compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Corinne Imbert,

M. Dominique Théophile.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au respect du temps de parole.

gestion des ehpad

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Jean-Marie Janssens applaudit également.)

M. Christian Bilhac. Les actes de maltraitance dénoncés par les soignants, les familles et, plus récemment, par Victor Castanet sur ces marchands de sommeil que sont les groupes Orpea et Korian ne sont pas nouveaux.

Il est temps d’encadrer et de sanctionner ces groupes recevant des financements publics, pour qui impunité rime avec maltraitance. Oui, il ne faut jamais oublier que nous tous, ici présents dans cet hémicycle, avons pour unique destinée de devenir vieux – si ce n’est de mourir jeunes…

Il existe heureusement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) exemplaires, gérés par des collectivités territoriales pour qui la santé et le bien-être des personnes âgées sont une priorité. Depuis de nombreuses années, ils réclament plus de moyens, mais également une reconnaissance du travail accompli en faveur du maintien de l’autonomie.

Par ailleurs, selon un rapport de la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), le taux de sinistralité est plus élevé en Ehpad que dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). La crise sanitaire n’a rien arrangé : aujourd’hui, la quasi-totalité des établissements fonctionne en sous-effectif.

Malgré ces difficultés, les responsables de ces structures, élus et personnels, font le maximum pour satisfaire les besoins de leurs pensionnaires et chercher des solutions. Par exemple, chez moi, en cœur d’Hérault, ils veulent innover en mutualisant les coûts au sein d’un syndicat intercommunal à vocations multiples (Sivom) pour constituer un pôle gérontologique territorial. Cela semble frappé au coin du bon sens. C’est sans compter l’administration, plus particulièrement la direction générale des finances publiques, qui veille ! Elle invoque l’article L. 315-7 du code de l’action sociale et des familles, qui, selon son interprétation, interdit à un Sivom de gérer un Ehpad. Pourtant, 250 Sivom détiennent cette compétence en France.

Quand le Gouvernement comprendra-t-il enfin que les normes administratives pointilleuses n’améliorent pas le bonheur des résidents dans un pays où des marchands de sommeil maltraitent nos aînés au quotidien ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de lautonomie. Monsieur le sénateur Christian Bilhac, vous évoquez l’offre publique d’hébergement destinée aux personnes âgées. Je partage la volonté que vous exprimez. Nous nous employons d’ailleurs à agir en ce sens depuis près de trois ans.

Près de la moitié de l’offre nationale en Ehpad est gérée par le secteur public hospitalier ou territorial. Il est donc possible que les collectivités assurent cette gestion, notamment via l’offre consacrée en pôle gérontologique que vous avez citée. Je m’engage à veiller à lever l’obstacle dont vous faites mention, car il va à l’encontre de l’offre que nous essayons de créer dans les territoires.

Comme vous l’avez souligné, l’ensemble du secteur de soutien à l’autonomie fait face à un challenge majeur. Notre société se transforme en société de la longévité, et les besoins d’accompagnement vont croissant.

Dans le même temps, nos concitoyens en perte d’autonomie veulent rester à domicile et nous le disent. Le Gouvernement a fait de cette aspiration sa priorité et j’ai tenu, en son nom, à renforcer structurellement l’offre de soutien à domicile. Cette démarche est particulièrement engagée, je le rappelle, à travers la cinquième branche que nous avons créée et que nous finançons, qui réforme structurellement ce secteur.

Toutefois, nous avons aussi besoin de transformer en profondeur les Ehpad. C’est pourquoi nous avons engagé le Ségur de l’investissement à hauteur de 2,1 milliards d’euros. Ce montant pourrait paraître faible – je l’entends dire parfois –, mais il entraîne un effet levier permettant en réalité de déployer en ce moment 20 milliards d’euros sur le territoire national, pour rénover l’offre publique et l’offre associative.

Il est très important de le dire, car cela représente quelque chose dans les territoires, dont les soignants sont très demandeurs. Il faut remettre tous ces éléments à plat lorsque nous évoquons ce sujet.

Je vous remercie d’ailleurs, monsieur le sénateur, d’avoir salué le travail important mené par les soignants de ces établissements, ainsi que les trésors d’ingéniosité qu’ils ont parfois déployés pour tenir bon ces dernières années. Je répondrai plus précisément ultérieurement sur la levée de l’obstacle dont vous avez parlé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

bilan de la politique du gouvernement en matière de logement

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)

M. Guy Benarroche. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée du logement.

La Fondation Abbé Pierre vient de remettre son vingt-septième rapport sur l’état du mal-logement en France, évaluant à près de 4,1 millions le nombre de mal-logés et qualifiant le logement de « parent pauvre du quinquennat ».

