PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle garantissant le respect des principes de la démocratie représentative et de l'État de droit en cas de législation par ordonnance
 

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Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à réformer l’adoption n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

En conséquence, l’examen de ses conclusions, initialement inscrites, sous réserve de leur dépôt, jeudi 16 décembre prochain, est retiré de l’ordre du jour du Sénat.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d'un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu
Discussion générale (suite)

Présence parentale auprès d’un enfant

Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu (proposition n° 157 [2020-2021], texte de la commission n° 113, rapport n° 112).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d'un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu
Article unique (Texte non modifié par la commission)

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis pour étudier, ou plutôt entériner, un texte attendu de longue date.

Un texte attendu par les familles, les professionnels et les associations qui traitent ce sujet avec force, au quotidien. J’ai une pensée particulière pour la fédération Grandir sans cancer et pour les associations Eva pour la vie, Empreintes, ou encore Le Sourire de Lucie.

Un texte attendu aussi par les députés, notamment par Paul Christophe, dont je salue la présence aujourd’hui dans vos tribunes et que je remercie de son implication. Il est à l’origine de cette proposition de loi et de son adoption, au mois de novembre 2020, par l’Assemblée nationale.

Un texte attendu enfin, je le sais, par beaucoup d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui avez voté la loi du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli et qui souhaitez, comme le Gouvernement, aller plus loin dans l’accompagnement des parents d’enfants malades.

Le dispositif de cette proposition de loi viendra utilement compléter des mesures fortes d’ores et déjà adoptées et appliquées.

On peut ainsi citer la mise en œuvre, dans les situations les plus tragiques, celles où des familles sont endeuillées par la perte d’un enfant, d’un « congé de deuil » – il faudrait trouver une autre dénomination – de huit jours financé par la sécurité sociale. Ce congé, issu de la loi du 8 juin 2020 visant à améliorer les droits des travailleurs et l’accompagnement des familles après le décès d’un enfant, dite loi Bricout, est venu s’ajouter au congé employeur, qui a été porté concomitamment de cinq à sept jours. Ce texte prévoyait également un accompagnement global – financier, mais aussi psychologique – des parents endeuillés ainsi que des fratries.

Parmi ces mesures, on compte aussi le dispositif qui nous intéresse aujourd’hui, l’allocation journalière de présence parentale (AJPP). Cette prestation peut être versée aux parents bénéficiant de jours de congé de présence parentale (CPP), c’est-à-dire à ceux qui s’occupent d’un enfant malade, victime d’un accident ou en situation de handicap.

Le nombre maximum de jours de CPP et d’AJPP dont peuvent bénéficier des parents pour un enfant est fixé à 310 jours dans la limite d’une durée de trois ans ; ce droit à 310 jours de CPP et d’AJPP peut être renouvelé en cas de rechute ou de récidive de la maladie, après que la période de trois ans est écoulée. Dans les faits, 95 % des situations sont traitées par ce dispositif.

Un approfondissement était cependant nécessaire. C’est bien l’objet de ce texte, que le Gouvernement soutient pleinement.

Un trou dans la raquette de la loi du 8 mars 2019 faisait que le droit au renouvellement de l’AJPP ne pouvait être rouvert qu’après l’expiration du délai de trois ans. Cela ne permettait pas de répondre aux situations caractérisées par des traitements longs, nécessitant un arrêt total d’activité de la part de l’un des parents, et ce sur une période très prolongée.

Cela ne concerne que les 5 % des bénéficiaires de l’AJPP qui vont jusqu’au bout des 310 jours, soit environ 560 foyers sur les 10 300 foyers bénéficiaires recensés au mois de février 2020.

Ces situations extrêmement difficiles, marquées par des maladies longues, nécessitent bien une présence continue du parent auprès de l’enfant.

Ce texte apportera une résolution aux problèmes identifiés, en disposant que l’AJPP pourra être versée plus longtemps que 310 jours lorsque la situation le justifie.

Il est également prévu de permettre, à titre exceptionnel et par dérogation au dispositif actuel, de renouveler une fois la période de trois ans sans attendre la fin du terme de la première période de trois ans et d’ouvrir ainsi droit à un nouveau compteur maximal de 310 jours de CPP et d’AJPP, dans la limite des trois années à venir, sous réserve d’un nouveau certificat détaillé établi par le médecin qui suit l’enfant et d’un accord explicite du service du contrôle médical. Les parents confrontés aux situations les plus dramatiques bénéficieront ainsi de deux fois 310 jours d’AJPP. Ce nouveau cadre donnera de la visibilité à des familles qui, jusqu’à présent, en manquaient trop souvent.

Au-delà même de ce dispositif, dont je crois savoir qu’il reçoit l’approbation de l’ensemble des groupes politiques, je tiens à revenir sur quelques points afférents qui, eux aussi, ont un impact sur le quotidien des parents d’enfants malades.

Il y a tout d’abord la question, souvent relevée, des complexités administratives entourant ces situations. Il est indéniable que le circuit de traitement des demandes de CPP et d’AJPP n’est pas encore optimal. Sachez à ce propos, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il est prévu de mieux croiser les fichiers et d’aller vers une récupération automatique de la plupart des ressources des bénéficiaires, afin de simplifier les démarches des allocataires et de favoriser le juste recours aux prestations.

Ainsi seront utilisées les données issues des flux de la déclaration sociale nominative liées à la déclaration de la suspension du contrat de travail pour le motif d’octroi d’un congé de présence parentale. La comptabilisation du nombre de jours de congé pris par le salarié permettra aux organismes de suivre directement les situations et d’effectuer les versements dans des délais beaucoup plus courts.

Ce chantier informatique lourd, développé par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), sera opérationnel courant 2022. Cela améliorera véritablement la situation des familles concernées par un dispositif qui reste peu connu des gestionnaires de ressources humaines.

Faire connaître ce type de dispositif est un autre enjeu. La lutte contre le non-recours est une question cruciale ; je lui accorde une grande importance, car il faut que toute personne concernée ait conscience qu’elle peut être soutenue et accompagnée. Les associations jouent évidemment à cet égard un rôle crucial et je les en remercie une fois encore.

Cette réflexion sous-tend aussi la politique des mille premiers jours que nous mettons en place pour les trois premières années de l’enfant. Celle-ci s’appuie désormais sur certaines ressources spécifiques, telles qu’un site internet, des brochures, ou encore une application.

Il nous faut poursuivre ce travail visant à regrouper l’information et à la rendre plus accessible, plus lisible et plus fiable. Plutôt que multiplier des dispositifs qui risqueraient de ne pas être visibles, ce qui leur ferait malheureusement perdre toute leur utilité, il faut renforcer les messages, les cibler et les adapter aux parents et aux enfants, en particulier à ceux qui vivent des situations difficiles.

J’évoque ce point, car il s’agit justement de l’un des attendus de la mission que le Gouvernement vient de confier au député Paul Christophe.

Vous le savez sans doute, le travail collectif engagé sur l’accompagnement des parents d’enfants malades ne s’arrêtera pas avec la promulgation du texte dont nous discutons aujourd’hui – bien au contraire ! M. Christophe aura pour mission, au cours des prochains mois, de dresser le panorama le plus large possible de ces questions, d’identifier précisément les publics concernés, de cibler les manques et les faiblesses des dispositifs existants et de proposer le cas échéant des améliorations de notre système.

L’un des objectifs assignés à Paul Christophe, aux termes de sa lettre de mission, est de rendre compte des difficultés d’accès à l’information, d’objectiver les limites supposées des démarches d’« aller vers » et de proposer des améliorations, notamment en matière d’attribution des aides, de formation des travailleurs sociaux et d’accompagnement psychologique.

C’est véritablement un sujet auquel le Gouvernement attache beaucoup d’importance. Les travaux de M. Christophe permettront, j’en suis convaincu, d’améliorer le traitement des dossiers et, par conséquent, l’accompagnement des parents au quotidien.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes mobilisés ; je sais que vous l’êtes aussi. Il reste en effet à faire pour soutenir les familles traversant ces situations douloureuses, dont nous sommes nombreux à avoir été saisis. Je serai très heureux de continuer à y réfléchir et à y travailler avec vous. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Luc Fichet applaudit également.)

