M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, notre pays a été de nouveau durement touché par des intempéries le week-end dernier, avec onze départements en vigilance orange pour des risques divers de vents violents, d’inondations, de submersions marines. Effectivement, deux départements, dont les Alpes-Maritimes, ont été classés en vigilance rouge par Météo France.

Je voudrais de nouveau exprimer toute ma solidarité aux familles et aux proches des victimes, et saluer la mobilisation exceptionnelle des forces de secours, des services de l’État, des collectivités et des opérateurs. M. le ministre de l’intérieur s’est rendu sur place et il a pu constater cette mobilisation exceptionnelle.

Face à ces événements, dont on sait qu’ils seront de plus en plus fréquents et de plus en plus violents, il nous faut agir pour prévenir les conséquences des inondations. C’est ce que nous faisons avec les plans de prévention des risques d’inondation (PPRI). C’est ce que nous faisons au travers des programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI), avec des financements importants sur le fonds Barnier. C’est ce que font les communes avec leurs plans communaux de sauvegarde. Je pense que l’on a pu en mesurer toute l’efficacité ce week-end. (M. Pierre-Yves Collombat sexclame.)

Toutefois, c’est vrai, il faut que l’on arrive à mettre en place toutes les mesures prévues dans les PAPI, sans doute de façon plus rapide. C’est bien le sens d’une inspection que j’ai demandée à mon ministère pour regarder ce qui peut aujourd’hui freiner la réalisation de ces programmes d’actions. Je disposerai très prochainement des propositions et je pense que nous aurons l’occasion d’en débattre. Il nous faut effectivement agir plus efficacement pour prévenir ces risques d’inondation, et c’est ce que nous allons faire.

canal seine-nord europe

M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Martine Filleul. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, après deux ans de réticences et de tergiversations, la convention de financement entre l’État et les collectivités locales pour la construction du canal Seine-Nord Europe a été signée par le Président de la République vendredi dernier.

La réalisation de ce projet devient ferme et définitive, et l’État prend enfin sa part en s’engageant à apporter 1,1 milliard d’euros sur les 5 milliards d’euros du coût total.

Si nous saluons cette formalisation, nous n’en demeurons pas moins circonspects.

Sur la forme, d’abord. Certains parlementaires des Hauts-de-France n’ont pas été conviés et ont appris la nouvelle dans la presse. Bien qu’habitués au mépris du Gouvernement envers le Parlement, nous le déplorons fortement, la plupart d’entre nous ayant soutenu ce projet, souvent contre vents et marées.

À ce propos, le Gouvernement est frappé d’amnésie lorsqu’il indique que ses prédécesseurs avaient « confondu les annonces et les actes ». Laissez-moi vous rafraîchir la mémoire : le canal n’existerait pas sans l’engagement du gouvernement précédent (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), qui a obtenu le financement à 40 % par l’Europe. Il n’existerait pas non plus sans l’acharnement, pendant plus de vingt ans, des élus et des collectivités territoriales, au premier rang desquels les élus socialistes. C’est votre gouvernement qui l’a suspendu en juillet 2017 !

M. Roland Courteau. Il fallait le dire !

Mme Martine Filleul. Sur le fond, ensuite. Le Gouvernement a, en dernière minute et sans explication claire, fait adopter à l’Assemblée nationale un amendement au projet de loi de finances censé prévoir la part de financement de l’État. Or le mécanisme prévu est loin d’être sécurisant : en effet, rien ne garantit que l’abondement supplémentaire de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), obtenu grâce à l’indexation de la taxe d’aménagement du territoire sur l’inflation, soit fléché pour le financement du canal.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Martine Filleul. Pouvez-vous aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, nous préciser les choses et nous certifier que cette augmentation sera exclusivement destinée à la construction du canal ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, vous avez rappelé que ce projet a beaucoup d’atouts. Il est vrai que c’est un projet qui est bon pour l’environnement, avec le transfert prévu de plusieurs milliers de poids lourds qui circulent actuellement sur l’A1.

C’est un projet qui est bon pour l’économie portuaire et fluviale, non seulement pour la région de Dunkerque, mais aussi pour les ports de l’axe Seine, que l’État s’emploie à renforcer depuis maintenant deux ans.

C’est un projet qui est bon pour le territoire des Hauts-de-France, avec quatre plateformes multimodales qui vont être créées et connectées à cette nouvelle infrastructure, entraînant des emplois et de la croissance locale.

Pour dire « oui » au canal, il fallait créer les conditions de crédibilité de ce projet. Vous l’avez dit, son coût a été réévalué à 5 milliards d’euros voilà deux ans, dans un exercice inédit de transparence et de sincérité budgétaire. Je peux vous affirmer ici que la sécurisation de la part de l’État dans le financement est prévue et que la trajectoire de l’Afitf ne s’en trouvera pas modifiée. Tout ce qui a été prévu dans la loi d’orientation des mobilités sera réalisé, comme nous nous y sommes engagés.

Nous faisons confiance aux collectivités locales au travers de la société de projet qui sera régionalisée dès le 1er avril 2020, madame la sénatrice. Vous l’avez rappelé, l’Europe a été mobilisée à hauteur de 2 milliards d’euros sur ce projet.

L’État veut par ailleurs que ce projet soit exemplaire du point de vue environnemental et économique, mais aussi en ce qui concerne l’insertion locale dans l’emploi. C’est tout l’objet de la démarche « grand chantier », qui est aujourd’hui menée sous l’égide du préfet de la région Hauts-de-France.

Enfin, et vous avez raison, madame la sénatrice, pour ce projet, il fallait une coalition d’acteurs et d’actions. À cet égard, je veux saluer les élus de tous bords, dont vous êtes, qui ont défendu avec opiniâtreté et détermination un projet que les Hauts-de-France attendaient depuis plus de quarante ans. Cependant, c’est notre gouvernement qui l’a rendu possible et donc irréversible, en signant la convention de financement, la semaine dernière, en présence du Président de la République, à Nesle. Cela permettra de donner les premiers coups de pioche vers Compiègne en octobre 2020 et de viser une mise en service à l’horizon de 2028. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 11 décembre, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

Article additionnel après l'article 73 E - Amendement n° II-185 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Seconde partie

Loi de finances pour 2020

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Écologie, développement et mobilité durables - État B
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Écologie, développement et mobilité durables - État B

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, adopté par l’Assemblée nationale.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Écologie, développement et mobilité durables

Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens

Compte d’affectation spéciale : Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

Compte d’affectation spéciale : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Compte d’affectation spéciale : Transition énergétique

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et articles 76 à 76 quinquies), du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et des comptes d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » et « Transition énergétique ».

La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une augmentation des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » de 9 % à périmètre courant, à un peu plus de 13 milliards d’euros.

Il s’agit en fait d’une hausse en trompe-l’œil des crédits de la mission, car trois mesures de périmètre gonflent artificiellement les crédits de la mission : les crédits dédiés au financement du bonus à l’achat d’un véhicule propre, inscrits jusqu’à présent sur un compte d’affectation spéciale, sont désormais inscrits sur le budget de la mission, pour près de 400 millions d’euros ; le financement de la prime appelée à remplacer le crédit d’impôt pour la transition énergétique est également inscrit sur la mission, pour un montant de 400 millions d’euros ; un nouveau programme est créé afin de reprendre la dette de SNCF Réseau, pour 409 millions d’euros.

Donc, madame la ministre, à périmètre constant, le budget de la mission s’élève en fait à un peu plus de 12 milliards d’euros, en baisse par rapport à l’an passé.

Cette sorte de subterfuge du Gouvernement, qui vous permet de communiquer sur une hausse artificielle des crédits alloués à l’écologie, n’est, me semble-t-il, pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens s’agissant de l’urgence climatique.

De plus, ce projet de loi de finances prévoit une réduction de près de 800 ETP. Le rythme de baisse des effectifs ministériels est en moyenne de 2 % par an depuis plusieurs années. Permettez-moi de douter que l’on puisse durablement agir sur davantage de missions avec moins de moyens financiers et moins de personnels pour conduire ces missions.

