M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Je souhaite associer à ma question mon collègue Max Brisson ainsi que tous les sénateurs qui ont travaillé sur le confinement à l’école, mission qui nous a été confiée par la présidente de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly.

Monsieur le Premier ministre, je n’ai pas pu écouter le Président de la République qui s’exprimait au même moment que vous le faisiez ici, au Sénat. Vous avez annoncé aux Français que les écoles ouvriraient le 11 mai.

L’argument tiré de la nécessité de remettre les décrocheurs sur le chemin de l’apprentissage est louable. Cependant, il perd beaucoup de force lorsque le retour à l’école est fondé sur le volontariat, ce qui revient à rendre ce service public facultatif. Ce ne sont pas les décrocheurs qui seront les plus volontaires, mais ceux des classes à examen – terminale, première, troisième. Je le regrette.

Les conditions dans lesquelles se fera la réouverture des écoles sont un enjeu de taille pour la santé des élèves et de leurs familles, d’autant que le conseil scientifique et le conseil de l’ordre des médecins ne sont pas favorables à leur réouverture. Vous avez pris vos responsabilités ou, plus exactement, vous demandez aux maires d’assurer cette responsabilité en leur laissant ce grand pouvoir de décision : ouvrir leurs écoles ou les maintenir fermées.

Vous accompagnez votre décision d’un guide de 54 pages de prescriptions claires qui pèsent désormais sur leurs épaules. On comprend le désarroi de nombreux maires auxquels échoit cette responsabilité, tant le protocole est difficile à mettre en place. Comme l’indiquait le président Retailleau, il s’agit sans doute d’une usine à gaz.

Permettez-moi de donner un exemple parmi tant d’autres : comment les maires pourront-ils garantir qu’une distanciation d’un mètre est assurée dans la cour de récréation, dans les couloirs, dans les sanitaires ? C’est pourtant une indication qui les engage et que vous avez inscrite dans le protocole. Plus il y a de normes, puis il y a de risques de voir un parent d’élève dont l’enfant sera infecté par le Covid-19 saisir les tribunaux et faire inculper ainsi nos élus.

Monsieur le Premier ministre, il n’est pas possible de laisser les maires seuls face à ce risque. Ils ont montré leur totale implication pour être à vos côtés dans cette crise sanitaire sans précédent. Ne décidez pas avant la concertation. Nous devons les rassurer, les protéger. Dans le futur projet de loi, aucune disposition ne permet de clarifier les responsabilités des élus dans cette période si singulière.

Je vous ai entendu, monsieur le Premier ministre. Nous vous avons senti ouvert à la discussion. J’espère que vous ferez un accueil favorable aux propositions du président de la commission des lois, Philippe Bas, pour protéger nos élus locaux corvéables à merci, car le déconfinement, c’est demain, et nous ne pouvons pas attendre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Grosperrin, j’entends les mots qui surgissent sur toutes les travées de cette assemblée. Ils expriment des interrogations, des doutes, du désarroi, des questionnements. Associé à ces mots, celui de responsabilité est également très présent.

J’ai indiqué à l’instant que le régime juridique en matière de responsabilité me semble assez stabilisé. Il repose à la fois sur la jurisprudence de la Cour de cassation et sur l’ensemble des dispositions existantes.

Par ailleurs, pour répondre à une observation de M. le sénateur du Haut-Rhin ou de Mme la sénatrice Primas, je ne suis pas certaine qu’un régime juridique, quel qu’il soit, permette d’empêcher des procédures pénales. Quelle que soit la précision de la loi, il se trouvera toujours un administré ou quelqu’un d’autre pour engager une procédure qui entraînera des jugements. Il faut avoir cela en tête.

En toute hypothèse, nous ne cherchons pas ici à atténuer la responsabilité des élus – M. le Premier ministre l’a dit –, mais au contraire à clarifier les choses. S’il vous apparaît nécessaire de clarifier la jurisprudence et de la repréciser, nous pourrons y travailler ensemble. Nous pouvons adopter un dispositif de soutien, de réassurance, de confiance politique, mais j’estime qu’il ne faut pas envisager quelque chose de plus vaste.

Enfin, monsieur le sénateur, je ne crois pas que nous devions prendre des dispositions propres aux élus locaux. Il me semble que la problématique qui a ici été soulevée concerne non seulement les élus, mais également les employeurs privés et les décideurs publics. Cette problématique étant générale, elle appelle une réflexion globale. C’est toute la complexité de cette situation.

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Chaize. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à bien des égards, le lundi 11 mai nous semble une échéance lointaine. Elle nous semble lointaine parce que le confinement a peut-être altéré notre rapport au temps.

