M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de lemploi et de linsertion. Monsieur le sénateur Pascal Savoldelli, contrairement à ce que vous laissez entendre, aucun Président de la République n’a autant agi en faveur de la jeunesse. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et Les Républicains.)

Alors que notre pays a traversé l’une de ses crises les plus graves, 3 millions de jeunes ont pu trouver un emploi, un apprentissage, une formation ou un accompagnement grâce au plan « 1 jeune, 1 solution ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Nous avons mobilisé 9 milliards d’euros et les résultats sont là : le taux d’emploi des jeunes est revenu à son niveau d’avant-crise. Je rappelle qu’après la crise de 2008-2009 le taux de chômage des jeunes avait explosé, avec une hausse de plus de 30 %. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger applaudit.)

Désormais, la reprise économique ouvre de nombreuses perspectives d’emploi ou d’apprentissage, dont les jeunes bénéficient pleinement. Nous devrions égaler, voire dépasser, le record de plus de 525 000 apprentis atteint en 2020. Notre volonté, c’est que cette reprise bénéficie également aux jeunes les plus éloignés de l’emploi. C’est tout le sens des travaux que nous menons, à la demande du Président de la République.

Monsieur le sénateur, il ne faut pas forcément croire tout ce qui est écrit dans les journaux. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Il ne faut pas forcément croire le Gouvernement non plus !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Il nous faut tout d’abord redoubler d’efforts pour aller vers ceux qui ne viennent pas spontanément dans les missions locales. Pour eux, je souhaite construire, en lien étroit avec le ministre chargé des solidarités, Olivier Véran, et la ministre chargée du logement, Emmanuelle Wagon, des parcours sur mesure, mobilisant les missions locales, mais aussi les associations de terrain et les collectivités.

Nous voulons également améliorer les parcours d’accompagnement en capitalisant sur les solutions qui ont fait leurs preuves dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution » : les immersions en entreprise, les prépas apprentissage, les formations qualifiantes. Les travaux sont en cours de finalisation et j’espère pouvoir compter sur votre soutien dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2022.

Notre volonté, c’est de permettre à chaque jeune d’accéder au plus vite à l’emploi. Je pense que c’est un combat qui devrait pouvoir rassembler largement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre, vous avez demandé des publications : je vais vous en montrer ! (Lorateur brandit un document.) Voici le dernier rapport d’activité de l’Armée du salut : à la une, un livreur qui vient y manger. Ce média vous convient-il ?

Je veux vous dire une deuxième chose, et je tiens à le faire devant mes collègues : ce que vous venez de me répondre, de nous répondre à tous, c’est que la promesse du président Macron est enterrée ! Vous n’en avez pas dit un seul mot dans votre intervention ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.) Vous avez enterré une promesse sociale : voilà ce que vous venez de faire !

Je veux enfin vous dire ceci : la situation est trop grave pour que vous nous fassiez un bilan plein d’une autosatisfaction à valeur morale ! Ce n’est pas possible, madame la ministre ; ce n’est pas acceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et Les Républicains.)

Mme Élisabeth Borne, ministre. C’est n’importe quoi !

M. Pascal Savoldelli. Nous n’avons pas tous le même avis dans cet hémicycle, madame la ministre, mais, franchement, s’il était question non pas de ces jeunes qui n’ont rien, mais de banques ou d’entreprises, on les aurait aidées, la promesse aurait été tenue !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Pour les jeunes, nous mobilisons 9 milliards d’euros !

M. Pascal Savoldelli. Alors, ne réfléchissez pas à une quelconque morale à la place de ces jeunes, qui tentent de survivre !

M. le président. Il faut conclure !

M. Pascal Savoldelli. Notre société et sa cohésion sont en danger, madame la ministre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

déploiement du plan france 2030 (ii)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Patricia Schillinger. La crise sanitaire, dont notre pays commence à peine à entrevoir la fin, a mis notre économie à rude épreuve. Pourtant, plus d’un an après les premières mesures sanitaires, qui menaçaient d’affecter durement et durablement notre économie, celle-ci se porte bien. Alors que nous venons de traverser l’une des pires crises qu’a pu connaître notre pays, le taux de chômage pourrait, selon l’Insee, n’être plus à l’automne que de 7,6 %, soit le taux le plus bas que la France ait connu depuis 2007 !

