M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Nadia Sollogoub et M. Martin Lévrier applaudissent également.)

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans ce PLFSS, l’Ondam augmente de 3,7 % pour atteindre 244,1 milliards d’euros en 2023, en progression de 57 milliards depuis 2017. Certes, l’inflation vient tempérer cette hausse, même si les salaires ont beaucoup augmenté depuis 2020.

Le présent texte prévoit de ramener le déficit à 6,3 milliards d’euros contre 18 milliards en 2022, dont seulement 1 milliard pour le covid-19.

Permettez-moi tout d’abord de saluer le travail des soignants à l’hôpital et dans le secteur médico-social.

En matière de prévention, le projet de loi comporte un certain nombre de progrès : le dépistage IST, la vaccination, la contraception d’urgence, les trois consultations aux âges clés de la vie, l’effort pour les familles monoparentales…

En ce qui concerne l’accès aux soins, les crédits de l’hôpital augmentent de 4,1 % contre 2 % entre 2012 et 2017.

Monsieur le ministre, vous proposez une montée en charge du Ségur de la santé, afin de prendre en compte les « oubliés » et l’investissement. L’hôpital est en difficulté depuis longtemps. Les médecins et infirmières manquent à l’appel pour occuper les postes non pourvus. Quant à la suppression du numerus clausus, elle n’aura de résultats que dans dix ans.

Il nous faut massivement former des aides-soignantes et infirmières pour le secteur médico-social et l’hôpital. Encourager les médecins à participer la régulation est une bonne mesure.

Afin de désengorger les urgences, il faut accueillir les patients sans gravité dans une salle en amont et ouvrir des lits en aval quand cela est possible. Monsieur le ministre, mettez les internes dans les hôpitaux hors centres hospitaliers universitaires (CHU) !

Si le budget alloué au secteur médico-social augmente de 5 %, les 3 000 créations de postes de soignants en Ehpad sont insuffisantes eu égard à l’augmentation de la dépendance – le groupe iso-ressources moyen pondéré, ou GMP, est à 730. Nous comptons 0,3 équivalent temps plein (ETP) par pensionnaire ; il en faudrait 0,5, ce qui représente 35 000 emplois…

Alors que 90 % des Français souhaitent rester à domicile jusqu’à la fin, vous proposez, à l’article 34, de créer des heures supplémentaires d’allocation personnalisée d’autonomie. C’est bien, mais il faudra un budget dépendance pour aider les départements.

Vous proposez également d’augmenter, au cours du quinquennat, le nombre de places en services de soins infirmiers à domicile (Ssiad). C’est indispensable : 240 millions d’euros, c’est un bon début pour le virage domiciliaire.

Tout cela doit se concrétiser par la mise en place du plan grand âge, différé – nous pouvons le comprendre – en raison du covid. Je sais très bien, madame la ministre, que le financement arrive via l’emploi et les cotisations. Toutefois, monsieur le ministre, vous devez fixer au plus vite un objectif pour financer les 50 000 emplois dédiés à la prise en charge de la dépendance.

Dans le secteur du handicap, vous proposez la création de places et la détection des troubles du spectre de l’autisme (TSA). Il faut également renforcer les mesures en matière d’inclusion, notamment le maintien des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) pendant le repas et les interclasses.

En ce qui concerne les zones sous-denses, 6 millions de personnes n’ont pas de médecin traitant. L’article 23 instaure une quatrième année d’internat de médecine en autonomie supervisée, qui a poussé les internes à descendre dans la rue. Nous devons, monsieur le ministre, écouter leurs revendications en matière de rémunération.

Ces décisions, j’en ai bien conscience, se prennent par décret. Toutefois, j’estime qu’un médecin junior en dixième année peut remplacer un confrère et doit percevoir, à raison de dix consultations par jour minimum, 5 000 euros pour vingt jours de travail.

Nous pensons que les médecins retraités poursuivant leur activité en cabinet doivent pouvoir, s’ils le souhaitent, être maîtres de stage. J’ai déposé un amendement en ce sens.

Mobiliser les médecins retraités en les exonérant des cotisations à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) est une mesure juste.

L’article 24 prévoit des aides à l’installation importantes et simplifiées, qui restent malheureusement insuffisantes. J’ai ainsi déposé un amendement peu contraignant, qui me paraît utile, pour le cas de médecins qui souhaiteraient s’installer en zone hyperdense.

