M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Chère collègue, vous l’avez rappelé, la loi Garot a rendu obligatoire, pour toutes les grandes et moyennes surfaces de plus de 400 mètres carrés, le conventionnement avec une ou des associations en vue de leur donner leurs invendus alimentaires. En réalité, rien n’interdit à un commerce de détail alimentaire de moins de 400 mètres carrés de le faire également, s’il le souhaite.

Cet amendement est donc en réalité satisfait. S’il n’est pas retiré, l’avis de la commission sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Une telle possibilité existe en effet déjà : les distributeurs qui disposent d’une surface de vente de moins de 400 mètres carrés peuvent, s’ils le souhaitent, établir une convention de don avec des associations. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 212 est-il maintenu ?

Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.

Article additionnel avant l'article 5 - Amendement n° 212
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire
Article additionnel avant l'article 5 - Amendement n° 199

M. le président. L’amendement n° 212 est retiré.

L’amendement n° 213, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les II et III de l’article L. 541-15-6 du code de l’environnement sont ainsi rédigés :

« II. – Le non-respect de l’obligation prévue au I est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.

« III. – Un distributeur du secteur alimentaire qui rend délibérément impropres à la consommation les invendus alimentaires encore consommables, sans préjudice des dispositions réglementaires relatives à la sécurité sanitaire, est puni d’une amende forfaitaire de 10 000 €. Il encourt également la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. »

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Si la loi Garot de 2016 a permis d’accroître massivement les dons de denrées aux associations et de lutter activement contre le gaspillage alimentaire dans les grands centres commerciaux, force est de constater que des progrès sont encore réalisables.

Pour preuve, selon l’Ademe, 14 % des tonnages de nourritures gaspillées sont encore issus de la grande distribution. Bien que le code de l’environnement entérine le principe de la sanction, certains se refusent à jouer le jeu de la solidarité et préfèrent rendre certains aliments impropres à la consommation plutôt que d’en faire don aux associations d’aide aux plus démunis.

En 2017, selon l’ONU, 820 millions de personnes au monde souffraient de sous-nutrition. Quand des hommes, des femmes et des enfants meurent encore de faim à notre époque, il est absolument intolérable que des géants commerciaux se permettent de gâcher volontairement de la nourriture.

Afin de contrer ce phénomène bien réel en France, cet amendement vise à rendre les sanctions encourues plus dissuasives qu’elles ne le sont aujourd’hui. Ainsi, la sanction pour absence de conventionnement passerait d’une contravention forfaitaire de troisième classe à une amende de cinquième classe, et la sanction pécuniaire pour destruction de denrées alimentaires consommables serait portée de 3 750 euros à 10 000 euros.

Nous espérons que ces mesures permettront de mettre fin à l’impunité des acteurs de la distribution alimentaire, qui doivent participer à l’effort national contre la malnutrition et le gaspillage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. La loi Garot prévoit une amende forfaitaire de troisième classe pour les grandes et moyennes surfaces de plus de 400 mètres carrés qui ne respecteraient pas l’obligation de conventionner avec une association pour le don de leurs invendus alimentaires, et une amende de 3 750 euros pour les distributeurs du secteur alimentaire qui rendent délibérément impropres à la consommation des invendus alimentaires encore consommables.

Le rapport d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre de la loi Garot préconise d’accroître ces sanctions, maintenant que les mentalités et les pratiques ont évolué et que les acteurs ont eu le temps de s’adapter.

La commission se demande toutefois si les sanctions proposées ne sont pas trop fortes. C’est pourquoi elle souhaite recueillir l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, je souscris totalement à votre argumentaire.

Il me semble important de mettre en perspective l’augmentation du montant des sanctions financières avec le chiffre d’affaires des acteurs économiques de ce secteur et de rappeler la publicité de la sanction, déjà prévue par les textes. Les sanctions actuelles sont efficaces et il ne faudrait pas pénaliser trop fortement les petits acteurs, mais j’émets un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. La commission se range à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 213.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel avant l'article 5 - Amendement n° 213
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire
Article additionnel avant l'article 5 - Amendement n° 215

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 5.

L’amendement n° 199, présenté par Mme Guidez, M. Kern, Mme Sollogoub, MM. Longeot, Marseille et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Avant l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 541-15-6 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 541-15-… ainsi rédigé :

« Art. L. 541-15-…. – Les professionnels proposant des denrées alimentaires sur les halles, les marchés et les foires ou lors de ventes au déballage prévues à l’article L. 310-2 du code de commerce sont tenus de proposer à une ou plusieurs associations mentionnées au III de l’article L. 541-15-5 du présent code la cession à titre gratuit des denrées ne pouvant donner lieu à transformation ou valorisation avant qu’elles ne soient impropres à la consommation humaine.

« Le non-respect de cette obligation est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles est proposée cette cession à défaut de convention conclue à cette fin par un professionnel avec au moins une association. »

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2021.

La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Dans le monde, environ un tiers des aliments produits sont gaspillés. En France, entre 9 millions et 10 millions de tonnes de nourritures consommables sont jetées chaque année. Ce constat est alarmant.

Par ailleurs, les marchés sont responsables de 5 % du gaspillage alimentaire. Ainsi, régulièrement, à la fin de certaines ventes de plein air, il est possible d’observer des fruits et légumes, propres à la consommation, abandonnés près des poubelles en vue d’être jetés.

Plusieurs initiatives ont été prises par le législateur, mais également par les associations, afin de contribuer à faire évoluer les pratiques. Les associations récupèrent des denrées alimentaires et les redistribuent à des particuliers se trouvant en situation de précarité. Au regard des enjeux écologiques, économiques et sociaux liés au gaspillage alimentaire, il est urgent de lutter contre ce gâchis en développant au maximum le don, la transformation ou la valorisation des denrées invendues.

Tel est l’objet de cet amendement, qui s’inscrit dans le prolongement de la loi Garot. Les professionnels exerçant une activité de commerce non sédentaire – dans une halle, sur un marché, dans une foire ou à l’occasion d’une vente au déballage – seraient tenus de proposer à une ou plusieurs associations caritatives la cession à titre gratuit des denrées alimentaires ne pouvant donner lieu à transformation ou à valorisation, avant qu’elles ne soient impropres à la consommation humaine. Le non-respect de cette obligation serait sanctionné. Ces dispositions entreraient en vigueur à partir du 1er janvier 2021.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Depuis la loi du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, les commerces de détail alimentaires dont la surface de vente dépasse 400 mètres carrés ont l’obligation de proposer à une ou plusieurs associations habilitées de conclure une convention relative au don de leurs denrées alimentaires invendues.

Cet amendement vise à étendre l’obligation de donner les invendus alimentaires au commerçant qui vend des denrées sur le marché. J’en comprends parfaitement le sens. Toutefois, il me semble qu’il fait porter une contrainte très forte sur des commerçants qui, considérés individuellement, ne vendent qu’un volume limité de denrées et n’ont donc pas les mêmes moyens que les commerces de détail et les grandes surfaces sur lesquels une telle obligation pèse déjà.

Au demeurant, je remarque que de nombreuses initiatives ont été développées dans notre commune pour récupérer les invendus à la fin des marchés et les redistribuer gratuitement. Je pense donc qu’il vaut mieux encourager de telles initiatives localement plutôt que d’en passer par la loi.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Aujourd’hui, l’obligation de proposer la conclusion d’une convention de don concerne les plus gros distributeurs, qui disposent d’installations fixes de plus de 400 mètres carrés, les opérateurs de restauration collective ou encore l’industrie agroalimentaire.

Madame la sénatrice, il serait très compliqué, pour de nombreux petits commerces, surtout pour ceux dont les installations sont mobiles, de devoir signer une convention de don. On le sait, de nombreux travailleurs indépendants se plaignent déjà d’un excès de paperasse. Cela ne les empêche pas pour autant d’avoir une conscience environnementale et une véritable volonté de lutter contre le gaspillage alimentaire.

Nous avons examiné en détail le rapport d’information sur l’évaluation de la loi Garot, remis au mois de juin 2019. Il estime contre-productif d’obliger tous les petits commerçants à établir de telles conventions d’aide alimentaire, d’autant que, dans certaines zones, les associations d’aide aux plus démunis ne sont tout simplement pas en mesure de collecter les denrées alimentaires dans de bonnes conditions.

Pour ma part, je serais plutôt favorable à ce que l’on trouve des solutions adaptées au contexte local, qui laissent suffisamment de souplesse et permettent à ces petits commerçants, particulièrement à ceux qui ont des installations mobiles, de donner une portée concrète à leur conscience environnementale et écologique. On pourrait ainsi créer des zones de collecte sur les marchés : un tel dispositif pourrait être mis en place assez facilement en concertation avec les maires. Remettons-nous-en à la sagesse et au bon sens de nos petits commerçants.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Madame Guidez, l’amendement n° 199 est-il maintenu ?

Mme Jocelyne Guidez. Je regrette un peu ces avis défavorables, même si je peux entendre les motivations avancées. Nous nous sommes posé la même question : un tel dispositif ne sera-t-il pas trop lourd pour les petits commerçants ?

Cependant, pour ma part, je faisais surtout référence aux grands marchés. Pendant la saison des melons, par exemple, des fruits sont jetés alors qu’ils sont consommables. Je trouve cela dommage, alors qu’il y a de plus en plus de précarité. Je ne vois pas pourquoi une obligation applicable aux commerces de plus de 400 mètres carrés ne pourrait pas l’être aux grands marchés.

Je ne retire pas cet amendement, car il faut sensibiliser les commerçants des grands marchés.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 199.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 5.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

Article additionnel avant l'article 5 - Amendement n° 199
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire
Article additionnel avant l'article 5 - Amendement n° 357 rectifié

M. le président. La séance est reprise. Elle sera suspendue à dix-neuf heures trente, pour permettre à la commission de se réunir.

L’amendement n° 215, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La sous-section 1 bis de la section 3 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement est complétée par un article L. 541-15-… ainsi rédigé :

« Art. L. 541-15-. – La mention de la date de durabilité minimale n’est pas requise pour les denrées alimentaires suivantes :

« - les boîtes de conserve en bon état et hermétique ;

« - les produits lyophilisés ;

« - les pâtes, le riz, les flocons d’avoine ;

« - les huiles, le miel, les épices.

« La mention seule d’une date de fabrication est suffisante à la commercialisation des denrées alimentaires susmentionnées. »

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Depuis plusieurs années, les dates limites de consommation appliquées par les industriels sur leurs produits frais ou secs connaissent d’importantes modifications, dans un sens favorable au combat contre le gaspillage alimentaire.

Certaines dates ont été supprimées pour des produits jugés non périssables, comme le sel ou le vinaigre, et d’autres ont été allongées, notamment pour les produits frais, sans que l’on puisse constater un effet néfaste à la santé du consommateur.

Cet amendement vise à étendre la liste des denrées alimentaires ne nécessitant pas l’apposition d’une date de péremption, mais simplement celle d’une date de fabrication, à titre indicatif. Les produits concernés sont les boîtes de conserve hermétiques et en bon état, les produits lyophilisés, les pâtes, le riz, les flocons d’avoine, les huiles, le miel et les épices.

Cette proposition va dans le sens des règlements européens, qui encouragent vivement les États membres de l’Union européenne à lutter contre le gaspillage alimentaire, en supprimant des dates de péremption qui n’ont pas lieu d’être.

À l’instar de nombreux produits vendus en vrac, par définition sans date de durabilité minimale, il convient, pour certains produits a priori impérissables, de faire davantage confiance au bon sens des consommateurs, qui pourront apprécier par eux-mêmes si un aliment est consommable ou non.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. L’article 103 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte dispose que l’inscription d’une date de durabilité minimale est interdite sur certains produits alimentaires, dont la liste est fixée à l’échelon européen. De manière plus précise, c’est l’annexe X au règlement n° 1169-2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, d’application directe, qui fixe cette liste ; celle-ci ressemble peu ou prou à celle que vous proposez d’inscrire dans la loi, madame la sénatrice.

Il semble plus pertinent d’agir à l’échelon européen sur cette question. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, si je partage votre objectif de clarifier l’information des consommateurs sur les dates de durabilité minimale des produits alimentaires, une interdiction simple n’est pas conforme au droit européen actuel.

C’est pourquoi j’ai décidé d’agir à l’échelon européen pour modifier la mention d’information des consommateurs sur cette date, pour que celle-ci ne soit plus interprétée comme une échéance limite de consommation. J’ai beaucoup échangé avec des associations spécialistes de ces questions : c’est sur le terrain européen que ce combat peut être mené.

Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 215 est-il maintenu ?

Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.

Article additionnel avant l'article 5 - Amendement n° 215
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire
Article additionnel avant l'article 5 - Amendement n° 214

M. le président. L’amendement n° 215 est retiré.

L’amendement n° 357 rectifié, présenté par MM. Joël Bigot, Kanner et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville et Tocqueville, M. Duran, Mme S. Robert, MM. Antiste et Temal, Mme Harribey, MM. Montaugé, Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Avant l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts, est complété par un chapitre … ainsi rédigé :

« Chapitre …

« Art. 302 bis … – Au 1er janvier 2021, est instituée une taxe due par les fabricants et importateurs de produits non alimentaires non recyclables mis sur le marché à destination des ménages soumis au I de l’article L. 541-10 du code de l’environnement.

« Le tarif de la taxe est fixé à 5 % du prix de vente hors taxe. »

La parole est à M. Joël Bigot.

M. Joël Bigot. Cet amendement vise à créer une taxe applicable à tous les produits non alimentaires mis sur le marché ne pouvant pas faire l’objet d’un recyclage. Il s’agit d’encourager l’éco-conception des produits et de responsabiliser les producteurs de produits non recyclables.

En commission, la rapporteure a indiqué qu’il était préférable d’avoir recours à un dispositif d’éco-modulation plutôt qu’à un système de taxe. Or nous estimons que les deux ne sont pas incompatibles, particulièrement quand l’intérêt général est en jeu. Par ailleurs, il apparaît que les éco-modulations ne s’appliqueront qu’aux produits soumis à une REP, alors que la présente taxe s’appliquera à tous les produits non recyclables, soumis ou non à une REP.

Bien évidemment, si notre amendement à l’article 8 visant à proposer l’instauration d’une « REP balai » pour tous les produits non soumis à une REP devait être adopté, la présente disposition serait caduque. Toutefois, pressentant quel sort sera réservé à cet amendement, je propose de créer une taxe frappant l’ensemble des produits non recyclables. Son produit pourrait financer des actions en faveur du recyclage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Cet amendement vise à instituer une taxe sur les produits non recyclables, à hauteur de 5 % du prix de vente hors taxes.

Cher collègue, même si vous avez évoqué les raisons pour lesquelles j’avais émis en commission un avis défavorable sur cet amendement, je les rappellerai pour nos collègues.

La création d’une taxe ne me semble pas adaptée pour orienter les acteurs économiques vers des modes de production plus vertueux, car il s’agit là d’une logique punitive.

À l’inverse, les éco-modulations déplafonnées par le projet de loi permettent de responsabiliser une filière de production et de créer un chaînage vertueux entre ses acteurs afin de les inciter à trouver de meilleures solutions.

Les éco-modulations sont préférables aux taxations à plusieurs égards. D’une part, elles sont supportées par les producteurs et non par les consommateurs ; d’autre part, elles sont neutres pour le budget de l’État et peuvent directement financer des bonus sur les produits plus vertueux, à l’inverse de taxes dont l’affectation est limitée par le principe d’universalité budgétaire.

J’émets donc de nouveau, comme en commission, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. La fiscalité environnementale est effectivement un outil très puissant pour faire évoluer les comportements ; ce n’est pas moi qui vous dirai le contraire.

Cela étant, vous avez tous suivi comme nous l’épisode de la hausse de la taxe carbone, que j’ai pour ma part vécu de très près, si j’ose dire. Ma crainte, je vous le dis sincèrement, est que, telle qu’elle est proposée, la taxe ne soit répercutée en partie, pour ne pas dire entièrement, sur le consommateur, ce qui aurait pour conséquence d’augmenter de 5 % le prix de certains produits, à l’image d’une hausse de 5 % de la TVA sur ces mêmes produits. Je vous laisse imaginer les conséquences pour beaucoup de Français.

En outre, si la notion de recyclabilité est très bien encadrée dans les filières REP, comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, elle ne fait l’objet d’aucune définition précise dans les filières non structurées. Vous l’avez également indiqué, puisque vous avez parlé de l’ensemble des REP.

Je le répète, je crains que la hausse de la fiscalité ne soit répercutée sur le consommateur final. Il serait plus approprié de discuter d’une telle taxe dans le cadre de l’examen d’un texte budgétaire et fiscal, par exemple lors du prochain projet de loi de finances.

Vous ne serez donc pas surpris, monsieur le sénateur, que j’émette un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour explication de vote.

M. Joël Bigot. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien compris que vous ne souhaitiez pas attacher votre nom à une taxe, ce qu’on peut comprendre ! (Mme la secrétaire dÉtat sourit.)

Cela étant, un certain nombre de produits mis sur le marché ne bénéficiant pas d’une REP, il faudra bien trouver un moyen de les traiter. C’est la raison pour laquelle je proposerai plus loin, je l’ai dit, une « REP balai », à laquelle sera réservé, à n’en pas douter, un sort favorable…

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 357 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 5 - Amendement n° 357 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire
Article 5

M. le président. L’amendement n° 214, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d’un an suivant la publication de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur la quantité de nourriture saisie par les services des douanes aux frontières et sur son traitement a posteriori, afin d’en quantifier la part consommable qui est annuellement perdue.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Nous sommes souvent prompts à porter des jugements sur les habitudes alimentaires du secteur privé et des consommateurs, que nous jugeons massivement responsables du gaspillage dans notre pays.

Avant de critiquer de manière très virulente nos concitoyens, il me semble qu’il serait judicieux de vérifier que nos administrations ont des pratiques vertueuses.

Ainsi, comme le pointent du doigt les auteurs du rapport du 12 juin 2019 sur l’évaluation de la loi de 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, il serait intéressant d’examiner le traitement réservé aux denrées consommables saisies aux frontières, notamment dans les aéroports, par les services de l’administration douanière.

Depuis un arrêté du 4 mars 2013, il est proposé aux douaniers de faire don aux associations des aliments saisis. Six ans après la publication de cet arrêté, il est temps d’en évaluer les effets.

Le présent amendement vise donc à prévoir, dans un délai d’un an suivant la publication de la présente loi, la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur la quantité de denrées alimentaires saisies par les services des douanes et sur leur traitement a posteriori, afin de quantifier la part consommable annuellement perdue dans les poubelles de nos administrations.

Alors que nous demandons à nos concitoyens d’être exemplaires, afin de réduire le gaspillage alimentaire, il serait préférable que nos administrations soient elles-mêmes irréprochables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Il me paraît quelque peu disproportionné de demander un rapport sur le bilan de l’application d’un arrêté ministériel, chère collègue. En revanche, nous pouvons interroger Mme la secrétaire d’État sur ce bilan et sur les moyens d’utiliser ce levier pour lutter contre le gaspillage alimentaire, votre question étant tout à fait pertinente.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, vous avez raison, une grande quantité de nourriture est gaspillée aux frontières par les douanes. Beaucoup de denrées consommables sont perdues, mais, sur ce sujet, il faut savoir précisément de quoi on parle : quelles quantités sont concernées ? Où sont-elles ? Comment lutter au mieux contre ce gaspillage ?

