M. le président. L’amendement n° 2068 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 2232 rectifié.

Mme Cathy Apourceau-Poly. M. le ministre Attal nous disait en préambule de l’examen de cet article liminaire que supprimer ce dernier empêcherait de payer les fonctionnaires et de revaloriser les moyens de l’hôpital public. En résumé, le rejet de cet article liminaire mettrait la France en péril.

Ce n’est pas sans rappeler non pas l’excès, mais l’outrance, du ministre Véran, qui affirmait sans trembler, au sortir du conseil des ministres, que la journée de blocage du pays du 7 mars, à l’appel de l’intersyndicale, « serait laisser filer une crise qu’on peut encore éviter. L’absence de pluie depuis plus de trente jours maintenant en France fait peser un risque extrêmement fort sur l’état de nos réserves en eau cet été. Mettre le pays à l’arrêt, c’est prendre le risque d’une catastrophe écologique, agricole, sanitaire, voire humaine dans quelques mois. »

Monsieur le ministre, vous vous inscrivez donc dans le même registre. L’argument est pourtant éculé : le rejet de l’article liminaire de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 n’a pas eu de conséquences. Le rejet de l’article liminaire que nous examinons ne peut être invoqué comme une épée de Damoclès qui pèserait sur le sort du pays tout entier.

Rejetons-le largement, car cela reviendrait à refuser cette trajectoire austéritaire pour les finances publiques. Rejetons-le, car cela serait une forme de contestation du passage par un projet de loi de finances pour mener une réforme des retraites qui devrait faire l’objet d’un projet de loi ordinaire. Rejetons-le, car la réforme des retraites que nous examinons n’a pas ou peu de conséquences sur le solde budgétaire de la France cette année.

Pour toutes ces raisons, nous rejetterons cet article, car nous souhaitons rejeter l’ensemble de la réforme des retraites, ligne par ligne, mot par mot. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. C’est envoyé !

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 2234.

M. Éric Bocquet. Je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler l’objet de cet amendement… (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)

Que n’a-t-on entendu sur le dernier rapport du COR ? Je vous lis un extrait de sa page 75 : « Le contexte économique qui conditionne la soutenabilité à long terme d’un système de retraite est le reflet de la productivité du travail » – « productivité » est un terme que nous n’entendons jamais ! –, des taux d’emploi et du partage de la richesse.

Cette assertion démontre que de nombreux autres facteurs sont à prendre en compte dans nos débats tels que la croissance potentielle, elle-même calculée à partir de la productivité du travail. L’argument démographique n’explique pas tout, tant s’en faut !

Mme la Première ministre Élisabeth Borne, lors de la conférence de presse de présentation du projet de loi, déclarait : « sans entrer dans des études et des hypothèses complexes, il y a une réalité que chacun connaît : le nombre de ceux qui cotisent pour les retraites diminue par rapport au nombre de retraités ». « C’est un fait, pas un argument politique » a-t-elle ajouté, comme s’il n’y avait pas lieu de débattre : c’est factuel, fermons le ban !

L’argument démographique est loin d’être suffisant, nous le voyons bien. Rentrons dans les études sur le fond du sujet : le déséquilibre démographique est d’environ 1,7 actif pour un retraité en 2022, contre plus de quatre dans les années 1960. Ce déséquilibre constituerait une impasse certaine pour le régime par répartition, il faudrait donc travailler plus longtemps dans la vie : CQFD !

Cet argument démographique est simpliste. Il occulte le constat suivant : s’il y a moins de cotisants par rapport au nombre de retraités, la productivité horaire, c’est-à-dire le PIB par nombre d’heures travaillées, a presque triplé, passant de vingt-cinq dollars en 1970 à soixante-dix dollars en 2018.

La baisse du nombre d’heures travaillées, soit 350 heures annuelles depuis 1975, pourrait nuancer cet argument. Or cette baisse ne tient, selon l’Insee, que pour un tiers de la baisse du nombre d’heures travaillées par des salariés à temps complet.

Restez zen, mes chers collègues : les 35 heures ne sont pas en cause ! Cela aussi est un fait et non un argument politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 2235.

Mme Céline Brulin. Messieurs les ministres, le débat porte beaucoup, à juste titre, sur la note que votre réforme des retraites va faire payer aux salariés, notamment à ceux qui ont des métiers pénibles, aux femmes, qui ont des carrières hachées, à ceux qui auraient pu partir à la retraite dans les prochains mois et qui ont l’impression qu’on les condamne à deux ans ferme pour quarante-deux ans de bonne conduite !

On évoque moins la note qu’elle va faire payer aux employeurs publics que sont les hôpitaux et les collectivités. Or, au détour de l’article 6 de ce projet de loi, on apprend que ces employeurs verront leurs cotisations augmenter d’un point quand les employeurs privés verront leurs augmentations de cotisations compensées par une diminution de leur contribution à la branche Accidents du travail et maladies professionnelles.

À ce titre, selon vos propres estimations, messieurs les ministres, hôpitaux et collectivités devront s’acquitter de 600 millions d’euros par an entre 2024 et 2028 et de 700 millions d’euros à compter de 2028. Ce nouveau coup dur s’inscrit dans une longue série de coups bas à l’endroit des collectivités, comme la baisse de 0,6 % de leurs dépenses en volume inscrite dans cet article liminaire.

Mes chers collègues, vous qui siégez sur les travées de droite, vous avez voté en faveur de cette diminution, notamment dans l’article 13 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, quand nous nous y sommes opposés sur les travées de gauche.

Personne ne peut dire qu’il ne savait pas : l’article en question dispose en effet que « les collectivités territoriales contribuent à l’effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique ».

Je ne vais pas pouvoir évoquer l’inflation, et plus particulièrement la question des dépenses d’énergie, extrêmement lourdes pour les collectivités.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Céline Brulin. Cette réforme représentera un poids supplémentaire pour nos concitoyens, qui vont subir une double peine : deux ans de travail en plus et des services publics en moins ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 2236.

Mme Laurence Cohen. Messieurs les ministres, pour quelles raisons nous proposez-vous cette réforme des retraites ? Telle est la seule question qui vaille.

Je mets de côté la volonté du Président de la République d’apparaître comme un réformateur ou comme un Président qui tient contre la rue et le peuple souverain. La fracture de la Nation, « quoi qu’il en coûte », résulte d’une pratique autoritaire du « en même temps » qui est sa marque de fabrique.

Il convient donc d’écouter le président du Conseil d’orientation des retraites selon lequel les dépenses ne dérapent pas, mais « ne sont pas compatibles avec les objectifs actuels […] du Gouvernement ». Il affirme que les objectifs de dépense publique du Gouvernement présentés en juillet 2022 à la Commission européenne dans le programme de stabilité ne sont pas compatibles avec la réduction du déficit public annuel à 2,9 % du PIB en 2027.

On veut maîtriser, voire réduire un peu les prélèvements obligatoires. Il en est déduit un objectif de dépenses selon lequel la croissance des dépenses publiques doit être limitée à 0,6 % en volume entre 2022 et 2027. Or vous voyez bien que les dépenses liées aux retraites, si elles ne dérapent pas, ne sont pas compatibles avec les objectifs économiques et de finances publiques du Gouvernement.

Ce que souligne le président du COR, à l’instar de l’intersyndicale, c’est l’incompatibilité du financement du système de protection sociale, ici du système de retraite, avec la logique austéritaire qui constitue votre projet de gouvernement.

Le système de retraite représente en France 25 % des dépenses publiques, soit 347 milliards d’euros. Or le déficit annoncé s’élèverait à 0,7 point de PIB à terme, soit, au pire, 17 milliards d’euros, donc moins de 5 % de l’intégralité des dépenses du système de retraite. Si l’on ajoute l’inflation légitime, normale et contenue des dépenses de retraite par rapport au PIB, cette part est encore moins importante.

M. le président. Veuillez conclure !

Mme Laurence Cohen. Demander aux travailleurs et aux travailleuses de travailler deux ans de plus est d’une extrême brutalité. C’est une hérésie macroéconomique, sociale et politique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. Philippe Pemezec. Rien que ça !

