M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. La commission sollicite l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame Gréaume, je vous remercie de votre engagement en faveur du service de santé des armées.

Cet amendement est satisfait. En effet, 700 000 euros ont bénéficié à 1 365 agents cette année ; 500 000 euros bénéficieront à 1 717 agents en 2023, soit 20 points d’indice, dont ceux du Centre de transfusion sanguine des armées et ceux de l’Institut de recherche biomédicale des armées. Pour ce qui est de l’avenir global du service de santé des armées, nous aurons l’occasion d’en rediscuter lors de l’examen de la LPM.

Dans la mesure où cet amendement est satisfait, certes sur deux exercices, je vous demanderai de bien vouloir le retirer.

M. le président. Madame Gréaume, l’amendement n° II-1267 est-il maintenu ?

Mme Michelle Gréaume. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-1267 est retiré.

L’amendement n° II-1281, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

1

1

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

Équipement des forces

1

1

TOTAL

1

1

1

1

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Sous la précédente loi de programmation militaire, le service de santé des armées (SSA) a perdu 8 % de ses effectifs, soit 1 600 personnels. On déplore plus particulièrement un manque de 100 médecins.

En outre, des tensions sur les effectifs hospitaliers dans certaines spécialités, comme la chirurgie, la médecine d’urgence en exercice hospitalier ou encore la psychiatrie, aggravent encore cette situation.

Les spécialités qui y sont particulièrement soumises sont celles où la concurrence avec le secteur civil est la plus forte. Celui-ci est plus attractif, notamment en matière de rémunération. Cette fuite du personnel du SSA doit nous conduire à réfléchir à une possible revalorisation de nos personnels soignants militaires.

Par ailleurs, cette fuite conduit la SSA à sursolliciter le personnel restant. Le taux de projection est ainsi supérieur à 100 %, malgré l’apport de réservistes, et peut aller jusqu’à 200 % pour les équipes chirurgicales. Cette situation épuise nos personnels et érode un peu plus leur fidélité aux armées.

Par cet amendement d’appel, je souhaite engager une réelle réflexion sur la revalorisation indiciaire de nos personnels soignants militaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Je demande le retrait de cet amendement d’appel, mais je laisse au Gouvernement le soin de répondre sur le fond aux interrogations de Mme Gréaume.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame Gréaume, je vous remercie de votre engagement en faveur du SSA.

En 2023, 39 millions d’euros supplémentaires seront alloués au SSA. Cette somme n’est pas neutre et sera la bienvenue.

La prochaine LPM consacrera des moyens beaucoup plus importants au service de santé des armées. Celui-ci est appelé à la rescousse pour beaucoup de missions très différentes. Il faut y réfléchir, car le soutien des forces doit rester son cœur de son métier.

Nous devons également accroître le nombre de médecins et de soignants réservistes. Par ailleurs, si nous augmentons la réserve de manière globale, les besoins vont aussi s’accroître pour conduire des visites médicales.

Pour de multiples raisons, nous avons besoin d’un SSA en bonne santé, y compris en matière de recherche sur les pathologies du combattant. Avec les Américains et les Israéliens, nous avons développé un réel savoir-faire et sommes à la pointe dans ce domaine, y compris pour les blessures psychologiques, ce qui nous renvoie aux maisons Athos.

Nous pouvons travailler ensemble sur toute une série de mesures dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire.

Dans cette attente, je vous demanderais de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Todeschini. Je me doute bien qu’il s’agit d’un amendement d’appel et que Mme Gréaume va le retirer.

Cela étant, monsieur le ministre, lors de votre première audition devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, vous avez déjà évoqué le renforcement du service de santé des armées. Il s’agit en effet d’une priorité. Si l’on veut envoyer nos soldats en Opex, il faut leur garantir la présence d’un hélicoptère pour les évacuer, de médecins et de soignants pour s’occuper d’eux. Ces questions, dont j’ai eu à connaître, devront être l’une des priorités de la LPM.

M. le président. Madame Gréaume, l’amendement n° II-1281 est-il maintenu ?

Mme Michelle Gréaume. Non, monsieur le président ; je retire cet amendement d’appel, mais je suis particulièrement attachée à cette question essentielle.

M. le président. L’amendement n° II-1281 est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion l’article 42, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Défense ».

