Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, à cette heure tardive, beaucoup a été dit, notamment lors de la défense des motions. J’éprouve un certain malaise au moment de la présentation de ce texte, du fait du manichéisme qui ressort de nos débats : il y aurait les gentils qui voudraient protéger les mal-logés, et les méchants défenseurs des propriétaires… Or l’un ne justifie pas l’autre.

Vous l’avez dit, madame Cukierman, le fait d’être mal logé ne justifie pas que l’on squatte l’appartement de quelqu’un d’autre… Ce débat laisse donc un goût un peu douceâtre, celui d’un manichéisme mal adapté.

Le présent texte, je le rappelle, porte sur l’occupation illicite des logements et non sur l’ensemble de la politique du logement.

Cela a été dit, 500 000 commandements de payer sont notifiés, 160 squats ont été recensés et 15 000 expulsions sont ordonnées. Des propriétaires sont lésés, notamment des retraités dans l’impossibilité de percevoir les loyers qui leur permettraient d’améliorer leur retraite. Par ailleurs, des propriétaires d’appartements hésitent à les mettre en location de peur de ne pas être payés.

À cet égard, je tiens à rendre hommage aux rapporteurs André Reichardt et Dominique Estrosi Sassone, virtuoses de ce sujet, ainsi qu’à Valérie Létard et Marie-Noëlle Lienemann qui sont au Sénat les grandes spécialistes du logement. Les uns et les autres, lors des travaux de la commission des lois, ont complètement rééquilibré la proposition de loi.

Le texte de la commission fait clairement la différence entre des locataires qui ne payent pas leur loyer et des squatteurs sans droit ni titre, et je ne crois pas qu’un quelconque amalgame soit établi entre les deux situations.

Le groupe Union Centriste soutiendra le texte tel qu’il ressort des travaux de la commission. Le cap est fixé : cette loi doit être utile et équilibrée.

Elle doit être utile, d’abord, en envoyant un signal clair aux squatteurs et aux locataires abusifs, et se traduire par des effets visibles sur le terrain. La rédaction a été améliorée de ce point de vue via plusieurs amendements adoptés en commission.

Elle doit être équilibrée, ensuite, dans l’objectif de mieux sécuriser les rapports locatifs en distinguant clairement – j’y insiste – la situation du squatteur et celle du locataire qui accumule les loyers impayés.

Nous avons, en commission, souhaité conserver la possibilité pour le juge d’accorder un délai à un locataire faisant l’objet d’une décision d’expulsion ; des amendements en ce sens seront présentés en séance. En effet, il convient d’accorder au locataire en difficulté la possibilité de régler ses loyers impayés sans pour autant qu’il soit entraîné dans la spirale de l’exclusion, dont nous savons tous qu’elle est mortifère.

Notre objectif est clairement de lutter contre la violation du droit de propriété que constitue le squat. Nous ne souhaitons pas mettre en difficulté les locataires de bonne foi. C’est en alliant ces considérations d’efficacité et de justice que nous parviendrons à rétablir la confiance des Français dans la propriété et celle des propriétaires dans la location.

Au bénéfice de ces observations, mon groupe votera ce texte. (M. Vincent Capo-Canellas et Mme Valérie Létard applaudissent.)

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, il est aujourd’hui une aberration et une injustice dans notre droit, qui rend moins condamnable un squatteur pénétrant dans un logement qui ne lui appartient pas que le propriétaire l’en expulsant par ses propres moyens : là où le squatteur encourt un an de prison et 15 000 euros d’amende, le propriétaire encourt trois ans de prison et 45 000 euros d’amende !

Il y a un problème dans notre pays avec le droit de propriété, qui est pourtant quasiment le premier droit constitutionnel, après la liberté. Il serait temps d’y mettre fin !

Déjà en 2019, Jean-Luc Lagleize, alors député, avait remis, à la demande d’Édouard Philippe, un rapport indiquant que « le foncier, même propriété privée, demeure un bien public fini et d’intérêt général » : une véritable remise en cause des fondements de notre contrat social par la majorité macroniste au pouvoir !