M. le président. L’amendement n° 2238 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 2239.

M. Gérard Lahellec. Messieurs les ministres, par cet amendement de retrait, nous dénonçons le fait que le Gouvernement ait retenu un mode de compensation pour connaître les projections du solde de système de retraite.

En retenant le système dit EPR, le Gouvernement avoue qu’il n’entend plus assumer pleinement, dans les mêmes proportions, sa participation au financement des retraites, notamment au travers de ses contributions en tant qu’employeur de la fonction publique d’État et des subventions d’équilibre qu’il verse aux régimes déficitaires.

Or, si la peur des dépenses de l’État témoignait d’une forme de constance par rapport au PIB, nos systèmes seraient aisément à l’équilibre. Le déficit ne dépasserait jamais les 0,4 point du PIB, soit moins de 10 milliards d’euros constants, bien loin des 17 milliards d’euros annoncés aujourd’hui.

Votre dispositif, messieurs les ministres, entraînerait un déficit qui résulterait davantage d’une désindexation par rapport au PIB, ce qui pèserait considérablement sur les recettes en matière de retraite. Au fond, vous créez un déficit que vous proposez de combler en demandant aux travailleurs de s’en charger. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n° 2240.

M. Pierre Laurent. Nous devons supprimer cet article liminaire, parce que ce débat souffre d’un gros problème de vérité et de sincérité des chiffres.

Vous nous dites, messieurs les ministres, que cet article présente en quelque sorte les perspectives d’équilibre du système. En vérité, il consacre un sous-financement organisé et programmé du système par répartition. Vous le faites pour ouvrir la voie, par paliers, à la capitalisation.

Le président Larcher, interrogé dans Le Figaro, le 1er mars dernier, a affirmé au sujet de cette capitalisation : « Ça n’est pas la question du moment ». J’y insiste : « du moment »… Sauf que, dans le même journal, quarante-quatre parlementaires de droite viennent de signer une tribune intitulée : « Osons la retraite par capitalisation ! »

On retrouve tout de même du beau monde dans cette tribune : M. Karoutchi, premier vice-président, Mme Primas, présidente de la commission des affaires économiques, Mme Gruny, vice-présidente du Sénat, Mme Delattre, vice-présidente du Sénat, M. Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable…

Mme Frédérique Puissat. Et les autres ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Laurent. Ce ne sont donc pas des frondeurs qui signent cette tribune, mais le cœur de la majorité sénatoriale ! Vous y affirmez : « la retraite par capitalisation quoi qu’il arrive, sera le point cardinal de la prochaine réforme de notre système de retraite ». C’est bien cela que vous visez ! C’est pour cela que vous allez voter des deux mains…

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Oui, dès demain ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Vous l’avez dit ! (Mêmes mouvements.)

M. Pierre Laurent. … en faveur ce projet en affirmant que vous êtes là pour sauver la retraite par répartition.

En vérité, vous préparez la mort de ce système et le Gouvernement le sait pertinemment. Cet article liminaire est un article mensonger sur les objectifs véritables de cette réforme. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 2243.

M. Pascal Savoldelli. Dans cet article liminaire, nous retrouvons le fameux taux de prélèvements obligatoires dont il est souvent question ici, brandi en totem par les partisans du « toujours moins d’impôts ». Je vous pose dès lors cette question, messieurs les ministres : les travailleurs et travailleuses qui vont subir deux années de plus de travail ne paieront-ils pas d’impôts ? Vous avez la réponse : ils en paieront ! Ce taux de prélèvements obligatoires fait partie de vos éléments de langage.

J’ai compris qu’il existait trois possibilités pour financer le système des retraites, à vous de me dire si je me trompe : baisser les pensions de retraite, ce qui n’est pas une piste à retenir ; travailler plus longtemps ; augmenter les impôts, donc les prélèvements obligatoires.

Focalisons-nous sur la troisième option : le taux de prélèvements obligatoires est annoncé à 44,9 points de PIB. Or le PIB est en baisse depuis 1965. Ce constat cache des responsabilités politiques, notamment la vôtre, en sus de celles des gouvernements antérieurs.

