Mme Martine Filleul. Seulement 11 % des victimes d’agressions sexuelles et de viols déposent plainte et 82 % d’entre elles disent ressentir un profond malaise en accomplissant cette démarche. Ces chiffres montrent combien entamer des démarches juridiques dans ce cadre est un processus douloureux, long ; il importe que nous intervenions pour aider et accompagner ces victimes.

Ce sujet a d’ailleurs déjà été évoqué, en particulier par le président de la commission, pour ce qui est de la formation des agents, de l’accueil dans des locaux réservés à cet usage. Au travers de cet amendement, nous proposons plutôt d’alléger le processus en étendant le champ de l’enregistrement audiovisuel de l’audition, actuellement prévu pour les seules personnes mineures. Cette disposition permettrait d’épargner aux victimes le traumatisme lié à la multiplication des auditions, qui les force à revivre en la décrivant l’agression dont elles ont fait l’objet.

L’enregistrement audiovisuel permet par ailleurs d’apprécier des éléments non verbalisés de l’audition – attitude, silences, mimiques –, qui peuvent être déterminants pour la compréhension et l’interprétation des réponses de la victime.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Il serait extraordinairement intéressant de pouvoir enregistrer les auditions, et nous partageons vos préoccupations. C’est une excellente idée, mais, malheureusement, la police n’a absolument pas les moyens d’assumer une telle obligation. Vous me direz que ce n’est pas une raison ; eh bien si, c’en est une, car si nous adoptons votre proposition, il y aura un risque de nullité de toute la procédure lorsqu’il ne sera possible de procéder à l’enregistrement. Les policiers devront justifier chaque impossibilité matérielle en établissant un procès-verbal qui décrira la situation. Alors que nous essayons d’alléger leur tâche, ne leur imposons pas cette nouvelle obligation.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, je serai contrainte d’émettre un avis défavorable, bien que je partage complètement votre préoccupation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Cette procédure est systématisée pour les mineurs en raison de leur particulière vulnérabilité et de leur situation spécifique.

Pour les raisons évoquées par Mme la rapporteur, l’avis du Gouvernement est défavorable. Permettez-moi cependant vous donner mon sentiment personnel.

Vous l’avez dit, madame la sénatrice, très peu de victimes vont jusqu’à déposer plainte. Mes nombreux échanges avec des victimes, les associations qui les représentent et les forces de l’ordre me conduisent à affirmer qu’il faut inciter les victimes non seulement à se rendre au commissariat, mais aussi à ne pas en partir avant d’avoir déposé plainte. En effet, trop souvent, la victime qui trouve le courage d’aller au commissariat le quitte prématurément parce qu’elle ne se sent pas à l’aise, à cause d’une parole, d’un regard, parce qu’elle n’est pas dans un état physique ou psychologique lui permettant de parler à ce moment-là, parce que l’endroit n’est pas accueillant ou parce que la procédure est trop longue.

Le départ de la victime du commissariat peut être causé par un détail, une formalité, une question de trop. L’adoption de votre proposition, madame la sénatrice, risquerait à mon avis d’avoir un effet pervers, en décourageant les victimes d’aller jusqu’au dépôt de plainte. L’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.

Mme Maryvonne Blondin. Je comprends qu’il puisse être difficile aux forces de police et de gendarmerie de réserver un local à l’accueil et à l’écoute des victimes, mais on observe, dans chaque département, des innovations en la matière. Ainsi, des conventions passées entre les forces de police ou de gendarmerie, la justice, les hôpitaux, les associations et le service de la protection de l’enfance permettent de créer un lieu unique dédié à l’accueil des victimes et à l’enregistrement de leur témoignage, que ce soit à l’hôpital, dans les locaux du conseil départemental ou ailleurs. Le témoignage enregistré, recueilli une fois pour toutes, est ensuite utilisé tout au long de la procédure.

Un lieu d’accueil adapté peut être institué pour favoriser les dépôts de plainte. Il faut pour cela que tous les acteurs se mettent autour d’une table et le décident. C’est une question de volonté politique.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 25 rectifié
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article 2 bis A (Texte non modifié par la commission)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.

