compte rendu intégral

Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

Secrétaires :

Mme Annie Guillemot,

M. Dominique de Legge.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, en cours d’examen, ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

3

Article 9 ter (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020
Troisième partie

Financement de la sécurité sociale pour 2020

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2020 (projet n° 98, rapport n° 104, avis n° 103).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 9 ter, à l’amendement n° 924 rectifié bis.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020
Article 9 ter (nouveau)

TROISIÈME PARTIE (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2020

TITRE Ier (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE

Chapitre Ier (suite)

Favoriser le soutien à l’activité économique et aux actifs

Troisième partie
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020
Article additionnel après l'article 9 ter - Amendement n° 518 rectifié (début)

Article 9 ter (nouveau) (suite)

L’article 1613 bis du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au b du I, la référence : « , n° 1601/91 du Conseil du 10 juin 1991 » est supprimée ;

2° Le II est ainsi rédigé :

« II. – Le tarif de la taxe mentionnée au I est fixé à :

« 1° 3 € par décilitre d’alcool pur pour les boissons définies à l’article 435 ;

« 2° 11 € par décilitre d’alcool pur pour les autres boissons. »

M. le président. L’amendement n° 924 rectifié bis, présenté par MM. Patriat et Rambaud, Mme Constant et MM. Dennemont, Gattolin, Buis, Marchand et Cazeau, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. –Au b du I de l’article 1613 bis du code général des impôts, les mots : « , n° 1601/91 du Conseil du 10 juin 1991 » sont remplacés par les mots : « n° 251/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la définition, la description, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des produits vinicoles aromatisés et abrogeant le règlement (CEE) n° 1601/91 du Conseil, ».

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Cet amendement vise à réécrire l’article 9 ter afin de supprimer l’instauration d’une nouvelle taxe sur les boissons dites premix à base de vin, pour plusieurs raisons.

La première est assez simple : nous nous trompons de cible. La deuxième est que cette taxe pourrait induire des effets pervers de report vers la consommation d’alcools plus forts. Troisièmement, nos viticulteurs et producteurs d’alcool n’ont pas été consultés.

Pourquoi s’opposer à cette taxe si l’argument principal qui la sous-tend est la protection de nos jeunes face à l’alcoolisme ? Je sais qu’un débat a eu lieu tard hier soir, ou tôt ce matin, à ce sujet. Lorsque nos jeunes consomment de l’alcool, ils ne consomment pas du vin cuit, du kir, du cidre ou de la sangria – je m’interroge, donc. Ils sont attirés par des mélanges à base d’alcool fort : c’est plutôt ce type de boissons, hélas, qu’ils apprécient, comme le whisky ou le gin mélangés à un soft, ou la vodka mélangée à des boissons énergisantes.

À titre de comparaison, la taxe représenterait 3 000 euros par hectolitre d’alcool pur, soit un niveau de taxation supérieur à celui auquel est soumise la vodka, qui, lui, est de 2 300 euros par hectolitre d’alcool pur.

Nous devons, bien sûr, accentuer le travail sur l’éducation et la prévention en matière de consommation d’alcool, et combattre l’alcoolisme en général. Mais pourquoi, alors, adopter une taxe sur les boissons peu alcoolisées ? Cette taxe pourrait avoir un effet négatif induit, celui de reporter la consommation de ce type de boissons peu alcoolisées, qui titrent à moins de 10 degrés, vers des alcools plus forts.

Cet article est par ailleurs un très mauvais signal envoyé à nos viticulteurs et à nos producteurs. Les députés, au cours de leurs débats, ont souhaité préciser que les vins de producteurs français n’étaient pas concernés. Je peux vous dire que c’est faux, et nous sommes nombreux à avoir été sollicités, dans nos territoires, sur cette question.

Par ailleurs, cette taxe a été adoptée sans aucune concertation et inquiète particulièrement la filière.

Je vous propose donc, mes chers collègues, de voter cet amendement visant à supprimer cette nouvelle taxe sur les apéritifs aromatisés à base de vin, et à rendre sa cohérence à la référence au texte européen.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Avis défavorable, comme sur les amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Nous avons eu cette discussion longuement hier ; évidemment, l’avis du Gouvernement est défavorable sur cet amendement.

Je veux rappeler que les vins qui sont concernés par cette taxe représentent en réalité moins de 1 % de la production française. Il y a dans le quantum, nous le savons, énormément de vins importés. Nous ne nous battrons pas sur les chiffres : que ce soit 80 % ou 50 %, ce qui compte pour nous, c’est vraiment le message de santé publique envoyé à une jeunesse qui démarre en général sa consommation alcoolique via ces produits extrêmement sucrés, avec un impact à la fois sur l’entrée dans l’alcoolisation et sur l’obésité – cela a été dit hier.

Nous ne souhaitons certainement pas opposer les filières les unes aux autres, mais il y va, en l’occurrence, d’un enjeu de santé publique pour notre jeunesse.

Avis défavorable, donc.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 924 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 95 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, Cambon et Pellevat, Mmes Micouleau, Deromedi, Duranton, Bonfanti-Dossat et Eustache-Brinio et MM. Paul et Laménie, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

1° Le b du I est ainsi modifié :

a) Les mots : « , définis aux articles 401, 435 et au a du I de l’article 520 A qui ne répondent pas aux définitions prévues aux règlements modifiés n° 1575/89 du Conseil du 29 mai 1989, n° 1601/91 du Conseil du 10 juin 1991 et n° 1493-99 du Conseil du 17 mai 1999, au 5° de l’article 458, » sont supprimés ;

b) Le mot : « communautaire » est remplacé par les mots : « de l’Union européenne » ;

La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. La loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 avait introduit une première taxe premix afin de décourager l’entrée précoce des jeunes dans la consommation d’alcool par le biais de boissons très sucrées masquant la présence et le goût de l’alcool. Multipliée par deux, en 2004, par la loi relative à la santé publique, cette taxe est désormais de 11 euros par décilitre d’alcool pur.

Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, cette taxe a eu pour effet de limiter le marché français des premix : moins de 10 000 litres en ont été vendus en 1997, contre 950 000 litres en 1996, alors que ce marché était en plein essor. Selon une étude du même observatoire, la nouvelle hausse intervenue en 2004 a conduit à une chute de 40 % des ventes de premix en 2005.

Pourtant, certains industriels de l’alcool ont exploité une faille de la loi de 2004, qui excluait les vins aromatisés du champ d’application de la taxe. C’est ainsi que l’on a vu apparaître des vins ou cidres aromatisés, ciblant clairement les jeunes par un emballage, un marketing ou une appellation, et offrant des prix bas auxquels les jeunes sont particulièrement sensibles.

Ainsi, selon le propriétaire de la marque Rosé Sucette, « ces bouteilles, à moins de 3 euros sur linéaire, seront un tremplin permettant aux néophytes d’accéder aux vins plus classiques. Notamment pour un public plutôt jeune et féminin ».

Il s’agit là d’une porte d’entrée clairement identifiée vers l’alcoolisation des jeunes.

Le présent amendement vise dès lors à étendre aux boissons aromatisées à base de vin l’encadrement des produits visant particulièrement les jeunes.

M. le président. L’amendement n° 937, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Au b du I, les mots : « n° 1576/89 du Conseil du 29 mai 1989 » sont remplacés par les mots : « n° 2019/787 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 » et les mots : « n° 1601/91 du Conseil du 10 juin 1991 et n° 1493/99 du Conseil du 17 mai 1999 » sont remplacés par les mots : « n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013, à l’exclusion des produits visés par le règlement n° 251/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 » ;

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il est retiré, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 937 est retiré.

L’amendement n° 320 rectifié ter, présenté par Mme N. Delattre et MM. A. Bertrand, Collin, Gabouty et Cabanel, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

supprimée

par les mots :

remplacée par la référence : « n° 251/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 »

La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Cet amendement vise à mettre à jour la référence au règlement européen désignant les boissons à base de vin dans le code général des impôts.

En effet, l’article 1613 bis de ce code fait toujours référence au règlement de 1991 et non à celui de 2014 qui définit et encadre les boissons à base de vin.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Avis défavorable sur l’amendement n° 95 rectifié, qui vise à étendre la taxe premix à tous les mélanges alcooliques contenant plus de 35 grammes de sucre. Seraient ainsi concernés les cidres et les poirés. Cette proposition avait justement été écartée à l’Assemblée nationale ; par souci d’efficacité, nous souhaitons en rester là.

Avis défavorable également sur l’amendement n° 320 rectifié ter, pour les mêmes raisons déjà invoquées à propos des amendements de suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Avis défavorable.

L’amendement n° 95 rectifié vise à élargir l’assiette de la taxe à des vins qui en sont pour l’instant exclus, des vins bénéficiant d’une indication géographique protégée (IGP) notamment.

Nous nous proposons d’étudier les effets de la taxe l’année prochaine, avant de poser la question de savoir s’il faut y revenir. Quoi qu’il en soit, les vins que vous proposez de soumettre à la taxe sont des vins beaucoup plus chers que ceux de l’assiette initiale ; or l’effet prix escompté vaut surtout pour les vins les moins chers, qui sont utilisés dans les premix.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Certes, le texte dont nous discutons est un PLFSS ; notre rôle est donc notamment de penser à la santé et à la prévention de l’alcoolisme des jeunes et des femmes enceintes – c’est incontestable, et le médecin que je suis ne saurait le nier, bien sûr.

On voit bien néanmoins qu’on prend le problème par le petit bout de la lorgnette. Pourquoi, au nom de la lutte contre l’alcoolisme, faire des différences entre les uns et les autres ? Si vous pénalisez les premix, les jeunes boiront des vins aromatisés ; si vous pénalisez ces vins, ils boiront de la bière, et notamment de la bière aromatisée, à la tequila par exemple. Les jeunes n’auraient pas droit aux vins aromatisés, mais auraient droit aux bières aromatisées, alors que le degré d’alcool est bien plus important, aujourd’hui, dans les secondes que dans les premiers ?

Madame la ministre, au nom de la santé publique, il faudrait un véritable plan de lutte contre l’alcoolisme. N’existe-t-il pas d’autres moyens, en matière d’éducation notamment ? On doit replacer les parents, qui sont quand même les premiers éducateurs de leurs enfants, au centre du dispositif.

Mme Martine Berthet. Très bien !

M. René-Paul Savary. Peut-être pourrions-nous constituer une mission commune d’information ; mais arrêtez, à chaque PLFSS, de faire un saupoudrage comme celui dont nous discutons ce matin, sans réelle cohérence et, de surcroît, sans étude d’impact !

Je comprends mes collègues ; j’ai d’ailleurs signé un certain nombre des amendements qui ont été déposés. Toutefois, on finit par mettre en cause des filières qui connaissent déjà des difficultés, mais pas d’autres. Comment l’expliquer aux jeunes ? Ils se tourneront vers d’autres produits !

Il faut plutôt modifier les comportements, notamment de la jeunesse, mais aussi des femmes enceintes. Les filières viticoles sont d’ailleurs tout à fait d’accord pour participer à une politique de prévention dans ce domaine.

Cet enjeu pourrait donc, me semble-t-il, faire l’objet d’une mission tout à fait intéressante, qui pourrait être l’occasion de trouver un compromis et d’obtenir des résultats, sans forcément en passer toujours par des taxes supplémentaires.

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. Il faut, en la matière, adopter une politique du juste milieu. Il ne s’agit pas de revenir à la prohibition ! Il s’agit simplement d’exclure les boissons alcoolisées spécifiquement tournées vers l’alcoolisation des jeunes – c’est bien clair.

Certaines boissons, du fait de leur composition ou de la publicité à laquelle elles peuvent donner lieu, sont bel et bien plus propices que d’autres à cette alcoolisation ; et le débat de fin de soirée, hier, l’a bien montré.

En revanche, je rejoins mon collègue Savary : les questions de l’éducation à la santé et de la sensibilisation à l’alcoolisation me paraissent fondamentales.

Je ne suis pas forcément tout à fait d’accord avec lui, néanmoins, lorsqu’il laisse entendre que la filière viticole serait la mieux placée pour faire ce travail : je n’en suis pas certain… On parle d’éducation à la santé ; cette question relève bien, me semble-t-il, de la santé publique, au même titre que la prévention ou le dépistage. Et ce sujet m’est particulièrement cher.

Mettre le « curseur » à un certain niveau, taxer, donc, plus certains alcools et moins d’autres, me paraît non pas du saupoudrage, comme vient de le dire René-Paul Savary, mais au contraire une mesure cohérente pour cibler les populations les plus fragiles, en particulier les jeunes, mais aussi – j’y reviendrai peut-être tout à l’heure – les femmes enceintes, dont la consommation d’alcool peut provoquer un syndrome d’alcoolisation fœtale.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 95 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 320 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 873 rectifié bis, présenté par MM. D. Laurent et Duplomb, Mmes Imbert et Dumas, M. Kennel, Mme Lamure, MM. Savary, Bizet et Genest, Mmes Thomas et Chain-Larché, MM. Magras et Cambon, Mmes Bruguière, Primas et Morhet-Richaud, MM. Pointereau, Détraigne, Fouché, Babary et Poniatowski, Mme Gruny, M. Guené, Mme Raimond-Pavero, MM. Panunzi, J.M. Boyer, Cabanel, de Nicolaÿ, Charon, Longeot, Louault, Brisson, Lefèvre et Longuet, Mmes Troendlé et Férat, MM. Cuypers et Vial, Mme Berthet, MM. Grand, Chaize, Pierre, Vaspart, Bouchet, Émorine, Segouin et Huré, Mme Lopez, M. Chatillon, Mme Micouleau, MM. Husson, Schmitz, Mandelli et Calvet, Mmes Deromedi, Noël et Renaud-Garabedian, M. Bouloux, Mmes Lassarade, Bories et Perrot et MM. Bonne et Mouiller, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le 1° du I du présent article entre en vigueur à compter du 31 décembre 2020.

La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Hier soir, le Sénat, par son vote, a décidé d’instaurer une taxe premix supplémentaire et nouvelle, ce qui n’est jamais bon.

L’éducation et la prévention doivent être privilégiées – cela a été dit – plutôt que de s’orienter vers de nouvelles taxations, qui ne sauraient résoudre les problèmes d’addiction ou de consommation à risque. Réaffirmons l’existence d’un modèle de consommation responsable conciliant art de vivre et préservation de la santé de nos concitoyens.

La décision d’hier, dans la rédaction qui a été votée, implique une entrée en vigueur de la mesure au 1er janvier 2020 – c’est demain ! – pour toutes les boissons définies dans le règlement n° 251/2014. Cette disposition n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les professionnels, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État. Du jour au lendemain, donc, on leur dit que cette règle s’applique et qu’ils sont obligés de l’appliquer. D’un point de vue économique, ce n’est pas très sympa !

Il convient donc de différer l’entrée en vigueur de cette mesure au 31 décembre 2020, afin de faire un état des lieux des produits concernés.