De son côté, la gauche, trente-trois ans après la chute du mur de Berlin, promeut encore la collectivisation des propriétés privées – sauf des siennes, bien sûr… – et entretient une anachronique lutte des classes entre locataires et propriétaires, quitte à faire de l’électoralisme sur l’anarchie ambiante.

Mes chers collègues, vous avez grand cœur, mais vous oubliez que la majorité des propriétaires sont en fait de petits propriétaires et que leur bien est le fruit d’une vie de labeur, qu’ils souhaitent légitimement protéger pour obtenir un complément de retraite et pour le transmettre à leurs enfants, plutôt que de le voir occupé et saccagé par des marginaux et des migrants. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ah !…

M. Stéphane Ravier. Vous avez grand cœur, mais vous oubliez que la plupart des squats sont le fait de clandestins ou de mafias étrangères, problème que vous avez largement contribué à importer.

Vous avez grand cœur, mais pas assez grand pour y accueillir ce couple de retraités marseillais condamnés, après avoir travaillé toute leur existence, à vivre sur un parking pendant deux ans et demi, dans un camping-car, en raison du squat de leur appartement.

Vous en appelez à la solidarité, mais à une solidarité sélective qui est toujours du côté des squatteurs et jamais de celui des propriétaires lésés. Que se lèvent dans cet hémicycle, en particulier à sa gauche, les volontaires qui accepteraient de subir, au nom de la solidarité, le squat de leur logement ou de leur résidence secondaire !

S’il faut choisir entre le camp de l’incitation au squat et celui de la sanction, je m’inscris dans le second. J’ajoute, tout de même, que l’on ne fait aucune bonne politique en s’attaquant aux seules conséquences d’un problème, surtout quand on en chérit les causes.

Le 10 mai 2022, ce sont 104 migrants qui ont été évacués de 34 logements, dans 3 bâtiments différents de la cité du parc Kalliste, à Marseille.

Toujours à Marseille, les squats de Roms se multiplient, avec le soutien de la municipalité d’extrême gauche plurielle, qui envisage même de créer un « village rom » !

M. Guy Benarroche. C’est faux !

M. Stéphane Ravier. L’immigration anarchique participe activement à la hausse de ce fléau grandissant.

La propriété est une ZAD, une « zone à défendre ». J’en serai ici, au nom de la justice et des droits des honnêtes gens, l’un des défenseurs !

Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux.

M. Jean-Yves Roux. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, lorsque nous examinons les textes à l’ordre du jour de notre chambre haute, nous pouvons difficilement faire abstraction des contextes économiques et sociaux que nous traversons.

En effet, cela a été maintes fois évoqué, depuis la fin de l’année 2021 et encore plus depuis le début de la guerre en Ukraine, les particuliers subissent de plein fouet l’envol de l’indice des prix à la consommation, en particulier sur les dépenses énergétiques.

Malgré un bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité, la remise à la pompe pour le carburant et le chèque inflation, les difficultés en termes de pouvoir d’achat perdurent, impactant de fait la répartition et le niveau des dépenses de consommation des ménages français. Cette progression de la précarité financière s’observe au quotidien, notamment à travers l’intensité des actions sur le terrain des associations de solidarité.

Ces données centrales nous ont laissé penser, dans un premier temps, que cette « proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite » était quelque peu anachronique, en miroir avec l’urgence sociale. Nous n’étions pas pleinement en phase avec l’identification de la cause, pour traiter le problème à sa source.

Pour autant, les quelques rares affaires de squats qui ont été médiatisées ne nous laissent pas indifférents. Nous sommes parfaitement conscients du trouble que cela représente pour le propriétaire, car la détention d’un bien suscite la plupart du temps un sentiment de fierté et d’accomplissement. Ainsi, l’émoi d’un propriétaire face à une occupation illicite est compréhensible, surtout lorsqu’il est alimenté par une impression d’impuissance.

Par conséquent, pour éviter de glisser dangereusement vers des situations où les propriétaires se feraient justice eux-mêmes, avec les pires scénarios que l’on puisse imaginer, légiférer semble une voie rationnelle, de surcroît lorsqu’il existe une volonté politique partagée de légiférer en vue d’améliorer le cadre juridique dans ce domaine. En effet, on dénombre pas moins de vingt propositions de loi sur ce sujet déposées à l’Assemblée nationale et au Sénat depuis 2020.

Vous l’aurez compris, nous ne minorons pas ces sujets de contentieux locatifs, mais nous restons vigilants pour que cela ne donne pas lieu à des reculs significatifs en matière de droit au logement. Notre groupe a donc rédigé des amendements visant à infléchir un texte qui déséquilibre peu ou prou les rapports entre propriétaires et locataires.

Nous souhaitons notamment que l’information selon laquelle les locataires ont seuls la faculté de demander au juge de leur accorder des délais de paiement soit bien connue des locataires concernés. Par ailleurs, nous nous opposons à la réduction des délais entre le commandement de payer et la résiliation automatique de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement. Les tensions sur le marché locatif et les difficultés à trouver une solution de relogement pour les locataires rencontrant des difficultés financières sont trop fortes pour mettre à mal l’accompagnement social pratiqué dans l’intervalle.

Nous faisons aussi le pari d’un dialogue et d’une négociation amiable entre le locataire et le bailleur, sous la surveillance d’un commissaire de justice.

Ces contributions aux articles 4 et 5 du présent texte sont de nature à compenser les asymétries d’information auxquelles les locataires sont susceptibles de faire face en cas de contentieux.

Nous partageons, en revanche, l’inquiétude des associations de solidarité – Croix-Rouge française, Secours catholique, Fondation Abbé Pierre – sur la question de la pénalisation des locataires qui se maintiennent dans leur logement après une décision définitive de justice. Le propriétaire bailleur ne doit pas se substituer à l’État ; rappelons que l’accès au logement est garanti par l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

Enfin, toujours dans un souci de compenser la rigidité de cette proposition de loi, il serait opportun de renforcer le budget consacré à l’hébergement d’urgence ainsi qu’aux moyens des équipes mobiles et des accueils de jour.

En conclusion, le groupe RDSE est pleinement mobilisé pour avancer sur ces sujets et regrette l’aspect équivoque d’une proposition de loi qui fait l’amalgame entre l’occupation illicite et les impayés de loyer. Par respect pour notre tradition et la diversité de nos opinions, nous appliquerons notre principe de liberté de vote sur ce texte, en nous partageant entre l’approbation et l’abstention.

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la situation de Maryse et Pierre – un exemple parmi tant d’autres – a été évoquée : ils ont récupéré voilà quelques semaines, après plus de deux ans de combat, leur logement occupé illégalement par une personne qui a, enfin, quitté les lieux après l’intervention des forces de l’ordre.

Des cas comme celui de Maryse et Pierre, il en existe des centaines dans notre pays. J’aurais pu citer également celui de Marie-Thérèse et Henri, des retraités de Théoule-sur-Mer désespérés par le saccage de leur domicile, après trente années de dur labeur et d’économies pour devenir propriétaires.

Car il s’agit bien de cela : d’honnêtes citoyens sont privés de leur maison ou de leur appartement par des squatteurs et contraints de dormir ailleurs, parfois dans leur voiture, voire dans la rue.

Ne nous y trompons pas ! Les personnes qui s’approprient des propriétés privées par effraction ne sont pas des Robin des Bois des temps modernes… Il n’y a aucun romantisme dans le vol.

N’ayons pas peur des mots : ces squatteurs sont des délinquants qui volent le bien le plus intime d’une famille, à savoir son foyer.

Pour faire un parallèle, le squat, c’est en quelque sorte un cambriolage à l’issue duquel le voleur s’installerait dans votre salon et y vivrait les pieds sur la table.

Aujourd’hui, cela a été dit par plusieurs intervenants, c’est un véritable système organisé de squats qui se met en place, profitant des failles de notre droit. M. le ministre l’a rappelé, il existe même sur internet des guides qui expliquent comment repérer le bon logement et le bon propriétaire, comment maintenir la police à distance ou encore comment pirater un circuit, savoir si l’eau et l’électricité sont coupées.

Pour lutter contre les squats, les dispositifs existants, notamment la loi Dalo, ne sont ni suffisamment dissuasifs pour les squatteurs ni suffisamment connus des préfectures et des forces de police ou de gendarmerie, voire des propriétaires eux-mêmes. Le résultat, nous le connaissons : c’est l’incompréhension, l’impuissance et le désarroi de propriétaires privés de leur bien pendant des mois, voire des années, qui ont véritablement l’impression que l’État respecte davantage les squatteurs que le droit de propriété.

Or la République doit toujours être du côté de la justice, et donc des propriétaires qui sont les victimes de ces situations indignes. Et en disant cela, il n’est pas question pour nous d’ignorer certaines situations désespérées de locataires qui n’arrivent plus à honorer leur loyer : c’est une situation totalement différente.

En ce sens, le texte issu de la commission est très équilibré : il appelle à la fermeté et à l’action contre le squat, mais également à une certaine forme d’humanité, notamment par une sécurisation accrue des rapports locatifs, avec un meilleur accompagnement des locataires en difficulté, en particulier financière.

Mes chers collègues, comme l’a dit François Bonhomme, la nuit du 4 août 1789, après la prise de la Bastille, symbolise la fin de l’Ancien Régime, avec l’abolition de la féodalité. L’Assemblée nationale constituante, cette nuit-là, a posé les fondements de notre conception contemporaine de la propriété : individuelle et privée, forcément privée.

Cette proposition de loi vise à préserver le droit au logement. Nous devons avant tout garantir le droit à la protection de la propriété immobilière. C’est tout l’objet de ce texte ! Alors, durcissons les peines pour ceux qui violent le domicile d’autrui, sanctionnons tout acte de propagande ou de publicité en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter au squat, et donnons les moyens aux maires et à l’État d’agir rapidement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’avais préparé une intervention, mais, de nombreuses choses ayant déjà été dites, j’essaierai d’éviter les répétitions. J’ai pris des notes au fur et à mesure de la discussion, et j’espère que mon propos sera clair !

Qu’il existe des tensions très fortes sur le logement social dans les territoires, qu’il faille lutter contre le logement vacant – comme chacun de nous l’a fait quand il était maire ou qu’il avait des responsabilités locales –, que le mal-logement existe et qu’il faille se battre contre les marchands de sommeil – nous en avons tous connu dans nos communes : ils louent un bien qui n’est pas aux normes, touchent directement les APL versées par la caisse d’allocations familiales (CAF) sur leur compte, sans se soucier du propriétaire – : tout cela est vrai ! Mais tel n’est pas l’objet de ce texte.

Cette proposition de loi vise à « protéger les logements contre l’occupation illicite ». Les bailleurs professionnels sont concernés, mais, cela a été dit, l’immense majorité des propriétaires ont seulement un bien, et quelquefois deux ou trois – il ne faut pas en faire un drame, c’est cela la propriété privée, le capital, la constitution d’un patrimoine… –, qui peuvent venir d’un héritage ou être le fruit du travail d’une vie. C’est la raison pour laquelle nous saluons l’initiative qui a été prise, et les dispositions équilibrées de ce texte.

La proposition de loi sanctionne plus durement les intrusions et les occupations illégales de domicile. Face au développement de ces pratiques, il était nécessaire d’envoyer un message de fermeté. Le droit de propriété doit être respecté. Cela ne vaut pas seulement pour les domiciles, mais plus généralement pour tous les immeubles, qu’ils soient à usage économique ou à usage d’habitation. Nous nous félicitons donc de l’aggravation des peines assorties aux infractions concernées.

De nombreux orateurs ont abordé le sujet des squats. Sans même parler du squat du domicile de personnes qui y habitent, qui est totalement inacceptable, je veux évoquer le squat d’un logement temporairement laissé vacant par son propriétaire. Il est choquant de voir des représentants d’associations jusqu’au-boutistes, voire des élus – je n’en ai pas entendu dans cet hémicycle, mais je pense à la maire de Nantes –, soutenir ce type de comportement. J’aimerais voir leur réaction s’ils étaient propriétaires de logements vides qui viendraient à être occupés, et comment ils passeraient de la théorie à la pratique…

Madame Lienemann, quand vous vous êtes exprimée, vous nous avez demandé de réfléchir aux raisons pour lesquelles certains vont vivre dans des squats. Mais avec ce type d’arguments, comment peut-on bâtir une société ? Si vous commencez à excuser des gens qui occupent illégalement un logement, vous mettez le doigt dans un engrenage dont vous ne sortirez plus ! Une société se construit sur des règles et avec un cadre, en se donnant les moyens de les faire respecter.

Ce texte, et c’est une bonne chose, raccourcit les délais de la procédure d’expulsion. Il n’est pas normal que les propriétaires, hors période de trêve hivernale, doivent en plus faire face à d’importants délais.

Tout au long de l’examen de la proposition de loi, la commission des affaires économiques a souhaité, à juste titre, différencier le squatteur du locataire mauvais payeur : l’un est entré par effraction, et pas l’autre. Elle a également utilement enrichi le texte en améliorant le traitement des impayés locatifs, avec une prévention accrue et un meilleur accompagnement.

Ces dispositions bénéficieront tant aux locataires qu’aux propriétaires. Le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte, qu’il juge utile et équilibré.

Comme il me reste un peu de temps, je dirai un mot de l’objectif de « zéro artificialisation nette » des sols, le fameux ZAN. Le sujet n’est peut-être pas directement lié au thème de la proposition de loi, mais si nous posons nous-mêmes des entraves à la construction dans les territoires, alors il y aura moins de logements construits et davantage de tensions dans ce secteur. M. de La Palice n’aurait pas dit mieux ! En tout cas, c’est un sujet dont nous devrons débattre dans les semaines et les mois qui viennent. (M. le rapporteur applaudit.)

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite constitue un grave recul pour le droit au logement.

Sous couvert d’une volonté de protection des petits propriétaires, le texte initial stigmatisait une population socialement précaire au lieu de créer les protections qui seraient nécessaires aussi bien pour les locataires que pour les bailleurs. Le texte issu de la commission n’est, à vrai dire, guère meilleur : s’il limite quelques attaques contre les locataires en situation d’impayés, il aggrave certains pans répressifs du texte.

C’est une loi d’affichage, qui vise à monter en épingle quelques rares affaires de squats récemment médiatisées. L’Observatoire des squats n’a dénombré que 170 cas en 2021 – on me dira que c’est déjà beaucoup –, et la majorité de ces cas ont été résolus.

M. André Reichardt, rapporteur. Mais au bout de combien de temps ?

M. Daniel Salmon. La propriété locative doit être protégée, et – j’insiste sur ce point – les violations de domicile sont des situations graves qui doivent être punies. Mais, encore une fois, elles sont exceptionnelles, et l’arsenal juridique permettant d’y mettre fin existe. Ce n’est pas par la stigmatisation et la criminalisation des locataires les plus précaires que nous pourrons mieux protéger ceux que vous prétendez défendre.

Face à la crise du logement et à la crise sociale, qui s’aggrave de jour en jour, vous n’avez donc rien trouvé de mieux que de faciliter les expulsions pour impayés de loyer, et de criminaliser encore davantage les occupants sans droit ni titre. Comment imaginer un tel retour en arrière, au moment où de plus en plus de familles sont précarisées par la hausse des prix des loyers et de l’énergie, et par l’inflation ?

D’un bout à l’autre, ce texte est inique, inutile et dangereux. Le groupe écologiste s’opposera fermement à ces mesures, notamment celle qui prévoit une peine totalement disproportionnée à l’encontre des occupants de logements vacants et celle qui qualifie de vol l’occupation sans droit ni titre de tout local à usage d’habitation ou à usage économique. Cet article fait primer de manière absolue la propriété immobilière sur la nécessité pour une personne de disposer d’un logement.

Si la commission a mis fin à l’amalgame entre « squatteurs » et « locataires défaillants », le texte conserve le délit consistant à ne pas s’autoexpulser de son logement. Dans les faits, cela signifie qu’une mère de famille avec ses enfants, en situation de pauvreté et ne pouvant plus payer son loyer, devrait les emmener dormir sous les ponts pour éviter la prison. Non, un locataire en difficulté, un mal logé, n’est pas un délinquant !

Nous nous opposerons à la criminalisation des associations et des groupes militants dont l’action essentielle aide à garantir les droits et les libertés des personnes en situation de précarité, ou sans logis.

Nous dénonçons également l’extension de la notion de domicile à toutes les propriétés privées. Étendre à tout type d’habitation les dispositions applicables au domicile est une conception absolutiste du droit de propriété, et met de côté le principe de la dignité humaine, ainsi que l’objectif à valeur constitutionnelle qu’est le droit au logement.

L’article 5, enfin, qui réduit les délais durant lesquels les locataires en difficulté peuvent régulariser leurs impayés, est une mesure particulièrement contre-productive, le délai entre l’assignation et l’audience servant à mettre en mouvement le processus de prévention de l’expulsion, et donc du sans-abrisme. Ces délais protègent les intérêts des locataires et des propriétaires.

Alors que la rue affecte gravement la santé physique et mentale, et a tué 623 personnes en 2021, alors que le 115 refuse chaque soir un hébergement à plus de 6 000 personnes, dont 1 700 enfants, faut-il vraiment punir d’une peine de prison ceux qui s’abritent, eux et leur famille, dans un immeuble entièrement vide depuis des années ?

Cette proposition de loi ne répond aucunement aux vrais enjeux du logement aujourd’hui. Vous prétendez sécuriser les rapports entre les propriétaires, les bailleurs et les locataires, mais vous n’attaquez pas le problème à la racine.

Messieurs les ministres, le bilan du Gouvernement en la matière ne plaide pas en sa faveur. Vous avez fait du logement social le parent pauvre des politiques publiques et mis grandement à mal les offices HLM. Vous avez baissé les aides au logement et économisé plus de 1,5 milliard d’euros par an sur le dos des allocataires. Et vous menacez maintenant des milliers de locataires en situation d’impayé, du fait de la hausse constante des loyers et du coût de la vie, de la baisse des APL, ou encore de l’insuffisance de logements sociaux…

Il existe pourtant des alternatives pour concilier le droit au logement avec le droit de propriété.

Il est temps de mettre en place la garantie universelle des loyers, qui permet un accès plus facile au logement pour les locataires, sécurise les propriétaires et prévient les expulsions.

Instituez l’encadrement des loyers, qui réduit la vacance de logement, et permet aux propriétaires de trouver plus rapidement un locataire !

Attaquez-vous enfin à cette crise historique du logement plutôt qu’à ses victimes, ainsi qu’aux 3,1 millions de logements vacants. Opposez-vous à cette proposition de loi qui est une terrible régression sociale et démocratique ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

Mme le président. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe RDPI a souhaité inscrire à l’ordre du jour l’examen de la proposition de loi de notre collègue député Guillaume Kasbarian visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.

Elle est examinée dans le prolongement de la loi Asap de 2020 et du texte proposé par notre rapporteure pour avis en 2021. Elle permet de sanctionner davantage le squat, qui n’est plus un phénomène marginal, mais aussi de répondre aux problèmes que posent les contentieux locatifs de long terme.

Ce texte est également le fruit de plusieurs compromis à l’Assemblée nationale. Nous avons souhaité l’inscrire à l’ordre du jour du Sénat pour l’enrichir, l’améliorer, l’équilibrer, et pour mettre en avant ce sujet d’une extrême importance.

En tant qu’élus locaux, nous avons quasiment tous été confrontés à cette situation : un administré, petit propriétaire qui aurait acheté un appartement à la sueur de son front ou hérité d’une petite maison familiale, qui retrouve son bien squatté.

Face à des procédures longues qui peuvent durer jusqu’à trois ans, à des pseudo-connaisseurs du droit au logement, n’hésitant pas à narguer leurs victimes, les propriétaires se retrouvent souvent démunis, en grande précarité et dans une profonde détresse psychologique, que ce soit en Île-de-France, dans les Hauts-de-France ou en Guyane.

Nos collègues députés ont d’ailleurs reçu deux cents témoignages et ont pu auditionner dix victimes, dont les récits sont insupportables.

Mes chers collègues, le droit au logement n’est pas le droit au squat ! Et c’est que nous affirmons clairement au sein du premier chapitre de cette proposition de loi : le squat doit être sévèrement puni.

Les articles 1er A et 1er en témoignent, avec notamment un alourdissement de la peine encourue en cas de violation du domicile, tout en évitant l’amalgame entre squatteurs et locataires défaillants.

Je tiens ici à remercier les rapporteurs qui, sans tomber dans des travers idéologiques ou dogmatiques, ont mené un travail de rééquilibrage du texte pour distinguer le squatteur qui entre illégalement dans un domicile du locataire qui rencontre des difficultés pour payer son loyer.

Quant à l’incitation au squat, cette propagande sera dorénavant sanctionnée d’une amende de 3 750 euros, quel que soit le mode de diffusion employé.

Le texte que nous examinons vise aussi à sanctionner les abus et escroqueries des faux propriétaires : ils ne resteront plus impunis, car nous relevons le quantum de la peine prévue dans le code pénal en prévoyant la condamnation à une peine de trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende.

Par ailleurs, j’entends les critiques, souvent caricaturales, faites à l’encontre de ce texte sur l’atteinte qu’il porterait au droit au logement. À cela, j’oppose notamment l’article 2 ter, qui pérennise un dispositif expérimental, issu de la loi Élan, pour lutter simultanément contre la vacance des locaux et leur occupation illicite. Depuis sa création en 2009, près de 10 000 personnes ont été hébergées.

Avec ce texte de bon sens, nous cherchons à rééquilibrer les forces, en renforçant l’arsenal juridique contre les squats, mais en prenant également mieux en compte les parcours de vie parfois difficiles auxquels sont confrontés certains locataires de bonne foi – je retiens d’ailleurs que la proposition de loi tient bien compte de la bonne foi.

C’est l’objet du chapitre II : rassurer les propriétaires sur les risques d’impayés, en réduisant les délais des procédures, tout en assurant l’accompagnement social des locataires défaillants sans en faire payer le prix par les propriétaires.

Je me réjouis à ce titre que la commission rétablisse les pouvoirs d’office du juge pour définir le plan d’apurement de la dette locative, ainsi que le renforcement des pouvoirs des Ccapex au bénéfice d’un meilleur accompagnement social des locataires.

Aujourd’hui, nous poursuivons ce travail d’accompagnement des locataires en proposant d’autres modifications, qui visent : à supprimer la réduction du délai de deux mois à six semaines du commandement, afin d’éviter le recours à la procédure judiciaire en permettant au locataire de rembourser sa dette locative – un point sur lequel des amendements pourraient être adoptés – ; et à clarifier le rôle respectif de la CAF et de la Ccapex en cas d’impayés d’un allocataire.

Mes chers collègues, nous soutenons cette proposition de loi, et je vous invite à en faire de même pour trois raisons : il faut sanctionner plus sévèrement les cas de squat, favoriser le traitement à l’amiable des litiges entre propriétaires et locataires défaillants, et renforcer la prise en charge sociale de ces mêmes locataires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)