L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mmes Lepage, Rossignol, Monier, Blondin, Jasmin, M. Filleul, Meunier, Conway-Mouret, Ghali et Guillemot, MM. Cabanel, Antiste, Mazuir, Duran et Madrelle, Mme Tocqueville et M. Devinaz, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant la mise en place d’une chambre spécialisée dans le jugement des infractions sexuelles au sein de tous les tribunaux de grande instance.

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Cet amendement prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport évaluant l’impact de la mise en place d’une chambre spécialisée pour juger des infractions sexuelles, conformément aux recommandations du rapport d’information de la commission des lois intitulé « Protéger les mineurs victimes d’infractions sexuelles », ainsi qu’à celles du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

La formation des magistrats sur les questions de violence est essentielle pour le traitement judiciaire des violences sexuelles sur les mineurs ou sur les majeurs. Lors de votre audition au Sénat, madame la secrétaire d’État, vous aviez indiqué que seulement 1 % des violences sexuelles faisaient l’objet d’une condamnation. Toutes les étapes du parcours d’une victime de violences doivent faire l’objet d’une attention particulière : le stade de la décision de justice ne doit pas échapper à notre vigilance.

L’objet de cet amendement est donc de prévoir un rapport évaluant les conséquences de la mise en place d’une chambre spécialisée au sein des tribunaux de grande instance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Les demandes de rapport au Gouvernement ne sont pas très utiles, parce que les rapports ne sont jamais remis.

Ainsi, aucun des dix-sept rapports que le Gouvernement aurait dû remettre au Parlement en application des lois promulguées au cours de la session parlementaire 2016-2017 dont la commission des lois avait été saisie au fond n’a été remis dans le délai imparti. Cela témoigne de l’inanité des dispositions tendant à prévoir la remise de rapports !

Sur le fond, la création de chambres spécialisées est une bonne idée, et il convient de l’encourager là où elle est possible. Mais, là encore, soyons réalistes : la plupart des tribunaux ne disposent pas de magistrats et de greffiers en nombre suffisant et ne sont pas saisis d’une masse de contentieux en la matière suffisamment critique pour que puisse être organisée une telle spécialisation du contentieux.

De surcroît, la commission des lois n’a jamais recommandé la délivrance d’un rapport évaluant l’impact de la mise en place de chambres spécialisées pour juger des violences sexuelles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. J’ai la même position de principe que la commission pour ce qui concerne les demandes de rapport.

Sur le fond, le projet de loi de programmation pour la justice qui sera présenté par le Gouvernement prévoit l’expérimentation d’un tribunal criminel composé de cinq magistrats qui jugera en première instance, à la place de la cour d’assises, les crimes punis de quinze ou de vingt ans de réclusion, donc notamment les viols et les viols commis sur mineur. La création de cette nouvelle juridiction permettra de poursuivre plus simplement des faits qui sont aujourd’hui trop souvent correctionnalisés en raison de la lourdeur de la procédure devant la cour d’assises.

Par ailleurs, pour ce qui concerne le jugement des délits, agressions et atteintes à caractère sexuel, le volume des affaires de cette nature dont sont saisies les petites juridictions, qui sont les plus nombreuses, n’est pas suffisant pour permettre la création de chambres spécialisées.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. J’aimerais comprendre la position de la rapporteur. Je ne suis parlementaire que depuis quelques mois, mais il ne m’a pas échappé que députés et sénateurs souhaiteraient avoir davantage de moyens de suivre l’action gouvernementale et l’application des lois. Or, selon Mme la rapporteur, il serait inutile de demander la remise d’un rapport. Je suis en désaccord avec ce point de vue. Nous allons dans les prochaines semaines débattre de la réforme constitutionnelle : chacun d’entre nous ne manquera pas alors d’insister, je pense, sur l’impérieuse nécessité, en démocratie, que le Parlement puisse bien contrôler l’action gouvernementale.

