M. Marc-Philippe Daubresse. Qui a fait cela ?

M. Vincent Éblé. Or d’autres solutions existent ! Elles exigent toutefois de poser la question des recettes, absolument taboue pour le Gouvernement.

Les exonérations de cotisations sociales, dont certaines sont sans aucun effet notable sur notre économie, coûteront à la branche vieillesse 18,9 milliards d’euros en 2023, c’est-à-dire sensiblement plus que les 17,7 milliards que le Gouvernement recherche désespérément d’ici à 2030 au travers de sa réforme. D’autant que ces 17,7 milliards d’euros escomptés ne tiennent pas compte des coûts induits du report à 64 ans de l’âge légal du départ à la retraite pour l’assurance chômage et pour les minima sociaux.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 1145 rectifié bis.

Mme Monique Lubin. Mme la rapporteure générale nous a expliqué hier, lors de la discussion générale, que la modification du PLFSS entraînerait 600 millions d’euros de dépenses pour les minima de pension et 200 millions d’euros d’économies avec le relèvement de l’âge à compter du 1er septembre prochain. Ce sont les seules conséquences de la réforme sur le solde de l’année en cours.

On est donc en droit de se demander si la brutalité de cette réforme n’est pas là uniquement pour justifier une loi de finances rectificative de la sécurité sociale et l’utilisation de l’article 47-1 de la Constitution.

Pour mémoire, dès avril 2020, le budget de la sécurité sociale avait explosé de plus de 2 milliards d’euros pour l’Ondam et de plus de 4 milliards d’euros pour Santé publique France. Pour autant, le Sénat n’avait pas obtenu un PLFRSS.

Autres chiffres : 85 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales et le transfert de 136 milliards de la dette covid à la sécurité sociale. Et l’on vient ensuite nous raconter que ce sont les retraites qui creusent le déficit des comptes sociaux ! Ce dernier est parfaitement organisé…

M. le ministre nous a parlé voilà quelques instants des créations d’emplois. M. le Président de la République s’est notamment fait élire sur un engagement de réduction du nombre de fonctionnaires. Depuis cinq ans, on entend dire que vous êtes les meilleurs. En définitive, je m’interroge : messieurs les ministres, vous faites-vous suffisamment confiance ? Si tout va bien dans le meilleur des mondes et si la dynamique de l’emploi est telle que vous la vantez, je ne vois pas ce qui vous empêcherait de financer les retraites ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. le président. L’amendement n° 1204 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour présenter l’amendement n° 1237.

Mme Victoire Jasmin. Cet article, mais aussi l’ensemble du texte, mérite d’être supprimé.

Ce PLFRSS pénalise la majorité des Français, les plus fragiles, mais aussi les plus travailleurs, ceux qui se lèvent tôt, ceux qui ont été applaudis pendant deux ans, ceux qui sont malades avant 62 ans, ceux qui ne résistent plus, ceux qui sont maltraités par les institutions et par ces choix que vous faites, messieurs les ministres.

Les travailleurs occupant les emplois identifiés comme nécessaires et utiles à notre survie pendant la pandémie seront les grandes victimes de cette réforme. Ceux qui ont été régulièrement applaudis ont été très vite oubliés.

Dans votre zone de confort, vous oubliez ceux qui nous ont permis de résister, notamment à la maladie, et qui sont en majorité des femmes : employés des services d’aide à la personne, personnels de l’éducation, caissières, éboueurs… Je le redis, toutes ces personnes qui nous ont aidés à survivre, qui ont assuré notre confort, sont aujourd’hui oubliées, et ce sont elles qui seront pénalisées par vos mesures ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

C’est injuste et injustifié ! Je dirai même que c’est malhonnête ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 1267.

M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, l’épure comptable dans laquelle votre gouvernement inscrit cette réforme et la justifie n’est pas la nôtre. Il y a controverse scientifique sur les besoins de retour à l’équilibre dans la durée : le COR le démontre, et vous le savez aussi.

Il s’agit ici de la vie de nos compatriotes, notamment de ceux qui travaillent dur, longtemps, trop souvent jusqu’au soir de leur vie pour faire fonctionner notre économie et nos services publics. Je pense à ceux qui donnent de leur personne et se sacrifient parfois, voire souvent, pour que le pays avance malgré tout. On l’a vu avec le covid-19, comme cela vient d’être rappelé. Leur investissement est au fondement du contrat social et nous ne pouvons le réduire à une fraction de critères quantitatifs comme le PIB.