Le bilan du président-candidat apparaît de plus en plus comme, au mieux décevant, au pire catastrophique. Ce quinquennat aura été marqué par une politique engendrant une hausse de la pauvreté et des inégalités, et par une production de logements sociaux à son plus bas niveau depuis quinze ans.

Le logement est un déterminant majeur de l’équilibre des ménages : pour leur budget, leur vie privée, leur santé et leur bien-vivre. Pourtant, nous voici à quelques heures du vote du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 3DS, qui marquera le renoncement à l’esprit de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Aussi, madame la ministre, alors que les préfets n’utilisent pas leurs prérogatives face à certains maires toujours récalcitrants et, comme pour les éoliennes, hérauts du « pas chez moi », comment voyez-vous la future application du volet SRU du projet de loi 3DS ? Comment justifiez-vous le manque de réponse apportée aux Français souffrant du mal-logement et supportant un coût du logement de plus en plus important pour leur pouvoir d’achat ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Guy Benarroche, contrairement à ce que vous affirmez, ce quinquennat est celui d’une politique du logement volontariste, dont nous sommes fiers (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et Les Républicains.) et qui compte trois grandes réussites à son actif.

La première réussite est celle de tous les progrès réalisés en matière de mise à l’abri et d’hébergement d’urgence. La Fondation Abbé Pierre elle-même le reconnaît.

Les crédits dédiés à l’hébergement et à l’accompagnement vers le logement ont augmenté de un milliard d’euros entre 2017 et 2022. Nous avons ouvert 200 000 places d’hébergement d’urgence, que nous ne fermons plus pendant la période estivale. De plus, 330 000 personnes qui étaient à la rue ou en hébergement d’urgence ont accédé à un vrai logement.

La deuxième réussite de ce quinquennat, c’est la révolution de la rénovation énergétique. (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et Les Républicains.) Ce quinquennat sera un grand quinquennat énergétique, œuvrant pour l’efficacité écologique dans le domaine du logement. (Mêmes mouvements.)

Cela passe par la réglementation environnementale sur le bâtiment, la RE2020, qui fait de nous l’un des pays pionniers dans ce domaine, ainsi que par le dispositif MaPrimeRénov’, dont nous allons bientôt fêter le millionième dossier.

Ce quinquennat est également celui de la reprise de la construction. (Nouvelles exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE, ainsi que sur les travées du groupe Les Républicains.) Il s’achève sur un nombre plus important de permis de construire que le quinquennat précédent. Avec un total de 2,2 millions de licences, nous aurons octroyé plus de permis de construire dans ce quinquennat que dans le quinquennat précédent, durant lequel seuls 470 000 permis avaient été accordés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Une sénatrice du groupe Les Républicains. Ce n’est pas grâce à vous !

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. S’agissant du logement social, la majorité a choisi de prolonger et de pérenniser la loi SRU. Cette majorité a toujours soutenu cette loi ainsi que la mixité sociale. (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.) Vous voterez le projet de loi 3DS un peu plus tard dans l’après-midi.

M. Hussein Bourgi. Et la baisse des APL (aides personnalisées au logement) ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. J’aimerais que les élus écologistes de Strasbourg et de Grenoble octroient des permis de construire pour le logement social. J’aimerais qu’à Marseille nous ayons plus de permis de construire pour le logement social.

Nous avons octroyé plus de permis au logement très social dans cette mandature que dans la précédente. La loi SRU nous permettra de continuer dans cette voie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.

M. Guy Benarroche. Ce qui est marquant, c’est le décalage entre vos annonces et vos actes. J’en citerai deux exemples : les cinq euros grattés sur les APL, qui ont eu les conséquences que vous connaissez sur la vie d’un certain nombre de personnes, pour générer une économie de un milliard d’euros pour l’État, et l’extinction de l’APL accession.

Les aides publiques au logement sont au plus bas depuis dix ans, madame la ministre, alors que les recettes fiscales que rapporte le logement à l’État ont plus que doublé.

Madame la ministre, où est le ruissellement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. Hussein Bourgi. Il n’y en a pas !

M. Guy Benarroche. Ce que vous annonciez comme une véritable lutte contre le séparatisme et l’assignation à résidence, qui passait, selon vos dires, par une modification et une meilleure application de la loi SRU, finit par un texte qui affadit cette même loi.

