M. le président. Il faut conclure !

M. David Assouline. … que vous levez un impôt de deux ans sur leur vie. Oui, vous êtes à côté de la plaque !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié bis et suivants.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 140 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 93
Contre 251

Le Sénat n’a pas adopté.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article liminaire (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 2625 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Lurel, Chantrel et Féraud, Mme Monier, MM. Marie, Bourgi et Cardon, Mme de La Gontrie, MM. Tissot, Leconte, Raynal, Stanzione et Durain, Mme Carlotti, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Jacquin et Temal, Mme Blatrix Contat, MM. Assouline et Mérillou, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Briquet, MM. Houllegatte et Lozach, Mmes Van Heghe et Conway-Mouret, M. Magner, Mme Bonnefoy, MM. Roger, Montaugé, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 3402 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

L’amendement n° 3813 est présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, MM. Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 1

Supprimer les mots :

telles qu’elles figurent dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027,

II. – Alinéa 2, tableau, dernière colonne

Supprimer cette colonne.

La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 2625 rectifié.

Mme Monique Lubin. Par cet amendement, nous souhaitons supprimer toute référence faite dans ce PLFRSS au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, car ce dernier n’a pas été adopté ni, par conséquent, promulgué.

Il nous paraît peu judicieux, voire insincère, de faire référence à ce projet de loi dans cet article liminaire. En d’autres termes, nous nous posons des questions quant à la sincérité de nos débats et à la constitutionnalité de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 3402.

Mme Raymonde Poncet Monge. À l’automne 2022, l’Assemblée nationale a rejeté en première lecture le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, au motif qu’elle ne pouvait se prononcer sur les prévisions budgétaires présentées après 2023, faute de données sérieuses pour les étayer.

Il est donc tout à fait surprenant, pour ne pas dire plus, de citer ici ce projet de loi qui, n’ayant pas été adopté par le Parlement, est dépourvu d’existence légale. Il est vrai que ce texte a été voté par le Sénat, qui en a profité pour y inscrire la suppression de plus de 100 000 postes de fonctionnaires.

Cet amendement a donc pour objet de supprimer cette référence à ce qui reste un projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 3813.

M. Pascal Savoldelli. Le projet de loi de programmation des finances publiques a été rejeté par le Parlement, en commission mixte paritaire, après avoir été, en première lecture, rejeté par l’Assemblée nationale et substantiellement modifié et durci par la droite sénatoriale.

D’ailleurs, comme nous sommes appelés à siéger ensemble plusieurs jours, je vous prie, messieurs les ministres, de m’aider à évaluer l’effet d’une éventuelle application de l’amendement de la droite sénatoriale, qui visait à supprimer 150 000 postes de fonctionnaires. Quelles conséquences pareille décision aurait-elle sur le financement de la sécurité sociale et de notre système de retraite ?

Je ferme cette parenthèse, mais la question que je viens de soulever est d’importance.

Le Parlement a fermé la porte à votre projet de loi, et vous le faites revenir par la fenêtre : vous avez décidé de vous entêter dans le mépris du Parlement en imposant une vision des finances publiques que je qualifierai de « rigoriste ».

La contraction des dépenses publiques que vous proposez, en volume, c’est du jamais vu depuis 2008, depuis que la France s’est dotée d’une loi de programmation pluriannuelle ! J’ai parcouru les différentes LPFP : 1,9 % de croissance en moyenne dans la première du genre, 0,7 % de croissance en moyenne dans la deuxième, 1 % de croissance dans la troisième, –0,4 % dans le projet de loi de programmation pour 2023 à 2027 ! C’est bel et bien du jamais vu.

Encore mes collègues de la droite sénatoriale, que j’ai beaucoup écoutés, estimaient-ils que le compte n’y était pas…

Que dit le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ? Nous en revenons au débat que nous avons déjà eu à propos de l’article liminaire : pourquoi ne nous communiquez-vous pas l’analyse du Conseil d’État ? Les éléments dont nous disposons prouvent qu’il est légitime d’émettre quelques doutes…

Je cite l’avis du Haut Conseil des finances publiques relatif au projet de loi de programmation des finances publiques : « Le Gouvernement fait l’hypothèse que l’impact d’un ensemble de réformes (revenu de solidarité active, retraites, assurance chômage, apprentissage…) ferait plus que compenser le net ralentissement de la population active projeté par l’Insee. Comme il l’avait énoncé dans son avis sur le programme de stabilité, le Haut Conseil considère que l’impact de ces réformes, sur lesquelles le Gouvernement n’a pas fourni plus d’information que dans le programme de stabilité, est surestimé, en particulier dans les premières années de programmation ».

Mme la présidente. L’amendement n° 2627 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Lurel, Chantrel et Féraud, Mme Monier, MM. Marie, Bourgi et Cardon, Mme de La Gontrie, MM. Tissot, Leconte, Raynal, Stanzione et Durain, Mme Carlotti, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Jacquin et Temal, Mme Blatrix Contat, MM. Assouline et Mérillou, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Briquet, MM. Houllegatte et Lozach, Mmes Van Heghe et Conway-Mouret, M. Magner, Mme Bonnefoy, MM. Roger, Montaugé, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2, tableau, dernière colonne

Supprimer cette colonne.

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Cet amendement de repli vise à supprimer la référence faite dans le tableau de l’article liminaire au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, qui n’a pas été adopté par le Parlement.

Il s’agit toujours de la même question, celle de l’insincérité.

Mme la présidente. L’amendement n° 2626 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Lurel, Chantrel et Féraud, Mme Monier, MM. Marie, Bourgi et Cardon, Mme de La Gontrie, MM. Tissot, Leconte, Raynal, Stanzione et Durain, Mme Carlotti, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Jacquin et Temal, Mme Blatrix Contat, MM. Assouline et Mérillou, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Briquet, MM. Houllegatte et Lozach, Mmes Van Heghe et Conway-Mouret, M. Magner, Mme Bonnefoy, MM. Roger, Montaugé, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2, tableau

1° Quatrième ligne

a) Deuxième colonne

Remplacer le nombre :

-4,1

par le nombre :

–4,9

b) Dernière colonne

Remplacer le nombre :

-4,0

par le nombre :

-4,9

2° Cinquième ligne

a) Deuxième colonne

Remplacer le nombre :

-0,8

par le nombre :

-0,2

b) Dernière colonne

Remplacer le nombre :

-0,8

par le nombre :

- 0,2

3° Septième ligne

a) Deuxième colonne

Remplacer le nombre :

-5,0

par le nombre :

-5,3

b) Dernière colonne

Remplacer le nombre :

-5,0

par le nombre :

-5,3

4° Quinzième ligne

a) Deuxième colonne

Remplacer le nombre :

-5,8

par le nombre :

-6,1

b) Dernière colonne

Remplacer le nombre :

-5,6

par le nombre :

-5,9

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. L’article liminaire du présent projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale établit la prévision de déficit public à 5 % du PIB en 2023, dont 4 % pour le seul déficit structurel.

Le déficit structurel correspond au solde public corrigé des effets directs du cycle économique ainsi que des événements exceptionnels et temporaires.

La notion de déficit structurel donne lieu à de nombreux débats méthodologiques, puisqu’elle repose sur le concept de croissance potentielle, laquelle est par définition non observable, donc non mesurable. En effet, la croissance potentielle est celle qu’aurait l’économie si tous les facteurs de production pouvaient être pleinement activés.

De ce point de vue, l’utilisation d’une méthode de calcul constante au fil du temps permet d’établir des comparaisons d’une année sur l’autre.

C’est l’opération à laquelle procède chaque année la Commission européenne, qui recalcule les deux composantes, structurelle et conjoncturelle, du déficit de chaque pays, et ce avec la même méthode appliquée à tous les pays.

Dans ses dernières prévisions, publiées en octobre 2022, la Commission européenne présente des hypothèses « supérieures » à celles du Gouvernement, à savoir un déficit public de 5,3 % du PIB, dont 4,9 % de déficit structurel.

Le présent amendement vise donc à corriger le niveau du déficit public ainsi que la part structurelle de ce déficit pour les rendre conformes à ceux qui ont été calculés par la Commission européenne.

Mme la présidente. L’amendement n° 3806, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, MM. Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :

Alinéa 2, tableau

1° Quatrième ligne, dernière colonne

Remplacer le montant :

–4,0

par le montant :

–4,9

2° Cinquième ligne, deuxième et dernière colonnes

Remplacer le montant :

–0,8

par le montant :

–0,2

3° Septième ligne, deuxième et dernière colonnes

Remplacer le montant :

–5,0

par le montant :

–5,3

4° Quinzième ligne

a) Deuxième colonne

Remplacer le montant :

–5,8

par le montant :

–6,1

b) Dernière colonne

Remplacer le montant :

–5,6

par le montant :

–5,9

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur Bruno Le Maire, ministre de l’économie, invité d’une station de radio le 20 février dernier, avait resservi à ses auditeurs un discours désormais bien connu, tendant à qualifier les oppositions de « dealers de peur », comme si contrôler l’action du Gouvernement et ses prévisions économiques revenait pour les oppositions à outrepasser le rôle qui doit être le leur au Parlement.

« Je ne veux pas que certains jouent avec les peurs des Français en disant : “récession”, “chômage”, “vague de faillites”. Cela ne correspond pas à la réalité et je pense qu’il est bon en politique de revenir à la réalité et de garder son sang-froid », disait-il.

« Revenir à la réalité » impose de se mettre d’accord sur les faits.

Est-ce la réalité que les radiations atteignent un record sans précédent en novembre 2022, avec 58 100 radiés, une première depuis 1996, date du premier recensement de cette statistique ?

Est-ce la réalité que les radiations représentent 9,7 % des sorties au quatrième trimestre de l’an dernier ?

À manier à tort et à travers les arguments autour de la responsabilité en politique, on finit par s’exposer soi-même, et son gouvernement, au risque de manquer de rigueur et donc d’être pris en défaut, si ce n’est pour mensonge, du moins pour subjectivité démesurée et, en somme, pour irresponsabilité.

Par cet amendement, nous proposons de majorer le déficit structurel ; notre intention est bien de vous alerter sur le fait que vos estimations ne sont pas justes et que, dès lors, vous ne tiendrez pas les objectifs que vous vous assignez et que nous ne partageons pas.

Alors que le déficit structurel de notre pays est estimé à 4,9 % du PIB par la Commission européenne pour 2023, la majorité sénatoriale fondait ses ambitions, lors de l’examen du projet de loi de programmation, sur une tout autre prévision : 3,6 % de déficit structurel.

C’est bien une différence d’approche qui nous oppose. Cette différence a des conséquences budgétaires extrêmement importantes, car nous minorons d’autant la part conjoncturelle imputable au déficit public, c’est-à-dire aux mesures temporaires ; les mêmes mesures dans lesquelles le Sénat voulait trouver sa voie de passage pour justifier une austérité plus importante !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Les amendements identiques nos 2625 rectifié, 3402 et 3813 visent à supprimer la référence à la loi de programmation des finances publiques. Or il y va d’une obligation qui s’applique à tout article liminaire d’une loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Nos collègues ont évoqué, en l’espèce, la non-adoption d’une telle loi de programmation. Le cas échéant, la référence au projet de loi de programmation est la moins mauvaise solution, même si cela pourrait, à la longue, poser une difficulté.

Quant aux amendements suivants, ils ont pour objet d’ajouter une colonne au tableau ou d’en supprimer une, ce qui n’est tout simplement pas possible.

La commission est défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je veux commencer par remercier M. Savoldelli : vous avez dit que le projet de loi de programmation des finances publiques présenté par le Gouvernement contient l’effort de maîtrise de la dépense publique le plus important depuis vingt ans.

C’est précisément ce dont je me suis évertué à convaincre la majorité sénatoriale ! Nous avons eu de longues discussions avec Jean-François Husson et Bruno Retailleau sur le sujet. Oui, merci, monsieur Savoldelli, d’insister sur le fait que le projet de LPFP que nous avons proposé représente un effort historique en matière de maîtrise de la dépense publique, en tout cas depuis vingt ou trente ans. Peut-être participerez-vous à convaincre de notre ambition sur ce sujet-là.

Je veux ensuite souligner que vous prenez dans l’avis du HCFP ce qui vous arrange.

Mme Émilienne Poumirol. Nous faisons comme vous : en la matière, vous êtes passés maîtres !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il est écrit noir sur blanc dans l’avis du HCFP que les prévisions du Gouvernement quant à l’impact de la réforme des retraites sont « réalistes ».

J’en viens aux amendements qui ont été présentés.

Certains visent à modifier le déficit prévu pour l’année 2023 pour se caler sur la dernière prévision de la Commission européenne. Mais vous-mêmes avez l’habitude de dire, pour le dénoncer, que nos décisions répondraient, pour reprendre un terme souvent employé, à une forme de diktat de la Commission. Et voilà que vous présentez des amendements que l’on peut résumer ainsi : parce que la Commission européenne fait une prévision de déficit différente de celle du Parlement et du Gouvernement, il faudrait immédiatement ajuster ! Mais heureusement qu’il y a le Parlement et le Gouvernement et que la Commission européenne ne peut décider seule de modifier nos prévisions de déficit pour l’année 2023 ! On a d’ailleurs souvent observé que la réalité finissait plutôt par donner raison aux prévisions du Gouvernement et du Parlement…

D’autres amendements ont pour objet de supprimer la référence au projet de loi de programmation des finances publiques sous prétexte que cela rendrait le présent texte « insincère », puisque se référant à un projet de loi qui n’a pas été adopté par le Parlement.

Or c’est précisément ce qui s’est passé pour les textes financiers de l’automne dernier : à l’article liminaire, des textes financiers qui, je le rappelle, ont été ici même adoptés, il est fait référence au projet de loi de programmation des finances publiques, lequel, à l’époque, n’avait pas plus été adopté qu’aujourd’hui.

M. Fabien Gay. C’est vrai !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ce point a été tranché par le Conseil constitutionnel, dans le considérant 23 de sa décision du 29 décembre 2022 : si la loi de finances pour 2023 fait référence au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 bien que ce texte n’ait pas encore été adopté, il ne résulte de cette circonstance aucune méconnaissance de la loi organique relative aux lois de finances. Autrement dit, une loi de finances, une loi de financement de la sécurité sociale, une loi de finances rectificative ou une loi de financement rectificative de la sécurité sociale peut tout à fait faire référence à un projet de loi de programmation des finances publiques non encore adopté.

Voilà qui fait tomber vos arguments selon lesquels il y aurait là méconnaissance de la loi organique ou motif d’insincérité.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je suis heureux de vous retrouver – j’ai raté les premiers débats, autrement dit les préliminaires,… (Sourires.)

M. Xavier Iacovelli. Décidément, ils ont tous les mêmes éléments de langage !

M. Claude Raynal. … les zakouskis. (Mêmes mouvements.)

Au cours de ces préliminaires, monsieur le ministre des comptes publics, vous avez régulièrement avancé, en réponse à des propositions de mes collègues, que la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés s’était traduite par une augmentation du produit. J’ai été y voir de près – il est toujours intéressant de le faire. J’ai constaté que le produit de l’IS était à peu près le même depuis 2006, en dépit de la période de crise traversée entre 2008 et 2010 : 50 milliards d’euros environ.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. 62 milliards !

M. Claude Raynal. Les chiffres que j’ai viennent de votre ministère, mais admettons : 60 milliards ! En 2021, ce produit s’élevait à 48 milliards d’euros.

Tout cela pour vous dire que la baisse du taux ne s’est pas traduite, pour l’instant, par une augmentation sensible de la recette.

Par ailleurs, il s’agit d’un impôt extrêmement fluctuant d’une année sur l’autre. Son calcul est rendu très complexe, en particulier par le calendrier des acomptes, dont le corollaire est un suivi assez peu linéaire des situations.

En tout cas, monsieur le ministre, je ne vous encourage pas à poursuivre dans la voie de cet argumentaire. D’ailleurs, pour l’instant, France Stratégie, service placé auprès du Premier ministre, ne confirme pas vos affirmations. Par conséquent, je vous remercie de rester prudent.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. J’ai entendu l’argumentation du ministre. Mais regardez la situation dans laquelle nous sommes : nous sommes en train de discuter d’un texte qui n’a pas été voté par l’Assemblée nationale et dont l’article liminaire est fondé sur un autre texte qui n’a pas été adopté par les députés !

M. Marc-Philippe Daubresse. La faute à qui ?

M. Rémi Féraud. On peut faire du juridisme ; en tout état de cause, il y a un problème de légitimité démocratique dans notre discussion de ce projet de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)

Le Gouvernement aurait d’ailleurs pu faire en sorte que le projet de loi de programmation des finances publiques soit considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en utilisant l’article 49.3 de la Constitution. Il n’a même pas estimé que cela était nécessaire…

Le présent texte s’appuie sur un projet de loi lui-même non adopté par l’Assemblée nationale – certes adopté ici, au Sénat, mais dans une version qui ne convient même pas au Gouvernement ! L’honnêteté intellectuelle commanderait au moins de supprimer la référence faite au projet de loi de programmation des finances publiques dans ce PLFRSS : ainsi remettrions-nous un peu les choses en ordre juridiquement. Chacun doit reconnaître que notre discussion pose un problème de légitimité démocratique. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Comme vient de l’expliquer Rémi Féraud, je vous avoue que, pour le jeune sénateur que je suis…

M. Gérard Longuet. Récent, plutôt ! (Sourires.)

M. Daniel Breuiller. Oui, c’est plus juste, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)

M. René-Paul Savary, rapporteur. À la retraite !

M. Xavier Iacovelli. Attention aux préliminaires !

M. Vincent Éblé. Et voilà, quelques secondes de gagnées !

M. Daniel Breuiller. Le sénateur récemment élu que je suis, donc, a souvent, et avec bonheur, entendu l’ensemble des travées de cet hémicycle défendre face au Gouvernement la sincérité des débats et l’exigence du travail bien fait.

Or cet article liminaire s’appuie sur des orientations qui n’ont pas été validées, celles du projet de loi de programmation. J’ignore d’ailleurs ce que sont ces orientations : la droite sénatoriale a voté la suppression de 120 000 emplois de fonctionnaires. Mais, ces emplois supprimés, je ne les retrouve pas dans les tableaux ! Comme, ensuite, le texte n’a pas été adopté par le Parlement, je ne sais où on en est…

Deuxième remarque : monsieur le ministre Dussopt, vous n’acceptez pas de communiquer aux parlementaires la note de synthèse du Conseil d’État. Certains de mes collègues jugeront mes propos redondants… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Breuiller. Ce n’est pas faux, mon cher collègue… Mais je m’attendais à ce que sur les travées de droite aussi on demande cette note de synthèse du Conseil d’État, qui est sans nul doute un élément de la bonne information des parlementaires et de la sincérité des débats. Lorsque j’entends un ministre nous dire que cette note est bien connue ou que, pour en prendre connaissance, il suffit de lire les journaux, cela ne me paraît pas respectueux du travail parlementaire. (Applaudissements sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur Attal, j’ai sous les yeux les propos que vous avez tenus à l’Assemblée nationale.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. On est au Sénat, ici !

M. Pascal Savoldelli. Je vous cite : « Il y a toujours un projet de loi de programmation des finances publiques, ne vous en déplaise, et ce n’est pas très respectueux du Sénat que de considérer que, quand le Sénat vote un texte, cela ne signifie rien. »

Ici, en effet, on est au Sénat. Et le Sénat a modifié le projet de loi, pour le durcir, en prévoyant notamment, entre autres dispositions, la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires. Or vous n’en tenez pas compte dans les propositions que vous nous faites dans le cadre du texte dont nous discutons aujourd’hui.

Ici, on est au Sénat. Et les sénateurs ont rejeté, en commission mixte paritaire, le projet de loi de programmation des finances publiques. Si ce projet de loi est toujours d’actualité, nous ne savons pas, nous, dans quel tiroir il est rangé : nous n’y avons pas accès, nous n’y avons pas droit, que nous soyons de la majorité ou de l’opposition sénatoriales !

J’ai examiné la façon dont vous interprétiez la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2022 – je cite son considérant 23 : « En l’espèce, le tableau de synthèse de l’article liminaire de la loi de finances pour l’année 2023 reprend les prévisions présentées dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Si ce projet de loi de programmation, qui a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le même jour que le projet de loi de finances, n’a pas été adopté avant l’adoption de la loi de finances pour 2023, il ne résulte de cette circonstance aucune méconnaissance de l’article 1er H de la loi organique du 1er août 2001 ni du principe de clarté et de sincérité du débat parlementaire. » (M. le ministre délégué le confirme.)

Les choses sont donc claires ! Dans quelles conditions de respect des parlementaires travaillons-nous ?

Vous avez déclaré, monsieur Attal, que le sénateur Savoldelli choisissait dans les analyses du Haut Conseil des finances publiques les passages qui l’arrangent. Mais je ne choisis pas ce que sont les avis du Conseil d’État, du Haut Conseil des finances publiques, etc. : je me contente de les prendre en compte ! (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.