primordial que la France puisse assumer matériellement et humainement la responsabilité inhérente à son rang de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

Cela ne semble possible que si la défense française reste crédible. Pour cela, nous devons fixer et atteindre des objectifs permettant de préserver notre indépendance stratégique.

Avant de poursuivre mon propos, permettez-moi de remercier tout particulièrement le président Cambon pour sa constante implication et sa volonté de travail collectif. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Pierre Louault et Bernard Cazeau, ainsi que Mme Hélène Conway-Mouret applaudissent également.)

Le travail de notre commission a permis de compléter le texte du Gouvernement, mais aussi de donner des moyens de contrôle au Parlement, alors même que l’on sent poindre, parfois, une certaine défiance à son encontre.

Nous avons ainsi créé les articles 6 quinquies et 6 sexies pour être en mesure de vérifier l’état d’avancement et le suivi des livraisons d’équipements. Je me réjouis, madame la ministre, que nos amendements aient permis de progresser sur ces sujets et que nous convergions vers un dispositif. L’amendement que vous nous proposez pour donner le point de passage de la trajectoire d’équipement en 2021 est très important pour le suivi de l’exécution de la LPM.

Sur les grands équilibres de la loi, M. Cambon a très bien résumé la situation : l’inflexion et les intentions sont louables, mais les aléas, nombreux.

Les risques sont bien présents. Ils pèsent sur l’outil de défense, qui, je le rappelle, ne peut souffrir de ruptures capacitaires, sous peine de subir des décrochages irrattrapables.

Conscients de ces enjeux, nous constatons avec satisfaction que vous affichez la volonté de faire progresser les crédits de la mission « Défense » de 9,8 milliards d’euros entre 2018 et 2023. De 34,2 milliards d’euros, ces crédits devraient être portés à 44 milliards d’euros. Mais quid des 3 milliards d’euros aussi attendus que nécessaires pour les années suivantes ? Seront-ils au rendez-vous en 2023 ?

Les années 2024 et 2025 feront l’objet d’une actualisation prévue en 2021. Or c’est sur ces deux années qu’une partie significative de l’effort devra être concentrée pour porter les ressources des armées à un montant correspondant à 2 % du produit intérieur brut.

En définitive, 67 % seulement des besoins sont couverts de manière ferme. Les tableaux de trajectoires financières sont clairs : les deux tiers de l’effort interviendront après l’élection présidentielle de 2022.

Le volet que vous appelez « à hauteur d’homme » est profondément fragilisé par l’insuffisance des crédits d’infrastructure. Il manque 1,5 milliard d’euros. En 2025, 60 % des infrastructures de la défense seront considérées comme « dégradées ». Comment préparer l’avenir dans ces conditions ?

J’en viens maintenant à la part consacrée aux équipements, qui représente 112,5 milliards d’euros sur la période 2019–2023, soit 22,5 milliards d’euros par an en moyenne, contre 18,3 milliards d’euros en 2018.

Cela devrait permettre certaines livraisons anticipées, tel que le programme Scorpion pour l’armée de terre.

La Marine nationale devrait bénéficier de nouveaux sous-marins nucléaires – vous l’avez dit –, de FREMM et de FTI d’ici à 2025. L’armée de l’air bénéficiera de nouveaux avions ravitailleurs, de drones et d’avions de chasse nouveaux, vingt-huit Rafale, ou rénovés, par exemple des Mirage 2000 D. Le nombre d’avions ravitailleurs et de transport stratégique est porté de douze à quinze appareils d’ici à 2025 et une livraison des douze premiers exemplaires sera achevée dès 2023.

Toutefois, de nombreuses inquiétudes persistent. Le projet de loi que vous nous proposez ne comble pas les lacunes capacitaires. Certaines ne seront même pas résorbées en fin de programmation.

En 2025, 58 % des véhicules des VAB seront encore en service ; 80 hélicoptères Gazelle atteindront les quarante ans de service ; seuls 50 % des chars Leclerc auront été rénovés, et leur parc réduit de 17 %.

Madame la ministre, pensez-vous que ce soit suffisant pour prétendre jouer un rôle décisif dans la lutte contre le terrorisme ? Est-ce au niveau, à l’heure où la Chine, la Russie et les États-Unis poursuivent une politique d’investissement qui nous donne le vertige ?

Mes chers collègues, on ne peut pas aborder les problématiques d’équipements sans revenir un instant sur les procédures d’acquisition de matériels. La réforme de la DGA et l’allégement des requêtes pour les achats en plus petite quantité sont des points positifs.

Par ailleurs, et comme dans de nombreux domaines, il apparaît clairement que la France a, une fois encore, surtransposé le droit européen, alors même que la directive 2009/81/CE avait été négociée, pour l’essentiel, sous présidence française de l’Union. C’était l’objet de l’amendement à l’article 26, défendu par ma collègue Hélène Conway-Mouret et par M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères et de la défense. Le Gouvernement souhaite revenir sur cet apport, et je le regrette vivement. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais je tiens d’ores et déjà à vous indiquer que nous ne comprenons pas votre position sur ce point, madame la ministre.

Je souhaite également attirer votre attention sur l’importance de la régénération des matériels. Les opérations extérieures, ou OPEX, et le maintien en condition opérationnelle, ou MCO, sont intrinsèquement liés. Les 22 milliards d’euros consacrés à l’entretien programmé des matériels, soit un montant annuel moyen de 4,4 milliards d’euros, sont bienvenus. C’est 1 milliard d’euros supplémentaires par rapport à la LPM précédente.

L’autre défi tient à l’anticipation et à la gestion de l’usure de ces matériels. Cette question est très importante, et il faut travailler main dans la main avec les industriels. Je tiens à saluer l’amendement qui a été adopté par la commission des finances sur proposition de notre collègue Dominique de Legge concernant ce que l’on appelle « les liasses ».

Acheter du matériel, c’est bien ; mais s’assurer de la propriété pleine et entière des modes d’emploi, c’est mieux !

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances. C’est vrai !

M. Cédric Perrin. Cette LPM annonce l’inflexion d’une dynamique très négative. Depuis plus de vingt ans, les dividendes de la paix nous ont incités à baisser la garde ! Cette LPM nous redonne l’espoir de revenir au niveau qu’exige aujourd’hui la sécurité de la France. Mais nous sommes inquiets quant à la date effective des investissements, qui se concrétiseront pour beaucoup après 2023.

L’ennemi de la LPM – chacun le sait –, c’est Bercy. Aucune des dernières LPM n’a été appliquée conformément au vote du Parlement. Le rôle du Sénat doit consister à contrôler sa bonne mise en œuvre. Je sais, madame la ministre, votre investissement personnel et celui de votre cabinet pour défendre cette LPM. Il nous appartient désormais de vous aider à l’appliquer conformément à nos ambitions à tous, dans l’intérêt de nos armées et de la France.

Dès lors, soyez sûre que nous serons au rendez-vous à chaque examen budgétaire, chaque année, mais aussi dès que nous le pourrons, pour vérifier que nos armées disposent des moyens nécessaires à leurs missions. La France ne peut plus se contenter d’effets d’annonce en ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Michèle Vullien et Sylvie Goy-Chavent, ainsi que M. Raymond Vall applaudissent également.)

M. Christian Cambon, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Poadja. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Gérard Poadja. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme l’a indiqué Olivier Cigolotti, je concentrerai pour ma part mon propos sur la politique de défense outre-mer, en particulier dans le Pacifique.

Ainsi que l’a rappelé l’Assemblée nationale, les outre-mer français et les zones économiques exclusives qui leur sont rattachées constituent un enjeu stratégique majeur pour la souveraineté de la France.

Il faut veiller au renouvellement des équipements matériels et permettre aux militaires d’exercer au mieux leurs missions dans cette zone.

Ce projet de loi a pour ambition de renouveler les capacités opérationnelles et les équipements des armées, notamment par la livraison pour 2025 de six patrouilleurs dans les outre-mer.

Je me félicite de cette modernisation annoncée, mais j’ai une inquiétude.

Madame la ministre, vous avez indiqué que les deux patrouilleurs assurant actuellement la surveillance de la zone économique exclusive de la Nouvelle-Calédonie seraient retirés du service actif en 2020. Or les deux nouveaux patrouilleurs devraient être livrés à l’horizon 2021–2022. Comment la surveillance de nos eaux territoriales va-t-elle être assurée durant cet intervalle ? Il serait inconcevable de laisser notre espace maritime en proie aux pillages pendant une ou deux années. Sans patrouilleurs, la souveraineté de la France dans le Pacifique serait mise à mal.

En outre, cette LPM veut améliorer les conditions de travail de nos militaires. Or nous devrions avant tout réduire les inégalités qui persistent entre les militaires métropolitains et ceux qui viennent d’outre-mer et du Pacifique.

Les hommes et les femmes de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna s’engagent avec la même ferveur, le même courage et le même dévouement que tous les militaires. Pourtant, ils ne peuvent pas prétendre à une prime spécifique d’installation lorsqu’ils sont affectés en métropole. Ils ne bénéficient pas non plus des congés bonifiés, et ils font état d’un réel manque d’accompagnement lorsqu’ils ont besoin de se réorienter professionnellement. Je crois que nos discussions devraient aussi porter sur la réduction de ces inégalités.

Le Président de la République a affirmé, lors de sa récente visite en Nouvelle-Calédonie, sa volonté de construire un axe indopacifique fort. Le Pacifique doit donc être pleinement intégré à notre politique de défense. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Raymond Vall applaudit également.)

M. Christian Cambon, rapporteur. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai bien entendu vos interventions. Je vous suis très reconnaissante d’avoir tous choisi d’exprimer d’abord des convictions sur le fond. Je pense que ce texte et nos armées le méritent.

Ce dont il est question, c’est notre capacité à agir et à nous projeter sur un certain nombre de théâtres de plus en plus difficiles et incertains. Comme je vous l’ai indiqué, je pense que cette loi de programmation militaire sera encore meilleure parce qu’elle aura été travaillée collectivement.

Dans ce contexte, certains propos qui ont été tenus ne me semblent pas de mise dans cette assemblée, monsieur Ravier.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il est parti !

Mme Florence Parly, ministre. Ce n’est pas grave ; je réponds même aux gens qui sont partis ! D’ailleurs, sur la forme, je trouve son absence encore plus choquante !

Je comprends que le parti de M. Ravier ait un problème avec cette loi de programmation militaire. Plus exactement, j’ai compris en lisant un certain nombre de tribunes que le Front national n’y souscrivait pas. Et je m’en étonne ! Voilà un parti politique qui se présente souvent comme le parangon d’une défense forte. On ne peut donc qu’être surpris de l’opposition de ses représentants à une augmentation du budget des armées de plusieurs milliards d’euros par an, à de meilleures conditions de vie et d’hébergement pour nos soldats, au renouvellement des programmes d’armement, et j’en passe. Je crois que cela méritait d’être rappelé devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste. – MM. Raymond Vall et Robert del Picchia applaudissent également.)

Les autres interventions ont parfaitement reflété, je le crois, cette forme de balancement que j’évoquais dans mon propos liminaire entre la nécessaire prise en compte des besoins de nos armées et un certain nombre de craintes rappelées de manière très explicite par les orateurs.

La prise en compte de la nécessité d’agir pour nos armées me paraît parfaitement partagée par votre assemblée. Comme je l’ai indiqué, je comprends les craintes, dans la mesure où le Sénat a vécu des périodes difficiles au cours des dernières années ; nos armées aussi, d’ailleurs…

Je comprends donc parfaitement votre souci de vigilance quant aux moyens qui seront consentis au fil des années dans le cadre de la LPM, votre désir de bien contrôler l’exécution du texte et votre souhait que vos capacités de contrôle soient renforcées.

Je voudrais tout de même rappeler quelques points, en complément de mon propos introductif.

D’abord, le temps des sacrifices est révolu. Cette loi de programmation militaire ne crée pas, contrairement à ce que j’ai pu entendre dans un certain nombre des propos, de « mur budgétaire ». Je souhaite revenir un instant sur cette notion.

Il n’y a pas de « mur budgétaire ». Nous avons fixé un objectif : consacrer 2 % du PIB à notre défense en 2025. L’objectif est, en effet, très ambitieux, mais nous sommes déterminés à l’atteindre. D’ailleurs, nous n’avons pas attendu la loi de programmation militaire 2019–2025 pour engager cela.

Comme je l’ai rappelé tout à l’heure, l’exécution 2017 s’est finalement déroulée conformément à la loi de finances initiale. En outre, la loi de finances initiale pour 2018 a procédé à un premier effort tout à fait significatif, de 1,8 milliard d’euros de plus qu’en 2017. C’est tout à fait en ligne avec l’ampleur des progressions qui auront lieu à partir de 2019. En considérant la situation de manière dynamique, on ne peut pas dire que l’ensemble des efforts sont renvoyés à la dernière partie de la loi de programmation militaire.

Mais quelques chiffres valent mieux qu’un long discours. Entre 2019 et 2023, la progression annuelle des moyens tels qu’ils sont prévus dans cette loi de programmation militaire est, en moyenne, de 5,6 % ; c’est d’ailleurs ce que nous avons fait entre 2017 et 2018. Entre 2023 et 2025, elle devrait être de l’ordre de 7,3 % par an. Certes, me direz-vous, cela fait 1,7 point de plus. En effet. Mais 1,7 point de plus, cela ne change pas fondamentalement la magnitude de l’effort qui sera réalisé.

C’est donc une marche qui me paraît parfaitement franchissable et réaliste au regard de l’ambition qui est la nôtre. En tout cas, elle est beaucoup moins raide que certains veulent bien l’indiquer.

Je souhaite revenir sur l’intérêt de l’actualisation prévue en 2021. Comme je l’ai souligné, il s’agit d’une assurance que cette loi de programmation militaire sera exécutée conformément à son ambition. Qui peut dire ici avec certitude et sans erreur quel sera le PIB de 2025 ? Personne, je suppose ; en tout cas, pas moi. Je ne voudrais pas que cette LPM, qui se donne les moyens d’atteindre cet objectif, manque la dernière marche simplement parce que nous ne sommes pas capables aujourd’hui de convertir en milliards d’euros ce que seront en 2025 le PIB et, par conséquent, les 2 % du PIB consacrés à notre défense. Encore une fois, ne voyez pas cela comme un risque. C’est au contraire une assurance que nous nous donnons collectivement et que le Parlement, je crois, se donne aussi, à travers ce rendez-vous si important. D’ailleurs, l’article 6 vous permet de bien surveiller cette exécution de la LPM, d’en corriger des variations comme il conviendra.

J’insiste également sur une autre caractéristique de ce projet de loi de programmation militaire : les hypothèses budgétaires qui ont été retenues sont solides et sincères.

Je l’ai dit, il s’agit exclusivement de crédits budgétaires fermes. Cela n’exclut évidemment pas qu’il y ait des ressources exceptionnelles, lesquelles viendraient, le cas échéant, par surcroît. À l’inverse, si elles ne devaient pas exister, cela ne déstabiliserait pas de façon structurelle la bonne exécution du présent texte.

Ces ressources exceptionnelles représentent la possibilité de faire mieux, de faire plus vite. Pour autant, leur absence n’entraînerait pas l’incapacité de mettre en œuvre la future loi de programmation.

Un autre point concerne la provision pour les OPEX et les missions intérieures. Je l’ai déjà évoquée, mais je ne vous ai pas dit, en revanche, que cette provision, qui va être augmentée, ne grèvera pas les moyens consacrés à nos armées.

En effet, lorsque cette provision s’élevait à 450 millions d’euros, à l’intérieur d’un budget beaucoup plus modeste que celui que vous avez voté pour 2018, mesdames, messieurs les sénateurs, elle représentait 2,5 % des crédits consacrés à la défense. Demain, portée à 1,1 milliard d’euros, elle représentera 2 % des crédits totaux dédiés au budget de nos armées.

La sincérisation n’est donc pas contraire au développement de moyens autres que la provision pour les OPEX et les missions intérieures.

Enfin, c’est l’évidence, cette provision portée à 1,1 milliard d’euros nous permettra d’aborder l’avenir avec moins d’incertitudes, et de réduire la différence entre le montant prévisionnel des OPEX et des missions intérieures et le montant qui sera finalement réalisé. Tel est en tout cas mon souhait le plus cher. C’était aussi celui de M. le rapporteur spécial de la commission des finances puisqu’il avait exhorté à l’augmentation de cette provision dans son rapport d’information de 2016.

Monsieur Poadja, vous avez évoqué la question essentielle des moyens consacrés à l’outre-mer.

Ce projet de loi accorde justement une place importante à ces moyens. D’abord, nos cinq implantations ultramarines seront maintenues. Ensuite, il est prévu de renforcer de manière ciblée les effectifs en outre-mer, à raison de 120 postes supplémentaires sur la période de programmation, dont 28 dès l’année 2019.

Nous avons également pris la décision de commander et de livrer, dès 2019, un patrouilleur léger pour les Antilles. J’avais eu l’occasion de l’indiquer dans le cadre du débat budgétaire ; je le rappelle, car je crois que cette décision est très attendue outre-mer.

Quant à la flotte des patrouilleurs dans son ensemble, elle sera elle aussi renouvelée avec six livraisons prévues entre 2022 et 2024.

Je ne sais pas, monsieur le sénateur, s’il sera si facile de répondre à votre souhait d’aller plus vite. En tout cas, je puis vous dire que les outre-mer ont été pris en compte au vu des besoins considérables, auxquels nous sommes collectivement confrontés, qui existent dans le domaine de la surveillance de notre vaste espace maritime et de la prévention de la spoliation, voire du pillage, d’un certain nombre de ressources, notamment naturelles.

Une attention prioritaire sera accordée aux territoires les plus éloignés ; je pense en particulier à la Nouvelle-Calédonie, que vous représentez si bien, ainsi qu’à la Polynésie française.

Pour conclure cette partie préliminaire de notre débat, je souhaite revenir, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur la jolie formule que vous m’avez adressée : « Aidez-nous à vous aider. »

À mon tour de vous dire, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs : aidez-moi à vous aider (Exclamations.), en continuant ce travail constructif et, je crois, collaboratif que nous avons amorcé, en recherchant les consensus et les garanties adéquates pour nos armées, en laissant aussi ce débat à sa place, c’est-à-dire celle d’une loi de programmation, et non d’une loi de finances, d’une loi de règlement ou d’une loi de renseignement.

Je suis, pour ma part, tout à fait confiante, sachant l’attachement du Sénat au travail législatif et parlementaire de qualité, à nos armées, et connaissant sa capacité à rechercher et à bâtir les consensus. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE ET À LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 2 et rapport annexé (réservés)

Article 1er

Le présent titre fixe les objectifs de la politique de défense et la programmation financière qui lui est associée pour la période 2019-2025 ainsi que les conditions de leur contrôle et de leur évaluation par le Parlement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, sur l’article.

Mme Fabienne Keller. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai souhaité intervenir sur les objectifs et la programmation financière.

Je veux, comme mes collègues, saluer l’effort et l’engagement du Gouvernement qui permet de porter à 2 % du PIB les dépenses en matière de défense. J’apprécie aussi beaucoup, madame la ministre, votre axe stratégique sur la défense « à hauteur d’homme ».

Je tiens aussi à dire, quelque peu solennellement, toute ma reconnaissance au général Pierre de Villiers qui a, durant plusieurs années d’exercice au plus haut niveau de l’armée, contribué fortement à la prise de conscience de la réalité vécue par l’armée et de ses immenses besoins financiers.

S’agissant du projet de loi de programmation militaire que vous nous proposez, je partage les analyses de mes collègues, en particulier celles des trois rapporteurs, sur la fragilité, la soutenabilité du programme d’investissements présenté.

Le président Christian Cambon a évoqué les aléas. J’en citerai un seul : le service national universel, le SNU. Celui-ci n’est pas encore tout à fait inscrit dans la loi et des amendements seront présentés pour le supprimer. Je veux néanmoins exposer durant une minute ce qui est un défi.

L’armée, jusqu’à il y a vingt ans, structurait largement la nation française. Ce sont alors les militaires qui portaient les valeurs d’adhésion à la République, les valeurs d’entraide, de respect de l’autre et d’esprit d’équipe. Ils le démontrent encore aujourd’hui, qu’ils soient professionnels ou réservistes, à travers leur implication forte dans le service militaire volontaire, le SMV, le service militaire adapté, le SMA, mis en place outre-mer, et les établissements pour l’insertion dans l’emploi, les EPIDE, où leur engagement est précieux, comme l’ont rappelé dans leur rapport mes collègues Jean-Marie Bockel et Jean-Marc Todeschini. Or il s’agit de ne pas pénaliser nos armées.

Vous le savez, l’armée a été fortement pénalisée par les ponctions liées à l’opération Sentinelle et a mis deux ou trois années à s’en remettre. Il ne faudrait pas que le SNU la déstabilise de nouveau.

Pourrez-vous, madame la ministre, nous donner des pistes de solution, pour profiter du savoir-faire, du savoir-être et de l’expérience, remarquables et irremplaçables, des militaires, sans pour autant pénaliser l’équipement et les moyens indispensables à nos armées ?

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l’article.

M. Bernard Cazeau. L’article 1er du présent projet de loi est important parce qu’il pose les bases de l’ensemble des dispositions d’actualisation de la programmation militaire pour la période 2019-2025.

On peut se féliciter que le texte conforte nos armées, notre modèle de défense, et que les moyens soient en cohérence avec les préconisations de la revue stratégique de défense et de sécurité nationale d’octobre 2017 sur la prospective et la sécurité nationale.

Pour la première fois, la loi de programmation militaire est étalée sur une durée de sept ans, contre six auparavant. Cet allongement donne un triple signal aux acteurs, publics comme privés, de la défense : la prévisibilité, sans laquelle aucun investissement n’est possible, la continuité, pour éviter les rustines comptables, et la crédibilité des décisions publiques, garante de l’efficacité.

Le prolongement d’un an permet de faire entrer l’armée dans un cercle vertueux : pas d’économies de crédits sans justifications et la volonté d’aller, si nécessaire, vers l’arbitrage pour éviter facilité ou complaisance.

En définitive, c’est le meilleur moyen pour imposer la confiance dans les décisions publiques qu’appellent de leurs vœux tous nos partenaires internationaux.

La future loi de programmation militaire nous permettra, à cet égard, de réaliser des investissements lourds, afin de permettre à notre armée de mieux accomplir ses différentes missions. Outre l’amélioration des conditions de vie de nos soldats, qui est une exigence morale, nous serons en mesure de nous confronter aux défis impromptus et aux nouveaux périls qui doivent nous amener à une plus grande liberté stratégique sur le terrain.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 3

Article 2 et rapport annexé (réservés)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, à la demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, l’article 2 et le rapport annexé sont réservés jusqu’à la fin du texte de la commission.

Article 2 et rapport annexé (réservés)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 4

Article 3

Conformément à la trajectoire de programmation militaire pour la période 2019-2025, les ressources budgétaires de la mission « Défense », hors charges de pensions et à périmètre constant, évolueront comme suit entre 2019 et 2023 :

 

(En milliards deuros courants)

2019

2020

2021

2022

2023

Total

2019-2023

Crédits de paiement de la mission « Défense »

35,9

37,6

39,3

41,0

44,0

197,8

Les crédits budgétaires pour 2024 et 2025 seront précisés à la suite d’arbitrages complémentaires dans le cadre des actualisations prévues à l’article 6, prenant en compte la situation macroéconomique à la date de l’actualisation ainsi que l’objectif de porter l’effort national de défense à 2 % du produit intérieur brut en 2025.

Ces ressources ne comprennent pas l’éventuel financement d’un service national universel : celui-ci aura un financement ad hoc qui ne viendra en rien impacter la loi de programmation militaire.

Ces crédits budgétaires seront complétés, sur la durée de la programmation, par un retour de l’intégralité du produit des cessions immobilières du ministère ainsi que des redevances domaniales ou des loyers provenant des concessions ou autorisations de toute nature consenties sur les biens immobiliers affectés au ministère.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l’article.

M. Bernard Cazeau. L’article 3 est un double signal, adressé, en premier lieu, aux adversaires de la France et à nos alliés et, en second lieu, aux armées, qui, après toutes les désillusions des dernières années, s’interrogent et, parfois, doutent.

Il fixe les orientations de la politique de défense et les moyens militaires entre 2019-2025 en visant l’objectif des 2 % du PIB en 2025 – pensions militaires comprises –, découpés en deux tranches : une hausse de 1,7 milliard d’euros par an entre 2019 et 2022, puis de 3 milliards en 2023. Au total, le budget de l’armée sera de 295 milliards d’euros en 2025, couverts de manière ferme jusqu’en 2023, contre 234 milliards d’euros en 2018.

Pour substantielle qu’elle soit, cette ambition n’est ni excessive ni démesurée. Elle correspond à une nécessité. Cet article traduit le passage d’une démarche de réaction à une stratégie d’anticipation.

Cet effort vise d’abord, bien entendu, à sécuriser les crédits et les recrutements nécessaires à l’application des engagements du Gouvernement.

Pour trouver leur pleine efficacité, ces mesures tendent ensuite à restaurer la disponibilité de nos matériels. C’est la moindre des obligations de l’État de donner en permanence à notre armée les moyens de remplir ses missions à une période déterminée.

Nous dresserons alors, en 2021, un premier bilan d’exécution, qui nous permettra également de définir plus précisément les réalisations de la deuxième période de mise en œuvre de la loi de programmation. Qui sait, en effet – vous l’avez dit, madame la ministre –, quel sera le PIB de la France en 2025 ? Pas la peine de tirer des plans sur la comète !

Mme la présidente. L’amendement n° 63 rectifié, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, MM. Foucaud, Gay et Gontard, Mme Gréaume et MM. P. Laurent, Ouzoulias, Savoldelli et Watrin, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Les crédits budgétaires votés à compter de 2021 seront fixés à raison de l’atteinte des objectifs définis à l’article 2.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Cet amendement, qui porte sur l’article 3, est également lié à l’article 2, lequel a été réservé. Il vise à situer l’effort budgétaire en matière de défense sous la pleine responsabilité du Parlement.

Vous avez évoqué, madame la ministre, la mission de contrôle et de vigilance du Parlement, et vous avez rappelé que le texte que nous examinons était un projet de loi de programmation, et non pas un projet de loi de finances pour l’armée.

La réalité comptable de l’exécution du budget de la défense est marquée par des dérapages, qui ont été relevés par la Cour des comptes. Comme on pouvait s’y attendre, ils ont pour origine les déploiements de nos forces armées sur des théâtres d’opérations extérieures et leur mobilisation en soutien de l’opération Sentinelle, dans le cadre de l’état d’urgence, dispositif qui semble appelé à connaître quelques prolongements, maintenant que les prescriptions de la loi de 1955 sont devenues la règle ordinaire du droit…

Pour l’exécution 2016, selon la Cour des comptes, les crédits de la mission sont passés de 31,83 milliards d’euros hors pensions – les crédits dévolus à cet effet sont, soulignons-le, de 7,83 milliards d’euros – à 33,44 milliards d’euros par le jeu des ouvertures de crédits, des fonds de concours, des reports et transferts de crédits les plus divers. Cela représente tout de même une progression de plus de 5 % par rapport aux crédits initiaux, largement imputable aux opérations extérieures et aux missions intérieures – vous y avez fait écho, madame la ministre, en conclusion de la discussion générale.

La Cour des comptes met en question, faut-il le souligner ?, l’absolue sincérité du décompte du couple OPEX-missions intérieures.

Dans ce contexte, rappelons tout de même que, pour l’année 2018, nous avons des crédits ouverts pour 34,2 milliards d’euros, c’est-à-dire 760 millions de plus que la dépense officiellement atteinte en 2016.

Nous verrons d’ailleurs prochainement si le montant des dépenses fixé pour 2017, soit 32,44 milliards d’euros – 1 milliard de moins que pour l’exercice 2016 –, a finalement été respecté. Ayons en tête les nombreuses opérations dans lesquelles notre pays est engagé – Mali, Syrie, Centrafrique, Afghanistan, la présence de nos forces dans le golfe Persique et aux alentours de la mer Rouge – et qui sont sûrement, à mon avis, à la base de dépenses imprévues.

Programmer les dépenses militaires peut avoir son utilité, personne n’en doute dans cette enceinte, notamment quand il s’agit pour certains fournisseurs de concevoir un plan de charge et de programmer certains coûts de recherche et développement.

L’adoption de cet amendement serait un signe de confiance envoyé au Parlement, lequel doit suivre l’évolution des crédits budgétaires alloués.

Je le répète, il s’agit d’un projet de loi de programmation, et non d’un projet de loi de finances de l’armée. Nous voulons cependant, par cet amendement, réaffirmer le rôle du Parlement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. L’amendement n° 63 rectifié tend à poser le principe selon lequel les crédits seront accordés si les objectifs fixés à l’article 2 du projet de loi sont atteints.

Autant dire qu’il s’agit d’un amendement de suppression de l’article 3, qui porte pourtant sur ce point important qu’est la trajectoire financière de la loi de programmation militaire, laquelle est en quelque sorte vidée de sa substance.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 63 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 109, présenté par M. Todeschini, Mme Conway-Mouret, MM. Kanner, Boutant et Devinaz, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

constant

insérer les mots :

et hors dépenses liées au service national universel

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Cet amendement a été déposé une nouvelle fois, afin d’insister de nouveau, en séance publique, sur le financement du service national universel.

Vous avez réaffirmé, madame la ministre, les propos que le Président de la République a tenus lors de la présentation de ses vœux aux armées.

Nous aurons d’autres occasions de discuter du financement du SNU, mais affirmer et réaffirmer par écrit dans ce projet de loi de programmation militaire que ce financement n’obèrera pas les crédits de nos armées ne peut que rassurer la commission, laquelle est là, comme l’a dit le président Cambon, pour vous aider.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. L’intention des auteurs de cet amendement est tout à fait positive. Nous avons rappelé, dans le cadre de nos interventions, combien nous étions attachés au principe que le futur SNU ne trouve pas son financement au sein de la loi de programmation militaire.

Je considère néanmoins que cet amendement est d’ores et déjà satisfait.

Vous le savez, mes chers collègues, un pan entier d’amendements a été adopté en commission. C’est du reste le texte de la commission que nous examinons. Or, dans son alinéa 4, l’amendement que nous avons fait voter à l’article 3 précise : « Ces ressources ne comprennent pas l’éventuel financement d’un service national universel : celui-ci aura un financement ad hoc qui ne viendra en rien impacter la loi de programmation militaire. »

M. Robert del Picchia. C’est clair !

M. Christian Cambon, rapporteur. Nous reprenons, en cela, exactement les termes employés par le Président de la République lors de ses vœux aux armées le 19 janvier 2018, et je donne acte à Mme la ministre de l’engagement qu’elle a pris publiquement devant notre assemblée.

Monsieur Todeschini, je vous prie de retirer votre amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable, puisque cet amendement est satisfait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Comme je l’ai rappelé il y a un instant, le SNU fera l’objet d’un financement ad hoc.

Par ailleurs, l’article 3 du présent texte précise très clairement que les ressources budgétaires de la mission « Défense » s’entendent à périmètre constant. Ce faisceau d’indices indique que les moyens prévus dans le cadre de ce projet de loi de programmation militaire n’ont pas vocation à être recyclés pour le SNU.

L’amendement partant cependant d’une bonne intention, je ne m’y oppose pas, mais m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. Monsieur Todeschini, l’amendement n° 109 est-il maintenu ?

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la présidente, compte tenu de l’intervention du président Cambon, je retire cet amendement. Je savais qu’il allait dans le sens du texte de la commission, mais mon groupe souhaitait s’exprimer sur ce point devant Mme la ministre.

Mme la présidente. L’amendement n° 109 est retiré.

L’amendement n° 110, présenté par M. Vaugrenard, Mme Conway-Mouret, MM. Kanner, Boutant et Devinaz, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Todeschini, Vallini et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

(En milliards d’euros courants)

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total

2019-2025

Crédits budgétaires de la mission « Défense »

36,4

38,6

40,8

43

45,2

47,6

50

301,6

La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. En visant une augmentation annuelle sensiblement supérieure aux montants figurant dans la loi de programmation militaire entre 2019 à 2023, cet amendement opère un lissage sur l’ensemble de la période 2019-2025 et évite, en répartissant l’effort plus durablement, la très forte augmentation envisagée pour les années 2023, 2024 et 2025, que l’on appelle communément la « bosse budgétaire ».

Cette nouvelle répartition des crédits permet de concrétiser l’engagement dans la durée, et donc d’éviter les hypothèques qui pèseraient notamment sur le programme 146 relatif aux équipements. C’est en quelque sorte un aménagement de vigilance.

Nous pensons en effet qu’un lissage des crédits, avec des augmentations plus importantes chaque année, constituerait un moyen plus sûr et plus pérenne de voir les objectifs de défense respectés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Sur le fond, cet amendement rejoint tout à fait les préoccupations que nous avons exprimées à de nombreuses reprises sur la trajectoire et le lissage de la loi de programmation militaire. J’ai dit moi-même, dans mon intervention, que nous aurions pu « ne pas rater la […] marche » de 2018, avec les 850 millions d’euros qui ont été supprimés, ce dont chacun se souvient.

Sur la forme, il nous paraît néanmoins que la procédure prévue dans cet amendement cumule les inconvénients.

D’une part, nous irions directement à l’affrontement avec nos collègues députés, alors que nous souhaitons au contraire, au cours de la commission mixte paritaire, trouver un consensus sur ce sujet. En effet, l’Assemblée nationale rectifierait immédiatement le tir et reprendrait la trajectoire du Gouvernement.

Par ailleurs, face à ce qui a été posé par le Gouvernement et aux raisons qu’il a invoquées, l’enjeu est justement pour nous de veiller à ce qu’il s’en tienne à cette trajectoire, dont j’ai dit combien elle nous semblait sujette à caution.

Plutôt que de reformater entièrement la loi de programmation militaire, il est préférable d’accompagner, au travers des différents exercices budgétaires dont nous aurons à connaître, la trajectoire choisie par le Gouvernement qui est un chemin semé d’embûches ; faisant cela, nous le prendrons au mot.

Je demande à nos collègues qui se sont exprimés, à juste titre, dans l’hémicycle sur notre volonté et notre déception communes, de bien vouloir retirer leur amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Je veux tout d’abord rappeler que la programmation qui figure à l’article 3 du présent projet de loi de programmation militaire respecte scrupuleusement, pour la période 2019-2022, la loi de programmation des finances publiques, un cadre que vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque vous avez adopté cette dernière.

Dans ce contexte, il n’était pas possible, indépendamment de l’impératif de souveraineté qui est le nôtre en matière de défense, de remettre en cause notre souveraineté financière. En effet, la loi de programmation des finances publiques vise elle-même un autre objectif, qui n’est pas 2 % du PIB pour l’effort de défense, mais la limitation des déficits publics à 3 % maximum, quel que soit le cycle conjoncturel dans lequel on se place.

La programmation que vous avez sous les yeux concilie l’objectif des 2 % du PIB consacrés à l’effort de défense en 2025 et le principe, qui doit tous nous animer, en vertu duquel notre pays doit respecter scrupuleusement les engagements pris dans le cadre de l’Union européenne.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Je veux enfin rappeler, car c’est la deuxième fois que, avec malice, le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées y fait référence, que, non, nous n’avons pas « raté la première marche ». En effet, malgré l’annulation de 850 millions d’euros, nous avons respecté l’exécution budgétaire 2017.

Mme la présidente. Monsieur Vaugrenard, l’amendement n° 110 est-il maintenu ?

M. Yannick Vaugrenard. Non, madame la présidente, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 110 est retiré.

Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 4 bis (nouveau)

Article 4

La provision annuelle au titre des opérations extérieures et des missions intérieures, qui ne comprend pas les crédits de masse salariale inscrits en loi de finances au titre des missions intérieures, évoluera comme suit :

(En millions deuros courants)

2019

2020

2021

2022

2023

850

1 100

1 100

1 100

1 100

En gestion, les surcoûts nets, hors crédits de masse salariale inscrits en loi de finances au titre des missions intérieures et nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette provision font l’objet d’un financement interministériel. La participation de la mission « Défense » à ce financement interministériel ne peut excéder la proportion qu’elle représente dans le budget général de l’État. Si le montant des surcoûts nets ainsi défini est inférieur à la provision, l’excédent constaté est maintenu au profit du budget des armées.

Les opérations extérieures et les missions intérieures en cours font chaque année, au plus tard le 30 juin, l’objet d’une information au Parlement. À ce titre, le Gouvernement communique aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un bilan opérationnel et financier relatif à ces opérations extérieures et missions intérieures.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l’article.

M. Bernard Cazeau. La France s’est engagée, depuis 2008, dans de nombreuses OPEX. Cet engagement s’inscrit dans un contexte international qui fait peser une responsabilité particulière sur la France, en tant que membre du Conseil de sécurité de l’ONU, au nom des valeurs qu’elle porte, de son histoire, de ses intérêts, du maintien de son influence et des impératifs de sa sécurité.

Depuis 2011, des opérations majeures en termes de durée et d’intensité ont été menées simultanément : opération Serval au Mali entre 2013 et 2014, à laquelle ont succédé les opérations Barkhane, toujours en cours, Sangaris en République centrafricaine de 2013 à 2016, et Chammal en Syrie et en Irak, également en cours.

Ce niveau d’engagement inédit mérite une attention particulière. En effet, le montant de la provision s’est avéré régulièrement en décalage avec l’évaluation finale des OPEX. Depuis dix ans, le montant des surcoûts OPEX n’a jamais été inférieur à 850 millions d’euros et dépasse 1 milliard d’euros depuis 2013.

Force est de constater que la difficulté à fermer des théâtres d’opérations ainsi que la croissance des risques et menaces dans nos zones d’intérêt conduisent à une augmentation tendancielle du coût des OPEX et, par conséquent, à un décalage croissant avec une dotation initiale.

Pour autant, le présent projet de loi ne vise pas à remettre en cause le principe du montant de la provision qui a fait l’objet d’un arbitrage d’ensemble sur la programmation.

À cet égard, la provision, portée de 450 millions à 650 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2018, et qui atteindra 1,1 milliard d’euros en 2020, permet de redonner à la mission « Défense » les moyens de son action et de son ambition, tout en améliorant la sincérité.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, sur l’article.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article évoque, dans son alinéa 4, le contrôle parlementaire sur les opérations extérieures et les missions intérieures, lequel nous semble devoir être renforcé pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, vous l’avez dit, madame la ministre, la nature de la guerre a changé. Le réel enjeu des conflits contemporains est de connaître non pas leur début, mais leur fin. La question centrale qui se pose est celle-ci : quand un conflit est-il terminé ? Il suffit de penser à la deuxième guerre américaine en Irak ou à notre intervention actuelle au Sahel…

Il est donc nécessaire d’adapter notre droit à l’évolution des conflits. Je sais qu’une réflexion est en cours ; elle vise à combler une lacune de l’article 35 de la Constitution. Ce dernier oblige le Gouvernement à informer le Parlement, puis à soumettre à un vote la prolongation de cet engagement s’il dépasse quatre mois. Passé ce délai, il ne prévoit aucun bornage dans le temps. Cela avait d’ailleurs été rappelé dans un rapport sénatorial en 2016 par nos collègues Gilbert Roger et Jean-Marie Bockel. La future réforme constitutionnelle nous donnera l’occasion de nous saisir de cette question.

François Pillet l’évoque d’ailleurs dans le projet de réforme qu’il a soutenu sur proposition du président Cambon ; il souhaite subordonner la prolongation d’une OPEX à une autorisation régulière en organisant un débat suivi d’un vote.

Le groupe socialiste et républicain désire aller plus loin. Dans le cadre du projet de réforme constitutionnelle, nous avons formulé une double proposition : rendre obligatoire l’organisation d’un débat suivi d’un vote tous les ans sur les opérations extérieures et organiser un débat au Parlement à la fin de chaque OPEX décidée par le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin, sur l’article.

M. Cédric Perrin. Madame la ministre, avec cet article, nous abordons une série de points qui sont liés dans leur esprit. Notre commission a œuvré, à la quasi-unanimité, à sanctuariser les crédits de la défense.

Nous l’avons très longuement évoqué au cours de la discussion générale, il ne sera pas aisé de tenir la trajectoire que vous proposez. Si Bercy pratique ensuite une régulation budgétaire plus ou moins brutale – plutôt plus que moins d’ailleurs ! –, ce sera carrément chose impossible.

Ma collègue Hélène Conway-Mouret et moi-même avons proposé à la commission de protéger vos crédits contre ces aléas qui désorganisent la politique d’investissement de votre ministère. C’est pourquoi nous avons inséré dans le texte plusieurs éléments en ce sens, dont deux sur lesquels vous entendez revenir à cet article : la prise en compte du coût de l’usure des matériels dans le calcul du coût des OPEX, le plafonnement de la participation de votre ministère au financement interministériel du surcoût des OPEX.

Nous regrettons vivement, madame la ministre, que la position du Gouvernement soit hostile à nos apports. Naturellement, nous ne sommes pas dans le secret des décisions interministérielles, mais nous soupçonnons fortement que le point de vue de Bercy a forgé la position du Gouvernement.

Les enjeux de ce texte dépassent pourtant ceux de l’orthodoxie budgétaire et j’émets le souhait que votre ministère puisse peser en ce sens dans les arbitrages budgétaires à venir. C’est toute la question de la crédibilité de la loi de programmation militaire. Si aujourd’hui Bercy commence déjà à nous faire des misères, imaginez ce qu’il va se passer à la fin de chaque année civile !

M. Michel Savin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.

Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons avec cet article la question essentielle des opérations extérieures et des missions intérieures.

Madame la ministre, je dois dire que nous avons beaucoup de difficultés à comprendre pourquoi le Gouvernement souhaite revenir sur les éléments de sécurisation du budget des armées que notre commission a introduits à cet article.

Mon collègue Cédric Perrin, rapporteur comme moi du programme 146, et moi-même avons eu à cœur de mettre les chances de votre côté et du côté de nos armées, face à des logiques de régulation budgétaire à court terme qui peuvent être particulièrement défavorables aux moyens de la défense, lesquels s’inscrivent, eux, dans le long terme.

Il est de la responsabilité et du rôle du Sénat de dépasser ces logiques budgétaires court-termistes. Nous nous attendions à ce que vous soyez à nos côtés dans ce combat.

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 64 rectifié, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, MM. Foucaud, Gay et Gontard, Mme Gréaume et MM. P. Laurent, Ouzoulias, Savoldelli et Watrin est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 3

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, il s’agit – je le reconnais – d’un amendement très politique, lié à des choix stratégiques d’opérations de notre politique de défense.

Non, mon cher collègue Cazeau, toutes les opérations extérieures ne sont pas sous le commandement de l’ONU ! Vous connaissez la position de mon groupe sur ces questions. Je ne développerai pas davantage, mais on trouverait certainement, en dépit de notre divergence de fond, des points de convergence sur le bilan de notre intervention en Libye. Pour reprendre l’expression de Mme la ministre, sur ces résultats, nous assisterons ici à des balancements !

En cohérence avec mes propos précédents, nous nous interrogeons sur l’inscription d’une provision destinée au financement des OPEX et des missions intérieures.

Le premier argument contre cette provision, c’est bien entendu le fait qu’il s’agisse de la seule situation d’exception militaire, puisqu’aucune autre mission budgétaire ne peut bénéficier d’une telle situation.

Ce point mérite d’être débattu. En effet, le principe est discutable d’autant que, en l’état actuel des choses, la provision s’avérera insuffisante, si tant est que nous soyons mis en situation d’intervenir à la hauteur de ce que nous avons connu au Mali, en Libye, en Syrie – je ne citerai pas plus d’exemples.

Nous nous sommes tout de même retrouvés, mes chers collègues, au plus fort de cet interventionnisme, avec pas moins de 33 000 hommes et femmes de troupe, officiers et sous-officiers en état d’alerte et d’intervention. C’est considérable ! À chaque fois, un décret d’avance, gagé sur des annulations et redéploiements de crédits d’autres missions budgétaires, est venu combler l’effet budgétaire de cette externalisation de nos troupes.

Nous sommes donc face à une autorisation donnée pour le premier milliard d’euros, avant que nous puissions constater une forme de primauté des dépenses militaires sur toutes les autres, puisque l’affectation des ressources interministérielles resterait acquise au ministère de la défense.

En quelque sorte, place Balard, pour la révision des services votés, on repassera… alors qu’on aurait sûrement eu beaucoup à faire du point de vue des 4,2 milliards d’euros de redevance que nous devrions acquitter à Opale Défense pour disposer de l’Hexagone Balard.

Cela relève du débat politique, mais à entendre les dernières interventions provenant de ma gauche – je le dis avec humour et un peu d’insolence ! –, on peut se demander si les solutions sont uniquement militaires.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Pascal Savoldelli. Les amendements et les débats qui permettront au Parlement d’exercer un contrôle et une forme de vigilance à l’égard de nos opérations extérieures sont donc extrêmement importants.

