Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. Cet amendement vise à introduire une forme de prescription pour les retraits de points au permis de conduire. Il s’agit de prévoir qu’aucun retrait de points ne peut être appliqué à une personne plus de trois ans après la commission d’une infraction.

En l’état du droit, le retrait de points s’applique à compter du jour où la condamnation est devenue définitive et non à compter de la date à laquelle le courrier informant d’un retrait de points est reçu par le détenteur du permis. Par exemple, si une personne commet un excès de vitesse constaté par un radar automatique, le retrait de points s’applique à compter du moment où la personne a payé son amende. Il n’est donc pas nécessaire d’encadrer davantage les règles en matière de retrait de points, dont les principes sont déjà clairement énoncés par la loi.

J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Nunez, secrétaire dÉtat. Je n’ai pratiquement rien à ajouter aux propos du rapporteur. Je rappellerai simplement que le délai de prescription en matière judiciaire est de six ans. Dans des cas exceptionnels, nous pourrions donc avoir des personnes condamnées pour des infractions figurant parmi les plus graves qui ne se verraient pas retirer de points. J’émets donc également un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

M. Jean-François Longeot. Je me suis vu retirer des points à plusieurs reprises : un, puis deux, puis trois. Normalement, ça fait six, mais, comme personne ne vous prévient jamais, vous ne savez pas précisément combien il vous en reste. Vous risquez à un moment donné de rouler en n’ayant pratiquement plus de points, voire plus de points du tout !

Qu’on nous retire des points, d’accord, mais qu’on puisse obtenir un bilan écrit des points retirés et des points restants ! C’est tout le sens de cet amendement. Pour ma part, je n’ai jamais rien reçu, en dehors de la notification de l’amende et du point retiré. Pour cela, il n’y a pas de problème, j’ai été informé dans les quatre jours suivant mon erreur ! Mais le nombre de points qu’il me reste, je n’en sais toujours rien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Je partage l’avis de M. le secrétaire d’État sur cet amendement. Pour autant, ce qui vient d’être dit est tout à fait vrai : il serait tout de même normal que, lorsqu’un conducteur se voit retirer des points, on lui notifie le nombre de points qui lui restent.

La réponse est toujours la même : qu’il aille voir sur internet ! Mais, une fois de plus, la fracture numérique existe. Certains de nos concitoyens, qui n’ont pas internet ou ne savent pas s’en servir, sont complètement démunis !

J’aimerais que M. le secrétaire d’État puisse en prendre note : cela ne coûte pas cher d’inscrire le solde des points restants sur le courrier notifiant le retrait de points.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Notre éminent collègue Jean Louis Masson, on le voit bien, ne s’est jamais vu retirer de points, sinon il saurait qu’on reçoit un courrier indiquant le nombre de points retirés et le nombre de points restants.

Cela étant, être prévenu du nombre de points au bout de trois ans, c’est trop long. Après trois ans, on ne se souvient pas ! À l’heure de l’immédiateté, d’internet et des communications rapides, il faudrait un délai beaucoup plus court. On peut envisager différentes durées – un an, par exemple –, mais une durée de trois ans est de toute évidence anormale.

Avec cette mesure, et d’autres comme celle-là ou d’autres que l’on ne prend pas, il n’y a rien d’étonnant à ce que certains de nos concitoyens s’énervent dans la rue, avec ou sans gilet.

Les délais trop longs ne sont plus acceptables aujourd’hui.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. Si mes souvenirs sont bons, il fallait à une certaine époque envoyer un mandat ou un chèque à la préfecture pour obtenir le renseignement.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

M. Arnaud de Belenet. Avant d’être raisonnable, responsable, père et maire, j’ai dû repasser mon permis pour défaut de points. Fort de cette expérience et par honnêteté, je me vois dans l’obligation de partager avec vous cette remarque : connaître le nombre de points qu’il reste, ce n’est rien d’autre qu’identifier un droit à commettre une infraction supplémentaire. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. Ma connaissance du sujet s’explique par le fait que je viens d’effectuer un stage de récupération de points.

On peut effectivement accéder, via internet, à son décompte de points. Cette information n’est en rien un crédit pour commettre d’autres infractions. Savoir où l’on en est, c’est important pour éviter de rouler sans permis.

Ce sont les organisateurs du stage qui m’ont signalé une incohérence à avoir ainsi des points qui se baladent pendant des années, sans date limite de notification. Cette incohérence doit être corrigée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié ter.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 43 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 85
Contre 259

Le Sénat n’a pas adopté.

Article additionnel avant l'article unique - Amendement n° 1 rectifié ter
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'aménagement du permis à points dans la perspective de l'abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

Au troisième alinéa de l’article L. 223-6 du code de la route, le mot : « six » est remplacé par le mot : « trois ».

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.

M. François Bonhomme. Cette proposition de loi nous offre l’occasion de revenir sur la question de la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure et, surtout, sur la façon dont elle a été traitée. Nous l’avons tous relevé, il s’agit vraiment de l’archétype de la décision unilatérale imposée d’en haut. Rien d’anormal à ce qu’elle ait suscité une forte incompréhension chez nos concitoyens, particulièrement chez ceux qui sont captifs de la voiture !

En définitive, cette mesure jacobine a été une faute, non seulement politique, mais aussi psychologique, dont on mesure aujourd’hui les conséquences. Elle est un peu comme le sparadrap du capitaine Haddock : le Gouvernement ne sait pas comment s’en débarrasser !

Là où il y a de quoi s’inquiéter davantage, c’est que cette mesure concerne la plupart de nos concitoyens, hormis, évidemment, ceux des métropoles, qui ont renoncé à la voiture. Ce que je veux dire, monsieur le secrétaire d’État, c’est que, justement parce que la décision allait toucher un grand nombre de Français, on aurait dû prendre les précautions nécessaires pour s’assurer de son acceptabilité, ce qui n’a pas été fait. Au demeurant, au sein même du Gouvernement, Gérard Collomb, précédent ministre de l’intérieur, avait déjà mis en garde quant à cette perspective, puisqu’il s’est écoulé neuf à dix mois entre l’annonce de la décision et sa mise en œuvre.

Le Président de la République, au cours de la réunion de lancement du grand débat qui s’est tenue dans l’Eure, a indiqué qu’il fallait trouver une « manière plus intelligente » – je cite – de mettre cette mesure en œuvre, affirmant qu’« il n’y a pas de dogme ». C’est redécouvrir une évidence ! Le Président de la République a également appelé les maires à émettre des propositions sur ce dossier, qui, selon lui, fait bien partie des sujets à débattre. À la bonne heure !

Il n’empêche que, en ayant inversé l’ordre des choses, on a créé un climat tout à fait défavorable, ayant débouché sur une crise politique et sociale dont le Gouvernement se débat maintenant pour sortir. J’espère que la prochaine fois, si prochaine fois il y a, il ne passera pas outre le Sénat et qu’il s’en inspirera beaucoup plus. Ce sont des mois de travaux et d’auditions qui ont été menés par le groupe de travail Fichet-Raison. Toutes les parties prenantes à la décision ont été entendues. Si vous vous étiez inspiré de leurs conclusions, monsieur le secrétaire d’État, et, plus largement, des travaux du Sénat, je pense que nous n’en serions pas là. J’espère donc, j’y insiste, que vous saurez à l’avenir vous inspirer du Sénat, d’autant que celui-ci ne fait pas payer de droits d’auteur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, sur l’article.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Cette proposition de loi du groupe Union Centriste aura au moins eu le mérite de mettre l’accent sur un sujet cher au cœur des Français. La question a suscité, ici, quelques tensions ; imaginez donc, monsieur le secrétaire d’État, celles qu’elle a pu engendrer au sein du peuple, parmi tous ces gens qui ont besoin de leur voiture, tous les jours, pour travailler, emmener les enfants à l’école, aller chercher le petit au foot, ou même partir accoucher !

