M. Olivier Dussopt, ministre. Merci, monsieur le président.

Nous avons fait le choix de proposer au Parlement l’adoption cet article 7, qui comprend des mesures parfois qualifiées de paramétriques.

Il est vrai que la confusion peut parfois régner entre mesures systémiques et mesures paramétriques : les mesures dites systémiques s’accompagnent généralement de mesures paramétriques, qui permettent l’application des premières. En la matière, il y a parfois une volonté de diviser les choses de manière quelque peu arbitraire.

Nous avons présenté cette mesure, parce que, je le répète, notre système de retraite est, pour des raisons essentiellement démographiques, dans une situation de déséquilibre. Il y a donc un équilibre financier à retrouver et un déficit à combler.

Par ailleurs, nous souhaitons financer de nouveaux droits en matière de pénibilité…

M. David Assouline. Vous avez retiré les critères de pénibilité !

M. Olivier Dussopt, ministre. Nous créons de nouveaux droits en matière de prise en compte des carrières longues, de niveau minimum de pension ou encore de prévention et d’emploi des seniors.

M. David Assouline. Vous retirez des droits !

M. Olivier Dussopt, ministre. Or lorsque l’on crée de nouveaux droits, on crée de nouvelles dépenses, il n’y a rien de plus normal : il nous faut donc trouver des recettes qui permettent d’atteindre l’équilibre recherché.

Nous avons étudié la question. On nous demande parfois pourquoi nous ne nous sommes pas contentés, si je puis dire, d’accélérer la mise en œuvre de la réforme Touraine de 2013.

La réponse tient au fait que l’accélération de la réforme Touraine de 2013 représentera 2,3 milliards d’euros de recettes en 2025 et 4,6 milliards d’euros en 2030.

Or le déficit du régime atteindra, en 2030, 13,5 milliards d’euros, et la réforme que nous vous proposons permet de dégager 17,7 milliards d’euros grâce aux seules mesures paramétriques.

Avec les quelques mesures financières que nous ajoutons, nous arrivons à 19,5 milliards d’euros de recettes, ce qui permettra à la fois de combler le déficit de 2030 et de financer de nouvelles mesures.

C’est la première fois, depuis plus de trente ans et parmi les cinq dernières réformes des retraites, que la part des économies dégagées par la réforme est aussi importante en vue de financer de nouveaux droits et mesures d’accompagnement social.

J’ai en tête la réforme de 2010. Certes, le déficit à résorber était beaucoup plus important du fait de la crise financière, mais la réforme de 2010 consacrait 6 % des recettes dégagées au financement de nouveaux droits et aux mesures d’accompagnement social. Nous en sommes à 33 %.

Notre volonté est de protéger les plus fragiles et celles et ceux, souvent celles, qui sont amenés à travailler le plus tard possible.

C’est également la première fois qu’un relèvement de l’âge légal de départ à la retraite ne s’accompagne pas d’un relèvement de l’âge d’annulation de la décote.

Nous maintenons cet âge à 67 ans, de la même manière – j’ai eu l’occasion de le rappeler – que nous maintenons les âges de départ anticipé, notamment pour les travailleurs handicapés, mais pas seulement. Le maintien de l’âge de suppression de la décote est une véritable mesure de protection.

Enfin, j’ai entendu dans les différentes interventions un certain nombre de reproches, de critiques et d’interrogations sur le caractère juste ou injuste du système de retraite.

En réalité, je le dis en regardant les travées de la gauche, ce que vous nous reprochez est non pas tant la réforme que le système de retraite actuel.

Vous déplorez les conséquences des carrières hachées sur le calcul des pensions, particulièrement des femmes. Vous déplorez l’absence de prise en compte suffisante de la pénibilité, alors que nous vous proposons d’avancer en la matière. Vous déplorez encore le faible niveau des retraites.

Finalement, vous nous reprochez d’avoir le courage de faire ce que vous n’avez jamais eu le courage de faire. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. David Assouline. La prise en compte de la pénibilité, nous l’avions faite ! Vous avez supprimé quatre critères !

M. Rachid Temal. Vous avez tué la prise en compte de la pénibilité !

M. Olivier Dussopt, ministre. J’irai même un peu plus loin, bien que Bruno Retailleau m’ait précédé pour une partie de cette démonstration.

M. Rachid Temal. C’est sa réforme !

M. Olivier Dussopt, ministre. Aujourd’hui, vous faites de grandes déclarations. Vous évoquez de grands auteurs – nous pourrions peut-être les laisser en paix – pour dire votre opposition absolue à la réforme.

Regardons ce qui s’est passé depuis le début des années 1980 : pas une réforme des retraites, quelle que soit l’ardeur avec laquelle elle a été combattue – et j’en prends ma part –, n’a été remise en cause lors d’une quelconque alternance. Pas une !

Et celle-ci, comme les autres, si un jour, d’aventure, vous revenez au pouvoir, vous la maintiendrez, (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) et même, comme cela a été fait en 2013, vous l’accentuerez. J’ai voté la réforme de 2013, mais, contrairement à vous, je l’assume !

L’augmentation de la durée de cotisation était aussi justifiée par le fait que l’âge de départ avait été relevé et qu’il fallait éviter qu’il y ait discordance entre l’âge et la durée de cotisation. Il se passera exactement la même chose, si d’aventure vous deviez retrouver des responsabilités et un esprit majoritaire.

J’ai évoqué la comparaison avec la réforme Touraine, mais il faut aller plus loin et considérer les alternatives. Quelles sont-elles ?

J’entends parfois dire qu’on devrait se concentrer sur la durée de cotisation plutôt que de reculer l’âge d’ouverture des droits. Nous avons fait la simulation : il faudrait au minimum 45 années de cotisation ! Dans une période où l’âge moyen d’entrée dans la vie active est à 22 ans, cela signifie que ceux qui ne se concentrent que sur la durée de cotisation créent de la décote ou acceptent la perspective d’un âge effectif de départ à la retraite de 67 ans.

J’ai aussi entendu le chef de votre parti, mesdames, messieurs les sénateurs socialistes, M. Faure, affirmer qu’il faudrait revenir à 60 ans, mais avec 43 années de cotisations. C’est une machine à pauvreté, une machine à décote ! Même son numéro deux dit que c’est une utopie, totalement irréaliste.

Nous proposons quelque chose de protecteur, quelque chose qui permet de garantir l’égalité, la pérennité du système, son financement, son retour à l’équilibre et l’ouverture de nouveaux droits.

Ce sont les raisons pour lesquelles j’émettrai naturellement un avis défavorable sur les soixante-dix-sept amendements de suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)

Amendements identiques de suppression de l’article

M. le président. Je suis saisi de soixante-seize amendements identiques.

L’amendement n° 3 est présenté par Mme Apourceau-Poly.

L’amendement n° 4 est présenté par Mme Cohen.

L’amendement n° 63 rectifié est présenté par Mme Pantel, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère et MM. Corbisez, Gold, Guérini, Guiol et Roux.

L’amendement n° 132 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

L’amendement n° 133 est présenté par M. Gontard.

L’amendement n° 134 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Labbé, Parigi et Salmon.

L’amendement n° 201 est présenté par Mme Blatrix Contat.

L’amendement n° 243 rectifié quater est présenté par M. J.M. Arnaud, Mmes de La Provôté et Gacquerre, M. Canévet, Mme Morin-Desailly et MM. Duffourg et Levi.

L’amendement n° 291 est présenté par M. Féraud.

L’amendement n° 323 est présenté par M. Pla.

L’amendement n° 352 est présenté par Mme Briquet.

L’amendement n° 377 est présenté par Mme Féret.

L’amendement n° 460 est présenté par M. Fichet.

L’amendement n° 485 est présenté par Mme Van Heghe.

L’amendement n° 491 est présenté par Mme Harribey.

L’amendement n° 529 est présenté par M. Gillé.

L’amendement n° 550 est présenté par M. Michau.

L’amendement n° 590 est présenté par M. Redon-Sarrazy.

L’amendement n° 619 est présenté par M. Devinaz.

L’amendement n° 637 est présenté par M. Chantrel.

L’amendement n° 677 est présenté par Mme Le Houerou.

L’amendement n° 737 est présenté par M. M. Vallet.

L’amendement n° 787 est présenté par Mme de La Gontrie.

L’amendement n° 832 est présenté par M. Lozach.

L’amendement n° 850 est présenté par M. Jacquin.

L’amendement n° 872 est présenté par M. Durain.

L’amendement n° 909 est présenté par M. Lurel.

L’amendement n° 935 est présenté par Mme Artigalas.

L’amendement n° 952 est présenté par M. Cardon.

L’amendement n° 989 est présenté par M. Raynal.

L’amendement n° 1026 est présenté par M. Roger.

L’amendement n° 1038 est présenté par Mme G. Jourda.

L’amendement n° 1081 est présenté par M. Tissot.

L’amendement n° 1094 est présenté par M. Houllegatte.

L’amendement n° 1107 est présenté par M. Éblé.

L’amendement n° 1157 rectifié bis est présenté par Mme Lubin.

L’amendement n° 1191 est présenté par Mme S. Robert.

L’amendement n° 1216 est présenté par M. Mérillou.

L’amendement n° 1245 est présenté par Mme Jasmin.

L’amendement n° 1289 est présenté par M. Montaugé.

L’amendement n° 1325 est présenté par Mme Préville.

L’amendement n° 1355 est présenté par M. Marie.

L’amendement n° 1382 est présenté par M. Bourgi.

L’amendement n° 1400 est présenté par M. Stanzione.

L’amendement n° 1421 est présenté par M. Sueur.

L’amendement n° 1445 est présenté par M. Kerrouche.

L’amendement n° 1477 est présenté par Mme Conway-Mouret.

L’amendement n° 1513 est présenté par Mme M. Filleul.

L’amendement n° 1551 est présenté par Mme Monier.

L’amendement n° 1568 est présenté par Mme Carlotti.

L’amendement n° 1601 est présenté par M. J. Bigot.

L’amendement n° 1631 est présenté par Mme Poumirol.

L’amendement n° 1702 est présenté par M. Leconte.

L’amendement n° 1705 est présenté par M. Bouad.

L’amendement n° 1758 est présenté par Mme Meunier.

L’amendement n° 1777 est présenté par M. Todeschini.

L’amendement n° 1798 est présenté par M. Jomier.

L’amendement n° 1828 est présenté par M. Kanner.

L’amendement n° 1855 est présenté par M. Assouline.

L’amendement n° 1978 est présenté par M. Magner.

L’amendement n° 2001 est présenté par Mme Rossignol.

L’amendement n° 2038 est présenté par Mme Assassi.

L’amendement n° 2039 est présenté par M. Bacchi.

L’amendement n° 2040 est présenté par M. Bocquet.

L’amendement n° 2041 est présenté par Mme Brulin.

L’amendement n° 2042 est présenté par Mme Cukierman.

L’amendement n° 2043 est présenté par M. Gay.

L’amendement n° 2044 est présenté par Mme Gréaume.

L’amendement n° 2045 est présenté par M. Lahellec.

L’amendement n° 2046 est présenté par M. P. Laurent.

L’amendement n° 2047 est présenté par Mme Lienemann.

L’amendement n° 2048 est présenté par M. Ouzoulias.

L’amendement n° 2049 est présenté par M. Savoldelli.

L’amendement n° 2050 est présenté par Mme Varaillas.

L’amendement n° 2080 est présenté par M. Jeansannetas.

L’amendement n° 2268 est présenté par Mme Espagnac.

Ces soixante-dix-sept amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 3.

Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 7, le cœur du réacteur du projet de loi, recule l’âge légal de départ à la retraite de trois mois par an dès septembre 2023, pour atteindre 64 ans en 2030, contre 62 aujourd’hui.

Cet article inscrit dans la durée le principe d’un allongement de la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein. La durée de cotisation devrait être relevée d’un trimestre tous les trois ans jusqu’en 2035 pour atteindre 172 trimestres, soit 43 ans, pour les générations nées en 1973 et suivantes.

Le pouvoir accélère la réforme Touraine, contre laquelle nous nous étions opposés sur les travées communistes. (Mme Laurence Cohen applaudit.)

Tous les salariés vont devoir travailler davantage, même ceux qui exercent des métiers pénibles.

À cet instant, je pense aux salariés du secteur agroalimentaire qui travaillent dans le froid, à la chaîne, et qui, les femmes comme les hommes, font les trois-huit, comme à Moy Park dans le Pas-de-Calais – ces salariés sont usés.

Je pense aux ouvriers qui travaillent en fonderie à 1 400 degrés, comme à Arc International ou à Stellantis.

Je pense aux ouvriers des ports, aux agents de police, aux sapeurs-pompiers professionnels, aux égoutiers, qui devront travailler au moins jusqu’à 59 ans contre 57 aujourd’hui.

Ainsi, les Français passeront moins de temps à la retraite. Toutes ces réformes successives ont organisé la paupérisation de nombreux retraités.