Mme la présidente. L’amendement n° 132, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Après le mot :

nets,

insérer les mots :

hors titre 5,

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Cet amendement concerne l’exclusion des dépenses du titre 5, fléché sur les opérations extérieures et intérieures. Tel est le droit actuel. Votre assemblée a souhaité ajouter au périmètre des opérations extérieures et intérieures couvert par la provision non seulement les dépenses du titre 3, mais également les dépenses d’équipement du titre 5.

Bien sûr, cela participe d’une très louable intention et résulte du constat que le remplacement des matériels utilisés en opérations extérieures doit être plus rapide que lorsque ce matériel n’est pas déployé en OPEX.

Néanmoins, je veux indiquer que, d’une part, nous avons intégré ces éléments dans notre propre prévision budgétaire et que, d’autre part, si l’on voulait aller dans le sens que le Sénat préconise – c’est-à-dire intégrer les dépenses d’équipement à la provision –, alors il faudrait procéder à une réévaluation de cette provision, qui aujourd’hui ne tient pas compte des crédits du titre 5.

Cela irait, à mon avis, quelque peu à l’encontre de votre souhait, mesdames, messieurs les sénateurs. En effet, certains d’entre vous ont exprimé pendant la discussion générale la nécessité de ne pas pénaliser le budget des armées par une provision qui serait trop importante par rapport au reste du budget.

Pour ces raisons, l’amendement n° 132 vise à revenir à la rédaction initiale du texte, afin de ne pas rendre la provision de 1,1 milliard d’euros, qui est l’objectif que nous souhaitons atteindre en 2020, insuffisante par rapport à ce que nous voulions faire, et recréer ainsi un écart que vous jugeriez vous-mêmes peu souhaitable entre la provision et le montant futur des dépenses ainsi appréhendées.

Mme la présidente. L’amendement n° 133, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3, deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. L’amendement n° 133 prolonge évidemment le débat qui vient de s’ouvrir, puisqu’il tend à rétablir une rédaction antérieure à l’examen par la commission du projet de loi de programmation militaire.

En effet, cet amendement vise à ne pas prendre en compte une disposition qui fixerait, pour le financement interministériel des opérations extérieures et des missions intérieures, une limite maximale égale à la quote-part du budget du ministère des armées dans le total du budget de l’État.

Pourquoi le Gouvernement n’est-il pas favorable à l’inscription de cette disposition dans la loi, comme le Sénat se propose de le faire ? Tout simplement parce que, comme je l’ai dit précédemment, nous ne sommes plus là dans un débat de programmation : nous franchissons insidieusement la frontière vers un débat sur la gestion des crédits.

Or il est d’ores et déjà prévu que cette gestion soit encadrée par un certain nombre de règles. Vous les connaissez, elles figurent à l’article 4. Si la provision est inférieure au montant total des dépenses des OPEX et des missions intérieures, alors un financement interministériel sera mobilisé. À l’inverse, si cette provision s’avère supérieure au montant total de ces opérations, le bénéfice en sera maintenu au ministère des armées.

Je veux également dire que, au-delà du débat de principe sur le fait que nous passons de la programmation à la gestion, il ne faudrait pas rigidifier par avance la gestion des crédits de l’État, et ce d’autant moins que, dans la période récente – en 2017, pour ne citer que cette année –, la part du ministère des armées se trouvait de facto être égale dans le cadre du financement interministériel à sa part dans le budget de l’État.

C’est la Cour des comptes qui l’indique, puisqu’elle estime que la contribution du budget du ministère à la couverture de 1 milliard d’euros de surcoût au-delà de la provision a été égale à 200 millions d’euros. Or 200 millions d’euros sur 1 milliard, c’est à peu près la part du budget du ministère des armées sur le total du budget de l’État.

Je comprends parfaitement votre intention extrêmement bienveillante, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je ne voudrais pas que nous anticipions sur une gestion qui n’a pas encore eu lieu et que nous la rigidifiions par principe, car, après tout, une bonne nouvelle n’est pas non plus à exclure.

Je souhaite revenir à la disposition initiale de l’article 4 et ne pas ajouter cette précision, dont je ne peux pas dire qu’elle ne part pas d’une intention très louable, mais qui ne me paraît pas trouver sa place dans une loi de programmation.

Mme la présidente. L’amendement n° 32, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3, troisième phrase

Remplacer les mots :

maintenu au profit du budget des armées

par les mots :

provisionné au bénéfice du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » de la mission « Crédits non répartis »

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Monsieur Savoldelli, nous faisons une analyse diamétralement opposée de l’importance des OPEX et des missions intérieures !

Si votre amendement était adopté, nous constaterions la suppression pure et simple de la provision pour les OPEX et les missions intérieures. Par conséquent, privés de cette provision, nous serions obligés d’aller puiser dans les autres crédits des armées, ce qui affaiblirait les programmes d’équipement, puisque ces sommes seraient prélevées aux dépens de ces programmes. Cela compromettrait la sécurité de nos soldats et maintiendrait des matériels vieillissants.

J’ajoute que, sur le plan constitutionnel, les choses sont tout à fait clairement définies : le Président de la République est le chef des armées, et c’est du reste à ce titre qu’il a engagé les armées dans les opérations Serval et Barkhane – l’intervention était une nécessité absolue –, avec le succès que l’on sait.

Par ailleurs, ce dispositif relève de l’application de l’article 35 de la Constitution. Vous dites, mon cher collègue, que ces provisions ne font pas l’objet d’une validation. Bien au contraire, dans les trois jours suivant la décision d’envoyer des soldats dans le cadre d’une OPEX, le Parlement est informé. La prolongation de l’opération au-delà d’une durée de quatre mois fait l’objet dans cette enceinte d’un débat qui a toujours eu lieu. Je dois dire que, à chaque fois, l’assentiment fut très large. On peut donc considérer que le Parlement est totalement consulté sur ce sujet.

La commission émet par conséquent un avis défavorable sur l’amendement n° 64 rectifié.

En ce qui concerne l’amendement n° 132 et l’usure du matériel dans le calcul du coût des OPEX, nous entrons dans la promesse que je vous avais faite, madame la ministre : vous rendre service, vous conforter et vous aider, parfois au-delà de votre propre volonté, voire de celle d’un ministère qui est proche de mon département, situé sur la rive nord de la Seine…

Il faut que la future loi de programmation militaire soit sincère. Le signal que nous proposons d’envoyer est qu’il faut prendre en compte l’usure des matériels. Il ne s’agit pas d’entrer immédiatement dans la régulation budgétaire, les projets de loi de finances successifs le démontreront. En revanche, il n’est pas nécessaire d’être ingénieur de l’armement pour comprendre qu’il y a une usure des matériels utilisés au Sahel. Mes collègues Ladislas Poniatowski et Olivier Cigolotti et moi-même, lors d’une mission récente, avons eu l’occasion de constater de visu la quantité de pneus éclatés et de véhicules hors service. Les visites d’un certain nombre d’ateliers de nos armées, dans lesquels sont rapatriés ces véhicules, montrent, s’il en était besoin, le fondement de nos amendements.

Nous souhaitons que, dans le calcul du coût des OPEX, il puisse être tenu compte de cette usure prématurée des matériels. C’est un signal que nous souhaitons donner, je le répète. Il conviendra ensuite, au travers des exercices budgétaires, de conjuguer cette obligation. Aussi, à mon grand regret, car je ne désire absolument pas vous faire de peine tout au long de notre discussion, je suis obligé, pour respecter ma promesse de vous aider, de maintenir le texte de la commission et d’émettre un avis défavorable sur votre amendement.

L’amendement n° 133, visant à prendre en compte le financement des surcoûts OPEX, relève de la même logique. Le Gouvernement reconnaît en quelque sorte qu’il envisage de faire supporter aux armées l’essentiel du financement interministériel de ces surcoûts. Vous vous êtes livrée, madame la ministre, à un exercice de vérité que nous saluons, c’est-à-dire prévoir une somme beaucoup plus conforme à la réalité. Avec 1,1 milliard d’euros, on va dans le bon sens.

Mais on ne peut pas exclure, et mon collègue Ladislas Poniatowski aura l’occasion d’y revenir, que l’on aille au-delà de cette somme, compte tenu de l’intensité des opérations qui sont liées.

Le principe que nous défendons est simple : à partir du moment où il y a un surcoût, l’interministériel doit prendre en compte le financement à due proportion de ce que représente le budget du ministère des armées dans l’ensemble du budget. Sinon, le procédé consiste à rattraper d’une main ce qu’on a donné de l’autre.

Voilà pourquoi j’émets également un avis défavorable sur votre amendement, encore une fois pour aller dans le sens de la volonté du Sénat, singulièrement de la commission saisie au fond, d’une vérité non pas des prix, mais des coûts, particulièrement pour les OPEX. Car il est impossible de savoir comment évolueront demain les coûts de ces opérations – ils pourraient durablement et durement grever votre budget.

Quant à l’amendement n° 32, il vise à supprimer la clause de maintien aux armées du reste de la provision pour les OPEX éventuellement non consommée.

C’est un cas de figure peu probable. Comme je viens de le dire, nous nous situons plutôt dans la perspective d’un dépassement des crédits alloués. Si par bonheur la provision n’était pas entièrement consommée, nous serions très désireux de voir ce montant non utilisé revenir au renforcement de nos infrastructures. J’ai relevé les insuffisances de crédits alloués au service de santé des armées, au commissariat… Voilà de bons endroits où l’on pourrait mettre un petit peu d’argent pour améliorer la situation.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. L’amendement n° 64 rectifié est, me semble-t-il, un amendement d’appel, puisque le sujet, si j’ai bien compris l’argumentaire, est moins la suppression de la provision pour financer les OPEX et les missions intérieures que les pouvoirs respectifs du Parlement et du Gouvernement dans le cadre du déclenchement des interventions extérieures. Il s’agit donc d’un autre débat, institutionnel, qui concerne l’article 35 de la Constitution. Je ne peux par conséquent être favorable à un amendement tendant à supprimer cette provision, laquelle a vocation à rendre le budget plus sincère et à permettre l’accomplissement de ces opérations extérieures.

L’esprit de l’amendement n° 32 est quelque peu différent. Cet amendement vise à faire bénéficier le budget général du surplus dans le cas où le montant définitif des opérations extérieures et missions intérieures s’avérerait inférieur au niveau de la provision, au lieu de le reverser au budget des armées. Comme vient de l’indiquer M. le président de la commission, cela revient à priver les armées d’une possibilité d’améliorer la fin de gestion. Je ne peux pas y être favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 64 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.

M. Ladislas Poniatowski. Madame la ministre, les deux dernières fois où vous êtes venue en commission, j’ai évoqué le même sujet : même si nous sommes favorables au texte – vous savez que mon groupe votera votre projet de loi de programmation militaire –, il existe un « maillon faible ».

Le maillon faible, ce sont les OPEX. Même si vous faites mieux, même si vous aviez déjà prévu 650 millions d’euros dans le budget pour 2018, même si, pour la première année de programmation militaire, vous affectez 850 millions d’euros, puis 1,1 milliard d’euros – jamais plus –, vous êtes déjà dépassée, et votre budget est en déficit.

En effet, les OPEX ont déjà coûté 1,1 milliard d’euros en 2017. Interrogez « vos » militaires – le terme est affectueux, madame la ministre : ils vous diront que, en 2018, on est déjà parti pour dépasser la somme de 1,1 milliard d’euros et atteindre probablement 1,2 milliard. Vous n’avez donc pas l’argent !

Ce que propose la commission, et c’est pour cela que le vote y fut presque unanime, c’est de vous aider. Je vous ai sentie bien mal à l’aise en défendant votre amendement n° 132.

Vous êtes mal à l’aise parce que, en réalité, nous venons vous aider, que ce soit au sujet du remplacement du matériel usé ou détruit et surtout pour ce qui concerne le problème visé par l’amendement n° 133 – mon explication de vote vaut pour les deux amendements du Gouvernement. Laissez-vous faire ! Laissez-nous rejeter l’amendement n° 133 et défendez ensuite notre position lorsque la question sera de nouveau discutée à l’Assemblée nationale ou en commission mixte paritaire. C’est votre intérêt !

Le fait de prévoir que ce soit uniquement la quote-part de votre budget qui prenne en charge les dépassements, pardonnez-moi l’expression, mais c’est cadeau pour vous ! Vous savez très bien que, sinon, vous vous bagarrerez contre tous les autres ministères.

La disposition sur la quote-part est une mesure de bon sens, qui est importante pour vous.

Bien sûr, je voterai contre ces amendements, mais mon intervention vise à vous dire, madame la ministre, non seulement de vous laisser faire, parce que sur ces amendements nous allons vous battre, mais de défendre ensuite cette mesure à l’Assemblée nationale. Vous serez gagnante !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Madame la ministre, je vous ai entendue, me semble-t-il au moment où vous preniez vos fonctions, alors qu’on évoquait les OPEX, nous dire – vous aviez parfaitement raison – que la décision d’engager nos forces relevait non pas du ministre ou du ministère de la défense, mais du Gouvernement, c’est-à-dire de la France. Vous en aviez conclu que les armées n’avaient pas à faire les frais des surcoûts liés aux OPEX.

Je m’inscris tout à fait dans la ligne des propos du président Cambon, en m’étonnant des deux amendements que vous nous présentez.

Dans l’objet de l’amendement n° 132, il est écrit : « Les surcoûts OPEX excluent en revanche les dépenses liées à l’attrition, c’est-à-dire le remplacement des matériels détruits en opération. » Dois-je en conclure que les matériels détruits en opération n’ont pas vocation à être remplacés et que le financement du remplacement n’est pas assuré ? Là, on touche, dans la rédaction tout au moins, aux limites de l’absurdité !

Par ailleurs, s’agissant de l’amendement n° 133, vous avez raison, le surcoût a été payé à peu près au prorata par le ministère en 2017. J’ai envie de dire : puisque tel fut le cas en 2017, cela ne devrait pas beaucoup vous gêner d’inscrire une telle disposition dans la loi pour l’avenir. Vous semblez indiquer que c’est une pratique, mais – je fais partie de ceux qui ont un peu de mémoire – je peux vous dire qu’en 2015 et en 2016 la situation était tout autre ! Le ministère a payé deux fois sa part.

Ce sont les raisons pour lesquelles je rejoins totalement les propos de mes collègues Ladislas Poniatowski et Christian Cambon : ces deux amendements ne sont pas bienvenus pour votre ministère.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la ministre, une fois n’est pas coutume, je partage tout à fait les propos de mon collègue Ladislas Poniatowski. Vous avez parlé de loi de réparation, mais une loi de réparation sert à améliorer les choses !

Si les matériels détruits ou endommagés ne sont pas remplacés, il y va de la sécurité de nos soldats. Vos deux amendements sont difficiles à comprendre, même si j’entends ce que vous dites – il existe une contrainte.

Là encore, le Sénat est en train de vous aider vis-à-vis des autres ministères et du chef du Gouvernement.

Nous sommes, je le crois, dans notre rôle quand nous attirons votre attention sur le fait que ces deux amendements sont malvenus. Je le répète, il y va de la sécurité de nos armées. On ne peut pas accepter de tirer ainsi un trait sur des matériels, sauf à croire que ces derniers ne sont pas nécessaires.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 132.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 133.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 32.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 33, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

Les opérations extérieures et les missions intérieures en cours font chaque année, au plus tard le 30 septembre, l’objet d’un débat suivi d’un vote du Parlement. Il en est de même à l’issue de la fin décidée par le Gouvernement d’une opération extérieure. Pour ce faire, le Gouvernement communique en amont aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un bilan opérationnel et financier relatif à ces opérations extérieures et ces missions intérieures.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Il s’agit toujours de la question des OPEX et d’instaurer un débat avec vote annuel. À ce titre, la réforme constitutionnelle à venir devra nous permettre de préciser le cadre d’intervention des troupes françaises et le contrôle du Parlement.

Nous l’avons vu avec l’opération menée en Syrie en avril, le cadre constitutionnel en matière d’intervention est suffisamment permissif pour pouvoir se passer du Parlement.

Ainsi, si en pratique une déclaration de guerre, une opération extérieure ou une intervention extérieure ponctuelle sont extrêmement proches, les dispositions constitutionnelles y afférentes sont bien différentes.

Autre écueil majeur, qui n’est pas l’objet de l’amendement, mais qui doit nourrir le débat, l’intervention extérieure peut commencer sans même une information préalable du Parlement, comme si les récents exemples correspondaient à une prise de décision immédiate du Président de la République, sans préparation.

Enfin, j’en viens au fond de l’amendement, le Parlement ne dispose que d’un contrôle tout relatif sur le lancement des OPEX et leur prolongation. Ainsi, le Gouvernement n’est tenu de soumettre au vote du Parlement que la prolongation d’une OPEX, une seule fois, quatre mois après le début de cette dernière. Cela veut donc dire que le Parlement ne prend position qu’une seule fois, et qu’il est ensuite considéré que l’aval parlementaire est donné sine die.

Or, c’est une évidence, la situation sur les terrains militaire et diplomatique évolue avec le temps, et une OPEX validée à la date A peut ne plus avoir de cohérence à la date B. C’est pourquoi nous proposons par le biais de cet amendement un mécanisme de contrôle annuel sur la poursuite des OPEX, afin d’avoir une visibilité budgétaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. La commission partage bien évidemment le souhait exprimé par notre collègue au travers de l’amendement n° 33 de voir le Parlement jouer pleinement son rôle dans l’engagement de troupes françaises sur des théâtres d’opérations extérieures.

Néanmoins, il y a pour cela un cadre, la révision constitutionnelle qui va intervenir, et pour laquelle, ma chère collègue, votre groupe politique a été, comme les autres, sollicité par le président du Sénat, afin de faire des suggestions.

En l’occurrence, votre amendement bute sur l’actuel article 35 de la Constitution, d’où un risque d’inconstitutionnalité. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir le retirer, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Madame Cukierman, l’amendement n° 33 est-il maintenu ?

Mme Cécile Cukierman. Je précise tout de même, pour que cela figure au compte rendu, que, mon groupe ayant été, comme tous les autres, sollicité, il a fait des propositions.

Il serait dommageable que la disposition que nous proposons, si elle était conservée par l’Assemblée nationale, conduise à un problème d’inconstitutionnalité. Donc nous retirons notre amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 33 est retiré.

Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 5

Article 4 bis (nouveau)

En cas de hausse du prix constaté des carburants opérationnels, la mission « Défense » bénéficiera de mesures financières de gestion et, si la hausse est durable, des crédits supplémentaires seront ouverts en construction budgétaire, pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation et à l’activité opérationnelle des forces.

Mme la présidente. L’amendement n° 137, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil de nos échanges sur la sécurisation des moyens de la loi de programmation militaire.

Il s’agit des cours du pétrole, dont la volatilité est un phénomène connu et documenté. Le prix du baril oscille en fonction des lois du marché ; ainsi, en 2016, il a varié entre 27 dollars et 57 dollars, et, en 2017, entre 44 dollars et 64 dollars. C’est pourquoi, quand on construit une loi de programmation militaire, on élabore des hypothèses, et celle que nous avons retenue pour le cours du baril est celle qui est conforme au programme de stabilité, c’est-à-dire, un cours à 60 dollars, avec une parité euro-dollar de 1,1.

Les carburants représentent bien évidemment un poste important pour le budget du ministère des armées, puisqu’il s’agit d’une dépense d’environ un demi-milliard d’euros par an ; c’est tout à fait considérable.

J’ai parfaitement compris l’esprit dans lequel la commission avait travaillé en adoptant un amendement tendant à mettre en place un dispositif de neutralisation de la variation des cours du pétrole.

Je veux néanmoins appeler l’attention du Sénat sur le fait que le ministère des armées prend déjà en compte la volatilité des cours du pétrole en prévoyant des mécanismes de couverture contre le risque de fluctuation des cours et en procédant à des achats à terme, c’est-à-dire à un prix convenu à l’avance, ce qui permet de se prémunir contre une éventuelle hausse des cours. C’est donc un sujet que nous suivons avec beaucoup d’attention en gestion.

En outre, l’actualisation de 2020 dont nous parlions précédemment permettra de vérifier si les enveloppes financières consacrées au financement des carburants en 2019 et en 2020 auront été correctement évaluées et calibrées.

Dans ces conditions, l’amendement n° 137 vise à supprimer la disposition adoptée par la commission, afin de revenir au texte initial et de renvoyer cette discussion à notre rendez-vous de 2021 sur la correcte évaluation des dotations de financement de carburant.

M. Michel Savin. C’est dur, n’est-ce pas ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Une nouvelle fois, dans la logique des amendements précédents, nous allons tenter de vous aider, madame la ministre. On peut tout à fait comprendre le raisonnement que vous tenez, sauf pour ce qui concerne le renvoi à la discussion de 2021.

En effet, considérons ce qui vient de se passer ; en l’espace d’un mois, le prix du baril est passé de 62 à 72 dollars – il a pris 10 dollars ! Or vous nous parlez d’un poids budgétaire annuel de l’ordre du demi-milliard d’euros. Imaginez donc ce qu’une variation de quelques dizaines de dollars peut entraîner sur le budget de la défense…

Et la situation internationale dans la région du monde concernée par les décisions récentes du président Trump qui risquent de fâcher l’Iran – lequel a une influence sur la production de brut – peut porter à conséquence. En outre, on le voit bien, la tendance est actuellement plutôt à la hausse des cours. Nous souhaitons donc, là encore, vous protéger.

Je veux juste rappeler un petit événement : en 2014 ou en 2015, nous avons assisté au phénomène inverse ; la baisse du prix du baril a rendu disponible une somme importante. Je crois savoir que l’excellent ministère des finances a alors prélevé d’autorité sur le vôtre un peu plus de 1 milliard d’euros pour remettre les balances à niveau. Nous ne voudrions pas que cela se passe dans le sens contraire, que vous perdiez plusieurs centaines de millions, voire 1 milliard d’euros, car, je le répète, une crise internationale en matière énergétique n’est pas à exclure. Là encore, la vérité des coûts aidant, nous souhaitons que la mesure adoptée par la commission demeure.

Pour toutes ces raisons, j’émets, à mon grand regret, un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la ministre, dans la LPM précédente, la clause de sauvegarde des carburants existait.

M. Christian Cambon, rapporteur. Exact !

Mme Hélène Conway-Mouret. Nous ne voyons donc pas très bien ce qui, dans le contexte actuel, pourrait amener à considérer qu’il y a moins de risque de hausse de prix du pétrole que voilà cinq ans. Le président Cambon vient de le rappeler, la situation politique plutôt instable de certaines régions productrices de pétrole, avec les fluctuations du cours que cela entraîne, incite plutôt à prévoir une instabilité de ce cours.

Nous voulons ne pas attendre 2021 pour réaliser qu’il y a eu une forte ponction, à un moment crucial, sur le budget du ministère, au travers du remboursement de sommes qui peuvent être importantes. Cette disposition participait donc de la volonté des sénateurs de la commission de sanctuariser les crédits de la défense qui constituent pour Bercy, nous le savons bien, une proie privilégiée. Nous espérions rencontrer un écho favorable du Gouvernement à ce sujet, et nous regrettons que ce ne soit pas le cas.

Mme la présidente. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.

M. Ladislas Poniatowski. Le baril était à 72 dollars lorsque nous avons adopté l’amendement de la commission, la semaine dernière, et il est à 80,33 dollars à l’instant même ! (Lorateur brandit son téléphone portable.) C’est dire à quel point le cours varie vite !

Nous vous aidons, madame la ministre. Nous allons rejeter cet amendement, qui tend à supprimer la disposition de la commission, mais laissez-vous donc convaincre !

Par ailleurs, je développerai un argument que je n’ai pas utilisé à propos des amendements nos 132 et 133 : nous ne savons pas où nous allons. De temps en temps, nous menons des opérations à la demande de l’ONU, notre collègue Bernard Cazeau l’indiquait précédemment, comme l’opération dans le golfe de Finlande ; à d’autres moments, nous intervenons avec le feu vert de l’ONU ; mais à d’autres encore, nous intervenons aussi sans son feu vert – je ne vous rappellerai pas ce qu’il s’est passé il y a quinze jours…

Nous ne savons donc pas où nous allons et, pour ma part, je soutiens le Président de la République quand il nous engage dans des opérations comme celle qui a été entreprise voilà deux semaines. Et il y en aura peut-être d’autres…

En outre, certaines opérations tourneront mal. Le président Cambon vous l’a rappelé, deux collègues et moi-même étions voilà un mois et demi au Niger et au Mali. J’ai très peur de ce qu’il va se passer là-bas, je ne vois pas le bout du tunnel dans cette région ; je crains que les dégâts ne s’accroissent et que notre obligation d’intervenir, donc notre budget, n’augmente…

Laissez-nous vous aider, madame la ministre ! Je voterai par conséquent contre le présent amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Nous aurons certainement de nouvelles obligations – vous mentionniez le Niger et le Mali, monsieur Poniatowski –, mais leur coût ne résidera pas seulement dans le coût du carburant, il sera beaucoup plus élevé.

Je comprends bien toute cette bonne volonté qui ruisselle dans l’hémicycle en direction du Gouvernement, de même que la volonté de sanctuariser le budget du carburant, mais il y a d’autres sources de coût au sein du budget des armées.

M. Jean-Pierre Grand. Il faut sauver le soldat Parly…

M. Richard Yung. Je suis sûr que d’autres parties du budget, que je ne connais pas, doivent être payées en dollars, en livres sterling ou dans d’autres monnaies. Il faudrait donc aussi sanctuariser et faire des opérations de couverture ou des contrats à terme, pour se protéger contre l’évolution des cours. Je pense, par exemple, à l’électricité, dont le cours peut varier. Bref, on peut trouver un tas d’autres éléments du même type et, dans ce cas, pourquoi s’arrêter au milieu du chemin ?

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. Madame la ministre, je veux vous donner un aperçu de mon expérience. En tant que journaliste, j’ai été responsable des variations du cours du pétrole, à une époque où les conférences de l’OPEP faisaient beaucoup varier ce cours. En relayant une information, le cheikh Zaki Yamani nous ayant indiqué que le pétrole augmenterait ou n’augmenterait pas, un collègue de l’agence Reuters et moi-même avons fait bouger le prix du pétrole très facilement. Ce cours est très sensible aux situations internationales mouvementées, très sensible aux risques.

L’intention de la commission est donc justement de vous aider. Mes collègues ont raison d’y insister, il s’agit non d’une volonté d’empêcher l’adoption du projet de loi de programmation militaire tel que le Gouvernement le souhaite, mais seulement d’une aide que nous voulons vous apporter. Je ne sais pas quels seront les prochains événements, je ne suis plus dans le milieu pétrolier, puisque je suis membre de la Haute Assemblée,…

M. Christian Cambon, rapporteur. Ouf ! (Sourires sur diverses travées.)

M. Robert del Picchia. … mais je suivais cela de très près autrefois, et, je peux vous l’affirmer, le cours du pétrole peut varier fortement sur de longues périodes, et parfois même du jour au lendemain.

Je le sais, vous avez des réserves stratégiques, et les prix dont vous bénéficiez ne sont pas ceux du Brent, mais, tout de même, acceptez que l’on vous aide parce que ce risque peut se produire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Todeschini. Je veux réagir aux propos de M. Yung, qui a essayé de faire le nécessaire pour défendre l’amendement du Gouvernement – il fait son boulot. Nous allons, de notre côté, non pas dans le sens du Gouvernement, mais dans celui de nos armées, de nos soldats.

M. Michel Savin. Tout à fait, c’est là toute la différence !

M. Jean-Marc Todeschini. Nous sommes là pour conforter la réalité. On ne peut pas parler de budget de réparation, de progression, sans en tirer les conséquences. Je comprends le rôle de Mme la ministre, elle est tenue par des arbitrages gouvernementaux, mais nous, au Sénat, nous ne le sommes pas.

M. Jean-Marc Todeschini. C’est pourquoi nous essayons de défendre et de faire avancer le budget de nos armées, et de conforter la sécurité de nos soldats.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 137.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4 bis.

(Larticle 4 bis est adopté.)

Article 4 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 6

Article 5

L’augmentation nette des effectifs du ministère des armées s’effectuera selon le calendrier suivant :

(En équivalents temps plein)

2019

2020

2021

2022

2023

Total 2019-2023

2024

2025

Augmentation nette des effectifs

450

300

300

450

1 500

3 000

1 500

1 500

Cette évolution ne porte que sur les emplois financés par les crédits de personnel du ministère des armées à l’exclusion des apprentis, des volontaires du service militaire volontaire et des effectifs militaires éventuellement nécessaires au service national universel.

Conformément à cette évolution, les effectifs du ministère des armées s’élèveront à 271 936 équivalents temps plein en 2023 et à 274 936 équivalents temps plein en 2025 hors apprentis, volontaires du service militaire volontaire et effectifs éventuellement nécessaires au service national universel.

À ces évolutions s’ajouteront les éventuelles augmentations d’effectifs du service industriel de l’aéronautique.

Mme la présidente. L’amendement n° 111 rectifié, présenté par M. Devinaz, Mme Conway-Mouret, MM. Kanner et Boutant, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

(En équivalents temps plein)

 

2019

2020

2021

2022

2023

Total 2019-2023

2024

2025

Total 2019-2025

Augmentation nette des effectifs

450

700

750

800

800

3500

1250

1250

2500

La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Par cet amendement, il est proposé une augmentation plus équilibrée des recrutements pour nos armées, afin de lisser la trajectoire et d’éviter d’avoir, en 2023, une « bosse » des recrutements.

Le groupe socialiste et républicain affiche son soutien aux 6 000 postes supplémentaires ; pour autant, nous regrettons une augmentation brutale et hasardeuse ; brutale, car 75 % des recrutements sont prévus après 2023, et hasardeuse, car le réel effort est laissé aux soins des futurs dirigeants. Est-ce cela, la LPM « sincère et réaliste » que souhaitait la Cour des comptes ?

La perspective d’évolution des effectifs que nous proposons est plus linéaire et plus adaptée à l’intégration des nouvelles recrues au sein des armées. C’est dès aujourd’hui que nous avons besoin de renforts supplémentaires. Prenons un exemple : la grande majorité des recrutements ira au renseignement et à la cyberdéfense – c’est une bonne nouvelle et nous nous en félicitons –, mais il faut entre deux et trois ans pour former correctement un agent dans ce domaine. Aussi, en décalant la majeure partie des recrutements à la fin du mandat, c’est seulement en 2025 ou en 2027 que les nouvelles recrues seront opérationnelles.

Nous sommes donc favorables à un meilleur lissage des recrutements. La trajectoire que nous proposons évite ainsi l’accentuation de la bosse qui existe déjà, hélas, du fait de la trajectoire budgétaire à partir de 2023.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil de l’amendement n° 110, d’où le parallélisme avec ce dernier, tant dans la présentation de Gilbert-Luc Devinaz que dans ma réponse.

Nous partageons, Gilbert-Luc Devinaz le sait, cet objectif. Dans notre rapport, nous exprimions le souhait d’une augmentation de 2 % par rapport à l’année antérieure, avec un recrutement de 2 500 personnes pour régénérer immédiatement les armées et renforcer leurs effectifs.

Néanmoins, la loi de programmation militaire a été constituée sur les équilibres évoqués, donc rien ne sert, selon nous, de se fixer des objectifs qui ne seraient de toute façon pas tenus. Par coordination, je prie par conséquent les auteurs de cet amendement de le retirer, sans quoi la commission, bien qu’elle comprenne le raisonnement qui fonde cet amendement, émettra un avis défavorable.

Sans doute, un recrutement de 450 personnes par an est trop faible par rapport aux besoins. Je pense notamment à la situation du commissariat aux armées et du service de santé des armées. Laurent Lafon et moi-même avons visité l’hôpital Bégin ; il fallait voir comment les médecins évoquaient ce sujet et soulignaient, avec beaucoup de respect et de mesure, les contraintes formidables auxquelles ils sont confrontés. De même, quand on va à l’hôpital de campagne de Gao, au milieu des sables, on réalise la force de la tension existant dans les effectifs.

Nous aurions donc bien besoin d’un renforcement, mais essayons au moins de faire en sorte que la ministre puisse tenir les objectifs qu’elle a présentés. Tel est le but que nous nous sommes assigné.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. L’article 5 met un terme, je veux le souligner de nouveau, à une politique qui s’est traduite pendant plusieurs années par des suppressions importantes d’effectifs au sein du ministère des armées, et qui a été suspendue à partir de 2015.

Les créations de postes prévues, auxquelles ce projet de loi de programmation militaire consacre des moyens importants, sont parfaitement compatibles avec la loi de programmation des finances publiques.

Nous sommes donc, là encore, dans un exercice de cohérence et de responsabilité : cohérence avec la loi de programmation des finances publiques, et responsabilité puisque la future LPM sera une loi de renouveau, pour ce qui concerne non seulement les moyens budgétaires, mais également les créations de postes.

Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 111 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 6  - Amendement n° 15

Article 6

La présente programmation fera l’objet d’actualisations, dont l’une sera mise en œuvre avant la fin de l’année 2021. Cette dernière aura notamment pour objet de consolider la trajectoire financière et l’évolution des effectifs jusqu’en 2025. Ces actualisations permettront de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi, les réalisations et les moyens consacrés. Ces actualisations permettront également de vérifier l’amélioration de la préparation opérationnelle et de la disponibilité technique des équipements et fixeront des objectifs annuels dans ces domaines.

Les répercussions sur les contrats opérationnels, les effectifs et les équipements des engagements pris lors des sommets de l’OTAN sont pris en compte dans les actualisations.

Les surcoûts liés au soutien par les armées des grands contrats d’exportation d’armements, non intégralement couverts, sont également pris en compte dans les actualisations de la présente programmation.

Mme la présidente. L’amendement n° 34, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Remplacer les mots :

avant la fin de l’année 2021

par les mots :

dans le dernier semestre de l’année 2022

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Cet amendement n’est que la transcription dans la partie législative du texte de l’amendement que nous avons défendu relatif au rapport annexé quant à la réactualisation de la LPM en 2022.

Le report de cette réactualisation serait de nature à rassurer tant le Gouvernement, qui aurait un an de plus pour mener sa programmation, que la prochaine majorité, qui n’aurait pas à revenir sur une loi datant de moins d’un an, et les armées – cela éviterait à ces dernières une année de flou entre 2021 et 2022.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement, qui vise à repousser d’un an l’actualisation de la loi prévue en 2021, va évidemment à l’encontre de ce que nous désirons, puisque nous voulons au contraire introduire, année par année, la possibilité de contrôler la mise en œuvre de la future loi de programmation militaire. Si l’on recule encore d’un an son actualisation, on n’ira pas dans le sens souhaité d’un meilleur contrôle du Parlement.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Le Gouvernement ne souhaite pas se soustraire à une évaluation qui interviendra à un moment où la majorité et le chef de l’État – le chef des armées – seront toujours aux responsabilités. Il ne désire pas se soustraire à l’engagement permettant à la majorité en place d’assumer, devant les représentants de la Nation, l’évaluation de l’exécution des exercices déjà réalisés et, surtout, de tracer la voie permettant de tenir l’engagement du Président de la République : atteindre en 2025 l’objectif des 2 %.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Madame Prunaud, l’amendement n° 34 est-il maintenu ?

Mme Christine Prunaud. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 34 est retiré.

L’amendement n° 112, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Kanner, Boutant et Devinaz, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

En 2021, en tant que document préparatoire à l’actualisation de la loi de programmation militaire, sera présenté au Parlement un premier bilan des efforts consacrés à la remontée du niveau d’activité. Seront également définis des objectifs de progression de la préparation opérationnelle entre 2021 et 2023 puis entre 2023 et la fin de la période de programmation.

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. L’objet de cet amendement est d’inscrire dans le corps de la LPM le dispositif de l’amendement adopté par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à l’alinéa 196 de l’article 2 du rapport annexé au présent projet de loi.

Il s’agit d’assurer l’information du Parlement en amont de ce rendez-vous, sous la forme d’un document préparatoire dressant un premier bilan des efforts consacrés à la remontée du niveau d’activité et définissant des objectifs de progression de la préparation opérationnelle entre 2021 et 2023, puis entre 2023 et la fin de la période de programmation, 2025.

Tout le monde l’a souligné, le rendez-vous de 2021, qui permettra de procéder à l’actualisation de la future LPM, sera essentiel pour l’évaluation de la sincérité de cette loi. Le Parlement devra disposer en amont de toutes les informations indispensables à cette évaluation et nous considérons qu’il est important que le projet de loi liste et recense clairement les droits à l’information et les pouvoirs de contrôle du Parlement sur son exécution. L’article 6, tout comme les suivants, doit permettre d’en avoir une vision claire, et il est important que la transmission de ce document préparatoire figure dans le texte normatif et non seulement dans le texte annexé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Nous avons longuement discuté de cet amendement en commission. L’intention va dans le bon sens, car le bilan visant la remontée du niveau d’activité des armées est très important pour le contrôle parlementaire.

Néanmoins, la commission a une analyse sensiblement différente, dans la mesure où il ne lui paraît pas souhaitable que cela figure dans la partie normative du texte ; en effet, si l’on commence à inscrire dans cette partie tous les éléments importants de la partie annexée, la loi ressemblera à un rapport annexé et non plus à une loi.

Je propose donc le retrait de cet amendement, tout en reconnaissant l’intérêt de la proposition. Il faut concentrer sur la partie normative les dispositions qui engagent le Gouvernement. Un bilan est un constat ; cette disposition trouve mieux sa place dans le rapport annexé.

Faute d’un retrait, la commission émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Madame Conway-Mouret, l’amendement n° 112 est-il maintenu ?

Mme Hélène Conway-Mouret. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 112 est retiré.

L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Danesi et Babary, Mmes Bonfanti-Dossat et Bories, MM. Bouchet, Brisson et Cuypers, Mme Deroche, MM. B. Fournier, Grand et Courtial, Mme Imbert, MM. Kennel, Paccaud, Panunzi, Pierre, Revet et Poniatowski, Mme Lamure, MM. Gremillet et Laménie, Mme Lherbier et M. H. Leroy, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

engagements pris

insérer les mots :

par la France

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. L’article 6 prévoit la prise en compte, par les actualisations de la présente loi, des décisions prises lors des sommets de l’OTAN. Cet amendement a pour objet de préciser qu’il ne peut s’agir que des décisions prises avec l’accord de la France.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. S’agissant d’une précision tout à fait utile, à laquelle elle souscrit, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6, modifié.

(Larticle 6 est adopté.)

Article 6
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 6 bis

Article additionnel après l’article 6

Mme la présidente. L’amendement n° 15, présenté par M. Cigolotti et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement réalise, avant le 1er janvier 2021, une actualisation de la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale. Cette revue actualisée évalue les mutations stratégiques à la date de l’actualisation et notamment le développement des stratégies dites « intégrales » des acteurs étatiques internationaux. Elle propose une réponse française à ces postures « intégrales ».

La parole est à M. Olivier Cigolotti.

M. Olivier Cigolotti. Cet amendement vise à préparer l’actualisation de la loi de programmation militaire, prévue avant la fin de l’année 2021, en densifiant les apports stratégiques de la revue stratégique, le support affiché de la présente loi. Ce document, qui évalue les mutations contemporaines de l’espace stratégique, devra prendre en compte les stratégies dites « intégrales » ou « de guerre hors limites » déployées par certains acteurs étatiques internationaux, au premier rang desquels figurent la Russie et la Chine.

Il paraît donc opportun au groupe Union Centriste de proposer une réponse nationale française à ces postures intégrales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. La commission, même si elle comprend les intentions de notre collègue Olivier Cigolotti, n’est pas favorable à cet amendement parce que, dans le respect des responsabilités et des pouvoirs respectifs de l’exécutif et du législatif, elle considère que l’actualisation d’une revue stratégique relève de l’initiative gouvernementale.

En outre, elle ne pense pas utile de figer le dispositif. La vie internationale avance à un rythme rapide, mon cher collègue. Considérez par exemple la Corée ; voilà deux mois, cette région représentait un véritable sujet d’inquiétude ; elle le reste, mais les évolutions sont telles que l’on pourrait revoir les objectifs de la revue stratégique pour cette partie du monde. Et je pourrai prendre bien d’autres exemples…

Par ailleurs, il convient de sauvegarder le rôle des commissions, et vous connaissez toutes les auditions et tout le travail de profondeur que nous accomplissons et qui complètent la revue stratégique.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi, la commission émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. L’actualisation de 2021 a pour objet non pas de faire une nouvelle LPM, mais de consolider et de faciliter la réalisation des objectifs fixés par la loi existante. Cela ne signifie pas qu’une revue stratégique est impensable, mais elle n’est pas indispensable au rendez-vous de 2021. D’ailleurs, lors de l’actualisation de la LPM en vigueur, il n’y a pas eu de livre blanc ni de revue stratégique.

Toutefois, je ne dis pas non plus que cela est impossible – le président Cambon a raison de rappeler que l’accélération de l’évolution du contexte géostratégique pourrait rendre cet exercice utile –, et je n’exclus évidemment pas que cette actualisation de 2021 prenne en compte des éléments de contexte géostratégique que nous ne pouvons même pas imaginer aujourd’hui.

Il est donc inutile de graver dans le marbre des décisions qui devront être prises en fonction des évolutions du moment.

Mme la présidente. Monsieur Cigolotti, l’amendement n° 15 est-il maintenu ?

M. Olivier Cigolotti. Non, madame la présidente, compte tenu des propos empreints de bon sens du rapporteur et des engagements de Mme la ministre, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 15 est retiré.

Article additionnel après l'article 6  - Amendement n° 15
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 6 ter

Article 6 bis

I. – (Non modifié) La mission « Défense » est exclue du champ d’application de l’article 17 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

II (nouveau). – En conséquence, l’article 17 de la loi n° 2018-32 précitée est complété par la phrase : « Le présent article ne s’applique pas aux dépenses du ministère des armées, à l’exclusion de celles portées par la mission “Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation”. »

Mme la présidente. L’amendement n° 65 rectifié, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, MM. Foucaud, Gay et Gontard, Mme Gréaume et MM. P. Laurent, Ouzoulias, Savoldelli et Watrin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Aux yeux des auteurs du présent amendement, l’article 6 bis présente une incohérence certaine. En effet, moins de six mois après le vote par le Parlement d’une loi de programmation des finances publiques, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées souhaite retirer le deuxième budget de l’État de l’effort demandé à l’ensemble des services et secteurs publics…

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Madame Prunaud, il ne s’agit pas de soustraire le budget de la défense de l’effort demandé à l’ensemble des services et des secteurs de l’État. Nous souhaitons simplement, à l’instar du Gouvernement, être réalistes en la matière.

Nous sommes très attachés à ce que la mission « Défense » ne fasse pas partie du périmètre du dispositif défini par la loi de programmation des finances publiques au titre des restes à payer. Pourquoi ? Comme vous le savez, le programme 146 regroupe une grande quantité d’équipements et d’investissements correspondant à des opérations très lourdes. Par leur nature même, ces dernières entraînent des restes à payer. Elles ne peuvent être assimilées à des crédits budgétaires classiques, dépensés selon un rythme annuel.

En la matière, il est donc indispensable de conserver les restes à payer. Sinon, nous ne pourrons pas atteindre notre objectif, à savoir respecter le calendrier d’équipement prévu au titre du projet de loi de programmation militaire.

Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Même avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 65 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6 bis.

(Larticle 6 bis est adopté.)

Chapitre II

Dispositions relatives au contrôle parlementaire de l’exécution de la loi de programmation

Article 6 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 6 quater

Article 6 ter

I. – (Non modifié) Indépendamment des pouvoirs propres des commissions permanentes chargées des finances, les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense et des forces armées suivent et contrôlent l’application de la programmation militaire. Aux fins d’information de ces commissions, cette mission est confiée à leur président ainsi qu’à leurs rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances de l’année dans leurs domaines d’attributions et, le cas échéant, pour un objet déterminé, à un ou plusieurs des membres de ces commissions spécialement désignés. À cet effet, le président, les rapporteurs pour avis et les membres des commissions spécialement désignés procèdent à toutes auditions qu’ils jugent utiles et à toutes investigations nécessaires sur pièces et sur place auprès du ministère des armées et des organismes qui lui sont rattachés ainsi que, le cas échéant, auprès du ministère de l’économie et des finances. Ceux-ci leur transmettent, sous réserve du second alinéa du présent I, tous les renseignements et documents d’ordre financier et administratif utiles à l’exercice de leur mission.

La mission des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense et les pouvoirs mentionnés au premier alinéa ne peuvent ni s’exercer auprès des services spécialisés de renseignement mentionnés au I de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ni porter sur les sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l’État.

II (nouveau). – En conséquence, l’article 7 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale est abrogé. – (Adopté.)

Article 6 ter
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 6 quinquies (nouveau)

Article 6 quater

Deux fois par an, avant le 15 mars et avant le 15 septembre, le ministre chargé des armées transmet aux commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense nationale et des forces armées, ainsi qu’aux commissions permanentes chargées des finances, un bilan de l’exécution de la programmation militaire. Ce bilan comprend :

1° Un bilan de l’exécution des crédits programmés par la présente loi pour la mission « Défense » ;

2° Un bilan de la mise en œuvre de la politique d’équipement des forces. Ce bilan recense les commandes passées et les livraisons reçues depuis la présentation du précédent bilan :

– au titre des programmes à effet majeur dont le coût est supérieur à 70 millions d’euros ;

– au titre des autres opérations d’armement dont le coût est supérieur à 20 millions d’euros ;

– au titre des programmes d’infrastructures dont le coût est supérieur à 15 millions d’euros.