Madame la ministre, construction et rénovation devaient être les deux mamelles de votre politique du logement. Vos actes montrent que vous les avez abandonnées en rase campagne ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

situation entre la russie et l’ukraine et conséquences énergétiques dans l’union européenne

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Les tensions s’accumulent à l’Est depuis plusieurs semaines. Le Président de la République s’est rendu à Moscou, puis à Kiev. Il a tenté de maintenir le dialogue et de rechercher une solution politique.

Je crois que c’est l’honneur de notre diplomatie et de notre Président que de chercher la désescalade.

Nous serons bien évidemment satisfaits de connaître les derniers éléments d’information sur la crise en cours, à l’issue de ces rencontres.

En cas de guerre, le président Biden a d’ores et déjà affirmé que le gazoduc Nord Stream 2 n’existerait plus. La guerre entraînerait nécessairement une rupture d’approvisionnement.

Cependant, même en l’absence de guerre, le seul climat de tension a des conséquences graves pour tous les Français. La menace de conflit a d’ores et déjà contribué à augmenter significativement le prix du gaz. Bien plus, l’Europe s’est placée dans une situation de dépendance à l’égard du gaz russe. Gazprom représente plus d’un tiers des importations de gaz du continent et 55 % de celles de l’Allemagne.

L’Europe a besoin du gaz russe. Cependant, au regard des tensions actuelles, nous devons nous préparer à nous en passer.

Ma question est donc très simple : quelles mesures sont envisagées pour assurer l’autonomie énergétique de la France et de l’Europe vis-à-vis de la Russie ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Laurent Duplomb sexclame.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Emmanuel Capus, vous faites référence à une situation très préoccupante et très grave. Je vous remercie d’avoir salué les efforts diplomatiques de la France et du Président de la République. Ces efforts s’inscrivent évidemment dans un cadre européen, celui de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, et dans le cadre de l’unité occidentale que nous devons réaffirmer.

Les visites de lundi et mardi à Moscou et à Kiev constituent un élément important de nos tentatives de stabilisation de la situation – nous devons nous montrer prudents, mais notons de premiers signaux positifs. Nous espérons parvenir à une désescalade dans les prochaines semaines. Nous avons en tout cas ce chemin d’espérance.

Vous posez une question concrète sur l’aspect énergétique de cette crise : il est essentiel. Si un dérapage se produisait ou si une situation de guerre survenait – ce que nous souhaitons éviter et avons les moyens de faire, mais il nous faut néanmoins nous préparer à tout –, des sanctions très fortes seraient prononcées. Les vingt-sept pays de l’Union européenne l’ont dit dès le mois de décembre dernier : il s’agirait, pour reprendre leurs termes, d’un paquet massif de réponses à cette situation d’agression territoriale.

Nous le préparons. Vous me pardonnerez de ne pas pouvoir détailler un menu d’options, car cela fait partie de notre crédibilité que d’être généraux sur ce point. Nous préparons en tout cas des sanctions importantes.

S’agissant de l’énergie, si des sanctions devaient être prises, nous ferons en sorte de préserver le plus possible nos intérêts européens.

Par ailleurs, nous avons des stocks européens. En France, je le dis très clairement, nous disposons de stocks de gaz suffisants pour cet hiver.

Enfin, cette crise étant aussi une crise de la dépendance, nous devons évidemment réduire notre dépendance européenne à l’égard du gaz russe. Celle de la France est bien moins forte que celle de ses voisins, mais, collectivement, comme vous l’avez rappelé, un peu plus de 40 % des importations européennes viennent de Russie, dont 30 % passent par un gazoduc traversant l’Ukraine.

Nous devons améliorer les capacités européennes de stockage et, plus largement, même si cela prendra du temps, accélérer notre transition énergétique à l’échelon européen.

Cette crise est une crise de la dépendance aux énergies fossiles, et de la dépendance envers un pays en particulier.

Je veux mentionner une dernière initiative, à effet plus rapide, sur ce sujet. Nous travaillons avec les États-Unis et plusieurs partenaires internationaux à la diversification de nos approvisionnements, dans l’attente de la transition énergétique.

Tels sont les éléments que je pouvais apporter aujourd’hui, en espérant bien sûr…

M. le président. Il faut conclure.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat. … que cela reste une situation hypothétique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour la réplique.

M. Emmanuel Capus. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Je partage l’analyse selon laquelle notre souveraineté dépend de notre indépendance énergétique.