Je m’engage à lancer un audit, afin de faire un état des lieux et de bien comprendre la situation, car la question que vous soulevez est bien plus complexe qu’on le pense. Ainsi, que faire des poissons saisis par les douanes au retour d’un pêcheur ? Ces poissons ne sont rapidement plus consommables, ils sont même potentiellement dangereux… Cela pose un problème de responsabilité.

Nous devons répondre très concrètement à ces questions. De même, nous devons comprendre quel type de nourriture est saisi par les douanes. Bref, beaucoup de questions se posent sur ce sujet essentiel, qui constitue, je le reconnais, un angle mort.

Je le répète, je m’engage devant vous à faire un bilan. Et je sais que vous ne manquerez pas de vérifier que nous avançons sur ces questions, madame la sénatrice.

Pour l’heure, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Madame la secrétaire d’État, vous émettez un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à prévoir la remise d’un rapport, alors que vous venez de dire que vous étiez d’accord pour réaliser un audit ! (Sourires.) J’ai un peu de mal à comprendre…

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Vous faites bien de relever mon incohérence, monsieur le sénateur. Oui, je suis favorable à un rapport, qui servira d’audit et de bilan ! L’avis du Gouvernement est donc favorable.

Bravo au groupe CRCE ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-François Husson. Et à leur belle vigilance !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 214.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme Cécile Cukierman. Nous aurons tout de même un rapport du Gouvernement !

Article additionnel avant l'article 5 - Amendement n° 214
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire
Demande de priorité

Article 5

I. – L’intitulé de la sous-section 1 bis de la section 3 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement est ainsi rédigé : « Lutte pour le réemploi et contre le gaspillage ».

bis (nouveau). – Le 2° du I de l’article L. 541-15-6 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un décret définit les conditions dans lesquelles l’autorité administrative effectue des contrôles aléatoires de la qualité des denrées données. »

II. – La sous-section 1 bis de la section 3 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement est complétée par un article L. 541-15-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 541-15-8. – I. – Les producteurs, importateurs et distributeurs de produits non alimentaires neufs destinés à la vente sont tenus de réemployer, de réutiliser ou de recycler leurs invendus, dans le respect de la hiérarchie des modes de traitement mentionnée à l’article L. 541-1. Ces obligations ne s’appliquent cependant pas :

« 1° Aux produits dont la valorisation matière est interdite, dont l’élimination est prescrite ou dont le réemploi, la réutilisation et le recyclage comportent des risques sérieux pour la santé ou la sécurité ;

« 2° Aussi longtemps que les conditions nécessaires pour réaliser le réemploi, la réutilisation ou le recyclage ne permettent pas d’y procéder de façon satisfaisante au regard de l’objectif de développement durable mentionné à l’article L. 110-1.

« II. – Les personnes mentionnées à l’article L. 541-10-7 sont également tenues de gérer les produits invendus conformément aux dispositions du présent article.

« III (nouveau). – Tout manquement aux obligations de gestion des produits non alimentaires neufs invendus mentionnées au présent article est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale.

« Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation. »

« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »

II bis (nouveau). – Après le 22° de l’article L. 511-7 du code de la consommation, il est inséré un 23° ainsi rédigé :

« 23° De l’article L. 541-15-8 du code de l’environnement. »

III. – Les dispositions du II du présent article entrent en vigueur :

1° À une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 31 décembre 2021 s’agissant de l’ensemble des produits qui étaient soumis au principe de responsabilité élargie du producteur antérieurement à la publication de la présente loi ;

2° À des dates fixées par décret en Conseil d’État en considération des délais nécessaires pour mettre en place les filières de réemploi, réutilisation ou recyclage adaptées aux produits concernés dans les autres cas, et au plus tard le 31 décembre 2023.

IV (nouveau). – Au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’impact de l’affichage des dates limites de consommation et des dates de durabilité minimale sur le gaspillage alimentaire. Ce rapport présente les propositions qui pourraient être défendues pour faire évoluer la réglementation européenne afin d’éviter que des produits encore consommables soient jetés en raison des dates affichées sur l’emballage.