Ce bilan indique les livraisons prévues dans les six mois suivant sa présentation au titre des mêmes opérations et des mêmes programmes.

Il comporte un exposé de l’état d’avancement des opérations d’armement dont le coût est supérieur à 70 millions d’euros, fournissant le cas échéant des éléments d’explication des évolutions de leur calendrier de commandes et de livraisons ou du nombre de matériels concernés.

Il comporte une présentation synthétique des investissements en équipements d’accompagnement et de cohérence réalisés au cours du semestre écoulé ainsi que des prévisions d’investissement dans ces mêmes équipements pour les six mois suivants.

Le premier bilan présenté en application du présent article porte sur les commandes passées, les livraisons reçues et les investissements consentis depuis la promulgation de la présente loi.

Mme la présidente. L’amendement n° 135, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Remplacer le mot :

mars

par le mot :

avril

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Cet amendement a pour objet le bilan de l’exécution de la loi de programmation militaire, lequel doit être adossé chaque année au rapport annuel de performance, ou RAP, qui est lui-même annexé au projet de loi de règlement.

Les données techniques nécessaires à l’établissement du RAP sont collectées, chaque année, jusqu’à la mi-mars. Avant cette date, la moindre communication est impossible à cet égard. Les comptes sont ensuite transmis à la Cour des comptes, au début du mois d’avril au plus tôt.

Dans ces conditions, une première information du Parlement ne peut être assurée avant la mi-avril. Voilà pourquoi le Gouvernement propose, à travers cet amendement, de rétablir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale : il s’agit de fixer l’époque de la transmission du RAP, non pas en mars, mais en avril.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Madame la ministre, sur cet amendement, nous sommes malheureusement d’un avis sensiblement différent du vôtre.

Contrairement aux apparences, l’indication dont il s’agit a toute son importance : pour coordonner les dispositifs de l’Assemblée nationale et du Sénat en la matière, il est nécessaire que la présentation du bilan soit menée au cours du même mois.

Si les dispositions de cet amendement étaient adoptées, le texte de l’Assemblée nationale serait systématiquement rétabli, et il ne serait plus possible de débattre de ces sujets avant le stade de la commission mixte paritaire. Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 135.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6 quater.

(Larticle 6 quater est adopté.)

Article 6 quater
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 6 sexies (nouveau)

Article 6 quinquies (nouveau)

Avant le 15 mars de chaque année, le Gouvernement transmet aux présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense une actualisation des tableaux « Parcs d’équipements et livraisons des principaux équipements » et « Les principaux équipements de nos armées début 2019 et en 2025 » figurant au rapport annexé à l’article 2. Outre le terme de 2025, ces tableaux sont complétés pour chaque année de la programmation.

Mme la présidente. L’amendement n° 136, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez mon attachement à la bonne information du Parlement. Je comprends tout à fait votre volonté d’être correctement informés de tous les éléments qui sous-tendent ce projet de loi de programmation militaire, en particulier pour ce qui concerne les équipements majeurs : on sait l’importance que ceux-ci revêtent, non seulement pour nos armées, mais aussi pour nos industries.

En la matière, l’article 6 quater comporte, avec la remise d’un rapport semestriel, des indications complètes quant aux programmes d’équipements majeurs qui dépassent 70 millions d’euros. Je note d’ailleurs que cette catégorie regroupe presque la totalité des programmes d’équipements majeurs.

Ces informations nouvelles s’ajouteront à celles qui figurent d’ores et déjà dans les réponses aux questionnaires parlementaires transmis annuellement, ainsi que dans les projets annuels de performance et les rapports annuels de performance qui sont annexés aux documents budgétaires, en particulier au projet de loi de finances et au projet de loi de règlement.

Pour ce qui concerne le point de passage que constitue l’année 2021, votre demande me paraît légitime. En revanche, je ne suis pas favorable à ce qu’une communication de l’état du parc soit fournie pour chacune des années de la programmation. En effet, le ministère doit conserver une légère marge d’appréciation, à la fois dans l’expression de ses besoins opérationnels et dans ses relations avec les industries d’armement.

En conséquence, à travers cet amendement, je vous propose la suppression du présent article. Mais, en parallèle, je vous propose de préciser les cibles d’équipement en 2021 au sein des tableaux qui figurent dès à présent dans le rapport annexé pour le Parlement : ainsi, les assemblées pourront disposer de tous les éléments utiles à leur information, dans la perspective de l’actualisation de 2021.

Cette demande de suppression est donc conjuguée à une proposition de complément.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Madame la ministre, il s’agit là, pour la commission, d’un sujet de vive satisfaction !

Nous l’avons dit à de nombreuses reprises, nous souhaitons que le Parlement dispose, en la matière, d’une information plus complète et plus régulière, à travers un certain nombre de tableaux synthétiques, notamment de tableaux actualisés des équipements.

Mes collègues pourront le constater lorsque nous débattrons du rapport annexé : vous vous êtes engagée à ce que nous disposions des informations relatives non seulement à la période 2019-2025, mais aussi à l’année 2021. À nos yeux, cette précision est fondamentale : les chiffres de 2021 nous permettront d’estimer les efforts accomplis.

Dans ces conditions, la suppression du présent article nous paraît tout à fait normale. J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la ministre, avec cet amendement, vous nous présentez en somme une solution de compromis pour ce qui concerne l’actualisation des tableaux d’équipements. Peut-être faudra-t-il joindre au tableau synthétique un document annexe permettant de comprendre l’ensemble des acronymes.

Cela étant, je vous remercie d’avoir été sensible à la démarche que mon collègue Cédric Perrin et moi-même avons menée et que la commission a soutenue. Vous l’avez compris, en la matière, la question est celle du suivi de l’exécution. Il s’agit là d’un point essentiel pour la commission, et en particulier pour nous, rapporteurs du programme 146.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 136.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 6 quinquies est supprimé.

Article 6 quinquies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 6 sexies - Amendement n° 113

Article 6 sexies (nouveau)

Avant le 15 mars de chaque année, le Gouvernement transmet aux présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense la version actualisée du référentiel (VAR).

Mme la présidente. L’amendement n° 134, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Madame la présidente, je retire cet amendement au profit de l’amendement n° 148, que M. Cambon s’apprête à présenter, au nom de la commission.

Mme la présidente. L’amendement n° 134 est retiré.

Mme la présidente. L’amendement n° 148, présenté par M. Cambon, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

I. – Remplacer les mots :

15 mars

par les mots :

30 juin

II. – Remplacer les mots :

le Gouvernement transmet

par les mots :

le ministre chargé des armées présente

III. – Remplacer les mots :

la version actualisée du référentiel (VAR)

par les mots :

les enjeux et les principales évolutions de la programmation budgétaire ministérielle

IV. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les présidents peuvent se faire assister des rapporteurs budgétaires de leur commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cambon, rapporteur. Avant tout, je tiens à remercier Mme la ministre non seulement du retrait de l’amendement n° 134, mais aussi de l’échange positif que nous avons eu, sur ce sujet, avec les membres de son cabinet.

À l’origine, nous avions déposé un amendement tendant à assurer la transmission brute de la VAR.

Mes chers collègues, il ne s’agit pas du département, bien sûr (Sourires.), mais de la variation actualisée du référentiel. Cette terminologie n’en dit sans doute pas beaucoup plus à bon nombre d’entre vous. Pour la traduire dans un langage plus commun et plus simple, la VAR désigne la manière dont le ministre des armées utilise l’enveloppe budgétaire relative à la programmation des équipements. Il s’agit donc d’un élément de contrôle très important.

Cela étant, la transmission brute de la VAR n’était pas nécessairement le meilleur outil pour contrôler, dans son ensemble, la réalisation budgétaire dans ce domaine. À la suite d’un échange avec le cabinet de Mme la ministre, nous avons obtenu que se substitue aux dispositions de notre amendement initial la présentation de ces éléments aux présidents et aux rapporteurs budgétaires des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Non seulement ces dispositions sont plus simples, mais elles évitent de compliquer encore davantage la vie du ministère, en multipliant les rapports. De notre côté, nous pourrons voir effectivement comment est exécutée la loi de programmation militaire.

Tel est l’objet de cet amendement, sur lequel – je l’ai noté avec satisfaction – le Gouvernement s’apprête à émettre un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 148.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6 sexies, modifié.

(Larticle 6 sexies est adopté.)

Article 6 sexies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 7 (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel après l’article 6 sexies

Mme la présidente. L’amendement n° 113, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Kanner, Boutant et Devinaz, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 6 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le ministère des armées et le ministère de l’économie présentent de façon explicite et détaillée l’effort financier dans un document qui permette d’agréger l’ensemble des informations utiles au Parlement dans le cadre de la préparation de la loi de finances.

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Cet amendement a pour objet l’élaboration d’un document budgétaire consolidé, qui contiendrait toutes les informations pertinentes dont le Parlement a besoin en vue de la préparation du débat annuel sur le projet de loi de finances.

Il ne s’agit pas de proposer une réplique de la VAR, mais d’extraire de ce document ce qui pourrait être utile dans ce cadre, ce dont les parlementaires auraient besoin pour préparer convenablement le débat budgétaire.

À notre sens, la VAR doit faire, à cette fin, l’objet d’un travail commun entre les commissions parlementaires permanentes, les ministères concernés et les administrations.

Aujourd’hui, la VAR est le document le plus complet, le plus exhaustif en la matière. Mais elle constitue une source unique d’informations par ailleurs inaccessible et elle n’est pas facilement utilisable par les parlementaires. Il serait judicieux que le Parlement dispose d’un document qui rassemble toutes les informations utiles répondant précisément aux besoins des deux assemblées.

Un tel document aurait également pour avantage d’éviter la multiplication des questions et donc des réponses ministérielles, qui sont échangées sur les problématiques similaires et qui sont exprimées chaque fois de manière différente. Ainsi, nous pourrions tous gagner du temps et éviter certains efforts. Surtout, nous pourrions disposer d’un document unique de référence qui manque aujourd’hui. Une telle synthèse nous paraît indispensable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Ma chère collègue, sur ce sujet, nous avons deux visions légèrement différentes, même si nous ne sommes sans doute pas en désaccord sur le fond.

Pour préparer l’examen du projet de loi de finances, le document de référence, c’est le bleu budgétaire. (Mme la ministre manifeste son approbation.) Si des éléments manquent au sein de ce document, c’est aux assemblées, procédant conjointement, d’en obtenir.

Au reste, madame la ministre, nous accompagnons généralement le bleu budgétaire d’une liste de questions que nous adressons à votre cabinet et qui nous permet d’obtenir ces renseignements.

Cela étant, la commission est attachée à une vision pluriannuelle de la manière dont s’exécute la loi. À notre sens, ce n’est pas avec un nouveau document budgétaire annuel que l’on pourra éclaircir cette question, mais par le travail que nous menons au sein de la commission.

Comme le suggère Hélène Conway-Mouret, une action s’impose certainement à ce propos, de concert avec l’Assemblée nationale, au sein de la commission mixte paritaire, pour améliorer le contrôle du Parlement sur l’exécution des lois de programmation militaire.

Pour l’heure, la commission sollicite le retrait de cet amendement. Je le répète, le bleu budgétaire constitue un solide élément d’appréciation de la préparation et, désormais, il sera assorti des nouveaux tableaux, lesquels nous permettront également de juger de la bonne exécution des textes.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Je souscris tout à fait aux propos de M. le rapporteur.

Madame la sénatrice, je comprends parfaitement le besoin de simplification que vous exprimez : nous-mêmes, nous sommes aussi victimes de l’addition des demandes, qui viennent de différents canaux et qui mobilisent de nombreuses personnes au sein du ministère. Une réflexion relative à la simplification des documents fournis est bel et bien nécessaire.

À mon sens, l’enjeu réside moins dans l’addition d’informations nouvelles que dans l’effort de clarification et de simplification de la manière dont ces documents sont présentés.

Je suis tout à fait favorable à ce qu’un dialogue s’engage entre les assemblées et le ministère des armées pour une meilleure compréhension et une meilleure lecture de ces documents. En revanche, je ne suis pas du tout certaine que cela exige un article dans ce projet de loi de programmation. Ce travail relève, selon moi, des échanges naturels que nous devons avoir avec les différentes commissions parlementaires qui assurent le contrôle du fonctionnement de notre ministère.

Mme la présidente. Madame Conway-Mouret, l’amendement n° 113 est-il maintenu ?

Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la ministre, c’est effectivement pour simplifier les procédures, pour gagner du temps et pour assurer un travail conjoint, non seulement avec votre ministère, mais aussi avec nos collègues de l’Assemblée nationale, que nous avons déposé cet amendement. Vous pouvez le considérer comme un amendement d’appel.

Notre but, c’est de préparer au mieux les débats budgétaires. Ces derniers nous mobilisent beaucoup et constituent, chaque année, le principal temps fort politique de la session.

Ces précisions étant apportées, je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 113 est retiré.

TITRE II

DISPOSITIONS NORMATIVES INTÉRESSANT LA DÉFENSE NATIONALE

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux ressources humaines

Section 1

Statut et carrière

Article additionnel après l'article 6 sexies - Amendement n° 113
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 8

Article 7

(Non modifié)

I. – La quatrième partie du code de la défense est ainsi modifiée :

1° L’article L. 4138-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le militaire placé en congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de huit ans peut demander à souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle. Dans cette position, il recouvre ses droits à l’avancement au prorata du nombre de jours d’activité accomplis sous contrat d’engagement à servir dans la réserve. Les conditions d’application du présent alinéa sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;

2° Le 1° du III de l’article L. 4211-1 est complété par un c ainsi rédigé :

« c) Les militaires mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 4138-16, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État ; »

3° L’article L. 4221-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les militaires mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 4138-16, la durée des activités à accomplir au titre de l’engagement dans la réserve opérationnelle est déterminée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

II. – Le i de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les services accomplis dans la réserve opérationnelle durant un congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins huit ans sont pris en compte. »

Mme la présidente. L’amendement n° 82, présenté par Mmes Conway-Mouret, Rossignol et Jasmin, MM. Todeschini et Roger, Mme G. Jourda, MM. Devinaz, Mazuir et Vallini, Mmes Perol-Dumont et Blondin, M. Vaugrenard, Mmes Guillemot, Ghali et Conconne, MM. Tourenne, Lurel et Antiste, Mme Féret, M. Duran, Mme Préville, M. Courteau, Mme Taillé-Polian, M. Marie, Mmes Meunier et Espagnac, MM. Lalande, Féraud, Manable et Daudigny, Mmes Van Heghe, S. Robert, Tocqueville et Grelet-Certenais, MM. Cabanel, Sueur et Temal et Mme Cartron, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Première phrase

Après le mot :

le

insérer les mots :

ou la

2° Deuxième phrase

Après le mot :

position,

insérer les mots :

elle ou

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. L’armée française est l’une des armées les plus féminisées d’Europe, même si nous restons sous le seuil des 20 % de féminisation que nous nous étions fixé comme objectif. La présence des femmes dans nos armées est, aujourd’hui, de l’ordre de 15,4 %.

Dans ce contexte, une mesure performative, telle que l’utilisation des mots « le ou la militaire », peut revêtir de l’importance. Elle peut contribuer positivement à modifier la perception de notre armée.

La féminisation de nos armées est récente, et le caractère masculin du milieu militaire explique que les femmes y ressentent davantage que les hommes la nécessité de faire leurs preuves pour s’y imposer, notamment lorsqu’elles y exercent des fonctions d’autorité.

En 2015, j’ai été corapporteur du rapport intitulé Des Femmes engagées au service de la défense de notre pays. C’est l’un des sujets dont nous nous sommes alors saisis au sein de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Nous avons auditionné tous les corps d’armée et nous avons abouti à la conclusion suivante : le sentiment principal, chez les femmes militaires, celui qu’elles ressentent constamment, c’est la nécessité de prouver leurs compétences, de déjouer les stéréotypes véhiculés, entre autres, par leurs collègues. S’y ajoute la difficulté de faire accepter par l’entourage un rythme de vie contraignant. Je saisis cette occasion pour saluer l’engagement de ces femmes.

Je le répète, avec cet amendement, nous souhaitons féminiser l’article 7 ; c’est le premier qui, au sein du présent texte, contient les termes « le militaire ».

Nous ne proposons pas de modifier, à ce titre, l’ensemble de ce projet de loi, pour remplacer systématiquement « le militaire » par « le ou la militaire ».

Une telle rédaction inviterait simplement à employer le féminin ; elle permettrait de rendre visibles les femmes militaires et, ainsi, de défendre et de favoriser la mixité dans les métiers, gage d’amélioration du point de vue tant qualitatif que quantitatif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. L’intention est évidemment louable, et nous sommes tous très attentifs à la parité au sein des forces armées. À ce propos, il convient de rendre hommage aux efforts tout à fait substantiels qui sont accomplis, en la matière, année après année.

Néanmoins, la rédaction suggérée ne rend pas franchement la loi plus lisible, bien au contraire. Comment, du reste, accorder l’adjectif « placé », dans la première phrase du troisième alinéa de l’article 7 que cet amendement tend à modifier ? On voit bien la complexité qu’entraînerait une telle disposition.

En outre, il serait un peu curieux que seul cet article soit traité de manière paritaire.

Enfin, est-ce un bon signal de féminiser uniquement l’article relatif aux congés pour convenances personnelles afin d’élever un enfant de moins de huit ans ? Mieux vaudrait, à mon sens, féminiser un article traitant de l’accession au grade de général… (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Robert del Picchia rit.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Même avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 82.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7.

(Larticle 7 est adopté.)

Article 7 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 9 (Texte non modifié par la commission)

Article 8

I. – Le livre Ier de la quatrième partie du code de la défense est ainsi modifié :

1° Le 2° de l’article L. 4139-7 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « navigant, », sont insérés les mots : « à l’exception de l’officier général, » ;

b) À la fin de la deuxième phrase, les mots : « ou admis dans la deuxième section des officiers généraux » sont supprimés ;

c) Au début de la troisième phrase, les mots : « Sauf en ce qui concerne l’officier général, » sont supprimés ;

2° Après le tableau du deuxième alinéa du 2° de l’article L. 4139-16, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La limite d’âge des officiers généraux est celle applicable au grade de colonel, ou dénomination correspondante. Par dérogation, dans le corps des officiers de l’air, la limite d’âge des officiers généraux est fixée à cinquante-neuf ans. » ;

3° Au 2° de l’article L. 4141-5, les mots : « au-delà de la limite d’âge du grade de colonel, ou dénomination correspondante » sont remplacés par les mots : « au-delà de la limite d’âge de son grade ».

II. – (Non modifié) À titre transitoire, par dérogation au 2° de l’article L. 4139-7 du code de la défense, dans sa rédaction résultant du I du présent article, les officiers généraux sont placés sur leur demande en congé du personnel navigant, sous réserve d’en remplir les conditions, pour une durée égale à :

1° Trois ans pour ceux nés avant le 1er janvier 1963 ;

2° Deux ans et six mois pour ceux nés en 1963 ;

3° Deux ans pour ceux nés en 1964 ;

4° Un an et six mois pour ceux nés en 1965 ;

5° Un an pour ceux nés en 1966 ;

6° Six mois pour ceux nés en 1967.

III. – (Non modifié) La limite d’âge de cinquante-neuf ans mentionnée au troisième alinéa du 2° du I de l’article L. 4139-16 du code de la défense s’applique aux officiers généraux du corps des officiers de l’air nés à compter du 1er janvier 1968.

Pour les officiers généraux du corps des officiers de l’air dont la limite d’âge était de cinquante-six ans en application de l’article L. 4139-16 du code de la défense, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi, et qui sont nés avant le 1er janvier 1968, la limite d’âge qui leur est applicable est fixée à :

1° 56 ans pour ceux nés avant le 1er janvier 1963 ;

2° 56 ans et six mois pour ceux nés en 1963 ;

3° 57 ans pour ceux nés en 1964 ;

4° 57 ans et six mois pour ceux nés en 1965 ;

5° 58 ans pour ceux nés en 1966 ;

6° 58 ans et six mois pour ceux nés en 1967.

IV. – (Non modifié) Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2019, à l’exception des b et c du 1° du I, qui entrent en vigueur le 1er janvier 2027. – (Adopté.)

Article 8
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 9 bis (nouveau)

Article 9

(Non modifié)

I. – Les cinquième et sixième lignes du tableau du deuxième alinéa du 3° du I de l’article L. 4139-16 du code de la défense sont ainsi rédigées :

«

Infirmiers en soins généraux et spécialisés, infirmiers anesthésistes des hôpitaux des armées, masseurs-kinésithérapeutes des hôpitaux des armées, manipulateurs d’électroradiologie médicale des hôpitaux des armées, orthoptistes des hôpitaux des armées, orthophonistes des hôpitaux des armées

62

Corps de militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (sous-officiers) excepté les corps cités à la cinquième ligne, majors des ports (marine) et officiers mariniers de carrière des ports (marine)

59

».

II. – Le I entre en vigueur le premier jour du mois suivant la publication de la présente loi.

Mme la présidente. L’amendement n° 35, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Le Gouvernement a annoncé, pour 2020, un projet de refonte en profondeur des régimes de retraite. Or les personnels médico-civils des armées verraient dès à présent leur âge de départ à la retraite reporté de trois ans.

De prime abord, on peut entendre qu’il faille harmoniser les départs en retraite de personnels rattachés à la fonction publique hospitalière.

Toutefois, ces dispositions posent question.

Tout d’abord, si une harmonisation doit avoir lieu, pourquoi ne pas l’assurer au mieux-disant ? Placés sous pression depuis de nombreuses années, les personnels de la fonction publique hospitalière auraient vu là un gage de reconnaissance.

De plus, un tel choix aurait permis d’accompagner la volonté, exprimée par Mmes Buzyn et Vidal, d’ouvrir plus largement le numerus clausus et, ce faisant, de permettre l’accélération du renouvellement générationnel.

En outre, si le corps d’appartenance est le même, les conditions d’emploi, sur certains aspects, sont bien différentes. Il faut en tenir compte, faute de quoi l’on ira au-devant de graves déconvenues. Je pense notamment aux difficultés de recrutement qu’éprouve ce secteur, alors même qu’il a particulièrement besoin de personnel.

C’est pour ces raisons que nous proposons la suppression du présent article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Peut-être les dispositions de cet amendement traduisent-elles une mauvaise interprétation du présent article.

En effet, l’article 9 ne vise pas a priori à préparer et à organiser la suppression des régimes spéciaux. Il s’agit, au contraire, dans le cadre de la réforme de la fonction publique hospitalière, de reclasser un certain nombre de personnels pour les faire passer de la catégorie B à la catégorie A : il en est ainsi des anesthésistes ou des rééducateurs.

En conséquence, ces dispositions sont bonnes et, selon nous, ne recouvrent pas d’intention cachée. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Ces dispositions traduisent bien un progrès par rapport à la situation actuelle. Je demande donc, moi aussi, le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Madame Prunaud, l’amendement n° 35 est-il maintenu ?

Mme Christine Prunaud. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 35 est retiré.

Je mets aux voix l’article 9.

(Larticle 9 est adopté.)

Article 9 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 10

Article 9 bis (nouveau)

Le livre Ier de la quatrième partie du code de la défense est ainsi modifié :

1° Au quatrième alinéa de l’article L. 4111-1, les mots : « ainsi que les conditions de départ des armées et d’emploi après l’exercice du métier militaire » sont remplacés par les mots : « les conditions de départ des forces armées et formations rattachées ainsi que les conditions d’emploi après l’exercice du métier militaire » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 4139-4, les mots : « des armées » sont remplacés par les mots : « des forces armées et des formations rattachées » ;

3° Au premier alinéa de l’article L. 4139-9, les mots : « les armées » sont remplacés par les mots : « les forces armées et les formations rattachées ». – (Adopté.)

Section 2

Mesures visant à promouvoir la réserve militaire

Article 9 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 10 - Amendement n° 27 rectifié

Article 10

(Non modifié)

L’article L. 4221-6 du code de la défense est ainsi modifié :

1° À la première phrase, le mot : « trente » est remplacé par le mot : « soixante » ;

2° À la seconde phrase, les mots : « de soixante jours pour répondre aux besoins des armées, de cent cinquante jours en cas de nécessité liée à l’emploi des forces » sont remplacés par les mots : « de cent cinquante jours pour répondre aux besoins des forces armées et formations rattachées ». – (Adopté.)

Article 10
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 10 - Amendement n° 28 rectifié

Articles additionnels après l’article 10

Mme la présidente. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par Mmes Garriaud-Maylam et Renaud-Garabedian et MM. Bansard, Le Gleut et Frassa, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l’article L. 4211-1 du code de la défense est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les Français de l’étranger participent à ce parcours citoyen. »

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Nous avons longuement abordé ces questions ce matin, lors de la réunion de la commission. Les dispositions du présent amendement étant d’ordre assez général, je préfère me concentrer sur ceux que je présenterai dans la suite de ce débat ; j’accède donc à la demande de M. Cambon, et je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 27 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 10 - Amendement n° 27 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 10 bis

L’amendement n° 28 rectifié, présenté par Mme Garriaud-Maylam, M. Bansard, Mme Renaud-Garabedian et MM. Le Gleut et Frassa, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 4241-2 du code de la défense est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces volontaires peuvent être recrutés parmi les Français établis hors de France. »

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. On observe aujourd’hui un problème d’accession des Français établis hors de France à nos dispositifs militaires, notamment la réserve et la journée défense et citoyenneté – j’y reviendrai en présentant d’autres amendements.

Aussi, il me paraît extrêmement important de préciser dans le texte de la loi que les volontaires peuvent être recrutés parmi les Français établis hors de France, au titre de la réserve citoyenne.

Une telle précision a été introduite, en 2015, lors de l’actualisation de la loi de programmation militaire. Or elle ne figure pas dans le présent texte. Elle me semble pourtant d’une très grande importance. Il n’y a aucune raison pour que les Français établis hors de France, lesquels ont peut-être plus besoin que les autres d’une formation aux questions de défense, ne soient pas associés à ce processus.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Tout d’abord, ma chère collègue, je vous remercie d’avoir, comme nous le souhaitions, retiré l’amendement n° 27 rectifié.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 28 rectifié, je rappelle que les Français établis hors de France peuvent déjà, évidemment, faire partie de la réserve citoyenne de défense et de sécurité.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Certes, grâce à l’un de mes anciens amendements !

M. Christian Cambon, rapporteur. C’est sûrement une bonne chose de le réaffirmer solennellement. Mais, dès lors que votre intervention a eu lieu dans l’hémicycle, il me paraît préférable que vous retiriez cet amendement.

À mon sens, il n’est pas souhaitable d’énumérer toutes les catégories de Français qui peuvent faire partie de la réserve citoyenne : dans ce domaine comme dans d’autres, si l’on mentionne un droit pour telle catégorie, on peut en déduire que d’autres n’en disposent pas.

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. Christian Cambon, rapporteur. On ouvrirait ainsi la voie à une complexité juridique, que je souhaite éviter.

Madame Garriaud-Maylam, je le répète, il est bon de rappeler que les Français établis hors de France peuvent faire partie de la réserve citoyenne. Mais, à mon sens, vous pouvez retirer cet amendement, quitte à faire une bonne communication de votre intervention…

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ce n’était vraiment pas le but !

M. Christian Cambon, rapporteur. À défaut, j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. J’insiste à mon tour : il n’existe évidemment aucune discrimination dans l’accès à la réserve citoyenne.

M. Robert del Picchia. Et pour cause, il s’agit de citoyens français !

Mme Florence Parly, ministre. Cet amendement est donc satisfait et, à l’instar de M. le rapporteur, j’en sollicite le retrait.

Mme la présidente. Madame Garriaud-Maylam, l’amendement n° 28 rectifié est-il maintenu ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Malheureusement, les discriminations existent, et nous en parlerons à propos de la journée défense et citoyenneté : on empêche trop souvent les Français de l’étranger de participer à des manifestations qui relèvent de l’intérêt général, de l’intérêt de défense.

Je sais bien que les Français de l’étranger peuvent déjà participer à la réserve citoyenne : c’est précisément l’adoption de l’un de mes amendements qui a permis d’inscrire cette disposition dans la loi, et je rappelle qu’il a fallu beaucoup de temps pour y parvenir…

Toutefois, dès lors que ce droit est acquis, même s’il ne figure pas de manière explicite dans le présent texte, j’accepte de retirer mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 10 - Amendement n° 28 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 10 bis - Amendement n° 92 rectifié

Article 10 bis

L’article L. 3142-89 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 3142-89. – Tout salarié ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve opérationnelle bénéficie d’une autorisation d’absence de huit jours par année civile au titre de ses activités dans la réserve.

« Cependant, pour les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés, l’employeur peut décider, afin de conserver le bon fonctionnement de l’entreprise, de limiter ce temps à cinq jours. »

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Haut, sur l’article.

M. Claude Haut. Mes chers collègues, nous nous félicitons de l’amendement de compromis qui a été adopté en commission et qui constitue aujourd’hui l’article 10 bis.

Cet article vient rehausser l’autorisation d’absence des réservistes à huit jours par année civile, tout en permettant aux entreprises de moins de 250 salariés de maintenir cette autorisation à cinq jours, comme c’est actuellement le cas.

Ces dernières années, une véritable dynamique de dialogue et de partenariat s’est dessinée entre le ministère des armées et le monde de l’entreprise. Elle s’est traduite par la signature, à ce jour, de plus de 500 conventions de partenariat, portant à 36 000 le nombre de réservistes du ministère des armées pour un objectif de 40 000 à la fin de 2018. Ces chiffres sont très encourageants pour la montée en puissance de la réserve opérationnelle.

Cette logique incitative a l’avantage de conférer aux entreprises la qualité de partenaire de la défense, une visibilité, un logo et un label valorisable.

Il paraissait donc difficile de casser cette dynamique. Il aurait même été contre-productif d’instaurer des contraintes trop fortes pour nos entreprises, dont certaines sont très ouvertes à l’égard de la réserve opérationnelle.

Des contraintes trop pesantes auraient également porté le risque de voir se perpétuer le phénomène de clandestinité des réservistes dans les entreprises. Ces derniers peuvent refuser de faire état de leur engagement, de peur que leur activité militaire ne soit un handicap pour leur carrière. Or l’objectif premier est, aujourd’hui, de mettre un terme à cette clandestinité.

Nous soutenons donc le présent article, dans cette rédaction qui nous paraît adéquate et équilibrée, au regard de la réalité du monde de l’entreprise et de cette relation de partenariat que je viens d’exposer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l’article.

Mme Christine Prunaud. L’introduction par nos collègues députés d’un article instituant une autorisation d’absence pour que les réservistes soient libérés de leurs obligations professionnelles en cas de réquisition constitue une avancée importante. Cette disposition permet d’accorder une place de choix à la réserve civile dans le dispositif national civique.

Il est toutefois essentiel de rappeler que la réserve intervient en complément des militaires de métier et ne constitue pas une force de remplacement.

L’article 10 bis du projet de loi est donc largement perfectible. Si la mobilisation des réservistes dans une très petite entreprise peut poser de vrais problèmes d’organisation et de fonctionnement à cette dernière, le seuil de 200 salariés initialement fixé me semble peu approprié.

Il est paradoxal que, d’un côté, on augmente le nombre de jours d’activité possibles dans la réserve, et que, de l’autre, on ne prévoie qu’une autorisation d’absence très partielle.

Comme cela a été dit à plusieurs reprises sur les travées de cet hémicycle, la défense en France est l’affaire de toutes et de tous. Les entreprises doivent donc pleinement participer à cet effort, et les réservistes doivent avoir les moyens de répondre à l’appel qui leur est adressé.

Soumettre l’engagement de réserve au bon vouloir de l’employeur revient à imposer aux réservistes de prendre sur leur temps de repos pour participer aux activités de réserve.

Cela pose la question de l’efficacité de la réserve, mais également celles de sa vocation et de son caractère de solidarité nationale. Si je peux comprendre qu’une entreprise de dix salariés ait du mal à se séparer d’un employé, j’espère que ce ne sera pas le cas des grandes entreprises.

Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié bis, présenté par MM. Le Gleut, Perrin, Babary et Brisson, Mme Bruguière, MM. Charon et Chevrollier, Mme Deromedi, M. Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Gremillet, Grosdidier et Kennel, Mme Lassarade et MM. Laufoaulu, Lefèvre, H. Leroy, Magras, Paccaud et Piednoir, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Ronan Le Gleut.

M. Ronan Le Gleut. La rédaction nouvelle proposée pour l’article L. 3142-89 du code du travail prévoit le passage de cinq à huit jours de l’autorisation d’absence octroyée aux salariés des entreprises de plus de 250 salariés au titre de leurs activités de réserve.

Or cette hausse du nombre de jours n’a jamais été sollicitée, ni par les réservistes ou les associations qui les fédèrent, ni par le ministère des armées, ni par le secrétaire général de la Garde nationale, bien que ce dernier soit impliqué dans le développement de conventions signées entre l’armée et les entreprises aux fins de favoriser l’activité des salariés engagés dans la réserve.

De plus, l’autorisation d’absence au titre de la réserve est dans les faits peu appliquée. En effet, les salariés engagés dans la réserve souhaitent rarement faire état dans leur environnement professionnel de leur engagement dans la réserve pour des raisons multiples et diverses.

Le passage à huit jours au lieu de cinq pour toutes les entreprises au-delà de 250 salariés s’avère donc inutile et pourrait même être contre-productif, car il pourrait menacer la carrière de certains réservistes ou freiner leur embauche.

De plus, imposer aux entreprises, y compris de taille intermédiaire, des obligations plus contraignantes irait à l’encontre de l’équilibre aujourd’hui acquis et constituerait une contrainte sans doute trop forte pour certaines d’entre elles.

Il est donc proposé de supprimer l’article 10 bis, afin de conserver la rédaction actuelle de l’article L. 3142-89 du code du travail qui semble satisfaire les parties concernées.

Imaginez, mes chers collègues, la situation d’un réserviste engagé dans un processus d’embauche. Le directeur des ressources humaines de l’entreprise concernée, qui compte 260 salariés, hésite entre deux candidats. Le premier étant réserviste, il bénéficiera d’un droit de huit jours d’absence supplémentaires par rapport au second candidat. Vous comprenez ce que cette mesure, en apparence bonne, pourrait avoir de contre-productif dans une entreprise qui n’aurait pas d’intérêt particulier pour la défense. Dans la pratique, il s’agit d’une fausse bonne idée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. La réserve joue un rôle important en complément des moyens de nos armées, et c’est pourquoi nous devons trouver un moyen terme entre, d’une part, l’intérêt des entreprises – ayant été chef d’entreprise pendant vingt-cinq ans, je sais de quoi je parle –, et, d’autre part, l’intérêt de la réserve en favorisant le recrutement en son sein.

Le régime actuel prévoit une autorisation d’absence de cinq jours. Lors de l’examen du présent texte, l’Assemblée nationale a porté cette autorisation à dix jours. Nous avons trouvé un moyen terme de huit jours qui, je crois, peut faire consensus dans la mesure où l’article 10 du présent projet de loi porte la durée de la réserve de trente à soixante jours.

Dans ces conditions, comme l’a bien dit Jean-Marie Bockel, l’on ne peut faire des réservistes salariés les passagers clandestins de la réserve, qui n’oseraient avouer leur statut à leur chef d’entreprise.

Je pense qu’il faut rester mesuré. Les chefs d’entreprise sont susceptibles de comprendre que le service national peut être accompli dans le cadre de la réserve. De ce point de vue, nos amis suisses sont très bien organisés.

L’équilibre que nous avons trouvé – porter l’autorisation d’absence à huit jours dans les entreprises de plus de 250 salariés et conserver le régime des cinq jours en deçà de ce seuil – me semble judicieux, une PME de 250 salariés n’ayant pas du tout les mêmes contraintes qu’une entreprise de 5 000 salariés. Les salariés réservistes auront ainsi les moyens d’assumer le passage de la durée de la réserve de trente à soixante jours, et les petites et moyennes entreprises ne seront pas pénalisées.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Comme l’a dit M. le rapporteur, le présent article est important.

La commission du Sénat a adopté un amendement tendant à porter à huit jours l’autorisation d’absence octroyée aux salariés réservistes au lieu des cinq jours actuellement prévus.

Soucieuse de prendre en compte les difficultés particulières que cette obligation peut entraîner pour les entreprises de moins de 250 salariés, elle a toutefois maintenu la règle actuelle pour celles-ci.

Si le Gouvernement ne peut que partager l’objectif de rendre les salariés plus disponibles pour effectuer des activités de réserve opérationnelle, il souhaite toutefois privilégier une méthode différente, en développant, par la signature de conventions, une forme de partenariat avec les entreprises.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

M. Jean-Pierre Grand. Et Dieu sait si elle est grande !

Mme la présidente. Monsieur Le Gleut, l’amendement n° 22 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Ronan Le Gleut. Oui, madame la présidente. J’insiste sur le risque que les réservistes ne pâtissent d’un frein à l’embauche si nous plaçons la barre trop haut.

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.

M. Cédric Perrin. L’amendement déposé par Jean-Marie Bockel en vue de l’élaboration du texte de la commission visait à réduire de dix à huit le nombre de jours d’autorisation d’absence. Il s’agissait de couper la poire en deux, et de diminuer le chiffre de dix jours qui pouvait être rédhibitoire pour un employeur.

J’ai cosigné le présent amendement parce que je pense que le statu quo est encore préférable. Nous devons nous montrer extrêmement prudents afin de ne pas créer l’effet inverse de l’effet escompté initialement. Nous ne voudrions pas qu’un jeune candidat ne soit pas embauché dans une petite entreprise au motif qu’il serait difficile pour celle-ci de le libérer plus de cinq jours au titre de son service dans la réserve.

De reste, par convention avec le ministère, les entreprises peuvent octroyer dix, quinze ou vingt jours d’autorisation d’absence à leurs salariés réservistes, voire plus.

Il me paraît donc plus prudent de maintenir l’autorisation d’absence des salariés réservistes à cinq jours.

Je voterai le présent amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Il me semble que le fait d’être réserviste est aussi un facteur positif au moment de l’embauche. Si j’étais directeur des ressources humaines et que je devais choisir entre deux candidats dont l’un serait réserviste et l’autre non, j’opterais plutôt pour le premier.

M. Cédric Perrin. Ce n’est vrai que dans le monde des Bisounours !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié ter, présenté par MM. Le Gleut, Perrin, Babary et Brisson, Mme Bruguière, MM. Charon et Chevrollier, Mme Deromedi, M. Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Gremillet, Grosdidier et Kennel, Mme Lassarade et MM. Laufoaulu, Lefèvre, H. Leroy, Magras, Paccaud et Piednoir, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

deux cent cinquante

par les mots :

cinq mille

La parole est à M. Ronan Le Gleut.

M. Ronan Le Gleut. Il s’agit d’un amendement de repli.

À défaut du maintien du système actuellement en vigueur des cinq jours de congé octroyés de droit aux salariés réservistes pour leurs activités au titre de la réserve, il est proposé de réserver ledit congé de droit à huit jours pour les seules entreprises de plus de 5 000 salariés, les entreprises de moins de 5 000 salariés, dans le souci de leur bon fonctionnement, pouvant limiter ce droit à cinq jours.

Le seuil de 250 salariés semble insuffisant, réservant le bénéfice de la possibilité de limiter le congé à cinq jours au lieu de huit aux seules PME.

Or les entreprises de taille intermédiaire, les ETI, qui, selon la classification l’INSEE, comptent de 250 à 4 999 salariés, sont souvent fragiles et leur bon fonctionnement pourrait se trouver affecté, notamment pour les plus petites d’entre elles, par l’octroi obligatoire de huit jours de congé au titre de la réserve.

De même, les salariés réservistes pourraient voir leur carrière, voire leur embauche, entravée dans ce type d’entreprises.

Il est donc proposé de passer le seuil de 250 à 5 000 salariés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. La rédaction proposée est agile, mais notre excellent collègue Ronan Le Gleut ne va pas jusqu’au bout des citations de l’INSEE, qui ne dénombre que 274 entreprises de 5 000 salariés et plus dans toute la France. Autant dire que le dispositif ne s’appliquerait qu’à une part tout à fait infime des entreprises.

Ces très grandes entreprises étant de surcroît souvent signataires de conventions permettant justement à leurs salariés de servir dans la réserve, l’adoption du présent amendement viderait l’article 10 bis de son sens.

La commission demande donc son retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Même avis, madame la présidente.

Mme la présidente. Monsieur Le Gleut, l’amendement n° 23 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Ronan Le Gleut. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 23 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 25 rectifié, présenté par Mme Garriaud-Maylam, M. Bansard, Mme Renaud-Garabedian et MM. Le Gleut et Frassa, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout salarié de nationalité française d’une entreprise, administration et établissement public à caractère industriel et commercial français à l’étranger peut souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle. »

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la présidente, compte tenu de nos précédents échanges, je retire le présent amendement pour me concentrer sur mes deux amendements suivants.

Mme la présidente. L’amendement n° 25 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 10 bis.

(Larticle 10 bis est adopté.)

Article 10 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 11

Article additionnel après l’article 10 bis

Mme la présidente. L’amendement n° 92 rectifié, présenté par Mmes Garriaud-Maylam et Renaud-Garabedian et MM. Bansard, Le Gleut et Frassa, est ainsi libellé :

Après l’article 10 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L.114-8 du code du service national est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La liste des journées défense et citoyenneté organisées par les postes diplomatiques et consulaires à l’étranger est communiquée chaque année aux élus des Français établis hors de France. »

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je tiens à revenir sur la question des journées défense et citoyenneté, les JDC. Ces dernières sont anciennes puisque, comme vous le savez, mes chers collègues, elles avaient été créées à la suite de la suspension du service national en 1999.

Si ces journées défense et citoyenneté sont théoriquement ouvertes aux Français de l’étranger, ce n’est plus du tout le cas dans les faits.

Le ministère des affaires étrangères, prié de faire des économies budgétaires, a d’ailleurs diffusé des instructions qui ont eu pour effet de rayer d’un trait les journées défense et citoyenneté des budgets de certains consulats.

Ces journées sont pourtant essentielles au maintien de la citoyenneté chez nos jeunes Français de l’étranger qui sont souvent des binationaux sans aucun lien véritable avec la France, qui parfois parlent mal le français et qui peuvent être soumis à des campagnes assez négatives sur la France et ce qu’elle représente.

Le présent amendement vise donc à imposer que la liste des journées défense et citoyenneté organisées à l’étranger soit transmise chaque année aux élus représentant les Français de l’étranger. Nous pourrons ainsi en effectuer le suivi, et voir où elles ne sont jamais organisées.

Nous savons bien que la participation des Français de l’étranger à ces journées défense et citoyenneté peut s’avérer compliquée, notamment lorsque leur domicile se trouve loin d’un consulat, les frais de transport, parfois dissuasifs, n’étant pas remboursés.

D’autres solutions pourraient être imaginées – j’ai déjà proposé le recours à un MOOC, c’est-à-dire à une formation –, mais il faut tout d’abord que la nécessité d’organiser les journées défense et citoyenneté soit inscrite dans la loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Je souhaite saluer l’élégance et la courtoisie de Mme Garriaud-Maylam.

Le présent amendement nous semble tout à fait fondé. En effet, un certain nombre de postes diplomatiques sont autorisés à ne pas organiser les JDC, mais la liste de celles-ci permettrait de savoir quelles sont les raisons matérielles qui les conduisent à ne pas le faire.

Je rappelle que la Cour des comptes, dans un rapport de 2016, a relevé ce problème et a souligné que les modalités d’organisation de la JDC devaient être revues afin d’accroître le taux de participation des jeunes Français établis hors de France. Lors de la présentation d’amendements ultérieurs, nous verrons qu’il ne faut d’ailleurs en exempter personne.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement important.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. J’ai bien écouté votre argumentaire, madame la sénatrice. Il y a le droit et la pratique.

Dans la pratique, le chef de poste diplomatique a en effet la possibilité de décider d’un report de la JDC dans les pays où l’organisation d’une session peut soit porter préjudice aux personnes convoquées, soit être rendue impossible du fait de contraintes matérielles importantes.

En cas de report, c’est le poste qui informe les jeunes de la possibilité de participer à une JDC à leur retour en France si ce retour a lieu avant leurs vingt-cinq ans, et leur délivre une attestation provisoire de report permettant de justifier leur régularité au regard du service national français, ne compromettant donc en aucun cas les droits des jeunes concernés.

Si je comprends votre préoccupation, madame la sénatrice, permettez-moi d’indiquer que tous ces éléments sont disponibles et peuvent être fournis par l’administration. Il ne me paraît par conséquent pas nécessaire de légiférer sur ce point.

Aussi, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Mme Hélène Conway-Mouret. Les Français de l’étranger sont des Français à part entière, soumis aux mêmes devoirs et jouissant des mêmes droits que ceux de l’Hexagone.

L’adoption de cet amendement constituerait un signal fort, susceptible de montrer qu’au-delà du lien sentimental qui peut les lier à notre pays, nous soutenons leur envie de s’engager et de défendre celui-ci.

Je ne vois pas de raison objective, en tout cas pas financière, à ce qu’un chef de poste s’oppose à l’organisation d’une telle journée. Pour avoir été élue moi-même pendant près de quinze ans dans une circonscription d’Europe du Nord, j’ai pu constater que l’organisation d’une telle journée reposait sur la volonté du chef de poste de solliciter l’attaché de défense et les élus locaux pour s’adresser à tous ces jeunes et les réunir. Cette journée est d’ailleurs aussi l’occasion d’évaluer le niveau de français des jeunes.

Ces derniers étaient à chaque fois ravis, car la journée défense et citoyenneté leur permettait de prendre conscience qu’ils appartenaient à notre pays – parfois un peu lointain, bien que ce ne fût pas le cas dans ma circonscription –, et qu’ils n’étaient pas seuls. C’était aussi une façon de les identifier et de les regrouper. Les courriers que nous avons reçus ont été à chaque fois incroyablement positifs.

L’organisation d’une telle journée ne demande pas beaucoup d’effort. Il suffit d’y collaborer localement en soutenant l’ambassadrice ou l’ambassadeur.

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. Je comprends qu’il soit difficile d’organiser les journées défense et citoyenneté dans certains pays, notamment au Moyen-Orient ou dans certains pays d’Afrique où la tension est très forte. Allez donc voir quelle est la situation au Mali ! Je comprends donc très bien que certains ambassadeurs ne le souhaitent pas.

Ce n’est pourtant pas le seul problème. Si nous adoptions le présent amendement, quid du service national universel lorsqu’il existera ? Si la JDC est supprimée et remplacée par le service national universel, nous aurons introduit dans la loi une obligation relative à un dispositif qui n’existera plus. Il faudra donc introduire une disposition spéciale pour les Français établis à l’étranger.

Quoi qu’il en soit, le problème se posera bientôt.

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur del Picchia, c’est aussi parce que nous savons que les choses risquent d’évoluer qu’il est important de réaffirmer dès à présent la participation des Français de l’étranger à la journée défense et citoyenneté.

L’on m’a toujours opposé l’argument financier – l’organisation de cette journée coûterait très cher, alors que nous devons faire des économies. Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire dans différentes tribunes, il est inconcevable de vouloir supprimer ces JDC qui ne coûtent quasiment rien, sinon peut-être un café et un croissant – et encore, certaines ambassades ne les offrent même pas ! –, alors que l’on va dépenser des millions d’euros pour le service national universel.

Afin de préserver les Français établis à l’étranger de toute forme de discrimination, j’exhorte mes collègues à voter en faveur de cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 92 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10 bis.

Article additionnel après l'article 10 bis - Amendement n° 92 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 11 - Amendement n° 24 rectifié ter

Article 11

La quatrième partie du code de la défense est ainsi modifiée :

1° Le deuxième alinéa de l’article L. 4143-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Toutefois, en l’absence de promotion d’officier, de sous-officier ou d’officier marinier de carrière du même corps et du même grade la même année, une promotion d’officier, de sous-officier ou d’officier marinier de réserve peut être prononcée. L’ancienneté requise correspond à celle constatée lors de la dernière promotion effectuée dans le corps et le grade de référence. » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 4221-2 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les limites d’âge des militaires de la réserve opérationnelle sont celles mentionnées à l’article L. 4139-16, augmentées de cinq ans.

« Pour les militaires du rang, la limite d’âge est de cinquante ans.

« Les limites d’âge des spécialistes mentionnés à l’article L. 4221-3 sont celles des cadres d’active, augmentées de dix ans, sans qu’elles puissent excéder l’âge maximal de soixante-douze ans.

« Les limites d’âge des réservistes de la réserve opérationnelle relevant des corps des médecins, des pharmaciens, des vétérinaires et des chirurgiens-dentistes sont celles des cadres d’active, augmentées de dix ans. » ;

3° Au début de la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 4221-4, les mots : « Lorsque les circonstances l’exigent » sont remplacés par les mots : « Sur demande de l’autorité militaire, lorsque les ressources militaires disponibles apparaissent insuffisantes pour répondre à des circonstances ou à des nécessités ponctuelles, imprévues et urgentes » ;

4° Le chapitre unique du titre V du livre II est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa de l’article L. 4251-2 est complété par les mots : « , ainsi que de la prise en charge des frais de santé dans les conditions prévues à l’article L. 160-1 du même code » ;

a bis) (nouveau) Le deuxième alinéa de l’article L. 4251-2 est ainsi modifié :

– après les mots : « l’article L. 4251-3 » sont ajoutés les mots : « du présent code » ;

– les mots : « de ce même code » sont remplacés par les mots : « du code de la sécurité sociale » ;

b) L’article L. 4251-7 est ainsi rédigé :

« Art. L. 4251-7. – Le réserviste victime de dommages subis pendant les périodes d’activité dans la réserve et, en cas de décès, ses ayants droit ont droit, à la charge de l’État, à la réparation intégrale du préjudice subi, sauf en cas de dommage imputable à un fait personnel détachable du service. »

Mme la présidente. L’amendement n° 36, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Après le mot :

dommages

insérer les mots :

physiques et psychiques

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Cet amendement vise à préciser que les dommages couverts dans le cadre de la réserve sont tout autant de nature physique que psychique. Il s’agit d’une avancée importante. Il faut faciliter les conditions d’exercice des volontaires.

Malheureusement, si ces deux types de dommages physiques et psychiques font partie intégrante du dommage corporel, l’évaluation juridique des souffrances psychiques est souvent trop complexe.

Concrètement, en cas d’antécédents psychiques, le préjudice risquerait de ne pas être reconnu, la causalité entre l’activité de réserviste et les troubles étant difficilement prouvable.

La précision permettrait de créer une forme de reconnaissance du fait que l’activité de réserviste peut conduire à des troubles psychiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Il s’agit d’un très bon amendement, d’un amendement de bon sens. Les dommages psychiques doivent en effet être pris en compte dans les droits à réparation des réservistes.

L’avis de la commission est donc favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Je veux vous remercier, madame la sénatrice, de cet apport utile.

L’avis du Gouvernement est également favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 36.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 11, modifié.

(Larticle 11 est adopté.)

Article 11
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 11 - Amendement n° 68 rectifié bis

Articles additionnels après l’article 11

Mme la présidente. L’amendement n° 24 rectifié ter, présenté par MM. Le Gleut, Perrin et Brisson, Mme Bruguière, MM. Charon, Chevrollier et Courtial, Mme Deromedi, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Gremillet, Grosdidier et Kennel, Mme Lassarade et MM. Laufoaulu, Lefèvre, H. Leroy, Magras, Paccaud, Panunzi et Piednoir, est ainsi libellé :

Après l’article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 114-12 du code du service national est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les Français ayant effectué une période militaire d’initiation ou de perfectionnement à la défense nationale, ou ayant souscrit un contrat d’engagement dans la réserve opérationnelle, ne sont pas soumis à l’obligation de participer à la journée défense et citoyenneté. »

La parole est à M. Ronan Le Gleut.

M. Ronan Le Gleut. Les Français qui effectuent spontanément une période militaire d’initiation ou de perfectionnement à la défense nationale, ou qui souscrivent un contrat d’engagement dans la réserve opérationnelle remplissent déjà pleinement leur devoir citoyen. La journée défense et citoyenneté est donc totalement inutile.

De plus, exempter ces citoyens libérerait du temps et du personnel d’encadrement pour l’institution. Il s’agit par conséquent d’une mesure de bon sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. En l’occurrence – c’est une exception –, je ne partage pas le bon sens de mon collègue Le Gleut.

En adoptant le présent amendement, nous risquerions d’ouvrir une boîte de Pandore. Nous venons de convenir que, en l’état actuel des choses et attendant la création d’un hypothétique service national universel, il faut faire en sorte que les JDC soient organisées partout et concernent tous les jeunes. Il ne faut donc pas créer le début d’une exception.

Dans ce cas, pourquoi ne pas exempter les cadets de la défense, les jeunes qui accomplissent leur scolarité au sein d’un lycée militaire ou d’une classe de défense et de sécurité globale, ou encore ceux qui s’engagent en souscrivant un service civique ?

De surcroît, la JDC permet non seulement d’informer sur les dispositifs d’engagement citoyen, mais elle est aussi l’occasion d’évaluer un certain nombre d’apprentissages fondamentaux, comme la pratique de la langue française, et de sensibiliser les jeunes à la sécurité routière et à des problématiques de santé.

Conformément à la préconisation de la Cour des comptes dans le rapport susvisé, il y a donc un vrai intérêt à ce que le plus grand nombre de jeunes participent aux JDC.

Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des armées. Même avis, madame la présidente.

Mme la présidente. Monsieur Le Gleut, l’amendement n° 24 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Ronan Le Gleut. Comment ne pas être d’accord avec le bon sens du rapporteur ? Je retire cet amendement, madame la présidente. (Applaudissements.)

Mme la présidente. L’amendement n° 24 rectifié ter est retiré.

Article additionnel après l'article 11 - Amendement n° 24 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 11 bis A (nouveau)

L’amendement n° 68 rectifié bis, présenté par Mme Imbert, MM. Grosdidier, D. Laurent, Bouchet, Husson et Cornu, Mmes Garriaud-Maylam et Micouleau, M. Kennel, Mme Deromedi, MM. Gilles et Paccaud, Mme Morhet-Richaud, M. Revet, Mme Bruguière, M. Brisson, Mmes Bonfanti-Dossat, Bories, Gruny et Puissat, MM. Lefèvre et Pointereau, Mmes Chauvin et Deroche, MM. Daubresse et Pierre, Mme de Cidrac, MM. B. Fournier, Gremillet et Laménie, Mmes L. Darcos et Lherbier et M. H. Leroy, est ainsi libellé :

Après l’article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet, avant le 30 juin 2019, un rapport visant à rassembler les initiatives qui permettront de rendre plus attractive la réserve opérationnelle aux professionnels de l’informatique.

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Les métiers de l’informatique connaissent un développement sans précédent. Ce secteur d’activité très concurrentiel voit ses besoins augmenter chaque année. Or, contrairement au secteur privé, l’armée reste peu attractive pour les professionnels de l’informatique, cette tendance s’amplifiant d’ailleurs s’agissant de la réserve.

Cet amendement a pour objet de fournir un état des lieux des professions liées au secteur de l’informatique et, ainsi, de favoriser un recrutement efficient de réservistes voie état-major spécialisés dans le domaine de l’informatique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Nous constatons en effet un manque de personnel dans le domaine informatique.

C’est un sujet sur lequel la réserve peut évidemment apporter des réponses. Il nous semble ainsi que le rapport annuel sur la réserve opérationnelle devrait pouvoir traiter de cette question. Je me tourne vers le Gouvernement : madame la ministre, pouvez-vous vous engager à bien intégrer cette thématique dans ledit rapport, auquel cas Mme Morhet-Richaud pourrait retirer son amendement ? À défaut d’un tel retrait, la commission émettrait un avis défavorable, car l’amendement serait superfétatoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. Comme vient de le dire M. le rapporteur, un rapport sur la réserve opérationnelle est établi chaque année et aborde notamment le problème des différents métiers de la réserve.

Le recrutement et la fidélisation des réservistes dans le domaine de la cyberdéfense sont évidemment l’une de nos priorités et font l’objet de toute l’attention du ministère, qu’il s’agisse des réservistes opérationnels ou citoyens. La modernisation en cours du système informatisé de la réserve devrait permettre d’optimiser davantage certaines étapes de recrutement.

Ces initiatives figureront bien sûr dans les prochains rapports annuels. Dans la mesure où nous nous engageons à mettre en œuvre cette demande, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, madame la sénatrice.

M. Christian Cambon, rapporteur. Merci, madame la secrétaire d’État !

Mme la présidente. Madame Morhet-Richaud, l’amendement n° 68 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Patricia Morhet-Richaud. Compte tenu de l’engagement qui vient d’être pris, je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 68 rectifié bis est retiré.

Article additionnel après l'article 11 - Amendement n° 68 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Articles 11 bis et 11 ter

Article 11 bis A (nouveau)

Au deuxième alinéa de l’article L. 115-1 du code du service national, le mot : « trente » est remplacé par le mot : « quarante-cinq ».

Mme la présidente. L’amendement n° 86, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 115-1 du code du service national est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « qui en définit les modalités » sont remplacés par les mots : « et, pour la gendarmerie nationale, du ministre de l’intérieur » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « âgés de plus de seize ans et de moins de trente ans et » sont supprimés ;

3° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre de l’intérieur définit les modalités de la période militaire d’initiation ou de perfectionnement prévue au présent article et, notamment, les limites d’âge qui peuvent être imposées aux candidats. »

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. Cet amendement tend à modifier la limite d’âge pour suivre une préparation militaire.

La montée en puissance de la réserve opérationnelle nécessite d’améliorer et de fluidifier le recrutement pour pallier la complexité du processus d’engagement. La réalisation de cet objectif passe par une simplification de la formation initiale des réservistes.

L’article L. 4211-4 du code de la défense inscrit la préparation militaire d’initiation ou de perfectionnement comme une voie de recrutement pour la réserve opérationnelle.

Toutefois, la préparation militaire est actuellement limitée aux Français âgés de moins de trente ans par l’article L. 115-1 du code du service national Cette limite d’âge complexifie beaucoup le recrutement des réservistes de plus de trente ans et prive ainsi le ministère des armées d’une partie du vivier des réservistes âgés de trente à quarante ans.

Cette préoccupation est partagée par le sénateur Ronan Le Gleut. Ce dernier a soutenu une démarche similaire en commission en faisant adopter un amendement qui permet d’étendre jusqu’à quarante-cinq ans la limite d’âge prévue pour effectuer une préparation militaire, notamment pour les candidats à la réserve, ce qui nous facilitera la tâche, me semble-t-il, puisque cette mesure nous aidera à atteindre nos objectifs en termes de réserve opérationnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement du Gouvernement.

Je veux au passage rendre la politesse à mon collègue Ronan Le Gleut, puisque l’idée tout à fait judicieuse qu’il a défendue en commission, et qui a abouti à l’insertion dans le texte de l’article 11 bis A, doit lui être attribuée.

Il nous semble tout à fait utile et important de porter la limite d’âge à quarante ans – je crois que le Gouvernement envisage de le faire par arrêté –, afin d’empêcher les effets d’éviction entre jeunes recrues et réservistes plus âgés.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 86.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 11 bis A est ainsi rédigé.

Article 11 bis A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 11 quater (nouveau)

Articles 11 bis et 11 ter

(Supprimés)

Articles 11 bis et 11 ter
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 11 quater - Amendement n° 20 rectifié bis

Article 11 quater (nouveau)

I. – Le paragraphe 1 de la section 2 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est complété par un article L. 3142-94-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3142-94-1. – I. – Un salarié peut, sur sa demande et en accord avec l’employeur, renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris, qu’ils aient été affectés ou non sur un compte épargne temps, au bénéfice d’un autre salarié de l’entreprise ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve opérationnelle pour lui permettre d’effectuer une période d’activité dans la réserve opérationnelle. Le congé annuel ne peut être cédé que pour sa durée excédant vingt-quatre jours ouvrables.

« Le salarié bénéficiaire d’un ou plusieurs jours cédés en application du précédent alinéa bénéficie du maintien de sa rémunération pendant sa période d’absence. Cette période d’absence est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début de sa période d’absence. »

II. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du I aux agents publics civils et militaires. – (Adopté.)

Article 11 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 11 quater - Amendement n° 8

Articles additionnels après l’article 11 quater

Mme la présidente. L’amendement n° 20 rectifié bis, présenté par MM. Courtial et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. D. Laurent et Joyandet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Saury, Revet, Charon, Bascher et Gilles, Mme Imbert, M. Kennel, Mme Deromedi, MM. Reichardt et Magras, Mmes Bories et Delmont-Koropoulis, MM. Piednoir, Lefèvre, Sido, Allizard, Panunzi, Schmitz et Carle, Mme Keller, MM. Danesi, Daubresse, J.M. Boyer et Duplomb, Mmes de Cidrac, L. Darcos et Lherbier et M. H. Leroy, est ainsi libellé :

Après l’article 11 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 611-8 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 611-… ainsi rédigé :

« Art. L. 611 -… – Les établissements d’enseignement supérieur permettent aux réservistes contractant un engagement à servir dans la réserve de poursuivre leur mobilisation par les aménagements nécessaires dans l’organisation et le déroulement de leurs études et de leurs examens ainsi que par le développement de l’enseignement à distance et le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle. »

La parole est à M. Max Brisson.

M. Max Brisson. Notre pays, dans la mesure où il fait face à une menace terroriste sans précédent – ce point a déjà été largement débattu –, a besoin d’une réserve opérationnelle, qui est une absolue nécessité.

Fort heureusement, de plus en plus d’étudiants s’engagent ou souhaitent s’engager et servir dans la réserve. Mais si l’engagement associatif est souvent valorisé par l’université, ce n’est pas le cas de l’engagement dans la réserve opérationnelle. L’étudiant réserviste peut même être sanctionné en cas d’absence, dès lors que cette absence ne constitue pas un motif légal d’aménagement ou de rattrapage du temps universitaire. La décision reste donc toujours à la discrétion du professeur.

Les étudiants réservistes ont besoin d’un parcours aménagé qui reconnaisse le réserviste étudiant et la réserve étudiante. Il faut légiférer pour que ce parcours soit reconnu dans l’enseignement supérieur. Tel est l’objet du présent amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Il s’agit d’un bon amendement, mais il est satisfait par l’article 34 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté qui a modifié le code de l’éducation en conséquence.

Je vous renvoie, mon cher collègue, à l’article L. 611-11 de ce code qui prévoit « de permettre aux étudiants […] accomplissant une activité militaire dans la réserve opérationnelle » de bénéficier d’« aménagements dans l’organisation et le déroulement des études ».

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Brisson, l’amendement n° 20 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Max Brisson. Non, bien sûr, madame la présidente. Toutefois, je pense qu’il est nécessaire que les universités et les établissements d’enseignement supérieur aient bien conscience et connaissance de la situation décrite par le rapporteur.

Je retire l’amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 20 rectifié bis est retiré.

Article additionnel après l'article 11 quater - Amendement n° 20 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 12

L’amendement n° 8, présenté par M. Guerriau et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :

Après l’article 11 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, six mois après la publication de la présente loi, un rapport relatif à l’inclusion d’une période d’engagement militaire ou civique dans le programme des écoles de fonctionnaire.

La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Avec la suppression du service militaire, le monde de la fonction publique se trouve coupé du monde militaire.

Pour la haute fonction publique, issue de l’ENA notamment, cela conduit à un éloignement de la réalité quotidienne de la condition militaire et de la défense nationale, alors que certaines décisions structurantes en la matière impliquent l’administration.

Pour le monde militaire, cela signifie se priver d’un vivier de talents dont les compétences administratives, techniques ou d’encadrement pourraient être utilisées à profit : l’engagement de jeunes élèves fonctionnaires stagiaires dans l’encadrement du futur service national universel pourrait, par exemple, être envisagé.

Plus largement, cet amendement vise à engager une réflexion sur la formation des élèves fonctionnaires en lien avec le monde militaire, et ce dans un souci de rayonnement des armées, de sensibilisation des hauts fonctionnaires à la défense nationale et d’utilisation par les armées de compétences extérieures, lors d’une période de stage, par exemple. Une articulation de ce dispositif avec la réserve opérationnelle pourrait également être étudiée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Cette demande de rapport relatif à l’inclusion d’une période d’engagement militaire dans le programme des écoles de la fonction publique touche en vérité à ce qui pourrait constituer l’une des composantes du service national universel, le SNU.

Or la commission s’est vigoureusement refusée à examiner l’organisation du service national universel, qui ne fait pas l’objet de ce projet de loi de programmation militaire. En effet, nous avons dit et répété que le financement du futur SNU ne devait pas porter atteinte au financement de la loi de programmation militaire. Nous avons même modifié le texte en ce sens.

Cela étant, madame la ministre, je profite de l’occasion pour vous parler du service national universel et vous faire part de l’émotion, pour ne pas dire de l’insatisfaction, de la commission et du Sénat, qui n’ont toujours pas reçu communication du rapport Ménaouine. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Christian Cambon, rapporteur. Nous ne disposons en tout et pour tout que de la dépêche de l’AFP, qui doit dater d’il y a trois semaines ou d’un mois maintenant. Je trouve cette attitude un peu cavalière à l’endroit de notre assemblée.

Je le dis en passant, nous sommes prêts à vous accompagner dans votre démarche, mais la moindre des choses serait que le Gouvernement, dès qu’il a connaissance d’un rapport aussi essentiel que le rapport sur le service national universel, qui doit concerner une classe d’âge de 800 000 jeunes tout de même, puisse le transmettre au Parlement pour qu’il l’examine.

M. Jean-Marc Todeschini. Il faut demander le rapport à la presse !

M. Bruno Sido. Le rapport doit s’être perdu dans le courrier ! (Sourires.)

M. Christian Cambon, rapporteur. J’imagine que vous allez régler ce petit problème, madame la ministre. Il ne peut s’agir que d’un oubli, bien sûr ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

En effet, il existe déjà des dispositions visant à valoriser et à simplifier les démarches individuelles entreprises par les étudiants qui sont engagés dans la réserve opérationnelle.

Par ailleurs, dans le contexte actuel de réflexion sur le SNU, tous ces dispositifs vont certainement connaître des évolutions. Enfin, M. le rapporteur l’a rappelé, le SNU n’entre pas dans le cadre de la loi de programmation militaire. Il convient d’être clair sur le sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.

M. Joël Guerriau. Un amalgame a été fait entre mon amendement et le service national universel, alors que la question de la sensibilisation des étudiants des grandes écoles et des hauts fonctionnaires aux problématiques militaires se pose dans tous les cas. Qu’il y ait ou non un service national universel demain ne change rien : la réponse qui m’a été donnée n’est pas en adéquation avec l’objet de mon amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement nest pas adopté.)

Section 3

Dispositions diverses dans le domaine des ressources humaines

Article additionnel après l'article 11 quater - Amendement n° 8
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 12 - Amendement n° 87

Article 12

(Non modifié)

À la première phrase du troisième alinéa du II de l’article L. 4139-5 du code de la défense, les mots : « en opération de guerre, au cours d’une opération qualifiée d’opération extérieure dans les conditions prévues à l’article L. 4123-4, d’une opération de maintien de l’ordre, d’une opération de sécurité publique ou de sécurité civile définie par décret » sont remplacés par les mots : « en service ou victime d’une affection survenue dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal ». – (Adopté.)

Article 12
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 12 - Amendement n° 3 rectifié

Articles additionnels après l’article 12

Mme la présidente. L’amendement n° 87, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa du II de l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le temps passé en congé de longue durée pour maladie et en congé de longue maladie est assimilé à des services militaires effectifs. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Cet amendement est très attendu par un certain nombre de nos militaires, puisqu’il s’agit de modifier l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite et d’assimiler les périodes de congé de longue maladie et de congé de longue durée pour maladie à des services militaires effectifs, afin de les prendre en compte dans le calcul de la décote « carrières courtes ».

En effet, aujourd’hui, ces congés de longue maladie et de longue durée pour maladie sont attribués après épuisement des droits de congé maladie pour des affections graves et invalidantes. La durée de ces congés n’est actuellement pas prise en compte pour la mise en œuvre du mécanisme de minoration des pensions des militaires qui ont effectué une carrière courte.

Cette situation est difficilement acceptable pour des militaires qui sont placés en congé de longue maladie ou en congé de longue durée pour maladie, notamment à la suite d’une blessure contractée en opération.

Cet amendement vise à remédier à cette situation et à redonner une cohérence d’ensemble, en assimilant ces congés à des services militaires effectifs, tant pour la constitution et la liquidation des droits à pension, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, que pour le calcul de la minoration.

M. Robert del Picchia. C’est un amendement de justice !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement a une dimension sociale qui n’échappe à personne. Celui-ci consiste à minorer la minoration applicable pour les militaires ayant effectué une carrière courte. Il devrait donner satisfaction à un certain nombre de militaires, qui le méritent bien.

La commission y est favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 87.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12.

Article additionnel après l'article 12 - Amendement n° 87
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 13

L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Vermeillet, MM. Luche, Louault, Henno, Canevet, Cigolotti, Delahaye et Longeot, Mmes Goy-Chavent, Gatel et Loisier et MM. Moga et Maurey, est ainsi libellé :

Après l’article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 4139-2 du code de la défense est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« … – Un militaire réformé pour raison de santé peut être reclassé dans un emploi civil de son armée d’appartenance selon les modalités prévues aux I et II du présent article. Ce reclassement est de droit lorsque le militaire est réformé à la suite d’une blessure reçue dans l’accomplissement de sa mission opérationnelle. »

La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.

Mme Sylvie Vermeillet. Cet amendement vise à offrir à un militaire réformé à la suite d’une blessure reçue dans l’accomplissement de sa mission opérationnelle la possibilité d’être reclassé dans un emploi civil de son armée d’appartenance.

Le nombre de blessés dans les forces armées et dans la gendarmerie nationale a considérablement augmenté depuis trente ans. En parallèle, les gouvernements successifs ont procédé à des substitutions de militaires par des civils pour des postes de soutien et d’administration dans les armées et la gendarmerie nationale. Aujourd’hui, le commandement dispose donc de moins en moins d’emplois d’environnement lui permettant de reclasser ses subordonnés souffrant d’inaptitude.

Faute de solution satisfaisante, certains reclassements s’opèrent dans les unités opérationnelles, obérant la capacité opérationnelle de l’unité et aggravant la charge de travail des autres militaires. Pour d’autres encore, la réforme conduit au chômage, compte tenu des difficultés de reclassement.

J’ajoute que l’adoption de cet amendement, loin de créer une charge financière pour l’État, nous éviterait de verser l’allocation d’aide au retour à l’emploi, attribuée justement en cas de réforme pour raisons de santé, tout en valorisant la formation et l’expérience des militaires concernés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Avec cet amendement, on évoque des cas particuliers douloureux, c’est-à-dire la situation de militaires qui ont été blessés.

La commission comprend bien l’intention des auteurs de l’amendement. Je rappelle néanmoins que le projet de loi de programmation militaire que nous examinons élargit de manière très sensible les conditions d’accès au congé du blessé et au congé de reconversion.

Cet amendement pose un problème : il crée un phénomène d’automaticité, dans un champ restreint de surcroît, puisqu’il vise uniquement l’armée d’origine. Aussi est-il contraire à ce que l’on appelle la « manœuvre RH », dispositif mis en œuvre de manière assez efficace par nos armées, qui consiste à rééquilibrer les effectifs entre personnels civils et personnels militaires, et qui doit permettre de concilier à la fois les besoins, les métiers et la géographie.

Si cet amendement était adopté, il serait en contradiction avec l’approche retenue par le ministère vis-à-vis des militaires blessés, approche que je souhaite saluer.

Ces militaires sont en très grand nombre, malheureusement. Quand on évoque les OPEX, on parle souvent, hélas, de ceux qui décèdent et, plus rarement, de ceux qui nous reviennent blessés. Celles et ceux de nos collègues qui se sont rendus sur place – n’est-ce pas, cher Ladislas Poniatowski ? – savent de quoi je parle. (M. Ladislas Poniatowski opine.)

Il faut prêter la plus grande attention au statut des militaires blessés. C’est pourquoi le dispositif que le ministère a mis en œuvre de manière efficace, en s’appuyant également sur une bonne gestion des ressources humaines au sein de ses services, doit être encouragé.

L’intention des auteurs de l’amendement est bonne, mais le dispositif est vraiment contraire à la politique mise en place. La commission suggère en conséquence le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Je confirme qu’il n’est ni possible ni souhaitable pour le ministère des armées, sauf à perturber la gestion des ressources humaines civiles, de rendre systématique un reclassement limité à la seule armée d’appartenance du militaire réformé.

Par ailleurs, compte tenu de la nature de certaines blessures ou affections qui peuvent en découler, un reclassement en tant que civil au sein de la seule armée d’appartenance n’est pas vraiment souhaitable pour la reconstruction du militaire blessé.

Le rapporteur l’a rappelé, le militaire dont l’inaptitude entraîne une réforme pour raisons de santé peut d’ores et déjà bénéficier de nombreux dispositifs d’accompagnement, dont le congé de reconversion, l’accès aux emplois réservés ou l’accès à la fonction publique. Bref, il existe de très nombreux dispositifs qui ont vocation à permettre cette reconversion, mais sur un périmètre beaucoup plus large que celui de l’armée d’appartenance. Ces mesures de reclassement sont souhaitables et souvent souhaitées par leurs bénéficiaires.

Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable sur l’amendement.

Mme la présidente. Madame Vermeillet, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?

Mme Sylvie Vermeillet. Non, je suis convaincue par ces explications et le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 12 - Amendement n° 3 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 13 bis

Article 13

(Non modifié)

À l’article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite, après le mot : « fonctionnaires », sont insérés les mots : « et les militaires ». – (Adopté.)

Article 13
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 13 bis - Amendement n° 6 rectifié ter

Article 13 bis

(Non modifié)

I. – Le chapitre II du titre IV du livre II du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est ainsi modifié :

1° L’article L. 242-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 242-1. – I. – Sauf exceptions tirées de la nature des emplois auxquels le corps donne accès ou du faible nombre des postes mis au recrutement, dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, sont accessibles par la voie des emplois réservés :

« 1° Les corps de la fonction publique de l’État et de la fonction publique hospitalière classés en catégorie A, ou de niveau équivalent, pour les bénéficiaires mentionnés aux articles L. 241-2, L. 241-3 et L. 241-4 ;

« 2° Les corps de la fonction publique de l’État et de la fonction publique hospitalière classés en catégories B et C, ou de niveau équivalent, pour les bénéficiaires mentionnés au chapitre Ier du présent titre.

« II. – Peuvent être recrutés par l’autorité territoriale conformément au a de l’article 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale :

« 1° Dans les cadres d’emplois de la fonction publique territoriale de catégorie A, ou de niveau équivalent, les bénéficiaires mentionnés aux articles L. 241-2, L. 241-3 et L. 241-4 du présent code ;

« 2° Dans les cadres d’emplois de la fonction publique territoriale de catégories B et C, ou de niveau équivalent, les bénéficiaires mentionnés au chapitre Ier du présent titre. » ;

2° L’article L. 242-2 est ainsi modifié :

a) La référence : « premier alinéa » est remplacée par la référence : « I » ;

b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le premier alinéa du présent article n’est pas applicable aux corps dont les membres sont recrutés par la voie de l’École nationale d’administration ou de l’École polytechnique ni aux corps ou cadres d’emplois de niveau équivalent.

« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article. »

II. – L’article L. 4139-3 du code de la défense est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « de l’officier de carrière et » et le mot : « la » sont supprimés ;

2° À la seconde phrase du second alinéa, après le mot : « catégorie », sont insérés les mots : « A ou ».

III. – Les I et II du présent article ne sont pas applicables aux militaires et aux anciens militaires inscrits avant l’entrée en vigueur de la présente loi sur les listes d’aptitude aux emplois réservés mentionnées à l’article L. 242-3 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. – (Adopté.)

Article 13 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 14

Article additionnel après l’article 13 bis

Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié ter, présenté par Mmes Morhet-Richaud et Garriaud-Maylam, MM. D. Laurent, Pierre, Raison et Lefèvre, Mmes Lassarade, Puissat et Micouleau, MM. Joyandet, Vogel, Cuypers, Bouchet, Laménie, Husson et B. Fournier, Mme Deromedi, MM. Revet et Bonhomme, Mme Imbert, MM. Charon et Bansard, Mmes Bories, Gruny et Bonfanti-Dossat, M. Dufaut, Mmes Keller, Deseyne, de Cidrac et Lamure, M. Gremillet et Mme Lherbier, est ainsi libellé :

Après l’article 13 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Compte tenu de la nature des missions qui évolue tant sur le territoire national que dans de nombreuses parties de monde, les équipes soignantes bénéficient de moyens matériels et humains permettant une prise en charge optimale et un meilleur suivi des soldats et de leur famille.

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Les femmes et les hommes qui interviennent sur de nombreux théâtres d’opérations extérieures et, en France, lors des attentats, ne reviennent pas toujours sains et saufs des missions qui leur sont confiées. Ils subissent de nombreuses blessures et des chocs émotionnels importants qui nécessitent un suivi médical.

Compte tenu du nombre croissant de ces missions, ici ou ailleurs, les équipes soignantes sont en nombre insuffisant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Je remercie Patricia Morhet-Richaud de reparler de la situation des équipes sanitaires. En effet, on ne peut que les saluer pour le travail formidable qu’elles réalisent.

Même si l’intention de ses auteurs est parfaitement louable, cet amendement pose un problème, car il n’a aucune portée normative. Or la commission a pris la responsabilité la semaine dernière d’introduire les dispositions de cette nature dans le rapport annexé au projet de loi.

Cet amendement peut être considéré comme satisfait même si, encore une fois, nous restons très attentifs aux moyens dont les équipes soignantes ont besoin pour faire face aux blessés, qui sont en trop grand nombre et qui souffrent parfois de blessures d’une trop grande gravité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. Pour le Gouvernement, cet amendement est satisfait.

Les équipes soignantes s’occupent des blessés, mais aussi des familles des blessés. Elles sont aidées en cela par des cellules particulières à chaque armée. Par conséquent, je ne vois pas ce que l’amendement ajouterait au parcours et à la prise en charge actuelle des blessés.

Madame la sénatrice, vous parlez de renforcer les équipes, mais vous devez quand même savoir que, dans le service de santé des armées, plus de cent cinquante postes de médecins, et autant de postes d’infirmiers ne sont pas pourvus. Nous souhaitons évidemment renforcer ce service : c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons ouvert ces postes et que nous désirons non seulement former, voire recruter ces professionnels, mais aussi faire appel à la réserve.

Cet amendement étant satisfait, je vous prie de bien vouloir le retirer ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Morhet-Richaud, l’amendement n° 6 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, dans la mesure où il est satisfait, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié ter est retiré.

Article additionnel après l'article 13 bis - Amendement n° 6 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 14 bis (Texte non modifié par la commission)

Article 14

I. – (Non modifié) Le II de l’article 20 de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique est abrogé.

II. – (Non modifié) Sont applicables aux personnels à statut ouvrier régis par le régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et, en tant qu’il se rapporte à l’application du même article 25 septies, l’article 25 octies de la même loi.

III (nouveau). – L’article L. 4122-4 du code de la défense est ainsi modifié :

1° La première phrase de l’avant-dernier alinéa est ainsi modifiée :

a) Le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre » ;

b) Les mots : « ou d’une situation de conflit d’intérêts » sont remplacés par les mots : « , d’une situation de conflit d’intérêts ou d’un signalement constitutif d’une alerte au sens de l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée » ;

2° Au dernier alinéa, après les mots : « situation de conflit d’intérêts », sont insérés les mots : « ou de tout fait susceptible d’entraîner des sanctions disciplinaires ». – (Adopté.)

Article 14
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 14 ter

Article 14 bis

(Non modifié)

Le troisième alinéa de l’article L. 4123-8 du code la défense est complété par les mots : « , ou de son appartenance à une association professionnelle nationale de militaires ».

Mme la présidente. L’amendement n° 13, présenté par MM. Cazeau et Rambaud, Mme Schillinger et M. Yung, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Au troisième alinéa de l’article L. 4123-8 du code de la défense, les mots : « de l’intéressé » sont remplacés par les mots : « , des orientations sexuelles de l’intéressé, ou de son appartenance à une association professionnelle nationale de militaire ».

La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Peu se souviennent sans doute du nom d’Étienne Cardiles, le compagnon de Xavier Jugelé, le policier assassiné le jeudi 20 avril 2017 sur l’avenue des Champs-Élysées, mais nombreux sont ceux qui gardent en mémoire son discours émouvant, prononcé lors de l’hommage national rendu cinq jours plus tard.

Le présent amendement tend à compléter l’article 14 bis, qui interdit de mentionner l’appartenance à une association professionnelle nationale de militaire dans les dossiers individuels des militaires, pour y insérer une interdiction de mentionner l’appartenance à une orientation sexuelle.

Il m’a été répondu en commission que mon amendement était satisfait par les règles applicables au traitement des dossiers individuels, en vertu de l’article 8 de la loi Informatique et libertés, qui dispose : « Il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci. »

Est-ce pourtant aussi simple ? L’article 13 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires renvoie la gestion de l’évolution des corps et cadres d’emplois des militaires au statut général des militaires, prévu aux articles L. 4121-1 à L. 4121-8 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la quatrième partie du code de la défense qui s’intitule Exercice des droits civils et politiques.

Or, si l’alinéa 3 de l’article L. 4121-2 de ce même code prévoit qu’il ne peut être fait état dans le dossier individuel du militaire, de même que dans tout document administratif, des opinions ou croyances philosophiques, religieuses ou politiques de l’intéressé, la question de l’orientation sexuelle n’est pas mentionnée, ce qui peut sembler compréhensible, puisque l’article en question date de 1983, époque à laquelle le problème ne se posait pas.

Regardons les choses en face : selon le cinquième baromètre sur la perception des discriminations au travail, 51 % des agents de la fonction publique estiment que révéler son homosexualité à son entourage professionnel contribuerait à mettre mal à l’aise ses collègues de travail ; une personne sur trois considère que cela pourrait avoir un impact négatif sur le déroulement de sa carrière.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Bernard Cazeau. J’en termine, madame la présidente.

Mon amendement vise à aligner le dispositif de l’article L. 4121-2 du code de la défense sur ceux de l’article L. 1132-1 du code du travail, des articles 225-1 à 225-4 du code pénal et de l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, hors militaires. Je tiens les articles que je viens de citer à la disposition du rapporteur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Il est très important et utile que Bernard Cazeau évoque ce problème en séance publique et qu’il rappelle les mesures qui frappent parfois celles et ceux qui font état de leur orientation sexuelle.

Cela étant, je lui confirme ce que j’ai déjà dit en commission, à savoir que la loi Informatique et libertés prévoit la même protection pour les dossiers des fonctionnaires des armées et des militaires que pour les dossiers des fonctionnaires civils. Vous devez savoir que la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, est très attentive à ce que cette disposition soit observée et appliquée.

Je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, tout en répétant qu’il n’est pas inutile d’aborder ce sujet douloureux au cours de nos débats. Les faits que vous nous avez rapportés nous restent évidemment en mémoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Même avis.

Une nouvelle fois, je comprends parfaitement vos préoccupations, monsieur le sénateur.

Au-delà de tout ce qui vient d’être évoqué, un projet de loi relatif à la protection des données personnelles a été définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 14 mai dernier. Son article 7 me semble parfaitement répondre à la préoccupation que vous venez d’exprimer, puisqu’il prévoit d’étendre cette interdiction, non plus seulement aux données relatives à la vie sexuelle, mais également à celles qui concernent l’orientation sexuelle.

En tout cas, cet amendement me semble être devenu « sans objet » au regard de notre droit actuel.

Mme la présidente. Monsieur Cazeau, l’amendement n° 13 est-il maintenu ?

M. Bernard Cazeau. Je vous signale, madame la ministre, qu’une demande d’emploi a encore récemment été rejetée dans la marine pour cette raison. Alors, je veux bien que les lois existent, mais je ne suis pas définitivement convaincu que tout soit réglé pour autant.

Cela étant, puisque vous me soutenez le contraire, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 13 est retiré.

Je mets aux voix l’article 14 bis.

(Larticle 14 bis est adopté.)

Article 14 bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 15

Article 14 ter

(Non modifié)

La section 1 du chapitre III du titre Ier du livre VII du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :

1° L’article L. 713-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 713-1. – Bénéficient du régime de sécurité sociale prévu au présent chapitre :

« 1° Les militaires de carrière et les militaires servant en vertu d’un contrat ;

« 2° Les retraités militaires ;

« 3° Par dérogation à l’article L. 160-1 :

« a) Les membres majeurs de la famille des assurés sociaux mentionnés aux 1° et 2° du présent article, lorsqu’ils n’exercent pas d’activité professionnelle et qu’ils en font la demande, selon des modalités fixées par décret ;

« b) Les enfants mineurs de ces mêmes assurés sociaux, dans les conditions définies à l’article L. 160-2. » ;

2° Après l’article L. 713-1-1, il est inséré un article L. 713-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 713-1-2. – Le conjoint séparé de droit ou de fait d’un assuré social mentionné aux 1° ou 2° de l’article L. 713-1, bénéficiaire des dispositions prévues au 3° du même article L. 713-1, qui se trouve, du fait du défaut de présentation par celui-ci des justifications requises, dans l’impossibilité d’obtenir la prise en charge des frais de santé au titre du régime de sécurité sociale prévu au présent chapitre, pour lui-même ou pour les membres de sa famille qui sont à sa charge et qui bénéficient des mêmes dispositions, dispose d’une action directe en paiement de ces prestations, dans les conditions définies à l’article L. 161-15. » ;

3° À l’article L. 713-4, la référence : « L. 322-3 » est remplacée par la référence : « L. 160-14 » ;

4° L’article L. 713-9 est ainsi rédigé :

« Art. L. 713-9. – En cas de guerre, le bénéfice du régime de sécurité sociale prévu au présent chapitre ne continue à être accordé qu’aux retraités militaires mentionnés au 2° de l’article L. 713-1, tant qu’ils n’ont pas été rappelés à l’activité, ainsi qu’aux personnes mentionnées au 3° du même article L. 713-1. » ;

5° L’article L. 713-10 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « enfants mentionnés à l’article L. 160-2 » sont remplacés par les mots : « membres de la famille mentionnés au 3° du même article L. 713-1 » ;

b) Au second alinéa, après la référence : « L. 713-1 », sont insérés les mots : « ainsi qu’aux membres de leur famille mentionnés au 3° dudit article L. 713-1 ». – (Adopté.)

Section 4

Habilitation à légiférer par voie d’ordonnances

Article 14 ter
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 15 - Amendement n° 70 rectifié bis

Article 15

(Non modifié)

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi visant à :

1° Étendre le congé du blessé à d’autres hypothèses que celles prévues à l’article L. 4138-3-1 du code de la défense ;

2° Simplifier les procédures des dispositifs de reconversion dans la fonction publique prévus aux articles L. 4139-2 et L. 4139-3 du même code, pour en améliorer l’efficacité et opérer dans le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre les modifications qui en résultent ;

3° Proroger pour la période s’étendant du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2025 et selon des modalités de contingentement triennales, en les adaptant, les dispositions des articles 36, 37 et 38 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ;

4° Proroger pour la période s’étendant du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2025, en les adaptant, les dispositions de l’article 150 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 qui permettent d’attribuer une indemnité de départ volontaire aux ouvriers de l’État du ministère de la défense lorsqu’ils quittent le service dans le cadre d’une restructuration ou d’une réorganisation.

Les ordonnances sont prises, après avis du Conseil supérieur de la fonction militaire en ce qui concerne les 1° à 3° du présent article, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi. Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance. – (Adopté.)

Article 15
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel avant l'article 16 - Amendement n° 11 rectifié quinquies

Article additionnel après l’article 15

Mme la présidente. L’amendement n° 70 rectifié bis, présenté par Mme Imbert, MM. Grosdidier, D. Laurent, Bouchet, Husson et Cornu, Mmes Garriaud-Maylam, Micouleau et Deromedi, MM. Gilles, Pillet, Paccaud et Vaspart, Mme Morhet-Richaud, M. Revet, Mmes Renaud-Garabedian et Bruguière, M. Brisson, Mmes Bonfanti-Dossat, Bories, Gruny et Puissat, MM. Lefèvre et Pointereau, Mmes Chauvin et Deroche, MM. Panunzi et Daubresse, Mme Deseyne, M. Pierre, Mme de Cidrac, M. B. Fournier, Mme Lamure, MM. Gremillet et Laménie, Mmes L. Darcos et Lherbier et M. H. Leroy, est ainsi libellé :

Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 36 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« … – Les bénéficiaires de la pension prévue au présent article peuvent souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle. »

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Certains militaires de carrière peuvent quitter l’institution en bénéficiant d’une pension afférente au grade supérieur, ce qui leur permet de disposer d’un indice de rémunération de grade supérieur à celui qu’ils détiennent lors de leur radiation des cadres. En l’état actuel de la législation, ils ne peuvent servir dans la réserve opérationnelle, sous peine de perdre le bénéfice de leur retraite.

Cet amendement vise à permettre à ces militaires expérimentés de continuer à servir dans la réserve tout en conservant les avantages de leur pension afférente au grade supérieur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. La pension afférente au grade supérieur est un dispositif qui est justement mis en place pour faire quitter un certain nombre de personnels la condition militaire. Cette mesure coûte de l’argent à l’État, puisque ces personnes sont indemnisées pour renoncer à leur engagement avant son terme.

Dans un souci de maîtrise des finances publiques, on ne peut pas souhaiter la création d’un nouveau dispositif qui permettrait aux intéressés de rentrer de nouveau par la fenêtre, si j’ose dire, dans la condition militaire, et qui coûterait encore de l’argent. Ces individus coûteraient de l’argent deux fois en quelque sorte : une première fois au moment où on les indemnise pour quitter l’armée ; une seconde fois, quand on les indemnise pour rentrer de nouveau dans les cadres.