Je vous demande au moins, mes chers collègues, après le vote négatif d’hier, de tenir compte aujourd’hui de l’économie : que les professionnels aient le temps – une année – de trouver des solutions de repli.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Quelle que soit la date retenue, 1er janvier ou 31 décembre, il ne s’agit que d’une année ; nous ne modifierons pas notre avis : défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Avis défavorable.

Il ne s’agit pas d’une nouvelle taxe ; il s’agit simplement de modifier un peu l’assiette d’une taxe existante.

Par ailleurs, ce débat, nous l’avions déjà eu lors de l’examen du précédent PLFSS, il y a un an, mais la rédaction de l’amendement de Mme la députée Audrey Dufeu Schubert n’était pas suffisamment précise, et nous avons retravaillé. Les professionnels du secteur savent donc très bien que nous travaillons sur ce sujet : ils sont parfaitement informés.

En outre, je rappelle que c’est une toute petite partie de la production française qui est concernée. Aucun décalage de l’entrée en vigueur n’est nécessaire, donc, l’impact économique étant totalement marginal sur le secteur.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Le débat a eu lieu hier soir ; un vote a tranché le problème de cette taxe, qui a été adoptée. Personnellement, je le regrette, mais c’est la démocratie qui s’est exprimée dans l’hémicycle.

Je soutiens l’amendement présenté par mon collègue Daniel Laurent, qui vise à tenir compte d’une réalité : contrairement à ce que vous dites, madame la ministre, ou à ce que dit M. le rapporteur général, aucune étude d’impact n’a été faite sur les conséquences pour la viticulture française de l’instauration de cette taxe.

Par ailleurs, le 1er janvier, c’est en effet demain. Afin de permettre aux acteurs de mieux s’organiser pour respecter la loi votée, il serait donc bon de repousser l’échéance au 31 décembre.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.

Mme Nathalie Delattre. Je me permets de faire remarquer que nous aurions peut-être pu regrouper l’amendement de Daniel Laurent et le mien, qui sera examiné dans la foulée, au sein d’une discussion commune. Celui de Daniel Laurent vise à prévoir l’entrée en vigueur de cette disposition « à compter du » 31 décembre 2020 ; le mien vise à la rendre « applicable au » 31 décembre 2020.

Ce report permettrait à la filière de faire un état des lieux des produits concernés. Vous l’avez bien constaté, hier soir, à l’écoute des propos des uns et des autres : nous ne mettons pas tous les mêmes produits derrière cette taxe.

La situation est assez confuse, donc ; il nous faudrait pouvoir mesurer l’impact de cette mesure, qui consiste non pas, certes, en une taxe nouvelle, mais bien à renforcer une taxe.

Je redis également que vous contribuez à diffuser des fake news : vous continuez à dire qu’il y va de l’entrée dans l’alcoolisme, que ce sont les jeunes qui sont concernés. Non ! Ce ne sont pas les jeunes qui sont forcément les plus concernés par la consommation de ces boissons.

Si les jeunes commencent effectivement par des boissons sucrées, il s’agit plutôt de Coca-Cola mélangé notamment à du gin ou à de la vodka. Ils ont donc à disposition d’autres produits bien plus dangereux pour entrer dans l’alcool.

Par ailleurs, la filière est tout à fait capable de faire de la prévention. Heureusement qu’elle en fait ! Si tel n’était pas le cas, le problème de l’alcoolisation serait beaucoup plus grave. On peut donc saluer la responsabilité et les efforts de la filière en matière de prévention, au lieu de toujours taper sur elle de façon injustifiée.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je soutiendrai moi aussi l’amendement de mon collègue Daniel Laurent.

Il faut bien sûr faire de la prévention, au niveau des collèges et des lycées en particulier. Les premix ne sont pas uniquement consommés par les jeunes. Je le dis à la suite de mon collègue Savary : il existe aujourd’hui dans le commerce des canettes de bière de 50 centilitres titrant à plus de 16 degrés d’alcool. Le vin n’est donc pas seul concerné : c’est une réflexion d’ensemble qu’il faut mener avec la filière.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. On voit bien que la confusion règne, en la matière : nous ne sommes pas tous d’accord sur les notions de premix et de vins aromatisés. S’il s’agit de taxer les boissons aromatisées, pourquoi la bière n’est-elle pas touchée ? Quand les jeunes se réunissent, pardonnez-moi, mais ce ne sont pas des bouteilles de vin qu’ils laissent sur le bas-côté, mais plutôt autre chose !

Une telle mesure ne permettra donc pas de lutter contre l’alcoolisme ; on modifiera simplement le comportement des consommateurs d’alcool. J’insiste : je pense qu’il faut revoir les choses.

D’ailleurs, il fut un temps où les bières étaient taxées un peu plus fortement ; il est arrivé que les droits d’accise sur la bière augmentent de 300 % !

Conséquence : en France, la consommation de vin diminue et la consommation de bière augmente. Aussi l’effet prix n’est-il pas l’effet comportemental escompté… Je pense donc qu’il faut approfondir la réflexion.

Madame la ministre, vous dites que seule une petite partie de la filière viticole serait touchée par la taxation des vins aromatisés. Je partage votre point de vue sur le débat que nous avons eu il y a un an ; sauf qu’il y a un an le vin français n’était pas taxé à 25 % aux États-Unis !

Je vous rappelle que des vignobles entiers vont s’effondrer ! On a appris hier, en consultant les exportateurs de vin, que, par exemple, la filière du rosé de Provence exporte plus de 50 % de sa production aux États-Unis. Ces viticulteurs vont tomber ; ils sont déjà remplacés par les viticulteurs espagnols. Ces filières vont être totalement cassées !

Attention, donc ! L’impact de ce type d’amendement ne me semble pas entièrement mesuré. Dans le cadre du groupe d’études de la vigne et du vin, nous étions dernièrement en déplacement en Alsace. Nous avons appris que les vignerons alsaciens étaient sensibles à ce problème des premix. Ils font en effet face à de grandes difficultés : le vin en vrac est vendu à quelques centimes d’euros le litre ! Ça devient un véritable problème, d’autant que, à défaut de vins français, nous aurons des vins étrangers.

Les difficultés de la filière méritent donc que nous nous penchions sur l’ensemble des consommations d’alcool. Et, au titre de la prévention et de la santé qui nous mobilisent aujourd’hui, nous devons avoir aussi une réflexion plus globale. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à ce délai d’un an supplémentaire, qui permettrait une meilleure réflexion.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. J’ai le plus grand respect pour celles et ceux qui sont tentés de défendre des intérêts économiques ; naturellement, ça compte !

Cela dit, la lutte contre le développement de l’alcoolisme chez les jeunes, et même chez les plus jeunes, me semble un objectif de santé publique majeur. Or, mes chers collègues, pour lutter contre l’addiction au tabac, je ne compte ni sur Philip Morris ni sur Marlboro ! Il y va de notre responsabilité, et il y a urgence à traiter ces sujets. L’alcoolisme se développe chez les jeunes, et notamment chez les plus jeunes. Cela doit nous préoccuper.

Au moment où l’examen de projets de loi comme celui qui est relatif à la bioéthique nous invite à nous interroger sur nos principes dans la perspective d’améliorer et de prolonger la vie, il y aurait quelque chose de paradoxal à ne pas se mobiliser totalement contre toutes les addictions.

Je voterai donc tous les amendements dont l’adoption participera à lutter contre ce développement de l’alcoolisme.

Évidemment, on peut toujours être tenté de se dire que, pour qu’un plan de prévention soit efficace, il faut qu’il soit plus global. Certes ! Mais, à trop attendre un plan global, on se retrouve en général à ne jamais démarrer…

Cette mesure est donc un premier pas : il faudra aller plus loin. Je pense néanmoins qu’il y a là une priorité de santé publique.