M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. L’avis est défavorable, car, là encore, ces amendements dévoient l’esprit dans lequel nous construisons le système de santé de demain. Nous souhaitons que les professionnels s’inscrivent dans un cadre donné, notamment les CPTS, qui constitueront des communautés de professionnels ayant une responsabilité territoriale.

Les CPTS seront financées sur la base d’un cahier des charges, au travers duquel nous allons leur demander d’assurer à chaque citoyen un médecin traitant, de proposer une permanence des soins non programmés et de réaliser différentes missions, par exemple des missions de prévention.

Un financement soumis au respect d’un cahier des charges, tel est le cadre que nous souhaitons promouvoir. C’est donc clairement une organisation territoriale, imposant une responsabilité supplémentaire aux médecins. Celle-ci se situe au-delà de la responsabilité individuelle d’un médecin vis-à-vis de sa patientèle ; il s’agit d’une responsabilité, assumée collectivement par des professionnels, consistant à bien couvrir un territoire et s’assurer que la population reçoit le service qu’elle est en droit d’attendre.

La formule « prise en charge coordonnée » serait un recul, car un médecin qui se coordonnerait avec une infirmière et un kiné pourrait bénéficier de cette rémunération de l’assistant médical. Ce n’est pas ainsi que nous voyons les choses ! Nous souhaitons réellement favoriser des coordinations structurées et à l’échelle des bassins de vie. Je suis opposée à ce changement sémantique, car, derrière, c’est un véritable changement structurel que vous feriez vivre à la réforme que je souhaite mener.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 193 rectifié et 593 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 71 rectifié, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

3° L’article L. 162-16-1 est ainsi modifié :

a) Le début du quinzième alinéa est ainsi rédigé :

« 12° Des mesures…(le reste sans changement) » ;

b) Après le quinzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 13° Les conditions de modulation de la rémunération des pharmaciens en fonction de leur participation à un cadre d’exercice coordonné. »

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Deroche, rapporteur. Cet amendement vise à compléter les conventions passées avec l’ensemble des professionnels de santé, en étendant le dispositif aux pharmaciens, dans la mesure où ceux-ci ont toute leur place dans l’exercice coordonné des soins de ville.

Cela étant, je rectifie l’amendement pour tenir compte des deux amendements identiques que nous venons d’adopter. Il faut remplacer le terme « modulation » par « majoration » et l’expression « cadre d’exercice coordonné » par « prise en charge coordonnée ».

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 71 rectifié bis, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

3° L’article L. 162-16-1 est ainsi modifié :

a) Le début du quinzième alinéa est ainsi rédigé :

« 12° Des mesures…(le reste sans changement) » ;

b) Après le quinzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 13° Les conditions de majoration de la rémunération des pharmaciens en fonction de leur participation à une prise en charge coordonnée. »

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Nous n’avons jamais pensé exclure les pharmaciens d’officine de la participation à un cadre d’exercice coordonné, qui concerne la totalité des professionnels de santé. Je suis donc favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 71 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’article.

Mme Laurence Cohen. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, madame la ministre, mes chers collègues, mais notre groupe n’a pas présenté d’amendement de suppression ou de réécriture de cet article. Nous trouvons effectivement la mesure intéressante, même si des flous demeurent. Le débat a permis de lever certaines incertitudes, mais il en reste encore un nombre certain.

Je regrette que cette proposition soit venue par voie d’amendement à l’Assemblée nationale. Il aurait été préférable d’anticiper un peu afin de permettre une discussion plus approfondie.

Parmi les incertitudes, outre les points soulignés par mes collègues, le fait qu’on demande au dispositif de participer à l’accroissement du nombre de patients pris en charge demeure tout de même extrêmement vague… Que signifie « plus de patients » ? Dans quel contexte ?

Il s’agit donc d’une mesure intéressante, qui a besoin d’être précisée. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur cet article.

M. le président. Je mets aux voix l’article 29 quater, modifié.

(Larticle 29 quater est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion des articles du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Article 29 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019
Article 29 sexies (nouveau)

Article 29 quinquies (nouveau)

À titre expérimental, pour une durée de trois ans et sur autorisation de l’État, la réorientation d’un patient effectuée par un service ou une unité d’accueil et de traitement des urgences peut donner lieu à la facturation, par certains établissements de santé mentionnés à l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, d’une prestation d’hospitalisation mentionnée au 1° du même article L. 162-22-6.

Par dérogation à l’article L. 160-13 du même code, la prestation mentionnée au présent article est intégralement prise en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie pendant une durée de trois ans à compter du début de l’expérimentation. Un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation, notamment les conditions de désignation des établissements retenus pour y participer ainsi que ses conditions d’évaluation en vue d’une éventuelle généralisation.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. Je veux dire d’emblée notre opposition à cet article introduit sur proposition du rapporteur à l’Assemblée nationale. Je tiens d’autant plus à le dire – c’est là ma petite particularité sur cet article – que, l’an dernier, j’ai été rapporteur, avec mon collègue René-Paul Savary et notre ancienne collègue Catherine Génisson, d’une mission d’information sur les urgences hospitalières et que cette disposition faisait partie de nos recommandations.

Alors pourquoi, me direz-vous, rejeter un an après cette disposition ? Tout simplement, parce que, d’une part, telle qu’elle est proposée par le rapporteur Véran, elle est sortie de son contexte – il faut la mettre en regard avec les dix-neuf autres propositions – et, que, d’autre part, l’article 29 quinquies ne reprend qu’une partie de ce qui figure dans notre rapport, comme l’a tout à fait bien exprimé la rapporteur Catherine Deroche. Je la cite : « Cet article tel que rédigé repose sur la reprise d’un seul des trois éléments constitutifs de la recommandation de la mission, qui avait été conçue comme un tout. Le choix du seul forfait de réorientation, qui fait l’économie d’une réflexion plus générale sur le mode de financement des urgences, ne saurait constituer qu’une solution de “bricolage” transitoire venant complexifier encore la tuyauterie du financement des services d’urgences, sans y apporter de solution de redressement pérenne. »

Je rappelle que cette proposition n° 1 envisageait la conservation d’un financement mixte incluant une part de financement à l’activité et une part forfaitaire, la modulation du montant du financement à l’activité en fonction de la gravité des pathologies et de la technicité des actes réalisés et, enfin, la création d’un forfait de réorientation visant à inciter les services à réadresser les patients ne nécessitant pas de prise en charge hospitalière vers les acteurs de ville de la prise en charge en urgence.

Il est impossible de soutenir la proposition du député Véran, tant elle contrevient à l’esprit même du serment d’Hippocrate. Comment ignorer que beaucoup de patients se rendent aux urgences, car ils n’ont pas d’autre solution médicale ? Comment ignorer les difficultés financières de nombre d’entre eux, ce qui entraîne un accroissement du nombre de renoncements aux soins ?

L’accueil de chaque patient faisant partie intégrante des missions des hôpitaux, il est irresponsable de prendre le risque de renvoyer un patient vers un médecin de ville qu’il ne trouvera sans doute pas en temps voulu, faute d’effectif, faute de place.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demanderons la suppression de l’article 29 quinquies.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Pour appuyer les propos de ma collègue Laurence Cohen, je souhaiterais vous parler d’un bassin de vie qui rassemble 700 000 personnes à une heure de Paris.

Dans le département du Pas-de-Calais, ce que nous appelons le bassin minier est en souffrance sur bien des points. En termes de santé, la situation sanitaire y est révoltante.

On meurt plus à Lens qu’ailleurs. La surmortalité ou mortalité évitable y est de 76 % supérieure à la moyenne nationale. Les causes de cette hécatombe sont multiples : on pourra citer les addictions pour se donner bonne conscience, mais la prévention y est très en retard, notamment en ce qui concerne les dépistages des cancers. Le peu de médecins, la saturation des hôpitaux, la situation sociale dégradée de la population sont surtout à mettre en cause.

Cet article propose de réorienter les patients accueillis aux urgences vers la médecine de ville en fonction de leur pathologie. Mais si la médecine de ville était suffisante, les patients n’iraient pas s’entasser parfois plus de vingt-quatre heures aux urgences !

À Lens, l’hiver dernier, la combinaison gel plus grippe a complètement saturé les urgences, les soignants étant obligés de planter des clous dans les couloirs pour suspendre les perfusions. Les personnels sont exténués.

Le non-recours aux soins devient la règle. Des personnes âgées préfèrent rester chez elles plutôt que de se laisser transférer à l’hôpital et ne se soignent donc pas du tout.