Ainsi, l’écart entre les intentions et les actes ne cesse de s’agrandir. Prenons l’exemple du plan Biodiversité, auquel seulement 10 millions d’euros sont alloués en 2020, alors que vous aviez annoncé une somme de 600 millions d’euros en 2018. En réalité, 510 millions d’euros proviendront d’un redéploiement des interventions des agences de l’eau. C’est un joli tour de passe-passe que l’État opère.

Je m’inquiète également de la stagnation des moyens alloués à la politique de prévention des risques, qui me paraît dangereusement déconnectée des enjeux liés au réchauffement climatique : j’en veux pour preuve l’actualité récente de l’incendie de l’usine Lubrizol, qui nous rappelle l’importance des plans et des politiques de prévention.

L’augmentation des risques liés au réchauffement climatique implique des besoins de financement croissants en matière de prévention. À cet instant, je veux rappeler que la question de la soutenabilité du fonds Barnier, lequel participe au financement de cette prévention, se posera dès 2020. En effet, la trésorerie du fonds va diminuer de moitié en raison du niveau élevé de dépenses et du plafonnement des recettes.

Après ce constat d’ensemble, je vais vous présenter les enjeux auxquels font face certains opérateurs.

D’abord, 2020 sera l’année de la mise en place de l’Office français de la biodiversité (OFB), qui résulte de la fusion de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

À ce jour, il est difficile de se prononcer sur le budget de ce nouvel opérateur, car il n’a pas encore été arrêté. Une subvention pour charges de service public de 41,2 millions d’euros est prévue sur le programme 113, dont 21,5 millions d’euros qui compensent le manque à gagner de la baisse du permis de chasse, que le Gouvernement n’avait pas compensée l’année dernière, et 11 millions d’euros qui complètent les actions en matière de biodiversité qui seront conduites par les fédérations de chasseurs.

Ce nouvel opérateur bénéficie d’un financement conforté pour assurer sa mise en œuvre et d’emplois consolidés. Il n’en va pas de même pour l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Si la subvention qui lui est allouée est stable, elle est confrontée à une baisse d’effectifs importante. Sur les cinq dernières années – je remonte avant les gouvernements d’Édouard Philippe –, les effectifs ont baissé de 11 %. La trajectoire des emplois de l’Ademe me semble devoir être reconsidérée, notamment dans le cadre du contrat d’objectifs et de performance.

J’en viens à présent aux charges de service public de l’énergie, dont le montant est arrêté tous les ans par une délibération de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), et qui représenteront près de 8 milliards d’euros en 2020.

Le compte d’affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique », doté de 6,3 milliards d’euros pour 2020, porte avant tout les 5 milliards d’euros de soutien aux énergies renouvelables électriques, un montant stable par rapport à 2019 en raison de la hausse des prix du marché de gros de l’électricité, laquelle contrebalance l’augmentation des capacités installées.

Ce CAS est financé de façon quasi exclusive par des recettes issues de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), ce qui apparaît cohérent et conforme à la vocation de la fiscalité écologique : la composante carbone de cette taxe devrait exclusivement avoir pour objet le financement de ce type de dépenses, et non l’abondement du budget général. C’est la fameuse question de la traçabilité.

Madame la ministre, le Sénat a rétabli ce CAS, que les députés ont proposé de supprimer à compter du 1er janvier 2021, car il constitue un bon exemple de transparence, de suivi et de traçabilité concernant l’usage qui est fait du produit de la fiscalité écologique.

Le programme « Énergie, climat et après-mines » porte, lui, plusieurs dépenses destinées à accompagner la transition énergétique des ménages.

D’abord, le chèque énergie bénéficiera à près de 6 millions de ménages en situation de précarité énergétique en 2020. Comme en 2019, son montant moyen sera de 200 euros par foyer, ce qui est insuffisant pour compenser l’augmentation de la fiscalité sur les produits énergétiques, qui a touché les plus modestes de nos concitoyens ces dernières années.

Des crédits de 390 millions d’euros sont également inscrits sur le programme 174 afin de financer une partie de la prime de rénovation énergétique à destination des ménages modestes en 2020, laquelle est appelée à remplacer, en 2021, le crédit d’impôt pour la transition énergétique. Ces crédits permettront de financer 210 000 primes unifiées, qui seraient distribuées à 170 000 ménages modestes en 2020. Cette prime est bienvenue, car elle permettra d’assurer la contemporanéité du versement de l’aide avec la réalisation des travaux.

Jusqu’à l’an passé, les aides à l’acquisition de véhicules propres étaient financées par le malus automobile, lequel venait alimenter un compte d’affectation spéciale. Or l’article 33 du projet de loi de finances supprime ce CAS, ce qui constitue non pas une maladresse, mais une faute, dans un contexte où les Français nous demandent plus de traçabilité concernant l’affectation des taxes environnementales. C’est pourquoi le Sénat a adopté un amendement visant à rétablir ce compte d’affectation spéciale.

Les crédits relatifs aux aides à l’achat ou à la location de véhicules neufs émettant peu de CO2, le « bonus », vont, eux, fortement augmenter d’environ 50 %, pour atteindre près de 400 millions d’euros.

M. le président. Il faut songer à conclure, mon cher collègue.

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Pour conclure, monsieur le président, mes chers collègues, je veux simplement dire que la hausse du budget « Écologie » est artificielle, puisqu’elle s’explique par un changement de périmètre. Dans le détail, nous avons rencontré beaucoup de déceptions.

Plutôt que de verdir le budget, vous vous êtes contentée de passer une pâle couche de vernis, madame la ministre. Au regard de l’ensemble de ces éléments, la commission des finances a donc décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », mais d’adopter les crédits des comptes d’affectation spéciale « Transition énergétique » et « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur spécial.

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au regard de la ventilation des crédits portés par les programmes liés au transport, j’aurais pu émettre un avis positif. Cependant, je serai solidaire de l’appréciation de mon collègue Jean-François Husson et proposerai le rejet des crédits de la mission. Plusieurs raisons justifient ce choix.

Concernant le programme 203, « Infrastructures de transport », je ferai trois critiques.

Première inquiétude, le problème du financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) reste pour l’heure irrésolu. Le débat sur la loi d’orientation des mobilités (LOM) a été très long au sein de cette assemblée, mais la commission mixte paritaire a achoppé sur la question du financement de l’ensemble des obligations fixées dans cette loi.

La programmation financière de l’Afitf, annexée à ce projet de loi, prévoit 13,4 milliards d’euros sur la période 2018-2022 pour investir dans les infrastructures de transport, soit un peu moins de 2,7 milliards d’euros par an.

C’est un effort financier très significatif de la part de l’État, puisque les crédits augmentent de 40 %. Pour 2020, les crédits de l’Afitf devraient augmenter de 502 millions d’euros, soit de 20,2 %. On aimerait y croire, mais nous n’avons pas été destinataires du budget détaillé de l’Afitf pour 2020, malgré de multiples relances. Par ailleurs, en 2019, les promesses du Gouvernement ont déjà été écornées, le budget n’ayant pas été de 2,6 milliards d’euros, comme annoncé, mais uniquement de 2,4 milliards d’euros, soit un écart de 204 millions d’euros, en raison de la baisse des recettes liées aux amendes de radar.

Pour trouver les financements nécessaires, le PLF pour 2020 prévoyait, d’une part, de taxer le transport aérien en mettant en place une éco-contribution. Cette ressource n’est pas satisfaisante et nous avons souhaité l’amender en première partie. D’autre part, il prévoyait de diminuer de 2 euros par hectolitre le tarif réduit de TICPE des transporteurs routiers. Cette mesure, prévue à l’article 19, mettant en péril la compétitivité des transporteurs français,…

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. C’est embêtant !

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. … le Sénat a choisi de la supprimer.

À ce sujet, je ne peux passer sous silence la publication, prétendument par erreur, d’une circulaire des douanes signée et datée du 14 novembre, qui explicitait les formulaires à remplir par les transporteurs routiers pour bénéficier du dédouanement à compter du 1er janvier 2020.

M. Olivier Jacquin. Très bien !

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. Le Sénat est prêt à travailler avec le Gouvernement pour trouver des sources de recettes pérennes pour l’Afitf. Différentes pistes peuvent être envisagées. J’en citerai deux : affecter davantage de TICPE à l’Afitf, ce qui serait logique pour une taxe environnementale ; trouver un moyen de faire contribuer à l’entretien de nos routes les poids lourds étrangers qui ne font que traverser notre pays, sans même s’y ravitailler en carburant.

Notre deuxième point d’inquiétude est le budget de SNCF Réseau. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit la reprise de la dette de cet opérateur, qui s’effectuera en deux étapes : 25 milliards d’euros en 2020, puis 10 milliards d’euros en 2022. Ce désendettement permettra à SNCF Réseau de dégager des moyens pour financer l’investissement grâce à la baisse significative de ses frais financiers.

Je ne reviendrai pas sur le mécanisme de reprise de la dette, qui ne pose pas de difficultés particulières. La solution retenue présente de nombreux avantages : elle ne change rien pour les créanciers de SNCF Réseau et ne se traduit pas par une dépense budgétaire de l’État, qui aurait creusé le déficit de 25 milliards d’euros.

Il faudra néanmoins veiller à ce que la dette ne se reconstitue pas. Or, si l’on en croit un journal du soir qui a eu connaissance de documents non communiqués à notre commission des finances, il manque pour les travaux de régénération et de mise en conformité presque 400 millions d’euros, soit 12 % du budget promis, par rapport à la trajectoire financière du contrat de performance signé en avril 2017 entre la SNCF et SNCF Réseau.

Au-delà de cet événement, pour l’année 2020, les besoins en investissement ont été révisés dans le cadre du projet de loi d’orientation des mobilités : les 3 milliards d’euros d’investissements prévus ont été actualisés à la hausse, jusqu’à 3,6 milliards d’euros, dans la programmation des investissements annexée à ce projet de loi qui vient d’être adopté définitivement par l’Assemblée nationale.

Dans le domaine ferroviaire, au-delà des efforts demandés à SNCF Réseau, je m’interroge sur la capacité qu’aura l’Autorité de régulation des transports (ART) à remplir l’ensemble des missions qui lui ont été confiées par la loi Pacte et le projet de loi d’orientation des mobilités, au regard de la faible augmentation de ses moyens humains.

La dernière zone d’incertitude du programme 203 est le financement du Grand Paris, qui est inacceptable.

Après les trois taxes créées par la loi de finances pour 2019, deux nouvelles taxes ont été introduites dans le présent projet de loi de finances par amendement. Le Sénat a supprimé celle qui était prévue à l’article 5 bis ; il est probable qu’il en sera de même pour la ponction sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) des départements prévue à l’article 72 sexies.

Nous avons eu connaissance bien tardivement – le lundi de la semaine dernière – du rapport qui devait venir justifier les besoins de financement supplémentaire de la Société du Grand Paris (SGP). En l’absence d’informations précises dans ce document, il ne nous est pas permis d’apprécier l’effet de levier des recettes supplémentaires qu’apporteraient ces deux nouvelles taxes.

Par ailleurs, ce rapport laisse entendre que de nouvelles taxes devront être créées à l’horizon de 2024. Le plan de financement de la SGP doit être revu. On ne peut pas continuer à légiférer sur ce sujet au coup par coup.

Concernant le programme 205, « Affaires maritimes », je ne reviendrai que sur un point : le financement de la SNSM, la Société nationale de sauvetage en mer.

En 2020, la subvention octroyée par l’État à cette société atteindra 10,7 millions d’euros, un chiffre sans précédent. Cette hausse de 73 % de la dotation à la SNSM vise à accompagner l’association dans le renouvellement de sa flotte. Il s’agit là d’une mesure conforme aux préconisations de la mission commune d’information du Sénat sur le sauvetage en mer, qui avait plaidé pour un geste fort de l’État dans son rapport d’octobre 2019 intitulé Sauvetage en mer : replacer les bénévoles au cœur de la décision.

J’ai pourtant une question : cet effort de l’État s’inscrira-t-il dans la durée ? Si tel n’est pas le cas, la SNSM pourrait très rapidement ne plus être capable de financer le renouvellement de sa flotte.

En conclusion, madame la ministre, je ne préconise pas l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ; je m’opposerai en particulier aux crédits proposés pour le programme 203 au regard des éléments que je viens de développer.

Toutefois, je suis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », compte tenu des efforts de réforme accomplis ces dernières années pour tenter de revoir en profondeur l’offre de trains Intercités et de lui donner un second souffle. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais vous présenter le programme 159, « Expertise, économie sociale et solidaire, information géographique et météorologie », ainsi que le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Le programme 159 regroupe notamment les crédits alloués au Centre d’études et d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), à l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et à Météo France ; le budget annexe porte les crédits de la direction générale de l’aviation civile (DGAC).

On peut considérer les crédits du Cerema, de l’IGN et de Météo France de deux façons : on peut convenir qu’il s’agit d’une trajectoire financière particulièrement exigeante, mais on peut aussi reconnaître que ces établissements sont en situation extrêmement tendue ; certes, l’échéance qui leur a été donnée, jusqu’en 2022, leur offre une visibilité accrue, ce qui est positif, mais nous arrivons à une situation où les baisses de crédits et d’emplois ne pourront bientôt plus se poursuivre : il faut dès à présent s’interroger sur la suite.

S’agissant de Météo France, la subvention pour charges de service public atteindra 182 millions d’euros en 2020, en baisse par rapport à 2019 ; dans le même temps, ses effectifs baisseront de 95 équivalents temps plein, un chiffre considérable.

Météo France est en train de se doter d’un nouveau supercalculateur. Nous avions eu un débat à ce sujet l’année dernière ; la décision prise est positive pour l’opérateur ; je m’en réjouis. Cela représente un investissement de 144 millions d’euros, qui permettra de multiplier la capacité de calcul par cinq ; c’est utile et nécessaire, mais il faudra bientôt déjà penser au suivant, car c’est tous les cinq ou six ans qu’il faut se doter d’un nouveau calculateur. L’État versera 7,7 millions d’euros pour l’acquisition de ce calculateur dès 2020.

L’IGN verra, lui aussi, sa subvention diminuer en 2020, pour s’établir à 88,5 millions d’euros ; concernant les emplois, il perdra 39 équivalents temps plein. On sait que le modèle économique de l’IGN est sévèrement fragilisé par l’avènement de l’open data et qu’il doit devenir une pièce maîtresse de l’État-plateforme pour l’information géographique.

Le Cerema verra lui aussi ses subventions et ses effectifs diminuer, avec une réduction annuelle de sa subvention de 5 millions d’euros jusqu’en 2022, et une diminution de 101 équivalents temps plein de ses effectifs ; le plafond d’emplois de cet opérateur s’établira à 2 594 équivalents temps plein en 2020. Sur cinq ans, ses effectifs diminueront d’environ 20 % : c’est là encore considérable.

Le principal enjeu, pour cet opérateur, consiste à se réinventer et à travailler de manière plus étroite avec les collectivités territoriales et, bientôt, l’Agence nationale de cohésion des territoires. Je pense que l’équipe de direction s’y emploie, mais il nous faudra lui laisser les marges de manœuvre nécessaires. Encore une fois, si la trajectoire a été fixée jusqu’en 2022, il faut bien se dire qu’il ne faudra pas revenir dessus ni, par la suite, la baisser de nouveau.

J’en viens à présent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », dit BACEA, qui porte les crédits de la DGAC, dont j’ai plaisir à saluer les équipes et, notamment, le directeur général, pour bien des raisons. Ces crédits s’élèvent à 2,2 milliards d’euros.

Le trafic aérien continue de croître ; on peut s’en réjouir, même si nous conservons une inquiétude pour la suite : on ne va pas grimper jusqu’au ciel ! Il faut se dire que cette évolution à la hausse n’est pas forcément intangible.

On peut en revanche déplorer la perte de parts de marché du pavillon français, qui s’élève chaque année à un point environ depuis une dizaine d’années. Les compagnies françaises sont passées de 54,3 % de parts de marché en 2003 à 40 % en 2018, baisse considérable ! Nous profitons donc très peu de l’augmentation du trafic.

La disparition de deux compagnies aériennes françaises – Aigle Azur et XL Airways – a déjà été évoquée ici ; on en parlait lundi dernier en présence de notre rapporteur général à l’occasion de l’examen de l’article 20 de ce projet de loi de finances. Elle représente pour nous un signal d’alarme. Ces faillites ont probablement d’autres raisons qu’un manque de compétitivité, mais la compétitivité du pavillon français n’en est pas moins un vrai sujet. Vous aviez ouvert des assises sur ce problème, madame la ministre, mais le moins que l’on puisse dire est que les mesures tardent à se concrétiser.

L’article 20 de ce projet de loi de finances, qui institue la fameuse éco-contribution sur les billets d’avion, nous pose beaucoup de questions. Nous estimons que cette taxe n’aura pas l’effet incitatif attendu, bien au contraire : c’est une taxe de rendement qui ne permettra pas de réduire les émissions de CO2 du secteur, mais risque d’avoir un effet de décroissance.

Nous souhaitons pour notre part agir de façon concrète et favoriser l’achat par les compagnies aériennes de nouveaux appareils qui consomment moins de kérosène. C’est bien l’objet de l’amendement n° I-502, qui a été adopté lundi dernier sur l’initiative de notre commission : instituer un mécanisme de suramortissement pour l’acquisition d’aéronefs dont les émissions de CO2 seraient inférieures d’au moins 15 % à celles de la flotte existante. Cela nous paraît être la voie à suivre : nous invitons le Gouvernement à bien vouloir l’emprunter avec nous.

Nous savons aussi que la recherche aéronautique, l’incorporation de biocarburants et la conception d’avions électriques ou fonctionnant à l’hydrogène constituent des voies d’avenir. Je serais heureux que le Gouvernement nous éclaire sur la manière d’y parvenir.

Nous savons bien que cela prendra du temps et que, bien évidemment, cette transition écologique ne se décrète pas, dans ce secteur comme dans d’autres : il faut mixer transition écologique et compétitivité. Le paradoxe serait d’avoir des avions étrangers moins chers et plus polluants, et des avions français moins polluants, mais trop chers, ce qui signifierait, in fine, plus d’avions français du tout !

La DGAC bénéficiera en 2020 de recettes légèrement supérieures à celles de 2019, pour un montant de 2,1 milliards d’euros. Cette hausse limitée s’explique notamment par la restitution aux compagnies aériennes des trop-perçus de 2018 au titre de la redevance de route.

Les performances de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) peuvent toujours être questionnées. J’avais commis un rapport sur le sujet au nom de la commission des finances. Je veux certes saluer les mesures prises par Mme la ministre sur la gouvernance des projets, mais il faut rappeler qu’on compte un total de 6 253 000 minutes de retard, soit 2,4 minutes de retard par vol. C’est une vraie difficulté ! Les crédits d’investissement sont en hausse cette année ; je m’en réjouis. Les mesures que vous avez prises, madame la ministre, sont extrêmement positives, mais il faudra en voir les effets et, peut-être, aller vers un contrat d’objectifs et de performance, qui pourrait s’avérer utile pour formaliser la performance de la DSNA.

On ne relève pas de suppressions d’emplois cette année à la DGAC ; cette stabilité est sans doute nécessaire compte tenu de l’augmentation du trafic et du besoin de recruter des contrôleurs. Je m’en réjouis, mais je m’interroge tout de même sur le coût des protocoles sociaux.

Je serai solidaire de mes collègues et, notamment, du rapporteur spécial Jean-François Husson en vous demandant de rejeter les crédits de la mission. Je souhaiterais toutefois que soient adoptés les crédits du budget annexe. Je présenterai par ailleurs un amendement de conséquence des votes de lundi sur la réduction des crédits de l’action n° 03, Affaires financières, du programme 613.