M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est désormais admis que les luttes d’influence sont au cœur de la compétition mondiale. En la matière, la France dispose d’incontestables atouts : premier réseau culturel au monde, premier réseau éducatif, troisième réseau diplomatique. Pour autant, la place de la France n’est pas immuable.

Au cours du précédent quinquennat, le Gouvernement a affiché des ambitions élevées pour la diplomatie culturelle et d’influence de notre pays, ambitions reprises dans une « feuille de route de l’influence » présentée au mois de décembre 2021 par Jean-Yves Le Drian.

Pour autant, force est de constater que le fossé s’est creusé entre les discours et les actes.

Ainsi, en 2023, les crédits du programme 185 progresseront de 40 millions d’euros à périmètre constant, dont 30 millions iront à l’AEFE. Ce qui nous est présenté comme une hausse importante des moyens de l’agence ne vise en réalité qu’à compenser des dépenses supplémentaires : l’aide nécessaire au réseau de l’enseignement français au Liban, l’augmentation, tout aussi nécessaire, du point d’indice et la mise en place d’un nouveau statut pour les personnels détachés. Sur ce dernier point, les crédits ouverts par le projet de loi de finances ne permettront de couvrir que la moitié du surcoût.

Madame la ministre, lors de votre audition devant notre commission, vous vous êtes voulue rassurante, en nous indiquant que l’autre moitié de ce surcoût serait financée par un reliquat de crédits ouverts en 2020. Il n’en est pourtant rien ! Loin d’une augmentation de ses moyens, l’Agence devra donc faire face à une dépense supplémentaire de 7 millions d’euros en 2023. Et cette dépense a vocation à croître dès 2024.

Cette stagnation, voire cette régression des moyens de l’AEFE n’a néanmoins pas conduit le Gouvernement à interroger l’objectif présidentiel de doubler les effectifs d’élèves du réseau de l’AEFE d’ici à 2030, objectif qui apparaît désormais irréaliste.

En effet, selon nos calculs, comme vous pouvez le voir sur le graphique qui est actuellement diffusé sur les écrans de l’hémicycle, au rythme de croissance des effectifs actuels, l’objectif ne sera atteint qu’en 2049.

En tout état de cause, l’augmentation du nombre d’élèves ne saurait constituer l’unique boussole de l’enseignement français à l’étranger. En effet, nous avons été alertés sur le risque de développement d’une concurrence entre établissements. C’est pourquoi nous appelons à la mise en place d’une véritable « carte scolaire » établie par l’AEFE, afin de garantir un développement harmonieux du réseau.

Par ailleurs, la croissance du réseau ne doit pas être entravée par la question du financement des investissements immobiliers des établissements en gestion directe, qui n’est toujours pas résolue. C’est pourquoi nous proposons qu’une subvention pour charges d’investissement soit inscrite dès le PLF pour 2024.

En conclusion, mes chers collègues, vous l’aurez compris, ce PLF ne nous semble pas à la hauteur d’une politique d’influence réellement ambitieuse. Pour autant, les crédits du programme 185 étant taillés à juste suffisance, la commission des affaires étrangères et de la défense a émis un avis favorable sur leur adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s’agissant de l’attractivité de la France en matière de mobilité étudiante, la subvention versée à Campus France sera stable. Il en va de même pour les crédits consacrés aux bourses étudiantes.

Si la croissance du nombre d’étudiants internationaux accueillis par la France avait atteint des taux particulièrement élevés au cours de la dernière décennie, l’augmentation des moyens consacrés à cette politique serait logique. Ce n’est pas le cas.

En effet, notre pays est en perte de vitesse dans ce domaine. Ainsi, entre 2014 et 2019, la France est passée de la quatrième place à la septième place dans le classement des pays accueillant le plus d’étudiants en mobilité. Certes, des mesures ont été prises pour inverser cette tendance. Je pense notamment à la stratégie Bienvenue en France, lancée en 2018, qui se fixait comme objectif d’accueillir 500 000 étudiants étrangers à l’horizon 2027 et de doubler le nombre de bourses versées par le ministère.

Toutefois, ces mesures ne semblent pas suffisantes pour permettre à la France de « remonter sur le podium des nations les plus attractives pour les étudiants étrangers », selon vos propres termes, madame la ministre.

Notre pays doit en effet faire face à de nombreux défis.

Premièrement, il y a un décalage entre les moyens accordés à Campus France et aux bourses étudiantes, qui stagnent, et les ambitions affichées. Je rappelle que le budget allemand consacré aux mobilités entrantes est trois fois supérieur au nôtre.

Deuxièmement, la durée moyenne des bourses doit être allongée. Actuellement, celle-ci est de moins de six mois, ce qui conduit à un saupoudrage des moyens et ne permet pas de créer un lien pérenne avec les étudiants accueillis.

Troisièmement, notre système universitaire souffre – nous le savons depuis longtemps – de son manque de lisibilité, du fait de la coexistence d’écoles et d’universités. Par ailleurs, l’offre d’enseignements en anglais demeure insuffisante.

J’en viens maintenant aux crédits consacrés à la diplomatie culturelle. Les actions inscrites dans la « feuille de route de l’influence » nous semblent floues et peu ambitieuses. Tout au plus savons-nous que 2 millions d’euros leur seront consacrés en 2023. Elles seront en outre financées par des économies dites de « constatation ». Je ne sais toujours pas ce que signifie « économies de constatation ». J’espère qu’on pourra me l’expliquer un jour !

Enfin, les moyens dévolus au réseau culturel, instituts français et alliances françaises, seront également stables l’année prochaine. Cette stabilité interroge, dans un contexte de fragilisation de certains établissements du fait de la crise sanitaire et de l’inflation qui touche de nombreux pays.

Au final, le budget qui nous est présenté est un budget sans réelle ambition, et la commission l’a adopté sans réel enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon collègue Guillaume Gontard et moi-même avons rapporté pour avis les crédits du programme 151 pour la commission des affaires étrangères et de la défense. Lors de sa réunion du 16 novembre, la commission a émis un avis positif sur l’adoption de ces crédits.

Le programme 151 comporte, comme chaque année, les ressources dédiées aux Français à l’étranger et aux affaires consulaires.

Elles se répartissent entre trois grands postes de dépense : le service public pour nos compatriotes à l’étranger pour environ 60 % des crédits ; le financement des bourses scolaires du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger pour près d’un tiers des crédits ; enfin, le traitement des demandes de visa pour les 15 % de crédits restants.

L’année 2023 marquera par ailleurs une forme de « retour à la normale » pour le programme 151, du fait de l’absence d’élection directe à l’échelle nationale. Pour mémoire, l’organisation des élections présidentielles, puis législatives qui se sont tenues cette année avait donné lieu à un abondement spécifique de 14 millions d’euros en loi de finances pour 2022.

Nous relevons toutefois que, pour faire face à cette échéance, le ministère avait réduit ponctuellement sa dotation de financement des bourses scolaires de près de 10 millions d’euros, en s’appuyant sur la soulte de l’agence pour maintenir constant le soutien financier aux familles expatriées.

Ces deux opérations budgétaires s’étant en quelque sorte « mutuellement neutralisées » en 2022, c’est bien une stabilisation des crédits que nous constatons pour l’année 2023, avec une hausse globale de 5 %.

Par ailleurs, nous nous sommes intéressés plus particulièrement au déploiement du service France Consulaire. Ce service est une innovation, qui a été mise en place par le Quai d’Orsay à partir du 13 octobre 2021. Il s’agit d’une plateforme de réponse dématérialisée, qui peut être sollicitée par téléphone ou par courriel par les Français résidant à l’étranger ou de passage à l’étranger.

Sur son déploiement, nous retenons deux principaux points de vigilance. Le premier concerne le fait que le service France Consulaire ne saurait servir de prétexte à de nouvelles réductions d’effectifs. Le second a trait au calendrier de déploiement du dispositif, qui est moins ambitieux que les objectifs initialement annoncés.

Cette dernière constatation ne remet pas en cause la réussite de l’expérimentation. Elle justifie néanmoins que nous soyons particulièrement attentifs à ce que le déploiement de France Consulaire soit accompagné des moyens adéquats.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je prendrai la suite de mon collègue Bruno Sido en évoquant le travail que nous avons effectué cette année sur l’action sociale mise en œuvre au bénéfice des Français de l’étranger, les crédits du programme 151 finançant notamment les bourses scolaires du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE.

