M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. Nous continuons à défendre nos amendements malgré l’heure tardive, et je veux remercier Mme la rapporteure générale de ses réponses précises, même si nous sommes en désaccord.

Avant d’entamer l’examen des amendements déposés sur l’article 15 relatif à l’approbation du rapport sur l’évolution pluriannuelle du financement de la sécurité sociale, je veux faire le lien avec l’examen, la semaine dernière, de la loi de programmation des finances publiques. Je pense notamment à son article 17, qui fixe le cadre financier des administrations de la sécurité sociale pour les années 2023 à 2027.

Le Gouvernement prévoit ainsi que les dépenses des hôpitaux progresseront de 4,1 % en 2023, de 2,9 % en 2024 et de 2,8 % en 2025, soit une hausse des dépenses de santé inférieure à l’évolution naturelle des dépenses estimée par la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), évolution qui, je le rappelle, est de 4 %, inférieure aux prévisions d’inflation.

Autrement dit, non seulement le Gouvernement ne prévoit pas d’augmenter le budget des hôpitaux pour cette année, mais il ne compte pas l’accroître d’ici à 2025. Tout au contraire, il va réaliser des économies sur le dos de la santé ! Quand on connaît l’état de notre système de santé publique, on ne peut que s’opposer à cette politique…

Malheureusement, il y a une connivence entre le Gouvernement et la droite sénatoriale. C’est la raison pour laquelle cette politique passe, les hôpitaux continuent à être à bout de souffle et les personnels sont exténués. Mais le groupe communiste républicain citoyen et écologiste continue de porter leur parole, même à une heure du matin !

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Ces leçons de morale deviennent fatigantes…

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 45 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

L’amendement n° 1120 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l’amendement n° 45.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous allons enfin nous rejoindre, madame Cohen… En effet, la commission des affaires sociales n’approuve pas le rapport constituant l’annexe B de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Tout d’abord, comme le Haut Conseil des finances publiques l’a relevé, la sincérité des hypothèses pose question. Les importants effets supposés des réformes de l’assurance chômage, de l’apprentissage et du régime des retraites ne sont pas pris en compte, sinon un peu dans l’annexe B, mais sans que l’on connaisse les modalités, les impacts et le calendrier, c’est-à-dire les conditions dans lesquelles ces réformes seront mises en place. Cette incertitude rend fragile la trajectoire des finances publiques.

Ensuite, nous considérons que la provision correspondant à la prise en compte des dépenses liées au covid-19 pour l’année, soit 1 milliard d’euros, est insuffisante par rapport à celle des années précédentes, même si nous savons que nous devons désormais vivre avec le virus.

L’inflation élevée de 2023 entraînera une hausse des dépenses qui n’est, là encore, pas suffisamment prise en compte.

De plus, le Haut Conseil des finances publiques a observé que les dépenses d’assurance maladie dans le champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) étaient inscrites en progression sensiblement moins rapide que le PIB, ce qui s’est rarement produit par le passé.

Par ailleurs, ce document est dépourvu de toute vision stratégique. La dimension pluriannuelle doit faire bénéficier le Parlement – et, au-delà, l’ensemble des acteurs de la sécurité sociale et la société tout entière – d’une visibilité non seulement comptable, mais aussi stratégique, que l’on ne retrouve pas dans cette annexe B.

Le présent amendement vise donc à supprimer l’article.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 1120.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je me réjouis de ces belles paroles ! (Sourires.)

L’article 15 vise à approuver le rapport sur l’évolution pluriannuelle du financement de la sécurité sociale, constituant l’annexe B du PLFSS pour 2023.

La trajectoire présentée dans cette annexe prévoit une augmentation de l’Ondam de 2,7 % en 2024 et 2025, puis de 2,6 % à partir de 2026.

Or ce ralentissement de l’Ondam entraînera une augmentation des dépenses de seulement 6,7 milliards d’euros par an, alors que les besoins sont estimés à 10 milliards d’euros supplémentaires simplement pour tenir compte de l’évolution naturelle des dépenses de santé. Ce dernier chiffre ne prend pas en compte la nécessité du rattrapage des retards accumulés en matière d’investissements de recrutement et de fonctionnement.

Concernant la sincérité des prévisions de cette évolution pluriannuelle, je rappellerai que le Haut Conseil des finances publiques émet des doutes tant pour l’année 2023 que pour l’ensemble de la période.

Nous refusons cette proposition d’évolution pluriannuelle de l’Ondam, qui est largement insuffisante par rapport aux besoins des hôpitaux, tout comme nous refusons la poursuite des politiques d’austérité en matière de santé.

Pour ces raisons, nous demandons, comme vous l’avez fait avec votre amendement n° 45, madame la rapporteure générale, la suppression de l’article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Je suis défavorable à la suppression de l’annexe B, et cela pour trois raisons.

Premièrement, le Haut Conseil des finances publiques a jugé que les prévisions du Gouvernement en matière de masse salariale et d’inflation étaient crédibles. Les problèmes liés aux incertitudes et aux aléas qu’il a soulevés sont liés à la conjoncture, et non, je le redis, aux prévisions que nous avons retenues. Mais il vous appartient évidemment, mesdames, messieurs les sénateurs, de contester ces prévisions.

Deuxièmement, peut-être auriez-vous pu justement amender l’annexe B ou la faire évoluer, car, vous le savez, cette annexe répond à une obligation organique : si vous la supprimez, le texte n’est pas conforme à la Constitution. Il aurait donc fallu la modifier pour la faire correspondre aux prévisions que vous jugez pertinentes.

Troisièmement, mercredi dernier, vous avez voté cette trajectoire de la sécurité sociale en adoptant la loi de programmation des finances publiques (LPFP) présentée par mon éminent collègue Gabriel Attal. Vous me verriez bien peiné si vous rejetiez ce soir cette trajectoire de la sécurité sociale que je défends devant vous ! (Sourires.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous aussi, nous sommes bien peinés !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Vu l’heure tardive, je ferai une très rapide remarque à la suite de votre intervention, monsieur le ministre : vous avez certainement suivi les débats et les arguments que nous avons avancés la semaine dernière avant de voter les résultats financiers.

Notre argumentaire faisait largement état de nos doutes quant à la sincérité des chiffres et à la capacité du Gouvernement d’avoir une vision globale. Nous avons voté la LPFP, mais aujourd’hui nous traduisons ces doutes dans ce vote qui est certes nécessaire, mais aussi formel.

En somme, nous adressons un message, que vous devriez partager au sein du Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 45 et 1120.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’ensemble constitué de l’article 15 et de l’annexe B est supprimé, et les amendements nos 810 et 809 n’ont plus d’objet.

Article 15
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023
Explications de vote sur l'ensemble de la troisième partie (début)

Après l’article 15

M. le président. L’amendement n° 1054 rectifié, présenté par Mme Lubin, MM. Jomier et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Chantrel et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Mérillou, Redon-Sarrazy et Stanzione, Mmes Artigalas et Briquet, MM. Cozic et Marie, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mme Préville, MM. Sueur et Tissot, Mme Carlotti, MM. Devinaz, Gillé, Kerrouche, Temal et J. Bigot, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter du 1er janvier 2023, est compensée par la suppression dans la même proportion d’une mesure de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale existante. »

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Cet amendement a pour objet que tout nouveau dispositif d’exonération sociale soit accompagné de la suppression d’un dispositif existant, pour un montant équivalent.

Nous partons d’un constat simple : au cours des premier et deuxième trimestres de 2021, le taux de marge des entreprises s’est envolé, selon l’Insee, aux alentours de 36 %, son plus haut niveau depuis 1949, date à laquelle l’institut a commencé à mesurer ce ratio.

En même temps, le montant total des aides publiques reçues par les entreprises atteint 8,4 % du PIB, selon les chercheurs de l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires). Ce taux est l’un des plus élevés de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) !

Notre proposition est donc simple : cesser d’endetter les finances publiques avec des dispositifs d’exonération peu efficaces et coûteux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je voudrais tout d’abord répondre à M. le ministre. Les deux votes ne sont en réalité pas de même nature : vous n’avez pas été ce soir moins performant que votre collègue, soyez-en assuré ! (Sourires.)

Avec la LPFP, nous avons adopté un repère, une référence. Là, il s’agit d’un acte politique, et nous refusons cette trajectoire qui nous semble dénoter un manque de réalisme et, surtout, de stratégie.

J’en viens à l’amendement n° 1054 rectifié. Une telle pétition de principe, sans effet normatif, aurait eu davantage sa place au sein de la LPFP que nous avons examinée la semaine dernière. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1054 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Vote sur l’ensemble de la troisième partie

Article additionnel après l'article 15 - Amendement n° 1054 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023
Explications de vote sur l'ensemble de la troisième partie (interruption de la discussion)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je rappelle que, en application de l’article 47 bis-1 A, alinéa 2, du règlement, si le Sénat n’adopte pas les dispositions de cette partie, la quatrième partie du projet de loi sera considérée comme rejetée.

Y a-t-il des demandes d’explication de vote ?…

Je mets aux voix, modifié, l’ensemble de la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 36 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 252
Contre 91

Le Sénat a adopté.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Je remercie mes collègues de ces deux jours de débats, ainsi que la présidence qui, grâce à une certaine discipline, nous a permis d’achever l’examen de la troisième partie malgré le grand nombre d’interventions.

Je remercie également M. le ministre de la qualité de ses réponses, et bien sûr les services de la commission, de la séance et des comptes rendus.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mon travail auprès de Mme la présidente de la commission des affaires sociales s’achève ce soir.

Je remercie l’ensemble des ministres qui se sont succédé pendant ces deux jours, ainsi que la commission, qui a été indulgente – nous avons reçu le texte très tardivement, et il a fallu travailler dans l’urgence. Je comprends la frustration que peuvent ressentir mes collègues quand nous examinons leurs amendements aussi rapidement.

Le débat a tout de même eu lieu, me semble-t-il, et nous avons rétabli la première et la deuxième partie du texte qui avaient été escamotées à l’Assemblée nationale.

Enfin, je remercie les services du Sénat qui ont travaillé à mes côtés.

M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 134 amendements au cours de la journée ; il en reste 426 à étudier sur ce texte.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Explications de vote sur l'ensemble de la troisième partie (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023
Discussion générale

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 9 novembre 2022 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente, le soir et la nuit :

Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2023 (texte n° 96, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 9 novembre 2022, à une heure quinze.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER