M. Fabien Gay. À force de vous redire que nous voulons des salaires plus élevés, vous allez finir par entendre. Parlons des salaires, monsieur le ministre, plutôt que de ces mécanismes dérogatoires.

Dernière remarque sur les actions gratuites : quand une entreprise en verse une aux salariés, elle en attribue dix, cent ou mille fois plus aux grands dirigeants. En réalité, ce type de dispositif s’adresse bien davantage aux hauts cadres dirigeants et, souvent, au seul PDG, qui sont souvent des hommes, qu’aux salariés.

Franchement, notre proposition de rehausser le taux de la contribution sur ces actions de 20 % à 30 % est loin de pénaliser l’ensemble des salariés. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Fabien Gay a dit l’essentiel, mais je veux ajouter que, selon la Fédération européenne de l’actionnariat salarié – tout existe –, moins de 1 % des actions – j’insiste sur ce pourcentage – de près de 80 % des entreprises cotées sont détenues par leurs salariés.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Tout à fait, il faut développer l’actionnariat salarié !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Expliquez-moi quel peut être le pouvoir de décision de ces salariés, même s’ils s’unissent, s’ils détiennent moins de 1 % du capital de leur entreprise.

Comme Fabien Gay l’a dit, les salariés qui détiennent quelques actions voient certes leurs revenus augmenter, mais la meilleure manière pour eux de gagner en pouvoir d’achat consiste à bénéficier d’une hausse de salaire, et pas n’importe quel salaire : un salaire socialisé, monsieur le ministre !

Expliquez-moi quelles sont les décisions stratégiques que l’on peut prendre ou que l’on peut infléchir quand on ne représente que 1 % du capital d’une entreprise.

Je ne peux pas m’empêcher de vous poser une dernière question : quel est le montant médian des actions détenues par les salariés selon leur catégorie socioprofessionnelle ?

M. Fabien Gay et Mme Laurence Rossignol. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je vous rejoins totalement, monsieur Gay, madame Cathy Apourceau-Poly, sur le fait que l’actionnariat salarié n’est pas suffisamment développé dans notre pays. Vous avez mentionné des taux de 1 % ou de 5 % dans telle ou telle entreprise : j’aimerais moi aussi que les salariés détiennent plus de titres. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

M. Fabien Gay. On veut une hausse des salaires !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Mais contrairement à vous, je ne pense pas que c’est en fiscalisant davantage cet actionnariat qu’on l’encouragera, bien au contraire.

Je vous invite par ailleurs à regarder ce qui s’est passé pour les salariés de La Redoute – même si cela ne se passe pas toujours comme cela –, ce dont la presse a beaucoup parlé.

M. Fabien Gay. Vous ne pouvez citer que cet exemple !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il y a dix ans, un millier de salariés ont répondu à l’appel des repreneurs de la société, qui leur demandaient de contribuer à la reprise, en investissant une ou quelques centaines d’euros chacun, tous niveaux de revenus confondus, y compris des salariés faiblement payés. Or tous ces salariés vont bientôt recevoir autour de 100 000 euros chacun.

M. Fabien Gay. Nous avons des centaines de contre-exemples !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je reconnais qu’il s’agit là d’un exemple qui peut sembler extrême, mais admettez de votre côté qu’il y a aussi de belles histoires.

Mme Raymonde Poncet Monge. Et le PMU alors ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ne cassons pas l’actionnariat salarié dans notre pays en le surfiscalisant, comme vous proposez de le faire.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, je vous propose de rencontrer les salariés d’Orpea, auxquels on a versé des actions gratuites. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

Ils se trouvent aujourd’hui dans une situation paradoxale, car, en fin de compte, on leur a demandé, afin que le cours de l’action Orpea augmente, d’accepter des conditions de travail dégradées, avec les conséquences que l’on connaît en termes de prise en charge des personnes fragiles, et qu’ils ont finalement vu, après que le scandale a éclaté, ce dont ils devaient se réjouir, la valeur de leurs actions s’effondrer totalement.

N’oublions pas que le fait d’associer les salariés au capital de leur entreprise, via des actions gratuites, peut avoir quelques effets pervers : il arrive qu’on leur dise qu’un bon plan de licenciements peut faire monter le cours des actions. On les place parfois dans une situation quelque peu schizophrénique, même si je n’aime pas trop utiliser des termes relevant de la psychiatrie.

Sans compter que, quand l’activité de l’entreprise est moins bonne, ils n’auront pas bénéficié d’une augmentation pérenne de leurs salaires, mais ils subissent en revanche l’effondrement du cours de leurs actions. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2936 rectifié bis, 3224 rectifié et 4351 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 188 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 92
Contre 251

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 2857 rectifié bis, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Lurel, Chantrel et Féraud, Mme Monier, MM. Marie, Bourgi et Cardon, Mme de La Gontrie, MM. Tissot, Leconte, Raynal, Stanzione et Durain, Mme Carlotti, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Jacquin et Temal, Mme Blatrix Contat, MM. Assouline et Mérillou, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Briquet, MM. Houllegatte et Lozach, Mmes Van Heghe et Conway-Mouret, M. Magner, Mme Bonnefoy, MM. Roger, Montaugé, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa de l’article L. 137-15 est supprimé ;

2° Au dernier alinéa de l’article L. 137-16, le taux : « 16 % » est remplacé par le taux : « 20 % ».

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à revenir sur deux mesures entrées en vigueur, en rétablissant, d’une part, le taux normal du forfait social à 20 % pour les versements réalisés sur des plans d’épargne retraite, et en réintroduisant, d’autre part, la contribution sociale généralisée pour les entreprises de moins de 250 salariés au titre de l’intéressement et de la participation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis défavorable, car c’est du pouvoir d’achat en moins pour 6 millions de salariés.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2857 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 4474 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au premier alinéa du présent article, le taux est fixé à 30 % pour les rémunérations visées aux articles L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce perçues par les administrateurs et membres des conseils de surveillance de sociétés anonymes et des sociétés d’exercice libéral à forme anonyme. »

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Je souhaiterais vous poser une simple question, monsieur le ministre : le fait de siéger dans un conseil d’administration est-il un travail ?

M. Gérard Longuet. En tout cas, c’est une responsabilité !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. C’est une responsabilité, monsieur Gay. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. C’est une belle responsabilité, monsieur le ministre, d’autant que les jetons de présence ne sont pas soumis au même niveau de taxation que les revenus du travail : pas de cotisations, pas de CSG, pas de CRDS, uniquement un forfait social au taux de 20 %, soit 8 points de moins que celui de la fiscalité du travail !

La responsabilité est moins taxée que le travail productif ! C’est tout de même un sujet… Pour nous, la responsabilité devrait au minimum – c’est vraiment un minimum – être taxée comme les revenus du travail.

Pour terminer, permettez-moi d’évoquer le cimentier Lafarge – à ne pas confondre avec le bétonneur qui est en train de travailler sur les chantiers des jeux Olympiques de 2024 ou du Grand Paris Express –, dont le montant moyen des jetons de présence culmine à 461 000 euros. Il faut également mentionner l’assureur AXA, dont la valeur du jeton de présence atteint 135 000 euros en moyenne, ou Sanofi, où elle s’élève à 109 000 euros en moyenne.

Je le répète, nous considérons que les rémunérations des administrateurs et des membres des conseils d’administration devraient être soumises au minimum au taux de 28 %, autrement dit que les jetons de présence devraient être taxés à la même hauteur que le travail productif. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Les jetons de présence sont soumis au forfait social, dont le taux maximal est de 20 %, et au PFU, dont le taux global est de 30 %, précisément parce qu’ils ne sont pas considérés comme une rémunération liée à une activité.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Alors, pourquoi en verse-t-on ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Si vous considérez que le fait de siéger dans le conseil de surveillance d’une entreprise n’est pas une activité, vous ne pouvez pas, dans le même temps, demander que les jetons de présence soient soumis aux cotisations pesant sur l’activité salariée.

À ma connaissance – j’ai demandé à mes services de vérifier ce point –, ces jetons ne créent en outre aucun droit à la retraite. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Encore heureux !

M. Fabien Gay. Il ne manquerait plus que ça !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je suis d’accord avec vous : ce n’est pas une activité en tant que telle et il n’y a pas de contrat de travail entre les bénéficiaires de ces jetons et les entreprises concernées. La seule fiscalité qui s’applique est donc celle du forfait social.

M. Fabien Gay. Et la valeur travail dans tout ça ? On taxe moins les rémunérations des administrateurs que l’activité salariée !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4474 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 189 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 92
Contre 251

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)

PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 4483 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 137-32 du code de la sécurité sociale, le taux : « 0,16 % » est remplacé par le taux : « 0,32 % ».

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Avec cette série d’amendements faisant l’objet d’une discussion commune, nous abordons la question de la contribution sociale de solidarité. Nous souhaitons en majorer le taux afin d’améliorer le financement de l’assurance vieillesse, en mettant à contribution les entreprises qui aujourd’hui créent de la richesse.

Mme la présidente. L’amendement n° 4482 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 137-32 du code de la sécurité sociale, le taux : « 0,16 % » est remplacé par le taux : « 0,20 % ».

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Si cet amendement était adopté, l’augmentation du taux de la contribution sociale de solidarité des 21 000 plus grandes entreprises du pays de 0,16 % à 0,20 % de leur chiffre d’affaires pourrait rapporter 929 millions d’euros chaque année.

Selon le COR, le système de retraite devant s’équilibrer de lui-même, ces contributions supplémentaires engendreraient sans doute des excédents. Ce ne serait pas très grave, si tel était le cas : nous saurons comment les utiliser, en commençant par revaloriser l’ensemble des petites retraites et pas uniquement celles d’une minorité.

Par conséquent, nous pouvons sans hésiter voter une hausse du taux de cette contribution sociale de solidarité, d’abord parce qu’elle ne grèvera aucunement notre économie et, surtout, parce qu’il s’agit d’une mesure de justice répondant à un déséquilibre en matière de participation à la protection sociale de nos concitoyens.

Mme la présidente. L’amendement n° 4481 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 137-32 du code de la sécurité sociale, le taux : « 0,16 % » est remplacé par le taux : « 0,19 % ».

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Au-delà de la majoration du taux de cette cotisation, il s’agit bel et bien de poser la question du financement de notre système de retraite.

Indépendamment de l’avis de chacun sur le report de l’âge de départ à la retraite, il est tout de même particulier, monsieur le ministre, de faire porter l’effort en matière de financement visant à assurer la pérennisation du régime de retraites par répartition, uniquement sur les salariés et jamais – ou en tout cas très peu – sur les employeurs.

Or, à l’origine, le système par répartition repose sur la volonté de partager le financement pour parvenir à l’équilibre. Mais, depuis plusieurs années, chaque fois que nous avons débattu de l’équilibre de ce régime, nous avons recherché les solutions uniquement du côté de l’allongement de la durée de cotisation, du report de l’âge de départ à la retraite, ce qui revient in fine à demander un effort supplémentaire à celles et à ceux qui travaillent tout au long de leur vie.

Mme la présidente. L’amendement n° 4480 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 137-32 du code de la sécurité sociale, le taux : « 0,16 % », est remplacé par le taux : « 0,18 % ».

La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Cet amendement est de la même veine que les précédents.

Monsieur le ministre, avant la suspension du soir, vous avez traité avec désinvolture une recette supplémentaire de 400 millions d’euros.

Chaque centième de point d’augmentation du taux proposé représente 230 millions d’euros supplémentaires. Vous allez certainement nous expliquer que ce dispositif n’a aucun intérêt, comme nos amendements portant sur les retraites chapeaux.

J’ignore dans quelle mesure vous vous rendez compte de l’indécence de votre position. Des millions de gens seront dans la rue demain pour défendre des petites retraites, des pensions pour vivre, alors que vous continuez de balayer d’un revers de main des amendements visant à ouvrir d’autres pistes de financement.

Jusqu’à quand allez-vous continuer de vous enfoncer dans ce type d’argumentation face à la marée humaine qui envahira les rues du pays demain ?

Mme la présidente. L’amendement n° 4479 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 137-32 du code de la sécurité sociale le taux : « 0,16 % », est remplacé par le taux : « 0,17 % ».

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Nous avons commencé en présentant un amendement révolutionnaire. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Nous finissons avec un amendement que je qualifierais de macroniste. (Oh ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Vous avez bien changé !

M. Fabien Gay. Cet amendement vise à augmenter le taux de la contribution sociale de solidarité, en le faisant passer de 0,16 % à 0,17 %, ce qui représente 230 millions d’euros supplémentaires.

Néanmoins, la question posée est : cherchez-vous de nouvelles recettes ? En effet, selon les taux appliqués, il est possible de dégager 960 millions d’euros, 700 millions d’euros, 500 millions d’euros ou encore 230 millions d’euros.

Monsieur le ministre, depuis le début des débats, jeudi dernier, la question essentielle est de savoir si nous cherchons de nouvelles recettes ou si vous souhaitez rester sur le report de l’âge de départ de 62 ans à 64 ans.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur Gay, vous avez raison, des recettes supplémentaires doivent être trouvées. Toutefois, nous ne souhaitons ni les prendre dans la poche des salariés ou des retraités, comme les auteurs de certains amendements l’ont proposé, ni recourir à des impôts de production sur les entreprises qui détruiraient des emplois dans notre pays, ce qui réduirait les recettes pour notre système par répartition.

Je veux bien entendre que ce dispositif pourrait engendrer 400 millions d’euros de recettes supplémentaires. Néanmoins, si des destructions d’emplois ont lieu ensuite, ce ne sera plus 400 millions d’euros supplémentaires, puisque les emplois seront moins nombreux, que le chiffre d’affaires des entreprises sera moindre, comme le niveau des contributions pour notre modèle de solidarité.

La logique du Gouvernement est de baisser les impôts de production dans notre pays. Or l’industrie paye 21 % de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) que vous proposez de doubler – en tout cas dans le premier amendement de cette discussion commune.

Comme je le rappelais précédemment, actuellement, dans notre pays, on ouvre enfin plus d’usines qu’on n’en ferme et on crée plus d’emplois industriels qu’on en détruit. Je ne prétends pas que ce résultat soit uniquement dû aux réformes du Gouvernement, il est aussi dû au dynamisme de nos entrepreneurs et aux salariés qui travaillent.

Toutefois, il serait dommage de faire le chemin inverse en allant à rebours des mesures prises sur les impôts de production.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble des amendements faisant l’objet de cette discussion commune.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, nous avons un véritable débat, ce qui est bien normal.

Vous venez d’indiquer que vous ne souhaitez pas demander plus d’efforts au secteur de la production ni aux salariés de contribuer davantage.

Pour autant, reculer de deux ans l’âge de départ à la retraite revient à demander au citoyen qui travaillera deux années supplémentaires de contribuer majoritairement au financement du système par répartition pour les années à venir.

J’entends votre volonté – que je ne remets pas en cause – de relocaliser et de développer de nouveau l’industrie dans notre pays. Certains secteurs connaissent cependant actuellement des manques de main-d’œuvre.

La question n’est donc pas celle des cotisations, mais a trait plus largement à la politique industrielle, à la formation des jeunes et à la reconnaissance de ces métiers afin d’embaucher dans ces secteurs. Sans être péjorative, j’estime qu’elle dépasse le sujet du taux de la C3S.

À l’inverse, grâce à cette réévaluation du taux et à une meilleure contribution des employeurs, le maintien de l’âge de départ à la retraite aurait pu être offert aux salariés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. La baisse des cotisations et des impôts pesant sur les entreprises pour favoriser le dynamisme économique suscite des débats permanents.

Or, premièrement, si on veut réindustrialiser, ce n’est pas le principal sujet à traiter ; en effet, il faut tout d’abord éviter le départ des entreprises.

Ni le niveau des salaires ni celui des cotisations pesant sur les salaires n’expliquent la délocalisation hors de notre pays de l’entreprise Latécoère, dont les capitaux ont été rachetés par des Américains et qui travaille pour Airbus de manière tout à fait performante, mais plutôt la recherche de la valorisation capitalistique maximale. Or, pour ce type d’entreprise, la part des salaires, voire des impôts, n’est pas considérable.

Deuxièmement, ce sont les investissements et le soutien aux investissements qui permettent de réindustrialiser. En cela, France 2030, par le soutien apporté à la modernisation et à l’investissement, est une bonne contribution à la réindustrialisation – même si, à mon sens, ce plan ne résout pas l’ensemble des problèmes.

D’ailleurs, l’investissement est un des problèmes du patronat français. Nous sommes un des pays où il est dit qu’il faut baisser les impôts. Or ils réalisent des profits – c’est le moins que l’on puisse dire ! –, mais ils ne les réinvestissent pas !

Cette situation est clairement perceptible avec l’augmentation « à fond la caisse » des dividendes : nous détenons le record d’Europe. En Allemagne, le rapport entre la part des bénéfices consacrée aux investissements et celle accordée aux dividendes est bien plus favorable.

C’est un leurre de croire que la baisse des cotisations et d’une partie des impôts permettra de gagner en compétitivité.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, il me semble nécessaire d’échanger argument contre argument, comme nous le faisons depuis tout à l’heure.

Selon vous – vous l’avez déjà indiqué cet après-midi –, revenir sur les exonérations de cotisations reviendrait à détruire l’emploi et pénaliserait les entreprises.

Cependant, les exonérations de cotisations n’ont pas créé les emplois espérés – nous l’avons démontré plus tôt en nous appuyant sur un rapport de France Stratégie, notamment à propos du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), mais le constat est valable dans les autres cas. C’est une réalité ! Ce n’est pas nous qui le disons, mais France Stratégie.

Je le rappelle : 100 000 emplois créés pour 18 milliards d’euros. Par conséquent, chaque emploi a été subventionné à hauteur de 180 000 euros et le salaire médian charges comprises s’élève à 33 000 euros. Nous sommes loin !

Concernant la réindustrialisation, dans la suite des propos de ma collègue Marie-Noëlle Lienemann, de quoi avons-nous besoin ?

Nous ne serons pas compétitifs simplement en tirant les salaires vers le bas. Personne n’a envie que les travailleurs et les travailleuses soient payés demain 200 euros ou 300 euros !

La question est donc d’abord celle des taux et des prêts en faveur de l’investissement productif. Or, un problème existe avec les banques sur ce sujet.

Ensuite, au sujet des filières professionnelles, nous avons un problème de main-d’œuvre qualifiée. Lors de chaque rencontre avec des chefs d’entreprise, ceux-ci nous font part de leurs difficultés à trouver des jeunes qualifiés pour occuper les postes ouverts au sein de leur société. La question des filières professionnelles se pose donc ; nous pouvons au moins être d’accord sur ce point !

Enfin, il faut renforcer l’ensemble des chaînes de valeur. Faire revenir les entreprises ne suffit pas ; il faut recréer de la valeur sur le territoire ou au niveau européen. Nous sommes encore trop dépendants de pièces en provenance de l’autre bout du monde. Tant que nous ne détiendrons pas l’ensemble de la valeur industrielle, nous serons en difficulté.