M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Si la betterave a été largement évoquée aujourd’hui, la noisette est la grande oubliée du débat. Notre collègue Moga ayant retiré son amendement sur le sujet, je n’ai pas eu la possibilité de prendre la parole pour réagir aux propos de M. le ministre sur l’extension de la dérogation.

La situation de la filière noisette – je suis certain que vous ne la méconnaissez pas, monsieur le ministre – est potentiellement dramatique. Nous sommes dans une nouvelle impasse. Je le rappelle, la noisette est menacée par un ravageur, le balanin, qui est une espèce de charançon. Le risque est de perdre jusqu’à 80 % des récoltes.

La filière a bénéficié d’une dérogation à l’acétamipride pendant deux ans avec l’accord des ministères de la santé, de l’agriculture et de l’écologie, conformément d’ailleurs à la loi Biodiversité. Le problème est que la mention « abeilles » dont bénéficie l’acétamipride n’est plus valable depuis le 1erjuillet dernier, alors qu’elle l’est chez nos voisins européens suite à une réhomologation pour quinze ans, c’est-à-dire jusqu’en 2033. Tous les autres pays européens producteurs de noisettes peuvent l’utiliser et l’utilisent, mais pas la France. Depuis cette date butoir du 1er juillet, aucune solution n’a été apportée. La question n’est pas traitée.

Vous avez évoqué une réunion le 10 novembre. Je vous avais interpellé au mois de mai 2019 sur le sujet. Le problème de l’accompagnement se posait déjà. Il n’y a pas eu de mesures opérationnelles.

L’argument mellifère qui a été avancé – le champ serait trop large – me semble peu recevable. D’une part, le noisetier fleurit de décembre à février et fournit le premier pollen qui sert de nourriture aux abeilles. D’autre part, les traitements aériens sur le balanin sont positionnés en mai et en juin lors du cycle de reproduction. Le balanin pond dans les noisettes, ce qui provoque jusqu’à 80 % des pertes de fruits. Surtout, dans cette période, il n’y a pas d’abeilles dans les vergers de noisetiers, car les producteurs font bien attention de couper l’herbe.

La recherche est mobilisée,…

M. le président. Il faut conclure, monsieur Bonhomme !

M. François Bonhomme. … mais les programmes de recherche n’ont pas encore donné de résultat.

Monsieur le ministre, il faut vraiment trouver une solution « dare-dare », si vous me permettez ce jeu de mots apicole.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Vous l’aurez compris, le groupe CRCE votera contre ce texte. Avec l’ensemble des groupes de gauche, nous avons développé beaucoup d’arguments. Nous pensons qu’il s’agit d’une erreur, d’une régression environnementale.

Au demeurant, monsieur le ministre, vous n’avez peu ou pas répondu au risque qu’a soulevé, notamment, ma collègue Éliane Assassi dans sa question préalable : l’inconstitutionnalité du texte. Il y a en effet rupture d’égalité.

Sur ce point, je rejoins M. Bonhomme et d’autres. Que répondrons-nous demain lorsque nous serons interpellés sur la noisette ? Notre collègue Duplomb évoquait les lentilles. Nous pourrions parler aussi du maïs. Quels arguments juridiques et politiques pourrons-nous avancer pour justifier le refus des néonicotinoïdes aux producteurs de noisettes, de maïs ou de lentilles vertes si nous disons « oui » aux producteurs de betteraves ? Vous n’avez pas résolu ce problème.

Quelle transition écologique voulons-nous ? Qu’allons-nous faire dans les trois prochaines années que nous n’avons pas pu, pas su ou pas voulu faire dans les quatre dernières ? Tout cela nécessitera des moyens. Vous avez indiqué que les haies étaient efficaces et que vous mobiliseriez 50 millions d’euros dans le plan de relance. Dont acte ! Mais comment agirons-nous concrètement demain pour aider les agriculteurs sur ce sujet et sur d’autres ?

Nous avons peu parlé des apiculteurs. Ils sont 54 000. Nous produisons 20 000 tonnes de miel par an ; notre pays est le quatrième producteur mondial. Mes chers collègues, les abeilles ne choisissent pas les parcelles. Elles butinent partout. Le vivant est partout.

Il faut un vrai changement de paradigme. Tout est en interdépendance. Les abeilles ne choisissent pas entre les parcelles qui sont traitées au phytosanitaire et celles qui ne le sont pas. Votre texte constitue donc une régression, potentiellement mortelle pour nos abeilles. Il y aura des solutions à inventer. Nous avons bien compris quel était votre choix ; ce ne sera pas le nôtre !

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. La baisse de la biodiversité que nous sommes en train de vivre est un drame absolu, et l’impossibilité d’enrayer ce phénomène est un problème crucial ; à ce jour, il reste sans réponse.

J’ai un regret, car je n’ai pas l’impression qu’il y ait une véritable volonté – vous me direz si je me trompe – de développer la filière de sucre bio. Or la demande, notamment en France et en Europe, est très importante, et nous n’y répondons, semble-t-il, qu’à hauteur de 10 %. Il y a un marché à conquérir. Les consommateurs le demandent. En plus, il y a fort à parier que cette demande va croître, comme tout le bio, qui connaît une croissance à deux chiffres.

Saisissons l’occasion et aidons les producteurs de betteraves sucrières à se convertir au bio ! D’une part, ils auront de meilleurs revenus : quatre fois ceux du conventionnel. D’autre part, ce sera plus vertueux pour l’environnement, car ils n’utiliseront pas de néonicotinoïdes. Or je n’ai pas senti de volonté à cet égard de votre part. C’est dommage. Les producteurs de betteraves ont tout intérêt à répondre à la demande des consommateurs de bio. Ces derniers ne doivent pas être méprisés comme j’ai cru comprendre qu’ils l’étaient.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le ministre, j’ai compris que mes arguments vous avaient quelque peu irrité. Je m’attendais donc – j’ai écouté l’ensemble du débat – à une contre-argumentation. En l’occurrence, je reste un peu sur ma faim. S’énerver, c’est bien ; mais avoir des contre-arguments, c’est mieux !

Vous avez parlé de « situation d’impasse » et répété qu’il n’y avait « pas d’alternative ». Mais s’il n’y a pas d’alternative, c’est parce que votre seule alternative est chimique. Tout au long de la soirée, vous n’avez évoqué que des possibilités de trouver une alternative chimique. Je vous renvoie au débat sur l’amendement de Mme la rapporteure.

À un moment donné, il va vraiment falloir, me semble-t-il, se mettre à travailler sur des alternatives correspondant à un changement de modèle agricole. On ne pourra pas faire longtemps l’impasse sur cette nécessité. Le précédent du chlordécone aux Antilles, produit que nous avons mis beaucoup de temps à interdire et qui a causé de lourds dégâts, doit, me semble-t-il, nous inciter à la prudence.

Ayons en tête que les solutions existent ! Elles existaient déjà en 2016. Il suffit de mobiliser les moyens pour accompagner un tel changement. J’espère que nous pourrons enfin prendre ce chemin – disons que le vote de ce soir est une erreur – et accompagner notre agriculture dans un changement de modèle. C’est mon souhait.

Pour l’instant, je suis particulièrement déçu. Comment se fait-il que la France ne puisse pas produire son sucre bio ? C’est toujours le même problème. Nous avons besoin de moyens !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Gontard !

M. Guillaume Gontard. Passons aux actes ; cela devient clairement urgent !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Comme je l’ai annoncé lors de la discussion générale, nous voterons sans surprise contre le présent projet de loi.

Chers collègues, qu’auriez-vous fait si M. Moga avait maintenu son amendement ? Auriez-vous voté pour ? Contre ? Vous auriez été bien en peine ! C’est l’illustration de ce que nous avons essayé de vous démontrer ce soir : vous ouvrez la boîte de Pandore !

Monsieur le ministre, il faudra faire très attention au risque que les représentants d’autres filières ne viennent frapper à votre porte en réclamant, eux aussi, des produits chimiques. Si vous leur donnez satisfaction chaque fois, vous résoudrez peut-être des problèmes, mais à très court terme !

Ce soir, nous sommes d’accord sur toutes les travées de l’hémicycle pour dire que les néonicotinoïdes sont réintroduits « à contrecœur » et qu’il s’agit d’un produit nocif. Mais, une fois que nous avons tous fait ce constat, il y a deux décisions possibles. La vôtre, monsieur le ministre, est d’autoriser la réintroduction du produit, même s’il est nocif. La nôtre est de considérer que, puisque ce produit est nocif, mieux vaut l’abandonner au profit d’une nouvelle alternative.

M. Julien Denormandie, ministre. Laquelle ?

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. On parlera certainement très longtemps de cette loi, qui est une véritable loi de régression.

Nous sommes un peu frustrés. Nous avions un certain nombre d’amendements dont nous n’avons pas pu débattre. Nous aurions au moins aimé inscrire dans la loi que les zones Natura 2000, les parcs naturels et les réserves naturelles sont préservés de ces polluants, de ces poisons que sont les néonicotinoïdes. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour explication de vote.

M. Frédéric Marchand. Soyons tout de même un peu sérieux ! Reconnaissons que cette loi est une loi de bon sens. Le bon sens est sans doute ce qui manque le plus chez bon nombre de celles et ceux qui viennent de s’exprimer.

Nos collègues ont beaucoup parlé des abeilles. En revanche, je n’ai pas entendu parler du varroa, dont la prédation a des effets sur les abeilles sans doute pires que ceux des néonicotinoïdes. (MM. Laurent Duplomb et Daniel Gremillet approuvent.)

D’autres ont évoqué les pulvérisations qui ont aujourd’hui lieu sur les champs, puisque les néonicotinoïdes sont interdits ; il peut y en avoir une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept… Je ne voudrais pas que l’on m’accuse de faire de la provocation, mais, mes chers collègues, si vous avez discuté, comme moi, avec nombre d’agriculteurs, vous savez que 2020 va être un millésime extraordinaire en matière de récolte de miel. Certes, cela peut susciter des interrogations au regard de la baisse des abeilles, des difficultés multiples et variées ou du confinement. Sauf que, s’il y avait peut-être moins de voitures en circulation et d’avions dans les airs pendant le confinement, il y avait toujours des agriculteurs qui vaporisaient leurs produits ! Le fait est que nous allons avoir une récolte de miel sans précédent cette année.

Je ne dis pas que je valide pour autant l’utilisation des néonicotinoïdes. Mais, comme cela a été dit et répété – ne refaisons pas le débat ; nous pourrions y passer des jours et des jours –, si nul ne peut se satisfaire d’une telle dérogation, il est effectivement nécessaire de l’accorder. Pour ma part, j’y vois une chance unique pour cette transition agroécologique à laquelle nous aspirons toutes et tous, à commencer par les agriculteurs, que l’on a trop tendance à montrer du doigt aujourd’hui. En réalité, ils sont très attachés à l’environnement et au développement durable.

Pour toutes ces raisons, nous serons nombreux au sein du groupe RDPI à voter en faveur de ce texte.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. M. Marchand ayant remis une pièce dans la machine, je tiens à dire que le président de l’association des apiculteurs de mon territoire, L’Abeille provençale, et le président de l’Union nationale de l’apiculture française m’ont envoyé un petit mot. Les apiculteurs ont mené une étude très sérieuse.

Les apiculteurs ont été voilà vingt-cinq ans les premiers témoins du désastre général dû à de tels produits. Depuis l’arrivée de ces derniers en France, la mortalité des colonies est passée en moyenne de 5 % à 30 % par an. En deux décennies, la production nationale de miel a été divisée par deux. Vous pouvez retrouver ces chiffres.

Il n’est pas acceptable de faire de l’abeille et de la biodiversité la variable d’ajustement. Il ne s’agit pas d’abandonner le secteur de la betterave, nous disent les apiculteurs ; il faut l’accompagner financièrement dans sa transition économique et agroécologique, afin de concilier les intérêts de toutes les filières, tant apicoles qu’agricoles, et de préserver notre biodiversité, tellement fragilisée.

C’est ce que nous avons essayé de démontrer tout au long de la soirée, sachant que nous avions fait le constat commun de la nocivité des pesticides tels que les néonicotinoïdes. Nous ne sommes pas parvenus à vous faire partager notre avis. Cette loi sera mal perçue, mal vécue, mal ressentie par beaucoup de nos concitoyens ; les études l’ont montré. Ils ne comprendront pas que l’on revienne en arrière.

De même que vous avez souvent accusé les écologistes de vouloir s’éclairer à la bougie, nous vous accusons de regarder dans le rétroviseur, vers le vieux monde ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 8 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 312
Pour l’adoption 184
Contre 128

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Frédéric Marchand applaudit également.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières
 

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 28 octobre 2020 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente et le soir :

Projet de loi de programmation, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (texte de la commission n° 52, 2020-2021)

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 28 octobre 2020, à zéro heure quarante-cinq.)

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

Le chef de publication,

ÉTIENNE BOULENGER