M. le président. L’amendement n° 67, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 15 du projet de loi transpose la directive du 20 juin 2019, relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.

La durée maximale de la période d’essai est actuellement fixée selon la catégorie professionnelle du salarié : deux mois pour les ouvriers et employés, trois mois pour les techniciens et agents de maîtrise, quatre mois pour les cadres. Cette période peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendue le prévoit.

L’article 8 de la directive européenne fixe à cette période une durée maximale totale de six mois. Le Gouvernement prévoit donc de supprimer la possibilité qu’un accord de branche étende la période d’essai au-delà de six mois.

En revanche, alors que le texte prévoit explicitement une dérogation pour l’exercice d’une fonction managériale ou de direction, ou d’un poste dans le service public, le Gouvernement sous-transpose la directive en maintenant une telle dérogation pour l’ensemble des cadres, avec une période d’essai maintenue à huit mois.

Cette sous-transposition n’est pas sans conséquence pour les 4,5 millions de cadres du secteur privé, qui devront se soumettre à une période d’essai de huit mois alors même que la majorité d’entre eux n’occupent ni une fonction managériale ni un poste de direction. Le Gouvernement a donc clairement adopté une définition des exceptions qui dépasse le cadre fixé par la directive.

Lorsqu’il s’agit de mettre en place des protections collectives, ce gouvernement n’hésite pas à sous-transposer les directives. Lorsqu’il s’agit de favoriser les entreprises ou le marché, le même n’hésite pas à surtransposer les directives. Deux poids, deux mesures, comme souvent avec vous, monsieur le ministre !

Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission a approuvé l’article 15, qui assure la mise en conformité nécessaire et suffisante de notre droit du travail avec le droit européen.

Le maintien dans le droit du travail de périodes d’essai d’une durée de huit mois pour les cadres est permis par le droit de l’Union européenne. Je rappelle que le droit du travail l’autorise, à condition qu’un accord de branche étendu le prévoie. Il nous a semblé utile de laisser aux partenaires sociaux le soin de fixer ces durées selon les secteurs d’activité, sans dépasser le délai maximal de huit mois, renouvellement compris.

Par ailleurs, supprimer l’article empêcherait d’assurer la conformité de notre droit du travail au droit européen, s’agissant notamment de l’information du salarié sur les éléments relatifs à la relation de travail, ou encore – c’est assez important – de l’information des salariés en CDD ou en contrat d’intérim sur les postes ouverts en CDI dans l’entreprise où ils travaillent.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Avis défavorable. Je suis d’ailleurs quelque peu surprise que ce soit le groupe CRCE qui demande la suppression de cet article au motif de la défense des cadres ! (Mme Cathy Apourceau-Poly sexclame.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 67.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 15.

(Larticle 15 est adopté.)

Article 15
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Article 17

Article 16

Le code des transports est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 5542-3, il est inséré un article L. 5542-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 5542-3-1. – Les modalités d’application des dispositions de l’article L. 1221-5-1 du code du travail relatives à la remise au salarié par l’employeur d’un ou plusieurs documents précisant les informations principales relatives à la relation de travail sont déterminées par décret en Conseil d’État, en tenant compte des adaptations nécessaires. » ;

2° Au début du premier alinéa de l’article L. 6523-2, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice de l’article L. 1221-5-1 du code du travail, » ;

3° L’article L. 6785-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 6523-2 est applicable à Wallis-et-Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture. » – (Adopté.)

Article 16
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Article 18

Article 17

Le chapitre V du titre Ier du livre Ier du code général de la fonction publique est ainsi modifié :

1° À la fin de l’intitulé, les mots : « et droit à la formation professionnelle » sont remplacés par les mots : « , droit à la formation professionnelle et droit à l’information » ;

2° Il est ajouté un article L. 115-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 115-7. – L’agent public reçoit de son employeur communication des informations et règles essentielles relatives à l’exercice de ses fonctions. » – (Adopté.)

