M. René-Paul Savary, rapporteur. Cela n’arrivera pas !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Mettez-vous à la place d’un employeur : si un nouveau contrat CDI senior impose moins de cotisations, il le choisira.

Or j’entends sur toutes les travées s’exprimer la volonté d’une politique familiale ambitieuse, et je la partage, pour inciter à la natalité dans notre pays. Nous discutons pourtant d’une mesure qui dépouillera la branche famille.

Allons encore plus loin : les employeurs, alléchés par un allégement de cotisations, pourraient basculer en CDI senior toutes les personnes de plus de 60 ans actuellement employées en CDI classique, ce qui coûterait 2,3 milliards d’euros !

M. René-Paul Savary, rapporteur. Quel succès !

M. Jean-François Husson. Ce n’est pas le sens de l’amendement !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, je ne dis pas que nous irons jusque-là, mais si cela devait se produire, nous devons nous attendre à un coût de cet ordre.

J’entends que vous souhaitez imposer des garde-fous lors de la discussion avec les partenaires sociaux pour éviter tous ces effets d’aubaine. Le fait est, toutefois, que si tous les recrutements de salariés de plus de 60 ans se faisaient par le biais de ce contrat, le coût serait élevé. Si vous vous mettez à la place des employeurs, vous comprendrez qu’ils soient tentés de profiter de la baisse de cotisations.

M. René-Paul Savary, rapporteur. On ne le sait pas ! Il y aura des emplois en CDD !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. J’en viens au deuxième point.

Ce dispositif favorisera les hauts salaires, alors que le montant des cotisations dont les employeurs sont redevables à ce titre ne constitue pas un élément de blocage déterminant.

Les allègements de cotisations seraient appliqués de la même manière pour un salaire de 4 500 euros ou entre 2 000 et 2 500 euros. Or ces derniers bénéficiant déjà d’allègements de cotisations, notamment famille, l’effet incitatif serait le plus fort pour les plus hautes rémunérations, alors même qu’à ce niveau de rémunération, le recrutement n’est a priori pas entravé par le coût des cotisations.

Les 800 millions d’euros que coûterait le dispositif proposé ne serviraient donc pas à inciter à l’embauche des salariés qui en ont le plus besoin.

Des dispositifs semblables d’exonérations ou d’allégements de cotisations ciblés sur les seniors ont été testés dans d’autres pays européens, notamment la Finlande, la Suède et la Hongrie. Dans un rapport de 2017, France Stratégie indique que ces dispositifs se sont révélés inefficaces, à la fois sur les recrutements et sur les salaires.

Nous partageons le même objectif. Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que je n’ai aucun tabou en ce qui concerne les allégements et les baisses de cotisations. (On le confirme sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous n’avons aucun doute à ce sujet ! (Sourires sur les travées des groupes CRCE et SER.)

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ma position n’en est que plus objective et résolue. Si les exonérations et allégements de cotisations peuvent être utiles, en l’occurrence, je crains que le dispositif proposé n’entraîne un effet d’aubaine qui place notre branche famille dans le rouge.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. René-Paul Savary, rapporteur. Monsieur le ministre, comment croire un seul instant que vous n’ayez pas saisi le sens du dispositif ? Je crois plutôt, et je le comprends bien, que vous adoptez la posture du gardien du temple financier.

Non, il n’est pas question que tous les salariés de 60 ans en CDI bénéficient de ce dispositif. Il est question de proposer une alternative, d’où l’intérêt d’arbitrer la pertinence de ce CDI senior dans chaque branche.

Non, à l’heure actuelle, on ne discute pas d’âge avec le salarié dans le cadre d’une embauche en CDI. Les informations relatives à la retraite du salarié sont confidentielles. Avec le dispositif que je propose, ces informations seront transparentes et disponibles sur Info Retraite, si bien que l’engagement de l’employeur sera comparable à celui qui est pris dans le cadre d’un contrat de chantier.

Contrairement à une exonération dont bénéficieraient tous les employeurs d’un salarié de plus de 60 ans, ce dispositif permettra des embauches supplémentaires de seniors. Il mérite donc d’exister.

Pour ce qui concerne les bornes d’âge, je vous rejoins pleinement, monsieur le ministre : il n’en faut pas. Mais alors pourquoi nous proposez-vous des bornes d’âge pour les carrières longues à l’article suivant ?

Les bornes d’âge créent des situations terribles, qui se jouent souvent au trimestre près. C’est la raison pour laquelle il faut en instaurer le moins possible.

M. Roger Karoutchi. Exactement !

M. René-Paul Savary, rapporteur. Vous instaurez pourtant des bornes, monsieur le ministre, puisque le taux de la cotisation d’allocations familiales est de 5,25 % pour les salaires supérieurs à 3,5 Smic, tandis qu’il est moindre pour les salaires inférieurs à cette borne.

Qu’on le veuille ou non, les bornes sont incontournables.

M. Bruno Retailleau. Il en va de même pour la CSG !

M. René-Paul Savary, rapporteur. Tout à fait !

Pour autant, ces seuils peuvent pousser les employeurs à baisser le niveau de salaire afin de bénéficier d’un allègement de cotisations. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de revoir le dispositif.

En tout état de cause, mes chers collègues, je vous invite à adopter cet amendement afin de donner davantage d’espoir aux seniors. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Je ne comprends pas pourquoi il faudrait faire des cadeaux aux entreprises pour que celles-ci recrutent des jeunes ou des seniors. Avant 25 ans ça ne va pas, et après 55 ans ça ne va plus !

J’aurais préféré que l’on conditionne les exonérations dont les entreprises bénéficient déjà au recrutement et au maintien en emploi de seniors. Il n’était nullement besoin d’en rajouter par rapport à ce à quoi les entreprises ont déjà droit.

M. René-Paul Savary, rapporteur. C’est dans le second volet !

Mme Monique Lubin. Nous avions proposé d’instaurer un plancher de 15 % de salariés seniors afin d’inciter les entreprises à ne pas se « débarrasser » des salariés de plus de 55 ans et à ne pas négliger les candidatures de personnes de plus de 55 ans. J’estime qu’il s’agissait d’une bonne proposition.

Par ailleurs, le Medef, dont nous avons entendu des représentants dans le cadre des auditions, est particulièrement favorable au projet de recul de l’âge de la retraite, mais dans le même temps – est c’est quelque peu pénible –, il refuse catégoriquement de faire des efforts en matière de recrutement de personnes de plus de 55 ans.

Il faudra pourtant trouver un moyen de contraindre les employeurs à faire des efforts. Cela pourrait passer par les exonérations dont ils bénéficient déjà.

J’en termine par une information que j’ai lue dans la presse ce matin : le Gouvernement développe un nouveau slogan, « Pensez printemps », car il est convaincu qu’il se passera de nombreuses choses au printemps. J’eus préféré que l’on pensât « automne », c’est-à-dire que l’on nous propose une loi Travail avant une loi Retraites.

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

M. Yan Chantrel. Monsieur le rapporteur, votre amendement est une commande, si bien que vous auriez pu le nommer l’« amendement Medef ». Éric Chevée, vice-président de la Confédération des PME (CPME), a d’ailleurs indiqué que cette proposition allait « dans le bon sens ».

Cette réaction n’a rien d’étonnant, puisque le CDI senior permettra aux patrons d’être exonérés des cotisations famille, c’est-à-dire de 5 % du salaire brut.

Le ministre des comptes publics, M. Attal, qui n’entend pas faire une réforme de gauche, mais bien serrer la vis, s’est du reste alarmé du coût de cette mesure pour les finances publiques, qui s’élèverait à 800 millions d’euros. On se demande bien ce qu’il restera des économies prétendument permises par le recul de l’âge de départ à la retraite…

Quel est le rapport entre des exonérations de cotisations famille et l’emploi des seniors ? Aucun, car il s’agit de siphonner la branche famille de la sécurité sociale, redevenue excédentaire en 2021.

Comme M. Savary l’avouait lui-même dans un entretien publié par Ouest-France, il eût été plus judicieux de proposer une exonération de cotisations chômage, mais l’assurance chômage ne relevant pas d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, le véhicule législatif choisi pour cette réforme des retraites ne l’a pas permis.

Sur la forme, le présent débat est donc absurde, mes chers collègues.

Quant au fond, ce CDI dérégulé et à bas coût risque de mettre en concurrence des seniors avec des jeunes sur le seul critère du coût du travail. Or les jeunes rencontrent eux aussi de grandes difficultés à s’insérer.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre votre amendement, monsieur Savary.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Vos propos me renvoient à ma jeunesse, monsieur le rapporteur Savary, quand, en 2006, je me suis engagé contre le contrat première embauche (CPE) dont nous avions obtenu le retrait, comme nous obtiendrons, je le sais, celui de cette réforme des retraites.

Premièrement, nous savons que l’effet du report de l’âge légal de 60 à 62 ans sur l’embauche des seniors qui recherchent un emploi a été nul. Ce contrat « dernière embauche » – l’expression de notre collègue Lubin est fort juste – ne changera rien pour le 1,4 million de personnes de 53 ans à 69 ans qui sont aujourd’hui sans emploi ni revenu.

Deuxièmement, comme l’a indiqué le ministre Attal à juste titre, ce dispositif assécherait la branche famille des cotisations sociales. Je n’y reviens pas, car l’argument a davantage de poids venant du ministre que du groupe communiste.

Troisièmement – c’est évidemment un point de divergence avec M. le ministre –, nous disposons d’évaluations relatives aux effets des exonérations de cotisations.

En 2020, la dernière évaluation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui a été pérennisé sous la forme d’exonérations de cotisations, par France Stratégie précise que « Les résultats restent conformes aux conclusions des années précédentes : un fort effet emploi est trouvé chez le quart des entreprises les plus bénéficiaires du CICE, qui ne représentent qu’un huitième des effectifs, mais rien de significatif chez les autres. L’effet total reste estimé à 100 000 emplois, ce qui est faible rapporté au coût du CICE – de l’ordre de 18 milliards d’euros en 2016 ».

Le coût du dispositif est donc de 180 000 euros par emploi créé, ce qui est cher quand le salaire médian – chargé – est d’environ 33 000 euros. Vous voyez bien que cela ne peut pas fonctionner ! (M. Mickaël Vallet applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Non seulement ce contrat est moins un contrat senior qu’un contrat « dernière embauche », comme Monique Lubin et Fabien Gay l’ont expliqué, mais dans la mesure où l’échéance de prise d’effet et le terme en sont connus d’avance, il tient davantage du CDD que du CDI.

Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que vous auriez préféré des exonérations de cotisations chômage plutôt que famille. Cela confirme – et nous nous en inquiétons – que cette réforme relève d’une forme de bricolage.

Toute se passe, mes chers collègues, comme si certains parmi nous ne supportaient pas qu’une branche de notre système de protection sociale, en l’occurrence la branche famille, soit excédentaire. Lorsque vous défendrez des mesures en faveur des familles dans la suite du débat, nous ne manquerons pas de vous rappeler que dès que vous en avez l’occasion, vous diminuez les recettes de la banche famille.

De même, la branche accidents du travail et maladies professionnelles, elle aussi excédentaire depuis peu, se voit spolier d’un certain nombre de ressources au travers de cette réforme.

Nous avons bien compris que non seulement les exonérations de cotisations n’étaient pas taboues, monsieur le ministre, mais qu’elles sont, hélas ! bien souvent la seule solution que vous proposez pour remédier à presque toutes les difficultés.

Les nombreuses exonérations de cotisations sur les bas salaires ont contribué à tirer les salaires vers le bas, notamment en début de carrière. Cela justifie l’octroi d’exonérations de cotisations pour les fins de carrière ; à défaut, les seniors pâtiront de la concurrence des jeunes en début de carrière et il faudra bientôt étendre ces exonérations à tous les salariés.

Tel est le mécanisme qui explique la situation actuelle du financement de notre protection sociale. Nous proposons de prendre le chemin exactement inverse.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Les semaines se suivent et ne se ressemblent pas. La semaine dernière, nous combattions pied à pied une réforme d’inspiration libérale. Depuis hier, le monde a changé : nous apprenons en effet dans la presse de ce matin que nous contestons désormais une réforme de gauche. Je tenais à partager avec vous ce sentiment très étrange pour le groupe communiste. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRCE.)

Ce contrat de fin de carrière, censé favoriser l’embauche des seniors, s’appuie sur le seul argument d’attractivité que constitue l’exonération de cotisations familiales pour l’employeur. Nous combattons pied à pied cette logique, car ces exonérations ont le fâcheux inconvénient de créer du déficit et d’affaiblir les recettes.

Pense-t-on sérieusement améliorer le taux d’emploi des seniors, qui s’élève à 56 % pour les 55-64 ans, en exonérant les employeurs d’une cotisation actuellement fixée à 3,45 %, soit une économie de 129 euros sur un salaire de 3 745 euros ?

Autrement dit, vous espérez remédier à la situation des seniors licenciés à 59 ans en baissant les cotisations des entreprises à hauteur de 60 euros sur le salaire médian. Qui croira à cette fable ?

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. Pour la première fois depuis le début de ce débat, j’ai le bonheur ce matin d’être d’accord avec les deux ministres présents.

Monsieur le rapporteur, je vous crois de bonne foi, mais la recherche d’une solution ne doit pas vous empêcher d’entendre les arguments solides qui vous sont opposés.

L’effet d’aubaine est un fait. Certaines entreprises pourraient même – et ce serait terrible – aller jusqu’à licencier des seniors un an avant la retraite pour embaucher un autre senior l’année suivante avec un nouveau contrat. Si tous les chefs d’entreprise ne se comportent pas ainsi, nous savons qu’un certain nombre d’entre eux tirent profit des effets d’aubaine.

Je ne reviens pas sur le fait que les exonérations proposées portent curieusement sur les cotisations famille. Vous avez en effet indiqué que vous auriez souhaité faire autrement, monsieur le rapporteur.

Le renvoi à la négociation interprofessionnelle relève du bon sens. Laissons les branches trouver des solutions à leur niveau.

La priorité, selon moi, doit être non pas l’embauche de seniors, mais le maintien dans l’entreprise de ceux qui sont en poste, au minimum jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite.

M. le président. Veuillez conclure !

M. Claude Raynal. Par cet amendement d’appel, vous avez fait œuvre utile, monsieur le rapporteur. Au regard des arguments qui ont été développés, je vous invite toutefois à le retirer.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous nous opposons fermement à cet amendement du rapporteur et de la rapporteure générale.

Alors que nous avons déjà bien du mal à trouver des CDI pour les jeunes, vous n’avez d’autre idée en tête que d’exploiter jusqu’à la dernière force des seniors. Cela revient à tirer sur une ambulance !

Vous avez du reste certainement reçu les félicitations du Medef, qui réclame ce bel amendement à cor et à cri.

Vous nous assurez que cette réforme est une réforme de justice sociale. En l’occurrence, il s’agit pourtant de casser encore plus nos seniors.

Sans même parler de droit au repos, ou comme vous aimez l’appeler dans cet hémicycle, chers collègues de droite, de droit à la paresse, je rappellerai que le droit au respect de la vie privée et familiale est un droit fondamental. Vous le torpillez pourtant par cette réforme, en particulier par cet amendement complètement déconnecté de ce qu’est la dure réalité du labeur pour les salariés de ce pays.

Pour bien des travailleurs, à chaque jour suffit sa peine.

Par cet amendement, vous souhaitez, comme de mauvais publicitaires que vous êtes, nous vendre l’idée selon laquelle nos seniors n’attendent qu’une seule chose : continuer de travailler.

Une telle proposition ne parle à personne sinon aux patrons, mes chers collègues. Vous vous détachez de la réalité de millions de Français, de millions de travailleurs précaires pour favoriser une fois encore les patrons. Et pour mieux les choyer, vous envisagez de leur octroyer de nouvelles exonérations de cotisations sociales.

Ne pensez-vous pas qu’il est totalement contre-productif de recruter des personnes qui sont usées à des postes qui exigent motivation et endurance ? Par votre amendement, vous contrevenez à toute forme de pertinence et d’humanité.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous voterons donc contre.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Le dispositif que nous examinons comporte une disposition relative aux cotisations sociales. À ce titre, il entre donc dans le cadre d’une loi de financement de la sécurité sociale, ce qui n’est pas le cas de tous les articles de ce texte.

Pour le reste, je note que le rapporteur établit un lien intéressant entre la production et les exonérations de cotisations.

Les résultats de la politique d’exonération de cotisations menée à grande échelle depuis 2018 n’ont pourtant rien de patent. Loin de s’améliorer, la balance commerciale de la France s’est fortement dégradée. Dire que nos capacités de production n’ont pas considérablement augmenté est un euphémisme.

Par leur caractère permanent, ces exonérations de cotisations emportent une modification de la dépense publique dont cette réforme des retraites participe pleinement : tandis que les dépenses en faveur des services publics sont en baisse – nos concitoyens constatent au quotidien la dégradation de notre justice, de notre santé, etc. –, de plus en plus d’argent est transféré aux entreprises.

Les exonérations de cotisations sociales sont passées de 38 milliards d’euros en 2018 à 73 milliards d’euros en 2023. Il faut pourtant bien prendre l’argent quelque part. On le prend donc sur les services publics, si bien que ces derniers sont à l’os, et maintenant, sous couvert de récupérer de l’argent sur le système de retraite, sur le transfert aux ménages.

C’est un choix politique très clair et il faut l’assumer.

M. le président. Veuillez conclure !

M. Bernard Jomier. Je salue les députés de votre propre camp, monsieur le rapporteur, qui ont ouvert les yeux et qui estiment qu’on ne peut aller plus loin dans cette direction.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Monsieur Chantrel, j’estime que votre remarque selon laquelle l’amendement de M. le rapporteur répondrait à une commande du Medef est tout à fait désobligeante. Par de tels propos, vous ne vous grandissez pas. Je tiens à le souligner, car vous êtes, hélas ! coutumier du fait. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Olivier Henno. Nous avons naturellement des doutes quant aux effets d’aubaine que ce dispositif risque d’emporter. Si l’article 40 de la Constitution ne m’en avait pas empêché, j’aurais d’ailleurs déposé un amendement visant à instaurer une prime plutôt qu’une exonération.

Je suis toutefois sensible aux arguments du rapporteur sur l’importance de la négociation avec les partenaires sociaux, raison pour laquelle je retire mes deux sous-amendements.

Comme l’indiquait Mme Rossignol à juste titre, si nous ne parvenons pas à accroître le taux d’emploi des seniors, nous risquons d’affaiblir le financement de la branche famille. Pour autant, nous devons faire ce pari si nous voulons financer notre système de retraite par répartition.

J’estime que nous devons laisser le plus de latitude possible à la négociation des partenaires sociaux. Tel est l’état d’esprit du groupe Union Centriste, qui en appelle à un paritarisme refondé et rénové. Ce sera l’un des enjeux de la loi Travail à venir.

M. le président. Les sous-amendements nos 2343 et 2342 sont retirés.

La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. J’estime, comme M. Henno, qu’une négociation interprofessionnelle avec les partenaires sociaux aurait dû précéder nos travaux.

L’emploi des seniors pose évidemment de réelles difficultés. Nous les avons longuement évoquées hier à propos de l’index senior sans qu’aucune mesure contraignante ait été adoptée, mais encore une fois, ce chantier mériterait d’être ouvert avec les partenaires sociaux.

Je rejoins les critiques formulées par le ministre Attal sur les mesures d’âge. Le dispositif proposé risque en effet d’entraîner des effets de seuil, en particulier pour les personnes de 58 et 59 ans dont l’accès à l’emploi est tout aussi important que celui des personnes de 60 ans et plus.

Enfin, compte tenu des nombreuses exonérations octroyées, il ne faut pas s’étonner que l’ensemble des caisses publiques soient en déficit.

Je suggère, comme Mme Lubin, de diminuer les très nombreuses exonérations qui sont accordées aux entreprises dès lors que celles-ci licencient des seniors ou qu’elles n’en embauchent pas. Ces exonérations doivent avoir des contreparties sociales ou climatiques.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Par cet amendement, que mon groupe votera naturellement, René-Paul Savary pointe l’un des plus grands enjeux de cette réforme. À quoi servirait-il en effet de reculer l’âge légal de départ à la retraite si l’on ne fait rien pour favoriser l’emploi des seniors ?

Le chômage – cela a été souligné à plusieurs reprises hier par un certain nombre de sénatrices et de sénateurs de l’opposition – touche tout particulièrement les seniors.

Le Gouvernement affirme qu’il dispose avec l’index d’un outil formidable, mais nous ne saurions nous contenter d’une statistique. Ce qu’en bon Vendéen je nommerai l’effet name and shame ne suffit pas.

La commission a donc élaboré un nouveau contrat, qui permettra de lutter contre le chômage des seniors. Vous faites plusieurs reproches à ce dispositif, mes chers collègues. René-Paul Savary a répondu à vos remarques sur la négociation avec les partenaires sociaux. Je répondrai à vos trois autres objections.

La première porte sur un éventuel effet d’aubaine. Le dispositif s’adresse, non pas aux plus de 60 ans qui sont déjà dans l’entreprise – un effet d’aubaine aurait alors été possible –, mais à des personnes qui sont au chômage et qui rentreront donc sur le marché du travail.

Par ailleurs, comme vous le savez, mes chers collègues, on embauche très peu de personnes de plus de 60 ans dans notre pays. Il n’y a donc pas d’effet d’aubaine.

Le deuxième reproche porte sur le coût du dispositif. Nous contestons formellement l’évaluation effectuée par le Gouvernement, car elle ne prend en compte que la ligne de la dépense quand notre objectif est de diminuer les indemnisations chômage. De fait, une personne qui retrouve un emploi ne perçoit plus d’indemnités chômage.

Des économistes estiment que la réintégration de 100 000 seniors sur le marché du travail rapporte près de 1 milliard d’euros. Nous pensons donc que ce dispositif rapportera de l’argent au lieu d’en coûter.

Vous nous reprochez enfin, mes chers collègues, d’assécher la branche famille. Mais les seniors qui pourront bénéficier de ce dispositif étant au chômage, par définition, ils ne cotisent pas.

Encore une fois, l’esprit de la réforme est de réactiver l’emploi des seniors et le taux d’activité,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Bruno Retailleau. …, et partant, l’économie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.

Mme Annie Le Houerou. Vous proposez, monsieur le rapporteur, d’instaurer un nouveau CDI afin de favoriser l’emploi des seniors.

Or la question n’est pas l’embauche de seniors, mais le maintien des salariés de 55 ans et plus au sein des entreprises. Votre proposition risque de mettre en concurrence les seniors et les jeunes sur le seul critère du coût du travail, alors que les jeunes peinent déjà à s’insérer.

Vous exonérez les entreprises de cotisations familiales en ponctionnant les caisses d’allocations familiales, et partant, la protection sociale de nos familles.

Nous savons pourtant que la branche familiale a besoin de moyens pour mettre en place un véritable service public de la petite enfance ; nous manquons notamment de places en crèche.

Nous avons besoin de moyens pour financer les congés parentaux et faire de l’égalité femmes-hommes une réalité, car l’égalité professionnelle passe aussi par l’égalité des droits des deux parents à accompagner l’arrivée de l’enfant au sein du foyer.

Nous avons besoin de cotisations pour compenser les congés de maternité, afin que les femmes aient les mêmes droits au départ à la retraite.

D’ailleurs, monsieur le ministre Dussopt, avec la Première ministre, vous considériez initialement que les exonérations de cotisations n’étaient pas le meilleur moyen pour agir sur l’emploi des seniors. Quels sont les éléments qui vous ont fait changer d’avis ? Il serait intéressant pour nous de les connaître.

Pour notre part, nous n’en changeons pas : le meilleur moyen de maintenir les seniors en emploi jusqu’à 62 ans, c’est de ne pas modifier l’âge légal de départ. Nous savons déjà qu’un salarié sur deux n’est pas en emploi dans la tranche d’âge des 55 ans à 64 ans.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Je voulais revenir sur la question du véhicule législatif. Vous allez me dire : « Encore et toujours ! » Oui, encore et toujours.

En effet, on constate de nouveau avec cet article additionnel que le véhicule législatif que le Gouvernement a choisi n’est pas le bon.

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, qu’il aurait été plus judicieux de proposer une exonération de cotisations chômage dans la mesure où l’embauche de seniors réduit le chômage. Le problème, c’est que nous examinons un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et que l’assurance chômage est en dehors de ce cadre. Par conséquent, ce véhicule législatif n’est décidément pas le bon.

Un CDI est un contrat dont on ne connaît pas la date de fin. Or, avec le dispositif proposé, la date de fin du contrat est connue, puisqu’elle correspond à la date de départ à la retraite de la personne qui sera recrutée. Il s’agit donc plutôt d’un CDD.

Monsieur le ministre, vous avez dit que les exonérations de cotisations n’étaient pas le meilleur moyen de développer l’emploi des seniors. Pour moi, il ne s’agit même pas d’une option.

Monsieur Attal, vous évaluez le coût de ce dispositif à 800 millions d’euros, ce qui n’est pas rien. Or l’ensemble des exonérations accordées aux employeurs s’élèvent déjà à environ 80 milliards d’euros. Cessons avec ces propositions – je le dis sans complexe et en assumant complètement mon propos – qui sont de véritables cadeaux faits aux entreprises. Finissons-en avec cette volonté d’aider les entreprises plutôt que celles et ceux qui sont sans emploi.