La téléconsultation, ce n’est pas un miracle, comme le soulignait notre excellente rapporteure Corinne Imbert. Elle représente toutefois un plus dans les zones où il n’y a pas de médecin, par exemple sous la forme d’une cabine, souvent installée dans une pharmacie.

Les pharmaciens ont joué un rôle très important durant la crise du covid-19. Vous étendez leurs compétences, comme vous l’avez fait pour les infirmières, en matière de vaccination, ce dont je me réjouis.

Monsieur le ministre, si vous avez une cystite sans fièvre le samedi après-midi (Sourires.) ou que votre nourrisson souffre d’une gastro-entérite, le pharmacien ne sera pas rétribué par l’assurance maladie en cas de délivrance de Fosfomycine, d’Adiaril ou de Tiorfan. Il est pourtant le seul professionnel de santé accessible, à l’exception des urgences.

Il en est de même pour le sevrage du tabac : il faut encore améliorer la convention avec les pharmacies.

Ce PLFSS contient des avancées, en particulier sur la prévention, la vaccination et les modes de garde. Toutefois, mesdames, messieurs les ministres, malgré les difficultés de la sécurité sociale liées au covid-19, vous devez fixer un cap pour l’hôpital – je pense notamment aux urgences, à la psychiatrie et à la pédiatrie –, pour le médico-social – nous avons besoin d’un plan grand âge –, pour la rémunération des médecins juniors, pour mobiliser des médecins retraités, pour former massivement des aides-soignantes et des infirmières, pour plus d’internes hors CHU et pour faire preuve de davantage pragmatisme avec les pharmaciens.

En ce qui concerne les retraites, à titre personnel, je voterai l’amendement de M. René-Paul Savary pour équilibrer notre système et préserver les régimes par répartition qui seront en déficit de près de 16 milliards d’euros en 2026.

Cet amendement appelle à renforcer l’action des partenaires sociaux et tend à accélérer la mise en œuvre de la loi Touraine, en particulier avec un report de l’âge de départ à 64 ans – ce sont les partenaires sociaux qui le diront. Mais nous devons aussi tenir compte de la pénibilité de certains métiers et nous mobiliser pour l’emploi des seniors. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes RDPI et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, des années durant, la France fut enviée pour son système de santé. Aujourd’hui, ce dernier risque de s’effondrer, notamment son hôpital public.

Des urgences aux déserts médicaux, le système de santé repose désormais sur les dernières forces d’un personnel en sous-effectif chronique qui, après la politique active de fermeture des gouvernements successifs, assiste impuissant aux fermetures de lits, de places et de berceaux en raison du manque de personnel. Je citerai deux exemples : mille berceaux pour les crèches du Rhône et jusqu’à 20 % des places du centre de lutte contre le cancer Gustave-Roussy. Sans parler de la psychiatrie et de la pédiatrie qui sont sinistrées – la moitié des lits de neurochirurgie pédiatrique de Necker sont fermés !

Six années durant, les PLFSS se sont succédé sans programmation pluriannuelle de financement comme le supposerait une vision à long terme, tandis que tous les acteurs de santé, qu’ils soient hospitaliers ou de ville, réclament un texte sur l’autonomie et une grande loi sur la santé.

Passer l’été, passer l’hiver, puis de nouveau l’été ne fait pas une politique ! Seul un horizon d’amélioration radicale de notre protection sociale, en lui allouant des moyens en conséquence, pourrait redonner du sens à l’effort du personnel et mettre fin à sa désertion.

Au lieu de cela, les budgets successifs valident un Ondam de pure maîtrise comptable, qui maintient le système en asphyxie financière à la suite d’une politique organisée – j’y insiste, organisée ! – de mises en déficit des comptes sociaux à coups d’exonérations de cotisations, loin d’être toutes compensées, et d’exemptions d’assiette touchant près de 10 % de la masse salariale privée, et ce alors que les besoins sont en progression.

Le Gouvernement esquive cette critique, en présentant un Ondam hospitalier à 4,1 %, mais sa base 2022 n’a pris en compte que deux tiers de l’indice hospitalier de l’inflation, estimé à 5,4 %, soit plus d’un point au-dessus de l’Ondam, et pas tous les surcoûts liés au covid. D’après le calcul unanime des fédérations hospitalières, il manque 1 milliard d’euros.

Avec l’inflation, notamment celle liée aux coûts de l’énergie, et une évolution mécanique de 4 % due à la transition démographique et à la progression des maladies chroniques, le compte n’y est toujours pas.

Cet écart fixe, de fait, un niveau d’économies exigées, même en l’absence d’une ligne spécifique. Avec ce sous-financement chronique de l’Ondam la destruction de l’hôpital public se poursuit.

Ainsi, sans revalorisation de l’indemnité de sujétion et avec du temps de travail additionnel pérenne, les professionnels continueront de déserter l’hôpital, l’intérim prospérera et la loi Rist accélérera la fermeture des services publics et privés non lucratifs.

Dans chaque secteur, l’heure devrait être à un choc d’attractivité par des emplois valorisés permettant un travail de qualité auprès de tous les publics. Comment peut-on se tromper de diagnostic, en ne voyant pas le problème du point de vue de la qualité des emplois ? Pourtant, 20 % des places ne sont pas remplies en deuxième année de formation de sages-femmes, 10 % des étudiants en médecine abandonnent en cours d’études et des secteurs entiers font face à des démissions et n’arrivent plus à recruter.

La détérioration continue des conditions de travail engendre un sous-effectif qui dégrade de nouveau les conditions de travail. Les secteurs entrent alors dans un cercle vicieux dont il n’est possible de sortir qu’avec une ambition. Or ce n’est pas l’objectif de 3 000 créations de postes en Ehpad, par exemple, qui le permettra, puisqu’il en faudrait six fois plus chaque année !

Face à la transition démographique et au virage domiciliaire, nous prenons un grave retard dans la prévention de la perte d’autonomie. Comme pour la transition écologique, ce retard nous coûtera bien évidemment en termes financiers, mais il nous coûtera encore davantage en espérance de vie en bonne santé.

Aujourd’hui, 20 % des plans d’aide de l’APA et de la prestation de compensation du handicap (PCH) ne se réalisent pas, faute de personnel. Au moins un dossier sur cinq reste en souffrance. Selon la Cour des comptes, des millions de journées de travail sont perdues tous les ans du fait d’accidents de travail dans les Ehpad dus au trop faible ratio d’encadrement.

Cette sinistralité exceptionnelle en Ehpad s’inscrit dans un contexte où la France est la plus mauvaise élève d’Europe en termes de morts liées à l’activité professionnelle. Or, tandis que 1 200 personnes meurent tous les ans, la branche AT-MP est en excédent ! Et cela même après le transfert financier à la branche maladie, lié à la sous-évaluation des accidents du travail et des maladies professionnelles qui prive les salariés des droits afférents.

La Confédération européenne des syndicats exhorte les États à s’engager pour zéro mort au travail en 2030. Voilà de quoi utiliser au mieux les excédents.

Nous saluons les mesures en faveur des familles monoparentales, nonobstant des délais abusifs. Toutefois, rappelons que la pauvreté touche un enfant sur cinq et que, si la monoparentalité est une prévalence, ces mesures devraient concerner l’ensemble des ménages modestes, dans lesquels les femmes sont contraintes au temps partiel et la précarité progresse.

De plus, la politique d’austérité a dégradé les services de la Cnaf, soumise à des restitutions d’effectifs, alors qu’elle devait assumer les réformes de l’APL – le traitement des dossiers connaît d’ailleurs d’importants retards.

Ces situations dégradées ont à voir avec un partage des richesses de plus en plus inégalitaire, qui prive notre protection sociale des moyens de relever les défis du vieillissement et de la prévention.

Ce PLFSS apporte quelques mesures bienvenues, mais il perpétue une gestion comptable sans réflexion critique sur sa partie recettes. Nous appelons à un changement de paradigme, et ce d’autant plus que les professionnels alertent sur la dégradation très rapide de la situation de l’hôpital public et que nous approchons du moment de bascule où l’effondrement du système de santé sera notre legs à la nouvelle génération.

Le groupe écologiste votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Abdallah Hassani. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Abdallah Hassani. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est un moment d’importance.

Il l’est pour l’accès aux soins et la protection de nos concitoyens, pour le soutien aux familles face à la précarité, pour l’avenir de nos enfants.

Il l’est pour nos professionnels de santé, dont je tiens ici à saluer le dévouement, et pour la recherche médicale.

Cette année, le Sénat a un rôle particulier : nous aurons à débattre de sujets centraux qui, pour certains, n’ont pas encore été discutés dans un hémicycle en profondeur – je pense à la prévention, aux mesures de soutien pour les familles monoparentales ou encore à l’organisation des soins sur notre territoire.

Ce texte est un engagement fort du Gouvernement. Il augmente en effet le budget de la santé de près de 9 milliards d’euros en 2023, soit 43 milliards d’euros de plus qu’en 2019, c’est-à-dire avant la pandémie.

Il permettra la prise en charge de trois rendez-vous de prévention aux âges clés pour protéger nos concitoyens ou diagnostiquer en amont certaines pathologies.

C’est avec cette même ambition que le groupe RDPI a souhaité déposer un amendement, déclaré – hélas ! – irrecevable, visant à expérimenter la prise en charge d’une consultation lors de l’adolescence destinée à prévenir les troubles mentaux. Nous devrons être attentifs à cette problématique. Des mesures ont été engagées, comme la prise en charge de rendez-vous en psychologie, votée l’an passé. Toutefois, nous croyons fondamental d’assurer une prise en charge plus ample des troubles mentaux qui, pour près de la moitié d’entre eux selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sont présents dès 14 ans.

En ce qui concerne mon département, je salue l’effort réalisé pour accélérer la convergence sociale. L’article 38 étend enfin à Mayotte la complémentaire santé à des conditions de revenus adaptées au faible niveau de vie de ses habitants.

Du chemin reste à faire : certaines prestations sont encore inexistantes à Mayotte ou servies avec des montants inférieurs et des conditions plus restrictives.

L’article 7 quinquies sécurise par ailleurs l’exonération de la contribution spécifique d’assurance maladie applicable à Mayotte.

Ces deux articles montrent que l’État est bien aux côtés des Mahorais ; c’est mon sentiment.

Afin que les outre-mer demeurent au cœur des innovations publiques, nous proposerons qu’un territoire ultramarin soit sélectionné dans le cadre de l’expérimentation prévue à l’article 24 quater qui vise à améliorer l’accès aux soins sur les territoires sous-dotés.

Il est en outre nécessaire de s’interroger sur les causes de la prévalence très élevée de l’obésité dans ces territoires. C’est un véritable problème de santé publique. Un rapport publié en juin dernier par mes collègues de la commission des affaires sociales a souligné la spécificité des enjeux ultramarins en la matière.

Ce projet de loi de financement porte des mesures d’encadrement et de contrôle nécessaires tant pour prendre en compte les pratiques nouvelles que pour agir face à des situations d’abus.

Il contient des expérimentations visant à faciliter et à harmoniser les parcours de soins, tout en intégrant une responsabilité collective pour assurer la permanence de ces soins. Nous avons souhaité porter sur ce sujet difficile plusieurs amendements, avec une attention particulière sur les zones les moins dotées.

Le groupe RDPI votera ce texte, qui comprend à la fois des engagements financiers forts et des avancées concrètes pour chaque Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Bernard Jomier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord évoquer le fait que ce projet de loi de financement, issu de l’utilisation de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, a un avenir incertain.

Le Gouvernement aurait pu profiter de cette circonstance pour nous proposer un projet de loi structuré et cohérent. Or il hésite, encore une fois, entre une loi de finances et une loi d’organisation du système de santé, loi que nous appelons par ailleurs de nos vœux.

Depuis la crise sanitaire, les collectivités territoriales se saisissent de l’organisation du système de soins dans les territoires, contribuant ainsi à modifier la gouvernance en santé du pays.

Il nous faut partir des besoins des territoires pour ensuite procéder aux arbitrages budgétaires. L’outil de régulation qu’est l’Ondam montre ses limites. La maîtrise qu’il porte s’impose avant toute délibération sur les besoins en matière de santé dans nos territoires comme au Parlement, où aucun débat sur les besoins sociaux de la Nation n’a lieu en amont de la délibération budgétaire. Pourtant, passer d’une logique d’offre à une logique de besoins en santé est primordial. Mais dans ce texte, vous en restez à une politique de l’offre.

L’an dernier, nous regrettions un budget de fin de quinquennat sans grande nouveauté. Cette année, nous espérions un PLFSS à la hauteur d’un Président de la République réélu, mais le souffle est court.

Le Gouvernement revendique d’inscrire ce budget dans la continuité de ceux de 2010 à 2019 en termes de trajectoire de réduction des déficits. Cette mise à l’équilibre s’était faite au détriment de l’hôpital public. À l’époque, ce choix était déjà discutable ; aujourd’hui, il n’est pas supportable.

L’Ondam, hors dépenses de crise, évolue de 3,7 %, soit une évolution nettement inférieure à l’inflation, évaluée à 6 % cette année et qui se situera probablement entre 4 % et 5 % en 2023. En définitive, malgré une communication volontariste du Gouvernement, ce budget post-covid réduit les moyens financiers attribués au système de soins.

Par ailleurs, nous affirmons avec force que les comptes de la sécurité sociale pourraient retrouver un équilibre. En témoigne l’augmentation depuis 2017 des exonérations de cotisations sociales.

En 2018, elles représentaient moins de 40 milliards d’euros contre 71 milliards en 2023. Bien que les baisses de cotisations puissent être utiles sur les bas salaires, la majorité d’entre elles relèvent d’une politique fiscale favorisant les plus aisés. Le Conseil d’analyse économique a publié en 2019 une note intitulée Baisses de charges : stop ou encore ? dans laquelle il recommandait l’abandon des exonérations de cotisations sur les salaires supérieurs à 2,5 Smic au motif qu’elles sont sans effet sur l’emploi.

J’ajouterai que le Gouvernement a décidé de faire porter le coût du covid-19 à la sécurité sociale, ce qui représente cette année une perte de recettes de 17,7 milliards d’euros. Il serait plus pertinent que l’État prenne en charge cette dette.

Si l’on prenait en compte ces sommes, les administrations de sécurité sociale dégageraient un fort excédent. De même, cela permettrait d’accroître les investissements nécessaires au système de santé.

De façon plus globale, nous désapprouvons cette logique politique de fléchage de la dépense publique vers des exonérations et des allégements de charge. Notre pays a besoin d’investissements structurels, stratégiques et de long terme.

En quarante ans, la dépense publique est passée de 46 % à 55 % du PIB. Certes, mais il faut aller au bout de l’analyse : seulement un tiers de cette dépense est consacré au fonctionnement de l’État et de ses services – salaires, achats, prestations, loyers… Les deux tiers restants consistent aujourd’hui en transferts aux ménages et aux entreprises.

À la lecture de ces chiffres, on comprend le paradoxe ressenti par beaucoup de Français : alors que la dépense publique augmente, nos services publics subissent une décrépitude. En 2020, nous ne consacrons pas plus d’argent à nos services publics qu’à la fin du septennat de Valéry Giscard d’Estaing ! (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)

En revanche, en seulement cinq années, de 2018 à 2023, les exonérations de cotisations sociales sont passées de 39 milliards d’euros à 71 milliards ! C’est votre choix, votre politique, mais cela détruit nos services publics, dont celui de la santé.

En ce qui concerne la branche maladie, monsieur le ministre, vous connaissez, la gravité de la situation dans laquelle se trouve notre système de soins. Vous savez que nos hôpitaux publics sont en voie d’affaissement – d’effondrement, diront certains. Or ce PLFSS, qui devait apporter des réponses structurelles après la crise du covid-19, esquive ce sujet majeur. L’hôpital est le grand absent de ce budget.

Mesdames, messieurs les ministres, vous continuez à arguer des revalorisations, certes bienvenues, du Ségur de la santé pour illustrer votre investissement dans l’hôpital, mais cela est largement insuffisant. Preuve en est, vous avez ajouté ces dernières semaines des enveloppes budgétaires opportunes, mais qui traduisent un pilotage à la petite semaine.

Nous assistons à une hémorragie de personnel : les soignants quittent l’hôpital et des services d’urgences doivent être réduits, voire fermés. La direction statistique des ministères sociaux, la Drees, indique que les capacités hospitalières ont subi des contraintes de personnel ne permettant pas de maintenir les lits.

Ce budget entraînera en réalité des personnels en moins, alors que les services sont déjà obligés de fermer le tiers, voire la moitié, de leurs lits, que des activités de soins partent vers le privé et que des patients sont trimballés d’une région à une autre.

Pour ce qui est des soins de ville, la dépense augmente de seulement 2,7 %, soit deux fois moins vite que l’inflation. La majorité présidentielle désorganise le parcours de soins texte après texte, même si nous prenons acte, monsieur le ministre, contrairement à ce que faisait votre prédécesseur, de votre volonté de renvoyer à la négociation un certain nombre de questions.

Quelques mots, enfin, sur la prévention. Un texte ne peut se révéler ambitieux en la matière quand il traite le tabac et l’alcool comme le fait celui-ci.

La mise en place, à partir de 2017, d’une campagne programmée d’augmentation de la taxation du tabac a permis de réduire le tabagisme dans notre pays. Mais, en ce début de quinquennat, le Gouvernement s’est contenté d’aligner l’augmentation des prix du tabac sur l’inflation. Pire, vous avez reculé sur le tabac à chauffer après la venue du ministre chargé des comptes publics au congrès des buralistes – on comprend où se décide la santé publique…

Sur l’alcool, il n’y a tout simplement rien dans ce projet de loi de financement.

Vous l’avez compris, nous ne pouvons nous satisfaire de ce PLFSS. Imposer, en cette période charnière, des économies au système de soins est irréaliste et dangereux.

Le premier texte de ce gouvernement concernant la santé est peu ambitieux et mal financé. Nous proposerons de rectifier sa trajectoire pour mettre en œuvre les réformes nécessaires et permettre à notre sécurité sociale d’assurer à l’avenir l’ensemble des missions de protection sociale dont notre démocratie peut être fière. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en six ans, la politique de santé des différents gouvernements n’a amélioré ni les conditions de travail du personnel ni le sort de nos concitoyens – bien au contraire !

Il y a eu la crise du covid et ses conséquences, me direz-vous. Certes, mais vous avez préféré faire payer à la sécurité sociale les dépenses liées à la crise, alors qu’elles auraient dû être imputées sur le budget de l’État.

Nous vous proposerons, à travers ceux de nos amendements qui ont survécu aux irrecevabilités des articles 40, 45 et j’en passe – car c’est l’hécatombe ! – de changer de braquet.

Ces amendements ont été rédigés en lien avec des personnels de santé, des représentants du secteur médico-social, des associations et des citoyens. Ils ne sont pas dogmatiques, mais visent à mettre en place une politique qui rompe avec votre logique libérale, qui n’a pas fait ses preuves.

Lorsque quelque chose ne fonctionne pas – à l’image de votre politique de santé –, on change de méthode, on essaye d’améliorer, d’écouter, de prendre en considération les remarques. On n’a jamais raison seul. Avec ce PLFSS pour 2023, vous avez encore, si vous le souhaitez, l’occasion de revoir votre copie.

Partout dans le pays, notre système de soins craque. Les soignants manquent à l’appel ; ils sont fatigués de ne pas être entendus. Nos concitoyens ont de plus en plus de mal à trouver un médecin de ville, même en cas d’urgence. Aujourd’hui, 6 millions de Français n’ont plus de médecin traitant.

Les maires, les élus, sont nombreux à tirer la sonnette d’alarme pour leur population tant en zone urbaine que rurale. Nous vous proposons, pour pallier l’urgence, d’augmenter les moyens des territoires et des hôpitaux, ce qui passe évidemment par un budget ambitieux.

Une des seules options que vous nous proposez, dans une course de vitesse avec la droite sénatoriale, est d’ajouter une année supplémentaire aux études de médecine générale, qui passent de neuf à dix ans. Cette mesure, proposée sans concertation, incite les internes en neuvième année à aller dans les déserts médicaux, à moindre coût, encadrés par un médecin senior.

Mais savez-vous que la plupart des territoires manquent cruellement de médecins seniors pour encadrer ces internes ? Pensez-vous réellement régler le problème de cette façon ?

Le comble, c’est que cette mesure va entraîner une année blanche pour l’installation de nouveaux médecins. En faisant cela, vous aggravez donc la situation. À l’inverse, nous vous proposons d’augmenter les moyens des universités pour former chaque année davantage de médecins.

L’Ondam est lui aussi sous-évalué : il est fixé à 3,7 %, quand la commission des comptes de la sécurité sociale estime l’évolution naturelle des dépenses de santé à 4 %, soit 0,3 point de plus. Et si l’on compare cet Ondam à l’inflation, qui est de 6,2 %, le compte n’y est pas ! Au total, c’est 1,7 milliard d’euros pour la santé qui disparaît.

C’est donc un budget au rabais que vous nous présentez aujourd’hui ; un budget décevant qui n’est pas à la hauteur des besoins.

Ce manque d’ambition se traduit également dans le secteur de l’autonomie. Vous mettez en avant le recrutement de 3 000 infirmiers et aides-soignants dans les Ehpad, ce qui est largement insuffisant par rapport aux besoins estimés, notamment pour atteindre un taux d’encadrement équivalent à un agent pour un résident.

Ce PLFSS prévoit 170 millions d’euros pour recruter dans les Ehpad, ce qui représente un demi-poste de plus dans les 7 000 établissements de France, alors que les besoins sont estimés à 300 000 postes.

Ce premier PLFSS depuis la publication du livre de Victor Castanet Les Fossoyeurs sur la gestion calamiteuse des Ehpad est décevant.

À ce titre, le renforcement des pouvoirs de l’inspection générale des affaires sociales n’est pas suffisant. Nous demandons le remboursement automatique des subventions publiques indûment perçues par Orpea.

Malheureusement, vous avez jeté aux orties la loi sur le grand âge et l’autonomie, pourtant promise voilà quelques mois par votre gouvernement.

Dans son rapport annuel sur le financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes dénonce l’étatisation de la sécurité sociale via le remplacement croissant des cotisations sociales par l’impôt. De 90 % à la fin des années 1980, la part de ses recettes issues du travail est tombée à 50 % depuis 2019.

Le système de tuyauterie entre le budget de l’État et la sécurité sociale est devenu tellement multiple et complexe que la Cour des comptes appelle elle-même à y mettre fin.

Dans la même veine des tours de passe-passe, le Gouvernement a inscrit dans ce projet de loi le transfert précipité du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco vers l’Urssaf, alors que le 21 juin 2022 le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales du Sénat sur l’unification du recouvrement social, que nous avons réalisé avec mon collègue René-Paul Savary, avec lequel je n’ai donc pas que des désaccords (Sourires.), préconisait de reporter ce transfert.

Les difficultés techniques et les risques pour les assurés d’une perte de contrôle sur leurs cotisations de retraite justifient l’abandon de ce projet. D’ailleurs, l’ensemble des organisations syndicales et patronales y sont opposées – écoutons-les ! Mais le Gouvernement n’en tient pas compte et accélère, via l’article 6 de ce texte, le transfert du recouvrement des 87 milliards d’euros de cotisations Agirc-Arrco.

De même, sur les retraites, si le Gouvernement a finalement reculé, c’est pour mieux sauter : la réforme promise divise tellement que même vos alliés ont renâclé devant l’obstacle, récusant la volonté de passage en force qui est votre marque de fabrique.

La précipitation et la détermination affichée du Président de la République et de son gouvernement sont pourtant à contre-courant des perspectives du Conseil d’orientation des retraites : son dernier rapport démontre en effet que les dépenses de retraites du pays resteront stables dans le temps à 13,9 % du PIB et que, si les régimes deviennent légèrement déficitaires de 2022 à 2032, c’est essentiellement parce que l’État prévoit d’économiser sur la masse salariale publique en réduisant les traitements des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.

Comme chaque année, nous aurons le débat sur l’allongement de l’âge légal de départ à la retraite avec l’amendement du rapporteur de la branche vieillesse, René-Paul Savary, qui prévoit son report progressif jusqu’à 64 ans.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste défend, au contraire, le principe d’abaisser l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans.

Ce PLFSS pour 2023, premier budget de la Nation, va encore aggraver les inégalités. Il ne sera pas, comme vous l’annonciez dans le journal Le Point, monsieur le ministre, celui de la santé et de la solidarité, celui qui vous rendait si fier. Il n’en sera rien, puisque vous avez décidé de façon autoritaire d’actionner l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, alors que ce budget de la sécurité sociale aurait dû être l’occasion d’un débat constructif avec l’ensemble des parlementaires. La balle était dans votre camp, mais vous n’avez pas su la saisir : vous avez préféré passer en force.

Nous voterons contre ce PLFSS pour 2023. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes Esther Benbassa, Raymonde Poncet Monge et Émilienne Poumirol applaudissent également.)