Votre approche est partielle, partiale, économétriquement incertaine et, comme souvent, au bénéfice premier de ceux qui ont les faveurs de vos politiques depuis 2017. Elle répond aussi à l’injonction européenne qui renvoie votre gouvernement et le Président de la République à l’état déplorable des comptes de la Nation française, lesquels sont affectés à la marge par les régimes de retraite.

Peut-être est-ce là son seul fondement politique, inavoué parce qu’inavouable. Vous rendez les Français responsables de vos propres turpitudes en matière de gestion et de tenue, préoccupante parce que mauvaise, des comptes publics.

Le grand économiste Amartya Sen disait que l’économie est une science morale. Il est encore temps pour vous de donner sens à cette parole en retirant cet article liminaire dont je voterai, avec mon groupe, la suppression. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. L’amendement n° 1313 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 1337.

M. Didier Marie. Cet article liminaire entérine de fait une réforme paramétrique injustifiée, injuste et particulièrement brutale, qui va faire supporter aux travailleuses et aux travailleurs vos choix idéologiques et votre politique ultralibérale.

Depuis 2017, vous n’avez cessé de réduire les recettes fiscales de l’État : impôt sur la fortune, flat tax, CVAE, entre autres. Vous n’avez cessé d’accorder des exonérations de cotisations sociales massives, dont 19 milliards d’euros sur la branche vieillesse. Vous avez mené une politique d’austérité appliquée à la fonction publique, qui voit ses effectifs fondre, ce qui affecte l’équilibre des recettes du régime de retraite. Vous avez décidé de transférer la dette covid à la sécurité sociale.

Tout cela pèse. Vous avez donc décidé d’instituer un impôt sur la vie en privant les salariés de deux années de retraite, souvent les meilleures quand on sait que l’espérance de vie en bonne santé pour les hommes est de 64,4 ans et pour les femmes de 65,9 ans. D’autres solutions sont possibles, mais elles sont taboues pour le Gouvernement et pour la majorité sénatoriale.

Qu’en est-il de l’égalité salariale réelle entre les femmes et les hommes qui, selon toutes les études, permettrait d’engranger 12 milliards d’euros de recettes pour le régime de retraite ? Qu’en est-il du taux d’emploi des seniors, le plus faible aujourd’hui par rapport à la moyenne européenne ? Qu’en est-il du renforcement des services publics quand on connaît les besoins de l’hôpital, de l’éducation ? Qu’en est-il des taxes sur les superprofits que nous avons proposées ? Qu’en est-il, enfin, des cotisations sociales sur les revenus hors salaires, notamment sur les dividendes ?

Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, messieurs les ministres, nous voulons la suppression de cet article. (MM. Jean-Michel Houllegatte et Patrick Kanner, ainsi que Mme Marie-Noëlle Lienemann, applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l’amendement n° 1370.

M. Hussein Bourgi. Messieurs les ministres, avec cet article, vous faites uniquement bouger les paramètres des différents régimes pour réduire les déficits et trouver les financements nécessaires. Vous avez fait le choix de la facilité, sinon celui de la paresse. Mais votre choix est surtout frappé du sceau de l’injustice sociale.

Des alternatives existaient. Vous auriez pu, par exemple, lever le pied sur les cadeaux fiscaux faits aux riches et aux très riches. Vous auriez pu aller chercher l’argent là où il est, dans les comptes des grandes entreprises qui font des bénéfices par centaines de millions et par dizaines de milliards d’euros chaque année.

Vous avez préféré pénaliser les Françaises et les Français, celles et ceux qui travaillent, celles et ceux qui triment, celles et ceux qui souffrent. Ce faisant, vous êtes les dignes ministres des riches et des très riches, comme nous avons un président des riches et des très riches !

Vous portez un mauvais coup à la justice sociale, à la cohésion nationale, au pacte républicain. En faisant cela, messieurs les ministres, vous reniez aussi l’un et l’autre ce que vous défendiez voilà encore quelques mois, voire quelques années. Vous reniez toutes les paroles que vous aviez prononcées, l’un et l’autre, dans vos fonctions respectives précédentes !

Vous comprenez bien que nous ne pouvons tolérer tout cela au nom de la vérité que nous devons aux Françaises et aux Français et surtout au nom de la justice sociale que nous défendons sur ces travées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Laurence Cohen et Mme Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 1403.

M. Jean-Pierre Sueur. On commençait à s’ennuyer et voilà qu’arrivent enfin les préliminaires ! (Sourires.)

J’ai été frappé, au cours des dernières semaines, par la grande confusion qui régnait parmi les membres du Gouvernement.

Monsieur le ministre, j’ai suivi la dernière séance de l’Assemblée nationale consacrée à l’examen de ce texte. J’ai été extrêmement frappé : voilà un projet de loi sur lequel le Président de la République a décidé de jouer très gros en prenant le risque d’affronter une grande partie du peuple français. J’avais pensé que, dans cette situation, il aurait prêté une plus grande attention à la cohérence des arguments et à la solidité du dispositif proposé.

En ce qui concerne cette fameuse séance, il me reste en mémoire la question des 1 200 euros. Combien de nos compatriotes toucheront cette somme, monsieur le ministre ? S’agit-il de 2 millions de personnes, de 40 0000, de 14 000, de 13 000 ? Pour seule réponse, nous avons un discours incompréhensible.

S’il en est ainsi pour ceux qui ont commencé à travailler à 17 ans, que se passe-t-il pour ceux qui ont commencé à 18 ans, à 19 ans ou à 16 ans ? Vous avez lu un discours, monsieur le ministre, auquel personne n’a rien compris !

Selon Mme Schiappa, ce texte est très favorable aux femmes. (Mmes Laurence Rossignol et Monique Lubin ironisent.) Mais quand on examine le projet de loi ligne par ligne, alinéa après alinéa, on voit qu’il les pénalise largement ! (Mmes Victoire Jasmin et Émilienne Poumirol, ainsi que M. Jean-Michel Houllegatte, applaudissent.)

Est-il possible de continuer de débattre dans une telle confusion ? Peut-être en huit jours avez-vous trouvé quelques réponses à ces questions ? Je m’interroge et je considère qu’il n’est pas sérieux de traiter les choses comme vous l’avez fait jusqu’à présent.

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Pierre Sueur. Je préférerais que nous repartions sur d’autres bases. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)

M. le président. Les amendements nos 1433, 1501 et 1540 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 1578.

M. David Assouline. Je vois que le débat avance (Sourires sur les travées du groupe SER.) et que les arguments des uns et des autres s’enchaînent pour nous éclairer sur le sens profond de cette réforme…

Je me souviens qu’en 2018, puis en 2019, le Président de la République avait dit que reculer l’âge de départ à la retraite serait injuste et qu’il ne le ferait pas pour ne pas léser les jeunes qui ont commencé à travailler tôt et pour ne pas infliger deux ans supplémentaires de chômage aux seniors déjà pénalisés, une grande partie d’entre eux n’ayant déjà plus de travail. Selon lui, ce n’était pas la bonne réforme à mener. Il en avait donc proposé une autre, structurelle, qui a capoté.

Nous aurions dû discuter d’une réforme du marché du travail censée nous éclairer sur les tendances lourdes et nous permettre d’apporter des réponses au problème de l’emploi des seniors. Ce dernier thème est au cœur du débat, y compris si l’on doit discuter de la question financière.

En effet, les conséquences ne sont pas les mêmes pour les finances publiques selon que les seniors ont un emploi jusqu’à 62 ans ou que l’on continue de les laisser de côté durant leurs cinq ou dix dernières années de vie active. Allonger leur période d’inactivité jusqu’à 64 ans ne fera que peser sur les finances publiques, ce que vous ne chiffrez pas.

Le Président de la République avait dit qu’une réforme d’âge était injuste ; il a changé d’avis. Pour notre part, nous trouvons toujours injuste…

M. le président. Il faut conclure !

M. David Assouline. … de faire payer les plus démunis, alors que 50 milliards d’euros ont été distribués chaque année…

M. le président. Concluez !

M. David Assouline. … aux entreprises pendant le quinquennat précédent. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. le président. L’amendement n° 1589 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 1619.