Les prélèvements obligatoires augmentent en proportion du PIB parce que celui-ci croît moins vite, d’où les chiffres auxquels nous faisons face. En 2021, le solde de prélèvements obligatoires est environ de quatre points au-dessus de la moyenne de la zone euro, pour reprendre une comparaison qui vous est chère. Pourtant, vous ne précisez pas que les dépenses de protection sociale sont en France supérieures de cinq points à la moyenne européenne !

Le modèle français, et cela vaut pour ce débat sur les retraites, revient certes à prélever plus, mais également à redistribuer plus ! Ce ruissellement-là, les Françaises et les Français, notamment les plus modestes d’entre eux, en ont besoin ! Ce n’est pas de l’argent qui s’évapore dans les administrations publiques, quittant le circuit économique. Nos cotisations sociales sont de 1,3 point supérieures à la moyenne de la zone euro pour des prestations sociales cinq fois supérieures !

Voilà la réalité des chiffres du modèle social français, qui nous permet de rendre la République unitaire, solidaire. Or votre projet de réforme, notamment cet article liminaire, vient le remettre en cause.

Il faut dire la vérité : les impôts sur la consommation des ménages – je l’affirme à tous mes collègues – rapportent quatre fois plus que l’imposition sur les bénéfices des sociétés. Vous trouvez cela normal ? Vous trouvez cela juste ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. L’amendement n° 2256 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, cet article liminaire aura finalement servi de tribune à nombre d’entre vous : j’ai eu le sentiment d’assister à une nouvelle discussion générale, au cours de laquelle nous avons entendu de tout. Cela nous permettra-t-il de faire l’économie de futures prises de parole ? Je ne le pense pas, même si certains affirment que le vote aura lieu dès demain ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je tiens tout d’abord à préciser que cet article liminaire, que d’aucuns veulent supprimer, est obligatoire depuis la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.

Qu’indique cet article ? Il apporte les prévisions de solde structurel et de solde effectif. Pour ma part, je n’en ai pas beaucoup entendu parler dans les propos qui viennent d’être tenus…

Que faut-il en retenir ? Le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques retenu pour 2023 s’établit à -5 % du PIB. Ce chiffre est intéressant et il faut le retenir.

Vous avez aussi noté, mes chers collègues, qu’il est assez semblable au tableau prévisionnel figurant dans la loi du 30 décembre 2022 de finances pour 2023. Ce projet de loi sur les retraites n’aura pas beaucoup d’incidences, mais certains événements au cours de ces derniers mois ont fait varier quelques points de pourcentage.

Je me suis principalement arrêtée sur le tableau des soldes, recettes et dépenses des administrations de sécurité sociale, à savoir le sujet qui nous intéresse. À regarder la composition de ce tableau, je peux en tirer certaines observations.

On y retrouve un excédent de 21,1 milliards d’euros. Sur ce point, je me retourne vers mon collègue Pascal Savoldelli, qui assurait précédemment que le déficit pouvait être rattrapé assez rapidement. En réalité, ces 21,1 milliards d’euros proviennent essentiellement de l’amortissement de la dette sociale, qui procède de la Cades, pour un montant de 16,4 milliards d’euros.

Monsieur Savoldelli, nous ne résorberons pas si facilement la dette : nous avons déjà 155 milliards d’euros de dette non amortie. (M. Pierre Laurent proteste.) Je vous demande dès lors un peu d’attention et d’économie.

Je relèverai également que la situation de l’assurance chômage est favorable. Cette donnée est importante : nous venons de vivre deux années successives compliquées du fait de la covid-19 et des temps partiels, deux années difficiles pour l’Unédic. La dette a atteint plus de 63 milliards d’euros à la suite de cette période ; elle va décroître à 55 milliards d’euros en 2023. Nous pouvons donc observer une amélioration significative.

Nous pourrions aussi évoquer les régimes de retraite complémentaire. Des points sont positifs.

En 2023, la situation est donc moins favorable, mais les chiffres prennent en compte les effets en année pleine des majorations de pension et de la décélération attendue de la croissance de la masse salariale.

