M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Samantha Cazebonne. Je me joins, de ce point de vue, aux inquiétudes formulées par notre collègue rapporteur pour avis Guillaume Gontard quant aux perspectives de récession et d’inflation dans certains pays – le groupe RDPI y sera attentif.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Samantha Cazebonne. Nous voterons les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous remercie de respecter le temps de parole qui vous est imparti. Je vous rappelle que, pour cette mission, la durée maximale de la discussion, initialement fixée à trois heures, a été prolongée à trois heures trente et que nous aurons cinquante amendements à examiner. Si nous n’en avions pas terminé dans les délais, celle-ci se poursuivrait après l’examen des articles non rattachés, donc tard dans la nuit…

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France a fait le choix d’un modèle que de nombreux pays nous envient et tentent d’imiter : celui d’un réseau complet, à la fois diplomatique, consulaire, éducatif, culturel et économique. C’est un héritage exceptionnel, que nous avons le devoir de préserver.

Madame la ministre, vous allez nous inviter à nous réjouir de l’augmentation des crédits et du nombre de postes. Il est vrai que cette inversion de la courbe budgétaire, que nous appelons de nos vœux depuis longtemps, est bienvenue.

Pourtant, l’augmentation de 5 % des crédits de la mission « Action extérieure de l’État » n’est malheureusement ni structurante pour l’avenir du ministère ni l’expression d’une volonté politique de changement, puisqu’elle sera en grande partie absorbée par l’inflation et par la dépréciation de l’euro. Par ailleurs, le saupoudrage des crédits ne permettra de financer aucune nouvelle mesure.

La création de 106 ETP, présentée comme le « réarmement » de la diplomatie française, est loin de compenser la suppression de 160 postes sur la seule année 2019.

L’« équipe France » que forment l’ensemble des personnels et nos conseillers des Français de l’étranger a fait preuve d’une grande résilience durant la pandémie et d’un élan spontané de solidarité à chaque crise, empêchant le tissu social de se déchirer. S’ils méritent notre reconnaissance, ils ont surtout besoin que les moyens humains et financiers qui leur sont alloués soient à la hauteur des missions qu’ils exercent.

J’en viens maintenant à notre action consulaire, en particulier à la qualité des services publics offerts aux Français de l’étranger et à notre politique des visas.

Les consulats devraient être les premiers lieux d’accueil de nos compatriotes à l’étranger, mais ils sont de moins en moins accessibles. Paradoxalement, les usagers parviennent très difficilement à obtenir un rendez-vous, faute de personnel. Quant à la dématérialisation, censée faciliter leurs démarches les plus élémentaires, elle prive une partie de la population d’accès aux services publics. Elle doit vraiment demeurer un outil additionnel, par ailleurs très utile, au lieu d’être utilisée comme le revers d’une politique de suppression de postes et d’économies.

Le choix de l’externalisation montre lui aussi ses limites : le service France Consulaire, mis en place pour pallier la suppression des accueils téléphoniques dans les consulats, nécessite en définitive des crédits importants, de l’ordre de 1,9 million d’euros en 2023, et mobilise de surcroît des personnels du ministère à Paris. Est-il vraiment judicieux de continuer à supprimer des emplois dans les consulats pour les déployer ensuite à Paris ou à Nantes ?

Les consulats sont aussi des portes d’entrée pour qui souhaite se rendre en France ; mais quel accueil y reçoit-on ?

À l’occasion de mes déplacements, je constate que les consulats semblent tous en état de gestion de crise permanente, situation alimentée par les sous-effectifs chroniques dans tous les services, plus particulièrement dans les services des visas. La création de 18 ETP au sein du réseau consulaire, dont 7 en administration centrale et 11 à l’étranger, est de toute évidence très insuffisante. L’augmentation des délais de prise de rendez-vous a engendré la création de plateformes privées censées pallier les carences de l’État ou, pire, l’apparition de trafics illégaux de vente de rendez-vous ; certains sont si désespérés qu’ils paient jusqu’à 500 euros pour un service qui, en principe, est gratuit.

À ces difficultés s’est ajoutée une politique de réduction drastique des visas délivrés en Afrique du Nord, affectant majoritairement des publics francophones et francophiles. Au lieu que les visas soient l’outil de la politique d’accueil que l’on attend d’un pays comme le nôtre, nous en faisons un instrument sécuritaire, et ce au détriment de nos propres intérêts, comme je le montrerai en donnant deux exemples.

Premier exemple : lors d’un déplacement à Agadir, j’ai appris par le wali de la région que la France avait perdu, au profit de l’Autriche, l’appel d’offres lancé pour la construction du téléphérique après avoir refusé le visa de l’investisseur marocain qui devait venir signer le contrat à Paris, visa que les Autrichiens lui ont prestement accordé.

Second exemple : nous avons refusé un visa à un étudiant tunisien formé dans un de nos lycées français ; il est parti faire ses études supérieures au Canada… Il en conservera sans doute, comme beaucoup d’autres, une certaine rancœur envers notre pays, pareils refus étant souvent vécus comme des humiliations.

À l’instar de cette politique qui ternit l’image de notre pays à l’étranger, la réforme de la haute fonction publique abîme notre diplomatie professionnelle à l’heure où les grands bouleversements géopolitiques requièrent la plus grande expertise. Après avoir imposé cette réforme sans concertation, pourquoi ne pas utiliser les États généraux de la diplomatie pour présenter un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ?

J’aimerais maintenant évoquer le deuxième pilier de notre présence à l’étranger : notre réseau éducatif et culturel.

En 2018, le Président de la République demandait à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger de doubler le nombre d’élèves en un temps record, et ce sans moyens, sans professeurs supplémentaires, sans ouverture de classes, le développement de l’AEFE étant toujours entravé faute de capacité d’emprunt.

Soit on croit au miracle, soit cette annonce cache une volonté de privatisation à marche forcée du réseau s’appuyant sur le développement des établissements partenaires. L’amendement que le Gouvernement a retenu dans le texte issu du 49.3 semble l’attester ; nous en demandons la suppression.

Ceux qui défendent ce tournant libéral devraient se souvenir qu’en pleine pandémie notre réseau a tenu le choc et qu’il le doit notamment à la puissance publique. Ledit réseau, faut-il le rappeler, demeure unique au monde puisqu’il est construit autour d’un noyau d’établissements en gestion directe ou conventionnés qui portent en eux la philosophie de l’école publique française, dont la mission est de défendre nos valeurs via l’enseignement de notre langue.

Les 30 millions d’euros supplémentaires prévus pour l’Agence en 2023 ne compenseront pas l’annulation de crédits de 33 millions d’euros subie en 2017. Cette augmentation de la subvention, très attendue par la communauté éducative, est en réalité un trompe-l’œil : 13 millions d’euros financeront l’augmentation du point d’indice ; 7 millions d’euros financeront la moitié du surcoût lié à la mise en place du nouveau statut de détaché d’enseignement, d’éducation et d’administration ; les 10 millions d’euros restants seront fléchés vers les établissements scolaires français au Liban, principalement gérés par la Mission laïque française.

Que reste-t-il alors pour les rémunérations de nos personnels, dont le pouvoir d’achat est amputé par l’inflation et par des taux de change très défavorables dans certains pays ? Quid de nos établissements, qui accumulent les difficultés ? Nombre d’entre eux souffrent d’un manque de trésorerie qui les contraint à augmenter les frais de scolarité, lesquels pèsent toujours plus sur les budgets des familles.

L’école de la République doit être accessible à tous ; mais qu’en sera-t-il pour les nombreuses familles, notamment des classes moyennes, qui subissent l’impact de la crise économique ?

La dotation allouée aux bourses scolaires est en hausse de 11 %, mais elle revient en réalité à son niveau de 2021. La conjugaison de la croissance du nombre d’élèves et de la crise économique prolongée engendre, de fait, une augmentation des demandes de bourses dans nos établissements.

Nous plaidons donc pour que l’enveloppe soit revue à la hausse afin d’assurer la mixité sociale, de préserver l’attractivité de notre réseau et de répondre à tous les besoins.

Il en va de même pour nos établissements culturels, dont les ressources propres ont été réduites par les confinements. Leur stabilisation budgétaire témoigne d’un manque d’ambition pour notre diplomatie culturelle.

Comment atteindre l’objectif fixé par le chef de l’État, celui d’ouvrir dix nouvelles alliances françaises chaque année, sans moyens supplémentaires ?

Nos instituts français auraient eux aussi mérité un soutien, alors qu’ils continuent de souffrir sur le terrain. D’une part, s’ils ont su se moderniser grâce à l’ouverture de cours en ligne, ils sont aujourd’hui fortement concurrencés par d’autres organismes. D’autre part, la suppression des postes des directeurs des instituts français de Fès, de Tanger et d’Agadir oblige nos consuls généraux à exercer à plein temps deux métiers différents et envoie un message plutôt négatif quant à la place que nous réservons à la culture dans ce pays encore très francophile.

Si nous saluons la décision d’allouer des crédits aux actions de communication absolument essentielles qui sont menées par le ministère, notamment sur le continent africain, nous ne pouvons que regretter que notre audiovisuel extérieur ne soit pas plus soutenu face à une concurrence internationale accrue.

Enfin, notre développement économique s’appuie sur un réseau formidable d’acteurs. Notre « équipe France », composée d’Atout France, des conseillers du commerce extérieur, de la Chambre de commerce internationale et de Business France, ne doit pas être oubliée.

En effet, nos entrepreneurs français sont des soutiens pour les exportations françaises vers leur pays de résidence, et beaucoup d’artisans développent localement les savoir-faire français, ce qui renforce l’image déjà plutôt positive dont bénéficie notre pays. Comme dans bien d’autres domaines, nous possédons les acteurs et les outils ; sans hésiter, donnons-leur les moyens d’être à la hauteur de notre ambition collective !

Nous espérions de ce budget pour 2023 qu’il procède au changement radical de politique publique qui paraissait s’annoncer après votre audition en commission, madame la ministre. Il est vrai que nous devrions nous féliciter que les crédits ne baissent pas, et chaque euro, chaque poste supplémentaire, est évidemment bienvenu.

C’est pourquoi nous ne nous opposerons pas aux crédits de cette mission. Mais entendez dans notre position, madame la ministre, la volonté que le budget de ce grand ministère soit renforcé afin de donner à celles et à ceux qui le font vivre les moyens de réussir dans l’exercice de leurs missions.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en cette période de résurgence des conflits sur le continent européen et d’aggravation des crises de tous ordres au niveau mondial, la France se doit de disposer d’une action extérieure forte, d’un programme ambitieux de solidarité internationale et d’un réseau diplomatique à la hauteur de ces ambitions.

Nous accueillons favorablement l’augmentation des crédits alloués à la mission « Action extérieure de l’État », ainsi que le relèvement de 106 ETP du plafond d’emplois du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Mais ces corrections, nous le savons tous, sont loin de réparer les dégâts subis sur une longue période par nos moyens d’action extérieure.

De surcroît, à l’insuffisance des moyens s’ajoute la rupture de confiance qu’a provoquée l’entêtement du Gouvernement à mettre en cause envers et contre tous – y compris le Sénat – le modèle de recrutement et le statut de notre corps diplomatique. Là encore, les corrections apportées n’effacent pas tout. Le Quai d’Orsay a connu, au mois de juin, une grève sans précédent, qui laisse des traces, tant elle a révélé l’ampleur du malaise : des personnels à bout, un réseau à l’os face à une explosion du nombre de missions que l’on demande à la diplomatie d’exercer, un recours trop important à des contrats courts ou locaux, des conditions d’emploi médiocres.

Le risque de fragilisation de la qualité de notre diplomatie reste réel, alors même que son excellence est largement saluée.

Au-delà de ces remarques budgétaires, je veux consacrer les quelques minutes qui me sont imparties à souligner le caractère stratégique de notre engagement diplomatique dans la prévention des conflits. Il s’agit de bien plus, en effet, que d’une question budgétaire.

Nous ne saurions nous contenter de préparer la guerre. Dans ce monde plein de convulsions, nous devons mettre au cœur de nos priorités la prévention de celle-ci et la recherche en toutes circonstances d’une solution – diplomatique, politique, économique – aux conflits qui menacent. L’asymétrie, sur le long terme, des trajectoires budgétaires respectives de nos moyens militaires et diplomatiques révèle à nos yeux une lecture faussée des enjeux géostratégiques actuels.

Explosion des inégalités mondiales, fractures croissantes, pauvretés endémiques constituent le terreau essentiel des conflits.

Face à une mondialisation hyperconcurrentielle, qui mine les solidarités et fait naître des insécurités globales, alimentaires, sanitaires, migratoires, sociales, énergétiques, nous devons élaborer une stratégie de sécurité humaine tout aussi globale, faute de quoi l’arme militaire sera non seulement impuissante, mais génératrice de chaos supplémentaire.

La diplomatie doit être la pièce maîtresse de notre stratégie de promotion d’une paix mondiale globale.

Je prendrai quelques exemples d’actualité.

Premier exemple : la guerre en Ukraine. Je ne reviendrai pas sur les sous-estimations, l’aveuglement et les échecs successifs qui ont conduit à négliger les accords de Minsk – comme l’avait été la piste d’une renégociation des accords de sécurité collective en Europe après la chute du mur de Berlin.

Je m’en tiendrai à l’actualité et aux déclarations du Président de la République ce week-end. Ce dernier a déclaré, à propos des solutions politiques qu’il nous faudra tôt ou tard explorer : « Il y a 10 000 formules différentes : des régions plus décentralisées comme prévu par les accords de Minsk, avec reconnaissance, par exemple, de la co-officialité de la langue russe, des territoires sous protection internationale, des formules d’autodétermination… »

Comment être utile à ce travail d’exploration sans un réseau diplomatique solide ?

Deuxième exemple : l’échec dramatique de la COP27, qui porte en germe nombre de conflits liés aux effets des dérèglements climatiques. Faisons-nous des COP un objectif de sécurité stratégique ? Le cas échéant, de quels moyens diplomatiques supplémentaires nous dotons-nous pour ne pas aller, de COP en COP, d’échec en échec ?

Troisième exemple : l’échec de Barkhane. Quelles conclusions en tirons-nous, au-delà des seuls aspects militaires ?

En effet, l’échec est avant tout politique et géostratégique. Qui redéfinira nos relations avec les pays du Sahel autrement qu’en s’enfonçant dans les ruptures actuelles, dont l’extinction de notre aide publique au développement au Mali constitue un si triste exemple ? Qui sinon un réseau diplomatique renforcé et aux missions redéfinies ?

Je pourrais multiplier les exemples. Rien ne se construira de sérieux en matière de sécurité collective sans de puissants efforts politiques et diplomatiques visant à relancer les initiatives internationales de la France dans tous les domaines : pour une solution politique aux conflits, mais, aussi et surtout, pour en éradiquer les racines ; pour un nouvel ordre économique ; pour une transition climatique juste ; pour la sécurité alimentaire ; pour les droits des femmes ; pour le respect d’un droit international qui ne soit plus régi par le « deux poids, deux mesures ».

Aussi considérons-nous que le relèvement des moyens est encore bien trop faible et qu’il devrait, je le répète, constituer la priorité stratégique de notre politique de sécurité mondiale.

Pour toutes ces raisons, nous ne pourrons voter en faveur des crédits de cette mission, mais notre vote contre exprimera surtout une exigence : celle de nous hisser au plus vite au niveau des besoins de diplomatie qu’appelle le monde actuel.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Cadic. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présidence française de l’Union européenne, au premier semestre, a été une grande réussite, grâce au professionnalisme et à l’engagement de nos diplomates, que je tiens à saluer dès le début de mon propos.

La France dispose du troisième réseau diplomatique mondial, mais celui-ci avait perdu 50 % de ses effectifs en trente ans. Jean-Yves Le Drian a donc eu raison de mettre un coup d’arrêt à la baisse continue des moyens du Quai d’Orsay.

En créant 106 ETP – une première depuis 1993 –, vous donnez, madame la ministre, un nouvel élan à la mission « Action extérieure de l’État », qui se traduit par une hausse des crédits – nous nous en réjouissons.

L’application de la réforme de la haute fonction publique au corps diplomatique a incité le Président de la République à organiser des États généraux de la diplomatie.

La semaine dernière, notre commission a rencontré l’ambassadeur Jérôme Bonnafont, rapporteur général des États généraux, et son équipe, qui nous ont affirmé que la modernisation des ressources humaines du Quai d’Orsay constitue le grand enjeu de cette réflexion. L’évolution des missions et des métiers diplomatiques et consulaires envisagée me paraît encourageante.

S’agissant du programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence », je répondrai aux détracteurs de l’ambition présidentielle de doubler la taille du réseau de l’enseignement français à l’étranger d’ici à 2030.

En 1990, lors de la création de l’AEFE, le réseau comptait 499 écoles. Trente ans plus tard, il n’en comptait plus que 470. Lorsqu’Emmanuel Macron a partagé sa volonté de développer le réseau en 2018, l’AEFE n’était toujours pas parvenue à recouvrer le nombre d’écoles qu’il comptait à l’origine. Le nouvel élan porté par le Gouvernement a permis de passer de 495 à 560 écoles françaises à l’étranger en quatre ans ; c’est historique.

Toutefois, comme je l’avais anticipé à cette tribune il y a deux ans et comme l’ont souligné les rapporteurs, la gouvernance actuelle du réseau ne permet pas d’obtenir la croissance nécessaire en nombre d’élèves pour respecter l’objectif présidentiel.

En effet, l’AEFE est confrontée à un conflit d’intérêts : il lui est demandé de développer un réseau destiné à faire concurrence aux 68 établissements qu’elle administre en gestion directe. Afin de sortir de cette injonction contradictoire, il faudrait transférer la gouvernance des établissements en gestion directe (EGD) à un autre opérateur, tel que la Mission laïque française, de sorte que l’AEFE se consacre exclusivement au développement et à la croissance du réseau.

Les 498 écoles privées mériteraient d’ailleurs d’être auditionnées par les rapporteurs du programme 185. En effet, qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son. Aussi serais-je curieux, madame la ministre, que l’on m’explique, à l’heure de la Coupe du monde, comment il est possible d’être à la fois joueur et arbitre dans une compétition…

Ensuite, dans le programme 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires », les consulats devraient être vus non pas comme des structures de coûts, mais plutôt comme des structures de services, qu’il convient de développer.

Une mission d’information sur la politique des visas, menée conjointement par M’jid El Guerrab et Sira Sylla, alors députés, a démontré l’inadéquation entre le nombre d’agents disponibles et le volume de dossiers à traiter : retards, refus inexplicables et frustrations légitimes abîment ainsi inutilement la relation avec le pays d’accueil.

Or un agent du service chargé des visas produit des revenus quatre fois supérieurs à son coût. Alors que les bureaux de Londres et Abidjan collectent 7 millions d’euros chacun cette année, il est prévu 1,7 million d’euros dans le programme 151 pour faire face aux recours contre les refus de visa. Ne pourrions-nous pas suggérer à Bercy de corréler le nombre d’agents visas au montant des recettes collectées, comme le ferait une entreprise ?

Par ailleurs, je rends hommage à nos élus des Français de l’étranger engagés en matière de solidarité, ainsi qu’à la Fédération internationale des accueils français et francophones d’expatriés, la Fiafe, qui a été reconnue d’utilité publique le mois dernier. Les acteurs qui se sont mobilisés en faveur des réfugiés ukrainiens, comme j’ai pu l’observer avec l’Union des Français de l’étranger (UFE) et la French Tech en Pologne et en Roumanie, méritent tout autant d’être salués.

En ce qui concerne le programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », qui regroupe les moyens de l’action diplomatique de la France, j’ai pu constater les effets positifs de la hausse des contributions volontaires de la France aux organisations internationales lors de la visite de la délégation parlementaire au siège de l’Organisation des Nations unies (ONU), que j’ai conduite au début du mois de novembre. Un rapport d’information sénatorial, publié en début d’année, soulignait le caractère stratégique ces contributions.

Si nous poursuivons ces efforts budgétaires en 2023, comme l’a souligné André Gattolin, certains de nos collègues n’ont manifestement pas compris leur aspect stratégique, à en juger par les amendements qui tendent à les diminuer – c’est pourtant la place de la France dans le monde, chère au général de Gaulle, qui se joue là. Peut-être les débats leur rappelleront-ils que l’influence ne se paie pas qu’en mots.

Enfin, la Première ministre Élisabeth Borne a appelé les ambassadeurs à renforcer leur relation avec les élus des Français de l’étranger et a fait de la simplification de la vie de nos compatriotes à l’étranger une priorité – je l’en remercie.

Le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. André Guiol.

M. André Guiol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pouvons-nous sérieusement aborder la discussion sur les programmes 185 et 105 – « Diplomatie culturelle et d’influence » et « Action de la France en Europe et dans le monde » – de la mission « Action extérieure de l’État » en nous contentant d’égrainer chiffres, avis et opinions ?

Nous ne pouvons faire comme si la guerre ne bousculait pas les équilibres européens, que nous espérions stables et consolidés depuis la Seconde Guerre mondiale.

Cette agression doit nous inciter à la prudence, à la modestie et à la vigilance. Après la pandémie, l’agression russe impose une nouvelle fois à l’Union européenne un devoir de solidarité. Il n’est pas question de faire profil bas ou, pire, de baisser la garde – bien au contraire !

Mes chers collègues, nous entendons les réserves émises sur le programme 185.

Les conclusions des rapporteurs soulignent que l’augmentation de 13 millions d’euros de l’enveloppe budgétaire consacrée à la diplomatie culturelle et d’influence n’est pas à la hauteur des ambitions affichées par l’exécutif.

Sans être adepte du « toujours plus », le groupe RDSE est bien conscient des effets de l’inflation, celle-ci demeurant plus sévère hors de nos frontières que dans l’Hexagone. La compenser intégralement serait une prouesse, puisque cela supposerait une adaptation pays par pays.

Toutefois, la hausse de 2 % des crédits alloués au programme 185, ainsi doté de 744 millions d’euros, permet, a minima, de maintenir le cap alors que la récession menace – ce n’est pas négligeable !

Nous ne pouvons pas nous en tenir aux objectifs volontaristes affichés par l’exécutif, qui ont des airs de vœux pieux ou d’incantations.

Mes chers collègues, le « toujours plus » qui est parfois de mise dans les discussions budgétaires est souvent une façon commode de se donner bonne conscience.

De même, la critique, acceptable quand elle est juste et raisonnable, se révèle vaine lorsqu’elle devient systématique. Aussi occulte-t-elle souvent les avancées positives que les perspectives budgétaires permettront de concrétiser.

Or les lignes tracées pour 2023, sans être flamboyantes, ont l’immense mérite d’être pragmatiques.

Ainsi, les deux tiers des 30 millions d’euros supplémentaires octroyés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger financeront la hausse du point d’indice des enseignants et compenseront en partie la mise en place du nouveau statut de détaché.

De plus, les 10 millions d’euros dédiés au soutien au réseau d’enseignement du français au Liban sont bien plus qu’un heureux coup de pouce, dans un pays fracturé.

Je ne cache pas que je me montrerai plus sévère avec la stratégie Bienvenue en France, destinée à l’accueil des étudiants étrangers. Celle-ci reste bien timide et souffre de la comparaison qui peut être dressée avec les initiatives prises outre-Rhin. Si la France occupait le quatrième rang des pays d’accueil en 2015, elle est désormais septième.

Nous consacrons 64 millions d’euros aux bourses étudiantes ; ce budget est trois fois supérieur en Allemagne et s’élève à 266 millions d’euros pour l’Australie. Ce n’est pas acceptable, et j’ose espérer qu’il ne s’agit pas d’un rétrécissement de nos horizons, le phare des Lumières, qui rayonnait sur le monde, risquant alors de se voir remplacé par la pâle lueur des tourments nationalistes…

Cette situation impose la modestie. Or il s’agit sans doute du maillon faible de cette politique, car c’est bien en accueillant et en formant les élites de demain que nous consoliderons notre influence future de manière durable.

Notre attractivité ne se résume pas au déroulement d’un tapis rouge pour les entreprises étrangères porteuses de capitaux. Elle passe aussi par un patient et discret travail d’influence, d’accueil et de formation.

Je tenais à rappeler ces quelques chiffres avant d’aborder le programme 105, qui est une priorité de la mission « Action extérieure de l’État ».

La progression de 6,6 % de ses crédits traduit une volonté politique qu’il nous faut saluer. L’effort, réel, nous permettra, pour la première fois depuis 1993, de créer 106 emplois équivalents temps plein.

Là encore, les esprits chagrins mettront en avant les 3 000 postes perdus depuis 2007… Laissons-les se chagriner et félicitons-nous du changement de paradigme que constitue la création nette d’emplois.

Souvenons-nous que les agents animant le troisième réseau diplomatique mondial ont été sur le pont lors de la pandémie, favorisant le rapatriement de plus de 370 000 de nos ressortissants. Ils ont aussi facilité l’évacuation de 3 000 personnes d’Afghanistan, pays plongé dans un obscurantisme accablant.

Par ailleurs, nous n’ignorons pas les interrogations liées à la politique immobilière : elles ont fait l’objet de propositions sérieuses de la commission des affaires étrangères.

De même, n’hésitons pas évoquer l’épineuse question de la spécificité des parcours des diplomates, remise en cause par la disparition de l’École nationale d’administration (ENA). Comme vous tous, mes chers collègues, nous avons été sensibles aux inquiétudes provoquées par l’application de la réforme de l’encadrement supérieur de l’État au ministère des affaires étrangères.

Le groupe RDSE se félicite toutefois que le dialogue ait permis de lancer des États généraux de la diplomatie, qui devraient – du moins le souhaite-t-il – enrichir les mesures votées.

Malgré ces réserves, le groupe RDSE votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)