Nous sommes peut-être mieux placés que l’Allemagne dans ce domaine, parce que nous avons le nucléaire et que nous avons engagé des réformes sur le développement de l’hydrogène et des énergies renouvelables, mais nous devons maintenir cette indépendance énergétique ensemble. La crise ukrainienne nous en démontre la nécessité. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean-Marie Janssens applaudit également.)

enseignement des mathématiques

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Longuet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, absent au rapport. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

À l’occasion d’une réforme du baccalauréat, qui n’est pas sans intérêt, le ministre Blanquer a découvert une vieille loi humaine que les parents et les professeurs maîtrisent parfaitement et que les élèves appliquent : la loi du moindre effort. (Nouvelles exclamations amusées sur les mêmes travées.)

À partir du moment où, pour les carrières scientifiques, les mathématiques n’étaient plus obligatoires, il était nécessaire pour les élèves de ne pas prendre le risque de cette matière qui demande des efforts et des compétences.

À tout pécheur miséricorde – je le dis même dans une enceinte laïque comme la nôtre (Sourires) –, le ministre Blanquer a fait machine arrière.

Cependant, il ne s’attaque pas au vrai problème de la dégradation de l’enseignement des mathématiques dans notre pays, tel qu’il a été établi par la commission des finances à partir de trois réalités sur lesquelles je souhaite obtenir un début de réponse.

Premièrement, les professeurs des écoles sont à 80 % issus des filières littéraires. Ils ne sont pas à l’aise dans cette discipline.

Deuxièmement, nous peinons à recruter des professeurs de mathématiques dans les collèges et les lycées, faute d’un vivier d’étudiants suffisant, du fait de la forte concurrence exercée par les carrières d’ingénieurs et d’informaticiens. Le Gouvernement n’ose pas s’attaquer à ce problème. Quand on veut la qualité, il faut la payer !

Troisièmement, cerise sur le gâteau, vous avez développé un système de sélection pour les lycées et les classes préparatoires – peut-être même, demain, pour les grandes écoles – qui repose non pas sur la qualité intellectuelle, le mérite scolaire et les résultats, mais sur un ensemble de critères propres à décourager tout bon lycéen. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de lengagement. Monsieur le sénateur Longuet, ce qui est certain, c’est que les mathématiques sont absolument essentielles. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Elles sont essentielles dans la vie de chaque citoyen. Nous partageons cette idée, mesdames, messieurs les sénateurs. Elles sont essentielles pour l’avenir scientifique de notre pays, pour notre technologie comme pour notre industrie. Sur ce point, nous sommes bien d’accord.

Les mathématiques vivent depuis trop longtemps un déclin dans notre pays. C’est pourquoi Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, a pris ce problème à bras-le-corps dès son arrivée. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Sa volonté est d’augmenter le niveau général des élèves et d’approfondir les études scientifiques.

Monsieur le sénateur, vous m’avez posé une question très claire : comment ?

Cela passe d’abord par le plan mathématiques 2018-2022, qui a été lancé dès 2018, puis étendu, avec une formation continue des professeurs, des référents mathématiques, des guides et des ressources, ainsi qu’un programme clarifié de la maternelle jusqu’en sixième.

Les évaluations nationales permettent ensuite d’avoir une idée très précise du niveau. Il ne faut en effet pas mettre la poussière sous le tapis.

Citons également les classes dédoublées, que vous connaissez.

C’est un long chemin qui est engagé, c’est vrai. Dans ce long chemin, monsieur le sénateur, le nombre d’heures consacrées aux mathématiques a été augmenté à l’occasion de la réforme du lycée. En effet, lorsque l’on choisit la spécialité mathématiques, le nombre d’heures consacrées à cette matière passe de huit à neuf par semaine.

En réalité, les élèves sont un peu plus nombreux, car ils sont plus de 51 000 à choisir cette option, contre 49 000 auparavant.

Pour aller chercher ce goût, cette passion, cet engagement pour les mathématiques, il y a en outre une nouveauté : les licences sciences et humanités, qui visent à recréer de l’attractivité pour le monde scientifique et les mathématiques.

Monsieur le sénateur, vous le savez, le ministère reste également très ouvert à des aménagements futurs. Des consultations sont lancées. L’objectif est là : accompagner les élèves, accompagner les forces vives de notre pays en renforçant l’enseignement des mathématiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Un sénateur du groupe Les Républicains. Bla-bla-bla…

vente de protoxyde d’azote sur internet

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Stéphane Demilly. L’usage détourné du protoxyde d’azote, connu sous le nom de gaz hilarant, est un phénomène identifié depuis des années.