Défense

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Article 42 (interruption de la discussion)

Article 42

Le I de l’article 178 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 est ainsi modifié :

1° Après le mot : « armées », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « en fonction au sein du service de santé des armées et qui exercent une des professions de santé régies par la quatrième partie du code de la santé publique ou qui font usage du titre de psychologue mentionné à l’article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social. » ;

2° Après le mot : « armées », la fin du second alinéa est ainsi rédigée : « en fonction au sein du service de santé des armées et qui exercent une des professions de santé ou qui font usage du titre de psychologue mentionnés au premier alinéa du présent I. »

M. le président. Je mets aux voix l’article 42.

(Larticle 42 est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Défense ».

Article 42 (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Discussion générale

3

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande à déplacer du mercredi 14 décembre au jeudi 15 décembre au matin les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2023 ou la nouvelle lecture.

Acte est donné de cette demande.

En conséquence, nous pourrions siéger le jeudi 15 décembre à onze heures. En cas de nouvelle lecture, le délai limite de dépôt des amendements serait fixé au début de la discussion générale.

Il en est ainsi décidé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Article 42 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Deuxième partie

Loi de finances pour 2023

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Action extérieure de l'État
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Action extérieure de l'État

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Action extérieure de l’État

Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » (et article 41 A).

Mes chers collègues, la durée maximale prévisionnelle pour l’examen des crédits de cette mission est de trois heures. Néanmoins, dans la mesure où cinquante amendements ont été déposés sur la mission, je vous propose de porter la durée d’examen à trois heures et demie.

Y a-t-il des oppositions ?…

Il en est ainsi décidé.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », qui porte la majorité des moyens du ministère des affaires étrangères, avec la mission « Aide publique au développement ».

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit l’ouverture de 3,2 milliards d’euros de crédits en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Ainsi, les crédits augmenteraient de 5,2 % en valeur et de 0,9 %, une fois corrigés de l’inflation.

L’essentiel de la hausse des crédits s’explique par les évolutions de trois grands postes de dépense.

Le premier concerne les dépenses de personnel, qui augmenteront de 64 millions d’euros cette année. Une telle évolution témoigne d’un véritable relâchement des efforts qui avaient été entrepris par le ministère ; je dirais même d’une forme de reniement au détriment de nos finances publiques.

Depuis l’année dernière, le ministère s’est engagé dans une réforme des rémunérations qui se traduit par une augmentation de 30 millions d’euros, en cumulé, des mesures catégorielles.

En parallèle, rien n’a véritablement été fait pour maîtriser et réformer les indemnités de résidence à l’étranger, dont le coût progressera de 30 millions d’euros en 2023.

Depuis longtemps, je plaide avec mon collègue rapporteur spécial Rémi Féraud pour que ces indemnités soient révisées.

D’une part, elles sont versées à des niveaux bien éloignés, supérieurs de 25 % environ, de ce qu’une prise en compte des conditions objectives de travail justifierait. On pourrait progressivement les rapprocher du montant normal sans trop de difficultés.

D’autre part, ces indemnités continuent d’être défiscalisées, ce qui n’est pas acceptable. L’État paie deux fois, en versant l’indemnité et en se privant de l’imposition sur le revenu.

Enfin, le budget prévoit la création d’environ 100 équivalents temps plein, ce qui efface ainsi un tiers des efforts réalisés dans le cadre d’Action publique 2022.

J’avais déjà eu l’occasion de regretter que le ministère des affaires étrangères n’aille pas au bout de la réforme Action publique 2022 et ne réalise pas l’ensemble des efforts qui lui étaient demandés.

J’observe donc que, outre le fait de ne pas avoir atteint ses objectifs, le ministère les efface pour un tiers dès cette année. Cela ne contribue pas à donner crédit à la parole de l’État et du Gouvernement dans son engagement d’assainir nos finances publiques.

Le deuxième poste d’évolution des dépenses concerne les contributions internationales versées par la France.

Rémi Féraud et moi-même avons réalisé cette année un contrôle sur les contributions internationales versées par notre pays. Nous avons noté que la France devait prendre conscience de la perte d’influence qu’elle avait subie au cours des dernières années, faute d’investir suffisamment.

En 2023, les contributions internationales augmenteront de 55 millions d’euros. J’aimerais dire que ces crédits traduisent une montée en puissance de notre participation à certaines organisations, mais la réalité est qu’il s’agit surtout de maintenir les crédits à niveau constant, compte tenu de la dépréciation de l’euro face au dollar.

Nous observons en effet que la dépréciation de l’euro entraîne une augmentation de 52 millions d’euros sur les contributions versées en dollars ou en francs suisses.

Cependant, nous voudrions décerner un satisfecit au ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), qui a enclenché le mécanisme de couverture de change très tôt, permettant ainsi d’éviter d’importantes pertes de change. Celles-ci pourraient s’élever à environ 20 millions d’euros si les paiements avaient lieu dans trois mois.

