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Dossier législatif : projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017
Article liminaire

Orientation des finances publiques et règlement du budget et approbation des comptes de l’année 2017

Débat puis adoption d’un projet de loi

 
 
 

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur l’orientation des finances publiques et la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017 (projet n° 595, rapport n° 628).

La conférence des présidents a décidé de joindre la discussion générale de ce projet de loi au débat sur l’orientation des finances publiques.

Dans le débat commun, la parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics. (M. Alain Richard applaudit.)

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. Merci pour ces applaudissements nourris ! (Sourires et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs généraux, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen du projet de loi de règlement est au cœur du contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement, mais le débat sur l’orientation budgétaire est également un grand moment.

Je suis venu présenter devant votre commission des finances le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017 le jour même de son passage en conseil des ministres.

Vous savez combien le Gouvernement, notamment Bercy, souhaite renforcer le contrôle parlementaire sur l’exécution du budget et permettre aux assemblées de débattre des politiques publiques mises en œuvre.

Le fait que le Sénat, contrairement à l’Assemblée nationale, débatte en même temps de l’orientation des finances publiques permet l’articulation entre le passé et l’avenir, car c’est bien en partant de l’analyse de l’exécution budgétaire, en vérifiant si le Gouvernement a présenté les comptes de manière sincère et si les politiques publiques ont bien été menées, que l’on peut envisager le futur. Il s’agit de tirer les conséquences des résultats observés d’une année sur l’autre. L’an dernier, le Sénat a ainsi refusé d’examiner le projet de loi de finances présenté par mon prédécesseur, jugeant qu’il était insincère.

De ce point de vue, je souhaite saluer les travaux menés par la commission des finances et la commission des affaires sociales du Sénat sur la base des rapports transmis par la Cour des comptes en application de l’article 58, alinéa 2, de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Elles ont également procédé à de nombreuses auditions de ministres et de responsables de programme. En somme, c’est à un véritable « semestre d’évaluation », d’une ampleur peut-être un peu plus grande encore que celle du « printemps de l’évaluation » de l’Assemblée nationale, que vous vous êtes livrés. C’est une façon efficace de mesurer les résultats obtenus par le Gouvernement. Je puis vous assurer, messieurs les rapporteurs généraux, que je prends en compte les conclusions des travaux de vos commissions pour élaborer le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La révision constitutionnelle et les lois organiques qui en découleront permettront sans doute d’améliorer le travail parlementaire et le contrôle de l’exécution des crédits. Monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, j’ai bien noté votre souhait de pouvoir m’auditionner au titre des rapports entre l’État et la sécurité sociale, notamment pour échanger sur les questions financières.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous ferons une audition conjointe !

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est encore mieux !

Des arbitrages ont encore été rendus très récemment par le Gouvernement. Le rapport que nous vous devons a pris du retard, mais il s’agit d’une question essentielle pour l’avenir de la programmation des finances publiques. Cela nous permettra, je l’espère, d’avoir une discussion très importante sur les deux textes financiers et l’équilibre de nos comptes publics d’ici à la fin du mois de juillet.

J’en viens au contenu du projet de loi de règlement, c’est-à-dire aux résultats que nous avons obtenus malgré la situation financière dégradée dont nous avons hérité.

M. Claude Raynal. Ça commence bien ! (Sourires.)

M. Gérald Darmanin, ministre. Si je ne le dis pas, ce n’est pas vous qui le direz, monsieur le sénateur !

En dépit des impasses de financement, évaluées à plus de 8 milliards d’euros par la Cour des comptes, auxquelles nous avons dû faire face, nous avons obtenu deux résultats incontestables, et d’ailleurs incontestés : d’une part, la situation de nos finances publiques s’est améliorée d’exécution à exécution ; d’autre part, les objectifs assignés par le législateur ont été atteints.

Le projet de loi de finances que Bruno Le Maire et moi-même avons présenté a montré la sincérité des inscriptions budgétaires. Chacun peut le vérifier, l’audition du Premier président de la Cour des comptes devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, en particulier, ayant été publique. La diminution du gel budgétaire de 8 % à 3 %, qui est une bonne mesure de gestion, témoigne qu’aucune dérive budgétaire pour aucun programme n’est à déplorer cette année. Cela vaut en particulier pour les opérations extérieures ; ce point mérite d’être souligné. En outre, même si les demandes peuvent être nombreuses, aucune mesure de dégel n’a été prise par le ministère de l’action et des comptes publics. Je rappelle, notamment à ceux d’entre vous qui souhaiteraient contester la bonne gestion du Gouvernement, que, l’an dernier, mon prédécesseur avait dégelé certains crédits dès la première semaine de janvier…

Indépendamment des discussions que nous pouvons avoir sur le fond de la politique menée, les faits montrent donc que le Gouvernement est respectueux des inscriptions budgétaires du Parlement et soucieux de la sincérité des chiffres qu’il présente.

En 2017, le déficit public a été réduit de 0,8 point de PIB, pour atteindre 2,6 %, contre 3,4 % en 2016. De même, le solde budgétaire de l’État s’est amélioré de 1,4 milliard d’euros par rapport à 2016, atteignant son niveau le plus bas depuis 2008. Certes, il ne faut pas pour autant crier victoire, car la situation de nos comptes publics reste difficile, mais le déficit public est moins élevé que ce qui était prévu en loi de finances initiale et inférieur à la prévision présentée par le Gouvernement au mois de décembre 2017.

Ces résultats, rien ne les garantissait à notre arrivée aux responsabilités. En effet, nos objectifs en matière de finances publiques n’ont été atteints, et même dépassés, qu’à la faveur de la reprise en main des comptes publics par la nouvelle majorité. Je le souligne, les seules bonnes nouvelles fiscales n’auraient pas suffi à ramener le déficit public à 3 %. Eu égard aux 8 milliards d’euros de dérive budgétaire, soit 0,4 point de déficit, que nous avons été amenés à constater, si nous n’avions pas pris les mesures de redressement de la dépense que certains ont contestées, notre déficit public serait aujourd’hui encore supérieur à 3 % du PIB, malgré le bon niveau des recettes fiscales.

Certains jugeront peut-être que ce n’est pas là un objectif politique.

M. Gérald Darmanin, ministre. Nous en débattrons sans doute avec ceux qui prônent une autre approche, évidemment respectable.

M. Pascal Savoldelli. Merci, c’est sympa…

M. Gérald Darmanin, ministre. Quoi qu’il en soit, sans les mesures que je viens de rappeler, nous n’aurions pas atteint les objectifs assignés, en matière de finances publiques, par l’Union européenne, la Cour des comptes et les commissions des finances des assemblées parlementaires.

En dépit de ces résultats, les comptes de 2017 montrent toutefois que la situation de nos finances publiques reste durablement dégradée. Tout n’a pas été réglé en un an !

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons avoir collectivement conscience que ces bons résultats ne sont qu’une étape sur la voie de l’équilibre budgétaire. Je le rappelle, depuis plus de quarante ans, notre pays dépense bien plus qu’il ne produit.

En effet, l’assainissement de nos comptes est encore un objectif lointain. Surtout, nous ne l’atteindrons qu’en mobilisant tous les acteurs de la dépense publique : en premier lieu l’État, dont les efforts doivent être plus importants, la sécurité sociale – nous y reviendrons – et les collectivités territoriales, qui représentent 20 % des dépenses publiques.

J’entends parfois parler d’excédents, en particulier d’excédents sociaux. Mais de quels excédents peut-il s’agir quand la dette de notre pays est supérieure à 2 200 milliards d’euros ? Cette situation a une conséquence concrète, sur laquelle je souhaite attirer votre attention : malgré une nette réduction du déficit budgétaire, en 2017 le refinancement du stock de notre dette a nécessité l’émission de 185 milliards d’euros de titres sur les marchés financiers, alors que les taux d’intérêt ont tendance à remonter sérieusement.

Les patriotes doivent s’interroger : quelles peuvent être les marges de manœuvre de la France dans ses relations avec ses partenaires lorsque la dette appartient pour plus des tiers à des non-nationaux ? À ceux qui arguent que la dette d’un grand pays capitaliste comme le Japon dépasse les 200 % du PIB, je réponds que la quasi-totalité de cette dette est détenue par des nationaux. La situation du Japon n’a donc rien à voir avec la nôtre.

Du strict point de vue de l’État, j’ai eu l’occasion de le reconnaître : en dépit de nos efforts, les dépenses ont continué à progresser trop rapidement en 2017, sous l’effet, presque exclusivement, d’une augmentation immodérée de la masse salariale décidée par le précédent gouvernement. Au total, les dépenses des ministères, après rectification des comptes présentés par l’ancien gouvernement, auront augmenté de 4 % en 2017, soit le taux record de ces dix dernières années.

Enfin, la situation patrimoniale de l’État suffit à démontrer que le plus dur reste à faire. De ce point de vue, l’examen du projet de loi de règlement est l’occasion de rappeler les éléments de bilan de comptabilité de l’État.

Premièrement, la situation nette de l’État est de moins 1 260 milliards d’euros. Nous savons que la comptabilité de l’État ne peut se comparer à celle des entreprises, ni d’ailleurs tout à fait à celle des collectivités, qui sont soumises à une règle d’or, mais cette situation signifie néanmoins que nous continuons à nous endetter, marginalement pour investir et majoritairement pour couvrir des dépenses courantes. Il ne s’agit donc pas d’un bon endettement.

Deuxièmement, le résultat patrimonial, c’est-à-dire la différence entre les produits et les charges, est négatif à hauteur de 61 milliards d’euros.

Troisièmement, les engagements hors bilan de l’État, c’est-à-dire ceux qu’il peut être amené à honorer, s’élèvent à 2 212 milliards d’euros.

Quatrièmement, l’encours de la dette est de 1 710 milliards d’euros, en augmentation de près de 64 milliards d’euros par rapport à 2016.

Ces chiffres ont tendance à se réduire, mais ils demeurent très importants. J’attends donc avec grand intérêt les propositions des sénateurs patriotes qui ont pu avoir une influence sur le budget de la Nation via la programmation des finances publiques de l’année dernière.

Monsieur le rapporteur général, j’avoue avoir été un peu échaudé par le débat à l’Assemblée nationale de ce matin. Les députés de votre famille politique n’ont eu de cesse de nous dire qu’il fallait réduire la dépense publique, mais sans préciser sur quels postes ! Que la représentation nationale n’hésite pas à formuler ses propositions en matière de réduction des dépenses publiques, puisque nous sommes en train de bâtir le budget.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il faut supprimer les ARS !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis certain que cette proposition fera florès dans tous les territoires de la République et sera défendue avec enthousiasme par votre parti politique ! (Sourires sur les travées du groupe La République En Marche.) J’ai noté que Mme Pécresse, M. Peltier et M. Bocquet se retrouvaient désormais sur le même programme politique : augmenter le SMIC de 20 %. (M. Éric Bocquet sourit.)

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas exactement ça…

M. Gérald Darmanin, ministre. Je constate que Les Républicains ont largement fait évoluer leur logiciel économique ! Je serais d’ailleurs curieux de savoir si la majorité sénatoriale défend aussi cette idée d’augmenter le SMIC de 20 %.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le débat d’aujourd’hui porte sur vos orientations, pas sur les nôtres !

M. Gérald Darmanin, ministre. Dans ce contexte, quelles options le Gouvernement pouvait-il retenir dans ce débat sur l’orientation des finances publiques ?

Je voudrais d’abord dire avec la plus grande fermeté que nous maintiendrons le principe de sincérité budgétaire. Nous inscrirons des crédits correspondant exactement aux prévisions de dépenses, cette sincérité valant notamment pour les opérations extérieures. La loi de programmation militaire sera d’ailleurs bientôt promulguée par le Président de la République.

Par ailleurs, nous ne révisons pas nos prévisions macroéconomiques et nous ne changeons donc pas de trajectoire. Nous souhaitons continuer à diminuer les dépenses publiques, à faire moins de déficit, et donc moins de dette, afin de pouvoir réduire les prélèvements obligatoires.

L’an dernier, l’augmentation de la dépense publique a atteint 1,5 % du PIB. Cette année, elle s’établira à 0,8 %, peut-être même à 0,7 %, et nous nous engageons à la ramener à 0,4 % en 2019, toutes administrations publiques confondues, conformément à la volonté qui est la nôtre de baisser la dépense publique et d’accompagner la diminution de la dette, même si l’on peut craindre une requalification de la dette de la SNCF.

Comme vous aurez pu le constater à la lecture des documents qui vous ont été communiqués, à 500 millions d’euros près, nous tenons les plafonds fixés dans la loi de programmation des finances publiques par la majorité de l’Assemblée nationale. La construction budgétaire s’appuie sur la sincérité de la loi de programmation des finances publiques et du programme de stabilité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je serai très heureux de clore notre été studieux et ensoleillé en écoutant les propositions toujours sages de la majorité sénatoriale ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. Alain Richard. Et celles des autres groupes !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de pouvoir faire avec vous un point d’étape sur notre politique en matière de finances publiques, afin de nous projeter vers les défis qui restent à relever.

La croissance s’est révélée encore meilleure en 2017 que prévu. Le nombre d’investissements étrangers en France a atteint son plus haut niveau depuis dix ans. C’est le signe que la France est de retour.

M. Éric Bocquet. France is back !

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat. Nous avons lancé de grands chantiers de transformation de notre économie, tout en nous attaquant résolument à la dette et au déficit. La France est enfin sortie de la procédure pour déficit public excessif, dans laquelle elle était engluée depuis dix ans. C’est une étape majeure dans le rétablissement de la confiance envers la France.

La réduction des déficits et de la dette est une absolue nécessité pour restaurer nos marges de manœuvre en cas de coup dur, d’une part, et au regard de l’héritage que nous laisserons à nos enfants, d’autre part. Elle est aussi nécessaire pour reconquérir une crédibilité auprès de nos partenaires européens, qui attendent – et c’est bien normal – des preuves tangibles de nos efforts.

Cette crédibilité retrouvée est précieuse pour nous permettre de jouer en Europe un rôle d’impulsion et d’orientation sur les enjeux majeurs. Sans respect de nos engagements, nous n’aurions certainement pas pu avancer sur la zone euro, ni aboutir à une feuille de route globale franco-allemande.

Pour compléter la présentation faite par le ministre de l’action et des comptes publics de nos priorités en matière de finances publiques, je souhaite dire quelques mots des perspectives macroéconomiques de la France. Elles sont bonnes et doivent nous inciter à tenir le cap. L’économie française connaît une vraie dynamique de reprise depuis l’année dernière. La croissance a nettement accéléré, pour atteindre 2,3 % en 2017, alors qu’elle était proche de 1 % les années précédentes. Selon le scénario du programme de stabilité d’avril 2018, que nous reprenons, le dynamisme de l’activité se confirmerait, avec une croissance proche de 2 % en 2018 et en 2019. La croissance devrait être soutenue notamment par un environnement international qui reste porteur malgré les risques géopolitiques que nous connaissons tous, par l’investissement des entreprises et par des créations d’emplois toujours dynamiques dans le secteur marchand.

Les données conjoncturelles publiées depuis l’élaboration du programme de stabilité font cependant état de signaux en léger repli. Cependant, elles n’appellent pas à ce stade de révision de notre scénario. Le ralentissement observé au premier trimestre est le contrecoup d’une année 2017 très dynamique. Les résultats des enquêtes de conjoncture se stabilisent à des niveaux élevés et suggèrent que l’activité sera toujours soutenue en 2018.

Nous verrons, lors de la préparation du projet de loi de finances, s’il y a lieu de réexaminer nos hypothèses de croissance au regard des nouvelles informations qui seront disponibles à cette date. Je pense notamment au chiffre de la croissance au deuxième trimestre 2018, qui sera publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, le 27 juillet prochain.

Pour 2018, nous prévoyons 200 000 créations d’emplois dans le secteur marchand, après 350 000 en 2017. La situation des entreprises s’améliore, et leur investissement restera particulièrement dynamique, avec une croissance estimée à 4,4 %.

La consommation des ménages bénéficiera au second semestre de baisses de prélèvements obligatoires importantes, avec la première tranche de la suppression de la taxe d’habitation, la baisse des cotisations sociales ou la revalorisation du minimum vieillesse et de l’allocation adultes handicapés. Ces mesures viendront soutenir la consommation des ménages en fin d’année. Le pouvoir d’achat devrait donc continuer à croître en 2018.

Ces perspectives positives ne doivent pas nous inciter à relâcher les efforts ou ralentir la transformation de notre économie. En effet, le diagnostic est sans appel : aujourd’hui, malgré les progrès déjà réalisés, notre économie souffre de plusieurs maux, et nous avons encore de larges marges de progrès.

C’est le cas en matière de compétitivité : un regard sur nos performances à l’export suffit à s’en persuader. C’est vrai aussi en matière de productivité : notre économie doit moderniser ses capacités productives, accroître son effort en matière d’investissement et d’innovation. En matière d’emploi, il est grand temps que le chômage de masse, qui touche encore près de 9 % de nos concitoyens, reflue vraiment.

Notre réponse, c’est une vraie transformation structurelle de notre économie, en trois volets.

Le premier consiste à libérer le plein potentiel de notre économie pour déverrouiller la croissance et l’emploi. Pour cela, nous avons entamé une profonde réforme du marché du travail, notre philosophie étant d’accorder une place centrale à la négociation collective et de permettre aux entreprises d’embaucher en toute sécurité. Cette souplesse va de pair avec la sécurisation des parcours professionnels, les réformes de la formation professionnelle et de l’assurance chômage.

Par ailleurs, nous favorisons l’investissement, car c’est en investissant que nous voulons restaurer notre compétitivité. Au travers du budget pour 2018, nous avons engagé une vraie révolution fiscale. L’objectif est d’alléger et de simplifier la fiscalité sur le capital, afin que nos entreprises se financent mieux et plus facilement, et soient donc plus solides.

Nous poursuivrons ce mouvement avec la loi PACTE relative au plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, qui doit soutenir l’initiative productive, l’audace d’entreprendre et libérer la capacité de nos PME à grandir, à innover, à se numériser et à exporter.

Le deuxième volet de cette grande transformation est celui de la préparation de l’avenir. Dans chaque secteur-clé de l’économie, nous entendons combiner réformes structurelles et politique ambitieuse d’investissement.

Nous créons un fonds de 10 milliards d’euros pour l’innovation de rupture et le développement de notre stratégie pour l’intelligence artificielle. Nous investissons massivement dans l’éducation, l’apprentissage et la formation professionnelle.

Le troisième volet a trait au renforcement de notre modèle social. L’instauration du reste à charge zéro dans le système de santé, l’égalité entre les femmes et les hommes, la réforme des retraites, l’attention portée à la cohésion territoriale sont des priorités clés qui vont dans le sens d’un modèle plus juste.

Avec la loi PACTE, nous allons aussi poser les fondements d’une confiance retrouvée avec l’entreprise. Nous encourageons le développement de l’intéressement et de la participation, pour permettre aux salariés d’être mieux récompensés pour la réussite de leur entreprise.

Nous sommes convaincus que notre capacité à réformer repose sur notre capacité à restaurer l’équilibre de nos finances publiques.

Dans un pays où la dépense publique représente 56 % de la richesse nationale, la transformation de notre modèle économique et social passe nécessairement par une transformation de nos services publics.

Notre cap est clair : améliorer l’efficience de nos services publics et ainsi mieux maîtriser les dépenses ; baisser les impôts pour redonner des marges de manœuvre aux entreprises et aux ménages ; réduire sensiblement la dette pour réduire notre vulnérabilité en cas de crise et les charges pesant sur les générations futures.

En 2017, le déficit s’est établi à 2,6 % du PIB. En 2018, il sera de 2,3 %. Nous diminuerons les prélèvements obligatoires et la dépense publique, une dépense publique que l’on a trop souvent utilisée comme une solution miracle à tous les problèmes économiques et sociaux, sans traiter les causes profondes.

Enfin, nous réduirons la dette. C’est indispensable pour faire baisser le service de la dette, qui est de l’argent public jeté par les fenêtres, et pour nous protéger contre une remontée des taux. Une hausse d’un point des taux d’intérêt aujourd’hui entraînerait 2 milliards d’euros de dépenses supplémentaires dès cette année, et près de 16 milliards d’euros en 2025 !