Cependant, depuis quelques mois, cet usage connaît une recrudescence exponentielle, notamment chez les jeunes, y compris et surtout chez les mineurs. Il faut dire qu’il est très facile de s’en procurer sur internet, et ce sans aucun contrôle !

Faites le test sur des sites d’achat en ligne, y compris les plus connus, et vous constaterez avec quelle facilité on peut se procurer des cartouches de protoxyde d’azote pour quelques dizaines d’euros.

C’est d’une simplicité déconcertante. Cette facilité d’acquisition contraste d’ailleurs avec les complications physiques que ces inhalations peuvent engendrer.

Une récente étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui constate une augmentation de près de 200 % de la consommation de ce produit en une année, nous alerte sur les troubles constatés chez les consommateurs réguliers : troubles neurologiques, troubles hématologiques, troubles psychiatriques et troubles cardiaques, sans compter les potentiels déficits moteurs ou les risques immédiats comme l’asphyxie, la perte de connaissance, les brûlures causées par ce gaz froid ou encore les vertiges et les chutes.

Les signalements de cas graves par les centres d’addictologie sont inflationnistes.

Une loi tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote a été promulguée au mois de juin dernier, et je remercie mes collègues Valérie Létard, au Sénat, et Valérie Six, à l’Assemblée nationale, de l’avoir défendue.

M. Stéphane Demilly. Ce texte interdit de vendre ou d’offrir à un mineur du protoxyde d’azote, sous peine d’une amende de 3 750 euros. Ce nouvel arsenal législatif n’endigue malheureusement pas la vente sur internet, comme je vous l’ai dit.

La loi française ne peut pas encadrer la commercialisation de produits de consommation courante sur des sites internet étrangers.

De plus, à ce jour, les décrets d’application prévoyant l’encadrement des volumes de vente ne sont toujours pas publiés. Sans ces décrets, la loi ne peut pas produire ses effets !

Face à cette recrudescence de la consommation de protoxyde d’azote et face à la gravité des dommages physiques observés, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour mieux encadrer la vente de ces produits dangereux sur internet ? (MM. Laurent Lafon et Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’évoquer une fois encore ce sujet.

L’étude de l’Anses du mois de novembre dernier que vous avez citée a confirmé les tendances alarmantes que nous connaissions déjà : la hausse des cas de mésusage du protoxyde d’azote, leurs effets toxiques, notamment neurologiques, ainsi que la méconnaissance de ces effets chez les jeunes et les mineurs.

En parler et mener des campagnes de prévention sur ce sujet, comme cela est d’ailleurs prévu dans la loi de la sénatrice Valérie Létard que vous avez mentionnée, fait partie des politiques publiques que nous construisons pour sensibiliser les jeunes et les mineurs aux dangers associés à ces produits. Une augmentation de ces usages chez les mineurs est également constatée.

La loi de Valérie Létard, promulguée le 1er juin 2021, comporte l’interdiction de la vente de protoxyde d’azote aux mineurs, mais aussi aux majeurs dans un certain nombre de lieux où nous savons que la consommation de ce produit est abondante – bars, discothèques, bureaux de tabac – au-delà de quantités raisonnables, c’est-à-dire quand cela laisse à penser qu’un détournement de son usage est probable.

Cette loi dispose également l’interdiction de la vente des dispositifs destinés à l’usage de protoxyde d’azote, ainsi qu’un délit d’incitation à la consommation pour les mineurs, puni de 15 000 euros d’amende, ou encore l’obligation pour les industriels d’indiquer la dangerosité de cet usage sur l’ensemble des contenants.

S’agissant des quantités accessibles, mais aussi des mentions de cette dangerosité, des textes réglementaires – un décret et un arrêté – sont en attente de publication. Ils ont fait l’objet d’un travail interministériel important mené par le ministère des solidarités et de la santé, le ministère de l’intérieur et le ministère de l’économie, des finances et de la relance. L’objectif du Gouvernement est de ne pas voir ces textes « retoqués » par l’Union européenne. Il faut que nous soyons en mesure de prouver de façon évidente le caractère nécessaire, non discriminatoire et proportionné des mesures prises.

Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que ces textes réglementaires et cette loi ont été notifiés hier à la Commission européenne. (Mme Valérie Létard sen étonne.) Oui, hier même !