Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Lozach. À nos yeux, l’amendement concernant le port de signes religieux n’a rien à faire dans ce texte.

S’il est possible de pointer certaines faiblesses, certains manques ou certaines insuffisances de la proposition de loi que nous examinons et de la critiquer, il s’agit d’un texte à visée globale, qu’on le veuille ou non. Il concerne l’ensemble de la problématique sportive, laquelle est tout de même très complexe ! Elle est multiforme, recouvre des pratiques très diverses, des intérêts parfois contradictoires, et connaît parfois des dérives.

N’aborder cette problématique hypercomplexe que par un seul sujet, celui du port de signes religieux ostensibles, constitue une approche pour le moins réductrice et parcellaire ; en l’occurrence, elle est partisane, car très idéologique.

Le contexte l’emporte sur le texte. D’ailleurs, ici, tout le monde le pense, j’en suis sûr, et tout le monde le sait ! Il est évident que, si ce texte avait été examiné en début de quinquennat, les choses se seraient passées très différemment. (Marques de scepticisme sur différentes travées.) Bien sûr, c’est évident pour tout le monde !

Faisons confiance à la vision intégratrice du sport, en particulier à ceux qui, tous les jours – au moment même où nous parlons –, mettent véritablement cette vision en pratique, et dont 95 % sont des bénévoles.

En formulant ces remarques, j’ai vraiment le sentiment d’être aussi un ardent défenseur du sport de la République, de la laïcité et de ses principes, du sport en général et du sport féminin en particulier. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.

Mme Jocelyne Guidez. Je ne pense pas être sectaire. Ce serait malvenu de ma part, puisque, dans ma famille, toutes les religions sont représentées.

J’évoquerai une expérience personnelle. J’ai entraîné les jeunes filles, cadettes et seniors, au basket-ball. Malheureusement, j’ai vu une évolution qui ne va pas dans le bon sens : les jeunes filles sont désormais couvertes des pieds à la tête et refusent d’aller se doucher, car leurs frères leur interdisent de le faire.

M. Laurent Burgoa. Voilà ! Absolument !

Mme Jocelyne Guidez. Je voterai donc cette motion tendant à opposer la question préalable, avec mon groupe, car je pense qu’il faut que cela s’arrête. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne peux pas accepter ce mouvement, qui, je le répète, ne va pas dans le bon sens.

Je suis quelqu’un de sportif, j’ai entraîné des jeunes jusqu’en 2012 – ce n’est donc pas si vieux que cela. J’ai constaté cette évolution malheureuse. Il faut comprendre les raisons de notre réticence.

Je veux que ces jeunes filles aient la liberté de choisir. Cette liberté, elles ne l’ont pas aujourd’hui ! Il faut arrêter de dire le contraire, car ce n’est pas vrai ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.) Leurs frères sont sur leur dos et ce sont eux qui les dirigent.

Pour tout vous dire, au bout d’un moment, comme une certaine gêne se manifestait entre les filles qui jouaient en short et celles qui étaient couvertes des pieds à la tête, ces dernières ne sont même plus venues jouer. Nous ne les avons plus vues. Nous avons perdu ces jeunes filles !

M. Laurent Burgoa. C’est vrai !

Mme Jocelyne Guidez. Je voterai donc cette motion avec grand plaisir. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Savin, rapporteur. Je remercie tout d’abord Jocelyne Guidez de son témoignage, qui résume parfaitement la situation que nous rencontrons sur les terrains de sport, situation qui ne fera que s’amplifier si rien n’est fait pour l’empêcher. Son expérience résume la totalité du sujet que nous avons traité.

Madame la ministre, si nous n’avons pas voté certains dispositifs relatifs au sport-santé, c’est parce qu’à nos yeux le sport sur ordonnance vaut pour les maladies. Or la perte d’autonomie n’est pas une maladie.

Si nous n’avons pas non plus voulu de dispositions aussi larges que celles que vous proposiez, c’est parce qu’aucun financement de la sécurité sociale n’est prévu ! En d’autres termes, ceux qui peuvent se payer des cours d’APA en profitent, et pas les autres.

Les associations qui dispensent des cours d’activités physiques adaptées sur prescription que nous avons rencontrées nous ont ainsi dit qu’une partie du public ne pouvait pas suivre ces cours faute de disposer des moyens financiers nécessaires. C’est votre conception, ce n’est pas la nôtre.

Enfin, beaucoup d’intervenants ont relié de nouveau ce sujet au calendrier électoral. Je veux le redire ici : non, chers collègues. Nous avons eu ce débat il y a plusieurs mois lors de l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République et nous n’étions pas dans une période électorale.