M. Bruno Sido. C’est pas mal ! (Rires.)

M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement doit être retiré au nom de la logique, du bon sens et de la sauvegarde des deniers publics.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Madame Morhet-Richaud, l’amendement n° 70 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 70 rectifié bis est retiré.

Section 5

Expérimentations

Article additionnel après l'article 15 - Amendement n° 70 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 16

Article additionnel avant l’article 16

Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié quinquies, présenté par Mmes Bruguière, Garriaud-Maylam et Micouleau, MM. Bascher, Bouchet, Chatillon et D. Laurent, Mme Deromedi, M. Revet, Mme Imbert, MM. Meurant, Babary, Lefèvre, Sol et Pierre et Mmes Lanfranchi Dorgal et Lherbier, est ainsi libellé :

Avant l’article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre unique du titre II du livre II de la première partie du code de la défense est complété par des articles L. 1221-… à L. 1221-… ainsi rédigés :

« Art. L. 1221-… – Par dérogation à l’article L. 1221-2, une zone de défense et de sécurité dénommée “Zone Sud-Pyrénées” comprend les départements suivants :

« – Ariège ;

« – Aude ;

« – Aveyron ;

« – Gard ;

« – Haute-Garonne ;

« – Gers ;

« – Hérault ;

« – Lot ;

« – Lozère ;

« – Hautes-Pyrénées ;

« – Pyrénées-Orientales ;

« – Tarn ;

« – Tarn-et-Garonne.

« Art. L. 1221- – Par dérogation à l’article L. 1221-2, la zone de défense et de sécurité dénommée “Sud-Ouest” comprend les départements suivants :

« – Charente ;

« – Charente-Maritime ;

« – Corrèze ;

« – Creuse ;

« – Dordogne ;

« – Gironde ;

« – Landes ;

« – Lot-et-Garonne ;

« – Pyrénées-Atlantiques ;

« – Deux-Sèvres ;

« – Vienne ;

« – Haute-Vienne.

« Art. L. 1221- – Par dérogation à l’article L. 1221-2, une zone de défense et de sécurité dénommée “Sud” comprend les départements suivants :

« – Alpes-de-Haute-Provence ;

« – Hautes-Alpes ;

« – Alpes-Maritimes ;

« – Bouches-du-Rhône ;

« – Var ;

« – Haute-Corse ;

« – Corse du Sud. »

II. – Après le 4° de l’article L. 1142-2 du code de la défense, il est inséré un 4°… ainsi rédigé :

« 4°… Il s’assure de la cohérence territoriale des zones de défense et de sécurité selon l’évolution de l’organisation administrative et politique du pays. La circonscription régionale étant l’élément référence ; ».

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Les zones de défense ont été créées par le décret n° 50-1189 du 29 septembre 1950 relatif à l’organisation de la défense en surface du territoire métropolitain, pour regrouper alors plusieurs régions militaires. Le nombre de ces zones a été fixé à quatre par le décret n° 51-742 du 13 juin 1951, et leur rôle a été redéfini par le titre IV de l’ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense.

L’article additionnel dont l’insertion vous est proposée énumère les départements composant une nouvelle zone “Sud-Pyrénées”.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement, d’origine régionale, est fort sympathique… (Sourires.) Malheureusement, la réponse est contenue dans son objet, et notre collègue l’a elle-même donnée : les zones de défense et de sécurité sont créées par voie de décret. Il n’appartient donc pas au Parlement de les modifier.

En outre, au moment du regroupement qui a conduit aux douze régions actuelles, il a été décidé, dans le cadre d’une concertation interministérielle, de maintenir à sept le nombre de zones de défense et de sécurité. Je suis donc désolé pour nos collègues de Languedoc-Roussillon, mais ils devront continuer d’aller à Marseille pour consulter le préfet chargé de leur zone…

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Il est également défavorable : cette mesure n’est pas du domaine de la loi.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je retire l’amendement, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié quinquies est retiré.

Article additionnel avant l'article 16 - Amendement n° 11 rectifié quinquies
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 17 (Texte non modifié par la commission)

Article 16

I. – À titre expérimental, à compter du 1er janvier 2019 et jusqu’au 31 décembre 2022, et par dérogation à l’article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, des fonctionnaires du premier grade du corps des techniciens supérieurs d’études et de fabrications du ministère de la défense peuvent être recrutés dans les conditions prévues aux alinéas suivants du présent I dans les régions Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Île-de-France.

Ces recrutements sont ouverts aux personnes détentrices, à la date de leur nomination, de l’un des diplômes ou titres requis pour être recrutées au sein du corps de fonctionnaires concerné ou d’une autre qualification garantissant un niveau de compétence équivalent. Les candidats sont sélectionnés de manière objective et impartiale par une commission comportant en son sein une majorité de personnes extérieures au ministère de la défense et dont la composition et les modalités d’organisation sont fixées par décret. La commission vérifie l’aptitude des candidats à assurer les missions qui leur seront confiées en tenant également compte des acquis de l’expérience professionnelle et, à aptitude égale, de leur motivation.

Ce mode de recrutement n’est pas ouvert aux militaires, ni aux magistrats, ni aux fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, en activité, en détachement ou en congé parental ni aux agents en fonction dans une organisation internationale intergouvernementale.

Le nombre de postes offerts, au titre d’une année, au recrutement par la voie prévue au présent I ne peut être supérieur à 30 %, arrondi à l’entier inférieur, du nombre total de postes à pourvoir par cette voie et par la voie des concours mentionnés à l’article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée.

II. – (Non modifié) À titre expérimental, à compter du 1er janvier 2019 et jusqu’au 31 décembre 2022, afin de faire face à une vacance temporaire d’emploi qui s’est prolongée plus de six mois dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire dans les régions prévues au I, le ministère de la défense peut recruter des agents contractuels dans les spécialités « renseignement », « génie civil », « systèmes d’information et de communication », « santé et sécurité au travail » ainsi que dans les domaines de la gestion de la paie ou de la solde et du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres pour une durée qui, par dérogation au principe énoncé à l’article 6 quinquies de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, ne peut au total excéder trois années, renouvelable une fois.

III. – (Non modifié) Une évaluation des expérimentations prévues aux I et II, portant notamment sur le nombre d’emplois ainsi pourvus, est présentée au Parlement un an avant leur terme. – (Adopté.)

Section 6

Dispositions relatives au service militaire volontaire

Article 16
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 18

Article 17

(Non modifié)

I. – Le service militaire volontaire, placé sous l’autorité du ministre de la défense, vise à favoriser l’insertion sociale et professionnelle des jeunes, dans la limite de la capacité d’accueil des centres désignés par ce ministre pour mettre en œuvre ce dispositif.

Peuvent demander à accomplir le service militaire volontaire les Françaises et les Français âgés de dix-huit ans révolus et de moins de vingt-six ans à la date de recrutement qui ont leur résidence habituelle en métropole. Ils doivent remplir les conditions statutaires mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 4132-1 du code de la défense et être en règle avec les obligations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 111-2 du code du service national.

Le contrat de volontaire stagiaire du service militaire volontaire est souscrit pour une durée de six à douze mois, renouvelable pour une durée de deux à six mois dans la limite d’une durée totale de douze mois.

Durant cet engagement, les volontaires stagiaires servent au premier grade de militaire du rang et sont considérés comme des militaires d’active au sens de l’article L. 4132-5 du code de la défense. En cette qualité, ils sont soumis au statut général des militaires prévu au livre Ier de la quatrième partie du même code, à l’exclusion de l’article L. 4123-7, et peuvent effectuer, dans le cadre légal des réquisitions ou des demandes de concours, des missions de sécurité civile. Ils peuvent également participer, dans le cadre de leur formation, à des chantiers d’application à la demande de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des associations à but non lucratif déclarées d’utilité publique.

Les volontaires stagiaires sont encadrés par des militaires, assistés de militaires volontaires dans les armées. Des conventions peuvent prévoir la participation au dispositif du service militaire volontaire d’intervenants extérieurs au ministère de la défense.

Les volontaires stagiaires perçoivent une solde et bénéficient de prestations en nature.

Le service militaire volontaire comporte une formation militaire ainsi que diverses formations à caractère professionnel, civique ou scolaire visant à favoriser l’insertion sociale et professionnelle des volontaires.

II. – Les volontaires stagiaires du service militaire volontaire ont la qualité de stagiaires de la formation professionnelle au sens du titre IV du livre III de la sixième partie du code du travail.

Pendant la durée des actions de formation suivies en leur qualité de stagiaire de la formation professionnelle, les chapitres Ier et III du même titre IV leur sont applicables, sans préjudice de la solde qu’ils perçoivent et des prestations en nature dont ils bénéficient en leur qualité de volontaires stagiaires du service militaire volontaire. Ils bénéficient également du compte personnel d’activité prévu à l’article L. 5151-2 du même code.

Le service relevant du ministère de la défense chargé du service militaire volontaire est regardé comme un organisme de formation pour l’application du livre III de la sixième partie dudit code. Il n’est pas soumis aux titres V et VI du même livre III.

III. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.

IV. – Le chapitre V de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense est abrogé.

V. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2019.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 26 rectifié bis est présenté par Mme Garriaud-Maylam, M. Bansard, Mme Renaud-Garabedian et MM. Frassa et Le Gleut.

L’amendement n° 114 rectifié est présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Kanner, Boutant et Devinaz, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ou à l’étranger

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié bis.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Le service militaire volontaire, ou SMV, a été créé sous forme d’expérimentation par la loi du 28 juillet 2015, à la suite des attentats de janvier de la même année. Il est inspiré du service militaire adapté qui existe en outre-mer depuis 1961.

Cet amendement est une nouvelle tentative pour permettre aux Français de l’étranger de bénéficier de ce service militaire volontaire, qui, ayant connu un réel succès pendant sa période d’expérimentation, a été prolongé et adapté par la loi du 28 février 2017.

Le SMV offre aux jeunes, sur une période de six à douze mois, un parcours d’insertion vers l’emploi : formations, vie en collectivité, formations professionnelles, obtention du permis de conduire. Ce dispositif est vraiment positif, et il est à la fois surprenant et discriminatoire que les jeunes Français de l’étranger en soient exclus !

Pourtant, nombre d’entre eux vivent dans des territoires où ils sont exclus de la vie professionnelle et ont besoin d’apprendre un métier ; or les circonstances font souvent que les établissements du pays n’y pourvoient pas. Il est donc d’autant plus nécessaire qu’ils soient inclus dans le SMV.

Je rappelle que, dans son avis sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025, le Conseil d’État, tout en relevant le nombre limité des volontaires, a jugé que le SMV était de nature à faciliter l’intégration des jeunes concernés et répondait ainsi à un objectif d’intérêt général. Il a d’ailleurs recommandé au Gouvernement de réaliser un nouveau rapport à destination du Parlement pour l’examen de ce projet.

Peut-être ce service militaire volontaire sera-t-il remplacé par le service national universel ? Nous n’en savons encore rien, mais il est d’autant plus important que les Français de l’étranger aient la possibilité de participer au SMV.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour présenter l’amendement n° 114 rectifié.

Mme Hélène Conway-Mouret. Cet amendement vise à permettre à tous les jeunes Français, y compris ceux qui résident hors de France, d’accomplir le service militaire volontaire.

Je ne reviendrai pas sur les avantages de ce dispositif pour les jeunes ; Mme Garriaud-Maylam vient de les rappeler.

À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a indiqué qu’il souhaitait débattre de cette question à l’occasion du futur projet de loi portant sur le service national universel, mais, dans la mesure où l’article 17 du présent projet de loi de programmation traite du service militaire volontaire, il nous paraît tout à fait légitime d’aborder la question dans ce cadre.

Par ailleurs, le SMV n’a pas la même vocation que le futur SNU, comme nous le rappellerons lors de l’examen de l’article 2, précédemment réservé.

Il est difficilement compréhensible que certaines avancées souhaitées par les sénatrices et les sénateurs soient renvoyées à de futurs projets de loi dont l’examen n’est pas encore programmé. Rien n’empêchera d’intégrer des dispositions de coordination dans des textes à venir.

Vous conviendrez qu’il faut s’efforcer d’harmoniser l’accès aux différents dispositifs à vocation citoyenne pour tous les Français. C’est un signal important à donner pour que, comme Mme Garriaud-Maylam y est également attachée, les Français de l’étranger bénéficient des mêmes dispositifs que ceux de l’Hexagone !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Ces amendements ayant été rectifiés dans le sens que j’avais souhaité, j’émets un avis très favorable. L’objectif est de favoriser l’entrée des jeunes Français de l’étranger dans le service militaire volontaire.

J’en profite pour rendre un hommage vibrant au travail accompli par les armées dans le cadre de ce dispositif, institué après les attentats et qui s’adresse en région à des jeunes en très grande difficulté, ceux que l’on appelle les décrocheurs. Dans ce cadre, environ 3 000 jeunes ont d’ores et déjà été mis en relation avec des entreprises, des services publics, des hôpitaux ou des associations. Grâce à ce travail extraordinaire, les armées leur donnent une chance supplémentaire.

Le dispositif coûte du reste assez cher – de l’ordre de 25 000 euros par jeune requalifié –, mais un vrai travail social est mené sur le terrain.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. S’agissant de l’amendement n° 26 rectifié bis, je précise que le service militaire volontaire, un vrai dispositif d’insertion sociale et professionnelle, est ouvert à tous les jeunes Français qui ont leur résidence habituelle en métropole, mais que nous apprécions cette notion de résidence habituelle de manière souple, ce qui donne à chacun sa chance d’accéder au SMV.

La situation des jeunes Français établis hors de France a vocation à être traitée dans le cadre de la création d’un service national universel – qui, pour moi, n’aura pas du tout les mêmes objectifs que le service militaire volontaire.

Je le répète : il faut que les jeunes Français aient une résidence habituelle en métropole, mais nous appliquons une interprétation très souple de cette notion.

J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. C’est une situation discriminatoire !

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. L’amendement n° 114 entre davantage dans le cadre du service militaire existant et réserve les conditions d’application du dispositif. Comme il nous tient à cœur de répondre positivement à votre demande, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur ce second amendement.

Mme la présidente. Madame la secrétaire d’État, je vous signale que, après rectification de l’amendement n° 114, les deux amendements en discussion sont identiques.

M. Christian Cambon, rapporteur. Maintenez votre avis de sagesse…

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. Dans ce cas, nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.

M. Bruno Sido. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Todeschini. Je tiens à souligner, à la suite du président Cambon, le travail formidable accompli par nos militaires dans le cadre du SMV.

Dans le cadre de la préparation de notre rapport sur le SNU, Jean-Marie Bockel et moi-même nous sommes rendus à Montigny-lès-Metz, où avait ouvert le premier centre, sur l’initiative du président François Hollande. (M. Richard Yung rit.) Je le rappelle, mon cher collègue, car c’est une réussite !

Ce qui fonctionne bien, je crois qu’il ne faut pas y toucher. La mise en place du service national universel, qui s’adressera à un autre public, ne devra donc pas nuire au SMV, à l’issue duquel le taux d’insertion des jeunes est supérieur à 70 %. Mme la secrétaire d’État s’étant elle aussi rendue à Montigny-lès-Metz, elle a pu, comme nous, constater que ce dispositif offre des chances aux jeunes et entendre des témoignages de parents ou d’entreprises accueillant ces jeunes.

Je voterai les amendements identiques, car tous les jeunes Français qui le souhaitent, décrocheurs ou non – il est vrai que c’est souvent pour eux une dernière chance –, doivent pouvoir accéder au SMV. Surtout, prenons garde que le service national universel ne vienne pas contrarier ce succès !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cambon, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, la rectification que j’avais sollicitée visait précisément à faire disparaître de la rédaction le service militaire adapté, qui s’adresse spécifiquement aux jeunes d’outre-mer. Je répète que le Sénat prendrait une très bonne décision en favorisant l’accès des jeunes Français de l’étranger au service militaire volontaire.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 rectifié bis et 114 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 17, modifié.

(Larticle 17 est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 18.

Chapitre II

Dispositions relatives à l’élection de militaires aux scrutins locaux

Article 17 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 19

Article 18

I. – Le livre Ier du code électoral est ainsi modifié :

1° L’article L. 46 est ainsi rédigé :

« Art. L. 46. – Les fonctions de militaire en position d’activité sont incompatibles avec les mandats qui font l’objet du présent livre.

« Le présent article n’est pas applicable au réserviste exerçant une activité en vertu d’un engagement à servir dans la réserve opérationnelle ou au titre de la disponibilité. Toutefois, le réserviste de la gendarmerie nationale ne peut exercer cette activité au sein de la circonscription à l’intérieur de laquelle il exerce un mandat.

« Par dérogation au premier alinéa, les fonctions de militaire en position d’activité sont compatibles avec :

« 1° Le mandat de conseiller municipal dans les communes de moins de 9 000 habitants ;

« 2° Le mandat de conseiller communautaire dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant moins de 30 000 habitants. » ;

2° Le 3° de l’article L. 231 est ainsi rédigé :

« 3° Les officiers et sous-officiers de gendarmerie ainsi que les officiers supérieurs et généraux des autres corps militaires ; »

3° Le dernier alinéa de l’article L. 237 est ainsi rédigé :

« Les personnes dont les fonctions sont incompatibles avec le mandat de conseiller municipal en application de l’article L. 46 ainsi que celles mentionnées aux 1° à 3° du présent article élues membres d’un conseil municipal ont, à partir de la proclamation du résultat du scrutin, un délai de dix jours pour opter entre l’acceptation du mandat et la conservation de leur emploi. À défaut de déclaration adressée dans ce délai à leurs supérieurs hiérarchiques, elles sont réputées avoir opté pour la conservation dudit emploi. »

II. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 2122-5-1, il est inséré un article L. 2122-5-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2122-5-2. – Les fonctions de maire et d’adjoint au maire sont incompatibles avec celles de militaire en position d’activité. » ;

2° (nouveau) Après le troisième alinéa de l’article L. 5211-9, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les fonctions de président et de vice-président sont incompatibles avec celles de militaire en position d’activité. » ;

3° (nouveau) Après le cinquième alinéa de l’article L. 5721-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 5211-9 sont applicables aux syndicats mixtes. »

II bis. – (Supprimé)

III. – Après l’article L. 4121-3 du code de la défense, il est inséré un article L. 4121-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4121-3-1. – En cas d’élection et d’acceptation de l’un des mandats compatibles avec l’exercice des fonctions de militaire en position d’activité, le dernier alinéa de l’article L. 4121-3 du présent code n’est pas applicable. À l’exception du cas où ce militaire sollicite un détachement, qui lui est accordé de droit, la suspension mentionnée au deuxième alinéa du même article L. 4121-3 n’est pas prolongée.

« Sous réserve des nécessités liées à la préparation et à la conduite des opérations ainsi qu’à la bonne exécution des missions des forces armées et formations rattachées, le militaire en activité titulaire d’un mandat local bénéficie des garanties accordées aux titulaires des mandats locaux reconnues par le code général des collectivités territoriales. Il dispose du droit à la formation des élus locaux prévu par ce même code lorsque les nécessités du fonctionnement du service ne s’y opposent pas. Un décret en Conseil d’État détermine les adaptations rendues nécessaires par le statut de militaire à ces droits et garanties. »

IV. – (Non modifié) Les I à III du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2020 ou lors du prochain renouvellement général des conseils municipaux s’il intervient avant cette date.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l’article.

M. Bernard Cazeau. L’article 18 du projet de loi de programmation a pour objet de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 28 novembre 2014 déclarant inconstitutionnelle l’incompatibilité générale et absolue prévue par l’article L. 46 du code électoral entre les fonctions de militaire en position d’activité et le mandat de conseiller municipal.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat l’a modifié en adoptant deux amendements de fond.

D’abord, elle a relevé le plafond prévu pour le cumul d’une fonction militaire avec le mandat de conseiller communautaire jusqu’aux communautés de communes de 30 000 habitants.

Ensuite, la commission a supprimé la disposition interdisant aux militaires élus dans les communes de moins de 9 000 habitants d’être membres du collège électoral sénatorial et de participer à son élection. Elle a en effet considéré que les militaires, dans les cas où ils pourront être élus, devront pouvoir exercer la plénitude des fonctions liées à ce statut.

Compte tenu des élargissements accomplis en termes de repoussement des frontières d’inéligibilité et d’incompatibilité, de deux choses l’une : ou bien les dispositions adoptées permettent de facto aux militaires d’exercer pleinement un mandat politique – dans ce cas, pourquoi ne pas lever toutes les restrictions légales ? –, ou bien la commission est allée trop loin sur l’éligibilité des militaires.

Aux États-Unis, la législation en la matière est rigoureuse : les membres des forces armées n’ont pas le droit de se présenter à une élection politique ni d’être candidat à aucune autre fonction élective.

Le seul assouplissement à cette interdiction est la possibilité pour le secrétaire d’État à la défense d’autoriser les militaires à se présenter à une élection à titre exceptionnel. Toutefois, le secrétaire d’État ne peut pas autoriser le cumul de fonctions : si un militaire est autorisé à participer à une élection, il peut demander à être mis à la retraite s’il remplit les conditions légales ; dans l’hypothèse inverse, il peut être destitué ou révoqué.

Nous le voyons bien, la France n’est pas une exception en la matière. Nous allons devoir trouver le juste équilibre, à travers les différents amendements qui vont nous être présentés.

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, sur l’article.

M. Pascal Allizard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vient de l’expliquer M. Cazeau, l’article 18 tire les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel. Celle-ci ne correspond pas tout à fait à la législation américaine que notre excellent collègue a décrite ; preuve que comparaison ne vaut pas raison.

L’incompatibilité totale pour les militaires a été jugée inconstitutionnelle. Si les mandats de parlementaire, de conseiller régional et de conseiller départemental restent bien évidemment exclus du présent article 18, la question se pose pour celui de conseiller municipal.

L’Assemblée nationale a rehaussé le seuil d’éligibilité des militaires de 3 500 à 9 000 habitants dans la commune. Notre commission n’est pas revenue sur ce point.

En revanche, elle a porté de 15 000 à 30 000 habitants le seuil d’éligibilité des militaires dans les conseils communautaires, pour une raison très simple : la loi NOTRe vise à supprimer les communautés de communes de moins de 15 000 habitants, hors critères de densité de population. En d’autres termes, madame la ministre, si l’on autorise les militaires à siéger seulement au sein des intercommunalités de moins de 15 000 habitants, autant leur interdire totalement de siéger dans les conseils communautaires…

Par ailleurs, la commission a autorisé les militaires siégeant au conseil municipal d’une commune de moins de 9 000 habitants à participer à la désignation des délégués sénatoriaux et à être eux-mêmes grands électeurs. Ainsi ces conseillers municipaux, tout militaires qu’ils soient, ne seront-ils pas des conseillers municipaux de seconde zone. En tant qu’électeurs, ces militaires élisent leur député : on ne voit pas pourquoi, surtout dans cette enceinte, ils ne pourraient pas participer à l’élection de leurs sénateurs en tant que conseillers municipaux.

Tels sont les commentaires que m’inspire la volonté du Gouvernement de revenir sur les deux dispositions adoptées par notre commission.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 79 rectifié, présenté par MM. Guerriau et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Wattebled, A. Marc, Chasseing et Fouché, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

Supprimer les mots :

dans les communes de moins de 9 000 habitants

II. – Alinéa 7

Supprimer les mots :

dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant moins de 30 000 habitants

La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Depuis la dernière réunion de la commission, j’ai un peu évolué dans mes avis. Je partage ce qui vient d’être dit par Pascal Allizard, mais je m’interroge sur les seuils.

En effet, je trouve assez irrespectueux de considérer que, venant de la fonction militaire, on ne pourrait pas être élu dans une commune à partir d’un certain seuil : on peut estimer que, dans tous les cas, les militaires qui seront élus auront conscience de leurs obligations et sauront rester dans la neutralité. D’ailleurs, il existe dans tous les conseils municipaux, quelle que soit la taille de la commune, des élus locaux qui ne sont pas engagés dans une formation politique – dans beaucoup de communes, ce sont même les plus nombreux.

Pourquoi donc fixer des seuils ? S’il s’agit de ne pas en faire des grands électeurs, je rejoins l’orateur précédent : comme l’a justement souligné en commission notre collègue Poniatowski, il n’est pas cohérent que l’on puisse participer à l’élection de son député, mais pas de son sénateur. D’autant que, lors des dernières législatives, plusieurs militaires ont été élus, parmi lesquels une officier de l’armée de terre. Dès lors que l’on accepte le principe de l’éligibilité des militaires, pourquoi en limiter si strictement l’application ?

En étudiant les règles en vigueur dans d’autres pays, je me suis rendu compte que, dans tous les pays européens qui acceptent l’éligibilité des militaires – l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Portugal et l’Italie, notamment –, il n’y a pas de seuil. Si donc l’on veut suivre une logique d’harmonisation européenne, ne fixons pas de seuil !

À quoi rime un seuil ? Comment argumenter de manière objective en faveur d’un seuil à 3 000, 9 000 ou 12 000 habitants, plutôt qu’à 15 000 ou 20 000 ? Qu’est-ce qui justifie de considérer que, au-delà d’un certain seuil, le militaire n’aurait plus la conscience nécessaire pour respecter à la lettre les valeurs et engagements de sa profession ?

M. le président. L’amendement n° 153, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer le nombre :

30 000

par le nombre :

15 000

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Avec votre permission, monsieur le président, je commencerai par donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 79 rectifié.

M. le président. Je vous en prie, madame la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Monsieur Guerriau, vous êtes parti d’un constat que je trouve, pardonnez-moi, un peu lapidaire. En effet, il n’y a ni collectivité territoriale de première ou de seconde zone ni militaire de première ou de seconde zone.

Il n’y a pas non plus, d’ailleurs, d’interdiction pour les militaires d’être éligibles partout où ils le souhaitent. Ce qui n’était pas possible avant l’invalidation prononcée par le Conseil constitutionnel, c’était d’être éligible et militaire en activité. En revanche, on pouvait être militaire en situation de non-activité et éligible.

Le Conseil constitutionnel a considéré que cette interdiction avait un caractère général et, partant, disproportionné. Dans ces conditions, nous sommes repartis de ce que je crois être une réalité de terrain : dans les villes moyennes et les grandes communes – vous le savez mieux que moi –, le mandat de conseiller municipal suppose un engagement partisan avéré, incompatible avec l’obligation de neutralité qui s’applique à un militaire en activité, en application du statut militaire. Il est donc souhaitable que ces mandats continuent à ne pouvoir être exercés par des militaires qu’en position de détachement.

En revanche, l’exercice d’un mandat municipal par un militaire en activité est apparu compatible avec ce principe de neutralité et l’obligation de loyalisme dans les communes de petite taille, où – là aussi, vous le savez mieux que personne – les préoccupations locales l’emportent sur les débats politiques nationaux.

C’est la raison pour laquelle je suis amenée à émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 79 rectifié, qui vise à supprimer le seuil démographique pour l’élection d’un militaire en activité dans un conseil municipal. Le seuil adopté par l’Assemblée nationale, de 9 000 habitants, me paraît équilibré.

Il en va de même, et pour les mêmes motifs, des intercommunalités, puisque l’amendement n° 79 rectifié tend également à supprimer le seuil pour les EPCI, seuil fixé par l’Assemblée nationale à 15 000 habitants.

J’en viens maintenant à l’amendement n° 153, dont l’objet, pour faire simple, était de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale. Le débat qui s’y est tenu a permis de prendre en compte l’existence des intercommunalités, qui n’étaient pas traitées, initialement, dans le texte du Gouvernement.

Votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a amendé le seuil retenu par l’Assemblée nationale pour le porter de 15 000 à 30 000 habitants et, à la réflexion, je pense me rallier à la rédaction qu’elle a retenue sur ce point particulier du seuil d’éligibilité dans les communautés de communes.

Les amendements suivants me permettront de revenir sur d’autres aspects de cette rédaction, mais à ce stade, je m’en tiens à ces éléments d’explication et je retire l’amendement n° 153.

M. Jean-Pierre Grand. Voilà une bonne chose !

M. le président. L’amendement n° 153 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 79 rectifié ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Les sujets que nous abordons à travers ces amendements sont évidemment essentiels pour le Sénat. Élections, conseil municipal, incompatibilités… : tout cela – et c’est bien naturel, au demeurant – passionne notre assemblée. Pour autant, dans les faits, tout cela ne concerne qu’un nombre assez restreint d’élus ou de personnes éligibles.

S’agissant de l’amendement présenté par notre collègue Joël Guerriau, qui vise à supprimer les seuils fixés pour les mandats locaux exercés par des militaires, Mme la ministre vient d’apporter une réponse. J’observe, pour ma part, que le texte a déjà évolué depuis son dépôt, puisque l’Assemblée nationale a porté le seuil de 3 500 à 9 000 habitants, un niveau clairement identifié, que connaissent bien les sénateurs.

Madame la ministre, vous avez également approuvé – et je vous remercie d’avoir pris cette position très significative – la disposition que nous avons votée en commission, à savoir l’évolution du seuil pour les communautés de communes de 15 000 à 30 000 habitants. Nous nous sommes effectivement aperçus que le nombre de communautés de communes concernées était tout à fait modeste dans le cas d’un seuil à 15 000 habitants, alors qu’il était beaucoup plus significatif avec un seuil à 30 000 habitants.

La réflexion de la commission – car nous avons eu de longs débats sur le sujet – est effectivement la suivante : de deux choses l’une, ou bien on autorise les militaires à se présenter, auquel cas on essaie de ne pas leur couper les jambes et les bras et d’en faire des élus à peu près équivalents à leurs collègues non militaires, ou bien on leur interdit purement et simplement d’accéder aux mandats.

Comme vous le savez, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel s’est prononcé.

Dans la réponse à la question prioritaire de constitutionnalité qui lui était soumise, il a recommandé la fixation de seuils. Par conséquent, ceux-ci ne sont pas apparus comme cela, par miracle. Ils apportent une réponse, face à l’argument, évoqué par Mme la ministre, de l’obligation de neutralité du militaire par rapport à l’engagement politique.

À cet égard, un certain nombre de sénateurs pourraient vous dire qu’il est des communes de moins de 9 000 habitants dans lesquelles la dispute politique, au moment des élections, est aussi virulente qu’elle peut l’être dans une ville de 50 000 habitants !

M. Jean-Marie Bockel. Évidemment !

M. Christian Cambon, rapporteur. Mais enfin, passons…

Je suis, pour ma part, particulièrement sensible à un autre argument, pour avoir eu à faire élire, dans le cadre de mes précédents mandats de maire, un colonel de gendarmerie en retraite ; c’est celui de la disponibilité.

De toute évidence, un mandat de conseiller municipal dans une ville comme Colmar, Strasbourg ou Bordeaux nécessite un engagement personnel qui, pour le coup, risque de porter atteinte à la disponibilité du militaire vis-à-vis des armées. Or, je le rappelle, le soldat doit être, par priorité, disponible pour le service des armées qui l’emploient.

Les seuils, une fois remontés, nous apparaissent logiques et satisfaisants. Je propose donc à Joël Guerriau de retirer son amendement et de revenir à la position de la commission, qui me semble raisonnable.

Je ne suis pas non plus un fanatique des seuils ! Après tout, comment différencier une commune de 14 722 habitants et une commune de 15 612 habitants ? Je ne le sais pas très bien !

En revanche, les évolutions que nous avons fait subir au texte dans le cadre des travaux de la commission m’apparaissent correctes, et le choix fait par Mme la ministre de retirer son amendement est un motif de satisfaction important, étant rappelé, mes chers collègues, que je veux bien consacrer une bonne partie de la soirée au sujet, mais que celui-ci n’est tout de même pas essentiel dans la vie démocratique de nos communes.

Pour autant, le cas des militaires mérite d’être tranché. Encore une fois, le Conseil constitutionnel, dans sa réponse à la QPC, a rappelé qu’il s’agissait d’un droit imprescriptible et que l’on ne pouvait pas interdire à un soldat de se présenter à une élection municipale.

C’est la raison pour laquelle je souhaite que Joël Guerriau accepte de retirer son amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission des lois. La commission des lois ayant simplement été saisie pour avis, elle ne peut, bien sûr, que s’inscrire dans la lignée de l’intervention de M. le président, et rapporteur, de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Toutefois, mes chers collègues, quelques mots pour vous indiquer que notre commission n’avait pas jugé utile de modifier le texte issu de l’Assemblée nationale.

Tout d’abord, cette question de l’éligibilité, ou non, des militaires en activité nous paraît constituer un « non-sujet ».

Vous avez, les uns et les autres, la pratique des territoires : autant les militaires qui, à leur retraite, décident de participer à la vie publique sont nombreux, autant – vous voudrez bien me l’accorder – il est rarissime sur le terrain, dans la « vraie » vie, d’entendre un officier ou un sous-officier de carrière exprimer un tel désir. Ils participent, bien sûr, par leur vote, mais je n’ai pas connaissance de situations dans lesquelles ils demandent à se porter candidats.

Cela étant, j’admets bien volontiers qu’un militaire, au moins, a formulé ce souhait, puisqu’il est à l’origine d’une QPC.

Qu’a dit le Conseil constitutionnel dans ce cadre ? Comme vient excellemment de le rappeler M. le président Cambon, il a estimé qu’il ne pouvait y avoir d’interdiction générale.

Il a ainsi formulé son point de vue : le législateur ne peut instituer une « incompatibilité qui n’est limitée ni en fonction du grade de la personne élue » – il semble assez logique de ne pas faire de différence entre les militaires –, « ni en fonction des responsabilités exercées » – le Conseil constitutionnel a donc expressément demandé au législateur, pour la disposition pour laquelle il a fixé une période transitoire jusqu’au 1er janvier 2020, de nuancer en fonction des responsabilités exercées, ce qui légitime l’exclusion des mandats de maire, de maire adjoint ou de maire délégué du dispositif –, « ni en fonction du lieu d’exercice de ces responsabilités, ni en fonction de la taille des communes » - et ici je m’inscris, pour la commission des lois, dans la lignée de l’intervention qui vient d’être faite.

La fixation de seuils n’est donc pas, en tant que telle, une volonté du Gouvernement ou de l’Assemblée nationale. C’est le Conseil constitutionnel lui-même qui a exigé que, dans la disposition qui doit entrer en vigueur avant le 1er janvier 2020, il soit tenu compte de la taille des communes.

Faut-il, ensuite, fixer ce seuil à 9 000 habitants ou à 15 000 habitants ? Nous pouvons tous avoir un avis sur la question. Mais nous ne pouvons pas totalement évacuer le sujet, car il s’agit là d’une contrainte imposée par le Conseil constitutionnel.

Une fois cela posé, mes chers collègues, je ne doute pas que vous apprécierez, dans votre immense sagesse, quel doit être le niveau de ce seuil.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.

M. Gilbert Roger. Je m’exprime, à la fois, en qualité de rapporteur pour avis de la commission sur le projet de loi de finances et au nom du groupe auquel j’ai l’honneur d’appartenir.

Nous n’avons pas véritablement eu de très longs débats sur ce sujet, car – pardonnez-moi ! – la LPM nous semble en contenir d’autrement plus importants.

Pascal Allizard a résumé l’état d’esprit de la commission.

Effectivement, le seuil de 15 000 habitants allait disparaître et il faut savoir qu’au Sénat, au sein de la commission, nous n’étions pas arc-boutés sur l’idée que les militaires puissent participer à la désignation des grands électeurs ou être, eux-mêmes, grands électeurs pour les élections sénatoriales. La disposition a été prise à l’Assemblée nationale ; nous n’entendons pas revenir dessus. Cela ne nous gêne pas !

J’inviterai donc mon collègue et duettiste (Sourires.) à retirer son amendement, ce serait fort sympathique de sa part – comme d’habitude ! Cela nous ferait gagner du temps, sachant que nous examinerons, plus tard, une disposition sur les syndicats de communes, pour laquelle nous nous sommes accordés sur une impossibilité – comme pour un maire ou un adjoint au maire. Ainsi, nous garantirons la disponibilité des élus locaux, ainsi que celle, essentielle, des militaires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Pour les raisons que vous comprenez, madame la ministre, la décision que vous avez prise de retirer votre amendement va dans le bon sens. Je crois que, sur toutes les travées, nous l’attendions.

Pour autant, les militaires peuvent se présenter dans 77 % des communautés de communes, seulement, et non dans la totalité, ce qui laisse tout de même apparaître, nous y reviendrons sûrement avec l’examen du prochain amendement du Gouvernement, une certaine forme de discrimination.

En outre, madame la ministre, des questions vont se poser. Par exemple : un militaire qui siégera dans un conseil municipal pourra-t-il être le correspondant défense de la commune ?

Le fait de mettre des freins à l’exercice, par certains citoyens, des devoirs qu’il est souhaitable qu’ils exercent en démocratie va engendrer une cascade de questions. Elles ne vous seront peut-être pas soumises dans le débat, madame la ministre, mais elles apparaîtront sous la forme de questions écrites ou sous d’autres formes et, quoi qu’il en soit, se poseront.

Enfin, au moment où le Gouvernement a décidé de réduire notre Haute Assemblée à une peau de chagrin, une institution sans pouvoir, je me permets de vous le signaler, vous êtes ce soir le témoin de l’utilité du Sénat de la République !

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Tout en me ralliant à la position de la commission de la défense, je souhaite exprimer ma crainte, madame la ministre, que l’on n’ouvre la boîte de Pandore avec ces mesures.

On ne peut pas avoir deux catégories d’élus municipaux ! J’ai été maire et je suis encore conseiller municipal d’une commune de 1 500 habitants ; j’ai le sentiment d’avoir autant de légitimité que des collègues d’une commune comme Paris. Nous avons tous reçu l’onction du suffrage universel !

C’est pourquoi cette notion de seuil me gêne, et ce d’autant plus que l’argument avancé par Mme la ministre est celui de la neutralité. Cela m’étonne un peu de la part d’un gouvernement qui entend dépasser les clivages droite-gauche et rassembler tout le monde ! Mais passons sur cet élément anecdotique…

Il me semble qu’un militaire dans un conseil municipal comprenant 15 membres aura beaucoup plus de poids et d’influence qu’un militaire dans un conseil municipal de 50 ou 60 personnes.

Ce n’est peut-être pas directement votre problème, madame la ministre, mais je suis vraiment très gêné par cette notion de seuil. Si on l’introduit à la faveur d’une disposition de la LPM, on semble indiquer que, au fond, il existe deux catégories de communes : celles, dignes d’intérêt, qui se situent au-dessus du seuil et celles, moins dignes d’intérêt, qui se situent en dessous. Tel n’est pas, me semble-t-il, le sens de notre Constitution.

Par conséquent, je me rallierai sans enthousiasme et par solidarité à la position de la commission des affaires étrangères, la plus sage dans cette affaire, mais je crains que nous n’ayons pas fini d’entendre parler de la question. La boîte de Pandore a été ouverte. Le sujet reviendra sur la table, avec des arguments qui devront être un tout petit peu plus structurés et convaincants que ceux que j’ai entendus ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Bockel. Franchement, les arguments développés pour défendre le recours aux seuils ne sont pas convaincants – nous sommes nombreux à en avoir conscience –, même si le retrait de l’amendement de Mme la ministre sur les intercommunalités apporte tout de même un peu de cohérence dans la démarche.

Je vais reprendre l’expression de mon excellent collègue Dominique de Legge : oui, la boîte de Pandore va être ouverte et, au fond, pourquoi pas !

J’entends par là que nous avons tout de même le sentiment d’un franchissement d’étape, d’où les ralliements à la position de la commission – ce sera aussi notre cas. On crante une démarche, qui conduira, dans le respect des règles que vous avez tous rappelées sur la place des militaires dans la société, à une présence de ces militaires dans les conseils municipaux.

Dans l’esprit du soldat citoyen, ce n’est pas une mauvaise mesure. Je ne sais pas si le succès sera considérable ou si cette évolution permettra, ici ou là, à un certain nombre de citoyens militaires en activité de s’impliquer dans la vie locale. Nous verrons bien. Mais si cette étape peut amener un questionnement, à la fois, sur les délégations potentielles et sur la nécessité, un jour, de supprimer les seuils, alors nous examinerons ces problématiques le moment venu.

Il s’agit d’un point départ, et soyons concrets : mieux vaut la moitié de quelque chose que la totalité de rien du tout, c’est-à-dire un idéal que, visiblement, nous ne pourrons pas atteindre aujourd’hui !

C’est donc avec pragmatisme et sans réticence aucune que nous nous rallions à la position de la commission.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cambon, rapporteur. Je crois effectivement que, sur toutes les travées, nous doutons de l’efficacité de ces seuils, qui existent dans de nombreuses autres législations. On se demande toujours ce qui sépare un élu d’une commune de 14 999 habitants d’un élu d’une commune de 15 200 habitants.

J’ajoute que c’est la disposition votée à l’Assemblée nationale qui nous a obligés à prendre le problème en main – le précédent seuil de 3 500 habitants était effectivement très restrictif – et que c’est tout de même le Conseil constitutionnel qui a invité le législateur à fixer des seuils. Nous sommes obligés de nous en tenir à cette jurisprudence.

Enfin, pour parachever le sentiment de perplexité, je signalerai une petite curiosité : en l’état du droit européen, tout empêcherait un militaire français de se présenter dans une commune de 9 200 habitants, mais rien n’empêcherait un général allemand disposant d’une maison de campagne en France de se porter candidat dans une commune de 17 000 habitants, d’y être élu et, sans doute, d’en devenir le maire adjoint.

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.

M. Joël Guerriau. M. le rapporteur vient d’apporter un peu d’eau à mon moulin, en soulignant l’incohérence résultant de l’application du droit européen, qui donne la faculté à des militaires étrangers d’être candidats, voire élus dans nos communes, indépendamment d’un quelconque seuil de population.

Par ailleurs, je suis heureux d’avoir déposé cet amendement, car la richesse du débat qui vient de s’ouvrir entre nous démontre l’existence d’un vrai sujet. Oui, c’est un vrai sujet ; ces questions de seuil ne se justifient pas en soi !

Avec tout le respect que je vous dois, madame la ministre, je tiens à signaler que vous m’avez un peu blessé, choqué, en avançant que nous savions ce que c’était que d’être élu local et que, à ce titre, nous ne devions pas nous arc-bouter sur l’idée d’une absence de seuil.

Pour la plupart d’entre nous, justement, nous sommes ou avons été des élus locaux. J’ai occupé la fonction de maire d’une ville de 26 000 habitants pendant vingt-deux ans. Je vous assure que la compétence d’une personne et son implication dans les affaires de la commune n’ont rien à voir avec la détention d’une carte de parti !

Nos élus locaux, je le répète, quel que soit le nombre d’habitants de la commune, ne sont pas forcément encartés ou engagés. Ils peuvent naturellement garder une parfaite neutralité, comme le veut le statut militaire.

Je suis prêt à retirer mon amendement. Nous sommes tous cohérents, évidemment, et souhaitons rester dans la ligne du Conseil constitutionnel, comme dans la logique – le rapporteur et le rapporteur pour avis l’ont rappelé – des débats en commission, qui nous ont conduits à retenir un certain nombre de propositions.

Mais je voudrais tout de même insister sur l’incohérence de la mesure que nous allons prendre.

Imaginez, mes chers collègues, une fusion de toutes petites communes de quelques centaines d’habitants pour former, au bout du compte, une commune de 4 000 habitants. Avec la rédaction de l’Assemblée nationale, l’élu marqué du sceau de la fonction militaire aurait été démis d’office par le préfet. Croyez-vous que ses collègues élus auraient trouvé cela tout à fait logique et normal ?

Imaginez une commune qui dépassera le seuil de population, par exemple avec 9 200 habitants. La situation sera la même, même si la personne est compétente, qu’elle a montré son engagement et sa disponibilité – effectivement, on peut être militaire et disponible ; tous les militaires ne sont pas engagés dans des opérations extérieures, conduits à s’extraire et s’éloigner de leur milieu familial, voire à changer régulièrement de lieu de vie.

Là encore, il faut prendre les gens au sérieux : les militaires sont capables d’assumer pleinement leurs responsabilités.

Je retire mon amendement, tout en soulignant, à nouveau, l’utilité de ce débat. (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. L’amendement n° 79 rectifié est retiré.

L’amendement n° 147 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article L.O. 286-2 du code électoral, il est inséré un article L. 286-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 286-3. – Les militaires en position d’activité ne peuvent ni être membres du collège électoral sénatorial, ni participer à l’élection à ce collège de délégués et de suppléants. »

Souhaitez-vous présenter conjointement l’amendement n° 154, madame la ministre ?

Mme Florence Parly, ministre. Oui, monsieur le président, cela me convient.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 154, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :

I. – Alinéa 14

Remplacer les mots :

et d’adjoint au maire

par les mots :

, de maire délégué, d’adjoint au maire et d’adjoint au maire délégué

II. – Après l’alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa du II de l’article L. 5211-7, les mots : « les articles L. 44 à L. 46, L. 228 à L. 237-1 et L. 239 du code électoral » sont remplacés par les mots : « les articles L. 44 à L. 45-1, L. 228 à L. 237-1 et L. 239 du code électoral, ainsi que celles prévues pour les élections au conseil communautaire par l’article L. 46 du code électoral » ;

La parole est à Mme la ministre, pour présenter les deux amendements.

