compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Daniel Gremillet,

M. Joël Guerriau.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 32 et état A annexé (pour coordination) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Loi de finances pour 2021

Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 137, rapport général n° 138, avis nos 139 à 144).

Vote sur l’ensemble

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de passer au vote sur l’ensemble du texte, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe.

La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment résumer près de 2 800 amendements et des dizaines d’heures de débat en sept minutes ? Une maxime souvent entendue a retenu l’attention de notre groupe : ce PLF, c’est déshabiller Pierre pour habiller Paul, ou l’inverse. En tout cas, une chose est certaine, à la fin, Pierre et Paul ont froid !

Je l’avais déploré lors de la discussion générale en ouverture de nos débats, le partage des crédits, parfois pour des actions identiques, entre plan de relance et missions budgétaires classiques, crée du trouble et une absence de lisibilité. Cela a pu donner lieu à des votes déstabilisant l’équilibre budgétaire ou la philosophie des missions. À défaut de les cautionner, nous pouvons tous admettre que ces votes ont permis de mettre en exergue des difficultés réelles ou ressenties.

Il m’est impossible de revenir sur toutes les modifications apportées au texte par le Sénat. Je retiendrai trois grandes lignes, qui constituent en quelque sorte la philosophie sur laquelle nous aurions pu fonder notre plan de relance.

Tout d’abord, comme l’ont dénoncé Philippe Dallier, Dominique Estrosi Sassone et Marc-Philippe Daubresse, nous avons travaillé à une politique du logement plus efficiente, en ayant à l’esprit que, « quand le bâtiment va, tout va » : prolongation du PTZ jusqu’en 2024 ; suppression du recentrage du dispositif Pinel sur les seuls logements collectifs ; taux réduit de TVA pour l’ensemble des livraisons d’immeubles réalisés en vue d’un bail réel solidaire. Quant à la rénovation thermique, que nous soutenons, il nous semble qu’elle aura du mal à rencontrer son public.

Ensuite, eu égard au rôle central que jouent les collectivités locales dans la maîtrise de la pandémie, dans le soutien aux plus fragiles et, demain, dans la relance par leur capacité d’investissement, nous avons choisi de préserver leurs capacités financières : contemporanéité du FCTVA ; compensation des pertes de CVAE des départements et des EPCI ; reconduction en 2021 du mécanisme de compensation des pertes de recettes fiscales du bloc communal.

Enfin, nous avons soutenu un certain nombre de dispositifs visant à conforter les fonds propres des entreprises en mobilisant l’épargne privée : ouverture du PEA-PME aux actions des sociétés de capital-risque ; création d’un IFI-PME ; hausse du taux majoré de réduction d’impôt sur le revenu pour la souscription au capital des PME.

Le Sénat a rejeté les crédits de certaines missions, car il ne souhaite pas donner un blanc-seing au Gouvernement.

Sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », nous n’avons toujours pas d’informations précises sur la recapitalisation de la SNCF. Concernant Air France, nous avons appris hier par voie de presse que l’État a décidé de doubler sa part au capital de la compagnie en injectant de 4 milliards à 5 milliards d’euros d’ici au printemps. Même à l’ère du « quoi qu’il en coûte », il nous semble que de telles décisions doivent faire l’objet d’un échange avec le Parlement.

Concernant la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », nos rapporteurs spéciaux n’ont pas réussi à trouver de réponses aux problèmes structurels qu’ils dénoncent et qui se traduisent par une perte de compétitivité.

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » ne permettront pas à l’État de contrôler l’immigration en amont. Les mesures proposées visent uniquement à la rendre plus acceptable, aussi bien pour les personnes accueillies, à qui nous devons le respect en tant que personnes humaines, que pour celles qui en subissent les nuisances. Le montant des dépenses de l’aide médicale de l’État vient de dépasser le milliard d’euros ; il serait peut-être temps de considérer la proposition que nous avons faite en première partie d’une aide centrée sur un panier de soins et sur la prévention.

Le Sénat s’est également opposé, avec force, à la remise en cause de la parole de l’État. Que l’engagement ait été pris à l’égard des collectivités – mécanisme de compensation de la perte des recettes de taxe d’habitation – ou d’acteurs économiques – les exploitants d’installations photovoltaïques de grande taille –, notre position est identique : l’État ne peut pas revenir de manière unilatérale sur ses engagements sans renforcer le contexte de méfiance. Il me semble que nous n’avons pas besoin de cela !

Au moment de conclure, nous avons bien évidemment le regret qu’un certain nombre de questions posées soient restées sans réponse. Nous déplorons également que le débat démocratique ait souffert de l’absence de certains ministres, qui ne sont pas venus défendre leur budget. Ils n’ont pourtant à le faire qu’une fois dans l’année ! En outre, sauf erreur de ma part, le calendrier de l’examen des crédits des missions est établi en concertation entre le Gouvernement et le Sénat. Une ministre a reconnu hier qu’on apprenait des choses en venant au palais du Luxembourg. Ce n’est donc pas du temps perdu !

Mme Christine Lavarde. Les sujets ainsi traités un peu à la légère ne sont pas des moindres : il s’agit de la santé, de l’écologie, de l’intérieur ou encore de l’économie, des finances et de la relance. C’est d’autant plus regrettable que, lorsque les ministres titulaires sont venus, les échanges ont été très nourris. Je pense ici à la discussion du budget de l’éducation nationale ou de celui de l’agriculture par exemple.

Ces critiques, monsieur le ministre Dussopt, ne vous sont absolument pas adressées. Au contraire, nous avons apprécié la courtoisie et la précision de vos réponses, toujours en bonne intelligence.

J’adresserai également des remerciements, doublés de félicitations, à notre rapporteur général, Jean-François Husson. C’était son premier PLF. Alors qu’il n’est monté dans le train qu’au début du mois d’octobre, il s’en est très bien sorti.

Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi de finances, car, dans sa rédaction actuelle, il répond au mieux, avec le degré de liberté permis par la LOLF, à la crise économique que nous traversons. Il est également conforme à notre vision de l’écologie : une écologie positive, et non pas punitive, une écologie accessible à tous. Cependant, nous demeurons inquiets quant au niveau de dette qu’il lègue aux générations futures. Nous avons bien compris qu’un comité Théodule sera chargé de trouver une solution à cet argent qui n’est pas magique. C’est un enjeu de société. Il serait opportun d’y associer le Parlement afin d’éviter de renforcer encore un peu plus le sentiment d’un gouvernement d’experts. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Michel Canevet applaudit également.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la façon d’un Janus, le projet de loi de finances pour 2021 présente un double visage : on y voit le passé en même temps que l’avenir.

Le passé, c’est le poids de la crise, la très forte dégradation de nos comptes publics. Ce sont les conséquences des dépenses que nous avons votées et des recettes qui ont manqué. Le passé, ce sont les stigmates budgétaires du « quoi qu’il en coûte », dont nous avons fait notre mot d’ordre collectif.

L’avenir, c’est l’horizon qu’il est de notre devoir de dessiner ensemble pour la France. C’est l’impérieuse nécessité de renouer avec la croissance, notamment en accélérant notre transition écologique. C’est l’innovation scientifique et la réindustrialisation des territoires, l’objectif étant d’adapter notre modèle de développement aux enjeux de demain.

En un mot, ce budget est placé sous le signe de la relance. Dans cette période que nous savons si particulière, alors que nous doutons de nos choix de société, dans un monde qui se bipolarise, nous devons être à la hauteur.

L’enjeu consiste à bien articuler ces deux temporalités, le passé et l’avenir.

D’une part, il s’agit de répondre au besoin de protection exprimé par les Français au cours de la crise sanitaire et économique. La colère sociale monte et fait planer une menace inquiétante sur notre avenir.

D’autre part, il s’agit de ne pas laisser croire que l’ambition de notre politique ne se mesure qu’à l’aune des deniers publics débloqués pour la relance. Les efforts collectifs ne se jaugent pas uniquement en argent public.

La dette obère l’avenir des jeunes générations, déjà obscurci par l’épidémie. La situation très inquiétante de nos finances publiques en cette fin d’année doit à cet égard nous alerter. Notre taux d’endettement a bondi de 20 points en moins d’un an. Les dépenses publiques représentent près des deux tiers de la richesse nationale. C’est du jamais vu !

Cela étant, je l’ai dit, on ne peut pas analyser le projet de loi de finances pour 2021 en se contentant de commenter les principaux indicateurs macroéconomiques. L’important est de déterminer si le budget du plan de relance nous met, oui ou non, sur de bons rails pour l’avenir. Pour cela, nous devons reparamétrer notre grille d’analyse.

L’exemple de la dette suffit à le prouver : alors que, en 2020, l’État s’est financé par l’emprunt plus que par l’impôt et que la dette n’en finit pas d’enfler, la charge de la dette, elle, continue de baisser. Cette bizarrerie est le résultat du contexte macroéconomique, les taux étant maintenus artificiellement bas par la Banque centrale européenne. Il est facile, même logique, d’y voir une certaine incitation à l’endettement.

Or le risque d’une remontée des taux, longtemps agité comme un chiffon rouge, se précise. Dans un article paru il y a un mois dans Les Échos, l’économiste Pierre Cahuc explique pourquoi le miracle de l’argent gratuit pourrait bientôt cesser, du fait de la remontée des taux d’intérêt réels, interrogeant ainsi notre stratégie d’endettement. Cette hypothèse nous oblige à changer de logiciel : certes, on ne peut pas se satisfaire d’une analyse des indicateurs classiques, mais on ne peut pas non plus continuer à faire comme si l’argent allait demeurer si bon marché, à cause d’une épargne qui tendrait à se réduire dans les années à venir.

Mais, pour l’heure, la situation est tout autre. Grâce aux mesures d’urgence et du fait des restrictions sanitaires, les Français ont épargné plus de 90 milliards d’euros supplémentaires cette année. Le taux d’épargne des Français, déjà élevé par rapport à la moyenne européenne, a explosé. La collecte nette du livret A a atteint près de 25 milliards d’euros entre les mois de janvier et d’octobre, soit deux fois plus qu’en 2019. C’est un véritable record historique !

L’enjeu collectif, me semble-t-il, est donc aujourd’hui de mobiliser utilement cette épargne privée afin de consolider les dépenses publiques. Certes, l’avenir de nos commerces et de nos restaurants dépendra largement de la propension des Français à consommer, comme lors du premier déconfinement.

Il faut aussi que cette épargne soit investie dans les secteurs d’avenir, au premier rang desquels la transition écologique. Je pense sincèrement que nous ne réussirons la relance verte que si nous sommes capables de faire des Français, dans l’ensemble des territoires, non seulement des acteurs, mais également des actionnaires de la transition.

Il y va de notre capacité à renouer avec la croissance sans recourir ni à l’endettement ni aux hausses d’impôts. Il y va aussi de l’adhésion des Français à la dynamique de la relance, voire de notre cohésion. Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit des dispositifs intéressants pour mobiliser cette épargne, je tiens à le saluer. Je pense notamment à la garantie pour l’investissement dans nos PME et nos ETI permettant de renforcer leurs fonds propres et leur capacité d’investissement, mais aussi à la bonification-prolongation de l’IR-PME, que l’Assemblée nationale aura, je l’espère, monsieur le ministre, la sagesse de conserver.

Nous avons également voté des crédits déterminants pour la relance. Je pense évidemment à la mission « Plan de relance », qui sera pilotée par Bercy et qui prévoit 2 milliards d’euros pour financer le développement de la filière de l’hydrogène.

Je pense aussi à la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour moderniser nos infrastructures de mobilité et assurer la rénovation thermique des bâtiments, ainsi qu’à la mission « Travail et emploi », qui permettra de faciliter la reprise d’activité et la montée en compétences des plus précaires.

Je pense enfin à la mission « Recherche et enseignement supérieur », dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur avec mon collègue Jean-François Rapin. Les crédits de cette mission donnent une ossature budgétaire à la loi de programmation de la recherche que nous avons récemment adoptée. Ils concrétisent notre engagement en faveur d’une croissance plus durable, en phase avec les enjeux de compétitivité que la France ne saurait ignorer.

Le retour à une forme de croissance est une impérieuse nécessité. C’est la seule façon pour nous de retrouver la maîtrise de notre destin national et de réinventer notre souveraineté. Il serait bien naïf de croire que le monde sortira plus stable et plus sûr de cette crise sanitaire. Alors que le risque d’un décrochage européen n’a jamais été aussi grand, face à une Amérique en surchauffe et une Asie en accélération continue, nous avons besoin d’un État protecteur, en pointe sur le régalien, juste en appui dynamique sur le reste.

En conclusion, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire part d’une conviction : la réussite de la relance dépend moins des crédits que nous voterons que de notre capacité collective à obtenir des résultats tangibles dans les territoires. Il y va de l’adhésion des Français à ce projet. Dans cet élan collectif, la chambre des territoires doit jouer un rôle clé. C’est pourquoi, tout en saluant le travail de M. le rapporteur général, je regrette que le Sénat n’ait pas adopté les crédits de certaines missions pour lesquelles nous devons réarmer l’État. C’est notamment le cas des missions « Immigration, asile et intégration », « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». Ces crédits sont en effet essentiels pour préparer notre pays aux défis qui l’attendent.

Malgré cela, nous voterons le projet de loi de finances pour 2021, tel qu’il a été amendé par le Sénat, en soutien, monsieur le ministre, au plan de relance prévu par le Gouvernement et attendu par nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue de cette discussion budgétaire, qui fut extrêmement dense, nous ne pouvons qu’en rester à l’analyse qui fut la nôtre au moment de l’entamer. Malgré les multiples propositions que nous avons faites pour créer de nouvelles recettes, nous ne sommes pas parvenus à convaincre de l’impérieuse nécessité de réformer très profondément la politique fiscale mise en œuvre par le Gouvernement afin de la rendre socialement plus juste.

La crise aurait pu inciter à une refondation. Il n’en a rien été. Les mesures d’urgence pèseront sur la dette et, à terme, nous le craignons, sur les dépenses sociales. Leur poids donnera à certains des arguments pour mettre en œuvre des réformes dites « structurelles », que nous qualifierions plutôt d’antisociales. Il servira peut-être de prétexte pour poursuivre une politique austéritaire et mettre à mal les services publics, comme c’est le cas depuis maintenant trois ans.

À l’issue de ce débat, alors que les grandes orientations du projet de loi de finances demeurent inchangées, nous ne pouvons que refuser cette logique, car elle ne nous semble pas à même de répondre à l’urgence sociale à laquelle nous faisons face et au besoin sans cesse réaffirmé des Françaises et des Français d’une plus grande justice fiscale.

Pour leur part, les entreprises bénéficient de nouvelles exonérations, qui ne sont pas subordonnées à de réels critères de conditionnalité. À cet égard, nous avons vécu un moment intéressant lors de l’examen des crédits de la mission « Plan de relance ».

D’un côté, la ministre a déclaré, pour satisfaire la droite de l’hémicycle, qu’il ne fallait pas s’inquiéter, que les écoconditionnalités ou les conditionnalités sociales, ce n’était pas grand-chose, qu’elles ne demanderaient pas beaucoup d’efforts.

De l’autre, à l’intention de la gauche de l’hémicycle, elle a expliqué à quel point ces exonérations seraient salvatrices, car elles constitueraient un socle pour la transition écologique.

Ce discours dissimule mal l’absence de conditionnalités, alors qu’il est essentiel aujourd’hui de changer de pied et de réorienter l’investissement public afin de favoriser la transition écologique et d’améliorer la situation sociale.

Malgré nos alertes sur la situation des jeunes, la proposition, faite par de nombreuses organisations de la jeunesse, que nous avons été nombreux à défendre ici, d’étendre le bénéfice du RSA aux jeunes âgés de 18 à 25 ans n’a pas été adoptée. Certes, le Gouvernement a annoncé l’extension de la garantie jeunes à 50 000 jeunes supplémentaires, mais nous savons que cela ne sera pas suffisant.

Par ailleurs, nous doutons de la capacité des missions locales, qui sont pourtant à pied d’œuvre dans nos territoires, à mettre en œuvre ces garanties nouvellement budgétées. À cet égard, je remercie Mme Canayer, qui, en tant que vice-présidente de l’Union nationale des missions locales, a défendu ici, au Sénat, un amendement visant à renforcer ces structures, lequel a été adopté. On sait toutefois que ce sont toutes les structures de l’aide sociale qui devraient être renforcées. Or cet objectif n’a pas été atteint.

Alors que, durant le confinement, période de repli familial parfois subi, parfois violent, les violences faites aux femmes ont augmenté, des moyens supplémentaires sont nécessaires, sachant que les femmes continueront malheureusement d’être particulièrement touchées, mais ils ne sont pas au rendez-vous.

Sur les collectivités territoriales, le Sénat a joué son rôle. Leur situation est meilleure que lorsque le texte nous est arrivé. Cependant, le compte n’y est pas. L’appel des 180 maires qui demandent que 1 % du plan de relance soit fléché vers les quartiers relevant de la politique de la ville n’a pas été entendu. J’espère que le Gouvernement saura leur apporter une réponse, car il existe une véritable inégalité territoriale entre ces quartiers et les autres. Malgré les crédits de la politique de la ville, les habitants de ces quartiers bénéficient en effet de bien moins d’argent public que la moyenne.

Nous parlons beaucoup des territoires ruraux ici, et nous avons raison, car les inégalités territoriales y sont fortes et insupportables, mais le fait est qu’elles le sont aussi en milieu urbain. Nous devrons apprendre à écouter davantage les maires de ces communes. Nous avons cherché collectivement à le faire ici, au Sénat, et je m’en félicite.

En matière d’écologie, c’est la déception : les crédits du plan de relance destinés à l’écologie ont été diminués de 30 % au Sénat. En outre, alors qu’il avait pris des engagements et fait de l’environnement une priorité absolue il y a quelques mois, le Président de la République parle aujourd’hui de ce que propose la Convention citoyenne pour le climat comme d’un « truc »… Ces propositions ne sont pas des « trucs » ou des « machins », elles sont le fruit du travail important et appliqué de cent cinquante citoyens tirés au sort, aidé dans leur travail de rédaction et pour les aspects techniques par les services de l’État !

Pour notre part, nous avons essayé de défendre ces propositions, mais nous n’avons pas été entendus. Elles sont soit reportées, comme l’instauration d’une redevance sur les engrais chimiques azotés, soit dénaturées, comme le malus pour l’achat d’un véhicule lourd, qui ne concernera finalement que 2 % des véhicules, soit tout simplement rejetées.

Mes chers collègues, compte tenu du caractère profondément injuste de la politique fiscale qui est mise en œuvre, de l’obstination du Gouvernement à préserver les plus aisés, les 1 % les plus riches, de son incapacité à voir la réalité sociale en face et la pauvreté qui s’accroît, principalement chez les jeunes, de son refus d’engager une transition écologique à la hauteur des défis et des besoins, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe s’abstiendra sur ce projet de loi de finances. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)

Tout avait pourtant assez bien commencé, à tel point que nous avions voté la première partie du texte, le volet recettes, auquel le Sénat n’avait pas apporté de modifications substantielles : la diminution des impôts de production de 10 milliards d’euros et la baisse de la trajectoire de l’impôt sur les sociétés avaient été maintenues, de même que l’indexation de l’impôt sur le revenu sur l’inflation ; parmi les grandes réformes, la suppression de la taxe d’habitation était préservée.

Il n’y avait donc pas de contre-budget ni de contre-proposition. Des amendements bienvenus avaient même été adoptés pour répondre à la demande de certains secteurs. Je note tout de même qu’ils ont conduit à une dégradation du déficit de 15 milliards d’euros – une paille ! –, alors qu’on se lamente par ailleurs de l’augmentation de la dette… Cependant, bon an, mal an, des dispositions intéressantes ont été adoptées.

Puis, patatras, est arrivé l’examen de la deuxième partie, en commençant par les crédits de la mission « Plan de relance ». Là, nous avons vécu un grand moment. Le président de la commission des finances, qui n’est pas de mon bord, a reconnu lui-même que tous les compteurs avaient explosé. Le rapporteur général, qui n’est pas non plus de mon bord, a dit, lui, que l’ambiance était plombée. Il s’est d’ailleurs réjoui, avec l’honnêteté qui le caractérise, que notre débat soit passé sous les radars grâce à l’actualité chargée. C’est dire si nous pouvions en être fiers… (M. André Gattolin applaudit.)

L’histoire est connue : à la faveur de l’adoption d’un amendement à 2,5 milliards d’euros, on a amputé les crédits de l’écologie, puis ceux de la culture. Alors que l’adoption de cet amendement aurait dû faire tomber tous les autres, nous avons engagé une discussion sur des amendements dont tous les gages étaient faux. Résultat : nous ne savions plus où nous en étions des crédits. Finalement, nous avons abouti à des votes baroques, pour ne pas dire autre chose.

Quinze jours plus tard, venaient en discussion les articles non rattachés. Là, il y a eu un changement de pied. Certes, il eût été étrange que le Sénat s’obstinât.

M. André Gattolin. Oh ! Bravo !

M. Julien Bargeton. Il a bien fait de revenir sur cet amendement à 2,5 milliards d’euros. Mais, sans savoir si c’était un amendement d’appel, il a réduit les crédits de l’écologie, alors que tout le monde considère que l’écologie est une priorité pour la relance, et les crédits de la culture, alors que tout le monde reconnaît que c’est le secteur qui a le plus souffert de la crise et qu’il faut faire plus d’efforts en sa direction.

Franchement, quand on parle d’amateurisme (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) ou de bricolage… Je vous le dis : ce débat ne figurera pas dans les annales parmi les moments les plus glorieux de nos débats budgétaires. Je pense que nous pouvons tous en convenir, comme l’ont d’ailleurs reconnu le président de la commission des finances et le rapporteur général. En effet, alors que le Gouvernement ne l’avait pas demandé, la commission des finances a décidé de revenir sur le vote de cet amendement, après moult suspensions de séance le jour J et une réunion nocturne hier.

M. Antoine Lefèvre. À vingt et une heures !

M. Julien Bargeton. Avec l’examen d’autres missions, on a continué… Vous avez supprimé un certain nombre de missions, notamment les missions « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et « Immigration, asile et intégration », au motif que les crédits étaient insuffisants. Quel paradoxe ! Puisqu’il faudrait davantage d’argent, vous votez contre et, du coup, il n’y a plus du tout de crédits. Cela revient à administrer à un malade un médicament qui le tue !

M. Julien Bargeton. Ces missions ne méritaient pas un tel sort d’après nous. On peut les critiquer, mais dire, comme vient de le faire Mme Lavarde, « attention à la dette » tout en réclamant plus de crédits, mission après mission, est un paradoxe qui mérite d’être relevé.

M. André Gattolin. C’est vrai !

M. Julien Bargeton. Nous ne pouvons donc pas – et vous le comprendrez – voter un projet de loi qui inscrit zéro crédit pour l’agriculture, zéro crédit pour les politiques migratoires et zéro crédit pour la jeunesse et les sports. Les économies qui en découleraient seraient factices, puisque, nous le savons bien, nous abonderons les crédits.

Avec l’examen des articles non rattachés, la boucle a été bouclée : le débat est redevenu intéressant, semblable à celui qu’avait suscité la première partie. D’ailleurs, certains de nos amendements ont été adoptés. Je pense au crédit d’impôt destiné à aider les agriculteurs à sortir du glyphosate, apport intéressant que nous avons porté en collaboration avec un autre groupe. Je pense également à la TVA à 0 % sur les vaccins : le Sénat a adopté cette mesure attendue. Il a également prolongé le dispositif Coluche, sur la proposition du groupe Les Républicains. Cet intéressant débat a été l’occasion d’améliorations et de propositions ; j’espère qu’une partie d’entre elles, notamment dans le domaine de la culture, pourra être retenue par l’Assemblée nationale.

Pour autant, au regard de tous ces éléments, nous nous abstiendrons, parce que la responsabilité du Sénat est quand même de tenir compte, en conscience, des conséquences de ses votes. Il faudra le retenir pour l’avenir : on peut toujours adopter un amendement à 2,5 milliards d’euros – le Sénat est souverain –, mais il faut dans ce cas en tirer les conséquences et les assumer.

Sur la mission « Plan de relance », 33 amendements auraient dû tomber, même s’ils avaient requis du travail et étaient intéressants. Il fallait l’accepter ! À défaut, on entre dans de faux débats. Je connais les critiques : 100 milliards d’euros pour le plan de relance, ce ne serait pas assez, il en faudrait plus encore ; à gauche, on blâme la LOLF, qui serait mal foutue ! Non, le sujet n’est pas là ! C’est plutôt que, quand on adopte en interne quoi que ce soit, on doit en tirer soi-même les conséquences, pleinement. Soit il fallait reconnaître que ces amendements n’avaient plus d’objet, soit il fallait faire revoter l’assemblée ! Au final, les amendements ont été examinés et vous nous avez quand même fait revoter, mais quinze jours plus tard !

Tout cela mérite notre abstention sur ce texte ; c’est déjà un acte d’une relative bienveillance (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission des finances sesclaffe.) au regard de ce qui s’est produit. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)