M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Je partage ce que vient de dire Olivier Henno. Je suis moi aussi d’un département viticole, où les liquoristes, notamment, sont nombreux. Mais les taxes préconisées dans le cadre de ce PLFSS ne sont vraiment pas des taxes classiques : les produits sur lesquelles elles portent sont des premix. En mélangeant tout, on laisse croire que tout se vaut. Non ! Bernard Jomier l’a très bien dit hier soir : les produits qui sont visés sont destinés à faire entrer les jeunes dans une forme d’addiction.

Je rappelle d’ailleurs que l’alcoolisme est un fléau qui touche certes les jeunes – nous avons tous eu connaissance de familles touchées, ou d’accidents survenant à cause d’une alcoolisation massive de jeunes –, mais pas seulement. Quand on fait le bilan des violences conjugales ou des féminicides, on sait la part de l’alcool dans ces phénomènes. (Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Michelle Meunier et Laurence Rossignol applaudissent.)

Je voterai donc dans le sens de la commission.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je vais moi aussi voter dans le sens de la commission.

Notre collègue Savary m’a quasiment enlevé les mots de la bouche, s’agissant de l’augmentation de 300 %, il y a quelques années, des droits d’accise sur la bière. On nous avait dit que le secteur n’y résisterait pas ; or il a assez bien résisté.

Je voudrais insister sur un point : les évaluations. On comprend évidemment combien sont absolument nécessaires les politiques de santé publique, en matière de lutte contre l’alcoolisme ou contre les excès de sucre et de sel, par exemple. Mais l’évaluation de ces politiques est aussi très importante, afin que nous sachions chaque année, lorsque nous débattons à l’occasion de cette séance qui, au sein de l’examen du PLFSS, ressemble beaucoup à la route du vin (Sourires.), si oui ou non cela vaut la peine d’augmenter les taxes, et quels sont les résultats de ces politiques en termes de consommation.

La politique de santé publique justifie absolument les mesures que nous sommes en train de prendre ; encore faut-il que, à un moment ou à un autre, des évaluations puissent nous être communiquées.

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. On parle beaucoup d’impact économique et d’évaluation ; je voudrais juste ajouter un mot à ce débat. A-t-on évalué le coût en matière de santé publique de l’alcoolisme en France, sachant que la première cause de morbi-mortalité y est l’association du tabac et de l’alcool ?

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 873 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 929 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre et MM. A. Bertrand, Gabouty et Cabanel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le 2° du I du présent article est applicable au 31 décembre 2020.

La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Il a été défendu à l’occasion de la discussion sur l’amendement précédent.

Je reprends néanmoins la parole pour vous donner un chiffre, celui de l’implication de la filière dans la prévention en direction des femmes enceintes. Sans aide, sans financement public – personne ne l’a salué, j’aimerais au moins pouvoir le dire au nom de la filière –, nous avons investi, nous tous, viticulteurs, 100 000 euros.

Il était de mon devoir de vous informer de l’implication de la filière. C’est parce que nous arrivons à vendre des produits dans un cadre responsable que nous pouvons coconstruire aujourd’hui la prévention, notamment auprès des femmes enceintes et des jeunes.

Je ne voudrais pas que la filière soit affublée aujourd’hui de tous les maux : nous prenons notre part de responsabilité comme nous devons le faire.

Mme Laurence Rossignol. C’est qui « nous » ? Vous parlez au nom des viticulteurs ou comme parlementaire ?

M. le président. Si vous souhaitez la parole, demandez-la, chère collègue, elle vous sera donnée avec plaisir.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission émet le même avis défavorable que pour les amendements précédents.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Je ne pensais pas que nous reprendrions ce débat ce matin, mais, après tout, pourquoi pas ?

Madame Delattre, la prévention relève des professionnels de santé, ce qui n’exclut pas les autres acteurs. Je prendrai l’exemple de la campagne de prévention sur la consommation d’alcool pendant la grossesse de Vin & Société qui vient de débuter, parfaitement révélatrice des ambiguïtés de ce type de campagne conçue par les professionnels.

Mme Catherine Deroche. Tout à fait !

M. Bernard Jomier. Ce n’est d’ailleurs pas spécifique au vin : si vous confiez une campagne de prévention du tabagisme à l’industrie du tabac, les messages seront forcément un peu ambigus.

Les documents présentant la campagne l’illustrent parfaitement en affirmant qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur les risques de la consommation d’alcool pendant la grossesse, ce qui est totalement faux : il y a un consensus scientifique sur ce point. Lorsque les données posées au départ sur la table sont fausses, on peut s’interroger sur la campagne qui en découle, interpréter les visuels… Je vous invite à consulter le site qui y est consacré.

Par ailleurs, 100 000 euros ont été investis, nous dites-vous, dans la prévention. Certes, mais selon le site de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, 200 000 euros ont également été consacrés à tenter d’influencer les parlementaires et leurs collaborateurs sur cette question… (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 929 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 172, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Compléter cet article par quatre paragraphes ainsi rédigés :

…. – À compter 1er janvier 2021, au 1° du II de l’article 1613 bis du code général des impôts, le montant : « 3 € » est remplacé par le montant : « 5 € ».

…. – À compter 1er janvier 2022, au 1° du II de l’article 1613 bis du code général des impôts, le montant : « 5 € » est remplacé par le montant : « 7 € ».

…. – À compter 1er janvier 2023, au 1° du II de l’article 1613 bis du code général des impôts, le montant : « 7 € » est remplacé par le montant : « 9 € ».

…. – À compter 1er janvier 2024, le II de l’article 1613 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :

« II. – Le tarif de la taxe mentionnée au I est fixé à 11 € par décilitre d’alcool pur. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il est retiré, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 172 est retiré.

L’amendement n° 860 rectifié, présenté par MM. Jomier, Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Jasmin, Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Artigalas, MM. Leconte, Montaugé, Sueur, Antiste et Bérit-Débat, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Courteau, Duran, Fichet et Gillé, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Lalande, Mmes Lepage, Monier, Perol-Dumont, Préville et Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Au plus tard le 30 septembre 2020, le Gouvernement communique au Parlement les résultats d’une évaluation des effets, notamment sur le volume des ventes, de la taxation prévue au présent article.

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. Cet amendement fait écho aux propos de Mme Delattre et de M. Savary sur la nécessité d’une évaluation. Le Sénat avait déjà délibéré de cette question l’année dernière et adopté la taxe dans un format légèrement différent. L’Assemblée nationale ne l’ayant pas confirmé, nous retrouvons cette année le même débat.

Nous nous accordons tous sur la nécessaire évaluation à brève échéance, puisque nous délibérerons de nouveau l’année prochaine sur les effets de ce type de taxe. Est-ce efficace ? Les ventes de premix ont-elles baissé ou pas ?

La taxation entrant en vigueur le 1er janvier 2020, je souhaite qu’au mois de septembre, un peu en amont de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement nous présente les résultats d’une évaluation afin que nos débats fassent moins appel à nos représentations et plus à la réalité des faits et des chiffres.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Comme vous le savez, la commission n’aime pas beaucoup les rapports, l’avis est donc défavorable. Je comprends les motivations de notre collègue Jomier, mais un rapport est-il indispensable ? Nous connaissons déjà les effets de l’introduction ou de l’augmentation de certaines taxes. Il faut en faire la synthèse, mais un rapport n’est pas nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Je partage non seulement vos convictions, monsieur le sénateur Jomier, mais également votre envie de connaître l’impact de toutes ces politiques.

Nous avons créé, vous le savez, un jaune budgétaire portant sur la prévention ; nous aurons l’occasion d’en débattre ultérieurement. Nous nous sommes engagés à produire un rapport concentrant la totalité des politiques de prévention que nous menons, afin de disposer d’une vision beaucoup plus précise de chaque mesure prise dans les PLFSS ou dans les PLF en faveur de la prévention.

Je ne souhaite pas ajouter un nouveau rapport à toutes les actions menées par Santé publique France et la direction générale de la santé sur ces politiques publiques et ce jaune budgétaire. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Pour en revenir à l’évaluation, il serait également intéressant, comme le soulignait précédemment notre collègue, de disposer d’un bilan coût-avantage de ces mesures par rapport au coût de l’alcool en termes de santé publique. Cependant, le jaune budgétaire me semble suffisant : je ne voterai donc pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Je soutiens cet amendement. Il me semble intéressant de mesurer les effets des mesures adoptées hier soir non seulement sur les ventes de premix, qui auront certainement baissé, mais surtout sur l’alcoolisation. Cela a été dit, les premix ne sont pas seuls en cause : les alcools forts comme la vodka, le whisky, le gin, mélangés à d’autres produits, sont tout aussi nocifs.

Je suis donc favorable à un rapport qui englobe la totalité des problématiques de l’alcoolisation au travers des effets de cette taxe.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Ce rapport, comme le jaune budgétaire, aurait dû être un préalable ! Nous sommes en train de voter sur une matière que nous ne maîtrisons pas, à partir d’approximations.

On veut par exemple faire porter à la boisson nationale martiniquaise tous les maux de la création, alors que la consommation de bière importée, souvent aromatisée et avec un nom hispanisant, s’élève à 63 % et celle du vin, particulièrement de vin de champagne, dont les Guadeloupéens et les Martiniquais sont les plus grands consommateurs ramenés à la population, à plus de 20 %. Mais pardon, je viens de commettre un sacrilège : j’ai parlé de la production nationale franco-française de vin et de champagne !

Si le jaune avait été présenté en amont, on aurait évité de massacrer une filière en pleine expansion, dont seuls 7 % de la production sont consommés en Martinique. Je voterai pour ce rapport, mais il arrive trop tard.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Après avoir entendu les explications de Mme la ministre, l’existence d’un jaune budgétaire m’ayant échappé, je retire bien évidemment mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 860 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’article 9 ter.

Mme Laurence Cohen. Nous voterons l’article 9 ter. Chaque année, l’alcool est responsable de plus de 40 000 morts, dont 15 000 par cancer. Il constitue ainsi la deuxième cause de mortalité évitable.

On sait aussi, Catherine Deroche l’a souligné, même si c’est encore malheureusement trop peu pris en compte, que l’alcool est l’une des causes des violences conjugales.

Nos débats sont souvent passionnés dans cet hémicycle, nous le constatons depuis hier soir, mais ils évoluent et témoignent que nous sommes avant tout animés, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, par des questions de santé publique et de prévention.

Nous avions déposé un amendement, malheureusement comme beaucoup d’autres déclaré irrecevable, proposant de soumettre les alcooliers à une taxe sur la publicité en faveur de leurs boissons, dont le produit pourrait rapporter 25 millions d’euros.

Souvenons-nous que, lors de la création du Fonds de prévention contre les addictions, à l’article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’an dernier, de nombreux professionnels avaient largement regretté que l’alcool en soit le grand absent et ne soit pas davantage taxé.

Si je me félicite cette année de cet article permettant de taxer les premix, responsabiliser les alcooliers via la publicité me semble une bonne piste pour augmenter les moyens de ce fonds et faire davantage de prévention. Aussi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je vous invite à prendre connaissance de notre amendement frappé d’irrecevabilité afin, pourquoi pas, de nous le proposer l’année prochaine.

M. le président. Je mets aux voix l’article 9 ter.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 35 :

Nombre de votants 330
Nombre de suffrages exprimés 316
Pour l’adoption 245
Contre 71

Le Sénat a adopté.

Article 9 ter (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020
Article additionnel après l'article 9 ter - Amendement n° 518 rectifié (suite)

Articles additionnels après l’article 9 ter

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 518 rectifié, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Lurel, Mme Conway-Mouret, MM. Lalande, Durain et Duran et Mmes G. Jourda et Artigalas, est ainsi libellé :

Après l’article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 758-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 758-1. – En Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, en Martinique, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, le tarif de la cotisation sur les boissons alcooliques, prévu à l’article L. 245-9 est fixé à 0,04 euro par décilitre ou fraction de décilitre, pour les rhums, tafias et spiritueux composés à base d’alcool de cru produits et consommés sur place. »

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L’amendement n° 519 rectifié, présenté par Mme Conconne, MM. Antiste et Lurel, Mmes Jasmin et Conway-Mouret, MM. Lalande, Durain et Duran, Mmes G. Jourda et Artigalas et M. Kerrouche, est ainsi libellé :

Après l’article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 758-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au 1°, le montant : « 168 » est remplacé par le montant : « 89 » ;

2° Au 2°, le montant : « 246 » est remplacé par le montant : « 138 » ;

3° Au 3°, le montant : « 325 » est remplacé par le montant : « 187 » ;

4° Au 4°, le montant : « 403 » est remplacé par le montant : « 236 » ;

5° Au 5°, le montant : « 482 » est remplacé par le montant : « 286 » ;

6° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :

« …° 335 euros par hectolitre d’alcool pur à compter du 1er janvier 2025 ;

« …° 384 euros par hectolitre d’alcool pur à compter du 1er janvier 2026 ;

« …° 433 euros par hectolitre d’alcool pur à compter du 1er janvier 2027 ;

« …° 482 euros par hectolitre d’alcool pur à compter du 1er janvier 2028. »

II. – Le même article L. 758-1 est abrogé à compter du 1er janvier 2029.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je voudrais d’abord faire un « point d’ordre », pour répondre à un certain nombre de postures observées hier soir.

Je suis impliquée dans la vie publique depuis maintenant vingt ans. Je suis passée par tous les arcanes du mandat local : maire adjointe de la première ville de Martinique, qui compte près de 100 000 habitants, conseillère générale d’un canton de 17 000 habitants 100 % populaire, conseillère régionale, première vice-présidente de la région en charge des politiques publiques importantes, et depuis deux ans sénatrice, sans compter une bonne vingtaine d’années d’action militante pure.

Lorsque, pour venir ici, je parcours en avion 8 000 kilomètres et affronte six heures de décalage horaire, j’ai préparé au préalable toutes mes interventions, auditionné toutes les personnes concernées par les problématiques locales, je dis bien « toutes ». Mon agenda est public, vous pouvez le consulter : je rencontre des médecins, des professeurs de médecine en pédiatrie, en psychiatrie, en addictologie ; je consulte l’ARS (agence régionale de santé), longuement ; je consulte jusqu’à la veille de mon départ le CHU (centre hospitalier universitaire), longuement.

Lorsque je viens ici avec des statistiques que j’ai pris la peine de recueillir auprès de personnes ayant prêté le serment d’Hippocrate – pas d’hypocrite (Murmures sur plusieurs travées.) –, je sais de quoi je parle ! Il m’est donc particulièrement insupportable de m’entendre faire la leçon sur des chiffres, des problématiques qui concernent mon pays par des gens qui n’en ont aucune notion ! (Exclamations sur de nombreuses travées.)

Mme Patricia Schillinger. Quelle est cette façon de parler ? Ce n’est pas un pays !

Mme Catherine Conconne. Je ne me permettrai jamais, ici, de m’immiscer dans les affaires de Bordeaux à côté de Bordelais, des Ardennes à côté d’Ardennais ! Je ne le ferai jamais ! Je respecte les notions de territoires ; je respecte les élus, qui sont des spécialistes de leur territoire ! À toutes ces personnes en posture néocoloniale, néoimpérialiste, (Protestations des travées du groupe LaREM jusquà celles du groupe Les Républicains.) faisant la leçon à des gens qu’ils ont à l’époque tenus sous tutelle, je réponds que je suis parfaitement majeure et que je sais de quoi je parle ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Monsieur le président, j’en viens au deuxième amendement, avec la détermination que l’on me connaît, et ni les éclats de voix ni les brouhahas n’en viendront à bout, je préfère vous avertir !

L’an dernier, à la même époque, la décision a été prise d’augmenter de manière extrêmement importante la taxe sur le rhum, sous des prétextes de santé.

Il fut convenu qu’à la Martinique le rhum était coupable d’un certain nombre de maux, sans que cela fût démontré puisque l’on n’avait pas les bons chiffres. En Martinique, particulièrement chez les jeunes, 63 % de l’alcool est consommé sous forme de bières importées, aromatisées. Or la bière est très peu taxée. Je ne parle même pas des taxes ridicules sur le vin et le champagne. La Guadeloupe et la Martinique détiennent malheureusement le record de consommation de vin et de champagne, devant tous les départements français producteurs. Mais bien sûr, la production nationale française est très peu taxée.