La position de Mme la rapporteur me paraît d’autant plus difficilement compréhensible qu’elle a fait adopter par la commission des lois un amendement prévoyant l’élaboration d’un rapport par le Gouvernement… J’en conclus que les rapports sont utiles quand ils sont demandés par la rapporteur, mais pas quand la demande émane d’autres membres de notre assemblée, même si elle correspond à une préconisation du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, s’il est vrai qu’il est difficile d’envisager la création d’une chambre spécialisée dans les petits tribunaux, il est possible de décider qu’une des chambres sera seule compétente pour juger les affaires visées dans le projet de loi, tout en étant également compétente pour traiter d’autres contentieux. Il ne faut pas confondre le nombre de chambres dans la juridiction et l’attribution de compétences particulières à une chambre.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. On ne peut pas rejeter une demande de rapport au motif que les rapports ne sont jamais remis.

En l’occurrence, je suis plutôt favorable à cette demande de rapport, car nous sommes aujourd’hui dans une situation nouvelle. Les violences contre les femmes, les violences sexistes et l’égalité entre les femmes et les hommes ont été déclarées grandes causes du quinquennat : peut-être faudrait-il pouvoir apprécier comment cela se traduit dans les faits, car nous n’avons aujourd’hui aucun retour en termes de budget et d’actions. La délégation aux droits des femmes du Sénat aurait aimé, par exemple, entendre Mme la secrétaire d’État sur son budget. Je voterai cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Madame la secrétaire d’État, après avoir été, hier, particulièrement silencieuse, ce que nous avons déploré, vous venez de parler du tribunal départemental criminel, sujet qui n’a pas été évoqué par Mme la garde des sceaux. Lors de notre débat d’hier soir sur l’article 2, il aurait fallu préciser que tout allait être organisé, pour éviter que ne se renouvellent les incidents qui ont défrayé la chronique, dans l’Essonne ou la Seine-et-Marne, autour de ce tribunal départemental criminel prévu dans le projet de loi de programmation pour la justice. Que ne l’avez-vous fait ! Il m’étonnerait qu’il s’agisse là d’un simple oubli de la part de Mme la garde des sceaux…

Nous comprenons bien maintenant que l’article 2 n’a en fait aucune portée, puisque les affaires en question seront à l’avenir jugées par des magistrats professionnels, et non plus par des jurys populaires qui se prononcent selon l’intime conviction de leurs membres, ce qui peut entraîner parfois des conséquences désastreuses…

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, vous demandez un bilan de l’action du Gouvernement concernant une des grandes causes du quinquennat, alors que celui-ci est loin d’être achevé ! Un premier bilan sera fait d’ici au 25 novembre prochain, soit un an après la déclaration du Président de la République, mais je me tiens à votre entière disposition pour faire des points d’étape réguliers.

Quant au budget de mon secrétariat d’État, il a été augmenté et sanctuarisé sur la totalité du quinquennat. Je me tiens, là encore, à votre disposition, de même que mon cabinet, pour vous en donner les détails quand vous le souhaiterez.

Monsieur Jacques Bigot, sauf erreur de ma part, Mme la garde des sceaux a abordé ce sujet du tribunal criminel départemental lors de son intervention liminaire, hier, puis à de nombreuses autres reprises.

J’ai déjà été interpellée hier sur la forme et je vous ai déjà répondu : Mme la garde des sceaux et moi-même nous relayons dans ce débat pour parler au nom du Gouvernement. La question de savoir qui prend la parole et à quel moment n’est pas très intéressante. Peut-être pourrions-nous en revenir au fond… Je vous remercie cependant de vous préoccuper de mon temps de parole !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Les demandes de rapport sont souvent un terrible aveu d’impuissance de la part du Parlement. La preuve en est que le Gouvernement n’a aucune obligation constitutionnelle de remettre le rapport ! Ceux qui votent la demande de rapport le savent ; nous sommes là dans une sorte de théâtre d’ombres…

Le Parlement ne peut adresser d’injonction au Gouvernement ; si ce dernier ne remet pas le rapport, il n’y a pas de sanction, il ne fait que décevoir les auteurs de la demande. De notre côté, lorsque nous faisons la loi, nous cherchons habituellement à poser des règles, et non pas à commander des rapports, car nous voulons en général mener notre propre réflexion, afin de ne pas dépendre du Gouvernement pour savoir ce que nous avons à faire.