Article 17
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Article 19

Article 18

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 6152-1, les mots : « relevant de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière » sont remplacés par les mots : « hospitaliers au sens des dispositions du 6° de l’article L. 7 du code général de la fonction publique » ;

2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 6152-2, les mots : « 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires » sont remplacés par les mots : « L. 5 du code général de la fonction publique » ;

3° (nouveau) L’article L. 6152-4 est ainsi modifié :

a) Le 1° du I est ainsi rédigé :

« 1° Les dispositions suivantes du code général de la fonction publique :

« a) L’article L. 115-7 ;

« b) L’article L. 121-3 ;

« c) Le chapitre III du titre II du livre Ier ;

« d) Les sections 2 à 4 du chapitre IV du titre II du livre Ier ;

« e) L’article L. 124-26 ;

« f) Le chapitre IV du titre III du livre Ier ; »

b) Au II, les mots : « l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée » sont remplacés par les mots : « l’article L. 121-3 du code général de la fonction publique et du chapitre III du titre II du livre Ier du même code » ;

c) Au IV, les mots : « 78-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière » sont remplacés par les mots : « L. 714-14 du code général de la fonction publique » ;

4° (nouveau) L’article L. 6152-5-2 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « 116 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière » sont remplacés par les mots : « L. 453-1 du code général de la fonction publique » ;

b) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « au quatrième alinéa de l’article 116 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 453-6 du code général de la fonction publique » ;

5° (nouveau) L’article L. 6156-3 est ainsi modifié :

a) Le mot : « à » est remplacé par les mots : « au chapitre Ier du titre Ier du livre II du code général de la fonction publique et au dernier alinéa du I de » ;

b) Sont ajoutés les mots : « du présent code » ;

6° (nouveau) L’article L. 6156-4 est ainsi modifié :

a) À la fin du 3°, les mots : « 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière » sont remplacés par les mots : « L. 5 du code général de la fonction publique » ;

b) Au dernier alinéa, après la référence : « L. 6156-7 », sont insérés les mots : « du présent code ».

M. le président. L’amendement n° 79, présenté par M. Marie, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer les mots :

Le mot : « à » est remplacé

par les mots :

La première occurrence du mot : « à » est remplacée

La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 79.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 18, modifié.

(Larticle 18 est adopté.)

Chapitre III

Diverses mesures de protection de la santé publique

Article 18
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Article 20 (précédemment examiné)

Article 19

Le quatrième alinéa de l’article L. 6322-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« L’autorisation est retirée si une communication commerciale, directe ou indirecte, déloyale ou portant atteinte à la santé publique, est effectuée sous quelque forme que ce soit en faveur de l’établissement titulaire de cette autorisation. Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent alinéa. » – (Adopté.)

Article 19
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Article 21

Article 20 (précédemment examiné)

M. le président. Je rappelle que l’article 20 a été précédemment examiné.

Article 20 (précédemment examiné)
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Article 22

Article 21

I. – Le titre IV du livre III de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À l’article L. 1341-1, les mots : « et à l’organisme mentionné à l’article L. 4411-4 du code du travail » sont remplacés par les mots : « ou à tout autre organisme compétent désigné par voie réglementaire » ;

2° L’article L. 1342-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Les importateurs ou utilisateurs en aval qui mettent sur le marché des mélanges classés comme dangereux en raison de leurs effets sur la santé ou de leurs effets physiques établissent une déclaration unique conformément au règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006. » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Cette déclaration est adressée à un ou à des organismes désignés par voie réglementaire aux fins de mesures préventives et curatives, en particulier en cas d’urgence sanitaire. » ;

3° À l’article L. 1342-3, les mots : « le contenu de la déclaration mentionnée à l’article L. 1342-1, les personnes qui y ont accès, les conditions dans lesquelles est préservée la confidentialité à l’égard des tiers des informations couvertes par le secret industriel qu’elle comporte » sont remplacés par les mots : « les personnes qui ont accès aux informations déclarées en vertu de l’article L. 1342-1, les conditions dans lesquelles est préservée la confidentialité à l’égard des tiers des informations couvertes par le secret industriel » ;

4° Les articles L. 1342-2, L. 1342-4 et L. 1342-5 sont abrogés ;

5° L’article L. 1343-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « au 1° de l’article L. 215-1 du code de la consommation » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 521-12 du code de l’environnement » et la référence : « L. 1343-4 » est remplacée par la référence : « L. 1343-2 » ;

b) La seconde phrase est supprimée ;

6° L’article L. 1343-4 est abrogé.

II. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° Les articles L. 4411-4 et L. 4411-5 sont abrogés ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 4741-9, les mots : « L. 4411-4 à » sont supprimés.

III. – Jusqu’au 1er janvier 2024, la déclaration unique mentionnée à la première phrase de l’article L. 1342-1 du code de la santé publique devant être remplie par les importateurs et utilisateurs en aval qui mettent sur le marché des mélanges destinés à un usage industriel comporte toutes les informations pertinentes, définies par voie réglementaire, sur ces mélanges, notamment leur composition chimique. – (Adopté.)