Nous avons des convictions et nous voulons les défendre jusqu’au bout. Respectez-le !

M. Jean-Raymond Hugonet. Bien sûr ! Très bien !

M. Michel Savin, rapporteur. Ne mettez pas en avant le calendrier électoral.

Nous avons une vision – le témoignage de notre collègue Jocelyne Guidez l’a illustrée – pour protéger le sport en France et la laïcité dans le sport.

Par votre refus de voter cet amendement, vous faites peser la responsabilité des prises de décision sur les fédérations. Certaines fédérations sportives ont pris la décision de refuser le port de signes religieux. C’est le cas de la fédération française de football, qui se retrouve devant le Conseil d’État. D’autres fédérations, pour des raisons qui leur appartiennent, l’accepteront peut-être.

M. Michel Savin, rapporteur. Nous nous retrouverons donc avec une France dans laquelle certains sports autoriseront le port de signes religieux ostensibles, quand d’autres l’interdiront. Voilà la vision que vous avez de la pratique du sport en France. Ce n’est pas la nôtre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 7, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 101 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l’adoption 208
Contre 129

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France est rejetée.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Question préalable (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à démocratiser le sport en France
 

7

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

8

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement
Discussion générale (suite)

Renforcement du droit à l’avortement

Rejet en nouvelle lecture d’une proposition de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement
Question préalable (début)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer le droit à l’avortement (proposition n° 481, résultat des travaux de la commission n° 494, rapport n° 493).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de lautonomie. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis pour l’examen en nouvelle lecture de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement. Cet examen sera probablement bref, à l’image des lectures précédentes, car une motion tendant à opposer la question préalable a été déposée par votre commission des affaires sociales.

Nous avons eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises, y compris récemment, si ce n’est sur le fond du texte, à tout le moins sur le sujet important du droit à l’avortement.

Permettez-moi de rappeler en quelques mots l’impérieuse nécessité qui s’impose à nous de défendre sans relâche le droit essentiel à l’avortement et les actions du Gouvernement en ce sens.

Nous avons en effet constaté à plusieurs reprises ces derniers mois que ce droit chèrement acquis était loin d’être garanti et pouvait rapidement être remis en cause par ses opposants, de manière plus ou moins explicite ou, au contraire, insidieuse.

Je souhaite à ce titre réaffirmer l’engagement plein et entier du Gouvernement à défendre sans relâche le droit des femmes à avorter en toute sécurité et dans le respect de leur choix, éclairé par un accès à des informations fiables et objectives, et au plus près de leur lieu de vie.

Tout au long de la crise sanitaire, nous avons pris des mesures spécifiques pour nous assurer que les droits sexuels et reproductifs soient garantis et que le droit inaliénable à l’avortement soit pleinement effectif, malgré les circonstances.

Le ministère des solidarités et de la santé a par ailleurs porté haut et fort l’exigence de renforcer sans cesse l’accès à l’offre d’interruption volontaire de grossesse (IVG) en tout point du territoire, afin de ne laisser aucune femme sans possibilité d’exercer son droit.

Je rappelle à ce titre plusieurs avancées fortes en la matière, avec l’augmentation des délais pour réaliser une IVG médicamenteuse en ville jusqu’à sept semaines de grossesse, avec la faculté, en fonction du choix et de l’état de santé des femmes, de recourir à la téléconsultation.

Cette mesure, prise dans le cadre de la crise sanitaire, sera très prochainement pérennisée, sur le fondement des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) d’avril 2021. Le décret nécessaire à cette évolution vient d’être examiné par le Conseil d’État et sera publié dans les tout prochains jours.

Les IVG instrumentales en centres de santé peuvent désormais être mises en œuvre, le décret en précisant les conditions ayant été publié au mois d’avril dernier. Cette avancée contribuera à améliorer le maillage en établissements pratiquant l’IVG, donc l’accès effectif à l’avortement dans l’ensemble du territoire.

L’expérimentation pour la réalisation des IVG instrumentales par les sages-femmes en établissement de santé a par ailleurs été lancée par la publication des textes d’application au mois de décembre dernier.

Cette démarche doit conduire à la sélection d’une cinquantaine d’équipes et au démarrage des tout premiers projets d’ici à la mi-2022. Elle constitue une étape importante pour poser les bases d’une pratique qui facilitera l’organisation des équipes hospitalières pour répondre aux demandes d’IVG et apportera aux femmes un nouvel interlocuteur possible dans leur parcours d’IVG.

Enfin, avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, le tiers payant intégral obligatoire est dorénavant prévu pour toutes les femmes sur les dépenses prises en charge par l’assurance maladie obligatoire, soit 100 % des frais liés à l’IVG, dans le cadre de forfaits de prise en charge. À ce tiers payant s’ajoute la garantie du respect du secret sur la prise en charge de ces frais pour toutes les femmes.

Permettez-moi aussi d’évoquer ces questions essentielles que sont l’information, l’éducation à la vie affective et la promotion de la santé sexuelle.

La feuille de route 2021-2024 de déclinaison de la stratégie nationale de santé sexuelle publiée le 1er décembre dernier comprend, à ce titre, des actions concrètes pour renforcer la promotion, l’information et l’éducation à la santé sexuelle.

Elle réaffirme également la nécessité d’une offre en santé sexuelle lisible, accessible et en proximité des lieux de vie, avec une action dédiée au renforcement de l’accès à l’IVG pour conforter l’exercice effectif de ce droit en tout point du territoire.

Ces objectifs se sont traduits par de premières mesures concrètes qui ont été adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Il en est ainsi de l’extension de la consultation longue santé sexuelle à tous les jeunes jusqu’à 25 ans, pour que la santé sexuelle ne continue pas d’être vue comme une affaire de femmes, et de l’accès gratuit à la contraception pour les femmes jusqu’à 25 ans, pour tenir compte des vulnérabilités économiques et sociales des jeunes adultes.

Enfin, le Gouvernement s’est engagé de manière très ambitieuse pour renforcer la place, tout à fait essentielle, de la profession de sage-femme dans nos politiques de prévention et de santé sexuelle et reproductive.

J’ai notamment à l’esprit le renforcement de leurs missions dans le cadre de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite RIST, à la signature du protocole d’accord avec la profession au mois de novembre dernier pour revaloriser significativement les carrières des sages-femmes ou encore à la création d’une sixième année de formation initiale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au mois de décembre 2020, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) a rendu son avis sur l’allongement du délai légal d’accès à l’IVG. En axant sa réflexion sur les principes d’autonomie, de bienfaisance, d’équité et de non-malfaisance à l’égard des femmes, il a considéré qu’il n’y avait pas d’objection éthique à allonger le délai d’accès à l’IVG de deux semaines.

Cependant, pour faire progresser concrètement le droit des femmes à disposer de leur corps, comme l’a également rappelé le CCNE dans son avis, il faut résolument poursuivre l’amélioration de leur parcours, pour que les IVG dites tardives soient mieux prises en charge, et sans délai.

C’est un droit des femmes et c’est notre responsabilité d’en permettre à chacune d’entre elles le plein exercice, selon son choix, sa situation et son lieu de vie.

Le Gouvernement défend farouchement ce droit des femmes. Notre devoir est de le renforcer et d’améliorer son effectivité. Les différentes mesures que j’ai brièvement rappelées y contribuent directement et de manière concrète.

Quant à la question posée par ce texte, elle relève pleinement de la représentation nationale. Le Gouvernement s’en remettra donc à la délibération qui résultera du débat parlementaire, tout en ayant créé les conditions pour que ces travaux puissent aboutir définitivement avant la fin de la législature. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes rassemblés pour la troisième fois pour examiner cette proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement. Nos débats se concluront de la même manière que les fois précédentes, à savoir par l’adoption d’une motion tendant à opposer la question préalable. Nous en avons débattu en commission et les discussions générales ont eu lieu en séance publique.

Plus encore que la procédure choisie pour s’y opposer, je regrette que le Sénat ne vote pas cette proposition de loi. Celle-ci, je le rappelle, a suivi une route très sinueuse.

Ce texte est issu d’un amendement voté au Sénat un peu par accident. À la suite d’une demande pressante de la ministre des solidarités et de la santé de l’époque, une nouvelle délibération a pris place et cet amendement n’a pas été inclus dans le texte final.

Enfin, son parcours législatif à l’Assemblée nationale et au Sénat a été l’occasion d’une forte mobilisation parlementaire, couronnée d’une bonne nouvelle : le Gouvernement a fini par accepter de se laisser tordre le bras sur ce sujet. (Mme la ministre déléguée conteste.) La commission mixte paritaire a échoué – c’était évident –, l’Assemblée nationale a peaufiné le texte et ajouté quelques ajustements que j’évoquerai dans un instant.