Être attentifs, actifs, extrêmement sérieux en matière de finances publiques : tel est notre cap pour le quinquennat. Ce cap sera tenu !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Madame la secrétaire d’État, j’aimerais partager votre optimisme.

M. Roger Karoutchi. Nous aimerions tous !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En 2018, on va diminuer la dette, réduire la dépense publique : nous ne pouvons que souscrire à un tel objectif, mais, malheureusement, dans les documents quelque peu lacunaires qui nous ont été transmis, nous ne trouvons pas, à ce stade, la traduction concrète de ce que vous venez d’annoncer.

Cet après-midi, nous allons nous pencher à la fois sur le passé, avec l’exécution de l’année 2017 et une loi de règlement un peu bancale, et sur l’avenir, en débattant de l’orientation de nos finances publiques pour 2019 et les années suivantes.

À année atypique – l’année 2017 fut une année d’élections –, situation atypique : le projet de loi de règlement que nous examinons porte sur la gestion à la fois de la majorité précédente, qui sera défendue dans quelques instants par Claude Raynal,…

M. Claude Raynal. Avec plaisir ! (Sourires.)

M. Gérald Darmanin, ministre. La parole est à la défense !

M. Jean-François Husson. L’avocat du passé !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … et sur celle du Gouvernement actuel.

L’exercice apparaît d’autant plus inhabituel que le contexte macroéconomique a profondément évolué en cours d’année : l’embellie conjoncturelle a facilité la tâche de la nouvelle majorité.

M. Claude Raynal. Largement !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les chiffres ont été rappelés. L’économie française a connu une forte accélération en 2017, le taux de croissance du PIB ayant atteint 2,2 % en volume. Sans doute s’agit-il là d’une croissance de « rattrapage ». La question de l’épuisement de son potentiel et de l’atterrissage est posée.

La France est enfin parvenue à respecter l’un de ses engagements européens, en ramenant son déficit en deçà du seuil de 3 % du PIB. Si l’on ne peut évidemment que s’en féliciter, il convient néanmoins de noter que l’amélioration de 0,8 point par rapport à 2016 tient essentiellement à la hausse de la part des recettes publiques dans le PIB, du fait de la forte élasticité des prélèvements obligatoires.

M. Gérald Darmanin, ministre. Seulement à hauteur de la moitié !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est déjà beaucoup !

Sans ces « bonnes nouvelles » en recettes, le déficit nominal serait resté supérieur à 3 % du PIB. Le déficit structurel se serait même creusé de 0,1 point de PIB potentiel, sous l’effet du relâchement de la maîtrise de la dépense publique. (M. le ministre le conteste.)

Ce relâchement est incontestable, monsieur le ministre : la croissance en volume de la dépense publique a été deux fois plus rapide en 2017 que sur la période 2010-2016. Certes, vous avez largement hérité des décisions du précédent gouvernement ; il s’agissait d’une année préélectorale… Mais, même s’il y a eu un décret d’avance, vous avez choisi de ne pas présenter de projet de loi de finances rectificative. Vous n’avez donc pas procédé à de réels infléchissements une fois aux commandes.

Il est un constat extrêmement inquiétant : la France est le seul grand pays de la zone euro dont l’endettement continue de croître. Tous les pays, y compris ceux d’Europe du Sud, se désendettent, sauf la France ! Notre endettement atteint aujourd’hui 96,8 % du PIB.

L’in constate aussi des trajectoires contrastées entre les sous-secteurs de l’administration publique. En effet, si les administrations publiques locales et les administrations sociales enregistrent un solde positif, l’État reste très fortement déficitaire, à hauteur de près de 60 milliards d’euros.

Certes, le déficit de l’État s’est réduit de 1,4 milliard d’euros, mais ce ne sont pas uniquement les efforts de maîtrise de la dépense qui l’expliquent : au contraire, plus de 9 milliards d’euros de dépenses supplémentaires ont été enregistrés. L’amélioration du solde budgétaire provient donc essentiellement de l’élasticité des recettes, ainsi que de la diminution des prélèvements sur recettes destinés à l’Union européenne et de mesures de périmètre.

Le budget exécuté s’est assez sensiblement éloigné des plafonds fixés par la loi de finances initiale, puisque les dépenses de l’État ont dépassé la dotation initiale de 4,2 milliards d’euros.