La volonté de protéger notre économie, « quoi qu’il en coûte », nous a ainsi permis de sauver nos emplois et de préserver de la faillite nos entreprises. En décidant d’investir massivement dans la relance, la France a pu retrouver une activité supérieure à celle du début du quinquennat. Parallèlement, notre taux de croissance devrait dépasser 6 % et nous placer largement au-dessus de la moyenne des pays de la zone euro, estimée à 4,8 %.

Ne pas mettre ces bons résultats au crédit de la stratégie mise en œuvre par le Gouvernement serait faire preuve d’une certaine mauvaise foi.

Toutefois, si notre pays a fait la démonstration de sa capacité de résilience, la crise sanitaire a aussi agi comme un révélateur de notre dépendance à l’égard de l’étranger en matière industrielle.

De ce constat naît l’impérative nécessité de permettre à la France de retrouver sa souveraineté économique.

Pour atteindre cet objectif, le Président de la République a annoncé hier un plan ambitieux de 30 milliards d’euros sur cinq ans.

Monsieur le secrétaire d’État, au moment où la Chine décide d’augmenter sa production de charbon dans un contexte de pénurie énergétique, comment la France peut-elle retrouver son âge d’or industriel et ainsi faire de ce secteur un vivier de plein emploi, sans rompre avec ses engagements sur le climat ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la sénatrice Schillinger, comme vous l’avez rappelé, le Président de la République a présenté hier un plan d’investissement intitulé France 2030. De fait, ce plan doit permettre à notre pays et à l’Europe de se mettre en position pour faire face aux défis économiques, mais aussi sociétaux, des années à venir.

Ce plan me paraît au fond porter deux messages : un message de progrès et un message d’indépendance.

Il s’agit d’un investissement dans le progrès.

Si nous voulons faire en sorte que nos sociétés et nos économies soient capables de répondre aux grands défis qui les attendent – le défi environnemental, le défi de la transition énergétique, y compris avec le nucléaire, le défi du vieillissement, ou encore celui de l’alimentation –, alors il nous faut profondément innover pour transformer tout aussi profondément nos modes de production et de consommation.

Il s’agit aussi d’un investissement dans l’indépendance.

Vous aurez noté, madame la sénatrice, en citant la Chine, que les derniers grands champions technologiques sont américains et chinois. Ce que nous voulons faire avec ce plan, ce que nous avons commencé à faire avec l’écosystème des start-up françaises, c’est faire en sorte qu’émergent en France et en Europe les champions technologiques et économiques de demain, ceux qui prendront en quelque sorte la relève des inventeurs et des innovateurs, qui, aux XIXe et XXe siècles, ont fait le rayonnement technologique et la prospérité économique de notre pays.

Pour aller plus loin encore, madame la sénatrice, il ne me semble pas inutile, dans un moment où le débat politique peut sembler quelque peu crépusculaire et où il semble que le « c’était mieux avant » trouve une forme popularité, de faire en sorte, en renouant avec le génie français en matière économique, de parler aux Français de l’indépendance de la France et de l’avenir de leurs enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

lutte contre le racisme

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rachid Temal. Madame la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, près de 45 % des agences d’intérim sondées, voire deux tiers d’entre elles dans certains réseaux, acceptent de discriminer nos compatriotes à la demande d’entreprises : voilà le triste bilan de l’opération de testing menée par l’association SOS Racisme.

Ces agences d’intérim et les entreprises clientes s’engagent dans des pratiques illégales au regard du code du travail et du code pénal. Rappelons que ce dernier les punit de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende !

Aussi, madame la ministre, on peut se demander ce que le Gouvernement va dire et faire. Va-t-il, comme en février dernier, ouvrir une plateforme en ligne, un numéro vert, ou encore un chat ? Ce serait trop peu, ce ne serait pas au niveau requis. Va-t-il, comme vous l’annoncez, convoquer les entreprises pour « échanger » avec elles – c’est le terme employé dans votre communiqué de presse – sur leurs pratiques discriminatoires ?