Les dépenses sociales gérées par les postes consulaires ont connu plusieurs années exceptionnelles du fait de la création en avril 2020 du secours occasionnel de solidarité, ou dispositif « SOS covid », aide mensuelle destinée aux Français installés à l’étranger ayant subi des pertes de revenus liées à la crise sanitaire.

La reconduction de cette aide pendant l’ensemble de l’année 2021 s’est traduite par un montant exceptionnel d’aides sociales versées pendant cet exercice : 27 millions d’euros, dont 12 millions pour le seul versement des aides SOS covid.

À cet égard, l’augmentation d’environ 1 million d’euros de l’enveloppe de financement des aides sociales en 2023 ne saurait sérieusement être présentée comme une compensation à due concurrence de la suppression du dispositif SOS covid, dont le montant atteignait plus de 10 millions d’euros en année pleine.

Cette augmentation limitée du budget de financement des aides sociales consulaires est d’autant plus préoccupante que de nombreux facteurs sont susceptibles de faire croître le nombre de nos compatriotes en situation précaire au cours de l’exercice 2023.

Face à une inflation qui devrait atteindre plus de 6 % à l’échelle mondiale en 2023, les aides sociales qui ne seront pas revalorisées risquent de voir leur valeur réelle diminuer.

Enfin, cette dégradation de la situation économique intervient alors que l’administration consulaire nous a indiqué qu’elle ne disposait pas d’un instrument de mesure du taux de non-recours à ces aides ; celui reste donc inconnu.

Sur le sujet des bourses scolaires, je rappelle que les bourses distribuées par le réseau de l’AEFE sont financées par une enveloppe spécifique prélevée sur les crédits du programme 151.

En 2021, ces bourses ont profité à plus de 24 000 élèves répartis dans 137 pays différents, pour un coût total de 103 millions d’euros.

Toutefois, mes chers collègues, j’attire votre attention sur les défauts de budgétisation de l’enveloppe de financement des bourses scolaires. Dans les dernières années, et en particulier en 2022, les crédits inscrits en loi de finances initiale ont été inférieurs au coût réel du financement des bourses scolaires.

Cette différence était rendue possible par l’existence d’un excédent de trésorerie de l’Agence, appelé « soulte », qui a financé pendant plusieurs exercices successifs le solde entre les crédits votés en loi de finances et le coût réel des bourses. Ce mécanisme nuit à la clarté et à la lisibilité du dispositif de financement des bourses scolaires et nous serons attentifs à ce qu’à l’avenir les crédits votés annuellement se rapprochent du coût réel des bourses scolaires.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je partage avec mes collègues rapporteurs spéciaux la satisfaction de voir progresser les crédits accordés à la mission « Action extérieure de l’État », et plus particulièrement ceux qui sont consacrés à la diplomatie culturelle et d’influence. Dans le contexte très préoccupant que nous connaissons, cette évolution mérite d’être saluée.

J’assortirai toutefois mon appréciation de plusieurs bémols en insistant sur quelques points de vigilance.

Pour ce qui concerne, premièrement, la hausse des moyens de l’AEFE, qui est de 30 millions d’euros par rapport à l’exercice précédent, toute augmentation des crédits est évidemment bonne à prendre, mais, en l’espèce, il s’agit de compenser de nouvelles dépenses et non de donner à l’opérateur des marges de manœuvre supplémentaires, dont il aurait pourtant besoin.

Faut-il rappeler que le rythme annuel moyen de la croissance des effectifs est très en deçà de celui qui serait nécessaire pour atteindre l’objectif présidentiel d’un doublement des effectifs d’ici à 2030 ?

Pour la première fois, madame la ministre, je constate que vos services reconnaissent un certain décalage entre l’ambition affichée et la réalité de la mise en œuvre… Dès 2018, notre commission avait, pour sa part, émis de sérieux doutes sur la faisabilité d’un tel doublement.

L’un des principaux défis structurels posés par la croissance du réseau est celui de l’entretien et de l’agrandissement des établissements en gestion directe. Or l’AEFE n’a plus l’autorisation d’emprunter pour effectuer des travaux, quand les établissements conventionnés et partenaires, eux, peuvent recourir à la garantie de l’État. L’opérateur est dans une impasse financière, alors que les besoins de financement immobilier sont évalués à 300 millions d’euros sur les cinq prochaines années.