Mme la présidente. Je souhaite la bienvenue dans nos tribunes à M. Paul Christophe, député.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Colette Mélot, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de saluer la présence dans nos tribunes du député Paul Christophe, rapporteur à l’Assemblée nationale du texte qui nous est aujourd’hui soumis. La proposition de loi que nous examinons vise à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu. Adoptée par l’Assemblée nationale voilà près d’un an, elle est très attendue des associations, qui espèrent une entrée en vigueur rapide de ses dispositions.

Créés en 2001, le congé de présence parentale (CPP) et l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) sont des dispositifs précieux pour soulager des situations familiales complexes et douloureuses. Ils permettent en effet aux parents d’interrompre leur activité professionnelle tout en bénéficiant d’un revenu afin d’accompagner un enfant dont la dégradation de l’état de santé justifie un accompagnement soutenu. Il peut s’agir d’une pathologie telle qu’un cancer pédiatrique, d’un handicap ou d’un accident particulièrement grave.

Pour bénéficier de ces dispositifs, un certificat médical doit attester de la particulière gravité de l’affection et définir la durée prévisible du traitement. Cette durée est censée déterminer celle des droits au CPP et à l’AJPP, dans la limite de trois ans.

Force est de constater que les conditions de renouvellement de ces dispositifs sont quelque peu déconnectées de la situation médicale de l’enfant. La durée du CPP est ainsi limitée à 310 jours ouvrés de congés, mobilisables sur la période initiale de trois ans, le nombre d’allocations journalières étant également limité à 310.

Des ajustements ont été apportés à ces dispositifs dans la période récente afin d’en renforcer la flexibilité.

Ainsi, la loi du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli a complété les motifs justifiant le renouvellement du CPP et de l’AJPP après la première période de trois ans. Au-delà des cas de rechute ou de récidive, ce renouvellement est de droit en cas de perpétuation de la gravité de l’état de santé. Toutefois, c’est seulement à l’issue de la période initiale de trois ans, et non au sein de cette période, que le renouvellement peut avoir lieu.

En outre, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a ouvert la possibilité pour le salarié, avec l’accord de son employeur, de fractionner le CPP ou de le transformer en période d’activité à temps partiel, afin de mieux concilier l’accompagnement de l’enfant et le maintien d’une activité professionnelle.

Le recours au CPP et à l’AJPP est dynamique : le nombre de bénéficiaires a augmenté de 70 % sur la période allant de 2013 à 2020. Un peu moins de 10 000 familles en ont ainsi bénéficié en 2020. Alors que le montant de l’AJPP était jusqu’ici revalorisé en fonction de l’inflation, il sera désormais revalorisé chaque année en référence au SMIC. Cette disposition, que je salue, résulte de l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement du Gouvernement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Je me félicite également du projet de dématérialisation des attestations mensuelles de l’employeur que le bénéficiaire doit produire tous les mois pour renouveler ses droits à l’AJPP. Ce mode de transmission des informations nécessaires aux caisses d’allocations familiales, prévu d’ici à la fin de l’année 2022, devrait faciliter grandement la vie des allocataires.

J’en viens au contenu de la proposition de loi déposée par le député Paul Christophe. Son article unique ouvre la possibilité de renouveler le CPP et le crédit d’AJPP au-delà de 310 jours sur la période de référence initiale de trois ans. Cette évolution est pleinement justifiée par le souci de mieux tenir compte de la réalité de la pathologie ou du handicap de l’enfant et des soins qu’il requiert.

La possibilité de renouvellement après la période initiale de trois ans, que nous avons votée dans la loi du 8 mars 2019, présente en pratique un intérêt limité. En effet, au bout de trois ans, la plupart des enfants sont généralement soit guéris, soit, malheureusement, décédés. Les dispositions actuelles ne répondent donc pas aux besoins des quelque 600 foyers qui, au cours de la période de référence de trois ans, épuisent leur crédit de 310 jours d’AJPP. Dans le cas de cancers pédiatriques, selon les estimations les plus pessimistes, 30 % des parents bénéficiaires de l’AJPP auraient besoin d’une prolongation du nombre de jours d’allocation.