Mme Émilienne Poumirol. Comme mes camarades l’ont souligné, cet article liminaire n’a qu’une seule justification : valider financièrement la réforme des retraites que vous nous présentez.

Les femmes, les carrières longues, les métiers pénibles sont les grands oubliés de votre réforme, mais nous n’aurons de cesse de les défendre. Selon le Gouvernement, ce texte trouve sa justification dans le déficit de 13,5 milliards d’euros prévu par le COR en 2030.

Oui, monsieur Attal, nous savons ce que représentent 13,5 milliards d’euros ! C’est une très grosse somme, surtout pour qui gagne le Smic chaque mois. Mais pour le COR, cela représente à peine 3 % de ce qui est distribué chaque année aux retraités, c’est-à-dire 345 milliards d’euros.

Le COR est formel : ce déficit est absorbable et la pérennité du système de retraite n’est pas en danger. La réforme que vous nous présentez n’est donc pas justifiée.

En réalité, ce texte n’a qu’un seul objectif : compenser les baisses d’impôts majoritairement destinées aux grandes entreprises, moins d’un quart des baisses bénéficiant aux TPE ou aux PME.

Vous nous présentez cette réforme et le décalage de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans comme la seule solution pour maintenir notre système de retraite. Il en existe d’autres, monsieur le ministre, mais elles supposent de sortir de votre dogme des baisses d’impôts et de cotisations et de repenser la question des recettes du système, puisque c’est là que le bât blesse. Les exonérations de cotisations sociales coûteront à la branche vieillesse 18,9 milliards d’euros en 2023. C’est davantage que les 17,7 milliards d’euros escomptés au travers de votre réforme.

Ne nous dites pas, comme vous l’avez fait précédemment, que ce sont les exonérations qui ont permis de créer des emplois ! D’abord, c’est non pas vous qui créez des emplois, mais les entreprises de notre pays. (Marques dironie sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.) Ensuite, ce ne sont pas les exonérations qui ont créé de l’emploi : les économistes soulignent en effet que les exonérations qui profitent aux revenus supérieurs à 1,2 Smic ne conduisent à aucune amélioration de l’emploi !

M. le président. Les amendements nos 1649 et 1661 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 1690.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement tend à la suppression de l’article liminaire, dont j’estime qu’il n’est qu’un prélude à un hold-up. Car tout ce projet de loi est un hold-up du Gouvernement pour cacher sa mauvaise gestion !

Je pense aux plus de 500 milliards d’euros de dette accumulée au cours des trois dernières années.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Et le covid-19 ?

M. Jean-Yves Leconte. La dette covid a été reportée sur les comptes de la sécurité sociale pour plus de 100 milliards d’euros sur une décision purement politique.

Avec ce texte, vous perpétrez un hold-up sur ce qui constitue le cœur du contrat social français pour masquer votre mauvaise gestion. Ce n’est pas acceptable ! Et la majorité sénatoriale va en être complice ! (Mmes Valérie Boyer et Catherine Belrhiti protestent.)

Nous ne pourrons débattre de sujets de fond comme l’avenir des polypensionnés, par exemple, parce que des milliers d’amendements ont été déclarés irrecevables.

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est la règle !

M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente Deroche, je pourrais reprendre plusieurs amendements que vous avez déclarés irrecevables pour montrer à quel point vous voulez escamoter ce débat, ce qui vous rend complice de ce hold-up ! Ce n’est pas acceptable !

M. Roger Karoutchi. Ne remettez pas en cause les présidents de commission !

M. Jean-Yves Leconte. Au regard des problèmes auxquels notre pays et l’Europe font face – la crise de l’énergie et ses conséquences sur notre compétitivité, la situation en Ukraine –, avons-nous vraiment besoin d’être complices de ce hold-up ? Non !

M. le président. Il faut conclure.

M. Jean-Yves Leconte. Passons aux choses sérieuses et repoussons ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)

M. le président. L’amendement n° 1746 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Patrick Kanner, pour présenter l’amendement n° 1816.

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je crois qu’il ne vous a pas échappé que nous ne voulons pas de l’article liminaire.

M. Roger Karoutchi. Redites-le nous !

M. Patrick Kanner. Nous serons encore quelques-uns à intervenir pour essayer de convaincre nos collègues de la majorité sénatoriale de nous suivre.

Cet article liminaire répond à un impératif, celui de l’équilibre des comptes publics, en faisant état des prévisions des soldes des administrations publiques pour 2023. Et c’est là que le bât blesse, puisque vous avez désarmé fiscalement notre pays depuis maintenant cinq ans.

De 2017 à 2027, nous aurons perdu 500 milliards d’euros de recettes fiscales, ce qui ôte à l’État nombre de possibilités d’intervention.

M. Patrick Kanner. Ce dispositif, monsieur Lemoyne, ne représentait que 20 milliards d’euros et n’était pas pérenne !

Comment avez-vous pu effacer d’un trait de plume ces 500 milliards d’euros ? Instauration de la flat tax, suppression de l’ISF et de l’exit tax, transfert de plus de 100 milliards d’euros de dette covid sur les comptes de la sécurité sociale… Sans oublier toutes les mesures d’exonération pour les impôts de production, soit plus de 30 milliards d’euros, sauf erreur de ma part.

M. Xavier Iacovelli. Et les 1,5 million d’emplois créés !

M. Patrick Kanner. Aujourd’hui, messieurs les ministres, vous dites aux Français qu’il n’y a plus d’argent, qu’il faut récupérer 17 ou 18 milliards d’euros et qu’ils doivent payer votre incurie budgétaire.

M. Marc-Philippe Daubresse. Celle de François Hollande !

M. Patrick Kanner. Souvenez-vous de cet adage latin : « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».

M. Patrick Kanner. Nous demandons donc la suppression de l’article liminaire. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° 1868.

M. Thierry Cozic. C’est la réforme ou la faillite : tels sont les propos que M. le ministre des comptes publics a prononcés à l’Assemblée nationale, non sans emphase, pour faire accepter une réforme dont personne n’a encore compris l’intérêt. Le Gouvernement, aidé par sa béquille « droite sénatoriale », agite comme un chiffon rouge le potentiel déficit à venir, quitte à le gonfler artificiellement.

Dans le dossier de presse qui présente la réforme, il est indiqué que si l’on ne fait rien, le solde du régime de retraite devrait se dégrader : il manquera 12,4 milliards d’euros en 2027, 13,5 milliards en 2030 et 21,2 milliards en 2035. Il faut dire que, parmi les multiples hypothèses que présente le COR dans son dernier rapport, vous avez choisi celles qui vous arrangent. Vous vous appuyez sur la convention comptable dite « équilibre permanent des régimes » (EPR) : grâce à ce scénario dans lequel l’État diminue très rapidement sa participation au système de retraite, vous grossissez artificiellement le déficit.

Preuve s’il en fallait, le COR a détaillé un autre scénario dit « effort de l’État constant » (EEC) dans lequel l’État maintient sa participation au régime de ses fonctionnaires, même si les pensions diminuent.

Choisir la convention EPR au lieu du scénario EEC revient à doubler le déficit prévu sur les vingt-cinq prochaines années : 0,5 point de PIB en moyenne au lieu de 0,2 point.

Que ce soit 0,5 ou 0,2 point de PIB, une chose est certaine : le système est loin d’être menacé. Je rappelle que les dépenses de retraite s’élèvent à plus de 350 milliards d’euros chaque année. Même si l’on ne fait rien, la situation ne sera pas hors de contrôle pour autant. Toutes conventions et tous scénarios du COR confondus, le déficit reviendra progressivement à l’équilibre dans quatre hypothèses sur huit.

M. le président. Veuillez conclure !

M. Thierry Cozic. On est bien loin de la faillite si fièrement claironnée. C’est pourquoi je demande le retrait de cet article liminaire. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Gérard Lahellec applaudissent également.)

M. le président. L’amendement n° 1898 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Étienne Blanc, pour présenter l’amendement n° 1944 rectifié ter.

M. Étienne Blanc. Je me sens un peu isolé dans ce flot d’amendements qui viennent de l’autre côté de l’hémicycle ! (Sourires.)

M. Mickaël Vallet. Je vous félicite !

M. Étienne Blanc. Monsieur le ministre, nous le savons tous, la réforme que vous proposez n’est pas pérenne. Vous dites qu’il faut équilibrer les comptes. Certes, vous allez améliorer à la marge les comptes de la sécurité sociale, mais, j’y insiste, cela n’est pas pérenne. Notre système de répartition sera rattrapé par la question démographique, laquelle ne concerne d’ailleurs pas que la France, mais également l’Europe.

Comment nos voisins européens et nos partenaires ont-ils répondu à cette épineuse question démographique ? Tous, sans exception, ont créé des systèmes mixtes cumulant un système de répartition, qui assure une retraite de base, et un système de capitalisation ou un fonds de réserve pour les retraites, qui permet de disposer d’un capital complémentaire au moment du départ à la retraite.

Ma question est très simple, monsieur le ministre, et mon amendement n’est qu’un amendement d’appel. Pourquoi n’avez-vous pas abordé cette question dans ce texte censé équilibrer, à terme, nos systèmes de retraite ? Ne me dites pas que cela ne peut se faire à la faveur d’un projet de loi d’amélioration des finances de la sécurité sociale, car rien ne vous en empêchait.

Vous auriez pu, à l’instar de ce que font les États européens, y compris un grand nombre de pays socialistes et sociaux-démocrates, aborder cette question pour apporter une réponse pérenne à l’équilibre de nos systèmes de retraite. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 1989.

Mme Laurence Rossignol. Je vais également défendre un amendement de suppression de cet article liminaire, pour des raisons orthogonales à celles évoquées à l’instant par notre collègue Étienne Blanc. Notre groupe dépose cet amendement pour conserver un système de répartition juste et favorable aux salariés.

Je reviens sur la potion que les ministres nous ont présentée : neuf volumes de vinaigre pour un volume de glucose… même pas de sirop ! Du glucose pur ! Imaginez-vous que les Français absorberont cette mauvaise potion que vous leur proposez ? Tout votre texte est ainsi construit : une petite mesurette par-ci, par-là, pour dissimuler le report d’âge.

Vous nous annoncez 750 millions d’euros pour les hôpitaux et vous vous étonnez que la gauche refuse de les voter. Non, monsieur le ministre, nous n’allons pas tomber dans ce piège ni voter en faveur de cet article liminaire.

Je vous mets au défi d’aller expliquer aux infirmières que la vilaine gauche du Sénat n’a pas voulu voter en faveur de ces 750 millions d’euros supplémentaires. Les infirmières savent que votre réforme est extrêmement pénalisante pour elles, comme l’a été, en 2017, la suppression de quatre critères permettant d’évaluer la pénibilité, en particulier celui relatif aux charges lourdes.

Répandre des accusations à notre encontre ne fonctionnera pas ! Vous avez choisi l’enfumage comme méthode de communication depuis le début de cette réforme, mais cela ne prend pas : les Français vous le montreront encore le 7 mars prochain, comme ils vous l’ont déjà montré à quatre ou cinq reprises.

Nous ne prendrons pas la mauvaise potion que vous nous présentez malgré le mauvais glucose que vous y avez mis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Laurence Cohen et M. Thomas Dossus applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour présenter l’amendement n° 2030 rectifié.

M. Christian Bilhac. Messieurs les ministres, vous voulez redresser les comptes publics : nous sommes d’accord. Messieurs les ministres, vous voulez sauver la retraite par répartition : nous sommes d’accord.

Mais cette réforme, qui consiste à reculer l’âge de départ à la retraite d’un trimestre tous les huit ans, c’est un peu le coup de la carte à débit différé : certes, le banquier ne comptabilise la dépense qu’à la fin du mois, mais on retourne alors à la case départ !

Au bout de huit ans, quand on aura prolongé de deux ans l’âge de départ, on en reviendra au même point. Il faudra alors passer à 66 ans en 2031, puis à 68 ans en 2039, à 70 ans en 2047… Quand allons-nous nous arrêter ?

Messieurs les ministres, je crois qu’il faut explorer d’autres pistes. Le rapport démographique entre cotisants et ayant cotisés ne permet plus d’équilibrer le régime : il faut trouver d’autres recettes.

Je proposerai, par exemple, de faire contribuer les cabines de péage sur les autoroutes, où les salariés, qui autrefois encaissaient les sommes dues par les passagers, ont été remplacés par l’automatisation. Je proposerai également de taxer les caisses automatiques des supermarchés. Toutes ces entreprises font des profits non négligeables, ne sont pas délocalisables et pourraient apporter quelques recettes supplémentaires à la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)