Les services du SMUR ont été complètement déshabillés limitant la possibilité d’intervention, à tel point que, lorsque vous êtes venue la semaine dernière, madame la ministre, vous avez insisté sur l’urgence de rouvrir la deuxième équipe du SMUR, malheureusement fermée la nuit depuis un certain temps. Le vrai problème des urgences et des hôpitaux, c’est davantage le sous-investissement que la réorientation.

À l’occasion de votre déplacement, vous avez évoqué le nouvel hôpital avec les élus de notre territoire. M. le préfet a signé le permis de construire. Cet équipement, je le rappelle, est vital pour notre territoire, même s’il ne sera pas suffisant.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.

M. Bernard Jomier. Je ne ferai pas injure à l’auteur de cette proposition de ne pas y avoir réfléchi.

Le problème de l’engorgement des urgences est ancien et appelle des solutions qui ne sont pas simples, sinon cela fait longtemps qu’il aurait été réglé. De plus, il relève de plusieurs niveaux.

Il y a bien sûr la question, intrinsèque à l’hôpital, des moyens, mais ce n’est pas suffisant. Quand on regarde les urgences d’un hôpital, on s’aperçoit qu’elles servent aussi à régler des questions sociales ou sociétales, qui devraient être prises en charge d’une autre façon.

Il y a aussi la question de l’aval. Je me rappelle que le rapport du professeur Carli préconisait de désengorger l’aval des urgences pour que la situation s’améliore.

Il y a en outre la question de l’amont, qui est fondamentale. Depuis quinze ou vingt ans des mesures ont été prises, telles que la fin de l’obligation déontologique de garde des médecins, dont je ne dis pas qu’il faut revenir dessus, qui sont le point de départ du désengagement de la médecine de ville et de la médecine ambulatoire de la prise en charge des soins non programmés. Il faut absolument mettre l’accent sur ces solutions en amont.

Ce qui m’inquiète dans cette mesure, c’est qu’elle semble être le reflet d’une attitude qui consiste à baisser les bras : Olivier Véran a inventé la tarification à l’inactivité ! C’est stupéfiant ! Si une telle mesure produisait des résultats, je ferai un effort philosophique pour m’y rallier, mais il n’y a pas grand-chose à attendre de ce forfait de réorientation des urgences : il ne réglera rien du tout. Cela me pose un vrai problème, parce que c’est une entorse au principe selon lequel on rémunère ceux qui soignent et on ne rémunère pas ceux qui ne soignent pas. De plus, le budget serait pris sur l’enveloppe de l’hôpital, et non sur celui de la ville, ce qui affecterait d’autres activités soignantes. Non, vraiment, cette mesure n’est pas bonne ! (Mme Michelle Meunier applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, sur l’article.

M. Michel Amiel. Pour avoir pratiqué autant les urgences hospitalières que celles de ville, je suis moi aussi très surpris par cette mesure.

Nous le savons tous, les urgences sont saturées par des consultations non programmées, qui n’y ont évidemment pas leur place. Toutefois, dans le cadre d’un hypothétique parcours de soins, pour réorienter un patient qui a été admis aux urgences, encore faut-il qu’il ait été examiné. Par qui ? Par un médecin urgentiste ? Par une infirmière d’orientation ? Et le réorienter vers qui et à quelle heure ?

Prenons un cas très concret plutôt que de partir sur de grandes théories.

Une maman qui se présente aux urgences le soir avec son enfant qui a mal à l’oreille et 39 de fièvre, ce n’est pas une urgence ; c’est une consultation non programmée. Après avoir ausculté l’enfant – il faut bien savoir ce qu’il a –, on va dire à la maman que cela ne relève pas de l’hôpital, ce qui est vrai, et qu’il faut retourner en ville. Encore faut-il trouver un médecin dans un hypothétique – encore une fois – parcours de soins.

Le problème, c’est ce qui se passe en amont – et je rejoins totalement les propos de mon collègue et confrère Bernard Jomier. On a fait l’erreur, à un moment donné, de supprimer du code de déontologie l’obligation, pour les praticiens, de s’inscrire à un tableau de garde. Chaque métier a ses contraintes – la contrainte et la grandeur, soit dit en passant, des médecins, c’est de participer de cette logique. Or ce n’est certainement pas en créant des consultations, qui n’en sont pas et qui vont être rémunérées, qu’on va régler le problème. On va renvoyer le patient à un autre praticien dont l’acte sera facturé moins cher que le forfait de réorientation…

Madame la ministre, vous le savez, je partage quasiment à 100 % vos orientations, mais la proposition de notre confrère Olivier Véran est une fausse bonne idée.