J’ai bien entendu le Gouvernement nous promettre de revenir sur la limitation à 80 kilomètres par heure. Nombre de mes collègues sénateurs ont usé de l’argument, estimant qu’il n’était pas utile de voter ce texte puisque le Gouvernement entendait revenir sur la décision. Mais notre proposition de loi ne se limite pas à cette question ! Elle vise, je l’ai dit, le premier point perdu, ce premier point, sur les douze du permis, que l’on récupère après six mois d’attente.

Cela aurait été un geste fort en direction des Français, pour leur dire qu’ils étaient entendus. Or j’ai bien peur qu’on ne les entende pas suffisamment. Non seulement on ne les entend pas suffisamment, mais les arguments avancés dans l’hémicycle semblent en définitive assez contradictoires. Je vois bien que l’on a du mal à se sortir de toutes ces histoires… On voudrait plus de sécurité routière, moins de morts sur les routes – tout le monde est d’accord sur ces points – et, en même temps, au passage, on voudrait gagner un peu d’argent. Les radars représentent tout de même une manne financière ! D’ailleurs, combien coûteront tous ces radars détruits sur le bord des routes ? Le produit des amendes, me semble-t-il, servira d’abord à les remplacer, avant de servir à la construction d’hôpitaux.

On m’a soufflé que, si je fais tout ça, c’est parce que je n’ai plus de point. Non, ma démarche n’a rien de personnel ! J’ai douze points sur mon permis ; je n’ai pas encore fait de stage ; je n’ai pas l’expérience de certains de mes collègues, et j’espère ne jamais l’avoir, même si cela peut arriver à tout le monde et que je ne veux stigmatiser personne. Simplement, il s’agit pour le Sénat d’envoyer un signal fort aux Français. C’est notre rôle que de défendre les territoires et leurs habitants ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article.

M. Jean Louis Masson. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir répondu à la question que j’ai soulevée concernant le péage autoroutier de Boulay. Je voudrais formuler deux remarques à ce sujet.

Tout d’abord, il ne s’agit pas du tout d’une expérimentation. La SANEF présente le dispositif comme ayant vocation à être généralisé. J’attire donc l’attention de mes collègues : s’il s’agit du premier péage de France à être transformé de la sorte, il en ira de même partout !

Ensuite, vous n’avez fait que reprendre l’argumentaire de la SANEF, selon lequel le trafic sera fluidifié et les véhicules passeront plus rapidement, mais il n’est pas question d’obliger les gens à prendre un abonnement. Certes, mais personne n’oblige la SANEF à supprimer corrélativement les guérites et les automates de péage où on peut payer directement. Comment expliquer à une personne ne souhaitant pas utiliser le nouveau dispositif qu’elle va passer plus rapidement si elle est obligée de s’arrêter, de descendre de son véhicule pour aller retirer un ticket dans une guérite située trente mètres plus loin, avant de remonter dans sa voiture et, une fois chez elle, de devoir effectuer le paiement ?

La SANEF se moque du monde ! C’est un faux argument, d’une malhonnêteté totale, et je pense, monsieur le secrétaire d’État, que vous en êtes conscient. Il serait bon que vous fassiez remonter cela à la société autoroutière et que vous l’encouragiez à trouver des arguments un peu plus honnêtes et crédibles.

Si la SANEF veut créer une ligne permettant aux véhicules de passer librement, personne ne l’en empêche ! Tout le problème vient du fait qu’elle entend obliger les usagers à prendre un abonnement, en pourrissant la vie de ceux qui n’en ont pas. On va leur faire perdre plus de temps que celui qu’ils gagnent en prenant l’autoroute !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. Le sujet que nous traitons est en effet extrêmement sensible. Nous sommes toutes et tous favorables à la sécurité routière.

Comme l’a rappelé notre collègue auteur de cette proposition de loi, ce texte a le mérite de soulever des problèmes essentiels qui concernent toute la population, mais il me semble qu’il faut se poser les bonnes questions. Nos concitoyens sont nombreux, partout, à nous dire que les sénateurs et députés ont voté la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure ou encore le retrait de six points du permis des automobilistes n’ayant pas laissé passer un piéton sur un passage piéton. Mais il n’en est rien ! À quoi servons-nous ? Il faut se le demander !

Les textes de loi, qu’ils soient d’origine gouvernementale ou parlementaire, sont destinés à modifier les codes, qui, dans notre société, sont au nombre de 70 ou 80 et parmi lesquels figure le code de la route. Notre débat de ce jour porte bien sur la modification de ce code ; pourtant, nous ne sommes pas à l’origine de ces décisions, qui ont été des mesures réglementaires. Il faut donc se poser les bonnes questions.

Prenons la perte de six points si vous ne laissez pas passer un piéton. Nous sommes piétons aussi ! Nous savons qu’il faut attendre que le petit bonhomme passe au vert pour traverser ! Parfois, vous vous arrêtez pour laisser passer un piéton qui se trouve juste à côté d’un passage piéton et voilà qu’il ne traverse pas, parce qu’il attend quelqu’un !

Oui, la sécurité routière reste une priorité, mais il y a aussi le problème du comportement à adopter en permanence et du respect des panneaux de signalisation, par exemple les triangles, pointe en haut, qui indiquent de ralentir.

Je me rallierai à la position de la commission des lois et de notre groupe parlementaire, mais il faut changer nos mécanismes de fonctionnement.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, sur l’article.

M. Henri Cabanel. La discussion de ce jour a effectivement le mérite de revenir sur le fond du problème, qui est, comme l’ont signalé plusieurs orateurs, l’abaissement de 90 à 80 kilomètres par heure de la vitesse maximale sur certaines routes. La méthode employée n’a pas été la bonne et les vraies questions n’ont pas été posées comme elles auraient dû l’être.

Quel est notre objectif en termes de taux de mortalité sur les routes ? Il y a beaucoup trop de morts, c’est certain, mais je rappelle tout de même qu’en 1970, pour 14 millions de véhicules en circulation, on dénombrait plus de 18 000 tués sur les routes chaque année et que, à l’heure actuelle, ce chiffre s’élève à plus de 3 500 morts pour 39 millions de véhicules en circulation. C’est encore beaucoup trop, mais quel seuil voulons-nous atteindre ? Moins de 3 000 ? Moins de 2 000 ? Moins de 1 000 ? Pensez-vous, mes chers collègues, que la vitesse est le seul levier pour régler les problèmes de sécurité routière ? Jusqu’où va-t-on l’abaisser ?

On a voulu mettre en place toute une série d’autres mesures – je pense notamment à celles qui concernent l’état des véhicules et le contrôle technique –, mais il me semble que l’on a oublié un aspect, dont l’évocation choquera peut-être certains de mes collègues : c’est le comportement du conducteur lui-même. Nous sommes ici une majorité à avoir passé le permis de conduire à dix-huit ou vingt ans. Or, jusqu’à la fin de nos jours, on ne nous demandera absolument rien !

J’aimerais que nous fassions une petite expérience à la fin de ce débat et que nous repassions tous notre code de la route, examen pour lequel, je le rappelle, il faut faire moins de cinq fautes. Combien le réussiraient ?

M. Jean-François Longeot. Bonne question !

M. Henri Cabanel. À mon avis, nous aurions de sacrées surprises.

Tout comme il existe une remise à niveau pour les permis poids lourds, il serait tout de même opportun de réfléchir à une formation et une remise à niveau de certains conducteurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, sur l’article.

M. Guillaume Chevrollier. Je voudrais moi aussi profiter de ce débat pour évoquer la politique de sécurité routière du Gouvernement, tout en rappelant, naturellement, l’importance de se comporter de manière responsable sur la route.

La structure des vitesses maximales autorisées sur certains tronçons routiers a été terriblement complexifiée par l’abaissement à 80 kilomètres par heure. C’est devenu un véritable casse-tête ! Or, dans nos territoires ruraux, nous avons besoin de la voiture pour notre vie quotidienne. Je mentionnerai ainsi le cas d’un automobiliste de mon département qui, pour aller de son domicile à son travail, parcourt dix-huit kilomètres en sept tronçons, avec une variation constante de la vitesse maximale autorisée : il démarre par du 80 kilomètres par heure, puis passe à 110 avant de revenir à 80 ; il doit ensuite circuler à 90 kilomètres par heure, avant de revenir à 80, puis à 110 et enfin, de nouveau, à 80.