Pour ce qui me concerne, je suis contre cette demande de rapport, mais il m’est complètement égal que l’on vote ou non cet amendement, car c’est un vote nul et non avenu ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 17 rectifié
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Article 2 bis B (supprimé)

Article 2 bis A

(Non modifié)

Le k de l’article L. 114-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« k) Des actions de sensibilisation, de prévention et de formation concernant les violences, notamment sexuelles, à destination des professionnels et des personnes en situation de handicap. »

M. le président. L’amendement n° 101, présenté par MM. de Belenet, Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots:

et de leurs aidants

La parole est à M. Arnaud de Belenet.

M. Arnaud de Belenet. L’article 2 bis A prévoit de compléter le code de l’action sociale en ajoutant aux politiques de l’État, des collectivités territoriales et des organismes de protection sociale des actions de sensibilisation, de prévention et de formation concernant les violences exercées, en particulier, contre les personnes en situation de handicap.

J’ai rappelé lors de la discussion générale les statistiques absolument effrayantes en matière de violences, notamment sexuelles, exercées contre les personnes handicapées, en particulier mineures. L’amendement vise à ajouter à la liste des destinataires de ces formations les aidants des personnes handicapées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Mon cher collègue, nous partageons totalement votre préoccupation. La précision normative que vous proposez d’introduire est de nature à mieux sensibiliser les aidants des personnes en situation de handicap au risque de violences sexuelles et sexistes. La commission émet donc un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Il s’agit en effet d’un amendement très pertinent, qui rejoint une préoccupation majeure du Gouvernement. Il convient d’interpeller, de former et de sensibiliser les aidants à la lutte contre les violences sexuelles. C’est pour cette raison que le Gouvernement a lancé une campagne de communication à destination des témoins et des proches de victimes de violences sexistes et sexuelles. C’est particulièrement nécessaire s’agissant des personnes handicapées, qui ont parfois davantage de difficultés à comprendre ce qui leur arrive, à y réagir et à le verbaliser, et qui sont souvent moins crues par leur entourage. L’avis est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 101.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis A, modifié.

(Larticle 2 bis est adopté.)

Article 2 bis A (Texte non modifié par la commission)
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Article 2 bis C

Article 2 bis B

(Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 69 rectifié, présenté par MM. Poadja, Détraigne et Canevet et Mmes Goy-Chavent, Guidez, Tetuanui et Vullien, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en œuvre dans les territoires ultramarins des dispositifs de protection et d’accès au droit des victimes de violences conjugales.

La parole est à M. Gérard Poadja.

M. Gérard Poadja. Un rapport de mars 2017 du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, a révélé que les violences faites aux femmes sont plus nombreuses dans les outre-mer, et en particulier dans le Pacifique. En Nouvelle-Calédonie, les violences sont sept fois plus fréquentes qu’en métropole, et la cohabitation de deux statuts – statut de droit commun et statut de droit coutumier – rend encore plus difficile la lutte contre ces violences. Pourtant, certains dispositifs de protection des victimes et d’accès aux droits existant dans l’Hexagone ne sont pas accessibles aux Ultramarins.

Madame la secrétaire d’État, en mai dernier, en réponse à mon collègue député de Nouvelle-Calédonie Philippe Gomès, vous avez détaillé les mesures prévues pour les outre-mer. Or j’observe que ces mesures concernent assez peu le Pacifique, qui est pourtant particulièrement touché par ces violences.

L’accès des victimes aux dispositifs d’hébergement d’urgence et aux associations d’aide aux victimes est insuffisant. Il y a aussi un réel effort à faire pour améliorer l’accueil des victimes par la police, la gendarmerie, la justice et les structures médicales.

À l’Assemblée nationale, vous avez annoncé le déploiement de cinquante-cinq « téléphones grave danger » pour l’ensemble de l’outre-mer, mais nous ignorons les modalités de leur mise en œuvre en Nouvelle-Calédonie. Seront-elles bien prises en charge par l’État ? Quel sera le calendrier de mise en place de ce dispositif ?