Mme Florence Parly, ministre. Permettez-moi tout d’abord de remercier M. Joël Guerriau. Je lui donne volontiers acte du fait que la réalité locale est sans doute un peu plus complexe que les grandes catégories que j’ai pu décrire. Néanmoins, cela a été parfaitement rappelé par le rapporteur pour avis de la commission des lois, ainsi que par le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le Conseil constitutionnel, lui-même, nous invite à nous orienter vers les seuils.

Avant de présenter les deux amendements suivants, je veux rappeler de quoi nous parlons.

Il ne s’agit pas de savoir si les militaires sont capables ou pas, loyaux ou pas, si le franchissement d’un seuil change la nature de leur engagement. Non, le sujet, c’est la position administrative : au-delà d’un certain seuil, il n’est nullement interdit à un militaire de poursuivre l’engagement qu’il avait souscrit dans le cadre des seuils autorisés, mais il doit alors opter pour une autre position administrative et évoluer d’une position d’activité à une position de détachement, ce qui est parfaitement possible.

Il n’y a donc aucun ostracisme d’aucune sorte vis-à-vis des militaires et je suis la première convaincue que ces derniers peuvent apporter, en raison de leur engagement, une véritable plus-value à la vie locale.

J’insiste sur le cœur de cette discussion, car les amendements que je vais maintenant présenter concernent, eux aussi, la catégorie des militaires en activité et, une nouvelle fois, il n’est question à aucun moment d’interdire l’exercice du libre choix d’un militaire qui souhaiterait passer d’une position d’active à une position de détachement.

L’amendement n° 147 rectifié doit, à nouveau, être mis en lien avec l’objectif de garantir le devoir de réserve des militaires – militaires en activité, je le répète –, même lorsque ceux-ci sont titulaires d’un mandat local.

Il tend à rétablir l’interdiction, introduite à l’Assemblée nationale, qui serait faite aux militaires en position d’activité, titulaires d’un mandat de conseiller municipal, de voter pour l’élection sénatoriale – j’ai déjà entendu des prises de position, par anticipation, sur cette question.

Le Gouvernement, avec cet amendement n° 147 rectifié, entend les priver de la possibilité de se présenter à l’élection des délégués des conseils municipaux en vue de l’élection sénatoriale, et de voter à cette élection.

Pourquoi cette restriction ? Elle apparaît nécessaire pour préserver le devoir de réserve et l’obligation de neutralité qui, en vertu de leur statut, s’imposent aux militaires en activité.

Ces principes font effectivement obstacle à ce que les militaires en activité sollicitent le suffrage des autres conseillers municipaux, en s’inscrivant sur des listes de grands électeurs. Cette démarche suppose un engagement partisan avéré, d’autant plus marqué qu’il s’agit d’un collège électoral restreint.

Pour garantir cet exercice impartial de leur mandat comme de leurs fonctions de militaires en position d’activité, il est également nécessaire de leur interdire de prendre part à la désignation du collège des délégués.

J’en viens à l’amendement n° 154, qui tend à compléter le dispositif adopté par votre commission.

Tout d’abord, il vise à étendre, aux fonctions de maire délégué et d’adjoint au maire délégué, l’incompatibilité prévue avec les fonctions de maire et d’adjoint au maire.

Sauf accord de l’ensemble des communes regroupées, la création de communes déléguées reprenant les noms et limites territoriales des anciennes communes intervient automatiquement en cas de création d’une commune nouvelle. Le nombre de ces communes a donc crû au cours des dernières années, et devrait continuer d’augmenter. La plupart des communes concernées sont d’une taille réduite.

Or les maires délégués disposent de pouvoirs étendus : ils sont officiers d’état civil, officiers de police judiciaire ; ils peuvent être chargés de l’exécution des lois et règlements de police, recevoir des délégations du maire ; ils exercent également des fonctions d’adjoint au maire de la commune nouvelle.

Ces différentes missions peuvent être lourdes. Dans cette mesure, elles sont, tout comme les missions de maire ou d’adjoint au maire, incompatibles avec l’exigence constitutionnelle de disponibilité qui pèse, à nouveau, sur les militaires en activité.

En outre, cet amendement tend à harmoniser les dispositions relatives à la participation des militaires en position d’activité aux structures intercommunales, précisant que les incompatibilités applicables pour l’élection des délégués des syndicats de communes sont, notamment, celles qui sont prévues pour les élections au conseil communautaire par l’article L. 46 du code électoral.

À défaut, en effet, s’appliqueraient pour les syndicats de communes les seules règles d’incompatibilité applicables aux communes, soit un seuil démographique de 9 000 habitants apprécié à l’échelle de la commune, et non, comme pour les EPCI, le seuil démographique de 30 000 habitants qui vient d’être confirmé. Rien ne justifierait une telle différence de régime !

Il serait donc incohérent de permettre à un militaire en position d’activité de siéger dans l’organe délibérant d’un EPCI d’une certaine taille, dès lors qu’il réside dans une commune membre de moins de 9 000 habitants et, à l’inverse, de lui interdire de siéger dans l’organe délibérant d’un EPCI de taille plus réduite, dès lors qu’il réside dans une commune de plus de 9 000 habitants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Christian Cambon, rapporteur. L’amendement n° 147 rectifié vise à interdire aux militaires en position d’activité d’être membres du collège électoral sénatorial, ou de participer à l’élection de ce collège. Bien évidemment, présenter ce genre de dispositions devant le Sénat peut revêtir un caractère inopportun, pour ne pas dire choquant aux yeux de certains. Au sein de la commission, cette mesure a, en tout cas, posé un certain nombre de difficultés.

J’ajoute qu’elle est douteuse sur le plan constitutionnel. En effet, on peut y voir une rupture d’égalité entre conseillers municipaux, certains n’ayant pas les mêmes droits que leurs homologues.

Je vous rappelle qu’il n’existe qu’une exception en la matière, visant, je l’évoquais tout à l’heure, les ressortissants européens, mais celle-ci est encadrée par l’article 88-3 de la Constitution.

Je me demande donc dans quelle mesure – et je me tourne, pour cela, vers les éminents membres de la commission des lois – il n’y aurait pas nécessité de recourir à un support constitutionnel pour garantir ce droit.

De surcroît, s’agissant du fait d’empêcher un militaire d’être désigné délégué, au titre des citoyens désignés par le conseil municipal dans les communes de plus de 30 000 habitants, le Conseil constitutionnel contrôle toute dérogation entre la qualité d’électeur et la possibilité d’être éligible.

Nous attirons l’attention du Gouvernement sur ce contrôle du Conseil constitutionnel, qui nous a conduits, en commission, à émettre un avis défavorable sur cet amendement n° 147 rectifié.

L’amendement n° 154, relatif aux incompatibilités avec diverses fonctions exécutives, n’a pas pu être examiné par la commission, car il a été déposé de manière particulièrement tardive. Je note toutefois que ses dispositions présentent un rapport logique avec celles qui ont été examinées précédemment.

En effet, il est plus raisonnable, pour la liberté de parole, la liberté d’expression et le respect de la neutralité, de ne pas rendre possible l’élection d’un militaire conseiller municipal aux fonctions de maire adjoint ou d’adjoint au maire délégué dans une commune nouvelle. Cette interdiction peut être étendue aux syndicats de communes, pour éviter qu’un élu d’une très petite commune n’exerce des responsabilités au sein d’une communauté d’agglomération ou d’un syndicat intercommunal, à vocation unique – SIVU – ou multiple – SIVOM –, très important.

N’ayant pu réunir la commission pour examiner cet amendement, je m’en remets à la sagesse du Sénat, mais, à titre personnel, je pense qu’il mérite un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Sur l’amendement n° 154, que nous avons récupéré au vol, je me range naturellement à l’avis émis, dans sa sagesse, par M. le rapporteur.

Par l’amendement n° 147 rectifié, le Gouvernement souhaite réintroduire un alinéa voté par l’Assemblée nationale, visant à interdire aux militaires élus de voter à l’élection sénatoriale et même de participer à l’élection de délégués au collège électoral sénatorial.

Permettez-moi une remarque, madame la ministre : la plupart des députés qui siègent à l’Assemblée nationale aujourd’hui ne savent pas ce que c’est qu’une mairie. Ils ne savent pas ce que c’est qu’un conseil municipal. Au reste, ils ne le sauront probablement jamais ! (Sourires. – MM. Joël Guerriau et Emmanuel Capus applaudissent.) Autrement dit, leur sensibilité est forcément différente de la nôtre.

Que représentent cinq cents militaires inscrits sur les listes électorales ? Un grand électeur ou deux. Il faut remettre les choses à leur place.

Vous invoquez, madame la ministre, le devoir de réserve des militaires et le supposé engagement partisan avéré de la démarche qui consiste à solliciter le suffrage des autres conseillers municipaux. Cette disposition revient à autoriser les militaires à participer au scrutin pour l’élection des députés et, dans le même temps, à leur refuser ce droit pour l’élection de sénateurs. Cela me paraît très discriminant.

Dans ma commune, les 250 militaires de la caserne ont été ajoutés sur les listes électorales. Nul besoin d’être un politologue de renom pour connaître l’orientation politique de ces nouveaux électeurs ! Peut-on nier l’incidence du vote des militaires sur l’élection législative dans une circonscription où sont regroupés des casernements, des logements et autres lieux de vie militaire ?

Cette discrimination est une atteinte à la démocratie. Or, madame la ministre, je trouve qu’il y a aujourd’hui, dans notre pays, beaucoup d’atteintes à l’équilibre démocratique.

Par conséquent, je me félicite que la commission des affaires étrangères ait adopté mon amendement supprimant ces interdictions. Elle a très justement considéré que les militaires devront pouvoir exercer la plénitude des fonctions liées au statut d’élu, et ne pas être de sous-conseillers municipaux.

Je voterai donc contre cet amendement.

Enfin, permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que nos soldats de l’opération Barkhane sont peut-être en train de suivre nos débats, à la télévision, depuis le Niger, le Tchad et ailleurs. Vous êtes en train de leur envoyer le message qu’ils sont des sous-citoyens, qu’ils ne méritent pas qu’on leur donne la pleine citoyenneté, alors qu’ils vont peut-être risquer leur vie demain matin ou peut-être même cette nuit…

M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Grand. Voilà pourquoi, aujourd’hui, je défends les militaires avec passion. (M. Jean-Pierre Corbisez applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Faut-il que les militaires puissent être élus conseillers municipaux ? Je ne reviendrai pas sur le débat de fond.

À vrai dire, moi qui connais un peu le statut militaire, je ne connais pas beaucoup de militaires qui restent plus de trois ou quatre ans au même endroit. Pourront-ils assumer leurs responsabilités s’ils sont élus ? C’est une vraie question.

L’objet de mon intervention est autre : je veux revenir sur les deux amendements du Gouvernement.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 154, vous affirmez, madame la ministre, qu’un maire délégué, dans les communes relevant de la loi Marcellin ou dans les communes nouvelles, a des pouvoirs. Pour bien connaître le sujet, je peux vous dire que vous vous trompez ! Il n’a aucun pouvoir. Seul le maire a le pouvoir.

L’amendement n° 147 rectifié est plus important. Pour le défendre, vous évoquez un engagement partisan avéré, d’autant plus marqué que le collège électoral est restreint. Le Gouvernement devrait se souvenir que les sénateurs sont actuellement élus au suffrage indirect, au scrutin majoritaire à deux tours dans seulement 30 % des départements – les autres le sont à la proportionnelle. Dans ces départements, l’engagement politique n’est pas avéré. Affirmer le contraire, c’est vraiment méconnaître la réalité des élections sénatoriales. Dans ces départements, que je représente ici – je ne parle évidemment pas de moi –, ce sont les meilleurs, les plus compétents qui sont élus, quelle que soit leur étiquette politique. Cela sera encore plus vrai quand le nombre de sénateurs aura diminué et quand le nombre de départements qui éliront leurs sénateurs au scrutin uninominal passera peut-être à 50 %. Par conséquent, c’est une question importante.

Je ne peux pas accepter que le Gouvernement dise que les élections sénatoriales donnent matière à un engagement partisan avéré. C’est peut-être vrai dans les grands départements, mais, chez nous, dans les départements ruraux, l’engagement se fonde sur la compétence.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.

M. Gilbert Roger. Compte tenu du débat qui vient d’avoir lieu, des explications de Mme la ministre et des avis émis par M. le rapporteur, je pense qu’il serait raisonnable de voter ces deux amendements.

J’invite mes collègues à le faire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Bockel. Je soutiens la position de la commission, qui a fort bien été rappelée à l’instant.

Dans la pratique, les cas de figure seront très limités, mais, sur le symbole, quand on entend les arguments qui sont développés ici avec beaucoup de civilité et de sérieux, on imagine la manière dont cette question pourrait être exploitée dans le débat public, et les arguments populistes susceptibles de sous-tendre ce débat.

C’est dommage. Il aurait été tellement simple d’accorder aux militaires la possibilité d’être grands électeurs ! Franchement, cela ne mangeait pas de pain. (M. Bruno Sido approuve.)

Sur ce sujet, l’ampleur des débats risque de dépasser de loin la réalité du phénomène.

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.

M. Emmanuel Capus. Le débat est assez complexe. Il nous amène à envisager des situations assez ubuesques.

Dans le département de Maine-et-Loire, une capitaine de cavalerie a été élue députée en juin dernier. Cela faisait longtemps qu’un capitaine d’active n’avait pas été élu à l’Assemblée nationale ! Quoi qu’il en soit, cette députée fera partie du collège électoral sénatorial.

M. Emmanuel Capus. Effectivement, madame la ministre, cette députée a été placée en position de détachement – elle n’est peut-être pas la seule à être dans ce cas. Elle retrouvera malgré tout son poste à l’issue de son mandat, si elle ne se représente pas ou si elle est battue.

Vous nous dites que tout militaire élu peut se placer en position de détachement. Dans les faits, c’est quasi impossible. Qu’un capitaine élu député puisse être placé en détachement est financièrement possible, puisque, pour ce grade, l’Assemblée nationale est plus généreuse que l’armée – on le sait, puisque les salaires ont été publiés. En revanche, aucun conseil municipal ne peut permettre à un officier d’active de se placer dans une situation de détachement durant un mandat.

Soyons raisonnables, madame la ministre. Votre argument ne tient pas. Dans la réalité, aucun adjoint au maire d’une commune de moins de 9 000 habitants ne peut renoncer à son salaire et la plupart des élus locaux, qu’ils soient conseillers municipaux ou adjoints au maire, sont quasi bénévoles. C’est d’ailleurs ce qui fait la force de l’engagement des élus locaux.

La complexité de ces deux situations témoigne des conséquences étonnantes, bizarres, que peut avoir cette ouverture, indépendamment de votre responsabilité.

Pour ce qui concerne l’amendement, je me rangerai à l’avis sage de la commission. (M. Joël Guerriau applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.

M. Pascal Allizard. Tout d’abord, j’estime que ce débat est sain et qu’il était tout à fait nécessaire. Il est très positif que nous puissions avoir ces échanges.

Je trouve choquant que l’on interdise à des citoyens élus conseillers municipaux d’élire leurs sénateurs, alors qu’ils peuvent élire leurs députés en tant que simples citoyens. Il y a là quelque chose que j’ai du mal à comprendre, d’autant plus que, en vertu de leur statut, les militaires gardent leur devoir de réserve. C’est une question de confiance et de bon sens.

Par conséquent, à titre personnel, je voterai contre l’amendement n° 147 rectifié, madame la ministre.

L’amendement n° 154 a quant à lui tout à fait vocation à être adopté, puisqu’il vise à procéder à une mise en cohérence concernant les fonctions exécutives locales, notamment au sein des syndicats intercommunaux.

Je me range donc à la position de notre rapporteur et voterai cet amendement, que nous n’avons pu étudier en commission.

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.

M. Cédric Perrin. Je partage l’avis de mes collègues. Les arguments avancés me semblent marqués par une certaine hypocrisie.

L’élection n’est pas forcément moins politisée dans les communes de 500 habitants que dans celles de 8 000 ou de 9 000 habitants.

M. Christian Cambon, rapporteur. C’est vrai !

M. Cédric Perrin. Tout dépend du contexte et de la composition des listes. Il n’y a pas de règle absolue en la matière.

Je rappelle que le vote est secret. Par définition, celui qui sera élu grand électeur n’aura pas nécessairement donné son avis au préalable. Je trouve donc cet argument assez hypocrite.

Comme le disait Pascal Allizard, il faut soit accorder aux militaires un statut d’élu complet, soit leur interdire d’être élus, mais il ne saurait y avoir de sous-statuts, ou d’élus qui pourraient exercer un certain nombre de droits quand d’autres ne le pourraient pas.

En la matière, je pense qu’il faut être extrêmement prudent. Quoi qu’il en soit, je me félicite que nous ayons abordé cette question, qui est importante.

Je veux également revenir sur la question de la mise en disponibilité des militaires. Je sais bien que le bénévolat des élus, quel que soit le mandat, est une idée dans l’air du temps. Un certain nombre de nos concitoyens l’appellent de leurs vœux.

Cependant, comme mon collègue l’a fort justement dit, pour se mettre en disponibilité de son travail, il faut avoir de quoi vivre, donc être rentier ou disposer d’un certain nombre de revenus parallèles… Cet argument ne me semble donc pas non plus très pertinent.

Je me rangerai donc évidemment à l’avis de la commission.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. On sait que les militaires sont soumis à l’obligation de réserve. Cette obligation est respectable.

Cependant, par leur expérience, leur culture, leur dévouement, les militaires sont tout à fait légitimes à s’engager, notamment dans les plus petites communes, où l’engagement est bénévole.

Il serait quand même très dommage qu’ils ne puissent pas, par exemple, voter pour désigner les délégués au collège électoral sénatorial.

Par exemple, dans mon petit département des Ardennes, où s’applique le scrutin uninominal pour l’élection des sénateurs, l’engagement des militaires me paraît tout à fait légitime.

À cet égard, je partage l’avis de M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. J’ai beaucoup hésité à intervenir, car je ne voudrais pas allonger le débat, déjà extrêmement fourni.

Bien sûr, je n’imaginais pas que, dans cet hémicycle, le débat sur une question ayant trait à la désignation des grands électeurs et, in fine, à l’élection des sénateurs pourrait être bref.

Certains d’entre vous ont souligné qu’il était utile. Je pense également qu’il l’est. Toutefois – peut-être est-ce dû à l’heure tardive plus qu’au sujet lui-même –, je trouve que l’écoute tend à céder la place aux effets de manche.

On nous parle de différentes catégories de militaires, de différentes catégories de collectivités locales. Pour ma part, je suis très choquée que l’on puisse dire que l’élection des députés au suffrage universel direct et l’élection des sénateurs au suffrage indirect sont une seule et même chose. Non, ce n’est pas la même chose ! Relisez, pour vous en convaincre, les textes qui régissent notre vie publique.

Personne n’interdit aux militaires de participer à la désignation des députés, pour la raison très simple que le suffrage universel est direct. Les militaires ne souffrent évidemment d’aucune forme d’ostracisme par rapport aux autres citoyens.

En revanche, et ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre, mesdames, messieurs les sénateurs, les règles sont différentes s’agissant de l’élection des sénateurs, qui sont élus non au suffrage direct, mais par un collège de grands électeurs.

M. Bruno Sido. Nous nous en étions aperçus !

Mme Florence Parly, ministre. Sans vouloir prolonger inutilement ce débat, permettez-moi de vous dire que certains propos m’ont choquée. On ne peut pas parler de déni de démocratie, comme je l’ai entendu tout à l’heure.

Mme Florence Parly, ministre. Il s’agit de la stricte application de nos règles constitutionnelles.

M. François Bonhomme. Aucun rapport !

M. Jean-Pierre Grand. Nous sommes une assemblée démocratique !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 147 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 154.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 78, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les nécessités liées à la préparation et à la conduite des opérations ainsi qu’à la bonne exécution des missions des forces armées et formations rattachées, le militaire en activité titulaire d’un mandat local peut ne pas remplir des fonctions dévolues par les lois aux conseillers municipaux.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Madame la ministre, notre assemblée est une assemblée démocratique, quel qu’en soit le mode d’élection. Naturellement, toute atteinte à la démocratie touche la démocratie dans son ensemble.

En vous écoutant, je pensais que, si le général Jacques Chaban-Delmas ou le colonel Rol-Tanguy avaient dû affronter les lois que nous votons aujourd’hui, ils n’auraient pas pu exercer les fonctions politiques qui furent les leurs. Voilà pourquoi il ne faut jamais toucher à la liberté de quiconque de se présenter à une élection. C’est ce que je ressens au plus profond de moi-même. Il y a aujourd’hui, entre la nouvelle majorité et nous, un monde – nous ne représentons pas forcément le monde ancien ! –, un monde à la fois d’expérience, de sensibilité et de très grand respect des grandes valeurs qui fondent la République et, en ce qui me concerne, qui fondent le gaullisme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

L’amendement n° 78 vise à sécuriser l’exercice du mandat municipal des militaires.

Le code général des collectivités territoriales prévoit que tout membre d’un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir l’une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif.

En raison de sa disponibilité dans l’armée, un militaire peut être amené à ne pas pouvoir exercer certaines fonctions, notamment celles d’assesseur lors d’une élection dans la commune où il est conseiller municipal. Cette absence sera très certainement considérée comme une excuse valable par tout le monde, mais il me semble préférable de bien préciser la volonté du législateur, chère à la justice administrative, pour éviter, une nouvelle fois, que la jurisprudence fasse les lois en lieu et place du Parlement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Nous devons respecter une certaine cohérence.

Venant de défendre l’idée que le militaire conseiller municipal doit exercer autant que faire se peut les droits inhérents à cette fonction élective, il serait assez paradoxal que nous l’exonérions de ses obligations de conseiller municipal sous prétexte qu’il est militaire.

Que se passe-t-il si le militaire qui exerce des fonctions de conseiller municipal est empêché, parce qu’il est en activité ? Toutes celles et tous ceux d’entre nous qui ont été maire ou maire adjoint – nous sommes extrêmement nombreux dans ce cas – savent que, d’une part, les textes envisagent ces situations, et que, d’autre part, dans la pratique, lorsqu’un conseiller municipal dispose d’une excuse valable, il est bien évidemment tenu pour excusé et n’est nullement sanctionné.

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. Christian Cambon, rapporteur. J’invite donc Jean-Pierre Grand à retirer cet amendement, même si je comprends tout à fait sa motivation.

Soyons logiques : nous venons d’affirmer que nous voulions que le statut du militaire conseiller municipal se rapproche le plus possible de celui des autres conseillers municipaux. Ne l’exemptons pas, à l’envers, de responsabilités qui sont les siennes !

M. Jean-Pierre Grand. Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 78 est retiré.

Je mets aux voix l’article 18, modifié.

(Larticle 18 est adopté.)

Chapitre III

Dispositions relatives à la cyberdéfense

Article 18
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 20

Article 19

I. – Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :

1° La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre II est complétée par un article L. 33-14 ainsi rédigé :

« Art. L. 33-14. – Pour les besoins de la sécurité et de la défense des systèmes d’information, les opérateurs de communications électroniques peuvent recourir, sur les réseaux de communications électroniques qu’ils exploitent, après en avoir informé l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information, à des dispositifs mettant en œuvre des marqueurs techniques aux seules fins de détecter des événements susceptibles d’affecter la sécurité des systèmes d’information de leurs abonnés.

« À la demande de l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information, lorsque celle-ci a connaissance d’une menace susceptible de porter atteinte à la sécurité des systèmes d’information, les opérateurs de communications électroniques ayant mis en œuvre les dispositifs prévus au premier alinéa procèdent, aux fins de prévenir la menace, à leur exploitation, en recourant, le cas échéant, à des marqueurs techniques que cette autorité leur fournit.

« Par dérogation au II de l’article L. 34-1, les opérateurs de communications électroniques sont autorisés à conserver, pour une durée maximale d’un an, les données techniques strictement nécessaires à la caractérisation d’un évènement détecté par les dispositifs mentionnés au premier alinéa du présent article. Les données recueillies dans le cadre de l’exploitation de ces dispositifs autres que celles directement utiles à la prévention et à la caractérisation des menaces sont immédiatement détruites.

« Lorsque sont détectés des événements susceptibles d’affecter la sécurité des systèmes d’information, les opérateurs de communications électroniques en informent sans délai l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information.

« À la demande de l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information, les opérateurs de communications électroniques informent leurs abonnés de la vulnérabilité de leurs systèmes d’information ou des atteintes qu’ils ont subies.

« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. Celui-ci détermine notamment les catégories de données pouvant être conservées par les opérateurs de communications électroniques. » ;

2° L’article L. 36-7 est complété par un 12° ainsi rédigé :

« 12° Est chargée, en application de l’article L. 2321-5 du code de la défense, de veiller au respect par l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information des conditions d’application de l’article L. 2321-2-1 et du deuxième alinéa de l’article L. 2321-3 du même code. » ;

3° La section 1 du chapitre IV du même titre Ier est complétée par un article L. 36-14 ainsi rédigé :

« Art. L. 36-14. – La formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction mentionnée à l’article L. 130 est compétente pour exercer la mission mentionnée au 12° de l’article L. 36-7. Pour l’accomplissement de cette mission, la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction :

« 1° Est informée sans délai, par l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information, des mesures mises en œuvre en application de l’article L. 2321-2-1 du code de la défense ainsi que des demandes formulées en application du deuxième alinéa de l’article L. 2321-3 du même code ;

« 2° Dispose d’un accès complet et permanent aux données recueillies ou obtenues en application des mêmes articles L. 2321-2-1 et L. 2321-3 ainsi qu’aux dispositifs de traçabilité des données collectées et peut solliciter de l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information tous les éléments nécessaires à l’accomplissement de sa mission ;

« 2° bis Peut, à la demande de son président, se faire assister par des experts individuellement désignés et habilités au secret de la défense nationale.

« 3° Peut adresser, à tout moment, à l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information toute recommandation qu’elle juge nécessaire aux fins d’assurer la régularité des mesures mises en œuvre en application des dispositions mentionnées au 1° du présent article. Elle est informée, sans délai, des suites données à ces recommandations.

« Lorsque l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information ne donne pas suite à ces recommandations ou que la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction estime insuffisantes les suites données à ces recommandations, la formation peut enjoindre à l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information d’interrompre les opérations ou de détruire les données mentionnés aux articles L. 2321-2-1 et L. 2321-3 du code de la défense.

« Le Conseil d’État peut être saisi par le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes d’un recours lorsque l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information ne se conforme pas à une injonction qui lui est adressée en vertu du présent article. Le Conseil d’État statue alors dans les conditions prévues au chapitre III quater du titre VII du livre VII du code de justice administrative.

« L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes remet chaque année au Gouvernement et au Parlement, dans le respect du secret de la défense nationale, un rapport d’activité sur les conditions d’exercice et les résultats du contrôle exercé au titre du présent article.

« Elle peut adresser au Premier ministre, au Président de l’Assemblée nationale et au Président du Sénat, à tout moment, les observations qu’elle juge utiles.

« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. » ;

4° Le titre II du livre III est ainsi modifié :

a) Après le septième alinéa de l’article L. 130, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction est compétente pour exercer la mission mentionnée au 12° de l’article L. 36-7, dans les conditions prévues à l’article L. 36-14. » ;

b) Le premier alinéa de l’article L. 131 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’accomplissement de leur mission l’exige, ces membres sont habilités au secret de la défense nationale. » ;

c) L’article L. 132 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’accomplissement de leur mission l’exige, ces personnels sont habilités au secret de la défense nationale. »

bis (nouveau). – Le code de justice administrative est ainsi modifié :

1° Après les mots : « code de la sécurité intérieure », la fin du premier alinéa de l’article L. 311-4-1 est ainsi rédigée : « , la mise en œuvre de l’article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, pour certains traitements ou certaines parties de traitements intéressant la sûreté de l’État et la mise en œuvre des mesures prévues à l’article L. 2321-2-1 du code de la défense ainsi que des demandes formulées en application du second alinéa de l’article L. 2321-3 du même code. » ;

2° Après le chapitre III ter du titre VII du livre VII, il est inséré un chapitre III quater ainsi rédigé :

« CHAPITRE III QUATER

« Le contentieux de la mise en œuvre des dispositifs de prévention des atteintes aux systèmes dinformation

« Art. L. 773-10. – Le Conseil d’État examine les requêtes présentées sur le fondement de l’article L. 36-14 du code des postes et des communications électroniques conformément aux règles générales du présent code, sous réserve des dispositions particulières du présent chapitre.

« Art. L. 773-11. – Lorsqu’est en cause le secret de la défense nationale, les affaires relevant du présent chapitre sont portées devant la formation spécialisée prévue à l’article L. 773-2.

« Art. L. 773-12. – Lorsque la formation de jugement constate qu’un dispositif de prévention des atteintes aux systèmes d’information est ou a été mis en œuvre illégalement ou que des données ont été collectées ou conservées illégalement, elle peut ordonner l’interruption des opérations et la destruction des données irrégulièrement collectées ou conservées. »

II. – Le chapitre Ier du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la défense est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 2321-2, sont insérés des articles L. 2321-2-1 et L. 2321-2-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 2321-2-1. – Lorsqu’elle a connaissance d’une menace susceptible de porter atteinte à la sécurité des systèmes d’information des autorités publiques, des opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 ou des opérateurs mentionnés à l’article 5 de la loi n° 2018-133 du 26 février 2018 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité, l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information peut mettre en œuvre, sur le réseau d’un opérateur de communications électroniques ou sur le système d’information d’une personne mentionnée aux 1 ou 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, des dispositifs mettant en œuvre des marqueurs techniques aux seules fins de détecter des événements susceptibles d’affecter la sécurité des systèmes d’information des autorités publiques et opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du présent code ou à l’article 5 de la loi n° 2018-133 du 26 février 2018 précitée. Ces dispositifs sont mis en œuvre pour la durée et dans la mesure strictement nécessaires à la caractérisation de la menace.

« Les agents de l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information individuellement désignés et spécialement habilités sont autorisés, aux seules fins de prévenir et de caractériser la menace affectant les systèmes d’information des autorités publiques ou des opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du présent code ou des opérateurs mentionnés à l’article 5 de la loi n° 2018-133 du 26 février 2018 précitée, à procéder au recueil et à l’analyse des seules données techniques pertinentes, à l’exclusion de toute autre exploitation. Un décret en Conseil d’État détermine les catégories de données susceptibles d’être collectées en application du présent alinéa.

« Les données techniques recueillies directement par l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information en application du premier alinéa du présent article ou obtenues en application du second alinéa de l’article L. 2321-3 ne peuvent être conservées plus de dix ans.

« Les données recueillies autres que celles directement utiles à la prévention et à la caractérisation des menaces sont immédiatement détruites.

« Art. L. 2321-2-2. – Est puni de 150 000 € d’amende le fait, pour un opérateur de communications électroniques ou ses agents ou pour une personne mentionnée au premier alinéa de l’article L. 2321-2-1, de faire obstacle à la mise en œuvre, par l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information, des dispositifs mentionnés au même premier alinéa.

« Les personnes physiques coupables de cette infraction encourent également l’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer l’activité professionnelle à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. » ;

2° L’article L. 2321-3 est ainsi modifié :

a) (nouveau) Les mots : « de l’État » sont remplacés par les mots : « des autorités publiques » ;

b) (nouveau) Après la référence : « L. 1332 » sont insérés les mots : « , et des opérateurs mentionnés à l’article 5 de la loi n° 2018-133 du 26 février 2018 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité » ;

c) (nouveau) Les mots : « la compromission » sont remplacés par les mots : « l’atteinte » ;

d) Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information est informée, en application de l’article L. 33-14 du même code, de l’existence d’un événement affectant la sécurité des systèmes d’information d’une autorité publique ou d’un opérateur mentionné aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du présent code ou d’un opérateur mentionné à l’article 5 de la loi n° 2018-133 du 26 février 2018 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité, les agents mentionnés au premier alinéa du présent article peuvent obtenir des opérateurs de communications électroniques les données techniques strictement nécessaires à l’analyse de cet événement. Ces données ne peuvent être exploitées qu’aux seules fins de caractériser la menace affectant la sécurité de ces systèmes, à l’exclusion de toute autre exploitation.

« Les surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées par les opérateurs de communications électroniques à la demande de l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information en application du premier alinéa du présent article sont compensés selon les modalités prévues par le III de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques. » ;

3° Il est ajouté un article L. 2321-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 2321-5. – L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est chargée de veiller au respect par l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information des conditions d’application de l’article L. 2321-2-1 et du deuxième alinéa de l’article L. 2321-3. »

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.

M. Richard Yung. Nous abordons maintenant un chapitre important, concernant la cyberdéfense. Je veux souligner précisément l’importance de traiter ces questions, y compris dans le cadre de la loi de programmation militaire.

L’enjeu est de taille. Partout, dans le monde, les États se dotent des outils nécessaires pour combattre les cyberattaques.

Mes chers collègues, rappelez-vous ce qui s’est passé aux États-Unis lors de la dernière élection présidentielle ! Je pense à la fois aux interférences dans l’élection proprement dite dont a été victime le Parti démocrate, mais aussi aux cyberattaques ayant visé un certain nombre d’infrastructures importantes du gouvernement.

C’est pourquoi la France doit se doter des ressources technologiques et humaines nécessaires. C’est ce que prévoit le présent projet de loi, par une augmentation des effectifs de cyberdéfense à hauteur de 1 000 personnes ainsi qu’à travers un budget de 1,6 milliard d’euros, hors masse salariale.

Mais notre réponse doit aussi être juridique. Tel est aussi l’objet de l’article 19, qui crée un régime spécifique autorisant la mise en place de dispositifs de détection au sein des opérateurs de télécommunications. C’est une nouvelle avancée.

Cette tâche de protection sera pilotée par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI. Pour éviter les difficultés et les débordements, le principe de précaution s’appliquera, puisque les activités de l’ANSSI seront contrôlées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP.

M. le président. L’amendement n° 125, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 18, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II. – Alinéas 28 à 35

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Cet amendement a pour objet de simplifier les dispositions applicables au recours juridictionnel à disposition de l’ARCEP en cas de méconnaissance d’une injonction adressée à l’ANSSI.

Votre commission a souhaité garantir l’effectivité du contrôle de l’ARCEP sur la mise en œuvre des nouveaux outils de détection dont la loi va doter l’ANSSI, en lui ouvrant une voie de recours spécial devant la formation spécialisée du Conseil d’État.

Pourtant, une telle voie de recours me semble inappropriée.

Tout d’abord, je veux souligner que l’ANSSI ne manquera pas de déférer aux injonctions de l’ARCEP et rappeler que le droit au recours existe, même sans texte. L’ARCEP en dispose, même si la loi ne le prévoyait pas jusqu’à présent. La loi peut, certes, rappeler que l’ARCEP peut saisir le Conseil d’État. Le présent amendement ne remet pas cette dimension en cause.

En revanche, ce qui paraît tout à fait inapproprié, c’est de confier ce contentieux à la formation spécialisée du Conseil d’État, dont ce n’est pas le rôle. La loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement a créé, en effet, au sein du Conseil d’État, cette formation spécialisée, dans un but bien précis, qui est de connaître des litiges relatifs à l’utilisation des techniques de recueil de renseignements et à l’exercice du droit d’accès indirect aux fichiers de renseignement.

La justification d’une telle création repose évidemment sur la spécificité des activités de renseignement couvertes par le secret, ainsi que par le caractère intrusif des techniques mises en œuvre, compte tenu des risques d’atteinte à la vie privée.

Or les dispositifs techniques mentionnés à l’article 19 répondent à une logique tout à fait autre, puisqu’ils n’impliquent pas, par eux-mêmes, d’atteinte à la vie privée ni au secret des correspondances. C’est ce qui explique que le contrôle de leur mise en œuvre soit confié à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, et non pas à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Dans ces conditions, procéder, comme le fait la rédaction actuelle de l’article 19, telle qu’elle résulte des travaux de votre commission, à l’élargissement du champ de compétence de la formation spécialisée du Conseil d’État au-delà de sa raison d’être, c’est-à-dire les activités de renseignement, ferait perdre sa cohérence à cette voie de droit tout à fait spécifique et fragiliserait le régime procédural qui lui est attaché. Par ailleurs, j’ajoute que, devant les juridictions supranationales, le caractère très particulier de son champ d’intervention est un argument important.

Les juridictions de droit commun pourront, quoi qu’il en soit, être saisies et, à ce titre, le présent amendement maintient bien la possibilité pour l’ARCEP de saisir le Conseil d’État, mais en formation ordinaire, et de faire usage, si nécessaire, des procédures d’urgence ouvertes devant le juge administratif.

Lorsque certaines informations sont couvertes par le secret de la défense nationale, le juge administratif pourra naturellement solliciter leur déclassification auprès de l’autorité administrative indépendante compétente, à savoir la Commission consultative du secret de la défense nationale.

Ainsi, le seul fait que le contentieux propre à la mise en œuvre des dispositifs techniques puisse concerner des informations classifiées ne peut à lui seul justifier un recours devant la formation spécialisée du Conseil d’État, sauf à vouloir fragiliser le rôle de la Commission consultative du secret de la défense nationale.

C’est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir accepter la modification ponctuelle du texte voté en commission qui fait l’objet de l’amendement n° 125.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.

En effet, le Gouvernement maintient la possibilité offerte au président de l’ARCEP de saisir le Conseil d’État – ce droit de recours est au fondement même du fonctionnement de nos juridictions administratives – dans l’hypothèse, certes très hypothétique (Sourires.), mais qu’il faut évoquer, où l’ANSSI ne se conformerait pas à une injonction de l’ARCEP.

Le dispositif du Gouvernement, contrairement à celui de la commission, supprime l’exercice de ce recours devant la formation spécialisée du Conseil d’État. Nous pensions qu’il était plus aisé de renvoyer à une formation spécialisée…

Toutefois, cet amendement répond à notre volonté de prévoir l’exercice d’un droit de recours en cas de désaccord éventuel entre l’ANSSI et l’ARCEP ce qui était le point essentiel. Nous considérons donc que la volonté de la commission est respectée.

J’aurai l’occasion de dire, au moment de voter cet article, tout le bien que nous pensons de cet article 19, que les deux assemblées ont contribué à améliorer.

L’avis de la commission est donc favorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission des lois. L’article 19 envisage deux modalités en matière de cyberdéfense. La première, volontaire, ne fait pas débat : il s’agit de permettre aux opérateurs de réguler les flux qui transitent par leurs tuyaux et de placer des sondes pour identifier d’éventuelles attaques.

C’est la seconde, contraignante, qui pose problème, en permettant à un service de l’État, l’ANSSI, de placer des sondes, des marqueurs, de manière « autoritaire » sur les réseaux pour identifier les risques et tenter de les prévenir.

La question est de savoir si cette modalité entraîne une atteinte à la vie privée, au secret des correspondances. Le type de technique utilisée amène la commission des lois à une position différente de celle du Gouvernement : nous pensons qu’il y a très clairement atteinte à la vie privée.

Il faut maintenant faire en sorte que cette atteinte soit proportionnée. Nous nous sommes donc efforcés, dans le cadre de cet article 19, d’assurer certaines garanties, notamment en élargissant les modalités de contrôle de l’ARCEP. Nous lui avons permis, par exemple, de se doter de compétences externes, dans la mesure où elle dispose de relativement peu d’agents, et de faire appel au contrôle parlementaire. Dorénavant, l’ARCEP peut s’adresser au Parlement à tout moment et lui indiquer si elle estime ou non être en présence d’une atteinte à la vie privée.

Nous discutons ici de la question précise du droit au recours. L’amendement du Gouvernement laisse au président de l’ARCEP, autorité de contrôle, la possibilité, en cas de non-respect de ses injonctions par l’ANSSI, qui agit pour le compte de l’exécutif, de saisir le Conseil d’État qui statuera en premier et dernier ressort.

Le principe de l’exercice d’un droit de recours est donc maintenu, comme vient de l’expliquer le président Cambon. Le Gouvernement supprime simplement les dispositions introduites par nos commissions prévoyant la saisine de la formation spécialisée du Conseil d’État, compétente en matière de renseignement.

Cette précision avait pour but de garantir la protection du secret de la défense nationale sans contraindre le Gouvernement à des procédures trop lourdes, notamment de déclassification. Mais si ce dernier estime préférable de saisir les formations de droit commun, je n’y vois pas d’obstacle. L’essentiel est de préserver le principe d’un recours devant le Conseil d’État et d’assurer un équilibre entre l’ANSSI et l’ARCEP, dont la mission de contrôle vise à garantir la protection des libertés privées.

Dans la mesure où il garantit l’existence d’un droit de recours de droit commun devant le Conseil d’État, la commission des lois est prête à suivre l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir, pour explication de vote.

M. Rachel Mazuir. M. Cadic et moi-même, ainsi que la commission des lois, avons souhaité renforcer le contrôle de l’ARCEP, notamment en cas de différend éventuel avec l’ANSSI.

Tout d’abord, en lui donnant accès au dispositif de traçabilité des données et en lui permettant d’être assistée par des experts habilités.

Ensuite, en permettant à son président non seulement de saisir le Conseil d’État si l’ANSSI refusait d’obtempérer à ses injonctions, mais aussi d’adresser des observations au Premier ministre et de les transmettre aux présidents des deux assemblées parlementaires. Ces deux points nous paraissaient primordiaux.

Dans la mesure où le Gouvernement a retenu l’essentiel de nos préoccupations, nous voterons cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 125.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 124, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 39, seconde phrase

Après le mot :

détermine

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

les modalités d’application du présent article.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Cet amendement concerne le décret en Conseil d’État prévu dans la nouvelle rédaction de l’article 19 issue des travaux de votre commission.

Cet article dispose que le décret visé doit a priori définir les catégories de données techniques qui font l’objet d’une analyse par l’ANSSI.

Or ces données, recueillies dans le cadre d’un dispositif de détection sur un équipement infecté par un attaquant, ont un caractère essentiellement technique. Elles sont relatives au trafic de l’attaquant lui-même.

Restreindre les catégories de données techniques susceptibles d’être ainsi recueillies aurait pour effet de limiter les capacités de l’ANSSI à analyser le mode opératoire d’un attaquant, sans pour autant renforcer le droit au respect de la vie privée qui n’est pas, en soi, affecté par cette analyse.

De surcroît, l’expérience montre que les techniques d’attaque évoluent sans cesse, en tout cas extrêmement rapidement. Le risque existe donc que des données qui auraient été préalablement définies par grandes catégories dans un décret ne soient plus celles qu’il serait in fine pertinent de recueillir.

Dans ces conditions, le recours à un décret en Conseil d’État pour définir a priori la nature des données conservées par l’ANSSI dans le cadre spécifique de la mise en détection d’un équipement qui aurait été infecté par un attaquant me paraît tout à fait contre-productif.

En revanche, un décret en Conseil d’État pourrait, conformément au souhait exprimé par la commission, préciser les modalités d’application de ce dispositif afin d’entourer sa mise en œuvre de toutes les garanties supplémentaires qui pourraient être souhaitées.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Ce sujet est plus important qu’il n’y paraît, singulièrement pour le Sénat, traditionnel protecteur des libertés.

Vous avez bien compris le dispositif dont il est question : l’ANSSI est autorisée à poser des dispositifs de détection et à les mettre en œuvre soit sur les réseaux d’opérateurs, soit sur les systèmes d’information et les fournisseurs de services, pour lutter contre la délinquance et le terrorisme.

Le problème porte sur le renvoi à un décret en Conseil d’État pour fixer les modalités d’application de ces dispositifs de détection, c’est-à-dire sur la question de savoir dans quelles conditions l’ANSSI peut mettre en place de tels dispositifs sur des réseaux d’opérateurs tels qu’Orange, par exemple, ou d’autres fournisseurs de services.

L’amendement présenté par Mme la ministre vise en quelque sorte à généraliser le décret d’application, alors que nous souhaitons, dans un souci de protection des libertés, domaine ô combien complexe, non pas limiter les catégories de données, comme vous l’avez dit, madame la ministre, mais simplement les préciser. En la matière, il peut s’agir d’adresses IP, de serveurs, d’adresses URL, d’adresses mail…

Nous voulons que les mesures d’application du dispositif de détection mis en place par l’ANSSI soient proportionnées au but recherché. Si l’on combat, par exemple, un délinquant ayant des contacts avec l’étranger, il faut savoir quelles données saisir.

Nous voulons simplement que le décret précise les catégories de données, alors que le Gouvernement considère qu’un tel dispositif serait par trop précis.

Par ailleurs, notre rédaction consolide le texte sur le plan juridique. En effet, la définition précise des catégories de données, madame la ministre, est une des conditions permettant au Conseil constitutionnel de considérer que la collecte et la conservation par les opérateurs ne portent pas une atteinte disproportionnée au secret des correspondances et au respect de la vie privée. Nous retrouvons donc les mêmes arguments qui nous ont conduits à préciser que le décret devait inclure les catégories de données que l’ANSSI pouvait essayer de saisir.