M. le président. Je suis saisi de sept amendements identiques.

L’amendement n° 1 rectifié bis est présenté par Mmes Estrosi Sassone et Micouleau, M. Bonhomme, Mme Deromedi, MM. de Nicolaÿ, Daubresse, Morisset, Bascher et Panunzi, Mme Bruguière, MM. Grosdidier et Pillet, Mmes Raimond-Pavero et Lopez, M. Cardoux, Mmes Gruny, A.M. Bertrand et Lanfranchi Dorgal, M. Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, M. Cuypers, Mme Dumas, MM. Pellevat, Kennel, J.M. Boyer et Cambon, Mme Garriaud-Maylam, MM. Bouchet, Duplomb et Saury, Mme L. Darcos, MM. Karoutchi, Priou, Piednoir et Paccaud, Mme M. Mercier, MM. Pointereau, Lefèvre, Revet, B. Fournier, Mayet et Vaspart, Mme Thomas, MM. Babary, Rapin, Husson, Laménie et Genest, Mmes Canayer et Lamure et MM. Sido et Gremillet.

L’amendement n° 72 est présenté par Mme Deroche, au nom de la commission des affaires sociales.

L’amendement n° 218 rectifié bis est présenté par MM. Chasseing, Malhuret, Decool, Capus, Guerriau, Wattebled, A. Marc et Lagourgue, Mme Mélot, MM. Louault, Huré et Magras, Mme Malet, MM. Nougein, L. Hervé, del Picchia et H. Leroy et Mme Perrot.

L’amendement n° 298 est présenté par M. Amiel.

L’amendement n° 462 rectifié est présenté par MM. Jomier, Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Jasmin, Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, MM. Fichet, Antiste, Joël Bigot et Cabanel, Mme Guillemot, MM. Kerrouche et Magner, Mme Monier, M. Montaugé, Mme S. Robert, M. Tissot, Mme M. Filleul, MM. P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 518 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 583 rectifié est présenté par Mme Guillotin, MM. Arnell, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes et MM. Gabouty, Gold, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Ces sept amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié bis.

Mme Brigitte Micouleau. Inséré par l’Assemblée nationale, cet article crée un forfait de réorientation et un forfait de consultation aux urgences.

Les conséquences de cet article peuvent être extrêmement graves pour la santé des Français, sous couvert de vouloir réduire le temps d’attente dans les services d’urgences hospitalières. En effet, en établissant un nouveau mode de tarification aux urgences, qui pourrait s’élever de 20 à 60 euros par établissement et par réorientation de patient vers un médecin de ville pour une consultation ultérieure ou bien au sein d’un autre service hospitalier, deux risques sont encourus.

Le premier est d’envoyer un mauvais signal comptable ; le second risque est médical, car si, pour certaines pathologies simples, le dispositif peut être pertinent, comment prendre la décision de réorienter certains patients et avoir la certitude que toute urgence vitale est écartée, d’autant que, lors des passages aux urgences, les antécédents et les informations de santé sont généralement parcellaires ?

Enfin, l’article est lui-même parcellaire, puisque se pose la question de la responsabilité de la direction des établissements de soins et des personnels soignants. Sur qui reposeront les conséquences d’une éventuelle erreur de diagnostic ou de posologie pour un traitement ou bien d’un retard de prise en charge dû à la réorientation chez un médecin de ville plusieurs jours après le passage aux urgences, qui aura peut-être fait perdre un temps précieux dans la réalisation du diagnostic ?

En théorie, si le refus de réorientation par le patient est prévu, la pratique ne laissera guère le choix et sera source d’une prise en charge complexifiée.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur, pour présenter l’amendement n 72.

Mme Catherine Deroche, rapporteur. Cette mesure a fait l’objet d’une campagne de presse importante. Pour autant, comme vous pouvez le constater, madame la ministre, elle recueille au Sénat une opposition unanime, ce qui peut paraître paradoxal, puisqu’elle a été présentée, à tort me semble-t-il, comme étant issue d’un rapport du Sénat de 2017 sur les urgences hospitalières rédigé par René-Paul Savary, Laurence Cohen et Catherine Génisson.

La commission des affaires sociales du Sénat ne peut que partager la préoccupation qui a conduit à l’adoption de cet article. En effet, le mode actuel de financement des urgences hospitalières est par nature incitatif à l’activité, alors qu’une proportion non négligeable de patients qui s’y présentent ne relève pas de la compétence de ces services.