Madame la secrétaire d’État, dans un entretien que vous avez accordé au journal Outremers 360 °, vous avez affirmé qu’il fallait suivre les recommandations du CESE, que cela ne coûterait pas très cher et pourrait être mis en place rapidement.

Dans la ligne de ces recommandations, il est indispensable de mettre en place une politique publique d’égalité entre les femmes qui vivent sur le territoire métropolitain et celles qui vivent dans l’ensemble des outre-mer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Mon cher collègue, votre analyse de la situation dans les outre-mer est objective et préoccupante. Toutefois, nous ne pensons pas que demander un rapport soit utile. Ce point pourrait néanmoins être étudié à l’occasion lors de l’examen par la commission des finances ou par la commission des lois du budget de l’outre-mer et de celui de la justice.

Nous pourrions aussi interroger le ministère de la justice sur ce point au moment de l’évaluation du budget de la justice, à l’automne prochain.

La commission demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Je me permets de rappeler, en préambule, que l’entretien que vous avez eu la gentillesse de citer, monsieur le sénateur, a eu lieu avant mon entrée en fonctions ; ces propos n’engagent donc que moi, pas le Gouvernement.

Sur le fond, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles est une priorité dans les outre-mer, comme le démontre le déploiement de l’enquête Virage dans ces territoires, décidé cette année avec ma collègue Annick Girardin, ministre des outre-mer.

Le 25 novembre dernier, le Président de la République a notamment annoncé l’objectif d’adapter nos politiques publiques à la réalité et aux spécificités de chaque territoire.

Les politiques publiques doivent donc être adaptées pour répondre aux besoins spécifiques des victimes. Le rapport du CESE sur les violences en outre-mer a permis de nourrir la réflexion du Gouvernement dans le cadre du travail conjoint que je mène avec Annick Girardin. Nous n’avons pas encore mis en œuvre l’intégralité des recommandations de ce rapport extrêmement pertinent. Au titre de celles que nous avons commencé à appliquer, je citerai la campagne de communication déployée en 2017 en Martinique, qui vise à prévenir et à dénoncer les violences psychologiques, la réflexion lancée sur place quant à l’opportunité de formaliser un observatoire de l’égalité dans ces territoires, la mise en place avec les partenaires associatifs et institutionnels de dispositifs qui permettent la prise en charge des victimes, notamment le transport d’urgence, l’intervention auprès des auteurs de violences, etc.

La répartition des « téléphones grave danger » outre-mer est la suivante : dix en Guadeloupe, dix en Martinique, quinze à La Réunion et vingt en Polynésie française. Monsieur le sénateur, nous devons effectivement faire en sorte qu’un plus grand nombre de ces téléphones soient mis à disposition et que leur attribution soit plus souple. Mon administration et les services de la Chancellerie mènent ce travail conjointement. Le ministère de la justice finance le dispositif à hauteur de 900 000 euros par an pour l’ensemble du territoire. Il s’agit de rendre plus souples l’attribution et le financement des téléphones, et plus lisibles les règles de leur attribution, afin de pouvoir en distribuer encore davantage, notamment dans les outre-mer.

La présence d’équipes territoriales aux droits des femmes dans chacun de ces territoires est aussi une clé de la réussite pour promouvoir ces politiques d’égalité entre les femmes et les hommes. Sept territoires d’outre-mer disposent à ce jour d’une directrice régionale ou d’une correspondante aux droits des femmes. Leur travail est très difficile, puisqu’elles sont éloignées géographiquement de l’administration centrale, et parfois un peu isolées, même si quelques élus, dont vous faites partie, monsieur le sénateur, et quelques institutions sont mobilisés à leurs côtés. Les territoires concernés sont la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie.

Par ailleurs, s’agissant des demandes de rapport, j’ai émis précédemment un avis de principe.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Monsieur Poadja, l’amendement n° 69 rectifié est-il maintenu ?