Cette simple précision ne constitue pas une différence fondamentale entre nos deux positions, mais il est dans la vocation du Sénat de placer des limites pour garantir le respect des libertés. Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission des lois. La commission des lois partage l’avis de la commission de la défense.

De quoi est-il question ? Nous sommes également préoccupés par les enjeux collectifs et les risques encourus par nos sociétés dans le domaine de la cyberdéfense. Il est normal que notre pays cherche à se protéger. La question reste de savoir si ces dispositifs peuvent constituer ou non une atteinte à la vie privée et, dans l’affirmative, quelles garanties nous pouvons mettre en place.

Contrairement au Gouvernement, nous considérons que la réponse à cette question est positive. Supposons que l’ANSSI pose une sonde de manière contraignante, parce qu’elle pense avoir détecté un risque : elle va alors analyser des flux.

Elle n’est pas dans une action de renseignement, j’en conviens. L’idée n’est pas de connaître le contenu du mail que j’ai pu adresser à Mme la ministre ou à Mme la secrétaire d’État, par exemple. L’idée est bien d’examiner les flux, de détecter les éventuelles anomalies, de regarder si l’enveloppe contenant le mail (M. le rapporteur pour avis de la commission des lois déchire légèrement une enveloppe quil tient entre ses mains et sort la lettre quelle contient.) est déchirée ou non…

Toutefois, dans la mesure où l’ANSSI recherche des marqueurs de virus, il lui faut ouvrir le mail en question et ses éventuelles pièces jointes pour vérifier toute anomalie de signature ou de caractère. La recherche des virus oblige donc intrinsèquement à regarder dans le document, non pour le lire – je vous en donne acte, madame la ministre –, mais pour vérifier la présence d’un caractère anormal.

Sous cet angle, il nous semble difficile de contester l’existence d’une atteinte à la vie privée. Et cette atteinte est d’autant plus marquante que l’ANSSI conservera les données qu’elle aura collectées – ce qu’elle a excellemment justifié lors de nos auditions – durant dix ans.

Nous voulons tout simplement mettre en place une garantie en renvoyant à un décret en Conseil d’État la définition des éléments pouvant être vérifiés et collectés, car ils porteront à l’évidence, au-delà des seules adresses mail, sur les contenus.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Mme Hélène Conway-Mouret. Nous partageons l’avis de la commission.

Pour que l’ARCEP puisse exercer son contrôle, il convient de définir les catégories de données que l’ANSSI est autorisée à collecter lorsqu’elle met en œuvre des sondes de détection sur les réseaux ou sur les serveurs des opérateurs, comme l’a souligné M. le rapporteur.

Il nous semble important de prévoir dans la loi ce renvoi à un décret en Conseil d’État. C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à l’amendement du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 124.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cambon, rapporteur. Je voudrais souligner l’importance de l’article 19, qui va permettre d’améliorer à la fois la détection et la prévention des cyberattaques tout en confiant un rôle tant aux opérateurs de communication électronique et de téléphonie qu’à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information.

Je veux souligner le travail effectué par nos deux commissions et, monsieur le président Bas, notamment par la commission des lois. Nous avons très sensiblement amélioré le dispositif par plusieurs amendements, certains d’entre eux étant d’ailleurs communs à nos deux commissions – je pense, par exemple, à la clarification des obligations des opérateurs de communication.

Nous avons conforté le contrôle de l’ARCEP en créant un lien de contrôle juridique avec l’ANSSI. Nous avons étendu aux opérateurs de services essentiels le périmètre de la détection et de la protection.

Je veux remercier le Gouvernement d’avoir accepté la plupart de nos amendements. Il nous reste un petit point de désaccord, mais je pense que nous aurons l’occasion de trouver, avec nos collègues de l’Assemblée nationale, une rédaction adéquate qui permette de respecter les libertés.

Nous pouvons saluer le travail des deux assemblées sur un texte qui n’était pas totalement stabilisé initialement.

Pour ces raisons, nous voterons bien évidemment l’article 19.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Je pense qu’il convient d’adopter une approche très pragmatique sur ces questions. Aujourd’hui, nul ne sait, dans cet hémicycle, où se nichera la prochaine cyberattaque.

C’est pour cette raison, et pour cette raison seulement, que le Gouvernement proposait, à travers l’amendement n° 124, de renoncer à toute définition a priori de catégories de données qu’il serait possible ou non de collecter.

Il s’agissait simplement d’adopter une approche pragmatique, liée à un souci d’efficacité opérationnelle des services.

Pour répondre à la préoccupation bien légitime du Sénat de préservation des libertés publiques, nous proposions que ce décret en Conseil d’État examine les modalités d’un renforcement de garanties, dont nous ne doutons pas qu’elles soient nécessaires.

Ne nous méprenons pas sur les raisons pour lesquelles nos approches diffèrent. Je tenais à préciser les choses avant que vous ne recherchiez, comme vient de l’indiquer M. Cambon, un terrain d’entente avec les députés en commission mixte paritaire.

M. le président. Je mets aux voix l’article 19, modifié.

(Larticle 19 est adopté.)

Article 19
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 21

Article 20

(Suppression maintenue)

Article 20
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 22

Article 21

(Non modifié)

Au II de l’article L. 4123-12 du code de la défense, après les mots : « y compris », sont insérés les mots : « les actions numériques, ». – (Adopté.)

Chapitre III bis

Qualification de certains appareils et dispositifs techniques

Article 21
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 22 - Amendement n° 91 rectifié

Article 22

L’article L. 2371-2 du code de la défense est ainsi rédigé :

« Art. L. 2371-2. – Sous réserve d’une déclaration préalable à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, le service du ministère de la défense chargé de la qualification des appareils ou des dispositifs techniques mentionnés au 1° de l’article 226-3 du code pénal au profit des armées et des services du ministère de la défense, d’une part, et les militaires des unités des forces armées définies par arrêté du ministre de la défense, d’autre part, sont autorisés à effectuer des essais des appareils ou dispositifs permettant de mettre en œuvre les techniques ou mesures mentionnées à l’article L. 851-6, au II de l’article L. 852-1 ainsi qu’aux articles L. 852-2, L. 854-1 et L. 855-1 A du code de la sécurité intérieure. Ces essais sont réalisés par des agents individuellement désignés et habilités, à la seule fin d’effectuer ces opérations techniques et à l’exclusion de toute exploitation des données recueillies. Ces données ne peuvent être conservées que pour la durée de ces essais et sont détruites au plus tard une fois les essais terminés.

« La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est informée du champ et de la nature des essais effectués sur le fondement du présent article. À ce titre, un registre recensant les opérations techniques réalisées est communiqué, à sa demande, à la commission. La commission peut, à sa demande et à la seule fin de s’assurer du respect des conditions prévues par le premier alinéa du présent article, se faire présenter sur place les dispositifs et capacités d’interception ayant fait l’objet d’essais.

« Les conditions d’application du présent article sont fixées par arrêté du ministre de la défense, pris après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. »

M. le président. Je tiens à vous faire remarquer, madame la ministre, messieurs les présidents et rapporteurs, mes chers collègues, que, depuis la reprise de la séance, nous n’avons examiné que sept amendements, dont trois ont été retirés.

Les débats se déroulent certes dans d’excellentes conditions, mais à un rythme assez lent. (Sourires.) J’ai laissé courir le chronomètre sur certaines interventions ; je vais m’efforcer d’être un peu plus strict…

L’amendement n° 138, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Cet amendement vise à revenir sur un dispositif adopté à l’Assemblée nationale et modifié par votre commission.

Il s’agit d’encadrer la possibilité, pour la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, de procéder à des contrôles sur les campagnes d’essais.

Le dispositif retenu par l’Assemblée nationale est fondé sur un régime de déclaration préalable des campagnes d’essais de matériel de renseignement auprès de la CNCTR, auquel s’ajoute un contrôle a posteriori sur le champ et sur la nature des tests réalisés. Ce contrôle se traduit par la possibilité, pour la CNCTR, d’obtenir, sur sa demande, communication du registre qui recense les opérations techniques effectuées.

La nouvelle rédaction de l’article 22 issue des travaux de votre commission va plus loin. Le fait d’autoriser un contrôle sur place des dispositifs et des capacités d’interception qui ont fait l’objet des essais aurait pour effet d’entretenir une confusion entre la mise en œuvre des techniques de renseignement, qui peut être soumise à des contrôles approfondis par la CNCTR, et les simples essais de matériel de renseignement qui doivent répondre à un contrôle moins poussé.

Il y aurait donc un paradoxe à prévoir un contrôle sur place pour de simples essais de matériel, alors même que le législateur a exclu tout récemment cette possibilité dans le cadre de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme en ce qui concerne la mise en œuvre par les armées de mesures de surveillance peu attentatoires à la vie privée, c’est-à-dire relevant de techniques dites de « hertzien ouvert ».

En effet, les unités des armées autorisées à mettre en œuvre de telles mesures ne sont pas soumises à un contrôle sur place de la CNCTR, cette dernière étant uniquement informée du champ et de la nature des mesures de surveillance hertzienne, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 21 octobre 2016 et à l’avis de l’assemblée générale du Conseil d’État du 15 juin 2017.

Cette disposition a été préparée en lien étroit avec la CNCTR et les modalités de ce contrôle répondent à ses demandes.

Pour l’ensemble de ses raisons, je vous demanderai de bien vouloir revenir sur la disposition votée en commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. La commission des lois est à l’origine de cette disposition, adoptée en termes identiques par la commission de la défense.

Il s’agissait de permettre à la CNCTR de contrôler sur place les dispositifs et capacités d’interception faisant l’objet d’essais.

Mme la ministre nous dit qu’il s’agit de simples essais de matériel soumis à déclaration et contrôlés a posteriori par la CNCTR. Toutefois, on ne peut éliminer le risque d’interceptions dépassant la stricte limite nécessaire, raison pour laquelle ce contrôle sur place nous semblait important.

La commission a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir, pour explication de vote.

M. Rachel Mazuir. Richard Yung a parlé de « cyberdéfense », le président de la commission et la ministre, eux, de « cyberattaques ». Pourquoi ne pas parler de « cybersécurité » ?

Richard Yung évoquait l’exemple des élections américaines. Plus près de nous, des cyberattaques – je pense aux virus WannaCry et NotPetya – ont frappé des hôpitaux britanniques, Renault, Vodafone ; on dit qu’elles auraient coûté plus d’un milliard d’euros, ce qui est beaucoup. La dernière attaque en date a affecté la SNCF, Auchan et Saint-Gobain.

Il s’agit d’un sujet intéressant. Il est bon de rappeler que le budget a été multiplié par trois, ce qui nous paraît essentiel.

J’ai entendu les arguments du rapporteur sur cet amendement n° 138. La commission a voulu renforcer les protections encadrant les collectes de flux de données pour éviter qu’elles n’aillent au-delà du strict nécessaire prévu par la loi ou qu’elles concernent le contenu des correspondances.

Vos arguments, madame la ministre, nous paraissent également recevables. C’est la raison pour laquelle je m’en remettrai également à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Les arguments de Mme la ministre sont tout à fait recevables.

Le mécanisme mis en place pour contrôler les activités de la CNCTR, et notamment la communication du registre des mesures effectuées, me semble une garantie suffisante pour les libertés publiques. Je voterai donc cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, pour explication de vote.

M. Michel Boutant. Pour ma part, je ne suis pas opposé à ce que la CNCTR étende son contrôle sur place, à l’occasion d’essais de matériel.

Comme l’a souligné M. le rapporteur voilà quelques instants, on n’est jamais à l’abri d’un dérapage. Je ne voterai donc pas cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 138.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 22, modifié.

(Larticle 22 est adopté.)

Article 22
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Intitulé du chapitre III ter

Articles additionnels après l’article 22

M. le président. L’amendement n° 91 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 22

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre IV du titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° L’article L. 854-1 est ainsi modifié :

a) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les autorisations prévues à l’article L. 851-1, à l’article L. 851-2 et au I de l’article L. 852-1 peuvent valoir, lorsque la décision d’autorisation le prévoit, autorisation d’exploitation des communications, ou des seules données de connexion, interceptées dans le cadre de la mise en œuvre de mesures de surveillance des communications internationales, dans la limite de la portée de ces autorisations et dans le respect des garanties qui les entourent. » ;

b) Au quatrième alinéa, les mots : « du troisième alinéa du présent article » sont remplacés par les mots : « des troisième et quatrième alinéas du présent article ainsi que des dispositions du V de l’article L. 854-2 » ;

2° L’article L. 854-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa du III, après le mot : « également », sont insérés les mots : « après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement » ;

b) Après le III, sont insérés deux paragraphes ainsi rédigés :

« IV. – L’autorisation prévue au III vaut autorisation d’effectuer au sein des données de connexion interceptées des vérifications ponctuelles aux seules fins de détecter une menace pour les intérêts fondamentaux de la Nation liée aux relations entre des numéros d’abonnement ou des identifiants techniques rattachables au territoire français et des zones géographiques, organisations ou personnes mentionnés au 3° du III.

« À la seule fin de détecter, de manière urgente, une menace terroriste, cette vérification ponctuelle peut porter sur les communications de numéros d’abonnement ou d’identifiants techniques rattachables au territoire national. Ces numéros et identifiants sont immédiatement communiqués au Premier ministre et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, pour les besoins du contrôle prévu à l’article L. 854-9.

« Des vérifications ponctuelles peuvent également être mises en œuvre pour détecter sur les communications d’identifiants techniques rattachables au territoire national, à des fins d’analyse technique, des éléments de cyberattaques susceptibles de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation mentionnés au 1° de l’article L. 811-3.

« Lorsque les vérifications ponctuelles mentionnées aux alinéas précédents font apparaître la nécessité d’une surveillance, l’exploitation des communications, ou des seules données de connexion interceptées, ne peut être poursuivie que sur le fondement d’une autorisation obtenue en application des chapitres I ou II du présent titre ou du V du présent article, dans le respect des règles qui leur sont propres.

« V. – Par dérogation au troisième alinéa de l’article L. 854-1 et pour la défense ou la promotion des finalités mentionnées aux 1° , 2° , 4° , 6° et 7° de l’article L. 811-3, le Premier ministre ou l’un de ses délégués peut, dans les conditions prévues au III, délivrer une autorisation d’exploitation de communications, ou de seules données de connexion interceptées, de numéros d’abonnement ou d’identifiants techniques rattachables au territoire national dont l’utilisateur communique depuis ce territoire.

« Le nombre maximal des autorisations d’exploitation, en vigueur simultanément et portant sur des correspondances, est arrêté par le Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. La décision fixant ce contingent et sa répartition entre les ministres mentionnés au premier alinéa de l’article L. 821-2 sont portées à la connaissance de la commission ».

3° À la première phrase de l’article L. 854-4, après le mot : « chapitre », sont insérés les mots : « ainsi que la vérification ponctuelle mentionnée au IV de l’article L. 854-2 » ;

4° L’article L. 854-9 est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement émet un avis sur les demandes mentionnées au III et au V de l’article L. 854-2 dans les délais prévus à l’article L. 821-3. Elle reçoit communication de toutes les décisions et autorisations mentionnées à l’article L. 854-2. » ;

b) Aux première et seconde phrases du quatrième alinéa, après les mots : « de surveillance », sont insérés les mots : « ou de vérification ponctuelle » ;

c) Le cinquième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, toute personne souhaitant vérifier qu’elle n’a pas fait l’objet d’une surveillance irrégulière au titre du V de l’article L. 854-2 peut saisir le Conseil d’État du recours prévu au 1° de l’article L. 841-1. » ;

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Il s’agit de compléter la loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales, pour autoriser la mise en place de mécanismes de levée de doute et une meilleure prise en compte des menaces transnationales.

Cet amendement répond à une double nécessité. Tout d’abord, il convient de permettre aux services de n’engager qu’avec discernement la surveillance des communications d’un individu.

Les services doivent traiter quotidiennement une masse d’informations toujours croissante. Faire le tri est une opération essentielle, non seulement pour leur efficacité opérationnelle, mais aussi pour que l’usage de techniques plus invasives prévu par la loi soit aussi proportionné que possible.

Ensuite, nous voulons mieux lutter contre la menace que présentent sur notre sol des individus du fait de leurs liens avec l’étranger. La séparation étanche entre surveillance des communications nationales et internationales pose des difficultés que l’évolution de la menace met au jour.

En 2015, le législateur n’a jeté qu’une passerelle très étroite entre les deux régimes pour permettre un droit de suite quand une personne menaçante quitte notre sol. Mais il n’est pas possible d’exploiter les données légalement recueillies au titre de la surveillance des communications internationales pour apprécier la menace que présente un résident français en France du fait de ses liens hors du territoire national. Il est donc difficilement compréhensible que l’on se coupe ainsi de données légalement recueillies. Par exemple, un résident français qui planifierait un attentat depuis le Yémen peut être surveillé. En revanche, ses complices, qui font des allers-retours entre la France et la Belgique, ne peuvent pas l’être.

L’expérience des trois dernières années nous conduit malheureusement à évaluer très différemment le caractère transnational de la menace, qu’il s’agisse de terrorisme ou de cyberattaques. Cette réflexion, partagée par la CNCTR, justifie de réévaluer la frontière tracée en 2015. Comment allons-nous procéder ? Avec quelles garanties ?

Le Gouvernement ne souhaite évidemment pas, par le biais d’un amendement au détour du projet de loi relatif à la programmation militaire, remettre sur le métier la loi relative au renseignement. C’est un chantier qui nous occupera plutôt en 2020 et auquel il paraît indispensable d’associer étroitement la délégation parlementaire au renseignement, la DPR.

Je vous propose donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de permettre simplement une utilisation plus rationnelle des données légalement recueillies dans le cadre de la surveillance des communications internationale. Nous ne donnons pas aux services de nouveaux moyens de collecte ni ne modifions en profondeur les équilibres retenus en 2015.

La levée de doute prendra la forme d’une vérification ponctuelle sur les données de connexion légalement interceptées dans le cadre de la surveillance des communications internationales.

Il s’agit d’opérations très rapides, non répétées et susceptibles de mettre en évidence un graphe relationnel ou la présence à l’étranger d’une personne, qui pourra alors être surveillée si elle présente une menace. Dès que la vérification fera apparaître la nécessité d’une surveillance, l’exploitation des communications ne pourra être poursuivie que via les techniques de renseignement inscrites dans la loi de 2015, dans le respect des garanties procédurales qui les entourent.

Nous voulons toutefois aller plus loin dans deux cas très particuliers.

D’abord, pour prévenir des menaces terroristes urgentes, les services doivent pouvoir recourir à un tamis plus fin, permettant une orientation plus rapide de leurs investigations. Il est donc prévu que, dans ce cas, les vérifications ponctuelles puissent porter sur des correspondances, avec une obligation de traçabilité renforcée, dans la mesure où des identifiants criblés seront transmis au Premier ministre et à la CNCTR.

Ensuite, pour détecter les cyberattaques majeures, celles qui sont susceptibles de mettre en cause l’indépendance nationale ou les intérêts de la défense nationale, il faut aussi que les vérifications ponctuelles puissent porter sur les correspondances. La démarche proposée est très différente : il ne s’agit pas de mettre en évidence la menace ou la vulnérabilité que présente un individu, mais des marqueurs techniques de flux malveillants circulant entre des machines victimes ou relais de l’attaque.

Le Conseil d’État et la CNCTR ont émis un avis favorable sans réserve sur ce dispositif.

Cet amendement comporte un second volet : pour mieux prendre en compte les menaces transnationales, nous prévoyons deux mesures.

Nous voulons d’abord permettre l’exploitation des données d’un identifiant technique rattachable au territoire national interceptées dans le cadre de la surveillance des communications internationales, alors même que son utilisateur est en France. Aujourd’hui, ce n’est pas possible et c’est une faille importante.

Cette surveillance ne pourra être demandée que pour la promotion et la défense de certains des intérêts fondamentaux de la Nation, ceux que compromettent des menaces transnationales. Elle relèvera d’une autorisation individuelle du Premier ministre, après avis de la CNCTR.

La même démarche d’adaptation de la frontière entre les régimes applicables en France et à l’étranger conduit à prévoir une mesure de moindre portée. Il s’agit de mettre fin à une situation peu cohérente résultant de la rédaction de la loi, afin que certaines techniques de renseignement autorisées sur le territoire national puissent permettre l’exploitation des données strictement correspondantes interceptées dans le cadre de la surveillance des communications internationales.

Ainsi, les interceptions de sécurité donneraient accès pour trente jours au flux des communications mixtes, vers ou depuis l’étranger, et les demandes de « fadettes » permettraient d’obtenir un double relevé de données de connexions nationales et internationales, sur une durée bornée à un an.

C’est donc une clarification importante au plan opérationnel et très cadrée que le Gouvernement soumet, mesdames, messieurs les sénateurs, à votre approbation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Constatant que Mme la ministre vient de donner une explication plus que complète de ces dispositifs, je dirai simplement deux choses.

Tout d’abord, chacun le comprend bien, dans ces moments où nous devons lutter contre le terrorisme international, qui utilise les moyens de communication et de télécommunication, soit avec des numéros français commençant par 33, soit avec des numéros étrangers, mais opérant depuis la France, il faut évidemment donner à nos services tous les moyens pour renforcer la surveillance électronique de ces communications.

Ensuite, nous nous sommes bien évidemment appuyés sur l’avis du 9 mai 2018 de la CNCTR, qui est très vigilante sur ce sujet. L’occasion m’est ainsi donnée de rendre un hommage appuyé à notre collègue Michel Boutant, qui nous représente à la CNCTR et y effectue un travail exceptionnel. (Applaudissements.)

La commission est donc favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, pour explication de vote.

M. Michel Boutant. Le présent amendement vise à introduire une série de garanties, afin de concilier les objectifs de protection de la sécurité nationale, de respect de la vie privée et de secret des correspondances, auxquels le Sénat est particulièrement attaché. En effet, il faudra l’autorisation du Premier ministre après avis de la CNCTR ; la durée de conservation sera plus limitée ; et c’est l’application du droit commun qui permettra de poursuivre l’exploitation des communications. Ce sont autant d’avancées.

Cet amendement est motivé par le constat que la menace est transnationale, comme Mme la ministre l’a fort bien expliqué, et qu’il existe une nécessité opérationnelle d’exploiter des données légalement recueillies au titre de la surveillance des communications internationales pour apprécier la menace que présenterait un résident français en France ou hors de France.

Pour ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement déposé par le Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 91 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 22.

L’amendement n° 118, présenté par M. Decool, n’est pas soutenu.

Chapitre III ter

Dispositions relatives au contrôle parlementaire du renseignement

Article additionnel après l'article 22 - Amendement n° 91 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 22 bis

M. le président. L’amendement n° 139, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans l’intitulé de cette division, remplacer les mots :

au contrôle parlementaire du renseignement

par les mots :

à la commission de vérification des fonds spéciaux

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Il s’agit d’un amendement de coordination visant à revenir à la rédaction initiale de l’Assemblée nationale, en lien avec l’amendement n° 140, que je serai amené à défendre dans le cadre de l’examen de l’article 22 ter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Dans la mesure où la commission est défavorable à l’amendement n° 140, elle l’est également à l’amendement n° 139.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 139.

(Lamendement nest pas adopté.)

Intitulé du chapitre III ter
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 22 ter (nouveau)

Article 22 bis

(Non modifié)

L’article 154 de la loi de finances pour 2002 (n° 2001-1275 du 28 décembre 2001) est ainsi modifié :

1° Au V, les mots : « avant le 31 mars de » sont remplacés par le mot : « dans » ;

2° À la seconde phrase du second alinéa du VI, après le mot : « finances », sont insérés les mots : « , au Président de l’Assemblée nationale et au Président du Sénat, autorisés à cet effet à connaître ès qualités des informations du rapport protégées au titre de l’article 413-9 du code pénal » ;

3° Le VII bis est abrogé. – (Adopté.)

Article 22 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 23 (Texte non modifié par la commission)

Article 22 ter (nouveau)

L’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Après les mots : « À cette fin, elle », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « peut solliciter tout document, information ou élément d’appréciation nécessaire à l’accomplissement de sa mission. Lorsque la transmission d’un document, d’une information ou d’un élément d’appréciation est soit susceptible de mettre en péril le déroulement d’une opération en cours ou l’anonymat, la sécurité ou la vie d’un agent relevant d’un service spécialisé de renseignement mentionné à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure ou d’un service autorisé par le décret en Conseil d’État mentionné à l’article L. 811-4 du même code, soit concerne les échanges avec les services étrangers ou avec les organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement, le Premier ministre ou les ministres de tutelle des services mentionnés au présent alinéa peuvent, par une décision motivée, s’opposer à sa communication. » ;

b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sont en outre communiqués à la délégation : » ;

c) Après le 6°, il est inséré un 7° ainsi rédigé :

« 7° La liste annuelle des rapports de l’inspection des services de renseignement ainsi que des rapports des services d’inspection générale des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence. » ;

d) Après les mots : « tout ou partie des rapports », la fin de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « mentionnés au 7° du présent I. » ;

e) Le dernier alinéa est supprimé ;

2° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La délégation peut nommer, parmi ses membres, un rapporteur auquel elle peut déléguer une mission d’évaluation ou de contrôle sur une ou plusieurs thématiques relatives à l’activité des services mentionnés au I. » ;

3° Le premier alinéa du III est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après les mots : « coordonnateur national du renseignement », sont insérés les mots : « et de la lutte contre le terrorisme » ;

b) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’elle se rend sur le site de l’un des services mentionnés au I, la délégation peut entendre tout personnel placé auprès de ce service. »

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.

M. Richard Yung. Cet article soulève un double problème, sur le fond et la forme.

Sur le fond, sous couvert de renforcer le contrôle du Parlement sur nos organes de renseignement, il menace en réalité la sécurité de nos agents sur le terrain.

Il vise en effet à étendre la liste des personnes pouvant être entendues par la délégation parlementaire au renseignement, la DPR, à l’ensemble des personnels des services de renseignement. Il prévoit à cet effet que les membres de la délégation pourront se déplacer directement sur le site où ces agents opèrent, de manière à ne pas mettre en péril leur anonymat, autrement dit leur couverture.

Mais c’est justement le contraire qui risque de se produire ! Cet article prévoit en effet l’audition d’agents sur le lieu même de leur action. Une telle mesure est hautement susceptible d’exposer leur identité. La venue d’un groupe de députés ou de sénateurs, dans un pays ou une localité quelconque, ne se fera bien évidemment pas de façon anonyme.

Par ailleurs, une telle mesure individualise le contrôle parlementaire sur le renseignement, ce qui risque, à terme, d’en enrayer l’efficacité. Je tiens à le rappeler, l’objet initial de cette délégation parlementaire est « le suivi de l’activité générale des moyens des services de renseignement ». En aucun cas il n’est fait mention d’une forme de contrôle généralisé.

Enfin, cet article pose également un problème de forme, plus précisément de procédure. La délégation parlementaire au renseignement est un organisme paritaire, c’est-à-dire qu’elle comporte un nombre égal de sénateurs et de députés. Or ce projet de loi étant soumis à une procédure accélérée, l’Assemblée nationale ne sera pas en mesure de se prononcer sur ces dispositions avant la commission mixte paritaire.

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai contre l’article 22 ter.

M. le président. L’amendement n° 140, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Cet amendement a pour objet d’écarter la possibilité d’un contrôle de la délégation parlementaire au renseignement sur l’ensemble de l’activité des services de renseignement.

La loi du 9 octobre 2007, qui a créé la délégation parlementaire au renseignement, permet l’information du Parlement sur l’activité des services de renseignement selon les exigences propres à toute démocratie. Ses possibilités d’audition et d’obtention de documents ont été accrues bien légitimement, à l’occasion d’évolutions législatives successives, la dernière ayant eu lieu en 2015.

Le Gouvernement a naturellement à cœur d’établir et d’entretenir une relation de travail dense entre les services de renseignement et la délégation parlementaire au renseignement. Toutefois, l’article dont nous discutons introduit à notre sens un véritable bouleversement, qui pose d’importantes difficultés juridiques et opérationnelles.

Pour l’exercice de ses missions, la délégation reçoit des informations sur le budget, l’activité générale et l’organisation des services, mais pas sur l’activité opérationnelle des services. Or le présent article remet profondément en cause cet équilibre, en reconnaissant un droit à l’information sur l’ensemble des pans de l’activité des services de renseignement, qu’il s’agisse d’informations relatives aux procédures et aux méthodes opérationnelles, des échanges avec les services étrangers partenaires ou encore d’informations, comme cela a été rappelé à l’instant, concernant les agents des services spécialisés, qui sont pourtant protégés par le droit au respect de l’anonymat.

Il existe donc à ce titre un véritable risque d’atteinte au principe de séparation des pouvoirs et aux prérogatives constitutionnellement garanties au pouvoir exécutif. Le présent article ouvre en effet la possibilité d’une information de la DPR sur les opérations en cours, alors même que le Conseil constitutionnel juge que le contrôle opéré par le Parlement ne peut concerner de telles opérations.

Par ailleurs, cet article vise à conférer à la délégation parlementaire au renseignement une faculté de supervision de l’action des services de renseignement qui ne respecte pas la délimitation du rôle du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, qui a été consacrée par la jurisprudence constitutionnelle, lorsque le pouvoir exécutif intervient dans le cadre de sa mission de défense des intérêts fondamentaux de la Nation.

En outre, un tel droit à l’information sur l’ensemble des pans de l’activité des services de renseignement est de nature à entraver l’efficacité opérationnelle des services et à mettre en péril leur sécurité opérationnelle, ainsi que celle de leurs agents.

L’article tend à fragiliser les méthodes de travail et les modalités d’action des services de renseignement, qui sont fondées sur le principe de cloisonnement de l’information. Ce cloisonnement se traduit par l’octroi d’habilitations et ce que l’on appelle le « besoin d’en connaître », qui restreignent l’accès à l’information au sein même des services. La sécurité des personnels et des opérations est ainsi assurée, aucun agent n’ayant accès à l’ensemble des informations détenues par le service.

L’article 22 ter, tel qu’il est aujourd’hui rédigé, tend aussi à fragiliser le lien de confiance existant avec les services étrangers, alors que l’accord exprès d’un partenaire est requis pour mettre à disposition d’un tiers des informations qu’il a partagées.

Par ailleurs, cet article confère à la DPR, sans aucunement l’encadrer, un droit nouveau : celui de se rendre sur le site d’un service de renseignement et d’y auditionner tout le personnel.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Tout personnel !

Mme Florence Parly, ministre. Tout personnel, donc tout le personnel !

Une telle évolution est peu compatible avec les avancées législatives récentes, qui ont précisément visé à protéger de façon systématique l’anonymat des agents des services de renseignement.

Par ailleurs, elle contrevient aux dispositions de l’article 20 de la Constitution aux termes duquel le Gouvernement dispose de l’administration.

Je ne l’ignore pas, les promoteurs de cet amendement invoquent des exemples étrangers.

Mme Florence Parly, ministre. Mais on ne peut isoler des dispositions de contrôle des services étrangers des prérogatives de ces derniers ni du contexte politique et juridique de chaque pays. Chaque système repose sur un équilibre différent. On ne peut importer, comme cela, certains éléments parcellaires provenant d’autres législations, sans repenser l’ensemble.

Je voudrais, à ce stade de nos débats, rappeler l’ordonnance de 1958, qui a connu récemment deux importantes modifications, la dernière dans le cadre de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Je l’ai indiqué tout à l’heure, ce texte devrait faire l’objet, en 2020, après cinq années de mise en œuvre, d’une évaluation par le Parlement. C’est donc dans ce cadre, ou à l’occasion de l’examen d’un vecteur législatif dédié, qu’il me semble plus propice d’examiner, conformément à une démarche de concertation entre les services concernés et le Parlement, la question de la réévaluation des pouvoirs de la délégation parlementaire au renseignement, à l’aune de l’expérience de la mise en œuvre des dispositions récentes qui les ont renforcés.

Je ne doute pas qu’une telle évolution sera de nature à consolider la relation nécessaire de confiance avec les services de renseignement, que le législateur a souhaité instaurer lors de la création de la délégation parlementaire au renseignement en 2007.

Inversement, il serait difficilement compréhensible que, sur un sujet aussi important et aussi sensible, qui touche au cœur de la souveraineté de notre pays, un amendement non concerté avec le Gouvernement vienne porter atteinte au bon fonctionnement de nos services de renseignement et à la sécurité de leurs opérations et de leurs agents.

Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter le présent amendement, afin que nous puissions engager ensemble les travaux qui s’imposent en effet sur ce sujet, mais dans un contexte différent et après une concertation que je crois indispensable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Monsieur le président, je vous propose de donner la parole à M. le président Bas, d’abord par courtoisie, ensuite parce que j’ai été son modeste vice-président à la DPR, dont il a quitté récemment la présidence. Il est le premier auteur non seulement de cet amendement, mais aussi de la proposition de loi que nous avons cosignée.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la ministre, je vous ai bien écoutée, et vous ne m’avez pas convaincu.

Mes chers collègues, il est toujours plus facile d’inquiéter, comme vient de le faire Mme la ministre, que de rassurer. Néanmoins, je tenterai de vous rassurer.

Aucune des objections qui viennent d’être évoquées ne correspond à des risques que l’article 22 ter soulèverait. Celui-ci a été adopté par nos deux commissions. Il résulte des recommandations délibérées au sein de la délégation parlementaire au renseignement, lorsqu’elle a adopté son rapport au mois d’avril dernier.

Il ne s’agit nullement de nous substituer au pouvoir exécutif. Tout votre raisonnement sur la séparation des pouvoirs est parfaitement hors de propos, madame la ministre. Toutefois, puisque vous parlez de séparation des pouvoirs, vous ne contesterez pas que l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel « la Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration », doit s’appliquer à toutes les fonctions de l’État, y compris à la fonction de renseignement.

Mais elle doit bien évidemment s’y appliquer dans des conditions particulières, car il ne s’agit en aucun cas de fragiliser ni des opérations en cours, ni la coopération avec des services étrangers, ni des agents ou des sources activées par nos services de renseignement.

Je veux également rappeler, madame le ministre, que le Président de la République, le 3 juillet dernier – mais vous n’étiez peut-être pas présente ce jour-là –, a souligné l’importance qu’il attache au renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement. Nous voulons nous aussi contribuer à ce renforcement, mais nous voulons le faire avec discernement.

C’est la raison pour laquelle, en nous inspirant en effet des exemples étrangers, sans pour autant copier la constitution américaine, nous voulons mettre à niveau le contrôle parlementaire et permettre à notre délégation parlementaire au renseignement de franchir ainsi un palier dans l’exercice de sa responsabilité au nom de la représentation nationale, en prévoyant que, au lieu d’être destinataire d’une liste limitative de documents prévus par la loi, la DPR aura désormais accès à toute information qui lui est utile, sauf les informations que la ministre ou le Premier ministre lui refuseront parce que, si elles étaient divulguées, elles pourraient compromettre la sécurité et l’efficacité de nos services.

M. Ladislas Poniatowski. C’est un très bon équilibre !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est dire si nous avons veillé – veuillez excuser mon immodestie – à ce que la responsabilité de l’État dans une fonction aussi vitale pour les intérêts fondamentaux de la Nation soit pleinement respectée, le Gouvernement conservant la clé de l’information qu’il communique.

Quant à la possibilité, reconnue par cet article à la délégation parlementaire au renseignement, de se rendre sur place, dans les services – et non pas sur les lieux d’opération ! –, et d’entendre les agents des services, c’est une exigence bien modeste. Je vous le rappelle, la DPR se rend déjà régulièrement dans les services, fort heureusement, où elle rencontre de très nombreux agents.

Madame la ministre, je tiens à formuler une ultime observation. Selon moi, votre réponse participe d’une méfiance à l’égard de la représentation nationale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Pour notre part, nous exprimons notre confiance à l’égard des services de renseignement. Mais la confiance n’exclut pas le contrôle ! Ils vont de pair : le contrôle s’effectuera dans un esprit de responsabilité, et les dispositions que nous avons prévues permettront à nos services de renseignement d’avoir la garantie qu’il n’y aura pour eux aucun risque.

D’ailleurs, je vous le rappelle, la délégation parlementaire au renseignement, du fait de la loi elle-même, a accès aux secrets de la défense nationale, et ses membres sont assujettis à ce secret. On ne peut retenir l’idée étonnante selon laquelle les parlementaires membres de cette délégation divulgueraient immédiatement toute information qui leur serait communiquée. Tel n’est pas le cas ; tel n’a jamais été le cas ; et tel ne sera pas le cas après l’adoption de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Bien que je ne veuille pas allonger les débats, l’intervention de M. le président de la commission des lois nécessite de ma part, me semble-t-il, une courte prise de parole.

Je répondrai sur le fond, puisque M. Bas considère que mes objections constitutionnelles ne sont pas fondées, puis sur la méthode. Je voudrais rappeler aux membres de cette assemblée qui sont trop jeunes pour s’en souvenir…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est généralement le cas !

Mme Florence Parly, ministre. … un recours devant le Conseil constitutionnel formé en décembre 2001 contre un article de la loi de finances qui créait une commission de contrôle des comptes des fonds spéciaux – j’avais eu l’honneur de défendre moi-même cet article devant cette assemblée.

Je cite le texte de la saisine : « Cet article encourt, sinon la censure, du moins de strictes réserves d’interprétation en ce qu’il enfreint le principe de la séparation des pouvoirs et, en particulier, l’exclusivité des responsabilités du Président de la République et du Premier ministre en matière de défense nationale.

« Tout d’abord, la désignation au sein de la commission n’est pas subordonnée à une habilitation de niveau Très Secret-Défense. […] Ensuite, la commission reçoit communication de l’état des dépenses se rattachant à des opérations en cours, ce qui est susceptible de compromettre la sécurité de celles-ci. Enfin, elle peut déléguer un de ses membres pour procéder à toutes enquêtes et investigations en vue de contrôler les faits retracés dans les documents comptables soumis à sa vérification.

« Toutes ces prérogatives sont excessives et mettent en péril la sécurité des opérations des services secrets, ainsi que, par conséquent, la séparation des pouvoirs elle-même. »

Cette saisine avait été signée par soixante sénateurs qui ne faisaient pas partie de la majorité politique de l’époque. C’est un peu le monde à l’envers, me direz-vous : nous sommes aujourd’hui, en quelque sorte, à fronts renversés. J’ajoute qu’il s’agissait non pas de la délégation parlementaire au renseignement, mais des prémices de cette délégation, à savoir la commission de vérification des fonds spéciaux.

Voici les termes de la décision du Conseil constitutionnel : « Considérant que, selon les sénateurs requérants, cette disposition méconnaîtrait les prérogatives du Président de la République et du Premier ministre dans la conduite des affaires relevant de la défense nationale et mettrait “en péril la sécurité des opérations des services secrets” ; considérant qu’aux termes du second alinéa de l’article 5 de la Constitution, le Président de la République “est garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités” ; qu’en vertu de son article 15, il est “le chef des Armées” ; que son article 21 dispose que le Premier ministre “est responsable de la Défense nationale” ; qu’aux termes de son article 35, le Parlement autorise la déclaration de guerre ; qu’en application de ses articles 34 et 47, le Parlement vote, à l’occasion de l’adoption des lois de finances, les crédits nécessaires à la défense nationale ; considérant qu’il résulte de l’ensemble des dispositions constitutionnelles précitées que, s’il appartient au Parlement d’autoriser la déclaration de guerre, de voter les crédits nécessaires à la défense nationale et de contrôler l’usage qui en a été fait, il ne saurait en revanche, en la matière, intervenir dans la réalisation d’opérations en cours ; qu’il y a lieu, dès lors, de déclarer contraires à la Constitution les dispositions » de l’article instaurant la commission de vérification des fonds spéciaux.

S’agissant de la méthode, monsieur le président, je ne suis pas constitutionnaliste ; en outre, je vous l’accorde, nous étions en 2001, c’est-à-dire à la fin du XXe siècle, et nous sommes aujourd’hui en 2018. Entre-temps, la législation sur le renseignement s’est évidemment considérablement enrichie. Mais la Constitution, elle, reste fondamentalement la même, même si, là aussi, quelques évolutions ont pu intervenir.

S’agissant de la méthode, donc, je pense très sincèrement que ces matières sont suffisamment sensibles pour que nous prenions le temps de les examiner sereinement, sur le fond. Vous dites que la concertation a eu lieu. Je sais ce qu’il en est pour le Gouvernement : elle n’a pas eu lieu ! Et pour ce qui concerne l’Assemblée nationale, je crois comprendre que celle-ci a été, elle aussi, fort peu consultée.

Ne pourrait-on donc pas, à l’issue de ces échanges d’arguments, vifs et passionnés – il s’agit quand même de matières sérieuses ! –, envisager de reprendre ces questions dans un autre cadre, en prenant le temps, car – je le redis – il ne s’agit nullement de contrarier le contrôle parlementaire ? Et je ne souscris pas à certains propos qui ont été tenus tout à l’heure, selon lesquels ce gouvernement serait défavorable au contrôle exercé par le Parlement. C’est le contraire qui est vrai !

Il s’agit d’adapter le contrôle du Parlement à une matière qui est très spécifique – vous le savez mieux que personne.

Je propose donc, de façon raisonnable, me semble-t-il, que nous reprenions ces discussions dans un autre cadre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cambon, rapporteur. Quelques éléments complémentaires, car je ne souhaite pas allonger le débat ; malgré tout, nous sommes au cœur d’une controverse importante – les arguments essentiels ont été évoqués par le président Bas.

Tout d’abord, vous évoquez cette décision du Conseil constitutionnel de 2001 ; elle date tout de même d’un certain nombre d’années. Depuis, la notion de contrôle parlementaire a beaucoup évolué, y compris dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Ensuite, je vous redis que nous vous tendons la main – je l’ai dit dans mon propos liminaire. Il n’y a donc aucune volonté d’affrontement, simplement la volonté de doter le Parlement des moyens nécessaires à l’évaluation des opérations de renseignement, lesquelles coûtent cher à la Nation.

Je rappelle, madame la ministre, qu’aux termes de cette LPM, vous vous engagez à créer 1 600 postes supplémentaires dans le seul renseignement et à consacrer 4,6 milliards d’euros aux équipements dédiés au renseignement ! C’est une dépense considérable. Dans quel pays démocratique le Parlement refuserait-il d’examiner…

M. Ladislas Poniatowski. De contrôler !

M. Christian Cambon, rapporteur. … de contrôler, l’engagement de sommes de cette importance, ce qui suppose de disposer d’éléments d’information ?

Par ailleurs, vous nous parlez de la concertation avec l’Assemblée nationale. Je rappelle quand même que ce n’est pas le Sénat qui a choisi la procédure accélérée, en vertu de laquelle le texte ne fait l’objet d’aucune navette.

M. Bruno Sido. Décision scandaleuse !

M. Christian Cambon, rapporteur. Je suis obligé d’évoquer ce point. Nous avons émis ce souhait à plusieurs reprises.

Je redis solennellement ce que j’ai eu l’occasion de vous dire, madame la ministre, lors d’une rencontre que vous avez eu la gentillesse d’organiser avec les rapporteurs, et ce qu’a dit le président Bas : nous ne souhaitons absolument pas interférer dans les opérations en cours ni mettre en cause la sécurité de nos agents.

Nous avons passé toute cette discussion à montrer que nous voulions au contraire vous donner les moyens d’épuiser l’ensemble de vos compétences. Nous pensons simplement que dans un État moderne, doté d’un Parlement qui fonctionne et exerce à ce titre un certain nombre de compétences, vient un moment où, en matière de renseignement, les parlementaires sont en droit de recevoir un retour sur les engagements d’effectifs et de crédits mis en œuvre.

J’ai l’honneur de siéger, auprès du président Bas, au sein de la DPR. Je peux vous dire, sans crainte d’être contredit, que le contenu des rapports qui nous sont adressés, au demeurant tout à fait intéressants, ne correspond absolument pas à l’esprit du contrôle que nous souhaitons effectuer, dans la limite – je le répète – prescrite par l’exigence d’efficacité de nos services de renseignement.

Nous savons quelles sont les contraintes auxquelles ces services sont exposés. Nous savons que la vie même d’un certain nombre d’agents peut être mise en cause. Comme l’a souligné le président Bas, nous sommes donc tenus à un secret absolument rigoureux. Et vous conviendrez, madame la ministre – je le dis au passage –, que ce n’est jamais au Sénat que les secrets sont divulgués en matière de défense – je laisse cela à qui vous savez.

Je souhaite donc calmer le débat, vous tendre la main. Il reste, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, quelques semaines. Nous serons attentifs aux propositions que vous souhaitez nous faire. Mais prenez en compte notre volonté de nous comporter comme les membres d’un Parlement moderne ! Vous avez cité – et nous avons nous aussi cité – les parlements d’Italie, d’Allemagne, du Royaume-Uni. Je rappelle qu’au Royaume-Uni, on confie ce contrôle à des organismes extérieurs à l’État !