Il a été décidé de porter un coup à une production nationale martiniquaise qui n’est en fait consommée que par 7 % des Martiniquais. Ce n’est pas du rhum que boivent les jeunes alcoolisés debout dans les stations-service ou les abribus, c’est votre bière, votre champagne, votre vin ! (Exclamations des travées du groupe LaREM jusquà celles du groupe Les Républicains.) Voilà la réalité !

Alors que le Président de la République, Emmanuel Macron, dans le discours qu’il a tenu en Martinique, disait vouloir soutenir les filières de production pour nous rendre moins dépendants, l’unique mesure concernant le rhum, l’une des productions phares du pays, consiste à le taxer ! Je continue d’attendre les mesures d’accompagnement de la filière que j’ai réclamées depuis plus d’un an… Il est vrai que le jour où il a prononcé ce discours et quitté le pays, nous subissions sur le tarmac de l’aéroport un violent tremblement de terre ; c’était peut-être un signe.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous avons adopté l’an dernier à une large majorité un alignement très progressif, madame Conconne, de la fiscalité sur les spiritueux dans les DOM sur celle qui est applicable en France métropolitaine. Cet alignement, qui ne débute qu’à partir du 1er janvier 2020, s’effectuera jusqu’en 2025, ce qui laisse tout de même largement le temps à la filière de s’adapter. Il répond - est-il nécessaire de le rappeler ? - à des motifs de santé publique largement documentés.

Vous faites part de votre démarche, qui est éminemment louable, mais tous les parlementaires procèdent de la même façon dans leur département : ils consultent, écoutent, lisent ; ce n’est pas propre à votre démarche martiniquaise.

Les chiffres communiqués par le ministère de la santé et les instituts de statistiques font apparaître que les alcools forts arrivent en troisième position dans les Antilles, certes derrière le champagne et la bière…

Mme Catherine Conconne. Ils ne sont pas taxés !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le champagne et la bière sont taxés !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Déposez des amendements en ce sens, nous les étudierons l’année prochaine - c’est un peu trop tard pour cette fois.

Les alcools forts sont en moyenne beaucoup plus consommés que dans l’Hexagone, c’est un fait. Le baromètre de Santé publique France a d’ailleurs fait apparaître, en 2014, que les DOM se plaçaient au sein des régions les plus concernées par la consommation d’alcool à risque de dépendance, dont font partie, bien sûr, les spiritueux. En outre, le syndrome d’alcoolisation fœtale fait des ravages dans ces territoires. Les intérêts économiques ne sauraient primer sur la santé des populations.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur général. Nous avons eu ce débat l’année dernière et le Gouvernement n’a pas changé de position. Il considère que l’alignement progressif est une bonne chose.

J’ajoute, madame la sénatrice, après avoir écouté vos propos, dont je vous laisse la responsabilité, que, en ce qui concerne le Gouvernement et l’immense majorité de celles et ceux qui vous ont écoutée, la République est une et indivisible. Il n’y a pas le pays des uns et celui des autres, les alcools des uns et ceux des autres ; il y a des Français, des représentants de la Nation et des problématiques qui intéressent absolument tout le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. Il n’est pas question de stigmatiser un alcool plutôt qu’un autre. Le syndrome d’alcoolisation fœtale, mon confrère Jomier l’a rappelé, touche tous les alcools. Toutefois, les alcools forts, et le rhum en fait partie, ont des effets toxiques plus importants, et c’est une réalité.

Sur l’intervention de Mme Conconne, dont je respecte parfaitement le point de vue, j’ajoute, pour compléter les propos que vient de tenir M. Dussopt, sans élever la voix, sans hausser le ton, que la Martinique, c’est la France !

Mme Catherine Conconne. Non ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Patricia Schillinger. C’est honteux !

M. Michel Amiel. Si la Martinique n’est pas la France, j’acte votre position.

Mme Catherine Conconne. Je vais m’en expliquer ! (Protestations continues sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme, seul M. Amiel a la parole.

M. Michel Amiel. Je ne peux pas partager ce point de vue. Pour moi, la Martinique, qui est un producteur d’alcool comme bien d’autres départements de France, fait partie du territoire français et, pour reprendre l’expression d’Olivier Dussopt, la France est une et indivisible. Le terme de « néocolonialisme » au sujet des gens vivant dans l’Hexagone, si j’ai bien compris, m’a quelque peu dérangé. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Martin Lévrier applaudit également.)