M. Gérard Poadja. Je souhaite appeler de nouveau l’attention sur les particularités des outre-mer, notamment de la Nouvelle-Calédonie. J’insiste sur le fait que, dans ce territoire, deux statuts cohabitent : celui de droit commun et celui de droit coutumier. La situation y est donc assez complexe. Cela étant dit, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 69 rectifié est retiré.

En conséquence, l’article 2 bis B demeure supprimé.

Article 2 bis B (supprimé)
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Article additionnel après l'article 2 bis C - Amendements n° 1 rectifié quater et n° 13 rectifié bis

Article 2 bis C

(Non modifié)

Le code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 223-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque le crime ou le délit contre l’intégrité corporelle de la personne mentionnée au premier alinéa est commis sur un mineur de quinze ans ou lorsque la personne en péril mentionnée au deuxième alinéa est un mineur de quinze ans. » ;

2° Après le premier alinéa de l’article 434-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le défaut d’information concerne une infraction mentionnée au premier alinéa commise sur un mineur de quinze ans, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. » – (Adopté.)

Article 2 bis C
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Article additionnel après l'article 2 bis C - Amendement n° 141

Articles additionnels après l’article 2 bis C

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 1 rectifié quater est présenté par MM. Milon, Lefèvre, Panunzi, Mouiller, Rapin, Savary et Cardoux, Mmes Imbert, Deseyne, Gruny, Lassarade et Lavarde, MM. Morisset et Chaize, Mme Puissat, MM. Sol et Bazin, Mmes Deroche et Estrosi Sassone, MM. Gilles, Cambon, Pierre, H. Leroy et Bouchet, Mme Micouleau, M. Kennel, Mme A.M. Bertrand, M. Bonne, Mmes L. Darcos et Malet, M. Savin, Mmes F. Gerbaud, Deromedi, Eustache-Brinio, Dumas et Procaccia, M. Laménie, Mme Garriaud-Maylam, M. Revet, Mmes Bonfanti-Dossat et de Cidrac, MM. Dufaut, Buffet, L. Hervé, Huré, Sido, Brisson et Paul et Mme Keller.

L’amendement n° 13 rectifié bis est présenté par Mme Meunier, MM. Roger, Bérit-Débat et Iacovelli, Mme Jasmin, MM. Courteau, Duran et Mazuir, Mmes Conway-Mouret, Ghali, M. Filleul et Lienemann, MM. Vaugrenard, Antiste et Daudigny, Mmes Tocqueville, Blondin, Préville, Bonnefoy et Van Heghe, M. Lalande, Mme Guillemot, MM. P. Joly et Madrelle, Mme S. Robert, M. Manable et Mmes Féret, Lepage et Perol-Dumont.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2 bis C

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les 1° à 3° de l’article 226-14 du code pénal sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :

« 1° Dans les cas où la loi impose d’alerter le procureur de la République :

« Tout professionnel désigné au présent alinéa qui, dans l’exercice de ses fonctions, suspecte des violences physiques, psychologiques ou sexuelles de toute nature, y compris les mutilations sexuelles à l’encontre d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ou d’un état de grossesse, est tenu, sans avoir à recueillir l’accord de quiconque, d’en informer sans délai le procureur de la République. Les professionnels désignés pour une obligation de signaler au procureur de la République sont tous les médecins ;

« 2° Dans les cas où la loi autorise d’alerter les autorités compétentes :

« Tout autre professionnel ou toute personne qui suspecte ou acquiert la connaissance de violences physiques, psychologiques ou sexuelles de toute nature, y compris les mutilations sexuelles, à l’encontre d’un mineur, d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ou d’un état de grossesse, ou d’un adulte, informe sans délai le procureur de la République. Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ou d’un état de grossesse, l’auteur du signalement n’a pas à recueillir l’accord de quiconque ;

« 3° A tout professionnel ou toute personne qui suspecte ou acquiert la connaissance qu’un mineur est en danger ou qui risque de l’être. Il informe sans délai la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, des informations préoccupantes définies par le décret n° 2013-994 du 7 novembre 2013 organisant la transmission d’informations entre départements en application de l’article L. 221–3 du code de l’action sociale et des familles. »

La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié quater.