M. Rachid Temal. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je prends la parole non pas en tant que médecin – je n’en suis pas un – ou à je ne sais quel autre titre, mais en tant que parlementaire. (M. Vincent Éblé applaudit.)

Il est important que chacun puisse s’exprimer en tant que parlementaire et que nous prenions tous la mesure du sujet que nous évoquons aujourd’hui.

M. Gérard Longuet. L’expérience ne nuit pas au débat !

M. Rachid Temal. On vous a écouté, mon cher collègue !

J’évoquerai tout d’abord l’argutie juridique sur laquelle est fondée cette seconde délibération. Il y aurait donc de bons et de mauvais votes ? Cela doit susciter une réflexion de notre part au moment où nous nous interrogeons sur le scrutin public dans le cadre d’une révision du règlement du Sénat.

Je réagirai ensuite à ce que j’ai entendu dire d’une façon globale, en particulier à qu’a dit notre collègue qui se revendique d’abord comme médecin. Nous sommes en France, en 2019, et nous n’avons que trop entendu le discours qu’il porte, qui nie, de fait, le droit des femmes à disposer de leur corps. Or nous proposons concrètement non pas d’obliger quiconque à quoi ce soit, mais simplement de permettre aux femmes de disposer de leur corps et de pouvoir répondre, comme l’a dit très justement Laurence Rossignol, à des situations de détresse. Il n’est pas question d’eugénisme, cher collègue. Il s’agit simplement de permettre aux femmes d’exercer un droit fondamental, élémentaire.

Vous dites, madame la ministre, que la disposition en question est sans lien avec le texte. Or, pendant cinq jours, nous avons discuté de santé publique, en tout cas ceux d’entre nous qui étaient là. Et c’est bien une question de santé publique qui est posée cet après-midi. La Haute Assemblée s’honorerait à adopter le progrès qui est proposé, alors qu’on se bat pour les droits des femmes partout dans le monde.

À cet égard, je regrette que Marlène Schiappa n’ait pas pris la parole ces derniers jours. Alors qu’elle évoque à juste titre les droits des femmes partout dans le monde, là, concrètement, elle est aux abonnés absents. Or le texte adopté vendredi permet simplement de porter de douze à quatorze semaines le délai pour les femmes qui en ont besoin.

Nous ne faisons pas une campagne pro-IVG. Nous voulons simplement qu’un droit existant soit adapté à la réalité, comme le souhaitent les médecins et le planning familial.

Réfléchissons bien, mes chers collègues, à notre vote à l’issue de notre débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce qui se passe aujourd’hui est assez inédit. Pour ma part, je suis sénatrice depuis 2011, mais c’est bien la première fois que je vois le Sénat renvoyer une telle image à l’extérieur, et cela ne le grandit pas.

J’ai en mémoire le vote, dans des conditions semblables, de certains amendements sur d’autres sujets, mais de telles procédures, de telles manœuvres, encore une fois, je n’en ai pas le souvenir.

Sur le fond, le dépassement des délais d’avortement a toujours été un sujet, mais ce n’est pas parce que des femmes dépassent encore les délais en 2019, pour diverses raisons – la précarité sociale est une réalité – que nous ne pouvons pas faire progresser le droit à l’avortement que nous avons gagné de haute lutte.

Il y aura toujours des femmes qui auront les moyens de se rendre à l’étranger, que ce soit en Angleterre, en Espagne ou en Suisse, et d’autres qui ne le pourront pas. L’amendement adopté vendredi visait à réduire les inégalités sociales et territoriales et avait à ce titre toute sa place dans le projet de loi dont nous avons discuté toute la semaine dernière. En conséquence, je ne voterai pas aujourd’hui l’amendement de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Beaucoup de choses ayant déjà été dites, je me bornerai à faire le constat que, lorsque des collègues prennent la parole pour dire que, oui, dans ce pays, le droit à l’avortement n’est pas complètement garanti aujourd’hui, qu’il peut être remis en question, qu’il y a des dizaines de façons de le remettre en cause, certains sur les travées d’en face sourient ou nous houspillent.

Les propos de notre collègue qui s’est exprimé en tant que médecin me confortent dans l’idée que, si nous relançons le débat sur l’avortement, ce sera loin d’être gagné pour les pro-IVG que nous sommes. Un certain nombre de parlementaires aujourd’hui sont capables de remettre en cause ce droit fondamental, au détour de n’importe quelle loi : nous ne les laisserons jamais le brocarder ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Patricia Schillinger applaudit également. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Ce n’est pas la question !

Mme Sophie Primas. C’est insupportable !

M. François Grosdidier. C’est vous qui leur donnez des arguments !

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. J’interviendrai non pas en ma qualité de médecin, mais en tant que parlementaire. Lorsque Simone Veil a fait voter cette fameuse loi, je commençais mes études de médecine, je me souviens des débats. J’étais en première année en 1972 lors du fameux procès de Bobigny. Cette loi fut une avancée considérable. Je rappelle toutefois que, à l’époque, dans son esprit, l’avortement devait être une exception. Il est devenu un droit, et c’est bien ainsi.

Une collègue a rappelé il y a quelques instants l’évolution du droit à l’avortement, l’allongement des délais, les possibilités, disons-le clairement, de libéraliser le droit à l’interruption volontaire de grossesse.

L’allongement du délai de douze à quatorze mois… (Semaines ! sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Martial Bourquin. Lapsus révélateur !

M. Michel Amiel. Non, certainement pas ! Cela arrive à tout le monde de faire un lapsus. C’est une mauvaise querelle.

L’allongement de douze à quatorze semaines n’est pas une mesure anodine. Il mérite selon moi une véritable réflexion, un certain nombre de cas justifiant probablement cet allongement. À titre personnel, je pense aux cas de viol ou de difficultés importantes d’accès aux soins. Nous devons mener une véritable réflexion, avec l’aide bien évidemment des experts, dont le planning familial fait partie, mais aussi dans le cadre du débat parlementaire, qui, je dois dire, nous honore.

La preuve en est que, au sein du groupe LaREM, nous ne partageons pas tous le même point de vue, comme en atteste celui de notre collègue issu d’un territoire où l’accès aux soins est difficile.

Je propose donc que nous ne renvoyions pas ce débat aux calendes grecques et que nous le poursuivions d’une façon spécifique et dédiée dans le cadre d’une niche parlementaire, et ce dans les meilleurs délais. Telle est la proposition que je défends. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, pourquoi théâtraliser ainsi le vote de l’amendement adopté vendredi par le Sénat ? Dans votre mise en scène, la droite de cet hémicycle ne souhaite pas prolonger le délai. Je pense que vous rendez un très mauvais service aux Français, aux Françaises et la France. Vous vous rangez dans le camp des grands conservateurs du vaste mouvement conservateur qui se développe partout en Europe, et encore plus aux États-Unis. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido. Allons bon !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Philosophiquement, c’est ce que vous êtes en train de vouloir faire acter.

Vous dites vouloir débattre de l’allongement de deux semaines du délai dans le cadre de la loi de bioéthique. On entendra alors les mêmes raisonnements que celui de notre collègue qui se dit médecin. On les connaît depuis des lustres, depuis la loi Veil : on nous expliquait alors que la vie démarrait dès la conception. On les connaît, ces théories.

La réalité, c’est que les Anglais, les Espagnols, les Islandais ne sont pas moins humanistes, moins soucieux de la vie humaine, moins respectueux de la vie en général que nous, Français. On sait très bien qu’il n’y a scientifiquement rien de radicalement différent, le planning familial l’a montré, dans l’acte, qu’il soit pratiqué à douze ou à quatorze semaines de grossesse.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Ce n’est pas vrai !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. La réalité, c’est que vous voulez faire reculer le droit à l’avortement ! (Vives protestations et huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ce recul, on le constate dans les faits, car le droit n’existe que dans les faits. C’est vrai dans de nombreux autres domaines. Vous ne remettez pas en cause l’âge de la retraite, mais, dans les faits, on ne pourra pas partir. C’est le droit réel qui compte. Les lois que nous votons doivent s’appliquer à toutes, à tous, partout, dans tous les territoires, quelles que soient les conditions.

Vous accroissez les inégalités, mais, au fond, c’est la philosophie même de ce grand mouvement d’émancipation que vous remettez en cause, avec, comme d’habitude, les mêmes arguments, les mêmes votes qu’à l’époque, et ce peu de temps après la panthéonisation de Simone Veil ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Heureusement que la gauche était là à l’époque.

M. le président. Il faut vraiment conclure ! (Exclamations redoublées et claquements de pupitres sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Heureusement qu’elle est encore là aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. J’invite chacun à respecter son temps de parole.

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Beaucoup a été dit sur le fond. À cet égard, je suis d’accord avec le bref argumentaire qu’a développé Laurence Rossignol.

Nous sommes également interpellés sur une question de procédure. Concrètement, on nous propose de revenir sur l’amendement adopté vendredi au motif que le débat n’était pas mûr et que ce vote n’avait donc pas lieu d’être.