C’est pourquoi, sur ma proposition, la commission a adopté un amendement visant à autoriser de nouveau l’AEFE à emprunter. Celui-ci ayant été déclaré irrecevable, il ne sera pas discuté en séance ; je souhaite néanmoins, madame la ministre, connaître votre position sur ce sujet.

J’ajoute que la commission de la culture a également décidé de proposer la suppression de l’article 41 A.

Mon deuxième bémol porte sur les instituts français et les alliances françaises. La stabilisation de leur budget risque de se heurter, dès les premiers mois de l’année 2023, à la dégradation de leur situation financière compte tenu de l’effet ciseaux provoqué par l’inflation. Des redéploiements de crédits vers les structures les plus fragilisées devront sans doute être envisagés.

Mon troisième et dernier point de vigilance a trait à l’Institut français de Paris, dont le modèle économique est en pleine évolution. La baisse puis la relative stabilisation des financements apportés par ses deux tutelles l’ont en effet contraint à diversifier ses ressources.

Dans ce contexte, il me semble important que le prochain contrat d’objectifs et de performance (COP) soit l’occasion de remettre à plat le subventionnement de l’Institut par ses tutelles, au regard des missions de service public qu’elles lui confient. Je déplore d’ores et déjà qu’un volet « moyens » ne soit pas à l’ordre du jour de ce nouveau COP. Madame la ministre, quelles sont vos intentions en la matière ?

Sous le bénéfice de ces observations, la commission de la culture a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme 185. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Mélanie Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à examiner les crédits demandés pour la mission budgétaire « Action extérieure de l’État », il peut sembler, à première vue, que l’on aille dans la bonne direction : pour la première fois en trente ans, l’administration du Quai d’Orsay va connaître une augmentation de personnel ; je salue cette orientation. Cette mission va connaître une hausse de ses moyens financiers d’environ 160 millions d’euros.

On ne peut évidemment que se réjouir d’une telle hausse… à ceci près qu’il s’agit pour l’essentiel d’un trompe-l’œil.

L’augmentation du budget, tout d’abord, permet à peine de contenir l’inflation actuelle. Elle s’explique d’ailleurs en partie par le renchérissement des contributions internationales de la France libellées en dollars, lui-même dû la faiblesse de l’euro, en partie par l’obligation de pourvoir à la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires, en partie par l’augmentation du coût des indemnités de résidence à l’étranger.

Ainsi avons-nous un peu de mal à voir, dans cette mission budgétaire 2023, où sont les crédits supplémentaires indispensables à la réparation de notre réseau diplomatique et consulaire, qui est à bout de souffle.

Concernant, ensuite, l’augmentation du nombre d’ETP, on parle d’une centaine de nouveaux postes. C’est bien ! Mais ce ministère est certainement celui qui a le plus souffert, depuis dix ans, des cures d’austérité : plus du tiers de ses effectifs ont été perdus. Depuis 2018, plus de 200 postes ont été supprimés ; et je n’oublie pas les 500 postes en moins dans nos lycées français de l’étranger. Aussi la hausse de 100 postes prévue dans ce projet de budget ne compense-t-elle en rien les pertes précédentes.

Pis encore, on évoque la création d’une dizaine de postes seulement pour le réseau consulaire, soit une sorte de brigade volante composée de « pompiers » appelée à intervenir dans les consulats qui sont en sous-effectif chronique.

En réalité, il faudrait dix ou vingt fois plus de personnel pour soulager nos équipes consulaires, qui ont été en première ligne lors de la crise du covid-19 et dont nous continuons d’avoir besoin !

J’ai la chance de représenter au Sénat les Françaises et les Français qui vivent hors de France. Je suis témoin tous les jours – je dis bien tous les jours ! – du dysfonctionnement de l’État.

L’émission des actes de l’état civil, des passeports, des cartes d’identité met parfois plus de six mois, avec toutes les conséquences qu’impliquent de pareils délais ; et je ne dis rien des services de délivrance des visas…

L’État se désengage progressivement de notre réseau d’enseignement français à l’étranger. Quant à notre réseau diplomatique, il subit les ambitions présidentielles de chambouler le système et de diminuer le nombre des diplomates de carrière. Notre réseau culturel, enfin, alliances françaises et instituts français, se sent le plus souvent oublié par le Gouvernement – ses budgets sont stabilisés malgré l’inflation.