Tout va bien : en fin de compte, à la fin de ce mois, le délai de recours à l’IVG sera étendu à quatorze semaines de grossesse, ce qui offrira une solution à des milliers de femmes qui sont aujourd’hui contraintes d’aller à l’étranger pour procéder à des interruptions volontaires de grossesse et de les prendre elles-mêmes en charge financièrement.

La réalisation d’IVG chirurgicales est étendue aux sages-femmes jusqu’à la fin de la dixième semaine de grossesse. C’est également une bonne chose, cela accorde à ces praticiennes une reconnaissance attendue par la profession et constitue un atout supplémentaire dans la pratique.

Je me réjouis également de la pérennisation de l’allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville jusqu’à la fin de la septième semaine de grossesse.

Ce texte fait davantage confiance au libre choix des femmes, d’une part, en améliorant leur information, notamment par la création d’un répertoire qui recensera les professionnels et les structures de soins pratiquant l’IVG, d’autre part, en supprimant le délai de réflexion de deux jours pour confirmer une demande d’IVG en cas d’entretien psychosocial préalable.

Enfin, en nouvelle lecture, les députés ont apporté des finitions en adoptant des amendements rédactionnels et de coordination. Les établissements de santé publics et privés pourront tenir des consultations relatives à l’IVG à distance afin de faciliter les parcours.

Mon principal regret – nous en avons déjà débattu – concerne la non-suppression de la clause de conscience spécifique en matière d’IVG.

Je fais remarquer à mes collègues qui vont rejeter ce texte que le Sénat fait tout de même preuve d’une certaine constance sur ce sujet.

En 2016, la commission des affaires sociales s’était opposée à l’article qui supprimait le délai de réflexion obligatoire entre les deux consultations pour IVG, ainsi qu’à celui qui autorisait les sages-femmes à pratiquer une IVG médicamenteuse.

Avant cela, le Sénat dans son ensemble s’était opposé à l’article de la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, qui portait le délai de recours à l’IVG de dix à douze semaines. La commission mixte paritaire avait achoppé sur ce point.

J’observe pourtant, et c’est très satisfaisant, que les choses avancent grâce aux navettes parlementaires et à la mobilisation des femmes. Surtout, une fois que ces avancées sont actées et que la législation a évolué, personne ne propose plus de revenir en arrière. Une assemblée peut donc marquer son refus, mais, quelques années plus tard, quand la mesure contestée est entrée dans la loi, la même assemblée ne juge pas utile de voter des amendements qui la supprimeraient.

Je m’en réjouis, c’est une bonne chose. C’est la raison pour laquelle je n’ai aucun doute sur le fait que l’allongement des délais que nous votons aujourd’hui sera durablement inscrit dans la loi.

Ce progrès est dû à l’obstination des militantes, des professionnels de santé et aussi des parlementaires féministes engagées pour la défense du droit à l’avortement, qui ont, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, dû défendre ce texte sans jamais renoncer.

Je réitère une proposition que j’ai émise en première lecture : la création d’un Institut national de la santé sexuelle et reproductive, à l’image de l’Institut national du cancer. En effet, le pilotage de la santé sexuelle et reproductive n’est pas satisfaisant. Certes, on note des avancées, par exemple sur l’endométriose, avec de réels progrès dans la prise en charge des femmes concernées, mais tout cela aurait besoin d’un véritable pilotage. Celui-ci fait défaut et devrait relever d’une agence : cela marquerait une vraie avancée pour la santé des femmes.

Enfin, j’ai été destinataire d’un courrier de nos collègues de Nouvelle-Calédonie. Ceux-ci s’inquiètent de savoir si la proposition de loi sera, en l’état, applicable dans leur territoire. Le problème juridique est pointu et il leur semble qu’il aurait été opportun d’étendre expressément la disposition relative au prolongement du délai légal à la Nouvelle-Calédonie. Malheureusement, leur requête est arrivée trop tardivement.

Cela nous donnera l’occasion, mes chers collègues, de préparer prochainement une nouvelle proposition de loi pour étendre à la Nouvelle-Calédonie le bénéfice des dispositions de ce texte, si celles-ci, par malheur, n’y étaient pas directement applicables. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Milon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 19 janvier dernier, lors de l’examen de cette proposition de loi, j’ai écouté avec intérêt les arguments développés par les différents orateurs, notamment ceux qui étaient avancés en soutien à l’allongement du délai légal de douze à quatorze semaines de grossesse.

Je dois avouer que j’en suis ressorti avec davantage d’interrogations sur la pertinence de cet allongement et sur le lien de causalité entre celui-ci et le renforcement du droit à l’avortement, qui est l’intitulé du texte examiné.

Nul, dans cet hémicycle, n’entend remettre en cause le droit à l’avortement et les comparaisons plus ou moins tendancieuses avec les États-Unis, voire avec certains pays d’Europe, sont peut-être de nature à alimenter une polémique politicienne, mais n’apportent pas de réponse idoine aux vraies questions posées. Celles-ci, à mon sens, n’ont que peu de choses à voir avec des délais qui seraient insuffisants.

Nous avons évoqué les différentes raisons objectives des IVG tardives : la défiance des femmes, notamment des plus jeunes, à l’égard des contraceptifs hormonaux, un déficit d’information sur les méthodes contraceptives, la précarité financière et sociale, un accès déséquilibré aux professionnels pratiquant les IVG en fonction des territoires en raison de la fermeture de centres et de l’absence de gynécologues obstétriciens, la crise sanitaire, des diagnostics tardifs de grossesse, des changements notables dans la situation matérielle, sociale ou affective de la patiente.

Autant d’éléments à prendre à considération pour améliorer l’accès à l’IVG pour toutes, mais qui ne justifient pas de promulguer une loi pour les 1 000 à 4 000 femmes qui se rendent à l’étranger pour avorter, ce qui représente environ 0,00006 % de la population française.

Il faut apporter une réponse à ces femmes, mais pas nécessairement par l’intermédiaire d’une loi qui ne fait que déporter le problème, qui fait abstraction de l’évolution du fœtus et des réticences légitimes de certains praticiens à exercer cet acte. Cela, nous l’avons déjà souligné, ne ferait que rendre plus délicat le parcours de la patiente.

Certaines de nos collègues souhaitant sans doute s’inscrire dans la lignée du Manifeste des 343 salopes de 1971, faisant abstraction de la différence majeure de contexte, refusent aux hommes, puisque ceux-ci ne seront jamais « enceints » – sauf pour les émoticônes d’Apple (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains) –, le droit d’intervenir dans le débat.

Cette vision pour le moins radicale m’inquiète, car elle revient à nier leur rôle dans l’accompagnement d’une grossesse tant à titre personnel que par l’exercice de professions médicales. Ne pas vivre une situation n’a jamais empêché ni compréhension ni empathie.

L’IVG ne serait pas toujours un « traumatisme », ce peut être une libération, mais, parfois, tout de même, une « épreuve », a-t-on entendu le 19 janvier dernier.

La diversité et la complexité des situations requièrent de notre part une attention très particulière pour ne pas instrumentaliser, par dogmatisme ou dans le cadre d’un débat politicien, la situation de femmes en réelle détresse.

Vous aurez bien compris que nous voterons en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable. Nous considérons, en effet, que cette proposition de loi ne répond pas à la question posée ; aujourd’hui douze semaines, demain quatorze, d’aucuns laissent poindre un report encore plus tardif.

M. Alain Milon. La transgression de cette limite n’est donc que factuelle, alors qu’il faut apporter une réponse structurelle, portant sur l’information, sur les moyens d’accueil et sur un meilleur accès territorial. Ce sont des mesures indispensables, qui permettront de renforcer réellement le droit à l’avortement lequel, je le répète, ne souffre d’aucune menace de remise en cause juridique.

Donnons aux femmes les moyens d’exercer leur droit sur notre territoire, dans des délais qui permettent de respecter leur droit à disposer de leur corps, tout en garantissant aux praticiens d’agir dans le respect de leur conscience. Dans ces conditions, nous aurons réellement atteint notre objectif de garantir le droit à l’avortement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mélanie Vogel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour la troisième fois, nous allons défiler à la tribune au sujet de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement : certaines, comme Laurence Rossignol avant moi et comme d’autres collègues ensuite, pour défendre le droit des femmes à disposer de leurs corps ; d’autres pour nous expliquer que, loin de s’opposer au droit à l’avortement, ils vont quand même, en toute logique, s’opposer à une proposition de loi visant à le renforcer. Attention, toutefois, ce n’est pas parce qu’ils sont contre – non !

J’ai même parfois entendu que le combat pour l’accès à l’IVG était dans l’ADN politique de la droite française !

Il faut pourtant le dire : non, l’accès à l’IVG n’est pas dans l’ADN politique de la droite française. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. C’est scandaleux !

Mme Pascale Gruny. Parlez donc avec les gynécologues qui sont dans l’hémicycle !