Article 21
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Articles 23 et 24 (précédemment examinés)

Article 22

I. – L’ordonnance n° 2022-414 du 23 mars 2022 portant adaptation des dispositions du code de la santé publique et du code rural et de la pêche maritime au droit de l’Union européenne dans le domaine des médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux est ratifiée.

II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 5141-13-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « entreprises mentionnées à l’article L. 5142-1 » sont remplacés par les mots : « titulaires d’autorisation de mise sur le marché, d’enregistrement, d’autorisation temporaire d’utilisation et de commerce parallèle ainsi que par les établissements mentionnés à l’article L. 5142-1, et les personnes physiques ou morales mentionnées aux articles L. 5142-1-1 et L. 5142-1-2 » ;

b) La seconde phrase du même premier alinéa est ainsi rédigée : « Leur est également interdit le fait de proposer ou de procurer ces avantages. » ;

c) (nouveau) Au troisième alinéa (deux occurrences) et à la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « entreprises mentionnées à l’article L. 5142-1 » sont remplacés par les mots : « titulaires d’autorisation de mise sur le marché, d’enregistrement, d’autorisation temporaire d’utilisation et de commerce parallèle ainsi que les établissements mentionnés à l’article L. 5142-1, et les personnes physiques ou morales mentionnées aux articles L. 5142-1-1 et L. 5142-1-2 » ;

2° L’article L. 5141-16 est ainsi modifié :

a) À la fin du 3°, les mots : « conformément à l’article 103 du règlement (UE) du 11 décembre 2018 » sont supprimés ;

b) Le 15° est abrogé ;

3° L’article L. 5145-5 est ainsi modifié :

a) Aux 9° à 14°, après le mot : « marché », sont insérés les mots : « ou de l’enregistrement » ;

b) À la fin du 20°, les mots : « et L. 5145-2-2 » sont remplacés par les mots : « , L. 5145-2-2 et L. 5145-3 » ;

4° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 5146-4, les mots : « arrêté des ministres chargés de l’agriculture et de la santé » sont remplacés par les mots : « décision du directeur général de l’agence » ;

5° L’article L. 5441-15 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5441-15. – Le fait, pour le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché ou de l’enregistrement, de ne pas déclarer, dans la base de données sur la pharmacovigilance mentionnée à l’article 74 du règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE, tout effet indésirable présumé, conformément au paragraphe 2 de l’article 76 du même règlement, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. » – (Adopté.)

Article 22
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Article 25 (début)

Articles 23 et 24 (précédemment examinés)

M. le président. Je rappelle que les articles 23 et 24 ont été précédemment examinés.

Articles 23 et 24 (précédemment examinés)
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Article 25 (interruption de la discussion)

Article 25

Au dernier alinéa de l’article L. 221-3 du code de l’action sociale et des familles, après les mots : « règlement (CE) n° 1347/2000 », sont insérés les mots : « , les articles 79 à 82 du règlement (UE) 2019/1111 du Conseil du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants (refonte) ». – (Adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 25 (début)
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Discussion générale

7

Politique de l’immigration

Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à la politique de l’immigration.

La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’immigration est un sujet complexe. Il nous conduit à parler de politiques publiques, mais aussi de notre histoire et de notre conception de la Nation. Il est parfois l’objet de passions, de tensions, voire de fractures.

Pourtant, il est essentiel de pouvoir en débattre sereinement. Je sais, en introduisant ce débat au Sénat, que nous partons sur des fondements solides. La Haute Assemblée a toujours eu à cœur de tenir des débats d’idées et de chercher des solutions communes.

Vous avez aussi, je le sais et j’y reviendrai, travaillé sur la question migratoire, sur ses implications et sur les grands chantiers à mener.

Parler d’immigration, c’est aborder bon nombre de sujets. C’est évoquer les causes profondes des migrations : la pauvreté, le dérèglement climatique et notre indispensable coopération avec les pays d’origine et de transit. C’est parler de nos frontières, de nos procédures et de notre droit. C’est relever le défi de l’intégration.

Dans quelques semaines, le Gouvernement présentera un texte sur notre politique migratoire. Les ministres reviendront dans un instant sur ses principes directeurs.

Comme je l’avais annoncé, ce projet de loi fait l’objet d’une vaste concertation. Le ministre de l’intérieur la conduit avec l’appui de la secrétaire d’État à la citoyenneté. Le ministre du travail s’y est également pleinement engagé.

Le texte doit consolider les avancées de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie et adapter notre droit aux défis actuels de la question migratoire.

Je l’ai dit à l’Assemblée nationale et je le répète devant vous, nous n’avons qu’une boussole : l’efficacité. Nous défendrons un texte équilibré, aux effets utiles et concrets.

Il me semblait donc important, et même essentiel, avant la finalisation du projet de loi, et comme je m’y étais engagée, de venir devant vous pour vous présenter des faits, des orientations, et pour en débattre.

Alors, mesdames, messieurs les sénateurs, commençons par les faits.

Tout d’abord, oui, il existe une immigration légale. Je le dis, car, à entendre certains, on l’oublierait. Cette immigration légale, ce sont des salariés qualifiés ou encore les personnes que les Françaises et les Français ont choisi d’épouser.

J’entends souvent dire que le nombre de titres délivrés a progressé ; c’est juste. La tendance ne date pas d’hier, et elle s’est vérifiée sous des majorités de gauche comme de droite.

Ainsi, en quinze ans, le nombre de titres de séjour délivrés est passé, de façon progressive, de 172 000 en 2007 à 271 000 en 2021.

Mais ne nous trompons pas sur les causes de cette augmentation. Contrairement aux caricatures, l’immigration familiale a baissé sur cette période. S’il y a eu une augmentation, c’est pour trois raisons.

D’abord, notre enseignement supérieur est attractif et, depuis 2017, le nombre d’étudiants que nous accueillons a doublé. C’est une bonne nouvelle : ces étudiants apprennent à parler français, à connaître notre pays et le font rayonner dans le monde.

Ensuite, le nombre de salariés qualifiés et de chercheurs que nous accueillons a augmenté en quinze ans, ce qui a profité à notre économie, à nos entreprises et à notre innovation.

Enfin, l’augmentation du nombre de bénéficiaires de l’asile a été modérée. Nous accueillons chaque année quelque 30 000 personnes menacées dans leur pays.

C’est l’honneur de la France de leur donner leur place.

C’est l’honneur de notre pays d’avoir accueilli 3 000 ressortissants afghans juste après la chute de Kaboul l’an dernier.

C’est l’honneur de la France d’avoir accueilli 108 000 Ukrainiens depuis le 24 février dernier, sous le statut de protection temporaire.

Au nom du Gouvernement, je tiens à remercier l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), les élus locaux, les associations et les employeurs qui les accompagnent au quotidien.

Bien sûr, nous devons donner à toutes les personnes arrivées légalement les moyens d’une intégration digne et complète. Certaines difficultés existent encore, notamment en matière d’insertion professionnelle ; j’y reviendrai.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, quels sont les faits concernant l’immigration légale.

Toutefois, le principal enjeu n’est pas tant la situation de ceux à qui nous avons délivré un titre que celle des personnes qui se maintiennent sur notre territoire sans y avoir droit.

Ces personnes ne sont pas éligibles à l’asile ; il leur a souvent été explicitement refusé. Pourtant, le flux de demandes augmente nettement ces dernières années, et celles et ceux à qui nous n’accordons pas la protection restent encore trop fréquemment sur notre territoire.

Souvent victimes de passeurs qui leur promettent un eldorado et mettent en danger leurs vies, la plupart d’entre eux vivent dans la grande précarité, sans disposer du droit à travailler, et sombrent parfois dans la délinquance.

Pour répondre à ce défi, les amateurs de solutions toutes faites sont nombreux.

D’un côté, on trouve les partisans du « y a qu’à, faut qu’on », qui voudraient renvoyer d’un coup d’un seul l’intégralité d’entre eux. Oui, je souhaite que le droit et nos frontières soient respectés. Oui, je souhaite des éloignements rapides et efficaces des personnes en situation irrégulière. Mais non, on ne peut pas prétendre que les choses soient si simples, comme si nous pouvions nous affranchir de l’indispensable coopération des pays d’origine et des règles de l’État de droit.

De l’autre côté, certains appellent à des opérations de régularisation massive. Je le dis tout aussi clairement : il n’en est pas question. Nous ne créerons pas de tel précédent, qui ne réglerait pas les difficultés des personnes concernées, qui donnerait des arguments aux passeurs et qui ne serait ni accepté ni acceptable par les Français.

Pour notre part, nous voulons prendre le sujet à bras-le-corps et proposer des solutions utiles et efficaces.

Je crois que nous pouvons nous retrouver sur une préoccupation commune : éviter que des étrangers ne restent durablement dans une situation indéterminée qui ne serait ni le droit au séjour ni l’éloignement. Aussi voulons-nous clarifier beaucoup plus vite la situation des étrangers arrivés sur notre sol.

D’une part, nous voulons accélérer les procédures d’examen des demandes d’asile et du droit au séjour pour lutter contre les pratiques dilatoires. D’autre part, une fois la situation clarifiée, nous souhaitons éloigner plus rapidement ceux qui doivent l’être.

Quant aux personnes qui ont vocation à rester, nous voulons engager plus tôt les actions pour réussir leur intégration, à commencer par la langue et par l’emploi.

Ces principes sont les grands axes de travail du Gouvernement. Ce sont des objectifs qui, je le crois, peuvent rassembler largement, en particulier au Sénat. Car je sais pouvoir trouver sur ces travées des partenaires pour construire le texte ensemble.

En effet, monsieur le président de la commission des lois, nous partageons les constats que vous avez formulés dans votre rapport d’information et qui faisaient l’objet d’un large consensus parmi l’ensemble des groupes au Sénat. Le projet de loi que présentera le Gouvernement reprendra ou s’inspirera de bon nombre de vos propositions, pour celles qui relèvent du domaine législatif.

Nous en mettrons d’autres en œuvre. Je pense à celles qui concernent l’indispensable amélioration de l’accueil en préfecture et les modalités de recueil et de traitement des demandes de titres de séjour ; j’y reviendrai, et le ministre de l’intérieur également.

Je retiens cette volonté de travail commun, cette volonté de bâtir des solutions au-delà des clivages et des postures. C’est pourquoi, comme pour la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, je vous confirme que le futur projet de loi sera d’abord examiné au Sénat.

Je souhaite ainsi que nous puissions bâtir une majorité solide sur ce texte, en nous appuyant notamment sur l’important travail déjà réalisé par les sénateurs sur ces sujets migratoires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’a dit le Président de la République, nous devons déployer une action complète, cohérente et efficace, en amont des flux migratoires, et après l’arrivée sur notre territoire.

Nous voulons d’abord prévenir les départs irréguliers, en contribuant, grâce à notre aide publique au développement, à traiter les causes profondes des migrations que sont la pauvreté et, de plus en plus, les effets du dérèglement climatique.

Ensuite, nous devons mieux protéger nos frontières.

Pour y parvenir, notre premier levier d’action est européen. Pendant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, nous sommes parvenus à plusieurs avancées autour du pacte sur la migration et l’asile, en particulier pour rendre plus efficaces les contrôles à l’arrivée en Europe et pour renforcer le mécanisme de solidarité pour les États de première entrée, dans le respect du droit maritime.

Nous devons maintenant continuer : nous poussons pour un renforcement des moyens de Frontex et pour une réforme de l’espace Schengen. Nous voulons également consolider le système d’asile européen. De plus, c’est aussi à l’échelle européenne que nous lutterons plus efficacement contre les réseaux de passeurs.

Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, la ministre de l’Europe et des affaires étrangères Catherine Colonna et la secrétaire d’État chargée de l’Europe Laurence Boone sont pleinement mobilisés en ce sens.

Le deuxième moyen d’action se situe à l’échelon national, en renforçant le contrôle à nos frontières et en accélérant les procédures.

En novembre 2020, le Président de la République a annoncé le doublement des effectifs à nos frontières. Les résultats sont là : 10 000 refus par mois ont été prononcés en 2021, contre 3 000 au début de 2020, avant le covid.

Ensuite, nous devons accélérer les procédures d’examen des demandes d’asile. Dans ce domaine, des progrès ont été réalisés dans le précédent quinquennat. Les délais de l’Ofpra ont considérablement diminué, mais ceux des procédures contentieuses sont encore trop longs.

Au total, le délai moyen de traitement d’une demande d’asile est encore de l’ordre d’un an. Nous devons donc accélérer et viser un délai global de six mois pour l’ensemble de la procédure.

Nous voulons notamment réformer le contentieux des étrangers. Pour le réduire et le simplifier, nous voulons passer de douze procédures contentieuses à quatre, suivant en cela les recommandations du Conseil d’État et du rapport d’information du président de la commission des lois.

Le ministre de l’intérieur y reviendra. Il travaille avec le ministre de la justice Éric Dupond-Moretti à une réforme de la Cour nationale du droit d’asile.

Enfin, nous voulons éloigner plus systématiquement et plus efficacement les personnes déboutées du droit d’asile.

Aussi devons-nous augmenter nos capacités en centres de rétention administrative (CRA). De plus, nous continuerons à agir dans nos relations bilatérales avec les pays qui refusent de réadmettre leurs propres ressortissants.

Par ailleurs, nous devons nous montrer intraitables avec les étrangers délinquants, même en situation régulière. S’engager dans la délinquance, c’est se placer en dehors de notre communauté nationale ; c’est porter une grave atteinte à notre pacte social et à nos compatriotes ; c’est également nuire à tous les étrangers qui vivent en France et qui construisent paisiblement des parcours d’intégration réussis, dont on ne parle pas.

Grâce à l’action déterminée du ministre de l’intérieur et des préfets, plus de 3 000 étrangers auteurs de troubles à l’ordre public ont été éloignés en 2021 et 2022.

Enfin, sous le contrôle du juge, et dans le respect de nos engagements conventionnels, des mesures d’expulsion doivent désormais pouvoir être prises contre les étrangers qui commettent des infractions graves, quelle que soit leur situation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je le disais, nous portons une vision équilibrée. Si nous voulons que ceux qui ne doivent pas rester partent, c’est aussi pour pouvoir mieux intégrer ceux que nous accueillons.

Cela passe d’abord par une refonte en profondeur de l’accueil en préfecture pour les démarches de renouvellement des titres des étrangers en situation régulière. Nous devons éviter les pertes de droits, notamment d’emploi, que peuvent connaître certaines personnes faute d’accès au guichet.

Pour les demandeurs d’asile, nous devons aussi continuer à renforcer nos capacités d’hébergement. En cinq ans, nous les avons déjà augmentées de plus de 36 000 places.

Enfin, le pivot de notre politique d’intégration, c’est le travail.

Dans un pays dont le taux de chômage est de 7,3 %, nous devons d’abord chercher à pourvoir les postes vacants en proposant ces emplois à nos ressortissants et aux personnes en situation régulière. Le taux d’emploi des immigrés en France étant plus faible de neuf points que celui de l’ensemble de la population, nous devons travailler à réduire cet écart.

Ensuite, si les employeurs ne sont pas parvenus à trouver la main-d’œuvre dont ils ont besoin, ils peuvent la faire venir de manière légale. En effet, un employeur peut toujours solliciter une autorisation de travail s’il démontre qu’il n’a pas pu pourvoir le poste en déposant une offre auprès de Pôle emploi.

Pour certains métiers particulièrement en tension, l’employeur est même dispensé de cette justification. Nous avons simplifié ces dispositifs en 2019 pour mieux répondre aux besoins.

Par ailleurs, la question de la régularisation peut se poser pour des personnes en situation irrégulière présentes sur notre sol depuis des années et qui travaillent depuis longtemps.

Ce sujet mérite mieux que des caricatures. Il ne s’agit en aucun cas de procéder à une régularisation massive, ni de laisser penser que la régularisation serait la réponse aux tensions sur le marché du travail. Il s’agit de régulariser certaines personnes qui, si elles contribuent depuis longtemps à la richesse nationale, subissent parfois des conditions de travail indignes et restent enfermées dans un statut précaire. Le ministre du travail Olivier Dussopt y reviendra plus en détail.

Enfin, s’intégrer, c’est parler la langue de la République. Alors que nous proposons des cours de langue dès l’arrivée sur le territoire, nous souhaitons qu’un niveau minimal de français soit désormais imposé pour obtenir des titres de séjour de plus d’un an.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai tracé devant vous les grands principes de notre action. Elle est fondée sur la volonté d’équilibre et la recherche d’efficacité : agir d’abord sur les causes profondes de l’immigration, en lien avec les pays d’origine et de transit ; assurer ensuite le respect de nos frontières et de notre droit, par des procédures plus rapides et des mesures d’éloignement mieux appliquées ; donner enfin à celles et ceux que nous accueillons les moyens d’une intégration pleine, entière et réussie.

En effet, l’intégration est bien la finalité de toute notre politique migratoire.

Autour de ces principes, je suis et je reste convaincue que nous pouvons construire des réponses ensemble. Je sais que le Sénat, fidèle à sa volonté de dialogue et d’action, y prendra avec nous toute sa part. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)