Madame la ministre, il nous faut une réponse forte, ici et maintenant, sur ces faits extrêmement graves : la discrimination brise la vie de millions de nos compatriotes chaque jour. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de légalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de légalité des chances. Monsieur le sénateur Rachid Temal, je vous remercie pour votre question, bien que la matière dont vous me la posez m’étonne quelque peu. Je sais bien sûr que la lutte contre les discriminations est un sujet qui vous tient fortement à cœur ; c’est également un combat extrêmement important pour ce gouvernement.

Sur le fond de ce que vous venez d’évoquer, je voudrais vous exprimer que, comme vous, je crois que les résultats de cette enquête sont extrêmement graves. SOS Racisme a braqué la lumière sur des faits que nous ne pouvons ni accepter ni tolérer. Notre devoir républicain, en tant que responsables politiques, est de mener ce combat partout sur le territoire français, dans l’Hexagone, mais aussi dans les territoires ultramarins.

C’est pourquoi j’ai immédiatement réagi, dès la publication de l’enquête. J’ai voulu échanger, oui : il faut bien que je puisse le faire, que je puisse parler avec ces agences d’intérim pour comprendre comment on a pu avoir dix agences d’intérim en France qui acceptent des discriminations punies par la loi.

Ces faits sont extrêmement choquants, je le sais. Vous avez mentionné la plateforme de lutte contre les discriminations que nous avons ouverte en février dernier. Pardonnez-moi, monsieur le sénateur, mais il y a aujourd’hui des personnes qui sont seules face à ces discriminations : que le Défenseur des droits puisse répondre à ses personnes, les aider et les accompagner dans les dispositifs qui existent pour faire respecter leurs droits me paraît extrêmement important. Ne minimisons pas l’impact de ces plateformes, qui ont été contactées plus de 10 000 fois depuis leur mise en place.

Je voudrais également préciser que c’est tout de même ce gouvernement-ci qui a lancé une grande consultation citoyenne sur les discriminations, du 8 avril au 31 mai derniers. Cette consultation, inédite sur le sujet, a été un temps fort de débat, de dialogue et de propositions avec tous ; nous avons mené ce travail avec des associations comme SOS Racisme et nous continuons de le mener aujourd’hui.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les discriminations sont bien plus que des entorses à nos valeurs républicaines ; elles en sont la négation, elles constituent des atteintes à la dignité de leurs victimes et elles sapent notre cohésion sociale. C’est pourquoi ce gouvernement, aux côtés des associations, que je tiens d’ailleurs à remercier, est absolument déterminé à les enrayer.

Au-delà des postures, lutter contre les discriminations doit être un combat transpartisan ; celui-ci exige de créer des outils concrets et efficaces, susceptibles d’orienter les victimes et de recueillir leur parole pour qu’elles puissent faire valoir leurs droits… (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure !

Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Voilà ce à quoi nous nous employons au quotidien.

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour la réplique.

M. Rachid Temal. Madame la ministre, il est normal que l’on vous pose des questions : entendez bien que c’est le droit le plus élémentaire du Parlement vis-à-vis du Gouvernement ! C’est d’ailleurs bien ainsi que s’appelle notre séance.

Effectivement, la discrimination vient miner chaque jour le pacte républicain ; elle touche des millions de nos compatriotes, partout sur le territoire national. J’entends bien tout ce que vous nous dites des consultations et des propositions, mais je vous rappelle l’existence d’un rapport publié par le Défenseur des droits en juin 2020 (Lorateur brandit le document.), qui recense les discriminations à l’emploi, au logement, et dans d’autres domaines encore, mais contient également des propositions.

Si nous vous interrogeons aujourd’hui, c’est parce que ces propositions, qui viennent d’une institution reconnue par tous, ne sont pas mises en application.

Quant aux agences d’intérim, rappelons qu’Adecco a été condamnée il y a dix ans ; aujourd’hui, aucune de ces agences n’accepte officiellement la discrimination. Il faut parler, mais il faut aussi condamner et punir ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

vaccination à saint-pierre-et-miquelon

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Stéphane Artano. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, depuis le début de la crise du covid-19, on relève à Saint-Pierre-et-Miquelon 31 cas détectés et guéris sans hospitalisation, zéro décès. Le taux d’incidence est aujourd’hui également de zéro. Le taux de vaccination atteint 90 % en première dose et 88 % en seconde dose ; on atteindra 90 % dans peu de temps.

