M. Jérôme Bascher. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

Mes chers collègues, il s’agit, me semble-t-il, de la dernière intervention de M. Daudigny à la tribune, en tant que sénateur. Je souhaite donc le féliciter pour tout le travail qu’il a accompli dans notre assemblée. (Applaudissements.)

Mme Catherine Deroche. Tout à fait !

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si la conclusion du parcours parlementaire de ce texte paraît réglée, je veux toutefois réaffirmer, au nom du groupe socialiste et républicain, notre incompréhension face au mélange des genres dans ce projet de loi, notre opposition au transfert de 136 milliards d’euros de dette vers la Cades et notre attente très forte relative à la création de la cinquième branche de la sécurité sociale pour l’autonomie.

Le déficit de la sécurité sociale pour 2020 – plus de 50 milliards d’euros – échappe à toute référence historique. Il est accentué, rappelons-le, par l’absence de compensation, par l’État, des différentes mesures d’allégement de cotisations, consécutives, par exemple, à la crise des « gilets jaunes ». Oui, il était nécessaire d’alléger l’Acoss de la dette autorisée de 90 milliards d’euros, portant sur une courte échéance, mais l’urgence n’obligeait pas à de mauvais choix, dont les conséquences négatives durables pèseront sur les assurés sociaux, sur les actifs, sur les retraités.

La dette de 2020 procède de décisions de l’État, prises à l’occasion d’une crise exceptionnelle, mais dont le bien-fondé n’est pas mis en cause. Toutefois, elle devait être traitée à cet échelon, dans le cadre de la globalisation des déficits dus à la crise. En effet, l’État emprunte à des conditions plus favorables que les agences, il gère la dette à long terme, ne supporte que les intérêts et il réemprunte continûment le principal.

L’argument de la spécificité de la dette sociale n’est pas décisif, eu égard aux masses concernées, 136 milliards d’euros, à rapporter aux 2 650 milliards d’euros de dette générale. Des économistes, les organisations syndicales et le Haut Conseil du financement de la protection sociale ont argumenté en faveur d’une autre solution ; ce n’était pas une solution miracle, mais elle aurait libéré une dizaine de milliards d’euros de recettes sociales par an, permettant de construire un nouvel équilibre financier durable de la sécurité sociale, face aux défis nouveaux, dont ceux de l’autonomie, de l’hôpital et des nouvelles thérapies.

Au regard de cette occasion manquée, la prise en charge incongrue, par la Cades, de l’amortissement d’un tiers de la dette hospitalière, pour un coût de 13 milliards d’euros, paraît presque anecdotique.

Mes chers collègues, je représentais l’Assemblée des départements de France auprès de Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) quand celle-ci publia, en juillet 2009, son rapport annuel intitulé Droit universel daide à lautonomie : un socle, une nouvelle étape, qui s’ouvrait sur la proposition d’une « mise en place d’un “5e risque” de protection sociale consacré à l’autonomie, afin de mieux répondre aux difficultés concrètes rencontrées par les personnes […] et par leur famille ». Était également recommandée la transformation des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) en maisons départementales de l’autonomie, assurant le même service aux personnes ayant besoin d’une aide, quels que soient l’âge et la cause de la perte d’autonomie.

Aujourd’hui, en cohérence, les membres du groupe socialiste et républicain – je veux en particulier associer mes collègues Michelle Meunier, qui travaille sur le sujet, et Victoire Jasmin, qui est présente ce soir – sont favorables à la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale et saluent votre nomination, madame la ministre, comme ministre déléguée chargée de l’autonomie.

Le rapport Laroque, en 1962, marquait la naissance de la politique de la vieillesse ; il appelait à appréhender les problématiques de façon globale. Soixante ans plus tard, la réalité démographique impose un autre défi. L’année 2030 sera porteuse d’un symbole fort : pour la première fois, les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 20 ans.

Madame la ministre, après les effets d’annonce sur ce moment historique de la sécurité sociale, la cinquième branche reste à construire. Cette branche renvoie à la place que notre société accorde aux personnes âgées ou en situation de handicap. Un financement pérenne et sanctuarisé, des prestations homogènes à l’échelle nationale, une coordination des acteurs sociaux, sanitaires et médico-sociaux sont à définir, en parallèle d’un investissement dans la prévention, du renforcement de l’attractivité des métiers du grand âge, de l’accompagnement pour les proches aidants et de moindres restes à charge dans les établissements. Le rendez-vous est donc pris.

En conclusion, quelques mots de contexte : la crise sanitaire, économique et sociale sans précédent a réhabilité, si c’était nécessaire, le rôle de l’État et la place déterminante de notre protection sociale. Elle a montré que tous ceux qui tiennent le pays à bout de bras en période de graves difficultés – les infirmières, les aides-soignants et les aides à domiciles, mais aussi les caissières, le personnel de manutention, les éboueurs et j’en oublie – sont les moins reconnus et les plus précarisés en temps ordinaire.

Les décisions prises sont-elles à la hauteur du rôle de ces personnes dans la société, d’une justice sociale plus affirmée ? Je ne méprise certes pas les résultats du Ségur de la santé, mais il est tout de même permis d’en douter, quand on constate qu’aucun effort nouveau, ne serait-ce que temporaire, n’est demandé au capital ni aux catégories sociales les plus aisées. Pourtant, 83 millionnaires, plutôt américains, c’est vrai, déclarent que « l’humanité est plus importante que [leur] argent » et, à l’opposé de cette volonté, un récent rapport de l’Observatoire des inégalités pourrait se résumer ainsi : « heureux comme un riche en France »…

Mes chers collègues, c’est la dernière fois que je me présente à cette tribune ; je veux, à cette occasion, citer Victor Hugo : « La fraternité n’est qu’une idée humaine, la solidarité est une idée universelle. » (Applaudissements.)

(M. Jean-Marc Gabouty remplace M. David Assouline au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty

vice-président

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, nous nous retrouvons ce soir pour la nouvelle lecture de ce projet de loi et de ce projet de loi organique.

Je regrette que la commission mixte paritaire ne soit pas parvenue à un accord. Deux points d’achoppement ont conduit à cet échec : le transfert de la dette des hôpitaux à la Cades, pour 13 milliards d’euros, et la mise en place de la règle d’or, destinée à encadrer les futures lois de financement de la sécurité sociale.

En ce qui concerne la prise en charge, par la Cades, de l’amortissement d’un tiers de la dette hospitalière, je rappellerai que ces dépenses visent à rembourser des emprunts contractés pour assurer, non des soins, mais, en très grande partie, des investissements immobiliers, réalisés sur l’initiative de l’État. Ainsi, accepter le transfert de ces 13 milliards d’euros conduirait à dénaturer la Cades. Nous ne le souhaitons pas ; c’est pourquoi nous étions, en première lecture, favorables à la proposition de notre rapporteur général visant à supprimer ce transfert.

Pour ce qui concerne la règle d’or, je suis circonspect quant à la position du rapporteur de l’Assemblée nationale. Celui-ci a en effet souhaité, en commission mixte paritaire, que l’on « ne [mélange] pas tous les sujets, alors que ce texte porte déjà des mesures très fortes pour l’autonomie » et il a estimé que cette idée devait « s’insérer dans une réflexion plus large sur l’évolution du pilotage des finances sociales ».

Je pense au contraire qu’une telle disposition, qui vise à empêcher la constitution de nouvelles dettes de la sécurité sociale, avait légitimement sa place dans ce texte. Cette mesure, inspirée notamment des travaux du Haut Conseil du financement de la protection sociale de novembre dernier, visait à mettre en œuvre les conditions de l’extinction de la Cades.

Je m’interroge, en revanche, sur l’opportunité de l’introduction, dans ce texte, de la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale. Sur l’initiative de son rapporteur, l’Assemblée nationale a transformé un texte purement financier en un texte de portée sociétale.

Certes, le groupe du RDSE est, je l’ai expliqué en première lecture, particulièrement favorable à la mise en place d’une cinquième branche. Pour mémoire, en 2060, les personnes de plus de 85 ans seront près de 5 millions, contre 1,4 million aujourd’hui ; la mise en place de cette cinquième branche nous semble donc plus que jamais nécessaire.

Toutefois, nous nous interrogeons sur la pertinence de cette création, au détour d’un amendement, dans un projet de loi portant sur la dette sociale, alors que le financement de cette branche n’est pas assuré, que ses bénéficiaires ne sont pas connus et que sa gouvernance n’est pas définie. Une réforme de cette ampleur méritait, de notre point de vue, un texte à part entière, comme cela avait été le cas, voilà vingt-six ans, avec la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.

Il serait grand temps d’avoir un véritable débat sur les moyens que nous souhaitons mettre en œuvre pour assurer la prise en charge de la perte d’autonomie et pour permettre à nos aînés de bien vieillir, de mieux vieillir.

Dans quelques minutes, le rapporteur général nous présentera deux motions tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi et sur le projet de loi organique, au motif que l’Assemblée nationale a, en nouvelle lecture, rétabli sa version sur les deux points majeurs de divergence.

Si j’entends les arguments avancés, je ne peux y souscrire, car ce choix nous prive d’un nouvel examen, déjà considérablement raccourci par le recours à la procédure accélérée, de ces textes. Je le rappelle, l’une de leurs raisons d’être consistait à traiter d’une partie de la dette issue de la crise du covid-19, ce qui aurait mérité un consensus national. Ainsi, particulièrement attaché au débat entre les deux chambres, chaque fois que cela est possible, le groupe du RDSE ne soutiendra pas ces motions, qui nous empêchent de poursuivre nos délibérations.

Je veux, en conclusion, reprendre les propos d’un ancien président de la Haute Assemblée, Jean-Pierre Bel : « Au Parlement, nul ne peut avoir raison seul. »

Madame la ministre, je vous souhaite également, au nom du groupe du RDSE, la bienvenue au Sénat ; nous exprimons, nous aussi, le souhait que vous réussissiez dans vos nouvelles fonctions, car, à travers vous, c’est le pays qui réussira. Vous pouvez donc compter sur nous pour vous accompagner dans vos actions, si celles-ci sont conformes à nos convictions. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. Dominique Théophile. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire que nous traversons depuis maintenant quelques mois grève lourdement les comptes sociaux de notre pays. L’augmentation des dépenses de l’assurance maladie, la détérioration de la masse salariale et les reports de paiement des cotisations et contributions sociales expliquent les prévisions les plus alarmistes.

En conséquence, pour sécuriser durablement le paiement des pensions et des prestations sociales, le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire relatifs à la dette sociale et à l’autonomie prévoient un nouveau transfert de dette de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale vers la Caisse d’amortissement de la dette sociale.

Après l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale est revenue en nouvelle lecture sur certaines des dispositions adoptées par le Sénat, le 1er juillet dernier. La création d’une règle d’or d’équilibre financier pour la sécurité sociale a ainsi été supprimée, les députés estimant à raison qu’une telle mesure était prématurée et que la trajectoire pluriannuelle restait à construire.

La reprise d’une partie de la dette des établissements de santé par la Cades, autre sujet de désaccord, a été réintroduite dans le texte. Supprimée par le Sénat, au motif que cette dette devait incomber à l’État, cette mesure ne nous semble pas incohérente, ainsi que j’ai pu le souligner à plusieurs reprises, au cours des dernières semaines.

D’abord, les établissements de santé sont financés en très grande partie par les caisses primaires d’assurance maladie, ce qui n’en fait donc pas une opération contre nature, comme cela a pu être avancé. Ensuite et surtout, ces établissements ont été, pendant des années, encouragés par un Ondam contraint, à emprunter auprès des banques pour financer leurs besoins, particulièrement en matière de plateaux techniques de qualité. La dette n’est en effet pas qu’immobilière.

Les établissements de santé attendent avec impatience que nous fassions un geste à leur égard. Ils retrouveraient, dans cette opération financière, attendue de longue date par les professionnels de santé, une visibilité et des marges de manœuvre qui leur font actuellement défaut.

À ces 13 milliards d’euros, qui correspondent au tiers de la dette des établissements de santé, s’ajouteront les 6 milliards d’euros supplémentaires prévus dans le cadre du Ségur de la santé. Cela portera ainsi à 19 milliards d’euros l’investissement réalisé dans notre système de santé, car il s’agit bien d’un investissement, et il faut ajouter à cela l’engagement du Gouvernement de réévaluer très nettement l’Ondam (objectif national de dépenses d’assurance maladie) en 2021. C’est un cap ambitieux que le groupe La République En Marche souhaite accompagner.

Nous nous réjouissons en revanche du vote en faveur de la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale. Consacrée à la prise en charge de l’autonomie, cette branche offrira une ossature aux politiques existantes, facilitera la mise en œuvre de nouvelles mesures et encouragera une approche plus préventive de la perte d’autonomie.

Les précisions apportées par le Sénat ont été conservées : les associations de personnes en situation de handicap, les représentants d’aidants et les collectivités territoriales seront ainsi consultés, lors des travaux préparatoires, aux côtés des financeurs et des associations de retraités et d’usagers. Ces échanges serviront à enrichir le rapport qui sera remis au Parlement, en septembre prochain, sur le financement et la gouvernance de cette nouvelle branche. Nous ne le dirons jamais assez : cette réforme ne doit pas passer à côté de la question du handicap.

Les gouvernements précédents avaient esquissé les contours de la prise en charge de ce nouveau risque. Nous voici désormais à l’aube d’une réforme d’envergure, que viendront compléter, à l’automne prochain, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 et un projet de loi consacré au grand âge et à l’autonomie. Nous saurons veiller, dans cet hémicycle, madame la ministre, à ce que cette réforme soit ambitieuse et à la hauteur des enjeux.

C’est pourquoi le groupe La République En Marche votera en faveur du projet de loi organique et du projet de loi ordinaire relatifs à la dette sociale et à l’autonomie. En conséquence, il s’opposera aux motions visant à opposer la question préalable sur ces deux textes.

À mon tour de vous souhaiter, madame la ministre, la bienvenue au Sénat ; nous formons le vœu que vos travaux soient fructueux. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Mme Élisabeth Doineau. Madame la ministre, je m’associe aux mots de bienvenue qui ont été prononcés à votre égard, madame la ministre. J’aurais préféré vous souhaiter cette bienvenue sur un texte plus consensuel, mais je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’en connaître – du moins je l’espère de tout cœur !

Nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture le projet de loi et le projet de loi organique relatifs à la dette sociale et à l’autonomie.

Tout comme la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 8 juillet dernier, je serai brève, d’autant que je suis la dernière à intervenir dans cette discussion générale.

Je serai brève, parce que les dispositifs des projets de loi ont été maintes fois rappelés. Je n’y reviendrai pas.

Je serai brève encore, parce que le groupe Union Centriste, par les voix d’Olivier Henno et de Jocelyne Guidez, a déjà exprimé son sentiment, tant sur la reprise par la Cades de la « dette covid » que sur la création d’une cinquième branche.

Je ne développerai que mon étonnement concernant l’échec de la commission mixte paritaire. Je ne suis pas la seule à avoir été surprise…

Constatant l’échec de la commission mixte paritaire, son président, M. Jean-Paul Mattei, a regretté l’impossibilité de trouver un accord, car il avait bien senti que, en échange du maintien de la règle d’or, « nos amis sénateurs étaient ouverts à une reprise, même partielle, de la dette hospitalière. » Et de poursuivre : « J’ai le sentiment qu’il y avait un blocage au niveau du Gouvernement sur la règle d’or : on peut le regretter, mais c’est ainsi. »

Pourtant, mes chers collègues, madame la ministre, l’article 45 de notre Constitution est clair : le Gouvernement n’assiste pas aux commissions mixtes paritaires. Il est donc regrettable que son ombre plane sur leurs réunions, tout particulièrement dans cette situation.

S’il convient de voter des textes applicables, puisque, comme le soulignait le Premier ministre la semaine dernière, l’intendance ne suit plus, il conviendrait aussi de laisser le législateur légiférer et les commissions mixtes paritaires trouver un texte de compromis.

Quoi qu’il en soit, le Sénat est très ouvert, et depuis fort longtemps. Ainsi, son texte reprenait l’ensemble des mesures proposées par l’Assemblée nationale, alors même qu’un doute sérieux existait concernant la cinquième branche, son périmètre et son financement et sans en connaître les modalités d’application – en d’autres termes, sans savoir si l’intendance pourrait suivre ni comment.

Bien que nous ne proposions que quelques ajustements de bon sens, comme le rappelait le président de la commission mixte paritaire, « le Sénat était prêt à revenir sur l’un des deux ajustements proposés. » Ainsi que l’a rappelé le président de notre commission, M. Alain Milon, notre souhait était d’assurer la pérennité de la sécurité sociale.

En effet, notre rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, soutenu par la majorité de la Haute Assemblée, avait fait adopter une règle d’or pour les comptes de la sécurité sociale. Cette règle se serait appuyée sur les éléments de pluriannualité qui existent déjà dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En vertu de cette règle, le solde cumulé des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse sur les années n à n+4 devait être positif ou nul. Cette règle aurait été à la fois contraignante et souple. En somme, nous ne proposions qu’un décalque de ce que soutenait, à l’époque, le rapporteur de l’Assemblée nationale, Olivier Véran, aujourd’hui ministre des solidarités et de la santé, pour l’examen du projet de loi instituant un système universel de retraite.

Mme Élisabeth Doineau. L’exercice de conciliation qu’une commission mixte paritaire est censée opérer aurait peut-être pu aboutir à l’adoption d’un texte avec une règle d’or assouplie dans sa durée, par exemple, mais l’amendement de suppression déposé par le Gouvernement en séance publique au Sénat me laisse penser qu’aucune adaptation n’était vraiment autorisée.

J’ajoute que, à l’occasion du discours de politique générale de la semaine passée, le Premier ministre a déclaré, en parlant de notre système de protection sociale : « Vouloir préserver notre pacte social nous oblige aussi à en garantir la soutenabilité dans la durée. […] Ce qui révélerait une dégradation plus structurelle de nos comptes sociaux exigera des mesures de retour vers l’équilibre. »

Il me semble, madame la ministre, que la règle d’or que nous proposions s’inscrivait dans cette logique. Mais le Sénat était sans doute précurseur…

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le texte tel qu’il nous est proposé ayant fait table rase des apports du Sénat, le groupe Union Centriste soutiendra les motions tendant à opposer la question préalable qui seront présentées tout à l’heure. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Indépendants et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, à qui je souhaite à mon tour la bienvenue.

L’exercice de présidence partagée auquel nous nous livrons cet après-midi lui aura permis de voir plusieurs vice-présidents en l’espace d’une heure…

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous remercier de votre accueil respectueux, tout en reconnaissant, madame Doineau, que j’aurais également préféré que ce soit dans un autre contexte.

J’ai bien écouté vos différentes interventions. Je prends note, bien sûr, de votre vigilance sur la traduction dans les faits de la création de la cinquième branche.

Vous savez bien que, dans le chantier que je vais mener, je serais d’autant plus vigilante que cette réforme est très importante pour moi. J’aurai bien sûr le souci permanent d’associer les sénateurs à ces travaux, en particulier s’agissant de la prospective.

J’ai bien entendu ce qu’a dit M. le rapporteur général notamment au sujet de la règle d’or. Nous souscrivons évidemment à l’idée de mettre en place, à terme, une règle d’équilibre de valeur organique.

Néanmoins, regardons les faits. Les prévisions font apparaître un déficit de près de 50 milliards d’euros pour 2020. L’incertitude reste grande. La trajectoire pluriannuelle reste à construire. L’adoption d’une règle d’or aussi contraignante sur un champ aussi large semblait donc trop précoce.

Nous souhaitons qu’une discussion puisse avoir lieu sur une vision pluriannuelle des besoins de financement de la sécurité sociale avant de nous interroger sur l’opportunité, le sens et le périmètre d’une règle d’or.

Quant à la reprise de la dette des hôpitaux, les établissements de santé sont financés, comme je l’ai dit tout à l’heure, par l’assurance maladie. Le soutien financier visant à couvrir les échéances d’emprunts sera donc réalisé par celle-ci. Le Conseil d’État a souligné, dans son avis public, que la reprise de la dette des hôpitaux entrait bien dans le champ de la Cades.

Pour conclure, je veux saluer, à l’occasion de sa dernière intervention dans cet hémicycle, M. Yves Daudigny, qui est sénateur depuis 2008. Je veux tout simplement lui souhaiter le meilleur pour la suite. (Applaudissements.)

M. le président. La discussion générale commune est close.

Nous passons à la discussion de deux motions tendant à opposer la question préalable.

 
 
 

Nous allons successivement examiner la motion portant sur le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie, puis la motion portant sur le projet de loi relatif à la dette sociale et à l’autonomie.

projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie

Question préalable

 
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie
Question préalable (fin)

M. le président. Je suis saisi, par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

Considérant que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur plusieurs dispositions du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie, notamment celles relatives à l’autonomie et au report au 31 décembre 2033 de la date limite pour l’amortissement de la dette sociale, un point de désaccord majeur subsiste quant à l’opportunité d’accompagner ce report de l’instauration d’une « règle d’or » encadrant les comptes sociaux, à partir du PLFSS pour 2025 ;

Considérant que le refus de l’Assemblée nationale et du Gouvernement du principe même de la mise en place d’une telle « règle d’or » n’est pas compatible avec le nécessaire objectif d’équilibre du budget de la sécurité sociale à moyen terme, une fois que les effets de l’actuelle crise économique seront estompés ;

Considérant que l’absence d’un tel encadrement des futures lois de financement de la sécurité sociale risque de se traduire par la perpétuation des déficits des comptes sociaux et de la dette de la sécurité sociale bien au-delà du 31 décembre 2033 ;

Considérant qu’un tel choix revient à transférer aux générations suivantes le coût de notre propre protection sociale, ce qui n’est pas acceptable ;

Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie (n° 655, 2019-2020), adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. le rapporteur général, pour la motion.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La motion que la commission a déposée sur le projet de loi organique tient au rejet de la règle d’or par l’Assemblée nationale et par le Gouvernement.

Nous considérons qu’il n’est pas possible de poursuivre la discussion du texte sur cette base, raison pour laquelle nous proposons de lui opposer la question préalable.

M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Madame la ministre, je reprends les propos que vous venez de tenir concernant l’avis du Conseil d’État et la reprise de la dette des hôpitaux.

On fait reprendre cette dette par la Cades, organisme qui amortit sur un nombre d’années relativement faible. Or c’est d’un investissement qu’il s’agit, et les investissements, dans les hôpitaux comme dans d’autres infrastructures, doivent être amortis sur des délais suffisamment longs, pour que plusieurs générations puissent les financer.

Au contraire, la dette sociale, qui est une dette de fonctionnement, va peser sur plusieurs générations, de 1996 jusqu’en 2033, alors qu’elle devrait être portée par ceux qui ont bénéficié des soins qu’elle a contribué à financer.

Quant à la cinquième branche, les membres de la commission des affaires sociales ont véritablement été interpellés par l’association d’un projet à caractère financier à un projet de portée sociétale. Non seulement vous prétendez régler un problème que l’on n’a pas su régler depuis des décennies, mais vous imposez déjà une façon de le traiter, à travers la création d’une branche supplémentaire, alors même qu’il n’y a pas eu d’étude d’impact !

Madame la ministre, je puis vous dire que, sur les territoires, on commence déjà à s’inquiéter. Les associations attirent notre attention, considérant que la création d’une cinquième branche n’est pas forcément la meilleure solution pour prendre en charge la perte d’autonomie. De fait, celle-ci n’est pas une question d’âge : elle concerne à la fois des personnes relativement jeunes, des personnes en situation de handicap et des personnes âgées vieillissantes.

Dès lors, il incombe au Gouvernement d’être attentif, d’analyser les contre-propositions et de présenter une étude d’impact, d’autant qu’il ne met pas sur pied la règle d’or qui était proposée. Au-delà de la proposition de notre rapporteur général, qui visait à une bonne acceptation de la dette sociale, la règle d’or pourrait s’appliquer dans d’autres domaines. Le Gouvernement l’a lui-même proposée pour les retraites. Il n’y avait pas donc de raison de l’exclure pour d’autres branches.

Pour cette raison, mon groupe soutiendra évidemment la motion présentée par le rapporteur général.