Ce tableau prend en compte un amendement adopté par l’Assemblée nationale relevant l’Ondam de 750 millions d’euros. Or ce chiffre n’a pu être intégré à l’article 15, lequel consacre le plafond de l’Ondam, puisque l’Assemblée nationale n’a pas été au bout de ses travaux.

Certains ont parlé des cotisations ; nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir. Le pays qui prélève le plus de charges sociales au monde, il est facile de le trouver : c’est la France. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER.)

M. Pierre Laurent. Ce ne sont pas des charges !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce sont des cotisations !

M. Hussein Bourgi. Les mots ont un sens !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Si vous regardez un bulletin de salaire, les charges représentent 62 % d’un salaire brut chaque mois. Je ne sais pas si vous vous en rendez compte ! Les salariés, eux, le savent, parce que cela leur ôte une part de leur salaire net.

Le pays le plus généreux au monde, c’est aussi la France. Sans doute faudrait-il arrêter de pleurer ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

La commission est défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. De nombreux sujets ont effectivement été abordés à l’occasion de la présentation de ces amendements de suppression de l’article liminaire.

J’avais déjà apporté des précisions concernant cet article en discussion générale. Je remercie la rapporteure générale d’avoir très précisément évoqué les chiffres figurant dans les tableaux. Je m’arrêterai sur un certain nombre d’arguments relayés par les différents orateurs.

Mme Briquet est revenue sur la question du déficit en assurant qu’il pourrait être pire. Et tel serait bien le cas si nous n’avions pas créé 1,5 million d’emplois depuis cinq ans grâce à la politique menée par la majorité et par le Gouvernement. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas vous !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Les entreprises créent des emplois, mais il faut que le coût du travail baisse pour qu’elles puissent le faire. Et celui-ci a baissé parce que nous avons pris des mesures en ce sens ! (Mme Émilienne Poumirol proteste.)

En outre, si le déficit n’est pas plus important, c’est aussi parce qu’il y a eu la réforme Woerth en 2010 et la réforme Touraine en 2014. Dans quelques années, quand certains aborderont la question du déficit, ils préciseront qu’il aurait pu être pire, mais que l’adoption de la loi Dussopt en 2023 nous en a préservé ! (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.)

C’est une évidence ! D’ailleurs, les majorités successives ne sont pas revenues sur les réformes précédentes. Des adaptations ont eu lieu, ce qui est normal, notamment en 2012 pour les carrières longues des salariés de 60 ans lors de l’arrivée à l’Élysée de François Hollande. Pourtant, la majorité de l’époque n’est pas revenue sur l’âge de départ à 62 ans.

M. David Assouline. Ne vous ai-je pas vu manifester à l’époque contre la réforme Woerth ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Non, monsieur Assouline. C’est un coup dans l’eau ! (Sourires.)

M. Xavier Iacovelli. Il n’était pas né ! (Mêmes mouvements.)

Mme Monique Lubin. Mais il était déjà de droite !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je n’étais pas encore engagé comme aujourd’hui !

Vous êtes plusieurs, comme M. Kanner et Mme Briquet, à avoir abordé la question des pertes de recettes, que vous appelez des « cadeaux fiscaux ». Cela n’a absolument rien à voir avec le déficit des retraites ! (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, Olivier Dussopt et moi ne crions pas quand vous intervenez. Laissez-moi parler, il faut un peu de réciprocité.

M. David Assouline. Un ministre qui crie, on a vu ça !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. En premier lieu, les baisses de cotisations sociales qui ont été décidées ont été compensées à la sécurité sociale par le budget de l’État.

Mme Laurence Cohen. C’est autant en moins pour le service public !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. En second lieu, le travail coûtant moins cher grâce à la baisse des cotisations, davantage de personnes ont une activité. Quelque 1,5 million d’emplois ont été créés, ce qui représente des recettes en plus pour notre sécurité sociale au travers des cotisations sociales. Ainsi, 25 milliards d’euros de cotisations sociales ont été payés en plus depuis cinq ans du fait de l’augmentation du nombre de personnes en activité en raison de la baisse de la pression fiscale sur les entreprises.

Mme Monique Lubin. Justement !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. De fait, nous collectons davantage de recettes fiscales depuis nos baisses d’impôts sur l’activité économique et sur les entreprises.

Mme Monique Lubin. Mais bien sûr !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. L’impôt sur les sociétés, par exemple, s’élevait à 33 % quand Emmanuel Macron a été élu. Nous l’avons baissé à 25 %. Depuis cette baisse, nous percevons plus de recettes parce que taxer plus légèrement un gâteau qui grossit rapporte davantage que de taxer plus un gâteau qui rétrécit du fait d’une surtaxation. (Protestations sur les travées du groupe SER.) C’est de la pure logique !

Cette logique, nous la voyons actuellement à l’œuvre dans la sphère économique : plus on baisse les impôts, plus l’activité économique se déploie, plus on perçoit de recettes fiscales destinées à nos politiques publiques et à la sécurité sociale.

Je vous confirme, monsieur Savoldelli, que la France a toujours le deuxième plus haut taux de prélèvements obligatoires des trente-huit pays de l’OCDE, malgré toutes ces baisses d’impôts.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Vous voyez cela comme une médaille d’argent et vous considérez que nous devrions avoir la médaille d’or ; de notre côté, nous considérons qu’il vaut mieux essayer de revenir dans la moyenne des pays européens.

Quand une entreprise ou un investisseur se posent la question du lieu d’implantation de leur activité, ils comparent les pays. Ils voient alors que les impôts de production sont, par exemple, quatre fois plus élevés en France qu’en Allemagne. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Dès lors, ils vont plutôt choisir d’aller en Allemagne. C’est pour cela que nous baissons les impôts de production : voilà la réalité !

Je reviens sur l’intervention de M. Vallet, qui a abordé la question des superprofits. Nous nous souvenons de la longue soirée que nous avions passée sur un amendement très long, présenté avec de nombreux sous-amendements : nous avions à cette occasion adopté, je tiens à le rappeler, une taxation des superprofits des énergéticiens dans la loi du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, estimée alors à 11 milliards d’euros.

M. Pierre Laurent. Personne n’a parlé de ça !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous avons donc mis en place cette taxe. Je précise toutefois, à titre personnel, que je suis très sceptique, si ce n’est inquiet, face à l’idée qui a été véhiculée de lier notre système de retraite à une taxation des superprofits.

Si vous assurez que le financement de notre système de retraite doit dépendre d’une telle taxation, que se passera-t-il les années sans superprofits ? Les retraites baisseront ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. Thomas Dossus. Ce n’est pas sérieux !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Des excuses seront adressées à mesdames et messieurs les retraités : en l’absence de superprofits durant l’année, vos retraites vont baisser. Voilà le système dans lequel vous voulez placer nos retraités ! Ce serait dangereux. Mais je pense que vous le savez déjà, raison pour laquelle les amendements que vous proposez ne visent pas tant à taxer les superprofits qu’à taxer les Français qui travaillent. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Il m’a été indiqué précédemment qu’il valait mieux ne pas citer l’Assemblée nationale, parce que nous étions au Sénat. Je citerai donc le Sénat, au travers des amendements que vous avez déposés.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. L’amendement n° 2857 du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain tend à créer un forfait social de 20 % sur l’intéressement et la participation. Plus de 5 millions de salariés reçoivent des primes de partage de la valeur liées à l’intéressement et à la participation. Très concrètement, cet amendement signifie que les millions de salariés qui reçoivent actuellement en France de telles primes seront taxés à 20 %.

À l’heure actuelle, en appliquant votre taxe de 20 % sur une prime d’intéressement de 1 500 euros, le salarié ne recevrait que 1 200 euros. Excusez-moi, mais je n’appelle pas cela des superprofits : ce sont des salariés qui travaillent. (Marques dironie sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

L’amendement n° 2628, également du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, a pour objet d’augmenter les cotisations vieillesse des entreprises. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Cela a l’air de vous déranger que je mette ces amendements au jour… Vous avez parlé de tout sauf des amendements de suppression, et moi je n’aurais pas le droit de parler des amendements visant à créer des taxes ?

Cet amendement tend donc à dire à nos artisans et commerçants que leurs cotisations augmenteront, pour un coût de 440 euros supplémentaires par salarié à recruter.