Depuis le début de la crise, grâce à l’écoute du Gouvernement, même s’il a parfois fallu un peu batailler, nous avons pu adapter les principales mesures sanitaires au territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon, en prenant parfois des décisions courageuses, restrictives de liberté. Je tiens à le dire ici aujourd’hui : la population a joué le jeu.

Je suis vacciné mais j’ai voté contre le passe sanitaire, au côté de Loïc Hervé, et contre l’obligation vaccinale pour certaines professions. Depuis le 5 août dernier, cette loi s’applique à Saint-Pierre-et-Miquelon sans différenciation. À ce jour, 95 % du personnel soignant a reçu une seconde dose de vaccin.

Toutefois, depuis plusieurs jours, les membres non vaccinés de ce personnel ont tenté d’engagé un dialogue avec le préfet de manière à adapter cette règle à Saint-Pierre-et-Miquelon au regard de la situation sanitaire du territoire. On leur a opposé une fin de non-recevoir.

Aujourd’hui, des tensions sociales sont en train de naître dans un territoire où le virus ne circule pas, un territoire qui a traversé sans heurts la crise sanitaire.

À compter du 15 octobre, soit vendredi prochain, des sanctions financières sont prévues pour les soignants non vaccinés. Pour ma part, monsieur le ministre, je vous demande de donner des instructions pour que l’on puisse assouplir intelligemment cette règle, dans notre territoire comme dans d’autres où les soignants ne sont pas tous vaccinés.

Des familles vont être mises en difficulté ; des contrats de travail vont être rompus. Avec un seul centre hospitalier sur ce territoire, comment imaginer qu’ils retrouveront un emploi ?

Alors, monsieur le ministre, si vous voulez bien y être favorable, je demande qu’un dialogue s’instaure à nouveau avec les services de l’État : aujourd’hui, il est complètement rompu. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Laurence Cohen et Sylviane Noël applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Avant tout, monsieur le sénateur Artano, merci d’avoir souligné l’engagement extraordinaire de la population de Saint-Pierre-et-Miquelon, territoire qui ne compte que deux lits de réanimation ! On a pu voir, au cours des vagues qui se sont succédé dans d’autres territoires ultramarins, combien l’éloignement géographique rendait compliqué de faire face à une épidémie de cette ampleur.

La population de Saint-Pierre-et-Miquelon a demandé au Gouvernement à bénéficier en une fois de la totalité des doses nécessaires pour se vacciner ; nous avons dit oui. Désormais, la population de ce territoire affiche bien un taux de vaccination proche de 90 % : tant mieux, car elle se protège ainsi.

Aujourd’hui, seuls treize salariés des établissements sanitaires et médico-sociaux de ce territoire, ainsi que cinq ou six pompiers, ne sont pas vaccinés.

J’ai défendu devant vous les dispositions de la loi du 5 août dernier instaurant l’obligation vaccinale du personnel soignant et de celui des établissements médico-sociaux, qui a d’ailleurs recueilli l’adhésion d’une forte majorité parlementaire, dans les deux chambres. Cette obligation a pour objet de protéger non seulement les soignants eux-mêmes, par définition plus exposés, raison pour laquelle ils sont d’ailleurs appelés à recevoir une troisième dose de vaccin, mais surtout les personnes fragiles et malades avec lesquelles ils sont en contact ; nous avons eu suffisamment de cas groupés, de clusters, dans les hôpitaux et les Ehpad, pour savoir que nous devons en faire des sanctuaires.

Cette loi, que vous nous avez permis de mettre en œuvre, mesdames, messieurs les sénateurs, s’applique dans de bonnes conditions sur tout le territoire national. Parmi les agents qui ont été suspendus temporairement parce qu’ils avaient refusé la vaccination, un grand nombre a finalement fait le choix de se vacciner, également parce qu’ils ont été rassurés par l’expérience de leurs collègues, force de discussion et de dialogue.