Indépendamment de ce que vous pensez sur le fond de cette question, mes chers collègues, je vous mets en garde. On nous oppose déjà en commission l’article 40 ou désormais l’article 45 de la Constitution sur nos amendements, arguant qu’il s’agit de cavaliers, qu’ils sont hors sujet. L’amendement de Mme Rossignol, lui, n’a pas subi ce sort, il n’a pas été considéré par nos instances comme étant hors sujet. Invoquer ce motif aujourd’hui pour annuler un vote est un argument fabriqué.

Cette situation n’est pas banale. Certes, on le reconnaît, la majorité sénatoriale est de droite. Peut-être que le vote de vendredi ne reflète pas la tendance de la chambre haute du Parlement, mais c’est le cas également en bien d’autres occasions. Le vote est souverain, il ne doit pas être remis en question quand toutes les règles de procédure ont été respectées. Tout a été fait correctement : l’amendement a été présenté, la commission a émis un avis, l’amendement a été mis aux voix, la majorité l’a emporté.

M. Marc-Philippe Daubresse. La seconde délibération est prévue par la Constitution !

M. David Assouline. Revenir sur ce vote cet après-midi n’est pas banal. J’espère que cela ne fera pas jurisprudence, sinon, chaque fois qu’un amendement déplaira à la majorité, il risquera d’être retoqué en fin de course.

M. Roger Karoutchi. C’est prévu dans la Constitution !

M. Marc-Philippe Daubresse. Un vice-président devrait le savoir !

M. David Assouline. Je vous mets donc en garde, mes chers collègues. Pour ma part, je voterai contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.

Mme Samia Ghali. Plusieurs médecins se sont exprimés ici, en tant que médecins ou parlementaires, ou les deux. Je tiens à leur dire que, dans certains territoires, l’accès aux soins, en particulier à des gynécologues, est malheureusement un parcours du combattant. Dans certains endroits, on compte en effet un gynécologue pour 100 000 habitants.

Mme Samia Ghali. C’est une réalité sur le territoire français, partout, que ce soient dans les quartiers populaires ou dans les campagnes. Il faut tenir compte de cette situation.

Cela signifie que, en réalité, l’accès à l’IVG ne concerne qu’une frange de la population, compte tenu de la situation sanitaire de notre pays. Si on en a les moyens, on peut effectivement se rendre à l’étranger pour avorter, sinon, on subit une grossesse non désirée.

Les hommes ne peuvent pas, comme ils le font chaque année le 8 mars, laisser leur place aux femmes le temps d’une journée, comme vous le faites vous-même ici, monsieur le président – elles sont mises en valeur et président partout ce jour-là –, puis voter contre des mesures concernant leur vie et leur santé, des mesures aussi en faveur de la protection de l’enfant. Il n’y a en effet rien de pire que d’avoir un enfant que l’on n’a pas désiré. Il faut penser à ces enfants non désirés, qui sont souvent en souffrance, qui ne sont malheureusement pas accompagnés, qui sont livrés à eux-mêmes et abandonnés, non pas aux services sociaux, ce qui serait presque une bonne chose, mais au sein de leur propre famille. Je tenais à vous alerter sur ces questions.

Finalement, votre amendement ne permet pas d’aller au fond des problèmes qui doivent tous nous interpeller, au-delà de nos divergences politiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je reviendrai rapidement sur la forme et sur le fond.

Sur la forme – le fait de revenir sur un vote en procédant à une seconde délibération –, les choses ont été dites, je n’y reviens pas. J’insisterai seulement sur l’image que nous donnons du Sénat en remettant en cause un vote tout à fait légitime. Tous ceux qui se sont exprimés vendredi midi l’ont fait en conscience.

Sur le fond, l’IVG est un droit fondamental, que nous considérons comme acquis, mais nous voyons bien, à l’occasion de différents débats, qu’il faut toujours le réaffirmer.

L’article 28 prévoit de prolonger de deux semaines le délai de l’IVG, qui est aujourd’hui de douze semaines. Si cette proposition a été faite, c’est fort du constat de la situation de détresse de certaines femmes, en particulier de jeunes femmes, qui n’ont d’autre solution aujourd’hui, quand elles en ont les moyens, que de se rendre à l’étranger pour avorter.

Alors, oui, cet article est une mesure de justice sociale.

Oui, c’est un amendement que nous avions proposé pour répondre à l’inégalité sociale. Lorsque le remboursement de l’IVG a été instauré, c’était aussi une mesure de justice sociale. Je tenais à insister sur cet aspect.

Bien sûr, je voterai contre le présent amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Je voterai, bien évidemment, l’amendement que nous avons adopté en commission il y a quelques instants.

Le débat de cet après-midi se suffit à lui-même. Les problèmes de fond soulevés par l’amendement adopté vendredi dernier, les interventions émanant des différentes travées en témoignent, appellent un débat bien plus approfondi que celui que nous avons eu sur ce sujet.

Mme Laurence Rossignol. Nous l’avons !

Mme Catherine Deroche. Nous l’aurons !

Mme la ministre, que l’on ne saurait soupçonner d’hostilité à l’IVG et aux droits des femmes, l’a dit : des études sont menées, des rapports seront remis, nous aurons ce débat.

Comme sur tous les sujets touchant à l’éthique, on l’a vu sur la fin de vie, on le verra en bioéthique, chacun ici a ses propres convictions. Au sein de notre groupe, nous avons toujours eu une liberté totale de vote sur ces sujets.

Ne nous jetons pas à la figure des soupçons infondés : jamais personne n’a eu l’idée, dans cet hémicycle, de revenir sur le droit à l’IVG. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.) Chacun a sa propre vision de l’IVG. C’est totalement caricatural, et je refuse absolument d’être classée dans la catégorie des conservateurs qui voudraient revenir sur le droit de l’IVG.

C’est un sujet de fond qui mérite un débat serein, digne et respectueux des uns et des autres, qui ne saurait être traité au détour d’un amendement présenté un vendredi matin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. David Assouline. On n’a plus le droit d’amender le vendredi !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. À juste titre, certains parmi nous évoquent les difficultés d’accès à l’IVG, la crainte parfois de la remise en cause d’un droit incontestable, qui serait accessible ou pas selon la condition sociale ou le lieu d’habitation.

Je ne suis pas médecin. En tant que parlementaire, je suis comme chacun de nous en contact avec beaucoup de femmes. Personne n’a le monopole du cœur et personne n’a à donner des leçons de morale à qui que ce soit ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Je ne suis ni membre de la commission des affaires sociales ni médecin, mais j’aimerais que l’on m’explique en quoi l’allongement du délai à quatorze semaines – pourquoi pas quinze ? – serait la réponse aux lacunes que vous constatez, à savoir la difficulté d’accès territoriale et sociale. Avant de voter, j’ai envie de comprendre et d’être convaincue.

En tout cas, je voterai pour l’amendement du président Milon, car je refuse d’être manipulée (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) et d’entendre que, parce que nous ne sommes pas d’accord, parce que nous cherchons à comprendre, nous ne serions que d’horribles conservateurs ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Ni médecin ni femme (Sourires.), je voudrais verser au débat la réaction publiée sur le site internet d’une grande revue féminine qui n’est pas connue pour son extrémisme sous le titre : « Le délai d’IVG allongé par le Sénat : “un vrai plus” pour les femmes ».

J’en extrairai les mots suivants : « Cet amendement pourrait bien changer la vie de nombreuses femmes. Quand on découvre qu’on est enceinte et qu’on prend la décision d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG), il faut garder en tête les délais. Jusqu’à maintenant, l’IVG chirurgicale n’était possible que jusqu’à la douzième semaine de grossesse : il fallait se lancer dans les démarches sans vraiment traîner et trouver l’établissement adéquat. C’est parfois beaucoup plus compliqué qu’auparavant, puisque, depuis de nombreuses années, certains établissements publics ou privés qui pratiquaient l’IVG ont fermé. Et les délais d’attente se révèlent souvent trop longs. Certaines femmes n’ont parfois d’autres choix que de se rendre à l’étranger pour avorter, mais toutes ne peuvent se le permettre côté financier. C’est pour cela que ces deux semaines supplémentaires pour avorter n’ont rien d’anodin. »

Je ne voterai pas, bien sûr, l’amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Je voudrais à mon tour insister sur une contradiction : d’un côté, on nous dit que le droit à l’IVG n’est pas en cause ; de l’autre, un amendement voté en séance publique provoque l’emploi d’une disposition du règlement tout à fait exceptionnelle. Il faut donc que cet amendement recèle un soupçon de gravité tel qu’il justifie cette procédure aux yeux de ceux qui l’ont provoquée. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)

Or il s’agit, non pas de bouleverser la législation en la matière, mais tout simplement d’améliorer, dans les conditions réelles, l’accès au droit à l’IVG de femmes qui risquent de ne pas pouvoir y recourir dans de bonnes conditions sanitaires.