Oui, mes chers collègues, nous sommes inquiets de constater que les crédits de cette mission budgétaire ne sont pas à la hauteur des crises – environnementale, économique, géopolitique – que subissent nos concitoyennes et nos concitoyens.

Dans leur grande majorité, les Françaises et les Français de l’étranger ne sont pas des VRP de la start-up nation ! Ce sont des fonctionnaires, des employées et des employés, des étudiantes et des étudiants, des retraitées et des retraités, des chômeuses et des chômeurs. Un élément les relie toutes et tous : ce sont d’abord et avant tout des citoyennes et des citoyens, qui sont parfois dans des situations économiques compliquées, qui voient les frais de scolarité de leurs enfants exploser ou leurs retraites amputées au seul motif qu’elles ou ils ont passé une partie de leur carrière à l’étranger. Ce sont pourtant les premières ambassadrices et les premiers ambassadeurs de la France dans le monde !

Mais la présente mission budgétaire n’apporte pas de solution pérenne à leurs inquiétudes, pas plus qu’elle ne semble offrir, d’ailleurs, de vision à long terme de l’action extérieure de la France, et ce, peut-être, parce que le Quai d’Orsay est le seul grand ministère régalien à ne pas avoir de loi de programmation pluriannuelle, comme l’a fait remarquer notre collègue Aurélien Taché à l’Assemblée nationale.

Le groupe écologiste s’inquiète par ailleurs de constater qu’il n’y ait rien, ou si peu, dans cette mission budgétaire, concernant la transition écologique.

J’ai cherché, pourtant, dans les trois programmes qui constituent cette mission ; je n’ai pas vu grand-chose, sinon un saupoudrage superficiel, ici l’attribution de bourses estampillées « Make our planet great again » – OK… –, là un projet de mise aux normes environnementales des installations de climatisation dans nos emprises en Arabie Saoudite – dont acte : je ne suis pas contre ! (Sourires.)

Il n’y a rien, dans les crédits de cette mission, qui prouve que le Gouvernement a réellement pris la mesure de l’urgence écologique. Celle-ci devrait pourtant être l’une des principales préoccupations s’agissant de déterminer et de financer les actions de l’État, y compris à l’étranger.

Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas les crédits de la mission budgétaire « Action extérieure de l’État ». (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – MM. Yan Chantrel et Jean-Yves Leconte applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis d’intervenir au nom du groupe RDPI sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

Le budget du Quai d’Orsay passe cette année encore la barre symbolique des 5 milliards d’euros ; il est en hausse, de surcroît, avec 6,6 milliards d’euros pour 2023, dont 3,2 milliards pour la mission « Action extérieure de l’État », dont les crédits sont eux-mêmes en hausse de plus de 5 %.

Ce budget est au service d’un objectif primordial, qu’a rappelé le Président de la République lors de la dernière conférence des ambassadeurs, en septembre : faire en sorte que la France demeure « une puissance d’équilibres », capable par ricochet d’appuyer l’autonomie stratégique de l’Europe, capable aussi d’agir efficacement en faveur du multilatéralisme et de trouver des voies diplomatiques de résolution des conflits.

Ce budget vient avant tout muscler notre action diplomatique en Europe et dans le monde, face aux nombreux défis qui nous préoccupent.

Comme vient de l’expliquer notre collègue rapporteur pour avis André Gattolin, la poursuite de la hausse de nos contributions volontaires aux organisations internationales y participera pleinement. Je m’en réjouis, car les efforts de ces dernières années produisent des résultats tangibles, aussi bien dans le domaine du maintien de la paix qu’en matière de sécurité internationale.

Pour la première fois depuis trente ans, ce budget en hausse s’accompagnera d’une création nette de 106 ETP, dont une partie reviendra au réseau consulaire. C’est inédit ! Ce souffle nouveau ne sera pas de trop, face à la multiplication des crises internationales.