Vous voyez donc que nous ne sommes pas dans l’anathème ; ce que nous proposons ne relève pas de quelque domaine interdit. Ce signal qui vous est envoyé doit ouvrir la voie à une discussion et à une négociation. Le président Philippe Bas et moi-même, ainsi que l’ensemble de nos collègues et de nos commissions, y sommes tout à fait ouverts. (Mme Marie-Thérèse Bruguière et M. Robert del Picchia applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, pour explication de vote.

M. Michel Boutant. Je ne suis pas insensible aux propos que je viens d’entendre, aux échanges vifs auxquels viennent de se livrer Mme la ministre de la défense et M. le président de la commission des lois.

Mme la ministre faisait allusion à la décision, datant de 2001, du Conseil constitutionnel. Depuis, les choses ont évolué.

Je suis intervenu tout à l’heure pour indiquer que je voterais contre un amendement qui visait à revenir sur une légère extension des pouvoirs de contrôle de la CNCTR : vous aurez compris que je suis fondamentalement favorable, comme beaucoup de mes amis du groupe socialiste et républicain, à l’exercice de ce contrôle par le Parlement, qui est l’expression de la volonté du peuple.

Les contrôles que nous effectuons dans le cadre de la CNCTR sont uniquement a posteriori : ils portent toujours sur les affaires passées, pas sur les affaires en cours – ou bien notre rôle a changé sans que je m’en sois rendu compte !

Il n’y a donc pas de risque, en cas de contrôle, que soient dévoilées des affaires en cours et donc que soit mis en danger l’exercice professionnel de nos agents ou leur sécurité, voire leur intégrité.

L’un de nos collègues a évoqué l’éventualité de visites sur place qui pourraient être de nature à alimenter le risque ; mais la commission de vérification des fonds spéciaux, qui est une émanation de la DPR, se rend dans un certain nombre de pays et fait son travail de la manière la plus discrète possible.

Je suis donc très favorable à un contrôle qui soit le plus raisonnable possible, mais aussi le plus étendu possible, de la part soit de la CNCTR – en la matière, l’affaire est désormais entendue – soit de la DPR.

Pour autant, madame la ministre, j’entends vos arguments, celui de la constitutionnalité, celui du risque que l’on ferait peser sur nos agents. Ce dernier point est particulièrement important ! Je voudrais d’ailleurs profiter de l’occasion – ils ne peuvent se mettre eux-mêmes en avant – pour rendre hommage à tous ces hommes et à toutes ces femmes qui, dans l’ombre, dans des pays parfois très agités, remplissent leur mission au péril de leur vie. (Applaudissements.)

M. Christian Cambon, rapporteur. Très bien !

M. Michel Boutant. Sensible aux arguments des uns et des autres, je suis donc favorable à la proposition que vous avez faite, madame la ministre, et qui semble être reprise par M. Cambon : qu’exécutif et législatif puissent, je ne sais sous quelle forme, s’asseoir autour d’une table pour discuter de l’évolution du rôle de la délégation parlementaire au renseignement.

En effet, dans le même temps où notre rôle demeure inchangé, on constate bien une extension des domaines dans lesquels interviennent nos services de renseignement et une augmentation du nombre de renseignements en circulation, toujours plus colossal depuis 2001.

Il y a vraiment lieu de contrôler le plus efficacement possible, mais sans que la confiance soit rompue avec les services de renseignement, qu’ils soient du premier ou du deuxième cercle – peu importe –, qui sont placés sous votre autorité, la DGSE, direction générale de la sécurité extérieure, la DRM, direction du renseignement militaire, et la DRSD, direction du renseignement et de la sécurité de la défense.

Nulle volonté de nuire, sachez-le, soyez-en persuadée, madame la ministre ; mais il faut que l’on fasse évoluer les choses ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Raymond Vall et Richard Yung applaudissent également.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 140.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 22 ter.

(Larticle 22 ter est adopté.)

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à zéro heure trente, afin de poursuivre l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Chapitre IV

Dispositions relatives aux opérations, à la coopération et à l’entraînement des forces

Article 22 ter (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 24

Article 23

(Non modifié)

Le I de l’article L. 2381-1 du code de la défense est ainsi modifié :

1° Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

« 3° Des personnes dont il existe des raisons précises et sérieuses de penser qu’elles présentent une menace pour la sécurité des forces ou des populations civiles. » ;

2° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les prélèvements biologiques opérés sur les personnes mentionnées au 3° ne peuvent être que salivaires. » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes mentionnées au même 3° sont informées, préalablement à tout relevé signalétique ou prélèvement biologique, des motifs et des finalités de ces opérations. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 37 est présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 75 est présenté par M. Devinaz, Mmes Perol-Dumont et G. Jourda et MM. Vallini et Mazuir.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 37.

M. Fabien Gay. Cet article a pour objet les relevés biométriques. Il nous pose un certain nombre de problèmes.

Premièrement, l’opacité autour de la nature du fichier BIOPEX est totale.

Si la sécurité nationale peut justifier un accès limité, il faut quand même prendre la mesure de ce fichier très clairement constitué pour un usage discrétionnaire. En effet, en cas de contentieux, le rôle du juge judiciaire est détourné au profit d’une formation spécialisée du Conseil d’État, alors que les pouvoirs de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, sont réduits depuis le décret du 4 août dernier. Ceci nous interroge d’autant plus que les activités de nos militaires ne se bornent pas à la lutte contre le terrorisme.

Aujourd’hui, les risques de « dérapages » sont pourtant limités, puisque le fichier BIOPEX ne concerne que les combattants décédés, lors d’actions de combat, ou capturés par les forces armées. Il s’agit donc, a posteriori, d’identifier une personne et de faire la preuve de sa culpabilité.

Mais la réforme proposée modifie diamétralement le dispositif. Il ne s’agira plus d’identifier et de confondre, mais de tout faire reposer sur l’intuition de nos militaires.

La protection des militaires est une priorité absolue, mais j’ai du mal à voir en quoi cet article permet d’œuvrer en sa faveur. Soit le dispositif est pleinement utilisé, et l’on va vers un fichage généralisé susceptible de créer des troubles ; soit le fichage se concentre sur des suspects déjà établis dont les services de renseignement s’occupent déjà.

La seule garantie apportée par le texte, à savoir la mention des motifs « précis et sérieux », est bien floue pour être efficace. Faudrait-il considérer ceux que certains appellent des agitateurs publics comme constituant une menace « précise et sérieuse » ?

Deuxièmement, nous l’avons déjà évoqué, un sentiment de toute-puissance ressort de cet article. Or, si l’on considère qu’aucun recours n’est réellement viable, que se passera-t-il en cas d’absence de coopération des personnes civiles, refusant de se soumettre aux prélèvements ? Il existe un risque que l’armée française passe pour une force d’occupation plus que de protection. Et nous supposons que la sécurité des militaires serait ébranlée tout autant par un rejet de la population que par l’impossibilité de prélever à tout-va des données pour BIOPEX.

Pour ces raisons, nous vous proposons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour présenter l’amendement n° 75.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Cet amendement vise à supprimer l’article 23, pour trois raisons.

Le socle légal de cet article est incertain ; sa formulation est imprécise ; il peut induire des formes d’insécurité.

Selon le Conseil d’État, cet article s’inscrit dans le cadre des conventions de Genève. Ces dernières sont elles-mêmes fondées sur la distinction entre civil et soldat. Le droit international humanitaire ne reconnaît donc pas d’autre catégorie de personnes. Or, dans les conflits actuels, les combattants ne portent pas forcément d’uniforme. Ils peuvent être en civil le jour, et combattants la nuit.

Je me pose donc la question suivante : à quel statut correspond la catégorie des « personnes dont il existe des raisons précises et sérieuses de penser qu’elles présentent une menace » ?

La rédaction de l’article ne résout pas cette difficulté. Les personnes visées ne sont considérées ni comme combattantes, ni comme prisonnières, ni comme civiles.

Ma question rejoint celle qui vient d’être posée ; elle est simple : en cas de refus de l’individu, sur quel droit peut s’appuyer notre soldat pour le soumettre au prélèvement ?

Par ailleurs, il faut considérer les conséquences de l’application de cette mesure sur les relations avec la population locale. En opérations extérieures, notre armée essaie, dans la mesure du possible, de se mêler à la population, ce qui n’est pas le cas d’autres armées comme l’armée américaine ou l’armée chinoise. Je crains que de tels prélèvements conduisent à une suspicion généralisée de la part de la population ; une telle suspicion ne peut produire qu’une défiance à l’encontre des forces françaises.

Cet ajout au code de la défense ouvre donc plus de questions qu’il n’apporte de réponses. C’est pourquoi je propose sa suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Mes chers collègues, j’essaie de bien comprendre la portée de vos arguments juridiques, parce que, malheureusement, à la lumière des éléments qui sont à notre disposition, nous voyons un tout autre contexte.

S’il est une disposition qui est absolument attendue par nos militaires, c’est certainement celle-là : la possibilité d’opérer un certain nombre de prélèvements à la suite d’arrestations de personnes dont on a immédiatement besoin de savoir si elles appartiennent à la population civile ou font partie des terroristes.

Vous savez que, malheureusement, et singulièrement dans les opérations extérieures, nos soldats se battent contre des ennemis sans visage, qui, en un instant, peuvent se mêler à la population civile et s’en servir comme d’un bouclier humain.

À quelle situation sommes-nous confrontés ? Nous avons des morts et des blessés terribles. Lorsque je suis arrivé au Sahel en compagnie du général Bosser, un médecin avait sauté, trois jours auparavant, sur un IED, autrement dit sur une mine artisanale. Admis à l’hôpital Percy, il avait définitivement perdu un bras, une jambe et les deux yeux.

Croyez-moi : à ce moment-là, on ne regarde pas le code pour savoir si les mesures que l’on prend sont adéquates. Il est absolument nécessaire que, lorsque nos forces procèdent à des arrestations in situ, elles puissent immédiatement identifier les personnes concernées grâce à un fichier permettant de retrouver les apprentis terroristes ou terroristes confirmés dans quelque opération que ce soit.

Il y a le texte, la loi, bien sûr, et il y a la pratique.

Je pense que nous devons tous les égards possibles à ces militaires qui se battent avec courage et qui endurent des pertes importantes, des décès ou des blessures excessivement graves – il s’agit non seulement de blessures par balles, mais de membres arrachés. Il faut que ces actes cessent, et qu’à tout le moins celles et ceux qui les commettent puissent être réidentifiés, afin d’éviter qu’elles ou ils ne réapparaissent systématiquement à chaque opération, à chaque contrôle, dans les villages ou les douars situés à proximité.

Pour cette raison, je souhaite que notre assemblée suive l’avis défavorable émis par la commission sur ces amendements. Nos militaires ont bien besoin de cette reconnaissance pour les aider à lutter contre cette forme effroyable de terrorisme.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur le rapporteur, il est bon que nous ayons ce débat qui, à mon avis, est autant politique que philosophique. Je ne voudrais pas qu’on nous fasse dire, à mon collègue et à moi-même, que nous ne respectons pas les militaires en opération – nous sommes tous ici d’accord sur ce point.

Par ailleurs, évidemment, nous pensons tous, sur toutes les travées de cet hémicycle, qu’il faut assurer leur protection. Ne laissez pas croire, en rappelant un fait extrêmement grave, que nous pourrions ne pas être touchés par l’exemple que vous nous donnez.

Mais nous pensons à ce que nos militaires peuvent faire sur le terrain. Il faut évidemment pouvoir retrouver le plus rapidement possible celles et ceux qui commettent des atrocités…

M. Ladislas Poniatowski. Ce n’est pas bien de dire cela !

M. Fabien Gay. Pour quelle raison ?

Je poursuis mon explication, et vous pourrez me répondre, mon cher collègue, avec grand plaisir – nous sommes dans un hémicycle où la parole est libre. Mais je ne vois pas ce qui n’est pas « bien » dans ce que je viens de dire. Et je n’ai, me semble-t-il, offensé personne.

J’ai dit que j’abondais dans le sens des propos tenus par M. le président de la commission. Justement, ne faisons pas dire aux auteurs de ces deux amendements qu’ils ne souhaiteraient pas la protection de nos forces armées !

Mais je dis qu’il faut respecter le droit partout. Vous avez dit qu’il fallait parfois, à certains moments, aller vite. Oui, mais en respectant le droit !

Par ailleurs, une telle disposition peut mettre nos forces en difficulté. Par exemple, si la personne civile n’accepte pas le prélèvement, dans le cadre d’une opération extérieure, comment fait-on ? Nous posons la question.

Je la pose à Mme la ministre des armées ; je vous la pose à vous, cher président de la commission ; je vous la pose à vous aussi, cher collègue qui m’interpellez. Admettons qu’un tel cas se présente : comment nos forces armées procèdent-elles ?

Sur cette base, je pense que le débat mérite d’avoir lieu. Nous pourrions mettre nos forces en difficulté en pensant leur donner une arme, laquelle sera complexe à mettre en œuvre. C’est tout ce que nous disons !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cambon, rapporteur. Je voudrais simplement rassurer notre collègue. Du reste, nous n’avons pas porté la moindre accusation contre les auteurs de ces amendements.

J’ai seulement dit que nos militaires avaient absolument besoin de ce dispositif pour faire face à cette forme nouvelle de terrorisme où l’assaillant peut disparaître du jour au lendemain et se confondre avec la population – on risque alors de le retrouver plus tard perpétrant des actions identiques.

Je veux rassurer notre collègue d’un point de vue juridique : le Conseil d’État a bien évidemment été saisi de ce dispositif, et a émis un avis favorable.

La Cour européenne des droits de l’homme a elle aussi donné son avis sur ce dispositif. Je n’allongerai pas le débat en en donnant lecture. Mais, dès lors que les mesures proposées sont reconnues comme justement proportionnées aux formes de terrorisme contre lesquelles on souhaite lutter, la Cour européenne des droits de l’homme admet tout à fait la possibilité pour les gouvernements d’utiliser de tels dispositifs.

Je rappelle qu’on demande à une personne qui commet un excès de vitesse de quelques kilomètres par heure de bien vouloir souffler dans le ballon ! Et je ne parle pas des prélèvements effectués dans le cadre des recherches relatives à des crimes ou à des délits.

Face à la gravité des attaques que subissent nos soldats, nous devons mettre en œuvre cette disposition essentielle ; elle permettra d’affronter un terrorisme qui prend plusieurs visages. Je souhaite que vous soyez le plus grand nombre à aller voir sur place la vie que mènent nos soldats.

Au camp de Gao, qui est équipé de moyens extraordinaires, 1 500 militaires font face à des terroristes qui s’approchent, la nuit, à 150 mètres – eux-mêmes n’ont aucun respect de leur propre vie et considèrent que la lutte doit être une lutte de tous les instants, pour laquelle tous les moyens sont bons.

À visiter l’hôpital de campagne, l’envie vous prend de faire quelque chose pour nos militaires. C’est ce que je fais ce soir.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 37 et 75.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 23.

(Larticle 23 est adopté.)

Article 23 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 24 - Amendement n° 7 rectifié

Article 24

Le chapitre Ier du titre IX du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 689-5 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Pour l’application de la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et du protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental, faits à Rome le 10 mars 1988 et révisés à Londres le 14 octobre 2005, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l’article 689-1 toute personne coupable de l’une des infractions suivantes : » ;

a bis) (nouveau) Au 2°, la référence : « L. 5337-2 » est remplacée par la référence : « L. 5242-23 » ;

b) Après le 2°, sont insérés des 2° bis et 2° ter ainsi rédigés :

« 2° bis Infractions prévues au titre II du livre IV du code pénal ;

« 2° ter Infractions prévues aux articles L. 1333-9 à L. 1333-13-11, L. 2341-3 à L. 2341-7, L. 2342-57 à L. 2342-81 et L. 2353-4 à L. 2353-14 du code de la défense, ainsi qu’à l’article 414 du code des douanes lorsque la marchandise prohibée est constituée par les armes mentionnées dans la convention et le protocole mentionnés au premier alinéa du présent article ; »

c) Au 3°, les mots : « l’infraction définie au 1° » sont remplacés par les mots : « l’une des infractions définies aux 1°, 2° bis et 2° ter » ;

d) Sont ajoutés des 4° et 5° ainsi rédigés :

« 4° Délit de participation à une association de malfaiteurs prévu à l’article 450-1 du code pénal, lorsqu’il a pour objet un crime ou un délit mentionné aux 1°, 2° et 2° ter du présent article ;

« 5° Délit prévu à l’article 434-6 du code pénal. » ;

2° L’article 689-6 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « sur » est remplacé par le mot : « pour », la première occurrence du mot : « et » est remplacée par les mots : « du protocole complémentaire à la convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, fait à Pékin le 10 septembre 2010, », et, après la date : « 23 septembre 1971, », sont insérés les mots : « et de la convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale, faite à Pékin le 10 septembre 2010, » ;

b) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Toute infraction concernant un aéronef non immatriculé en France et figurant parmi celles énumérées à l’article 1er de la convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs précitée et tout autre acte de violence dirigé contre les passagers ou l’équipage et commis par l’auteur présumé de ces infractions, en relation directe avec celles-ci ; »

c) Il est ajouté un 3° ainsi rédigé :

« 3° Toute infraction figurant parmi celles énumérées à l’article 1er de la convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale précitée. » ;

3° Il est ajouté un article 689-14 ainsi rédigé :

« Art. 689-14. – Pour l’application de la convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, faite à La Haye le 14 mai 1954, et du deuxième protocole relatif à la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, fait à La Haye le 26 mars 1999, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l’article 689-1 toute personne qui réside habituellement sur le territoire de la République et qui s’est rendue coupable des infractions d’atteinte aux biens culturels mentionnés aux a à c du 1 de l’article 15 du protocole précité. La poursuite de ces infractions ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public. » – (Adopté.)

Article 24
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 24 bis A

Article additionnel après l’article 24

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Guerriau et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :

Après l’article 24

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet tous les deux ans au Parlement un rapport relatif aux partenariats stratégiques conclus par la France avec des pays tiers et impliquant la défense nationale et l’engagement des forces armées. Cette transmission est suivie d’un débat au sein des commissions chargées de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale et du Sénat.

La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Les partenariats stratégiques sont des partenariats transversaux, qui sont moins formalisés qu’un traité. Certains d’entre eux, comme ceux conclus avec l’Australie ou avec l’Inde, ont des implications en matière de défense.

Selon le rapport annexé à la présente LPM, certains partenariats stratégiques ont acquis une telle importance qu’ils sont mentionnés au titre de la fonction d’« intervention », au même titre que nos engagements auprès de l’OTAN.

Face à la prolifération d’engagements et de coopérations, même informels, qui ont des implications pour la défense nationale, il nous semble important de réaliser un état des lieux bisannuel des partenariats existants, de leur adéquation avec nos intérêts nationaux et de leur compatibilité avec les moyens alloués à nos forces dans le cadre de la LPM.

Il nous semble également essentiel que l’information du Parlement soit renforcée et que la représentation nationale puisse débattre des implications de ces partenariats, sans bien sûr s’immiscer dans les prérogatives de l’exécutif en la matière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Les partenariats stratégiques sont absolument essentiels. La France travaille – je prends l’exemple de l’Asie – avec des pays tels que le Japon ou l’Inde. Par ailleurs, avec l’Australie, nous avons un partenariat tout à fait exceptionnel.

Nous avons discuté de ce sujet en commission. J’étais d’avis que nous puissions souligner l’importance de ces partenariats stratégiques lors de notre débat en séance publique. Néanmoins, je pense que nous pouvons nous éviter la remise d’un rapport. On a souvent tendance, au Parlement, à demander la remise de rapports successifs.

Je pense que votre amendement, mon cher collègue, est plutôt une invitation adressée au président de la commission à augmenter l’activité de celle-ci : procéder à des auditions, vérifier et valider les bonnes hypothèses des partenariats et dresser des bilans réguliers. Cela sera, me semble-t-il, beaucoup plus vivant que de disposer de documents complémentaires. Nous répondrons ainsi à votre préoccupation, car, je le répète, les partenariats stratégiques sont essentiels, tout en allégeant le travail du Gouvernement, ce qui sera certainement apprécié. Nous serons ainsi tout aussi efficaces les uns et les autres.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Joël Guerriau. Je le retire !

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 24 - Amendement n° 7 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 24 bis

Article 24 bis A

L’article L. 2338-3 du code de la défense est ainsi modifié :

1° (nouveau) Au deuxième alinéa, après les mots : « peuvent faire usage de leurs armes et » sont insérés les mots : « de moyens techniques appropriés, conformes à des normes techniques définies par arrêté du ministre de la défense, pour » ;

2° (nouveau) Au troisième alinéa, après les mots : « Ils peuvent également », sont insérés les mots : « faire usage de moyens techniques appropriés, conformes à des normes techniques définies par arrêté du ministre de la défense, pour ». – (Adopté.)

Article 24 bis A
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 25

Article 24 bis

I. – Le troisième alinéa de l’article L. 3211-3 du code de la défense est ainsi rédigé :

« L’ensemble de ses missions militaires s’exécute sur toute l’étendue du territoire national, ainsi qu’en haute mer à bord des navires battant pavillon français. Hors de ces cas, elles s’exécutent en application des engagements internationaux de la France, ainsi que dans les armées. »

II. – Le cinquième alinéa de l’article L. 421-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :

« L’ensemble de ses missions civiles s’exécute sur toute l’étendue du territoire national, ainsi qu’en haute mer à bord des navires battant pavillon français. Hors de ces cas, elles s’exécutent en application des engagements internationaux de la France. » – (Adopté.)

Chapitre V

Dispositions relatives au droit de l’armement

Article 24 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 25 - Amendement n° 41

Article 25

I. – Le titre III du livre III de la deuxième partie du code de la défense est ainsi modifié :

1° L’article L. 2331-1 est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. – Les dispositions relatives aux importations, aux exportations et aux transferts à destination ou en provenance des États membres de l’Union européenne sont applicables à l’Islande et à la Norvège. » ;

2° L’article L. 2332-1 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi rédigé :

« I. – Les entreprises qui se livrent à la fabrication ou au commerce de matériels de guerre, armes, munitions et de leurs éléments relevant des catégories A et B mentionnées à l’article L. 2331-1 ou qui utilisent ou exploitent, dans le cadre de services qu’elles fournissent, des matériels de guerre et matériels assimilés figurant sur la liste mentionnée au second alinéa de l’article L. 2335-2 ne peuvent fonctionner et l’activité de leurs intermédiaires ou agents de publicité ne peut s’exercer qu’après autorisation de l’État et sous son contrôle. » ;

b) Au premier alinéa du II, après le mot : « État », sont insérés les mots : « ou à la fourniture de services fondés sur l’utilisation ou sur l’exploitation des matériels de guerre et matériels assimilés mentionnés au I » ;

3° Le V de l’article L. 2335-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après la référence : « L. 2331-1 », sont insérés les mots : « ou de services fondés sur l’utilisation ou sur l’exploitation des matériels de guerre et matériels assimilés figurant sur la liste mentionnée au second alinéa de l’article L. 2335-2 » ;

b) À la fin du second alinéa, les mots : « des matériels de catégories A et B » sont remplacés par les mots : « de ces matériels » ;

4° L’article L. 2335-18 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi modifié :

– les 1° et 2° sont ainsi rédigés :

« 1° Les satellites de détection, de renseignement, de télécommunication ou d’observation, leurs sous-ensembles, leurs équipements d’observation et de prise de vue, dont les caractéristiques leur confèrent des capacités militaires ;

« 2° Les stations et moyens au sol de contrôle, d’exploitation ou d’utilisation des matériels mentionnés au 1°, conçus ou modifiés pour un usage militaire ou dont les caractéristiques leur confèrent des capacités militaires ; »

– au 4°, le mot : « spécialisés » est supprimé ;

– au 5°, les mots : « et matériels spécifiques » sont remplacés par les mots : « , matériels » et, après le mot : « maintenance, », sont insérés les mots : « et moyens d’essais spécifiques » ;

– après le 6°, il est inséré un 7° ainsi rédigé :

« 7° Les connaissances requises pour le développement, la production ou l’utilisation des matériels mentionnés aux 1° à 5°, transmises sous la forme de documentation ou d’assistance techniques. » ;

b) Au II, la référence : « L. 2335-12 » est remplacée par la référence : « L. 2335-11 » ;

5° Au premier alinéa du I de l’article L. 2339-2, après la première occurrence du mot : « essentiels », sont insérés les mots : « , utilise ou exploite, dans le cadre de services qu’il fournit, des matériels de guerre et matériels assimilés » ;

6° L’article L. 2339-4-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « d’armes et de munitions » sont supprimés ;

b) Le 1° est complété par les mots : « , ou les prestations de services fondés sur l’utilisation ou sur l’exploitation de matériels de guerre et matériels assimilés ».

II. – (Non modifié) Pour l’application du IV de l’article L. 2331-1 du code de la défense, dans sa rédaction résultant de la présente loi :

1° Les autorisations d’exportation délivrées sur le fondement de l’article L. 2335-2 du même code à destination de l’Islande et de la Norvège antérieurement à la publication de la présente loi conservent leur validité jusqu’à leur terme ;

2° Les autorisations d’importation délivrées antérieurement à la publication de la présente loi sur le fondement de l’article L. 2335-1 dudit code en provenance de l’Islande et de la Norvège et concernant les matériels de guerre figurant sur la liste mentionnée au second alinéa de l’article L. 2335-2 du même code conservent leur validité jusqu’à leur terme.

M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l’article.

Mme Christine Prunaud. Nous avions déposé un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 25, afin de renforcer le contrôle du Parlement sur les ventes d’armes. Cet amendement a été déclaré irrecevable.

Nous proposions d’instituer un mécanisme de contrôle des commissions permanentes sur les délivrances de licence. J’en conviens, cela représenterait une charge pour les commissions, mais cette mesure visait à mettre la pratique en conformité avec l’article 53 de la Constitution, qui détermine les prérogatives du Parlement s’agissant des traités.

Au demeurant, notre amendement était un amendement d’appel. À ce titre, le choix de le déclarer irrecevable alors qu’il visait à faire appliquer une disposition constitutionnelle m’interroge. Peut-être ne considérez-vous pas les contrats d’armement comme des traités ? Car, autrement, la Constitution n’est à notre avis pas respectée.

M. le président. Je mets aux voix l’article 25.

(Larticle 25 est adopté.)

Article 25
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 25 - Amendement n° 39

Articles additionnels après l’article 25

M. le président. L’amendement n° 41, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 25

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article L. 2333-3 du code de la défense, les mots : « peuvent imposer » sont remplacés par le mot : « imposent ».

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Cet amendement vise à compléter les quatre articles du code de la défense relatifs aux commissaires du Gouvernement chargés de contrôler l’activité des entreprises d’armement exportant du matériel. Ces commissaires, déjà importants lorsque les entreprises exportatrices étaient publiques, sont aujourd’hui vitaux alors que les prestataires sont privés.

Nous souhaitons renforcer le contrôle de l’État sur ces entreprises, marquant la spécificité de l’industrie d’armement. Car, comme je l’ai déjà évoqué, cette dernière est politique avant d’être économique.

Elle est politique d’abord, car l’exportation d’armements est, qu’on la condamne ou qu’on l’approuve, un outil de diplomatie important, comme l’a montré l’épisode de la vente des Mistral à la Russie, puis finalement à l’Égypte, avec financement saoudien.

Elle est politique ensuite, car, au-delà du profit, c’est toute une stratégie industrielle qui doit être discutée. Comment la France a-t-elle pu sacrifier 44 000 emplois entre 2008 et 2013, tout en montant en charge en matière d’exportations ? Comment expliquer que, avec 10 % à 20 % de chiffre d’affaires, des entreprises exportatrices consacrées à la recherche et au développement présentent une part si faible d’emplois convertis dans le civil ?

Elle est politique enfin, car la nature même des matériels concernés fait de l’armement une industrie spécifique qui doit relever du contrôle politique. Sans cela, il y a toujours le risque que la recherche absolue de profits n’entre en confrontation directe avec l’ambition de la France de lutter contre la prolifération des armes conventionnelles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Ma chère collègue, les questions que vous posez reflètent vos convictions, qui sont tout à fait respectables,…

M. Christian Cambon, rapporteur. … même si je ne les partage pas.

Néanmoins, le dispositif envisagé dans votre amendement, qui vise à mettre en place un commissaire du Gouvernement auprès de toutes les entreprises ayant une activité d’armement, est beaucoup trop lourd. En outre, il ne serait pas du tout efficace dans les cas que vous évoquez. Un commissaire du Gouvernement est chargé de recueillir des renseignements d’ordre financier, administratif et comptable.

Je confirme que la possibilité de désigner un commissaire du Gouvernement existe déjà. Le Gouvernement peut tout à fait – d’ailleurs, il le fait – nommer des commissaires du Gouvernement quand c’est nécessaire. Il est donc inutile d’alourdir la procédure en systématisant la nomination des commissaires du Gouvernement.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 41.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 25 - Amendement n° 41
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 25 - Amendement n° 40

M. le président. L’amendement n° 39, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 25

Insérer un article ainsi rédigé :

Le code de la défense est ainsi modifié :

1° Après le V de l’article L. 2335-3, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« … – L’autorisation préalable d’exportation mentionnée au I ne peut concerner un État engagé dans une intervention militaire extérieure sans mandat de l’Organisation des Nations unies. » ;

2° Après le premier alinéa de l’article L. 2335-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’autorité administrative mentionnée à l’alinéa précédent doit suspendre, modifier, abroger ou retirer les licences d’exportation qu’elle a délivrées et qui concernent un État engagé dans une intervention militaire extérieure sans mandat de l’Organisation des Nations unies. »

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. La France doit porter une voix forte et singulière, particulièrement à l’ONU. Cela passe par une réforme interne de l’organisation, afin d’enrayer tout blocage.

Il est essentiel de mener une politique claire vis-à-vis des États qui se soustraient à l’autorité des Nations unies. L’arrêt de la vente d’armes à ces pays serait à la fois un fort message politique et une sécurité pour la France elle-même. La crainte est que la France perde toute crédibilité à condamner des opérations extérieures illégales alors que ses propres armes sont parfois sur le terrain. Nous pensons, par exemple, au Yémen, où des armes françaises pourraient être impliquées.

Madame la ministre, nous avons bien entendu votre intervention du 9 février dernier, expliquant que les armes françaises vendues à l’Arabie Saoudite n’étaient « pas censées être utilisées au Yémen ». Notre amendement va donc dans votre sens. Si nous ne vendons plus à des pays intervenant sans mandat de l’ONU et dont les pratiques constituent de graves atteintes aux droits humains, les armes françaises ne se retrouveront plus associées à de véritables crises humanitaires.

J’ajoute que nous avons été quelque peu indignés lorsque le porte-parole du Gouvernement a déclaré que la vente d’armes françaises à l’Arabie Saoudite était « un intérêt clair pour l’industrie française ». La France serait donc prête à assumer la perte de milliers de vies au nom du commerce, de l’emploi…

M. Cédric Perrin. Si ce n’était pas le cas, vous iriez manifester pour l’emploi avec la CGT !

M. Fabien Gay. … ou encore d’une influence que nous qualifierons d’« ingérence ».

Vous l’aurez compris, cet amendement correspond à un enjeu humanitaire ; nous reprenons le principe de l’article 26 de la Charte des Nations unies. De fait, l’adoption de notre amendement ne ferait que légitimer l’ONU dans son action pour la paix.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. En liant les exportations d’armes aux opérations sous mandat de l’ONU, la France porterait une atteinte particulière à sa propre souveraineté.

Par ailleurs, comme l’ont montré les récents événements, lorsque le Conseil de sécurité se trouve en situation de blocage, toutes les exportations françaises d’armes sont paralysées.

J’imagine que nous aurons un jour une confrontation en commission sur cette éternelle question : la France ne doit-elle exporter que des armes défensives ? Or si nous n’exportions pas d’armes, notre propre sécurité serait remise en cause, car nous ne pourrions pas financer les investissements nécessaires pour mettre au point ces équipements. Nous aurons ce débat, mais sans doute pas à cette heure tardive.

En attendant, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme Cécile Cukierman. L’explication est un peu simpliste !

M. Cédric Perrin. Les exportations, c’est 200 000 emplois !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.

Mme Christine Prunaud. J’ai bien entendu la réponse de M. le rapporteur. Nous en avons d’ailleurs débattu ce matin en examinant les amendements.

Que les choses soient claires : là, nous ne sommes pas contre le commerce des armes – dans l’absolu, c’est autre chose –, nous parlons des ventes d’armes à des pays qui commettent des actes de barbarie contre leur population civile ; la nuance est importante.

M. Christian Cambon, rapporteur. Ce n’est pas exactement ce qui figure dans l’amendement !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 39.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 25 - Amendement n° 39
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 25 - Amendement n° 42 (début)

M. le président. L’amendement n° 40, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 25

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 11 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale est ainsi rédigé :

« Art. 11. – Le rapport annuel sur les exportations d’armement de la France est public.

« Il contient notamment :

« 1° Le nombre de licences acceptées depuis le second semestre de l’année N-2 ;

« 2° Le nombre et le montant des licences délivrées en année N-1 par pays et par catégories de la liste commune des équipements militaires de l’Union européenne ;

« 3° Le détail des prises de commandes depuis l’année N-5 ;

« 4° Les autorisations de transit de matériels de guerre ;

« 5° Les livraisons d’armes légères en année N-1 ;

« 6° Les cessions onéreuses et gratuites réalisées en année N-1 par le ministère de la défense ;

« 7° Les types de matériels concernés par des autorisations d’exportation ou de transfert sur l’année N-1 ;

« 8° Les destinataires et usages finaux des matériels d’armement en année N-1 ;

« 9° Les motifs ayant justifié les refus de délivrance de licences et d’autorisations d’exportation ou de transfert ;

« 10° La liste des embargos sur les armes du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, de l’Union européenne et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ;

« 11° Les autorisations de réexportation accordées en année N-1 ;

« 12° Les principaux clients sur la période N-5/N-1.

« Une copie en est adressée aux présidents des commissions permanentes parlementaires chargées des affaires étrangères, de la défense et des questions économiques au plus tard le 1er juin de chaque année. Ce rapport fait l’objet d’un débat suivi d’un vote en séance publique de l’Assemblée nationale et du Sénat dans le mois suivant sa publication.

« Sont considérés comme armement dans ce rapport :

« a) Les armes classiques relevant des catégories établies par la liste commune des équipements militaires de l’Union européenne et le Traité sur le commerce des armes du 2 avril 2013 ;

« b) Les matériels à finalité duale ;

« c) Les composants dont la destination finale est d’être incorporés dans du matériel militaire ou dual. »

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Apparue pour la première fois dans le cadre de la LPM de 1996, l’information au Parlement sur les exportations d’armes s’est généralisée lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire de 2013. Cependant, aujourd’hui, les limites du rapport sont régulièrement observées.

Tout d’abord, on note une certaine confidentialité du rapport annuel faute de débat au Parlement sur son contenu.

Ensuite, il manque un espace de contrôle, puisque ce rapport ne fait même pas l’objet d’un vote, ne serait-ce que symbolique, permettant une prise de position du Parlement sur la politique menée en matière d’exportation d’armements.

Enfin, l’opacité est totale, puisqu’il manque à ce rapport de nombreux éléments susceptibles d’éclairer la représentation nationale. Je pense au nombre et aux motifs de refus de délivrance de licence chaque année, aux destinataires finaux des armes exportées ou encore aux matériels à finalité duale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Je vous rassure, madame Prunaud, le rapport actuel est public. Il est du reste disponible sur internet. Il comporte une foultitude d’éléments statistiques ; j’en ai deux pages entières sous les yeux !

Le niveau de détail que vous préconisez nous apparaît donc déraisonnable. Au demeurant, cela rendrait un fier service à nos concurrents en matière d’exportation d’armes. En revanche, les commissions de la défense, et singulièrement la nôtre, sont tout à fait en mesure de demander des informations plus précises en tant que de besoin ; en général, nous ne nous gênons pas pour le faire lorsque nous auditionnons des industriels.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.

Mme Christine Prunaud. Monsieur le rapporteur, je le dis sans polémique aucune : l’important, pour moi et les membres de mon groupe, est de pouvoir voter sur le rapport. Plusieurs membres de notre commission demandent un contrôle accru du Parlement. Nous sommes favorables à un vote, même symbolique.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cambon, rapporteur. La loi ne prévoit pas que la commission de la défense s’exprime par un vote sur ces rapports. Elle en prend simplement connaissance. Je ne peux donc pas forcer la procédure.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 25 - Amendement n° 40
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article additionnel après l'article 25 - Amendement n° 42 (interruption de la discussion)

M. le président. L’amendement n° 42, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 25

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le titre III du livre IV du code pénal est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« De la violation des embargos et autres mesures restrictives

« Art. 437-1. – I. – Constitue un embargo ou une mesure restrictive au sens du présent chapitre le fait d’interdire ou de restreindre des activités commerciales, économiques ou financières ou des actions de formation, de conseil ou d’assistance technique en relation avec une puissance étrangère, une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents ou toute autre personne, en application :

« 1° De la loi ;

« 2° D’un acte pris sur le fondement du traité sur l’Union européenne ou du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

« 3° D’un accord international régulièrement ratifié ou approuvé ;

« 4° D’une résolution du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies.

« II. – Le fait de ne pas respecter un embargo ou une mesure restrictive est puni d’une peine de sept ans d’emprisonnement et de 750 000 € d’amende.

« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1 500 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée.

« Toutefois, les peines d’amende prévues aux deux premiers alinéas du présent II peuvent être fixées au double de la somme sur laquelle a porté l’infraction ou de la valeur des biens et services ayant été l’objet de transactions illicites.

« La tentative des infractions prévues au présent article est punie des mêmes peines.

« La confiscation de l’objet du délit, des équipements, matériels et moyens de transport utilisés pour sa commission, ainsi que des biens et avoirs qui en sont le produit direct ou indirect est ordonnée par le même jugement.

« L’autorité judiciaire peut prescrire ou faire effectuer la mise hors d’usage ou la destruction, aux frais de l’auteur de l’infraction, des biens confisqués.

« III. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2, de l’infraction prévue au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38, les peines prévues à l’article 131-39.

« IV. – L’abrogation, la suspension ou l’expiration d’un embargo ou d’une mesure restrictive ne fait pas obstacle à la poursuite et au jugement des infractions commises lorsque ces mesures étaient en vigueur, ni à l’exécution de la peine prononcée.

« V. – Lorsque l’embargo ou la mesure restrictive qui n’est pas respecté porte sur des matériels de guerre et des matériels assimilés dont l’exportation est soumise à autorisation préalable en application de l’article L. 2335-2 du code de la défense ou sur des équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne et que les faits en cause sont commis à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 du présent code et la seconde phrase de l’article 113-8 n’est pas applicable. »

II. – À l’article 414-2 du code pénal, la référence : « et 412-1 » est remplacée par les références : « , 412-1 et 437-1 ».

III. – Après le 11° de l’article 706-73 du code de procédure pénale, il est inséré un 11°… ainsi rédigé :

« 11°… Délit de violation d’un embargo ou d’une mesure restrictive commis en bande organisée prévue à l’article 437-1 du code pénal ; ».

IV. – La section 3 du chapitre VI du titre XII du code des douanes est complétée par un paragraphe… ainsi rédigé :

« Paragraphe…

« Violation des embargos et autres mesures restrictives

« Art. 440 – L’abrogation, la suspension ou l’expiration d’un embargo ou d’une mesure restrictive définis à l’article 437-1 du code pénal ne fait pas obstacle à la poursuite et au jugement des infractions prévues au présent code qui ont été commises lorsque ces mesures étaient en vigueur, ni à l’exécution de la peine prononcée. »

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Vous l’aurez compris, nos amendements étaient des amendements d’appel ; il s’agissait de susciter un débat. C’est pourquoi je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir pris le temps de nous répondre, malgré l’heure tardive. Je pense que nous aurons à poursuivre ce débat.

J’ai bien conscience que ma sensibilité politique occupe seulement quinze sièges dans cet hémicycle. Je m’incline devant la représentativité nationale. Nous sommes minoritaires. Je sais que la majorité est de droite, et je la respecte. Il arrive parfois que nos avis fassent bondir certains, mais nous sommes là pour que le débat puisse avoir lieu.

Madame la ministre, je regrette que vous n’ayez pris le temps de nous répondre sur aucun de ces amendements d’appel. Cela correspond avec la méthode qui est la vôtre, parfois empreinte d’un peu de mépris – je le ressens comme ça –, consistant à ne pas prendre le temps d’échanger quelques mots pour pouvoir répondre politiquement dans un débat.

L’amendement n° 42, qui est aussi un amendement d’appel, vise à voir arriver enfin au bout de la navette parlementaire le projet de loi relatif à la violation des embargos. Je dis « enfin », car il faut quand même rappeler que ce projet de loi a été porté par Mme Michèle Alliot-Marie.

Plus de dix ans après son adoption par l’Assemblée nationale et cinq ans après son adoption par le Sénat, ce texte n’est toujours pas arrivé au bout de son processus. Pourtant, il nous semble qu’on peut difficilement s’opposer à un texte voté par deux majorités différentes et visant seulement à créer un délit d’infraction aux embargos, ce qui semble relever du bon sens.

Cet amendement comporte deux enjeux spécifiques.

Le premier, qui concerne l’adoption de telles dispositions, viendra légitimer les organisations internationales, en l’espèce l’Union européenne, l’ONU et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. En effet, il apparaît difficile de se satisfaire du fait que des embargos décidés par la communauté internationale ne soient pas respectés.

J’ajouterai par ailleurs que, du fait des insuffisances du rapport français annuel sur les exportations d’armement, rien n’indique aujourd’hui que les livraisons de matériel, par exemple en Côte d’Ivoire, en Chine, en Biélorussie, en Russie ou encore en République démocratique du Congo, ne tombent pas sous le coup des embargos applicables à ces pays.

Le second enjeu est, bien évidemment, humanitaire. Il s’agit de ne pas oublier que, derrière ces embargos, se cache bien souvent la volonté de limiter les risques d’une explosion armée sur des territoires instables, pouvant à tout moment déboucher sur de vraies crises humanitaires.

Une nouvelle fois, ces dispositions s’inscrivent pleinement dans le droit international, que ce soit le traité sur le commerce des armes ou la résolution 1198, vieille de déjà vingt ans et avec laquelle la France devrait se mettre en conformité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Mon cher collègue, vous avez tout à fait raison s’agissant de la procédure législative. Effectivement, ce texte a fait l’objet de deux votes successifs : l’un au Sénat, en 2007, et un autre à l’Assemblée nationale, en 2016.

Néanmoins, sauf instruction particulière du Gouvernement, pour poursuivre le processus législatif, il faut une deuxième lecture. Il revient donc au Gouvernement de faire inscrire la deuxième lecture de ce projet de loi au Sénat. La commission sera bien évidemment prête à l’étudier, car le problème du non-respect des embargos se pose dans de nombreuses contrées. Nous sommes bien au fait de ces sujets.

M. Fabien Gay. Merci de votre réponse !

M. Christian Cambon, rapporteur. Je fais ce que je peux !

M. Fabien Gay. Et c’est très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Monsieur le sénateur, ma réponse laconique aux trois amendements précédents n’était nullement la preuve d’un quelconque mépris ; ce n’est pas du tout ma façon de me comporter. C’est simplement que M. le rapporteur avait développé l’ensemble des arguments que je partageais.

Le Gouvernement ne peut évidemment qu’adhérer aux objectifs de l’amendement. Le projet de loi étant encore en cours de navette législative entre les deux assemblées, je crois qu’il faut laisser celle-ci aller jusqu’à son terme.

Mais, sur le fond, je n’ai évidemment pas d’opposition aux objectifs affichés. Simplement, il faut un travail en concertation avec le ministère des affaires étrangères, le ministère de la justice et notre ministère.

Par conséquent, je vous recommande, si vous en étiez d’accord, de poursuivre le travail et de retirer votre amendement. Nous retrouverons ce texte ultérieurement.

M. le président. Monsieur Gay, l’amendement n° 42 est-il maintenu ?

M. Fabien Gay. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Notre amendement était un amendement d’appel. Pour une fois, nous avons eu une réponse. Nous allons vous accompagner et regarder de très près le parcours de la navette. Nous retirons donc notre amendement.

M. le président. L’amendement n° 42 est retiré.

Mes chers collègues, nous avons examiné 62 amendements au cours de la journée ; il en reste 88.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article additionnel après l'article 25 - Amendement n° 42 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Discussion générale

4

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 23 mai 2018, à quatorze heures trente et le soir :

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen ;

Rapport de M. Alain Richard, rapporteur pour le Sénat, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 443, 2017-2018) ;

Texte de la commission mixte paritaire (n° 444, 2017-2018).

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 383, 2017-2018) ;

Rapport de M. Christian Cambon, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 476, 2017 2018) ;

Avis de M. Philippe Bonnecarrère, fait au nom de la commission des lois (n° 472, 2017-2018) ;

Avis de M. Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances (n° 473, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 477, 2017-2018).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 23 mai 2018, à zéro heure trente-cinq.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD