M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Nathalie Goulet tend à s’attaquer à la fraude sociale via une série de mesures, vingt-quatre avant son examen en commission des affaires sociales. J’y reviendrai dans quelques instants.

Ces dernières années, des rapports et des enquêtes ont permis de mieux comprendre l’ampleur de la fraude sociale dans notre pays et d’y faire face plus efficacement.

Il y a bien sûr le rapport de mission que vous avez rédigé avec la députée Carole Grandjean au mois d’octobre 2019, madame Goulet, à la suite duquel un important travail de fiabilisation du parc de cartes Vitale a été mené.

Au Sénat, la lutte contre la fraude a été au cœur des travaux de la commission des affaires sociales. Au mois de juin 2019, un rapport d’information sur les conséquences de la fraude documentaire sur la fraude sociale de notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe notait ainsi que près de 10 % des dossiers des personnes nées à l’étranger avaient été créés indûment.

Au mois de septembre 2020, une communication de la Cour des comptes révélait par ailleurs que le préjudice subi ou évité, au titre des fraudes avérées ou suspectées, s’élevait à 1 milliard d’euros en 2019. Ce sont près de 290 millions d’euros pour l’assurance maladie, soit 1,8 fois plus qu’en 2010.

Face à ce constat, que peut faire le législateur et qu’a-t-il déjà fait ? Des mesures visant à lutter contre la fraude sociale ont été récemment votées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Je pense notamment à l’annulation automatique du numéro de sécurité sociale obtenu frauduleusement, au conditionnement des remboursements de l’assurance maladie aux professionnels de santé à leur inscription à l’ordre dont ils dépendent ou encore au déconventionnement des professionnels de santé condamnés à plusieurs reprises pour fraude.

Ces mesures, dont certaines n’ont pas encore produit leurs effets, doivent faciliter le travail des 4 300 agents qui œuvrent quotidiennement au sein des réseaux des caisses de sécurité sociale. C’est d’ailleurs dans cette optique que le Gouvernement a récemment créé une mission interministérielle de coordination anti-fraude, la Micaf.

La proposition de loi de Nathalie Goulet s’inscrit dans cet esprit et tend à aller plus loin et plus vite.

Si certaines mesures nous semblent intéressantes – c’est le cas notamment de l’article 15 qui exige une copie en couleur du titre d’identité pour l’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques –, d’autres nous paraissent en revanche prématurées, voire déjà satisfaites. C’est le cas de l’article 10 qui tend à sécuriser les données des certificats de vie via des conventions avec des organismes de retraite d’États étrangers. C’est également le cas de l’article 21, déjà satisfait, qui supprime le conventionnement des professionnels de santé en cas de fraude manifeste.

Mes chers collègues, la lutte contre la fraude sociale est évidemment une priorité, mais elle ne peut se faire que par étapes, afin d’assurer son efficacité et sa lisibilité par ceux qui en ont la charge.

Si nous ne sommes pas opposés à l’esprit de ce texte, il nous semble donc préférable, compte tenu des différents éléments évoqués, d’attendre que les mesures adoptées ou mises en œuvre ces dernières années fassent leurs preuves, afin de ne pas ajouter de la complexité à la complexité.

C’est pourquoi, sur ce texte, le groupe RDPI s’abstiendra.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre ordre social repose sur le respect de la loi. La fraude remet en cause ce principe et doit donc, à ce titre, être combattue.

Cette proposition de loi, déposée par Nathalie Goulet, semble avoir suscité quelques débats au sein de la commission des affaires sociales. J’entends les arguments avancés par certains de nos collègues qui dénoncent une stigmatisation. En réalité, la fraude sociale n’est pas « la fraude des pauvres ». Elle est le fait d’un public très hétérogène qui ne manque ni d’idées ni de moyens, comme l’a relevé la Cour des comptes.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Jean-Claude Requier. Face aux difficultés rencontrées actuellement par des millions de nos concitoyens, la fraude, qu’elle soit fiscale ou sociale, est inacceptable.

Depuis plusieurs années, les rapports pointant les faiblesses en matière de lutte contre la fraude sociale se multiplient. Au mois de septembre dernier, la Cour des comptes estimait que les progrès étaient encore bien trop lents.

À l’heure où les finances publiques sont fortement éprouvées par la crise sanitaire, lutter contre la fraude doit permettre une meilleure justice sociale. Comme l’a déjà rappelé l’auteur de la proposition de loi, « il faut que l’argent aille vraiment là où les gens en ont besoin ».

Si la fraude aux prestations et cotisations sociales détectée en 2019 s’élève à 1,5 milliard d’euros, nous savons qu’elle est en réalité beaucoup plus élevée. Il est malgré tout extrêmement difficile d’en évaluer l’ampleur et les chiffres sont l’objet de fantasmes et de controverses. Selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, la fraude aux cotisations sociales représenterait un manque à gagner de 7 à 9 milliards d’euros. Quant à la fraude aux prestations sociales, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale l’a récemment estimée à 14 milliards d’euros, certains parlant même de 30 milliards d’euros. La question qui se pose aujourd’hui est donc bien de savoir quels moyens nous pouvons mettre en place pour la combattre.

Cela a été dit : cette proposition de loi est perfectible. Pour autant, sur un sujet aussi complexe, la rédaction issue des travaux de la commission des affaires sociales me semble amorcer une première étape.

Certaines dispositions vont dans le bon sens. Je pense à l’obligation du versement des prestations sociales sur un compte français ou européen, à l’obligation de fournir des documents de bonne qualité pour les ressortissants étrangers demandant un numéro de sécurité sociale ou encore à la volonté de soumettre les dirigeants d’entreprises éphémères à des obligations déclaratives renforcées.

Je me félicite également que le rapporteur ait proposé qu’un certain nombre d’articles soient maintenus pour permettre un débat avec le Gouvernement. C’est toujours à l’honneur du Sénat de chercher à prolonger le dialogue et de poser ainsi les jalons de nos prochaines réflexions.

Souhaitons que le travail se poursuive également avec le plan que vous avez validé au début du mois de février dernier, monsieur le ministre, et qui comporte une trentaine d’actions.

Il faudra également que nous nous penchions sur la question du non-recours. Selon les chercheurs de l’Observatoire des non-recours aux droits et services, chaque année, des milliards d’euros de prestations ne sont pas réclamés par des personnes qui y auraient pourtant droit. Cela s’explique notamment par la complexité de la législation et des démarches.

En conclusion, je salue la constance et la persévérance de Nathalie Goulet dans sa lutte contre les fraudes sociales. C’est dans cet esprit que le groupe du RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. André Reichardt applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’opiniâtreté dont fait preuve notre collègue Nathalie Goulet dans son combat contre la fraude.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous partageons d’ailleurs avec elle l’idée que la fraude remet en cause le consentement à l’impôt, pilier de notre société. En revanche, nous refusons de pointer du doigt les bénéficiaires des prestations sociales comme les principaux fraudeurs.

Tant en nombre qu’en montant, les allocations familiales représentent une part minoritaire des fraudes qualifiées. Surtout, ces fraudes sont pour 70 % des omissions.

Bien sûr, et je le dis à notre collègue Nathalie Goulet, nous n’acceptons aucune fraude, mais nous notons que ce texte s’attaque à la minorité du montant de la fraude qui est déjà contrôlée, tandis que la majorité du montant de la fraude demeure libre et impunie.

Pour nous, les vrais fraudeurs ce sont les 15 000 Français ou entreprises tricolores qui sont établis au Luxembourg et qui soustraient à l’impôt 6 500 milliards d’euros ! Les fraudeurs, ce sont les 166 filiales d’entreprises du CAC 40 qui détiennent des avoirs au Luxembourg. Ce sont les 80 milliards d’euros de fraude fiscale, c’est-à-dire de pertes de recettes pour le budget de l’État.

Les fraudeurs, ce sont aussi les patrons qui ne cotisent pas à la sécurité sociale et qui, chaque année, font perdre 8 milliards d’euros à l’hôpital et à notre régime de retraite.

Malheureusement, cette proposition de loi ne s’attaque absolument pas à cette fraude. Vous préférez pointer du doigt la fraude aux prestations sociales. Nous pensons que cela stigmatise les pauvres. Vous pointez du doigt les petits tricheurs qui cachent les grands voleurs !

Cette fraude aux prestations sociales est chiffrée par la Cour des comptes à 1,2 milliard d’euros, qu’il faut mettre en regard des 450 milliards d’euros de prestations versées par la sécurité sociale, soit moins de 0,3 % du total.

Concernant la fraude documentaire, elle serait située entre 117 millions d’euros et 138 millions d’euros, bien loin des 14 milliards d’euros évoqués par certains.

Contrairement aux idées reçues, en 2019, les fraudeurs ne sont pas celles et ceux que l’on croit. Ainsi, la fraude à l’assurance maladie provient, dans seulement 21 % des cas, des salariés et des employeurs, contre 31 % des cas pour les établissements de santé et médico-sociaux et 48 % des cas pour les professionnels de santé.

En comparaison, le non-recours aux prestations sociales atteint un montant largement supérieur à la fraude aux prestations sociales. Ainsi, le non-recours pour le revenu de solidarité active (RSA) est de 36 %, soit plus de 3,6 milliards d’euros ; le non-recours pour la couverture maladie universelle est de 34 % ; enfin, le non-recours pour l’aide à la complémentaire santé solidaire est de 70 %.

Dans le Pas-de-Calais, des familles survivent sous les radars et renoncent à leurs droits, car elles refusent d’être stigmatisées et considérées comme des « assistées »…

Nos concitoyens renoncent à leurs droits par méconnaissance et parce qu’ils sont montrés du doigt. Cette proposition de loi stigmatise les plus pauvres au lieu de s’attaquer aux riches et aux puissants, véritables fraudeurs professionnels.

Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Nathalie Goulet, forte de son expertise due aux travaux qu’elle mène en la matière depuis de longues années, nous propose aujourd’hui de légiférer afin d’appliquer des mesures urgentes de lutte contre la fraude sociale.

Le champ de la fraude est si vaste, si complexe, si évolutif qu’il est délicat de choisir les outils les plus efficaces, les plus pertinents, les plus opérationnels. C’est ainsi que le texte initial, volontairement limité au champ de la fraude sociale, a été recentré par la commission, sur proposition du rapporteur, sur quelques sujets cibles, qui permettront au Parlement d’émettre un signal fort.

En effet, la fraude en général est, par essence, insupportable et inadmissible. Nous ne pouvons la tolérer. Lutter contre les fraudes, c’est défendre notre contrat social.

S’il subsiste des incertitudes sur le volume financier réel de la fraude, une chose est certaine, c’est que les sommes non collectées ou distribuées à tort ne pourront plus être affectées, directement ou indirectement, à la politique sociale. Le système français de sécurité sociale se caractérise par sa diversité et son extrême complexité dans la délivrance des prestations sociales. Il fonctionne par traitements de masses et dématérialisation de l’information. Il doit désormais faire face à des populations qui ne sont plus attachées strictement à un territoire. Tout cela ouvre, hélas, une large porte à des réseaux de fraude, aux systèmes très organisés.

Les fraudes sociales touchent à l’identité, à la composition familiale, aux liens de parenté, au décès, à la nationalité, à la résidence, à l’état de santé, au niveau de revenus, etc. Elles se caractérisent par l’obtention indue de droits à l’assurance maladie, à l’aide médicale de l’État, à des prescriptions, à des cumuls de prestations, etc.

Alors que les systèmes de fraude évoluent avec une agilité déconcertante, la réglementation et la loi doivent, avec la même agilité et la même rapidité, produire les parades adaptées. « La police doit aller aussi vite que les voleurs », nous disait il y a peu Gérald Darmanin. Eh bien, il doit en être ainsi dans ce domaine également.

Aussi, au-delà de ce texte examiné en ce 11 mars 2021, mes chers collègues, je crois sincèrement que nous devons nous préparer à remettre sans cesse sur le métier cet ouvrage et nous retrouver aussi souvent qu’il le faudra pour voter de nouvelles mesures urgentes de lutte contre la fraude sociale. Nous le ferons, parce que frauder, c’est voler.

La communication de la Cour des comptes du mois de septembre 2020 s’intitule La lutte contre les fraudes aux prestations sociales – Des progrès trop lents, un changement déchelle indispensable. Monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il est bien un message qui doit passer aujourd’hui, c’est qu’est bien fini le temps des « fraudo-sceptiques », le temps où le sujet était pudiquement glissé sous le tapis.

Il faut désormais prendre le problème à bras-le-corps, s’en saisir et ne plus jamais détourner le regard. Cela passe certainement par des moyens en matériel et en personnel indispensables. Les derniers projets de loi de finances et projets de loi de financement de la sécurité sociale marquent de premières avancées, mais Nathalie Goulet nous demande comment mieux faire.

Monsieur le ministre, je vous remercie sincèrement de nous avoir aujourd’hui présenté plusieurs perspectives via un plan d’action volontariste. Dans la mesure où tout document peut être falsifié et sachant que la fraude documentaire est la mère de toutes les fraudes, j’insiste sur l’utilité absolue de disposer de documents d’identification en couleur et de qualité correcte.

De même, le principe des prestations fondées sur un système déclaratif – c’est le cas pour les aides personnalisées au logement – est trop fragile. Il faut se donner la possibilité de l’échange de données à des fins de contrôle, comme le prévoit l’article 8.

J’en viens aux retraites versées à étranger. Pour mettre fin à des dérives connues et scandaleuses, il faut sécuriser les données de certificats de vie en utilisant des données biométriques et en conventionnant avec les organismes de retraite d’États étrangers.

Les chantiers des fraudes transfrontalières s’ouvrent également et on ne peut que s’en féliciter et vous en remercier, monsieur le ministre.

Je conclurai mon intervention par une remarque marginale. Comment accepter que le citoyen lambda doive à chaque instant produire des montagnes de documents administratifs dont l’utilité peut parfois sembler contestable – je prendrai l’exemple de médecins retraités qui, pour être indemnisés de leurs prestations dans les centres de vaccination covid, doivent produire un dossier très complet, avec extrait Kbis, casier judiciaire et déclaration de situation matrimoniale –, alors que, parallèlement et grâce à tout cela, des malfrats sans scrupules se glissent dans cette déferlante documentaire et font fortune au détriment des honnêtes contributeurs ?

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous aurez compris que le groupe Union Centriste votera ce texte ainsi « recentré ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. André Reichardt applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie d’abord tous les orateurs qui ont pris part à cette discussion générale. Leurs différentes interventions appellent de ma part trois remarques.

Premièrement et j’y insiste, en matière de fraude sociale, la lutte contre la fraude aux prestations comme aux cotisations doit être menée de front. Vous avez compris, et Mme Goulet l’a rappelé dans son propos liminaire, que le volume de recettes que nous pouvons récupérer par la lutte contre la fraude est bien plus important en matière de prestations que de cotisations individuelles.

Toutefois, il faut également préciser que les fraudes aux cotisations qui doivent nous intéresser et celles sur lesquelles nous devons nous concentrer sont les fraudes organisées, les fraudes durables et les fraudes massives. Si chaque acte frauduleux doit évidemment être condamné, notre attention doit se porter davantage sur les fraudes organisées et structurées que sur des fraudes occasionnelles et individuelles qui, même si elles ne sont pas acceptables, ne sont pas à mettre sur un pied d’égalité. C’est notre intérêt.

Deuxièmement, madame Lubin, je partage intégralement vos propos sur les questions du recours et du taux de recours. En revanche, je ne suis pas convaincu que le débat sur la fraude et celui sur le taux de recours doivent être menés de manière concomitante ou dans un même texte.

Toujours est-il que nous devons travailler de manière beaucoup plus efficace pour que ceux qui ont des droits puissent les faire valoir. C’est d’ailleurs parce que nous arriverons à faire payer ceux qui peuvent payer leurs cotisations que nous pourrons encore mieux financer l’accès aux droits de ceux qui en ont besoin et qui y ont légitimement accès.

Troisièmement, madame Poncet Monge, je suis obligé de corriger votre propos sur au moins deux points, outre le fait que je n’en partage pas l’orientation générale.

D’une part, vous avez indiqué que la France avait perdu 700 000 emplois en 2020. C’est totalement faux : nous avons perdu 360 000 emplois, ce qui est évidemment beaucoup trop. Nous craignions d’en perdre 900 000. Quand on traverse une crise économique, il ne faut pas dramatiser ou ajouter du pessimisme à la situation que l’on connaît.

D’autre part, l’Insee a rendu publiques ses estimations sur l’année 2020 et sur le quatrième trimestre de cette même année. Il se trouve que, de manière globale, c’est-à-dire en moyenne, et je n’ignore rien des disparités de situation, le pouvoir d’achat des ménages français a augmenté de 0,6 % en 2020. Cette évolution, certes faible, reste une évolution, surtout dans une année où l’on a vu le PIB reculer de 8,2 %, ce qui montre l’efficacité des outils contracycliques. Si elle cache une hétérogénéité, il n’y a pas de diminution moyenne globale du pouvoir d’achat des Français.

Pour conclure, à écouter tous les orateurs, j’ai bien compris l’intérêt que chacun portait à la question des documents d’identité en couleur pour éviter la fraude documentaire. C’est un sujet sur lequel nous travaillons et pourrons avancer, y compris de manière réglementaire, pour faire en sorte de mieux prévenir et d’éviter la falsification des documents. Je précise par ailleurs que la falsification des documents est souvent l’un des piliers de la fraude organisée. Bien souvent, ce sont des usagers honnêtes qui n’ont jamais rien demandé à personne qui voient leur identité usurpée et leurs documents personnels falsifiés, pour nourrir ensuite des réseaux de fraudes beaucoup plus structurés.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser mon départ dans une vingtaine de minutes, car je dois me rendre à une réunion d’arbitrage budgétaire à Matignon. Je serai remplacé par Olivia Gregoire.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales

TITRE Ier

AMÉLIORER LES OUTILS DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE SOCIALE

Chapitre Ier

Rationaliser la gestion et l’utilisation des informations disponibles

(Division et intitulé supprimés)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Article 2

Article 1er

(Supprimé)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Article 3

Article 2

(Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le 2° du I de l’article L. 227-1 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « , dont la réduction du non-recours aux prestations ».

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Contrairement à ce qu’a indiqué M. le rapporteur en présentant notre amendement en commission des affaires sociales, celui-ci n’a pas pour objet de demander un rapport, mais il vise bien à inscrire clairement l’objectif de lutte contre le non-recours dans les conventions d’objectifs et de gestion (COG) des organismes du régime général de la sécurité sociale.

Le non-recours aux prestations est un fléau bien plus répandu, notamment en matière d’accès aux soins, que la fraude sociale et l’intérêt pour ce sujet, en particulier de la majorité sénatoriale, est bien moins important et aucunement à la hauteur du phénomène.

Pourtant la question du non-recours nous interroge sur l’effectivité et la pertinence de nos politiques publiques de protection sociale, ainsi que sur la place accordée à l’usager dans l’action publique. Elle est outre un enjeu fondamental de leur évaluation.

C’est pourquoi nous sommes en droit d’attendre de la commission des affaires sociales du Sénat, qui a consacré, sur l’initiative de la majorité sénatoriale, plusieurs rapports d’information à la fraude sociale, qu’elle montre la même ténacité à prendre à bras-le-corps l’analyse des dépenses sociales non effectuées à cause du non-recours.

Il me semble inutile d’aller plus loin dans la présentation de cet amendement. Nous en avons déjà largement parlé et nous venons d’entendre M. le ministre à ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Les COG prévoient déjà la lutte contre la fraude et je pense que cela figure également dans la feuille de route de M. le ministre. Celui-ci a d’ailleurs précisé que cette lutte devait se faire à tous les niveaux : cotisations, prescriptions, prestations. Je ne crois pas avoir privilégié l’un ou l’autre de ces domaines dans mon rapport sur cette proposition de loi.