C’est dans ce contexte que le budget du centre de crise et de soutien sera lui aussi rehaussé de 600 millions d’euros en 2023. Ses agents ne ménagent pas leurs efforts, auprès de nos postes diplomatiques, pour venir en aide à nos compatriotes en danger dans les zones de conflit. Je les salue !

J’aimerais d’ailleurs soulever un enjeu qui me paraît crucial et urgent : celui du renforcement de notre communication et de notre lutte contre la désinformation et la propagande hostile. Les menaces, en la matière, sont souvent d’origine russe, chinoise ou turque ; elles sont particulièrement présentes en Afrique et en Europe. Nous actons, dans ce projet de budget, la mobilisation de 2,5 millions d’euros supplémentaires aux fins d’un tel renforcement. Nous resterons très vigilants, par ailleurs, quant à la sécurisation de nos emprises diplomatiques et consulaires, en particulier lorsqu’elles se situent dans des zones instables et sujettes à des risques d’attentat.

Ce budget poursuit, en outre, la traduction en actes de la « feuille de route de l’influence » lancée par votre prédécesseur, madame la ministre, une hausse de 13 millions d’euros étant demandée pour les crédits de la diplomatie culturelle et d’influence. L’enjeu est de taille, car, en la matière, bon nombre de nos rivaux mobilisent eux-mêmes des moyens substantiels, afin de remettre en cause notre action.

Nous serons donc attentifs à l’évolution de notre coopération universitaire et de recherche, à la promotion de l’influence culturelle et interculturelle française à l’étranger, au niveau de diffusion de la langue française et au développement de l’enseignement francophone.

À cet égard, je me félicite que la quasi-totalité des hausses de crédits du programme 185 aille à l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE bénéficiant d’une augmentation de 30 millions d’euros de sa subvention.

Alors que vient d’être confirmée l’organisation tant attendue d’une grande consultation, qui permettra dès le mois prochain à l’ensemble des parties prenantes de faire des propositions sur ce que doivent être les modalités d’un développement qualitatif de notre réseau d’enseignement scolaire à l’étranger, je tenais à saluer cet abondement historique.

Je pense également aux associations Flam (français langue maternelle), qui permettent aux élèves français scolarisés dans des systèmes éducatifs étrangers de consolider leur maîtrise de la langue et de la culture françaises. Le Président de la République les a saluées dans le discours qu’il a prononcé voilà quelques jours devant la communauté française de Washington, qualifiant leurs initiatives de « priorité pour nos jeunesses ». J’espère d’ailleurs que les jeunes Français de l’étranger pourront bientôt bénéficier d’un « pass éducation langue française », qui leur donnerait l’occasion d’accéder aux activités du réseau.

Ce budget, enfin, est aussi au service des Français établis hors de France, que je représente aujourd’hui : une enveloppe de 141 millions d’euros leur est consacrée.

Je veux remercier nos agents qui sont au contact de nos concitoyens, établis hors de France ou seulement de passage ; ils les protègent et les accompagnent dans diverses situations de détresse.

Ces dernières années, plusieurs pays ont pris la décision de réduire la couverture de leurs réseaux consulaires dans le monde. Tel n’est pas le chemin qu’a emprunté la France. Mieux encore, nous avons choisi de lancer un vaste chantier de modernisation de notre action consulaire, afin d’améliorer l’accessibilité du service public consulaire.

Je pense par exemple au nouveau service d’information et de réponse aux appels et aux courriels des Français à l’étranger, dit service France Consulaire. Son expérimentation dans plusieurs pays européens depuis octobre 2021 est une réussite. Et son déploiement à l’ensemble des pays d’Europe dès cette fin d’année est attendu.

Autre bel exemple : le filet de sécurité et de solidarité exceptionnel lié au covid-19. Dès 2020, le Gouvernement s’est mobilisé pour les Français résidant hors du territoire national et ayant subi des pertes de revenus à cause de la crise sanitaire. Une aide mensuelle leur a ainsi été proposée pour qu’ils puissent faire face, comme leurs concitoyens en France, à cette situation unique. Je me félicite que cette aide ait d’ailleurs été reconduite en 2021 puis en 2022, tant elle était nécessaire.

Une attention toute particulière est de surcroît accordée, dans ce budget pour 2023, à l’aide sociale apportée aux Français de l’étranger les plus démunis, une enveloppe de 1 million d’euros étant mobilisée à cet effet.