En conséquence, la commission recommandait une évolution du mode de financement des urgences reposant sur trois piliers : la conservation d’un financement mixte incluant une part de financement à l’activité et une part forfaitaire ; la modulation du montant du financement à l’activité en fonction de la gravité des pathologies, afin d’inciter les services à se concentrer sur la prise en charge des patients classés CCMU 3, 4 ou 5 ; la création d’un forfait de réorientation visant à inciter les services à réadresser les patients ne nécessitant pas de prise en charge hospitalière vers les acteurs de ville.

Le dispositif qui a été présenté à l’Assemblée nationale par le rapporteur général Olivier Véran apparaît problématique à quatre titres au moins.

En premier lieu, il reprend un seul des trois éléments constitutifs de la recommandation de la mission, qui avait été conçue comme un tout. Le choix du seul forfait de réorientation, qui fait l’économie d’une réflexion plus générale sur le mode de financement des urgences, ne saurait constituer qu’une solution de « bricolage » transitoire venant complexifier encore la tuyauterie de financement des services d’urgences sans y apporter de solution de redressement pérenne.

En deuxième lieu, le dispositif pose une question d’organisation des soins. Quand bien même la réorientation du patient passerait par une consultation préalable, cette réorientation s’analyse au total comme un acte médical non accompli et pour autant rémunéré. Le patient devra donc être pris en charge par un autre professionnel de santé, le plus souvent de ville, qui, lui, ne percevra aucune rémunération supplémentaire.

En troisième lieu, on peut s’interroger sur le caractère réellement incitatif de cette disposition, dans la mesure où la facturation d’une consultation et d’examens complémentaires emporte généralement des montants plus élevés que ceux qui sont envisagés pour le forfait de réorientation – 20 et 60 euros, selon les informations transmises par la DSS. De plus, comment le professionnel de ville sera-t-il incité à dégager son planning pour accueillir un patient venu des urgences ?

En quatrième lieu, le succès du dispositif devrait reposer sur une coopération forte entre la ville et l’hôpital, dont les contours restent encore largement à construire.

Pour l’ensemble de ces raisons, même si cette solution paraît innovante, elle ne répond que partiellement aux enjeux.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet, pour présenter l’amendement n° 218 rectifié bis.

Mme Viviane Malet. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour présenter l’amendement n° 298.

M. Michel Amiel. Je n’ai rien d’autre à ajouter.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l’amendement n° 462 rectifié.

M. Bernard Jomier. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 518.

M. Fabien Gay. Je ne vais pas intervenir longtemps, puisqu’il y a unanimité. Je veux juste dire que les déserts médicaux, on n’en trouve pas que dans les territoires ruraux. En Seine-Saint-Denis, il y en a aussi. Je vais donner un exemple précis.

Chacun ou chacune peut avoir besoin de se rendre chez le docteur. Si ça vous arrive un dimanche, le cabinet de votre médecin traitant n’est évidemment pas ouvert. Or si votre enfant a mal, vous êtes inquiet. Vous pouvez toujours appeler SOS médecins, mais, en Seine-Saint-Denis, ils ne se déplacent pas. Dans ce cas, vous n’avez qu’une solution : aller à l’hôpital.

Comme l’a dit notre collègue, certains cas ne relèvent pas des urgences, et on sait bien qu’on va les surcharger en y allant, mais, quand vous êtes papa pour la première fois et que votre enfant de trois mois a 40 de fièvre, vous flippez. Si ça lui arrive une autre fois, vous le mettez dans l’eau, et ça va passer… (Rires.) Il ne faut pas le noyer, c’est juste pour faire baisser la température. (Sourires.) Si vous le savez, c’est parce qu’on vous l’a dit la première fois, mais, pour ça, vous aviez besoin d’un avis médical. Or, je le redis, SOS médecins ou les pompiers ne se déplacent pas, surtout la nuit, en Seine-Saint-Denis. Voilà pourquoi vous allez aux urgences.

Enfin, puisqu’il faut s’attaquer au nœud du problème, j’entends que ça représente 300 millions d’euros d’économies. Et on va encore nous dire qu’il faut bien qu’on trouve de l’argent ! On va donc vous ressortir le même argument : de l’argent, il en existe beaucoup, mais il faut le prendre là où il y en a. La dernière fois, je vous ai parlé de l’ISF. Maintenant, je vous donne un autre exemple : 80 milliards d’euros d’évasion fiscale ! Évidemment, ce n’est pas l’objet du PLFSS, c’est le PLF. Mais l’argent existe dans ce pays !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 583 rectifié.

Mme Véronique Guillotin. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Tel que c’est parti, je n’imagine pas vous convaincre… Je vais tout de même, au risque de vous embêter, vous raconter l’histoire.

Le problème de l’engorgement des urgences, vous l’imaginez bien, ne va pas se régler avec cet article. Dans le cadre de la transformation de notre système de santé, nous souhaitons agir en profondeur sur l’offre de soins, notamment l’offre de proximité, afin de la rendre plus accessible, ce qui suppose de travailler sur l’amont.

Les CPTS que nous allons créer auront pour mission de mettre en place une permanence des soins non programmés. Cette permanence, qui n’existe pas dans leur cahier des charges, va réapparaître via une incitation financière. Nous espérons que le collectif de professionnels s’organisera pour améliorer cette permanence des soins.

Nous allons également équiper tous les EHPAD en télémédecine. Cet équipement, nous l’avons financé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cela évitera des transports inutiles aux urgences des personnes âgées.

Sur l’aval – le rapport Carli en parlait beaucoup, comme vous l’avez rappelé, monsieur Jomier –, nous travaillons sur des filières de prise en charge dans les territoires, notamment via les CPTS.

Nous allons équiper tous les GHT du fameux logiciel de gestion des lits, qui permettra aux gestionnaires de lits et aux directions de trouver beaucoup plus facilement des lits disponibles, de faire des bascules de patients, etc.

Nous allons également développer l’offre de soins de suite et de réadaptation dans les hôpitaux de proximité. Nous savons que les SSR sont souvent saturés et trop centralisés. Notre objectif est de les rapprocher des territoires.

Nous augmentons évidemment le nombre d’urgentistes. Nous sommes passés à plus de 400 internes formés par an depuis la réforme du troisième cycle des études de médecine.

La réforme holistique vise donc à travailler sur l’amont, sur les urgences elles-mêmes et sur l’aval.

À cela s’ajoute la proposition d’Olivier Véran. Je ne reviendrai pas sur l’historique du rapport, mais l’idée est que nous devons faire de la pédagogie auprès de nos concitoyens qui se rendent aux urgences par facilité. Ils sont à peu près 20 % à n’avoir rien à y faire, mais, parmi ces 20 %, il n’y a qu’un petit pourcentage qui exagère vraiment, comme ceux qui viennent juste pour un renouvellement d’ordonnance.

On peut caricaturer cette mesure à l’envi, en se demandant qui va examiner les malades, en disant qu’on va renvoyer ceux qui font un infarctus… Il s’agit d’une expérimentation, avec un cadrage, pour favoriser la pertinence des soins et la financer.

D’une certaine façon, la pertinence, cela veut dire accepter de ne pas être rémunéré pour un acte qu’on ne fait pas. Ce n’est pas très incitatif d’être pertinent dans notre métier. Quand on veut changer les modes de tarification, il faut donc accepter de financer ceux qui ne font pas, parce que, pour la personne qui va renvoyer quelqu’un en disant « vous n’avez rien à faire aux urgences, on va vous trouver une maison de santé pluriprofessionnelle ouverte dans votre quartier », cela représente un temps de négociation.

Nous souhaitons mettre en œuvre ce dispositif dans les territoires où existe une offre de soins. Nous ne sommes pas idiots ! Nous n’allons pas le mettre en œuvre là où l’offre de soins est inexistante. Nous devons donc faire de la pédagogie dans les quelques territoires où cela peut avoir un intérêt et cadrer la mesure pour qu’il n’y ait aucune perte de chance pour les malades, l’enjeu n’étant évidemment pas de passer à côté d’un diagnostic grave. Mais enfin, il y a tout de même des gens qui viennent pour de la bobologie, qu’il s’agisse d’une petite plaie ou d’une entorse de cheville banale ! Quand il existe une offre de soins non programmés accessibles, il me paraît de bonne pratique de réadresser les malades.

J’ai entendu que vous souhaitiez faire une description assez caricaturale de cette mesure, alors qu’elle s’ajoute, vous l’avez bien compris, à un plan de transformation en profondeur de notre système de santé. C’est une petite cerise sur un énorme gâteau.

J’ai bien compris que vous souhaitiez supprimer cet article, mais je voulais vous expliquer pourquoi je l’ai accepté. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.