Mais si cette échéance nous semble si lointaine, c’est aussi parce que les interrogations sur la levée du confinement, notamment s’agissant des transports, sont encore trop nombreuses. Sommes-nous prêts, monsieur le secrétaire d’État ?

Mon intervention pourrait se limiter à cette simple question tant elle synthétise toutes les préoccupations des Français. Par bienveillance, et surtout par souci d’intelligibilité, je vais tout de même reformuler cette question et vous demander des précisions.

Dans un courrier du 30 avril, nous apprenions que les principaux opérateurs de mobilité – SNCF, RATP, Keolis, Transdev, pour ne citer que ces derniers – vous informaient que le respect des règles de distanciation physique d’un mètre entre passagers n’était pas réalisable.

Pour faire simple, le respect des règles de distanciation veut que le nombre d’usagers dans les transports en commun soit compris entre 10 % et 20 % de la normale. Lundi prochain, il sera de 30 %. Comment allez-vous procéder pour assurer le respect des règles de distanciation ?

Vous prévoyez aussi que les masques seront obligatoires dans les transports en commun, et vous avez raison. Néanmoins, comment allez-vous contrôler l’effectivité de cette mesure ?

Vous avez précisé qu’il serait possible de réaliser des contrôles grâce aux forces de l’ordre et aux opérateurs de sûreté. Concrètement, quelle sera votre méthode ou stratégie pour que la mesure soit pleinement appliquée ? Mais surtout, en l’absence d’agents pour réaliser les contrôles, un chauffeur de bus, par exemple, pourra-t-il refuser l’accès de son véhicule à une personne sans masque ? Vous avez semblé hésitant à ce sujet dans une précédente intervention.

Enfin, quel est votre plan pour distribuer les masques promis il y a encore quelques jours ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur Chaize, je vous remercie pour cette question importante, qui porte sur le déconfinement progressif dans le secteur des transports à compter du 11 mai.

Nous abordons ce déconfinement avec un objectif et une stratégie. Notre objectif est évidemment que les transports se déroulent dans de bonnes conditions sanitaires le 11 mai et les jours suivants. Pour ce faire, notre stratégie repose sur trois piliers.

Le premier consiste à mettre à la disposition des usagers le maximum d’offre de transport possible. Les chiffres ont déjà été indiqués : 70 % de l’offre à la RATP – davantage sur certaines lignes –, et entre 50 % et 60 % de l’offre sur les trains du quotidien à la SNCF. Tel est le premier élément : le plus d’offre possible.

Le deuxième pilier consiste à faire en sorte qu’il y ait le moins de voyageurs possible au même moment, notamment aux heures de pointe où l’engorgement est le plus important. Pour cela, nous préconisons et nous organisons le recours au télétravail, ainsi que l’étalement des heures d’embauche et de débauche dans les entreprises.

Enfin – c’est le troisième pilier –, nous organisons les flux de manière à ce que la sécurité sanitaire soit au rendez-vous. Tel est l’objectif de l’obligation de port du masque.

Nous travaillons actuellement en lien très étroit avec les élus et les opérateurs sur le sujet de la distribution. Nous travaillons également à la mise en œuvre des procédures de contrôle, et le cas échéant, de sanction – je le confirme ici. Enfin, nous travaillons à l’organisation des transports. Chacun comprendra, singulièrement dans cet hémicycle, que la régulation des flux dans un bus à Limoges ou sur la ligne 7 du métro parisien ne relève ni des mêmes pratiques ni des mêmes procédures.

En tout état de cause, monsieur le sénateur, si nous rencontrons des difficultés opérationnelles d’ordre public ou d’ordre sanitaire, nous n’hésiterons pas à fermer telle ou telle ligne de bus, de tramway ou de métro. C’est bien la sécurité sanitaire des voyageurs qui prévaut.

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.

M. Patrick Chaize. Monsieur le secrétaire d’État, je peine à comprendre que les principaux opérateurs de notre pays, dont l’actionnariat est plutôt public, soient obligés de vous envoyer un courrier le 30 avril pour vous demander les modalités de déconfinement au 11 mai.

Ces opérateurs publics indiquent qu’il faut 100 % du trafic habituel pour transporter 20 % à 30 % de la population, ce qui, vous l’avez reconnu, n’est pas compatible avec les chiffres que vous nous annoncez. Nous sommes dans l’incertitude,…

M. le président. Il faut conclure.

M. Patrick Chaize. … or il faut de la clarté pour chacun puisse prendre les transports en confiance.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. René-Paul Savary. Dans ce moment critique où vous avez dit qu’il fallait jouer la transparence pour gagner la confiance, monsieur le Premier ministre, je souhaite revenir sur le nuancier départemental. En effet, les critères retenus ne vont pas sans poser un certain nombre de questions, d’autant qu’ils évoluent.

Le code couleur devait dépendre de la circulation du virus ; or certains départements sont classés rouges, alors qu’ils ont une circulation virale particulièrement diminuée.

Il devait ensuite être déterminé en fonction de la capacité initiale en lits de réanimation, c’est-à-dire sans tenir compte des lits créés depuis le début de la crise. Or des départements où le taux d’occupation des lits de réanimation est nettement inférieur à 50 % de cette capacité antérieure sont en rouge.

Il devait enfin prendre en compte la capacité des départements à effectuer des tests à partir du 7 mai, mais vous nous dites maintenant qu’il s’agira non pas de la capacité de tester, mais de celle d’interpréter les tests.

Par ailleurs, ces critères sont-ils départementaux – pardon de vous froisser, monsieur le Premier ministre – ou sont-ils régionaux ? Il est important de le savoir, car cela risque de discriminer certains départements. De plus, la responsabilité des présidents de département, qui auront à décider de l’ouverture des collèges, pourra être mise en cause.

Je ne suis pas rassuré non plus par vos derniers propos, monsieur le Premier ministre. Cette couleur va servir d’aide à la décision, notamment peut-être pour l’ouverture des écoles. Va-t-on fermer les écoles d’un département qui passerait au rouge ? Les entreprises ne pourraient-elles voir leur responsabilité mise en cause si elles sont ouvertes alors que leur département est en rouge ?

Nous avons besoin de clarté, monsieur le Premier ministre. Quel est le rôle exact de ce nuancier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je comprends votre question : pourquoi le Gouvernement parle-t-il de logique départementale, alors qu’il existe des indicateurs départementaux et régionaux, mais que tous auront un impact départemental ?

Certains indicateurs sont à proprement parler départementaux, par exemple des indicateurs de circulation active du virus, c’est-à-dire la vitesse à laquelle il circule. Ceux-ci sont fondés sur plusieurs indices ou sous-indicateurs : l’indicateur principal – le pourcentage de patients admis aux urgences dans un département donné en lien avec une suspicion de coronavirus – et ce que l’on appelle des signaux faibles – le recours aux médecins généralistes, les remontées des réseaux sentinelles, le nombre d’admissions en réanimation, le nombre de tests positifs réalisés par département. À cela s’ajoute l’indicateur de saturation, le taux d’occupation des services de réanimation des hôpitaux et des cliniques en lien avec des malades du coronavirus. Cet indicateur est fondamental. En effet, quand bien même le virus circulerait peu, il faut tenir compte du fait que les services de réanimation sont extrêmement saturés et que les équipes ne seraient pas en mesure d’accepter du jour au lendemain plus de malades.

Qu’avons-nous constaté pendant la phase d’ascension de l’épidémie ? Dans la région Grand Est par exemple, on a parlé des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, parce que c’était là que le virus circulait le plus, mais on a parlé de la région Grand Est dès lors que l’on parlait de la saturation et du taux d’occupation des hôpitaux. Ce sont en effet toutes les capacités hospitalières de la région qui ont été mobilisées et même au-delà, puisque plus de 600 évacuations sanitaires ont été organisées d’abord vers les territoires, départements et régions voisins, ensuite parfois à l’étranger.

Ce bloc régional de saturation des services de réanimation est celui dont nous devons tenir compte pour déterminer si, oui ou non, un territoire est prêt à être déconfiné dans les mêmes conditions qu’un territoire avec peu de malades à l’hôpital et peu de circulation virale.

Enfin se pose la question de l’adaptation et de la capacité de réaction de notre système en tests, en traçages et en isolement. Nous aurons l’occasion d’en débattre dans quelques minutes à l’occasion de l’examen du projet de loi.

Comprenez bien que, si la logique est départementale, l’indicateur ne peut être que régional, car il n’aurait pas de sens à l’échelle du département. Les réanimateurs des régions Grand Est, Île-de-France, Bourgogne-Franche-Comté ou Hauts-de-France vous répondront la même chose que moi.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour la réplique.

M. René-Paul Savary. Les règles du jeu évoluent au fil du temps. Attention aux répercussions ! Il faut que les choses soient claires, parce que les présidents de conseil départemental, au même titre que les maires, auront à prendre des responsabilités, notamment en ce qui concerne l’ouverture des collèges.

La discrimination d’un département par ce code couleur est somme toute péjorative et peut entraîner des mises en cause de responsabilité qui risquent d’être préjudiciables au développement de ce département. Je souhaitais vous alerter sur ce point, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat interactif.

Vote sur la déclaration du Gouvernement

M. le président. À la demande du Gouvernement, le Sénat est appelé à se prononcer par un vote sur la déclaration du Gouvernement relative à la stratégie nationale du plan de déconfinement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19.

Conformément à l’article 39, alinéa 6, du règlement, il va être procédé à un scrutin public ordinaire dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement ; aucune explication de vote n’est admise.

Mmes les secrétaires Catherine Deroche et Agnès Canayer superviseront depuis leur place le déroulement du scrutin.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 100 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 81
Contre 89

Le Sénat n’a pas approuvé la déclaration du Gouvernement relative à la stratégie nationale du plan de déconfinement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux, afin de permettre à la commission des lois d’examiner la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité sur le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

Monsieur le président de la commission des lois, pendant combien de temps la commission a-t-elle besoin de se réunir ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Dans la mesure où il s’agit d’un point important, une suspension de séance d’une dizaine de minutes serait bienvenue. La commission se réunira salle Médicis.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

3

 
Dossier législatif : projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions
Discussion générale (suite)

Prorogation de l’état d’urgence sanitaire

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions (projet n° 414, texte de la commission n° 417, rapport n° 416, avis n° 415).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Je rappelle à chacun la nécessité de respecter les règles sanitaires.

Je rappelle également que les sorties de la salle des séances devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle.

Tous les orateurs, y compris les membres du Gouvernement, s’exprimeront depuis leur place, sans monter à la tribune.

Enfin, mes chers collègues, afin de limiter la circulation de documents, vous êtes invités à utiliser vos tablettes et la fonctionnalité « En séance » sur notre site internet, pour prendre connaissance du dérouleur et des amendements, même si ces documents demeurent à votre disposition.

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Rappels au règlement

 
 
 

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous engagerons dans quelques instants un débat important sur la prolongation de l’état d’urgence sanitaire. Je souhaite dire quelques mots sur la forme.

Monsieur le ministre, la forme, c’est la façon dont l’exécutif considère la démocratie parlementaire. Chacun a bien compris la situation : le Président de la République malmène peut-être son gouvernement, lequel malmène peut-être à son tour le Parlement.

M. Patrick Kanner. D’ailleurs, voilà quelques dizaines de minutes, au moment où nous étions en train de débattre, le Président de la République, de manière spontanée, faisait une conférence de presse sur le déconfinement. J’espère que ses propos étaient conformes à ceux du Premier ministre – et réciproquement.

Le Gouvernement nous impose aujourd’hui un calendrier d’examen à marche forcée. M. le Premier ministre ou vous-même, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, me répondrez que l’urgence l’impose. Dont acte. L’urgence, nous la partageons. En revanche, nous condamnons le fait que le Gouvernement fasse porter à d’autres ses propres difficultés. Vous connaissez l’adage latin : « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. »

La façon dont le Parlement est conduit à délibérer est totalement inacceptable, alors que nous avons jusqu’à présent été à la hauteur des enjeux. Monsieur le ministre, je vous rappelle la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 du 23 mars dernier, le PLFR 2, précédé du PLFR 1. Aujourd’hui, nous sommes en ordre de marche ; vous pouvez donc peut-être continuer à pousser ainsi le fer.

Pour notre part, nous voulons retrouver la plénitude des attributions que la Constitution nous accorde. Nous sommes aujourd’hui dans une démarche d’habilitation qui a permis au Gouvernement de prendre près de cinquante ordonnances différentes en quelques semaines ; nous l’avons fait en conscience et en responsabilité, mais la démocratie parlementaire nous incite à reprendre maintenant nos droits – permettez-moi cette expression – et le Gouvernement doit rapidement inscrire à l’ordre du jour des assemblées l’examen des projets de loi de ratification. En effet, si le Parlement a autorisé le Gouvernement à intervenir dans des domaines qui relèvent de la loi, c’est à lui qu’il appartient d’avoir le dernier mot.

Monsieur le ministre, je vous remercie de prendre en considération ces remarques, qui ont pour but non pas de bloquer votre travail, mais de faire respecter le Parlement, en particulier la Haute Assemblée, qui a toujours été constructive dans ses remarques, ses approches et ses préconisations, pour que la crise soit la moins longue possible dans notre pays.

 
 
 

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage bien évidemment les propos de Patrick Kanner sur les conditions de travail des parlementaires à l’occasion de l’examen d’un texte important. Elles sont un frein à l’utilisation de notre droit d’amendement, qui est un droit constitutionnel. La démocratie parlementaire est bafouée, pour ne pas dire méprisée.

Cependant, comme nous sommes des hommes et des femmes politiques très responsables, nous avons travaillé et essayé d’examiner ce texte de façon très précise. Nous aurons donc des amendements à défendre, qui ne sont pas seulement des critiques, mais qui visent aussi à formuler des propositions.

Monsieur le ministre, il serait temps que le Parlement, en particulier la Haute Assemblée, soit respecté.

M. le président. Acte vous est donné de vos rappels au règlement, mes chers collègues.

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions
Exception d'irrecevabilité

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis un mois et demi, notre pays fait face à l’impensable. L’impensable, c’est la mise en suspens de la vie sociale et de la vie économique, c’est-à-dire finalement la mise en suspens de toutes les évidences du quotidien. Affronter une crise sanitaire de l’envergure de celle provoquée par le Covid-19 était devenu un impensé, l’impensé d’un monde où le progrès technique et technologique nous protégeait de bien des périls, d’un monde où le sens collectif du tragique avait presque entièrement disparu.

Pourtant, en seulement quelques semaines, ce monde a trébuché, faisant trébucher avec lui bien des dogmes et des certitudes. Aujourd’hui, la moitié de l’humanité vit confinée. Partout dans le monde, c’est l’appel à rester chez soi qui a été lancé. Rester chez soi, limiter ses déplacements, renoncer à voir des parents ou des amis : autant de sacrifices consentis pour freiner la propagation du virus et protéger les plus fragiles.

Avant toute chose, je veux évidemment saluer les soignants, dont chacun mesure l’engagement et qui, chaque jour, se démènent au péril, parfois même au prix de leur vie. La Nation tout entière les regarde avec fierté, parce que rien n’est plus beau que de consacrer sa vie à sauver celle des autres.

Je salue de la même manière toutes celles et tous ceux qui permettent à la France de tenir bon et de surmonter cette épreuve. Grâce à eux, notre pays n’a pas sombré dans le chaos, et l’angoisse légitime n’a jamais pris la forme d’une panique collective.

Je veux aussi saluer les parlementaires, c’est-à-dire vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Dans des conditions souvent difficiles, chacun, sur ces travées ou depuis chez soi, a poursuivi son activité, parce que, même quand la vie du pays semble s’arrêter, la démocratie, elle, ne s’arrête jamais.

J’entends vos critiques sur les délais extrêmement contraints dans lesquels vous avez été amenés à examiner le projet de loi que je vous présente aujourd’hui. Bien sûr, nous aurions souhaité que vous disposiez de davantage de temps. Bien sûr, nous respectons la vie démocratique et la vie parlementaire de ce pays. C’est pourquoi, semaine après semaine, le Premier ministre et les membres du Gouvernement sont présents dans cet hémicycle, comme à l’Assemblée nationale : la continuité du fonctionnement de nos institutions n’a jamais fait défaut.

Quand on se compare, on se console, dit-on. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à me dire quel autre pays que la France a soumis au vote de son Parlement un plan de déconfinement et des mesures similaires à celles que nous vous présentons aujourd’hui. La démocratie importe énormément à la France. Encore une fois, je suis désolé pour les délais d’examen, mais constatez comment les choses se déroulent en France et comment elles se passent ailleurs.

Je salue aussi, à travers vous, l’engagement remarquable des élus locaux, qui, dans tous les territoires, ont pris des initiatives, ont inventé et ont joué un rôle décisif dans la protection des populations.

Le quotidien de notre pays a été bouleversé. Il le fallait pour éviter le pire. Nul ne peut s’en réjouir et tout le monde s’en serait volontiers passé. Les décisions prises jusqu’à présent dans ce contexte n’ont rien d’anodin et le Gouvernement en a parfaitement conscience.

Le Gouvernement sait que le texte qui vous est proposé et qui est destiné à proroger l’état d’urgence sanitaire n’est pas un blanc-seing. Bien au contraire, le Gouvernement mesure la responsabilité immense, la responsabilité historique qui est la sienne aujourd’hui.

L’état d’urgence sanitaire n’a qu’une seule vocation : permettre la lutte la plus rapide et la plus efficace possible contre l’épidémie qui frappe. Ce projet de loi visant à proroger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 24 juillet prochain est, conformément à l’avis unanime du comité de scientifiques, une nécessité. En effet, à l’unanimité, le conseil scientifique a considéré que l’ensemble des dispositifs de lutte contre l’épidémie de Covid-19 incluant ceux qui ont été prévus par la loi sur l’état d’urgence sanitaire restent nécessaires dans la situation sanitaire actuelle et pour les semaines, voire les mois à venir.

Je profite de mon intervention pour vous donner l’état des lieux aujourd’hui dans notre pays vis-à-vis de l’épidémie ; chacun pourra ainsi se rendre compte de la situation à laquelle nous faisons face. Ce soir, 131 863 patients ont été diagnostiqués et confirmés par test PCR pour le coronavirus ; ce sont 576 patients de plus au cours des vingt-quatre dernières heures. On dénombre 51 371 patients guéris parmi tous les patients hospitalisés, mais 25 548 patients restent hospitalisés ce soir. Certes, c’est une réduction de 267 patients par rapport à hier, mais cela représente précisément 699 admissions supplémentaires de patients à l’hôpital au cours des vingt-quatre dernières heures. La France déplore 25 201 décès, soit 306 décès de plus sur les vingt-quatre dernières heures.

Enfin, notre pays compte encore ce soir 6 455 patients dans les services de réanimation, dont 3 696 patients atteints du coronavirus. Ce sont, certes, 123 lits occupés de moins par des patients atteints du Covid-19, mais 84 admissions supplémentaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces chiffres, vous y êtes habitués ; je vous en donne la primeur ce soir à l’occasion de mon intervention. Derrière ces chiffres, il y a une situation hospitalière qui reste tendue, difficile ; il y a une épidémie que nous avons combattue avec succès grâce au confinement et grâce à l’action des Français depuis de nombreuses semaines, mais que nous n’avons pas totalement vaincue, tant s’en faut.

C’est pourquoi le Gouvernement sollicite la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Il a aussi semblé que, après six semaines au cours desquelles le pays tout entier a appris à vivre autrement, il convenait de proposer quelques modifications ciblées du régime de l’état d’urgence sanitaire afin d’en conforter le cadre juridique.

Je l’ai dit à Philippe Bas, président de la commission des lois : je me réjouis des débats à venir. Je sais l’action qui a été menée par la commission des lois, mais également par la commission des affaires sociales, sous l’égide de son président, Alain Milon. Je sais votre action déterminante, mesdames, messieurs les sénateurs. C’est pourquoi je me réjouis de pouvoir débattre avec vous afin que nous puissions avancer ensemble pour enrichir ce texte, le consolider et le conforter partout où cela sera nécessaire.

C’est surtout la perspective du déconfinement qui a amené à accélérer l’examen de ce projet de loi, compte tenu des adaptations législatives qu’il implique, et à prévoir un examen parlementaire compatible avec une entrée en vigueur du déconfinement le 11 mai prochain. Le déconfinement qui s’opérera peu à peu à partir de cette date ne sera pas un retour pur, simple et immédiat à la vie d’avant ; le Premier ministre l’a dit : il va falloir vivre avec le virus.

Penser que le déconfinement puisse être un arrêt brutal de toutes les mesures ayant permis jusqu’à maintenant d’éviter le pire et marquer un retour à la normale serait une grave erreur, que les Français ne commettront pas. J’ai souvent comparé ce que nous vivions à une course de fond : le 11 mai correspondra au premier ravitaillement de cette course de fond, mais le chemin sera encore long avant de franchir la ligne d’arrivée. Des vies sont en jeu ; la bataille n’est pas encore gagnée, loin de là.

Comme je viens de le dire, il est indispensable de sécuriser et d’élargir le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire afin d’y intégrer les enjeux du déconfinement. Je pense en particulier à la réglementation dans les transports ou les établissements recevant du public. Il s’agit non plus d’interdire ou de restreindre, mais de réglementer les déplacements, par exemple en imposant dans certains cas le port d’un masque.

Au fond, je me rends compte que nous parlons le plus souvent du déconfinement sous l’angle des interdictions qui vont rester. C’est peut-être une façon de signifier que le retour à la vie d’avant n’est pas pour tout de suite. Cependant, je veux le dire aux Français, le déconfinement marquera aussi le retour de libertés qu’ils ont perdues pendant un temps. Ce sera la possibilité d’emmener ses enfants à l’école, de prendre les transports en commun pour aller sur son lieu de travail et rentrer le soir chez soi, voire de se réunir avec quelques amis ou membres de sa famille, mais pas à plus de dix au total. Ce sont quand même des activités que les Français ont perdu de vue depuis plusieurs semaines et qui seront de nouveau possibles à partir du 11 mai.

Le projet de loi permet de mieux encadrer les possibilités de placement en quarantaine ou à l’isolement. Il renforce les garanties, notamment juridictionnelles, qui s’y rapportent. Les conditions générales seront définies par décret, après avis du comité de scientifiques. Je pense en particulier à la durée de ces mesures, aux lieux dans lesquelles elles pourront s’appliquer, au suivi médical qui les accompagnera, ainsi qu’aux déplacements que les personnes concernées pourront, le cas échéant, effectuer ou, à défaut, les moyens par lesquels un accès aux biens et services de première nécessité leur sera garanti.

J’y insiste, les mesures individuelles prises sur ce fondement ne pourront viser que ceux qui entrent sur le territoire national ou qui arrivent dans un territoire ultramarin ou en Corse, ou en provenance de l’un de ces territoires. Le Gouvernement n’a pas retenu la possibilité d’appliquer ces mesures aux personnes affectées par le Covid-19 qui auraient refusé de manière réitérée des prescriptions médicales prophylactiques et créeraient par leur comportement un risque de contamination pour d’autres personnes. Notre volonté, comme j’ai eu l’occasion de le dire au président Milon, est avant tout de faire confiance et de responsabiliser.

Les mesures individuelles seront prononcées sur décision motivée du représentant de l’État, sur proposition du directeur général de l’Agence régionale de santé et sur constatation médicale de l’infection en cas de placement à l’isolement. Bien évidemment, et c’est heureux, les mesures individuelles interdisant toute sortie pourront faire l’objet d’un recours, à tout moment, devant le juge des libertés et de la détention et ne pourront dépasser quatorze jours sans décision de ce même juge, sauf consentement de la personne concernée. J’ai noté avec satisfaction que la commission des lois a souhaité apporter un certain nombre de garanties, de précisions, dont nous pourrons débattre dans quelques minutes. Enfin, les mesures en cause ne pourront en aucun cas se prolonger au-delà de trente jours.

J’en viens à la création d’un système d’information.

Le système de tracing représente un outil essentiel pour maîtriser les chaînes de contamination. Tout ce qui peut aider à lutter contre ce virus doit être exploité, pas n’importe comment, bien sûr, mais en veillant scrupuleusement au respect des principes auxquels nous sommes toutes et tous attachés. J’y reviendrai.

Avec ce système d’information, il s’agit de collecter un grand nombre de données d’ordre médical et non médical pour les porter à la connaissance de différents intervenants, avec cinq étapes distinctes.

Première étape : le recueil des résultats positifs des tests par les laboratoires.

Deuxième étape : le tracing de niveau 1, qui est exercé par les professionnels de santé de premier recours, c’est-à-dire les infirmiers, les médecins, en ville ou à l’hôpital, pour définir le cercle des cas contacts.

Troisième étape : le tracing de niveau 2, qui est réalisé par les plateformes de l’assurance maladie pour enrichir la liste des cas contacts au-delà de ce premier cercle et vérifier qu’aucun cas positif n’a échappé au tracing de niveau 1 avant de donner toutes les consignes aux intéressés.

Quatrième étape : le tracing de niveau 3, qui est exercé par les agences régionales de santé. Ce niveau, que vous connaissez, puisque nous l’avons déjà expérimenté, vise à diligenter les enquêtes de terrain là où il y a une circulation encore plus active et concentrée du virus sur un territoire donné, de manière à casser, à briser les chaînes de contamination et à éviter des flambées épidémiques.

Enfin, cinquième étape : la surveillance épidémiologique locale et nationale effectuée par Santé publique France et la direction générale de la santé.

Je veux être très clair : ce système d’information est destiné à identifier des personnes infectées ou susceptibles de l’être, à collecter des informations nécessaires pour déterminer les personnes ayant été en contact avec ces dernières, à organiser des examens de biologie médicale de dépistage et à réaliser toutes choses utiles dans la lutte contre la propagation du virus.

Si nous avons besoin de la loi, c’est pour lever des obstacles. Certains s’inquiètent du respect du secret médical ou de l’intervention de nouveaux acteurs. En dehors de toute épidémie, il faut savoir que l’assurance maladie dispose de plusieurs sites sur lesquels elle centralise un certain nombre de données de santé, telles que les déclarations d’arrêt de travail ou les déclarations d’affection de longue durée. Ces systèmes d’information existent depuis des années et même des décennies. Y ont accès aussi bien des médecins, des pharmaciens que des salariés de l’assurance maladie, qui ne sont pas forcément médecins.

Ce qui est nouveau, avec ce dispositif, c’est que l’accès aux données va concerner, par définition, non pas seulement des personnes malades, mais également, potentiellement, des personnes non malades, qui sont ce qu’on appelle des cas contacts, plus ou moins proches, des personnes malades. Comme il n’a jamais été envisagé de donner accès aux mêmes acteurs de l’assurance maladie, aux mêmes médecins, aux mêmes soignants à des fichiers de personnes qui ne sont pas forcément malades, nous avons besoin de recourir à la loi. C’est tout l’intérêt de cette disposition législative.

Je veux aussi couper court à toute suspicion et à toute polémique. Les données concernées ne seront pas récoltées pour nourrir une application. Les systèmes d’information dont nous parlons sont juridiquement et techniquement totalement indépendants de tout système numérisé de tracing du type StopCovid. Le Premier ministre a bien rappelé qu’une telle mise en place nécessiterait l’organisation d’un débat ad hoc au Parlement.

Je fais vraiment la distinction entre les deux systèmes. Avec notre texte, il s’agit de créer un système d’information nouveau pour acheminer des résultats de tests positifs du laboratoire vers les intervenants du tracing, selon le rôle de chacun dans le dispositif. Par exemple, si vous avez des symptômes, vous allez vous rendre sur le parking d’un laboratoire qui a installé un drive. Un technicien va procéder à un prélèvement par écouvillonnage. À partir de ce moment-là, un numéro potentiellement identifiant va vous être affecté et il sera placé dans une base de données qu’on appelle Sidep. Ensuite, le prélèvement va être envoyé au laboratoire, où vont être réalisés les examens du type PCR.

Vous imaginez bien que le numéro est très utile pour que l’échantillon ne soit pas perdu. Si, manque de bol, le test est positif, et que vous êtes malade, il faut bien que votre médecin soit au courant, pour qu’il puisse vous appeler afin de vous prescrire des soins, de vous demander de vous isoler, de vous mettre à l’abri en quarantaine. Il doit aussi s’enquérir de l’identité des personnes de votre premier cercle que vous avez pu contaminer malgré vous. Il est donc indispensable que le numéro soit identifiant.

Dans le cadre du tracing de niveau 2, c’est l’assurance maladie qui prend le relais pour vous appeler et faire le tour de toutes les personnes que vous avez croisées dans les quarante-huit heures avant les premiers symptômes pour vérifier que personne n’a été exposé sans qu’on puisse le prévenir. Là encore, il y a un besoin de traçabilité, que remplit ce numéro.

Cette non-anonymisation est un moyen de ne pas passer à côté de personnes à risque. Vous comprenez bien que les agences régionales de santé et Santé publique France ont aussi besoin d’avoir accès à ces informations. En fait, tout ce que l’on vous demande, c’est de nous permettre, du début à la fin, c’est-à-dire du prélèvement jusqu’au moment où l’on va identifier toutes les personnes potentiellement malades pour les protéger, d’avoir accès à un seul système d’information où vont pouvoir interagir des médecins, des infirmiers, des biologistes et des salariés de l’assurance maladie.

La mise en œuvre de ces mesures supposera un décret en Conseil d’État, pris après un avis de la CNIL, qui sera rendu public, et qui est d’ores et déjà en préparation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je n’ai pas manqué de saluer voilà quelques instants, à travers vous, tous les élus locaux de notre pays. Si l’on peut trouver une seule vertu à la crise sans précédent que nous traversons, c’est bien de révéler l’engagement et le sens des responsabilités des uns et des autres ; c’est de mettre à l’épreuve un système de décision en le confrontant à ses atouts, certains, comme à ses limites, tout aussi certaines.

Personne n’oubliera que, face au péril, les élus locaux, qu’ils soient maires, élus régionaux ou départementaux, ont été pleinement mobilisés pour organiser le combat contre le virus. Je pourrais en dresser la liste, mais cela prendrait beaucoup trop de temps et elle serait sans doute non exhaustive. Je voudrais remercier tous ces élus de différentes collectivités et de tous bords politiques, avec qui j’ai été amené à discuter, à échanger, à travailler, toujours dans la concorde, dans un seul et même objectif d’intérêt général. La période de déconfinement qui s’annonce verra les territoires jouer encore, forcément, un rôle très actif.

Le texte que le Gouvernement présente aujourd’hui est équilibré, gage d’efficacité dans le combat contre le virus, respectueux de principes avec lesquels nous ne transigerons jamais. Il permettra à chacun de servir l’intérêt de tous. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)