Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Le fonds de coopération régionale, qui est doté d’un peu moins de 1,5 million d’euros par an, vise essentiellement à mettre en place des actions de coopération économique, sociale et culturelle avec les autres pays des régions ultramarines. À ce jour, il n’a pas de compétence en lien avec les problématiques d’immigration, de sécurité et de défense.

Il faudrait modifier les articles R. 4433-24 et suivants du code général des collectivités territoriales pour étendre son champ de compétences à ces thématiques. En l’absence d’une telle évolution, il ne paraît pas possible d’ouvrir des crédits à cette fin.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Même avis.

Mme Victoire Jasmin. Je le retire, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° II-899 rectifié ter est retiré.

L’amendement n° II-902 rectifié ter, présenté par Mmes Jasmin et Conconne, MM. Antiste et Lurel, Mme Artigalas, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

1 000 000

1 000 000

Conditions de vie outre-mer

1 000 000

1 000 000

Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine

Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Cet amendement vise à abonder le fonds exceptionnel d’investissement afin de permettre aux collectivités d’outre-mer, par une aide à la citerne, de répondre aux besoins exceptionnels de leurs populations en matière de distribution de l’eau.

Lors de l’examen de la loi rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe, qui y créait un syndicat mixte unique, j’avais lancé l’alerte sur les limites de l’exercice et insisté sur la nécessité de prévoir des fonds. Malheureusement, c’était bien une coquille vide, on le constate aujourd’hui, et l’État a repris la main.

Ces problèmes d’eau contraignent de nombreuses écoles à fermer, pour des raisons d’hygiène. Je souhaite par conséquent que soit mis en place un accompagnement pour permettre aux enfants d’aller régulièrement à l’école, même dans les périodes où les coupures d’eau se répètent. Cette situation est anormale et intenable.

Pour des enjeux d’hygiène et de sécurité tout à la fois, il serait bon que cet amendement soit adopté.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. La question de l’accès à l’eau est primordiale dans nos territoires ultramarins. Nous sommes conscients de cet enjeu majeur.

Le plan Eau-DOM, adopté en 2016 pour une durée de dix ans, a déjà permis d’autoriser l’engagement de 126 millions d’euros et de consommer, au 3 juillet 2022, 72,5 millions d’euros de crédits de paiement au sein de la mission « Outre-mer ». Sur ce montant, 58 millions d’euros en autorisations d’engagement et 39 millions d’euros en crédits de paiement viennent du fonds exceptionnel d’investissement, le delta provenant des contrats.

Même si c’est regrettable, les crédits du FEI sont sous-consommés ces dernières années. Ainsi, les crédits existent et nous avons formulé des recommandations pour qu’ils soient pleinement consommés.

Soyez assurés que nous y serons attentifs. Quand le FEI sera intégralement consommé chaque année, nous pourrons légitimement demander une augmentation des crédits ouverts à ce titre, notamment pour des investissements liés à l’accès à l’eau potable.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Ce que l’objet de cet amendement révèle d’inquiétant, c’est l’attitude de l’éducation nationale, qui n’autorise pas les citernes dans les écoles. Je m’en suis aperçu en Guadeloupe et en Martinique.

Je travaille à ce que cela change, mais, l’administration française est ainsi faite que cela prend du temps, même pour un sujet pourtant simple. Le recours aux citernes est possible partout, sauf dans les écoles. C’est ainsi !

Cette discussion a la vertu de mettre en lumière la problématique de l’assainissement, qui a été évoquée à une autre occasion. Sans revenir sur ce qui se passe à Mayotte ou à la Guadeloupe, je pense que l’on est trop concentré sur l’eau potable et pas assez sur l’assainissement – il est clair que cela finira par poser problème. Je n’ai toutefois pas les moyens d’agir.

À mon sens, il s’agit davantage d’un amendement d’appel que d’un amendement financier. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-902 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-928, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

1 000 000

1 000 000

Conditions de vie outre-mer

1 000 000

1 000 000

Centres d’examen des concours de la fonction publique dans chaque collectivité ultramarine

Extension du passeport mobilité aux personnes engagées dans le dispositif de validation des acquis

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Je reprends ici un amendement dont les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) à l’Assemblée nationale, au sein duquel siègent un certain nombre d’élus ultramarins, auraient bien voulu débattre. On sait les raisons pour lesquelles cela n’a pu se faire.

Il s’agit de demander un meilleur investissement de l’État au sein des départements d’outre-mer, notamment en Polynésie française. Le fonds intercommunal de péréquation (FIP) ayant diminué, le service de public de l’eau est remis en cause. Les communes n’ont pas les moyens nécessaires pour assurer la maintenance des réseaux d’adduction d’eau, qui est une compétence communale. Si les travaux ne peuvent avoir lieu, des dégâts environnementaux sont à prévoir.

En effet, le manque d’entretien des réseaux d’adduction d’eau entraîne d’énormes fuites. Or l’eau est un bien commun essentiel, que les conséquences du réchauffement climatique rendent de plus en plus rare. Perdre ce bien, parce que l’État ne fournit pas les moyens nécessaires à sa maintenance, relèverait – ne m’en voulez pas, monsieur le ministre ! – d’une irresponsabilité indicible.

Par conséquent, il faut donner à la Polynésie française et aux collectivités d’outre-mer les moyens de protéger ce bien essentiel et de le rendre accessible au plus grand nombre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Pour être élu de Polynésie française, je connais un peu le sujet ! Je regrette d’ailleurs l’absence de Lana Tetuanui à ce moment du débat, comme lors de la présentation de l’amendement n° II-757 rectifié bis.

En effet, alors que des discussions sont ouvertes et que des négociations sont en cours, on a tout à l’heure mélangé la question du remboursement des frais engagés par la caisse de prévoyance sociale pour la dette nucléaire, l’arrêt des essais nucléaires, la mise en place d’une taxe et d’une TVA sociale qui n’est pas une TVA, et on demande à l’État de combler un déficit qui a été accru par des décisions prises localement ! Comme on ne veut pas aller au bout, on vote un amendement à l’emporte-pièce pour mettre un coup d’arrêt à des discussions qui se fondent sur la confiance !

Pardonnez-moi de réagir aussi fortement, mais c’est un peu le même sujet ici : il est aussi question de quote-part de financement par l’État du FIP, qui organise la péréquation entre les communes polynésiennes en application de la loi organique et du statut qui a été donné à la Polynésie française.

Nous avons souhaité ouvrir ce chantier avec Mme Cayeux, lorsqu’elle était ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, avec le soutien, que j’espère bienveillant, du ministre de l’intérieur et des outre-mer. Toutefois, il ne concerne pas la mission « Outre-mer » et ne peut se restreindre à la question de l’eau en Polynésie française, qui est une problématique en tant que telle.

Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement. Votre intervention est certainement justifiée, madame la sénatrice ; en revanche, elle ne porte pas sur la bonne mission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Le Gouvernement ne se désintéresse pas de la Polynésie française, mais il veut agir en accord avec le gouvernement polynésien.

Nous avons déjà parlé des 42 millions d’euros ; je souhaite aussi mentionner les 60 millions d’euros en faveur de la transformation du mix énergétique dans l’ensemble des villes polynésiennes, sujet sur lequel nous travaillons depuis un an avec le gouvernement polynésien. Ces discussions viennent d’aboutir et les 60 millions d’euros seront délégués.

Je partage par conséquent l’analyse de M. Rohfritsch. Il s’agit de la Polynésie française et non de la Lozère. (Mme Éliane Assassi sexclame.) Nous essayons de travailler ensemble et de répondre aux attentes de ce territoire, dans le cadre des lois qui régissent les rapports de l’État central avec la Polynésie française.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. Je formulerai un souhait.

Monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez exprime la volonté de parler de plus en plus d’environnement, de maîtriser l’énergie, etc.

Dans le même temps, la volonté d’avoir des établissements à haute qualité environnementale (HQE), permettant la récupération de l’eau de pluie pour les toilettes ou le lavage des mains, se développe. C’est le cas en Guadeloupe.

À un moment donné, il nous faut être cohérents et avoir une démarche collective. Il faudrait donc rendre possible ce qui est proposé dans cet amendement.

Monsieur le ministre, vous affichez des motivations et des politiques en faveur de l’environnement, de la maîtrise de l’énergie et de l’eau. Vous avez tout à l’heure parlé d’assainissement, mais les services de l’État sont aussi coupables de la situation dans laquelle nous sommes. Des délégations de service public ont été passées, mais le service de contrôle de légalité n’a pas fait son job ! Le problème est là.

J’ai beau être une jeune élue, je ne me cache pas pour le dire : si ce service faisait correctement son travail, nous ne serions pas dans cette situation !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Tout à l’heure, l’expression « effets de manches » a provoqué une vive réaction de Catherine Conconne. À présent, M. le rapporteur spécial qualifie l’amendement que j’ai défendu au nom de Lana Tetuanui d’« amendement à l’emporte-pièce ».

Ce n’est pas du tout l’impression que j’ai eue et je ne l’aurais pas présenté avec autant de vigueur si tel avait été le cas. Ce type de commentaire n’a rien à faire dans notre hémicycle.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme Catherine Conconne. C’est parce que nous sommes des femmes !

Mme Annick Billon. On ne peut pas remettre en question l’engagement de la sénatrice du groupe Union Centriste Lana Tetuanui. Cela fait presque huit ans qu’elle siège sur nos travées. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Je connais l’amour qu’elle porte à son territoire…

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. C’est aussi le mien !

Mme Annick Billon. … – à votre territoire, monsieur le rapporteur spécial – et c’est ce qui l’a poussée à déposer cet amendement.

Je le répète : ces commentaires ne sont pas de mise.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Les politiques relatives à l’environnement relèvent du gouvernement autonome de la Polynésie française, aux termes de la Constitution et des lois organiques. Il faut le respecter.

Madame Jasmin, vous avez tout à l’heure déclaré que l’État était coupable, mais le premier coupable, c’est celui qui commet l’illégalité !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Quand une illégalité advient, il y a un grand coupable et un petit coupable. Je préfère être le petit coupable, mais je reconnais cette petite culpabilité.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Madame Billon, je suis aussi élu de Polynésie française ; à ce titre, je suis tout aussi légitime que Mme Tetuanui pour parler de mon territoire, comme vous l’êtes pour parler du vôtre.

Mme Éliane Assassi. Nous sommes des élus de la République, pas des élus d’un territoire !

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Oui, nous sommes des élus de la République.

Ce qui est à l’emporte-pièce, ce n’est pas l’action de Mme Tetuanui, c’est l’objet de cet amendement, qui mélange plusieurs sujets, comme le remboursement des frais engagés par la CPS pendant les essais nucléaires.

Si vous estimez que les 42 millions d’euros que vous avez obtenus par ce vote suffiront à régler ce sujet majeur pour la Polynésie française, vous faites une erreur. Permettez-moi de vous le dire en tant qu’élu de la Polynésie française et de la République.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-928.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J’appelle en discussion les articles 44 quater à 44 sexies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Outre-mer ».

Outre-mer

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Article 44 quinquies (nouveau)

Article 44 quater (nouveau)

Le Gouvernement remet au Parlement chaque année, avant le 1er septembre, un rapport donnant lieu à un bilan annuel de l’expérimentation des contrats de redressement en outre-mer. Ce rapport présente de manière détaillée la pertinence du pilotage financier proposé aux collectivités signataires du dispositif. – (Adopté.)

Article 44 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Article 44 sexies (nouveau)

Article 44 quinquies (nouveau)

Au plus tard le 1er juillet 2023, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’évaluation des ressources affectées par le budget de l’État à l’aide aux collectivités territoriales pour la distribution d’eau potable et l’entretien des systèmes d’assainissement dans chaque département et région d’outre-mer. – (Adopté.)

Article 44 quinquies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Enseignement scolaire

Article 44 sexies (nouveau)

Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux crédits budgétaires dédiés à l’aide au fret au sein de la mission « outre-mer ». Ce rapport présente une liste de solutions à mettre en œuvre afin de faciliter l’accès à cette aide, notamment en permettant au minimum la consommation totale des crédits.

Mme la présidente. L’amendement n° II-19, présenté par MM. Patient et Rohfritsch, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Première phrase,

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

six

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Georges Patient, rapporteur spécial. L’objet de cet amendement est de repousser de trois mois la date limite de dépôt du rapport demandé au Gouvernement sur les crédits budgétaires dédiés à l’aide au fret au sein de la mission « Outre-mer ».

M. Jérôme Bascher. Ben voyons…

M. Georges Patient, rapporteur spécial. En effet, pour qu’un rapport soit utile, il faut qu’il soit complet et instruit dans de bonnes conditions.

Dans ce contexte, le délai de trois mois proposé paraît court ; il est donc proposé de le porter à six mois.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Il est favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-19.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 44 sexies, modifié.

(Larticle 44 sexies est adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».

Article 44 sexies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
État B

Enseignement scolaire

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’interviens en qualité de rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». Le message que je veux vous adresser dans le temps qui m’est imparti sera d’une grande sobriété : à tout prendre, il vaut mieux voter ces crédits ! (Mme la rapporteure pour avis et M. Julien Bargeton applaudissent.)

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. En effet, même s’il n’est pas en lui-même parfait – la perfection est-elle de ce monde ? (Sourires.) –, ce budget a le mérite de répondre partiellement à des questions pour lesquelles nous avons le même intérêt et sur lesquelles nous portons un diagnostic commun.

Premier diagnostic, notre enseignement n’est pas terrible. Lorsque l’on disait cela il y a une dizaine d’années, c’était un débat politique. Aujourd’hui, nous pouvons nous appuyer sur des analyses assez objectives – celles de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), celles d’études internationales comme Timss (Trends in Mathematics and Science Study), ou encore celles de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’éducation nationale – et poser un regard plus objectif sur la qualité du travail que produit notre enseignement scolaire.

Les résultats ne sont pas tragiques, mais ils ne sont pas à la hauteur des ambitions d’un grand pays comme le nôtre, particulièrement dans le domaine des sciences et des mathématiques.

Monsieur le ministre, je suis favorable à votre budget parce qu’il poursuit ce qui a été mis en place par votre prédécesseur, à savoir des évaluations exhaustives de l’ensemble des élèves au primaire et au début du secondaire. Je crois d’ailleurs que vous entendez les élargir.

Votre prédécesseur a lancé le Conseil d’évaluation de l’école, dont le démarrage est lent et insatisfaisant. À l’origine, il s’agissait en effet d’évaluer une fois tous les cinq ans tous les établissements scolaires du pays et de rappeler aux chefs d’établissement qu’ils seraient évalués. Dans les faits, le rythme est beaucoup plus lent, puisque seulement 5 % des établissements ont été évalués. Reste que le mouvement est lancé : manifestement, l’idée d’un établissement qui rende des comptes chemine et progresse.

Parce que vous poursuivez cet effort et acceptez l’idée que l’enseignement français, aussi superbe et fort de ses traditions et de son histoire soit-il, puisse être jugé par des observateurs extérieurs qui ont le mérite d’apaiser nos propres conflits, je considère que l’on doit vous suivre, monsieur le ministre.

Deuxième diagnostic, le statut des enseignants mérite réflexion. Ayant constaté que les mathématiques étaient de moins en moins bien enseignées en France, la commission des finances s’est demandé s’il n’y avait pas un problème d’enseignants. Il se trouve que la France a un problème global d’enseignants.

Je le dis avec tristesse : l’enseignant a vu son statut se dévaluer dans la société française d’aujourd’hui, pour une série de raisons que je détaille dans mon rapport, mais que je n’approfondirai pas à cette tribune, si ce n’est pour constater que les jeunes diplômés français ne sont plus candidats aux postes d’enseignants et que des disciplines fortes comme les sciences, les mathématiques, ou certaines langues modernes ne sont plus demandées. Je crois d’ailleurs, monsieur le ministre, que vous avez été amené à repousser la clôture des inscriptions aux concours d’enseignants des premiers et seconds degrés, faute d’un nombre suffisant de candidats.

Nous avons donc le devoir absolu de nous poser la question du statut de l’enseignant. De ce point de vue, les comparaisons internationales qu’a lancées la commission des finances sont assez cruelles pour notre conservatisme tranquille et heureux, mais décalé des réalités.

En effet, le système salarial français est parmi les plus modestes d’Europe ; en même temps, c’est celui où l’écart est le plus grand entre les salaires des enseignants et les salaires de jeunes diplômés ayant les mêmes qualifications après quelques années d’activité. La pyramide salariale privilégie la fidélité. S’il s’agit là d’une valeur à laquelle je crois profondément, il faut reconnaître qu’elle n’est pas très motivante pour mener une carrière où l’on n’avance qu’à l’ancienneté et dont on n’atteint les sommets qu’après trente ans de service.

Monsieur le ministre, ce budget témoigne d’un effort dont il faut reconnaître avec lucidité qu’il est très largement lié à l’augmentation du point de la fonction publique, dont tout le monde profite, y compris les parlementaires ici présents. Cette variation n’est d’ailleurs qu’une façon de rattraper l’inflation.

Le glissement vieillesse technicité (GVT) et l’augmentation du point d’indice représentent à peu près 60 % de l’effort socle ; les mesures catégorielles que vous avez proposées et fait adopter pour les enseignants ne sont pas suffisamment hiérarchisées en fonction des besoins particuliers. Il faut en effet aider les jeunes enseignants, aider le primaire, aider les enseignants qui se trouvent face à des publics plus difficiles et – même si je ne sais pas très bien comment l’on peut le faire – aider les enseignants dans les disciplines qui ont du mal à recruter.

Troisième diagnostic, l’effondrement de la démographie française se traduit par une diminution des effectifs qui sont entrés en primaire cette année, de l’ordre de 50 000 élèves. Pour la rentrée 2023, on attend une diminution de près de 60 000 élèves.

Comment gérer cette diminution ? On peut diminuer le nombre de professeurs. Vous le faites un peu, monsieur le ministre, mais ce n’est pas la seule réponse. On peut aussi améliorer l’encadrement ou faire du qualitatif, c’est-à-dire revaloriser la situation des enseignants, plutôt que du quantitatif, ce qui n’aurait plus de sens aujourd’hui.

Si vous avez posé le problème, vous n’avez pas tranché, monsieur le ministre, et ce projet de budget pour 2023 est un budget de compromis. Nous aimerions connaître votre conviction sur la façon d’utiliser au mieux les conséquences pratiques d’une tragédie française, à savoir son échec démographique.

Le débat qui s’amorce nous permettra d’en parler entre nous, en particulier avec la majorité sénatoriale que je voudrais convaincre lors de la discussion des amendements, même si je ne suis pas sûr d’y parvenir. Il faudra beaucoup de bonne volonté de part et d’autre. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Nous sommes dans un système de cohabitation ou de pouvoir partagé que personne n’a voulu, si ce n’est les électeurs français. Tentons de rendre service à notre éducation en saisissant chaque occasion de progresser. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » s’établiront en 2023 à plus de 58 milliards d’euros, soit une hausse de 3,5 milliards d’euros.

Monsieur le ministre, l’effort financier est réel, mais traduit-il véritablement une vision, une volonté, un projet pour l’enseignement scolaire en France ? Ce budget nous invite à la vigilance et nous attendrons ce soir des réponses précises de votre part quant à vos intentions sur l’avenir de notre jeunesse, c’est-à-dire de la France – car c’est la France qui est en jeu –, et sur la revalorisation des rémunérations des enseignants, si essentielle, s’appuyant sur un socle de 635 millions d’euros et un « pacte » sur lequel nous souhaitons des éclaircissements.

Cette revalorisation suffira-t-elle à enrayer la crise des vocations et à produire le choc d’attractivité nécessaire pour ce beau métier, mais ô combien difficile et trop peu souvent protégé ? La crise de vocation que connaît aujourd’hui l’éducation nationale ne se réglera pas que par le financement. Le délai supplémentaire d’inscription aux concours d’enseignants de quinze jours prouve que l’annonce d’une carrière débutant à 2 000 euros ne suffit pas.

Le mal est plus profond et ce que nous comprenons de votre budget nous interpelle, monsieur le ministre. Vous oubliez la revalorisation de tous les acteurs qui agissent au sein de l’éducation nationale.

Quid de l’augmentation des conseillers principaux d’éducation (CPE) ? Quid de l’augmentation des chefs d’établissement et d’une réforme de leur statut ? Quid de l’augmentation salariale des infirmiers et des médecins ? Quid de tous ces enseignants qui ont commencé leur carrière à moins de 2 000 euros par mois, qui, après dix ans d’ancienneté, sont légèrement au-dessus et qui s’interrogent sur le déroulement de leur carrière ?

Il est un autre point de vigilance, qui a trait au nombre de postes non pourvus après les concours de 2022. On nous expliquera qu’il y a eu un double concours, ce qui a entraîné des difficultés. Je veux bien, mais ce nombre a triplé par rapport à 2021, ce qui n’est pas sans poser des difficultés fortes à cette grande nation qui a du mal à recruter ses enseignants et leur propose une formation sur quatre jours.

L’heure est donc à une réflexion globale et ambitieuse ; nous avons peine à en deviner l’issue, mais il faudra la trouver.

Combien de stagiaires affectés dans des réseaux d’éducation prioritaire ont-ils démissionné ?

On s’interroge également sur l’absence de mobilité géographique, sur les difficultés que rencontrent les fonctionnaires de l’éducation nationale pour suivre un conjoint pacsé, par exemple. S’agit-il d’une politique d’un autre temps ou le fait d’une direction des ressources humaines inexistante ? Je crains un gâchis. Je vous rappelle que favoriser la mobilité fait partie des objectifs. La mobilité est l’un des éléments qui réduisent les risques psycho-sociaux.

Autre point de vigilance, les 430 000 élèves en situation de handicap scolarisés dans le premier cycle : près d’un tiers d’entre eux n’ont pas d’accompagnement humain. Comment une nation aussi grande que la France peut-elle ainsi laisser ses enfants au bord du chemin ?

En conclusion, le temps qui m’est imparti étant restreint, je dirai simplement, monsieur le ministre, que ce projet de budget n’est pas tout à fait à la hauteur de nos espérances et d’une grande nation comme la France. La revalorisation salariale à 2 000 euros ne doit pas masquer les difficultés que les enseignants rencontrent dans l’exercice de leur métier.

Pour ces raisons, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication propose de s’abstenir sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)