Enfin, les dépenses immobilières augmentent de plus de 20 millions d’euros, ce qui s’explique par les effets de l’inflation et une programmation dynamique. Il s’agit d’abord de dépenses courantes d’entretien, qui augmentent sous l’effet de la hausse des prix de l’énergie.

Les dépenses d’investissement à l’étranger augmentent pour mettre en œuvre le schéma directeur. Avec Rémi Féraud, nous conduisons actuellement une mission de contrôle sur l’immobilier du ministère des affaires étrangères. Beaucoup reste à faire, notamment pour déterminer une stratégie de financement pérenne.

Nous rendrons nos conclusions début 2023, après avoir effectué une visite à Madrid, où nous observerons les mesures prises dans un pays où les choses sont, de l’avis de tous, bien faites.

Je voudrais terminer en faisant part de mon appréciation globale des crédits de la mission.

D’abord, je regrette que la culture de la recherche d’économies soit si peu développée au ministère. Si cela peut vous rassurer, madame la ministre, la remarque vaut malheureusement pour tous les ministères !

À titre d’exemple, les crédits de la communication augmentent de 2,5 millions d’euros pour financer la lutte contre la désinformation. Certes, le sujet est important et la somme n’est pas énorme. Mais nous aurions pu la trouver ailleurs, afin d’éviter cette augmentation. De la même manière, 5,4 millions d’euros ont été ajoutés pour financer l’exposition universelle d’Osaka, alors que d’autres lignes budgétaires auraient pu servir.

Par ailleurs, le relâchement sur les dépenses de personnel, que j’ai déjà évoqué, me semble plus que critiquable.

Enfin, et j’ai eu l’occasion de le dire en commission des finances, je doute très sincèrement de la crédibilité de la trajectoire de la programmation. Lors de nos travaux préparatoires, nos interlocuteurs au ministère semblaient découvrir la programmation des finances publiques sur les trois prochaines années.

Or le projet de loi de programmation prévoit au moins 100 millions d’euros d’économies d’ici à 2025 en euros constants. Personne ne semble en mesure d’expliquer comment ce résultat sera atteint, ce qui est particulièrement préoccupant.

Je suis donc à titre personnel réservé sur les crédits de cette mission, mais ceux-ci ont été adoptés par la commission des finances. (M. Claude Kern applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après mon collègue rapporteur spécial Vincent Delahaye, j’évoquerai plus particulièrement l’administration consulaire et la diplomatie culturelle et d’influence, dont les moyens, qui représentent un tiers des crédits de la mission, sont en tension.

Les crédits de la diplomatie culturelle et d’influence, s’élèvent à près de 300 millions d’euros en crédits de paiement, hors Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) ce qui représente une hausse de 11,7 millions d’euros.

Une telle augmentation s’explique notamment – mon collègue vient de le rappeler – par le financement de 5,4 millions d’euros consacrés à l’exposition universelle d’Osaka. Chaque année, nous découvrons un événement exceptionnel à financer, et il nous est difficile de juger de la rigueur du montant dégagé.

En parallèle, nous avons pu constater que le plan Destination France entraînait un financement de 5,8 millions d’euros en 2023, qui reste porté par les crédits de la mission, ce dont nous nous étonnons, madame la ministre. En effet, la compétence tourisme a été transférée au ministère de l’économie et des finances et Atout France ne fait désormais plus partie des opérations relevant de la diplomatie culturelle et d’influence.

Pour ce qui concerne les instituts français à l’étranger, je constate que les moyens sont stables en valeur. Mais cela représente une source d’inquiétude, puisqu’une perte de ressources en volume est à prévoir en raison de l’inflation, souvent un peu plus élevée dans les pays concernés qu’en France, d’autant que ces instituts présentent un déficit d’environ 43 millions d’euros en 2022 ; celui-ci devrait donc s’accentuer. En effet, les documents budgétaires montrent que certaines dépenses, liées notamment aux salaires, augmentent de manière significative.

Nous nous interrogeons donc sur la capacité de la dotation en euros à préserver un niveau d’activité correcte, alors même qu’elle reste stable en valeur. Des amendements ont été déposés en ce sens par certains de nos collègues, et je pense que le Gouvernement devra prendre le temps d’expliquer son intention s’agissant des instituts français et de leur stabilité financière.

En matière d’attractivité universitaire, les crédits dédiés au financement des bourses pour les étudiants et chercheurs étrangers s’élèvent à 59 millions d’euros, comme en 2022.

Cependant, ce montant stable ne doit pas cacher que ces crédits sont sous-consommés, année après année. Ce phénomène peut être considéré de deux façons : soit on peut y voir une possible marge de manœuvre budgétaire, y compris pour encaisser les effets de l’inflation, soit on peut regretter le manque de volontarisme politique en la matière, malgré les discours du Président de la République dans le cadre de son mandat précédent en faveur d’une consommation de tous les crédits et une augmentation du nombre d’étudiants étrangers accueillis en France.

Enfin, les crédits du réseau consulaire, hors bourses aux élèves de l’AEFE, s’élèvent à 285,9 millions d’euros et connaissent une hausse de 2 %, bien qu’aucun crédit ne soit dédié l’an prochain à l’organisation d’élections.

Ne l’oublions pas, l’essentiel de cette enveloppe est consacré aux crédits consulaires, notamment à leurs dépenses de personnels.

Je le rappelle, le programme 151 a supporté pendant des années la plus grande part des efforts de maîtrise des effectifs de la mission, qui ont entraîné la suppression de 169 ETP entre 2018 et 2021.

Cette baisse s’étant révélée difficilement soutenable, le ministère a ainsi recréé 136 ETP et lancé le service France Consulaire, pour mutualiser la prise en charge des appels aux postes consulaires sur le site du Quai d’Orsay situé à La Courneuve.

Ainsi, une grande part des efforts réalisés dans le cadre d’Action publique 2022 pour diminuer le nombre d’emplois d’agents publics à l’étranger ont été annulés. On peut bien sûr considérer qu’il est dommage d’annuler si brutalement un effort considérable de réduction d’effectifs ou conclure, comme je le fais, que ces efforts étaient si déraisonnables que le Gouvernement a dû revenir dessus. En tout état de cause, cette situation interroge sur la cohérence de la politique gouvernementale de maîtrise des dépenses publiques.

Les moyens de l’AEFE sont renforcés, mais plusieurs points d’alerte demeurent. Ainsi, la subvention pour charges de service public, en hausse de 28 millions d’euros, atteint 441,2 millions d’euros, dont 10 millions d’euros correspondent à une partie de l’aide française versée au Liban, à travers le soutien à l’enseignement français dans le pays. Ne faudrait-il d’ailleurs pas envisager de regrouper autrement les crédits destinés à l’aide légitime apportée au Liban ?

Par ailleurs, si les crédits pour les bourses aux élèves de l’AEFE augmentent de 10 millions d’euros, nous ne devons pas oublier qu’il faudra faire face, dans le courant de l’année 2023, à la très forte inflation touchant les frais de scolarité dans certains pays du monde. L’impact de ces hausses sur les bourses n’a pas été inscrit dans le budget, et il y a là une vraie source de préoccupation.

Car si le surplus nécessaire pour le versement des bourses aux élèves a été pris en charge ces dernières années par la soulte de l’AEFE, la réserve n’est plus aujourd’hui que de 15,5 millions d’euros et devrait être épuisée à la fin de 2023. Ainsi, la question de l’augmentation de ces crédits se posera donc en 2024 ou peut-être même avant.

Pour conclure, je souhaiterais rappeler qu’il nous faut considérer cette mission avec attention, parce qu’elle est certainement la seule à subir à la fois les effets de l’inflation et du risque de change.

À court terme, les crédits, qui restent contraints, demeurent stables en valeur et diminuent très peu en volume.

À moyen terme cependant, une baisse en volume de l’ordre de 100 millions d’euros est prévue d’ici à 2025 sur l’ensemble de la mission, comme l’a rappelé mon collègue Vincent Delahaye.

Je ne suis pas sûr que cette baisse soit crédible, et je ne pense pas qu’elle soit souhaitable. En effet, les économies antérieures ont mis en tension le réseau et il apparaît désormais nécessaire de redonner les crédits et les effectifs suffisants si nous voulons préserver notre présence auprès de nos compatriotes à l’étranger et développer véritablement notre diplomatie d’influence dans le monde. Au vu de la loi de programmation des finances publiques, nous pouvons nourrir certaines interrogations.

La commission est favorable à l’approbation des crédits de cette mission. Toutefois, je n’en doute pas, le Sénat sera vigilant à ces enjeux, non seulement au cours de cette année, mais aussi, et surtout, au cours des années ultérieures. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous félicitons que les crédits annulés au mois de mars aient bien été rouverts au mois d’août, suivant les recommandations de notre commission. De même, la couverture de 90 % du risque de change des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix de mai 2022 est de bonne gestion. Il faudra poursuivre ces efforts en 2023.

Ainsi, 27,9 millions d’euros sont prévus pour couvrir le risque change-prix. Mais la hausse des dépenses d’énergie et des dépenses courantes nous fait craindre que les provisions ne soient pas suffisantes. Nous devrons y être attentifs.

La politique immobilière à l’étranger reste à réinventer en urgence. Faire dépendre l’entretien normal des bâtiments des recettes exceptionnelles de cessions d’immeubles et du programme 723 du compte d’affectation spéciale était une erreur. En effet, le fonctionnement du compte d’affectation spéciale n’a pas permis la mise à disposition de la dotation exceptionnelle de 36 millions d’euros prévue en 2022. Nous serons attentifs à son versement en 2023.

Le financement par cessions appauvrit l’État, qui s’essouffle : les ventes deviennent difficiles à réaliser et leur produit est fléché vers le financement des travaux du Quai d’Orsay, à hauteur de 60,8 millions d’euros.

Il est donc nécessaire d’augmenter les crédits budgétaires. Avec, en 2023, 50,2 millions d’euros en crédits de paiement et 56,7 millions d’euros en autorisations d’engagement, ces moyens restent insuffisants. La dotation budgétaire annuelle doit être de 80 millions d’euros en crédits de paiement et de 90 millions d’euros en autorisations d’engagement, afin de permettre la réalisation des schémas pluriannuels de stratégie immobilière.

Enfin, nous avons un dernier point d’attention, qui concerne l’application de la réforme de l’encadrement supérieur de l’État au ministère des affaires étrangères. La commission recommandait, notamment, de reprendre le dialogue avec les personnels et d’associer le Parlement à la réflexion. Satisfaction nous a été donnée avec le lancement des États généraux de la diplomatie, qui doivent aboutir au plus tard à la fin du premier trimestre 2023.

Nous veillerons au renforcement de notre appareil diplomatique, essentiel dans un monde plus dangereux, instable et de moins en moins prévisible. Je salue les efforts déployés par tous les personnels du ministère pour faire face à ces chocs et crises stratégiques majeures et garantir le rayonnement de la France.

La commission des affaires étrangères a donc adopté les crédits de la mission.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Gattolin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le programme 105 est une priorité de la mission « Action extérieure de l’État ». Il se caractérise, cette année encore, par des évolutions réclamées par notre commission, notamment la poursuite de l’augmentation des contributions volontaires aux organisations internationales.

Le pilotage du programme est contraint par le poids du réseau et des contributions internationales, qui représentent près de 70 % des crédits.

Dans ce contexte, un effort particulier est mené depuis 2017 pour retrouver des marges de manœuvre et restaurer l’influence de la France.

En 2020, aux Nations unies, la France est devenue le sixième contributeur obligatoire, en raison de la baisse de la quote-part française au budget des opérations de maintien de la paix et au budget régulier de l’ONU.

Malgré les efforts notables de ces trois dernières années, nous ne sommes que le neuvième contributeur volontaire. L’Allemagne et le Royaume-Uni ont versé respectivement dix fois et cinq fois plus de contributions volontaires que la France en 2020.

Pour trouver la réponse adéquate à cette situation, dès 2017, le MEAE s’est doté d’un comité de pilotage des contributions internationales et opérations de maintien de la paix. Celui-ci définit et programme nos contributions volontaires à verser dans l’année.

Pour 2023, elles atteindront 58,3 millions d’euros et placeront la France au septième rang des contributeurs globaux. La France a ainsi regagné trois places par rapport à 2019.

Outre ce classement amélioré, des résultats concrets sont à mettre à l’actif du ministère. Nous pouvons ainsi nous réjouir d’avoir gardé la tête du département des opérations de paix de l’ONU, d’avoir pesé sur le lancement d’une enquête sur la situation en Ukraine par le bureau du procureur de la Cour pénale internationale ou encore d’avoir intégré le groupe des douze plus grands contributeurs au Fonds de consolidation pour la paix, ce qui nous donne voix délibérative sur la définition des orientations stratégiques. Nous pouvons ainsi orienter l’action du Fonds vers des zones que nous jugeons prioritaires, comme les Balkans ou l’Ukraine.

Nous avons aussi été à l’initiative du lancement de la stratégie des Nations unies sur la lutte contre la désinformation, grâce à notre position de premier contributeur aux actions du département des opérations de paix.

En matière de sécurité, notre soutien accru à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a constitué un complément utile aux efforts menés sur le dossier du nucléaire iranien.

Nos contributions volontaires à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) ont permis de soutenir le travail de terrain, tant sur le dossier chimique syrien, que, plus récemment, en Ukraine.

La commission des affaires étrangères s’est donc prononcée favorablement sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».