J’ajoute que cet amendement prend place dans un projet de loi qui, plutôt que de les améliorer, risque bien d’aggraver les conditions du recours à l’IVG, puisqu’il ne règle pas les énormes problèmes pesant sur l’avenir du système hospitalier et du système sanitaire en matière d’accès à la santé, notamment la désertification médicale. Il est question en ce moment des urgences, mais l’on pourrait citer quantité d’autres problèmes qui ne sont pas résolus, vous le savez bien, par le projet de loi.

Le sujet est sérieux ; l’amendement incriminé vise simplement à mieux protéger un droit essentiel pour les femmes, et vous dramatisez le débat en essayant de nous faire croire qu’il ne porte pas sur le droit à l’IVG. Mais bien sûr que si ! Quantité de gens disent qu’ils sont pour le droit à l’IVG, mais sans se préoccuper de créer les conditions d’accès à ce droit. Un droit n’a de sens que si son accès est réel, ce qui n’est pas le cas pour la majorité des femmes en l’occurrence.

M. le président. Il faut conclure !

M. Pierre Laurent. Pour conclure, vous demandez du temps pour débattre, mais qui s’inquiète que nous adoptions un projet de loi aussi important en procédure accélérée ? Une deuxième lecture nous aurait permis de poursuivre le débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) Nous nous apprêtons à adopter ce projet de loi en procédure accélérée alors qu’il soulève de nombreux problèmes sans aucun état d’âme,…

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Pierre Laurent. … mais, sur l’IVG, vous en avez beaucoup ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Sur la forme, je rappelle à l’ensemble de nos collègues que la demande de seconde délibération figure dans la Constitution. Si cela ne plaît pas, il faut réformer la Constitution. Ce n’est pas exceptionnel puisque sept ou huit secondes délibérations sont demandées chaque année sur les lois de finances.

M. David Assouline. Pas quatre jours après !

M. Roger Karoutchi. Ayant moi-même sollicité de nombreuses secondes délibérations lorsque j’étais au Gouvernement, je m’en voudrais de considérer que c’est exceptionnel. Nous sommes dans la logique du système parlementaire de la Ve République. Vous pouvez le refuser, appeler de vos vœux la VIe, mais c’est celui qui s’applique pour le moment.

Sur le fond, franchement, entendre dire que, nous, les gens de droite, du centre ou d’ailleurs, parce que nous ne votons pas tout de suite, nous sommes, au bas mot, associés à Orban, voire pire… Je pense qu’il faut garder raison ! Je soutiens le texte de la commission et la position du Gouvernement. Que ce soit sur l’avortement, et j’y suis favorable, sur la fin de vie, et je pense qu’il faut améliorer les textes, comme sur un certain nombre de sujets, nous avons besoin d’un vrai texte de bioéthique et de temps. La loi Veil a été votée après vingt-six heures de débat. Ce n’est pas au détour d’un amendement que l’on peut tout changer. Je pense qu’un grand texte, madame la ministre, honorera le Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. La question est donc de porter de douze à quatorze semaines le délai légal pour avorter, comme en Suisse, en Espagne, en Belgique. Cependant, si nous étions vraiment progressistes, nous ferions comme au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, en passant de douze à vingt-quatre semaines.

L’IVG est un droit inaliénable des femmes à disposer de leur corps. À titre personnel, je ne voterai pas l’amendement de la commission, car je suis favorable à l’orientation qui a été proposée, mais en aucun cas je ne porterai de jugement sur ceux qui sont d’un avis différent, car ils ont eux aussi de bonnes raisons de penser comme ils pensent. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.

Mme Christine Prunaud. Monsieur Karoutchi, votre intervention a clarifié quelques points, mais je me demande comment nous, parlementaires, allons pouvoir justifier l’annulation du vote de vendredi auprès de nos concitoyens et auprès des associations comme le planning familial. Pour ma part, j’en suis encore très étonnée. Puisque c’est dans les règles de la Ve République, je n’irai pas plus loin…

Je sais qu’à droite quelques hommes et quelques femmes sont favorables à l’IVG, et tant mieux. Ce que nous demandons, avec l’amendement adopté vendredi, c’est un espace de sécurité supplémentaire de deux semaines pour les femmes qui veulent avorter. Laurence Cohen et Laurence Rossignol l’ont très bien expliqué, ces deux semaines permettraient de traiter des cas de détresse, d’ignorance, qui détruisent la vie des femmes concernées.

Nous n’avons nul besoin d’un délai de réflexion, d’un rapport ou d’une commission supplémentaires pour prendre position. Cette mesure ne met pas en péril la vie de ces femmes et nous permet de préserver un droit à l’intervention volontaire de grossesse dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)