Certains usagers, comme celui-là et beaucoup d’autres, sont de bonne foi. Pensant respecter le code de la route ou n’ayant pas eu le temps d’adapter leur vitesse, ils font un léger excès de vitesse et se retrouvent pénalisés, à la fois, par une contravention et la perte de points.

Sur le terrain, monsieur le secrétaire d’État, la population juge vraiment la mesure d’abaissement de la vitesse à 80 kilomètres par heure comme une absurdité.

À l’occasion de l’examen de cette proposition de loi, j’ai organisé, non pas un grand débat, mais une petite consultation dans mon département. Les usagers qui m’ont répondu sont assez unanimes pour dire que, si la limite à 80 kilomètres par heure est compréhensible sur des routes de campagne sinueuses et dangereuses, quitte à l’abaisser, même, à 70 kilomètres par heure en cas de danger véritable ou de mauvais état, elle ne l’est pas sur des grands axes : routes nationales ou routes droites. Ils sont favorables à la concertation départementale pour adapter la réduction des vitesses maximales aux réalités de chaque territoire et assurer pleinement la sécurité routière.

La prise de décision, on le voit bien, doit être décentralisée. Appuyez-vous sur les acteurs de terrain, monsieur le secrétaire d’État. Qui de mieux placé que les élus locaux pour exprimer des positions de bon sens ? C’est pourquoi je vous invite à reprendre à votre compte les propositions du Sénat.

Si vous acceptez de rétropédaler – ce sera peut-être le cas à l’issue de la grande concertation –, je souhaiterais savoir quel sera l’impact financier pour les collectivités territoriales de votre inconstance politique et du changement des panneaux de signalisation. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Le débat que nous avons est à l’image de celui qui se tient, au quotidien, dans nos communes. Chacune ou chacun voudrait que les voitures roulent moins vite quand elles passent devant son domicile, là où ses enfants traversent, dans les espaces de circulation de piétons, mais chacune ou chacun se plaint aussi du nombre trop élevé de dos d’âne, de chicanes, de ralentisseurs en tous genres, qui rendent la circulation impossible dans le village voisin.

Il y a là une contradiction, que l’on retrouve en matière de sécurité routière comme dans de nombreux autres champs sociaux, dans le rapport aux normes. Elle est liée à ce besoin de sécurité que, toutes et tous, nous appelons de nos vœux, mais jugeons parfois excessif quand il s’agit de s’appliquer à soi-même les règles qu’il sous-tend. Toutefois, la présente proposition de loi ne vise ni à réaffirmer la volonté de supprimer la mesure d’abaissement de la vitesse maximale à 80 kilomètres par heure pour renvoyer la fixation des limites maximales – 80 ou 90 kilomètres par heure – à la concertation, y compris départementale, ni à revenir sur un sujet qui nécessiterait un vrai débat en soi. Je veux parler de la pertinence du permis à points et de son efficacité en matière de lutte contre la violence routière et, principalement, contre les excès de vitesse.

Prenons cette mesure permettant, en cas d’infraction légère, de récupérer ses points au bout de six mois. Peut-être faudrait-il poursuivre la discussion sur ce point… Si les six mois ne sont pas pertinents, allons jusqu’au bout, considérons qu’il n’est pas pertinent de sanctionner par la perte d’un point ce type d’infractions – les excès de plus ou moins 10 ou 20 kilomètres par heure – et contentons-nous, dans de tels cas de figure, d’infliger une amende. La question serait alors réglée ! Mais ramener le délai à trois mois… Quand on sait comment sont gérés la notification et le paiement de la contravention, l’annonce de la suppression du point et, plus tard, l’annonce de sa récupération, cela ne peut se faire dans un tel délai. Même avec les meilleurs services dans votre administration, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas possible.

Je crois donc qu’il faut aller jusqu’au bout. Soit on maintient le délai actuel de six mois et on agit sur la question de la régulation routière sur l’ensemble de nos routes, soit on revient sur la question du permis à points. Dans tous les cas, c’est un autre débat que celui qui est posé ici.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, sur l’article.

M. Jean-François Longeot. Il faut, je crois, que nous revenions au cœur de ce débat, à la proposition de loi. Quel en est l’objet ? Tout simplement de réduire le délai de récupération d’un point de permis perdu à la suite d’un petit excès de vitesse – 86 kilomètres par heure au lieu de 80, par exemple. Pour qui cette mesure aura-t-elle de l’importance ? Pour ceux qui roulent, notamment ceux qui roulent beaucoup, ceux qui ont besoin d’utiliser leur véhicule pour aller chaque jour travailler ou, comme les représentants, pour travailler.

Effectivement, ce dossier tourne autour de la sécurité routière. Ne croyez pas, mes chers collègues, que celle-ci nous importe peu ou que nous ne souhaitons mettre aucune mesure en place en ce sens. Mais est-on capable, aujourd’hui, de donner des chiffres précis concernant les accidents mortels, notamment pour distinguer ceux qui surviennent entre le lundi matin et le vendredi soir, c’est-à-dire à des moments où de nombreux professionnels circulent, et ceux, plus nombreux, qui surviennent durant le week-end ?

Par ailleurs, il me semble que vous vous trouviez dans le Val de Loire la semaine dernière, monsieur le secrétaire d’État, et je viens justement de trouver des chiffres concernant l’Indre-et-Loire. On a dénombré, dans ce département, 34 morts sur la route en 2016, 32 en 2017 et 39 en 2018. Je crois donc que la vitesse ne peut être considérée comme le seul levier, dès lors que l’abaissement de la vitesse maximale n’a pas forcément porté ses fruits.

Nous n’entendons pas remettre en cause la sécurité routière, mes chers collègues. Nous souhaitons simplement laisser à une personne ayant besoin d’effectuer de nombreux déplacements, notamment du fait de son travail, la possibilité de récupérer un point perdu en trois mois, au lieu de six.

Pour répondre à Mme Cukierman, si cette réduction du délai pose uniquement un problème administratif, passons-le à neuf mois pour nous donner un peu plus de temps administratif ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, sur l’article.

M. Michel Raison. Les conclusions du rapport sénatorial présentent, j’y insiste une nouvelle fois, un double intérêt : le premier en matière d’acceptabilité et d’efficacité, le second sur le plan démocratique.

Le président Larcher a dit hier soir, en présentant ses vœux, que nous devions aller vers plus de décentralisation. Si nous voulons que notre pays fonctionne mieux, que la démocratie soit plus proche du citoyen, il nous faut, en effet, décentraliser plus – mais pour de bon : il ne s’agit pas que les hauts fonctionnaires reprennent le pouvoir le lendemain ! Adopter cette mesure améliorera la démocratie de proximité, donc l’acceptabilité et l’efficacité des règles. Il semble que le Président de la République l’ait compris.

Pourquoi aussi ne pas imaginer dans un certain nombre de départements, de façon expérimentale, des solutions innovantes en matière de sécurité routière ? Les idées bouillonnent plus dans nos départements réunis que dans un petit bureau de Premier ministre !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, sur l’article.

M. Yves Détraigne. Il faut être conscient que beaucoup de gens ont aujourd’hui besoin de leur voiture quotidiennement, pour aller à leur travail et en revenir ou pour faire leurs courses, par exemple. Veut-on leur faciliter vraiment la vie ou au contraire les ennuyer ?

Il serait sage de nous rappeler la formule de Georges Pompidou, à qui ses collaborateurs faisaient signer des textes réglementaires en pagaille : arrêtez d’emmerder les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Laurent. Il avait raison !

M. Yves Détraigne. On n’arrête pas de brider nos concitoyens,…

M. Alain Fouché. C’est vrai !

M. Yves Détraigne. … et puis on s’étonne qu’ils descendent dans la rue – cela n’a d’ailleurs rien à voir avec les « gilets jaunes ». Quand cela vaut le coup, réglementons, mais laissons aussi nos concitoyens respirer !

M. Yves Détraigne. Le nombre d’accidents et de décès n’a plus rien à voir avec ce qu’il était voilà une génération.