Le renouvellement des droits au CPP et à l’AJPP envisagé dans la proposition de loi permet ainsi aux parents concernés de mobiliser un crédit maximal de 620 jours sur la période de référence de trois ans, si la santé de leur enfant le requiert.

Une amélioration, capitale au titre du principe d’égalité, aurait néanmoins pu être apportée à la proposition de loi. Il semble en effet indispensable d’étendre aux agents publics le bénéfice de ces nouvelles dispositions. Toutefois, cette extension nécessite une modification des lois statutaires des trois fonctions publiques et du code de la défense. Cette extension constituant une dépense supplémentaire, seul un amendement gouvernemental peut y procéder.

Pour réparer cet oubli, j’ai exposé à la commission une solution de nature à ne pas compromettre l’adoption rapide de la proposition de loi, dans un contexte d’encombrement de l’ordre du jour parlementaire. Ce texte a en effet été adopté voilà déjà près d’un an par l’Assemblée nationale et nombre de foyers ont épuisé leur crédit de 310 jours et ne peuvent le renouveler. Plus l’adoption de la proposition de loi sera retardée, plus nombreux seront les foyers se trouvant dans cette situation.

Dans un premier temps, une adoption conforme de ce texte par notre assemblée garantirait aux familles qui arriveraient en fin de droits dans les semaines prochaines la possibilité de renouveler aussi sereinement que possible leur accès au CPP et à l’AJPP.

Dans un second temps, le Gouvernement pourrait procéder à l’extension du dispositif aux agents publics par amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, dont la discussion s’engage au Sénat dès lundi prochain.

Mes échanges tant avec le rapporteur de l’Assemblée nationale qu’avec le cabinet du secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles me font penser qu’il s’agit de la solution la plus efficace dans l’intérêt des familles concernées. N’oublions pas en effet qu’une commission mixte paritaire sur cette proposition de loi pourrait en reporter l’adoption définitive à la mi-décembre.

Au-delà de cette mesure, des efforts supplémentaires seront nécessaires dans les années à venir afin de permettre au dispositif de mieux répondre aux besoins d’accompagnement de l’enfant. J’identifie, à cet égard, deux enjeux principaux.

Le premier enjeu concerne l’équité parentale : il nous faut réfléchir aux moyens de garantir aux deux parents la possibilité d’accompagner leur enfant. Le parent dont l’emploi est le plus rémunérateur a en effet tendance à maintenir son activité, laissant l’autre parent, bien souvent la mère, interrompre la sienne afin de se consacrer à l’accompagnement de l’enfant. La situation familiale peut s’en trouver durablement affectée, du fait de la dégradation de l’employabilité du parent accompagnant et du sentiment de culpabilité de l’autre parent n’ayant pu accompagner son enfant autant qu’il l’aurait souhaité.

Nous devons ainsi nous interroger sur l’évolution possible des conditions de cumul de l’AJPP entre les deux parents, en les alignant sur celles qui sont aujourd’hui prévues pour l’allocation journalière du proche aidant (AJPA). En effet, deux parents peuvent cumuler, à eux deux, 44 jours d’AJPA par mois. Je forme le vœu qu’il en soit de même à l’avenir pour l’AJPP, dont le bénéfice est aujourd’hui limité à 22 jours par mois pour les deux parents.

Le second enjeu concerne la suppression du plafonnement de l’AJPP. Cette question reste ouverte, dès lors que la prise en charge de certaines pathologies, comme les leucémies ou les tumeurs cérébrales, peut justifier un accompagnement parental dépassant les 620 jours.

En attendant, il nous faut agir dans l’intérêt immédiat des familles. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter sans modification ce texte, qui répond aux attentes des familles et dont nous devons garantir une entrée en vigueur dans les plus brefs délais. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Lassarade.

Mme Florence Lassarade. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, créés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le CPP et l’AJPP permettent aux parents d’accompagner un enfant à charge atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité, lorsqu’ils sont contraints d’interrompre leur activité professionnelle afin d’assurer une présence soutenue auprès de leur enfant. Un salarié peut ainsi bénéficier, au titre du CPP, d’un maximum de 310 jours ouvrés de congé.

Ces dispositifs ont été modifiés à deux reprises afin d’en renforcer la flexibilité et de mieux répondre aux besoins d’accompagnement de l’enfant.

Ainsi, la loi du 8 mars 2019 a permis d’assouplir les conditions de bénéfice du CPP et de l’AJPP en tenant compte de la durée et des conséquences des traitements.

Depuis, ces deux dispositifs permettent d’apporter un soutien aux parents actifs ayant un enfant à charge dont la dégradation de l’état de santé rend indispensables une présence soutenue et des soins contraignants.

L’AJPP s’élève actuellement à 52 euros pour une personne seule et à 44 euros pour une personne en couple. Cette allocation ne peut être versée que 22 jours par mois, ce qui correspond au nombre de jours ouvrés. Ainsi, un bénéficiaire de l’AJPP reçoit en moyenne 780 euros par mois. L’arrêt de l’activité professionnelle peut donc représenter un sacrifice financier non négligeable, en particulier pour les familles monoparentales.

En 2020, un peu moins de 10 000 familles ont bénéficié de l’AJPP, pour un coût total de 97 millions d’euros. Ce nombre est en constante progression – il a augmenté de 6 % en 2019 –, ce qui traduit sans doute une meilleure information des personnes concernées.

La possibilité de renouveler les droits au CPP et à l’AJPP est déjà ouverte aux cas de rechute ou de récidive.

À l’issue des trois premières années, une nouvelle période de trois ans peut être ouverte, le nombre de jours de CPP et d’AJPP pouvant atteindre un maximum de 310 dans ces deux hypothèses. Par ailleurs, la durée du congé de présence parentale est prise en compte en totalité, et non plus pour moitié, dans la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté dans l’entreprise.

Les organismes débiteurs des prestations familiales ont des obligations d’information sur les critères et les conditions d’attribution de l’AJPP, ainsi que sur les modalités de demande de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), dont la prestation de base est cumulable avec l’AJPP, et de la prestation de compensation du handicap (PCH).

Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a prévu la possibilité de fractionner le CPP et de le rendre compatible avec une activité professionnelle à temps partiel.

Actuellement, le CPP et l’AJPP permettent de répondre à la plupart des besoins, puisque le taux de consommation moyen de l’AJPP est de 173 jours, soit un niveau nettement inférieur au plafond en vigueur.

Cependant, 6 % des bénéficiaires de l’AJPP, soit environ 600 personnes, utilisent entièrement leurs droits, ce qui laisse à penser que le dispositif n’est pas suffisant pour eux. Il est donc proposé d’apporter une réponse appropriée à ces familles, qui ont besoin de plus de 310 jours sur les trois premières années.

Dans le texte initial de la proposition de loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli de Mme Nathalie Elimas, il était déjà prévu d’apporter une réponse à ce problème en supprimant le plafond de 310 jours en cas de cancer pédiatrique. Malheureusement, l’amendement gouvernemental adopté lors de la discussion à l’Assemblée nationale a simplement permis d’étendre les possibilités de réouverture des droits au CPP et à l’AJPP à l’issue de la période initiale des trois ans, non pas d’allonger la durée des droits au cours de la période initiale de trois ans.

Aussi le droit actuel n’est-il pas pleinement satisfaisant, car il existe des situations nécessitant un accompagnement long et continu de l’enfant au-delà de 310 jours au cours des trois premières années de la maladie, comme dans le cas des cancers pédiatriques.

L’article unique de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui répond à ces situations. Il prévoit la possibilité de renouveler une fois la durée maximale du CPP et de l’AJPP avant la fin de la troisième année suivant l’ouverture des droits.

Ce renouvellement sera possible avant la fin du terme initialement fixé et conditionné à la délivrance d’un nouveau certificat médical établi par le médecin qui suit l’enfant, qui attestera le caractère indispensable de la poursuite des soins contraignants et d’une présence soutenue au regard de la pathologie ou du besoin d’accompagnement de l’enfant.

Cette mesure sera soumise à un accord explicite du service du contrôle médical. Par conséquent, un parent ayant utilisé les 310 jours de son CPP et de l’AJPP pourra bénéficier de manière continue de deux fois plus de jours pour poursuivre l’accompagnement de son enfant, soit un total de 620 jours.

Le coût de ce dispositif devrait s’élever à 6,2 millions d’euros par an. Il permettra de faire passer de quatorze à vingt-huit mois la durée continue maximale du CPP et de l’AJPP à temps plein. Un parent pourra ainsi bénéficier en continu de 620 jours de CPP et d’AJPP. Ces nouveaux droits pourront être consommés au cours d’une nouvelle période de trois ans.

Le groupe Les Républicains est favorable à cette mesure, qui renforce le soutien aux familles qui traversent une épreuve si difficile. Il soutiendra ce texte, dont je salue l’initiative. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires accueille favorablement ce texte, qui permettra de mieux répondre aux besoins des familles confrontées à des situations exigeant un accompagnement soutenu d’un enfant malade et ayant épuisé les droits aux allocations journalières et aux jours de congés afférents.

Notre groupe n’a pas déposé d’amendement afin que ce texte soit adopté conforme et qu’il entre en vigueur le plus rapidement possible.

Cette proposition de loi fait suite à un processus d’évaluation rigoureux de la loi du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli, qui a mis en lumière les limites du dispositif. Elle a pour objectif de mieux couvrir les besoins non satisfaits de parents en souffrance, auxquels on a quelquefois tenté de répondre par la solidarité entre salariés, ce qui ne pouvait raisonnablement se substituer à une majoration du dispositif.

Actuellement, cela a été rappelé, les parents peuvent bénéficier au maximum de 310 jours de congé de présence parentale et d’allocations journalières de présence parentale, dans la limite d’une durée de trois ans.

Le texte permet de renouveler le versement de l’allocation durant un maximum de 310 jours au cours d’une nouvelle période de trois ans, sans attendre la fin du terme de la première période de trois ans, ce qui ouvre le droit à un congé de présence parentale et à l’allocation journalière de présence parentale correspondante pour une durée portée à 620 jours.

Même si nous n’avons pas déposé d’amendement, nous tenons à soulever quelques points qui méritent vigilance.

Tout d’abord, les parents ne doivent pas être contraints de recourir à la prolongation du dispositif faute de réponses institutionnelles de qualité.

Ensuite, vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, un effort d’information devra accompagner la loi pour éviter le non-recours, faute de connaissance du dispositif. Il semble qu’une partie de l’augmentation du nombre d’allocataires ces dernières années résulte d’une meilleure connaissance de ces droits.

Enfin, et peut-être surtout, nous devons nous interroger sur les effets de ces dispositifs sur l’égalité entre les femmes et les hommes, plutôt sur l’inégalité constatée ici encore. En effet, comme le souligne la commission, si les congés peuvent être pris par les deux parents, dans les faits, c’est le parent dont l’emploi est le plus rémunérateur qui se maintient en général en activité, laissant l’autre parent – bien souvent la mère – interrompre son activité afin de se consacrer à l’accompagnement de l’enfant : 92 % des CPP sont pris par des femmes !

Nous devons nous interroger sur ce fort déséquilibre, à l’origine d’un cercle vicieux. Ces longs congés – 620 jours – ont en effet des conséquences sur le parcours professionnel. À l’instar des congés parentaux, ils présentent le risque sensible d’éloigner du maintien dans l’emploi celles qui le prennent et de peser sur leur retraite plus tard.

Ici encore ce partage inégal est l’une des conséquences des inégalités salariales et professionnelles entre les femmes et les hommes. Rappelons que depuis hier, le 3 novembre, les femmes ont en quelque sorte cessé d’être rémunérées et qu’elles ne le seront plus jusqu’au 31 décembre prochain. Cette date matérialise l’écart salarial entre les hommes et les femmes, elle est en quelque sorte le jour du dépassement de l’égalité.

Pour améliorer le dispositif, il faudrait mettre fin à l’allocation forfaitaire et instaurer un véritable revenu de remplacement permettant d’ouvrir le choix aux deux parents – le père est aussi volontaire – d’accompagner leur enfant.

Cette loi fait avancer la société, mais nous devons parallèlement rendre effective l’égalité salariale, si nous voulons dépasser l’impuissance devant le constat d’un congé pris uniquement par les mères, renforçant la persistance de rôles parentaux différenciés. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER, CRCE et RDSE.)