Le dialogue avec les soignants et le personnel médico-social qui font encore aujourd’hui le choix de ne pas se vacciner n’est pas rompu, il ne le sera jamais, mais les lois de la République s’appliquent partout. Des mesures d’exception concernent les zones où s’applique l’état d’urgence sanitaire, qui impose déjà une forte mobilisation à l’hôpital.

Dès lors, monsieur le sénateur, je ne peux pas être d’accord avec votre demande. L’obligation vaccinale doit s’appliquer à Saint-Pierre-et-Miquelon. S’il y a des suspensions de salaire, elles seront immédiatement levées dès lors que ces treize salariés et ces cinq ou six pompiers auront fait le choix de se protéger et de protéger celles et ceux qu’ils soignent au quotidien. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour la réplique.

M. Stéphane Artano. Selon votre logique, monsieur le ministre, le passe sanitaire devrait s’appliquer à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais il n’y est pas mis en œuvre, parce que cela n’aurait aucun sens aujourd’hui. Le même raisonnement vaut pour l’obligation vaccinale de ce personnel soignant et des pompiers volontaires : si une intervention devait être requise, la moitié des effectifs serait suspendue ! Cela n’a aucun sens ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

hausse des prix de l’énergie

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.)

M. Daniel Gremillet. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, la flambée des prix de l’énergie est dramatique pour le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises. Elle pèse sur la relance de notre économie et sur sa décarbonation.

Les prix de marché ont crû, entre le 28 mai 2019 et ce lundi, de 307 % pour l’électricité, 94 % pour le gaz et 22 % pour le pétrole. Cette flambée des prix était pourtant prévisible : la commission des affaires économiques du Sénat avait estimé, dès juin 2020, qu’il fallait s’attendre à « un effet inflationniste en sortie de crise, les prix étant susceptibles de flamber ». Elle proposait alors déjà de lutter contre la précarité énergétique en revalorisant le chèque énergie.

Je déplore que nous n’ayons pas été entendus, mais je constate que le Gouvernement est coutumier du fait : nous avions proposé une revalorisation de l’énergie nucléaire dès la loi Énergie-climat de 2019, puis dans une proposition de résolution au début de cette année, et encore lors de l’examen de la loi Climat et résilience l’été dernier ; nous avons aussi défendu un paquet législatif inédit en faveur de l’hydrogène. Nous étions bien seuls !

Ces retards pris dans nos choix énergétiques sont insupportables : ils ont de lourdes répercussions, chaque hiver, sur la facture d’énergie et la sécurité de nos approvisionnements !

Ils sont d’autant moins admissibles au regard de l’intensité de la compétition internationale : la Chine bloque ses prix de l’énergie et construit de nouvelles centrales nucléaires et au charbon.

Alors, monsieur le Premier ministre, allez-vous prendre les mesures qui s’imposent ? Abaisserez-vous durablement la fiscalité énergétique ? Bloquerez-vous durablement les tarifs réglementés ? Répondrez-vous au signal d’alarme des industriels ? Reviendrez-vous sur le calendrier de fermeture des 12 réacteurs nucléaires d’ici à 2035 ? Lancerez-vous enfin la construction de nouveaux EPR ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur Gremillet, à mon sens, si l’on veut pouvoir avancer sur ce sujet très important, il faut éviter de faire des amalgames qui nous induiraient en erreur. De fait, la hausse des prix que nous vivons actuellement pour les différentes sources d’énergie n’a absolument rien à voir avec tel ou tel choix que nous avons fait ou que nous sommes en train de faire en France.

La hausse des prix du gaz est liée à la reprise économique et au fait que, à l’échelle européenne, nous sommes encore trop dépendants de cette source d’énergie. La hausse actuelle des prix des carburants, que l’on peut déplorer même si elle n’est pas de la même ampleur, est pour sa part due à la hausse des cours mondiaux du pétrole.

Ne mélangeons pas tout ! On ne pourra pas trouver les bonnes solutions si l’on ne pose pas le bon diagnostic.

Pour ce qui est de l’urgence, il faut évidemment que nous aidions nos concitoyens à faire face à cette crise qui apparaît maintenant. Aussi M. le Premier ministre a-t-il annoncé un certain nombre de mesures. Vous avez mentionné le chèque énergie : eh bien, à la fin de l’année, nous allons procéder à un versement exceptionnel de 100 euros supplémentaires, au titre de ce chèque, à près de 6 millions de nos concitoyens les plus modestes. Nous avons également mis en place un bouclier énergétique, que ce soit pour le gaz, en bloquant les prix dès à présent, ou pour l’électricité, en limitant l’augmentation de ses tarifs réglementés à partir de février. Bref, nous faisons face à l’urgence ! Quant aux automobilistes, nous prendrons évidemment des mesures si nous voyons que la hausse des prix du carburant continue.

À plus long terme, il faut avoir une politique globale qui nous permette de faire face aux enjeux d’aujourd’hui et de demain. C’est l’objet du travail accompli par RTE, qui va en présenter le 25 octobre prochain les conclusions ; des projections sérieuses y étaieront différents scénarios, dont les avantages et les inconvénients seront détaillés. Nous pourrons avancer et faire des choix à partir de là. C’est ainsi, selon moi, qu’il convient de procéder, et non en réagissant de manière assez épidermique, ce qui me paraît une mauvaise façon de travailler sérieusement à l’avenir de nos concitoyens. (Murmures de protestation sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Dominique de Legge. Quelle suffisance !

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.

M. Daniel Gremillet. Madame la ministre, les faits sont têtus ! La réalité est la suivante : en très peu de temps, nous avons doublé le nombre de jours où nous devons importer de l’électricité, où nous sommes dépendants d’autres pays.

Vous nous parlez de scénarios, mais, gouverner, ce n’est pas seulement en faire : c’est aussi décider ! En réalité, au cours des cinq dernières années, vous avez complètement hypothéqué la souveraineté et l’indépendance énergétiques de notre pays ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

revenu d’engagement des jeunes (ii)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Monique Lubin. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Madame la ministre, en janvier 2021, vous n’avez pas voulu de notre proposition de loi ouvrant le RSA aux jeunes de moins de 25 ans.

Alors que 22 % des jeunes font partie de ceux que l’on qualifie de « pauvres », je tiens à rappeler, comme notre collègue Pascal Savoldelli vient de le faire, que le Président de la République avait annoncé la création d’un revenu d’engagement destiné aux jeunes de moins de 25 ans les plus en difficulté, dont le nombre est estimé à 1,2 million. Cette mesure, qui se voulait forte, s’est transformée en une éventuelle demi-mesure, qui aurait pu concerner 500 000 jeunes ; maintenant, il se murmure même qu’il n’y aurait rien d’ici à la fin de cette mandature. Il semble d’ailleurs, madame la ministre, que vous veniez de le confirmer.

Pourtant, la crise sanitaire a révélé au grand jour la situation extrêmement fragile dans laquelle de très nombreux jeunes se trouvent. Et que l’on ne vienne pas nous dire qu’ils n’ont qu’à travailler et que, pour ce faire, ils n’ont qu’à traverser la rue ! Ceux qui ont franchi pour la première fois les portes des associations caritatives pendant l’épidémie de covid-19 étaient justement ceux qui travaillaient pour subvenir à leurs besoins quotidiens.

Dans cette tranche d’âge des 18-25 ans, les situations sont très diverses : des jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation – NEET, selon l’acronyme anglais – aux étudiants pauvres, en passant par ceux qui n’osent pas élargir leurs horizons, ceux qui ne vivent plus chez leurs parents pour différentes raisons, ceux qui vivent de petits boulots et tant d’autres encore. Ils sont tous différents, mais ils ont un point commun : parce qu’ils ont moins de 25 ans, ce pays, qui fait d’eux des citoyens dès l’âge de 18 ans, ne leur donne pas droit au revenu minimum de subsistance, qui leur permettrait justement de démarrer dans la vie.

Je sais bien que l’on me répondra, ici ou là, que c’est aux parents d’assumer, ou que ces jeunes n’ont qu’à faire comme leurs anciens, qu’à se débrouiller. Mais que deviendront ceux dont les parents ne peuvent pas assumer le soutien financier sur une durée aussi longue, que deviendront ceux qui n’ont ni les clés ni les réseaux nécessaires pour s’en sortir seuls ?

Madame la ministre, quand donnerez-vous une majorité sociale aux jeunes de ce pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)