Enfin, je pense que la disposition que tend à insérer cet amendement n’est pas située au bon emplacement dans le code de la sécurité sociale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Retrait ou, à défaut, avis défavorable, pour les raisons que j’ai évoquées il y a un instant.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 2 demeure supprimé.

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Article 4

Article 3

(Supprimé)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Article 5

Article 4

I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, pour les besoins de la recherche et de la constatation des fraudes en matière sociale énumérées à l’article L. 114-16-2 du code de la sécurité sociale, les administrations de l’État compétentes en matière fiscale et sociale et les organismes de sécurité sociale peuvent, chacun pour ce qui les concerne, collecter et exploiter au moyen de traitements informatisés et automatisés n’utilisant aucun système de reconnaissance faciale les contenus, librement accessibles sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au 2° du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation, manifestement rendus publics par leurs utilisateurs.

Les traitements mentionnés au premier alinéa du présent I sont mis en œuvre par les agents mentionnés au premier alinéa de l’article L. 114-16-1 du code de la sécurité sociale spécialement habilités à cet effet par le directeur ou le directeur général de l’administration ou de l’organisme concerné et ayant le grade de contrôleur ou équivalent, dans les conditions précisées par décret en Conseil d’État. Les agents concourant à la conception et à la mise en œuvre des traitements en cause sont tenus au secret professionnel.

Les données à caractère personnel mentionnées au même premier alinéa ne peuvent faire l’objet d’une opération de collecte, de traitement et de conservation de la part d’un sous-traitant, à l’exception de la conception des outils de traitement des données.

Les données sensibles, au sens du I de l’article 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, et les autres données manifestement sans lien avec les infractions mentionnées au premier alinéa du présent I sont détruites au plus tard cinq jours ouvrés après leur collecte.

Lorsqu’elles sont de nature à concourir à la constatation des manquements et infractions mentionnés au même premier alinéa, les données collectées strictement nécessaires sont conservées pour une période maximale d’un an à compter de leur collecte et sont détruites à l’issue de cette période. Toutefois, lorsqu’elles sont utilisées dans le cadre d’une procédure administrative ou pénale, ces données peuvent être conservées jusqu’au terme de la procédure.

Les autres données sont détruites dans un délai maximal de trente jours à compter de leur collecte.

Lorsque les traitements réalisés permettent d’établir qu’il existe des indices qu’une personne a pu commettre un des manquements énumérés audit premier alinéa, les données collectées sont transmises au service compétent de l’administration ou de l’organisme pour corroboration et enrichissement.

Ces données ne peuvent être opposées à la personne mentionnée au septième alinéa du présent I que dans le cadre d’une procédure de contrôle prévue à l’article L. 114-10 du code de la sécurité sociale ou à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime.

Le droit d’accès aux informations collectées s’exerce auprès du service d’affectation des agents habilités à mettre en œuvre les traitements mentionnés au deuxième alinéa du présent I dans les conditions prévues à l’article 105 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée.

Le droit d’opposition prévu à l’article 110 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée ne s’applique pas aux traitements mentionnés au deuxième alinéa du présent I.

Les modalités d’application du présent I sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret précise les conditions dans lesquelles la mise en œuvre des traitements mentionnés au premier alinéa est, à toutes les étapes de celle-ci, proportionnée aux finalités poursuivies. Il précise également en quoi les données sont adéquates, pertinentes et, au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées, limitées à ce qui est strictement nécessaire.

II. – L’expérimentation prévue au I fait l’objet d’une analyse d’impact relative à la protection des données à caractère personnel dont les résultats sont transmis à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dans les conditions prévues à l’article 62 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée.

III. – L’expérimentation prévue au I fait l’objet d’une première évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement ainsi qu’à la Commission nationale de l’informatique et des libertés au plus tard dix-huit mois avant son terme. Un bilan définitif de l’expérimentation est transmis au Parlement ainsi qu’à la Commission nationale de l’informatique et des libertés au plus tard six mois avant son terme.