Avec cet article, vous actez le retour aux années 1970, où la retraite était à 65 ans. Contrairement au Gouvernement, qui veut faire un retour dans le passé, nous voulons nous tourner vers l’avenir, en réduisant le temps de travail et le temps passé au travail, avec un départ à la retraite à 60 ans.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 4.

Mme Laurence Cohen. Plus on avance dans le texte de cette réforme des retraites, plus l’injustice sociale du projet éclate au grand jour. Il est inique et injustifié pour toutes et tous – nous l’avons démontré depuis le début de nos discussions.

Moins de 2,5 % des futurs retraités seront concernés par une revalorisation à 1 200 euros de leur pension.

Moins de 1,5 % des retraités actuels verront leur pension franchir le seuil des 1 200 euros.

Mais comme, visiblement, vous n’entendez ni les arguments du peuple dans la rue ni ceux des parlementaires de gauche ici présents, laissez-moi faire référence à un appel de personnalités qui, elles aussi, ont exprimé leur refus de cette réforme.

Le 18 janvier dernier, plus de cent personnalités ont rédigé une tribune pour dénoncer les dangers de ce projet. Des personnes issues du monde de la culture, des économistes, des sociologues, des philosophes, des historiens qui participent à la vie intellectuelle de notre pays et à son rayonnement se sont unis pour écrire contre cette réforme.

Je vais ainsi citer Annie Ernaux, prix Nobel de littérature, Barbara Carlotti, compositrice, Lydie Salvaire, écrivaine, et bien d’autres : « L’objectif de cette réforme, à rebours de l’histoire sociale, est de faire travailler plus et plus longtemps des femmes et des hommes qui aspirent au repos et à donner libre cours à leur projet dans un moment privilégié de la vie. Pour y parvenir, le Gouvernement tente de nous enfermer dans une querelle budgétaire et comptable. » Vous l’avez exprimé à de maintes reprises, monsieur le ministre ! Je reprends la citation : « La réforme va frapper plus durement ceux qui exercent les métiers les plus difficiles, usants – tant physiquement que psychologiquement –, et qui ont moins de chances de profiter d’une retraite paisible et de s’imaginer un avenir après 64 ans. Le report de l’âge légal n’a aucun effet sur les plus diplômés et fait peser la charge entièrement sur les moins diplômés. »

M. le président. Il faut conclure !

Mme Laurence Cohen. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour présenter l’amendement n° 63 rectifié.

Mme Guylène Pantel. Cet amendement vise à supprimer l’article relatif au recul de l’âge légal de départ à 64 ans d’ici à 2030.

Il y a quelques heures, M. Gabriel Attal évoquait l’équilibre du système de retraite pour les prochaines années. Moi, je souhaite vous parler d’équilibre entre une vie complète au travail et un droit au repos. Ce droit au repos n’est pas un caprice ; c’est la possibilité de s’épanouir et de profiter des siens après avoir contribué, tout au long de sa vie, à la dynamique économique du pays.

Cette mesure est inéquitable, elle est injuste pour tous ceux qui ont des parcours hachés, en premier lieu les femmes, pour ceux qui ont commencé à travailler tôt et pour ceux qui sont exposés à des métiers pénibles.

Cette mesure est également brutale, puisqu’elle s’appliquera dès le 1er septembre 2023 et concernera des personnes très proches du départ à la retraite.

Cette mesure est, enfin, disproportionnée par rapport aux prévisions et nous pensons que d’autres moyens auraient pu être proposés pour résorber ce déficit.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 132.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne reprocherai pas à M. le ministre de ne pas faire une réforme de gauche – c’est logique – et encore moins une réforme écologiste – c’est également logique. Il est de droite et productiviste ! (Rires sur les travées du groupe GEST. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pour faire une autre réforme, il faudrait une autre répartition des richesses. Vous avez montré que vous ne savez pas le faire. Et vous savez encore moins passer de la notion de croissance à celle de prospérité. Il faudrait avoir le projet de changer le travail et sa place dans la vie. (Mme Sophie Primas sexclame.) Vous ne pensez qu’à l’intensifier pour engendrer plus de profits.

Pourquoi est-ce une réforme de droite ? (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.) Mes chers collègues, je vous prie de me permettre de m’exprimer sans être interrompue ! (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

C’est une réforme de droite, parce que c’est sur les travailleurs et sur eux seuls que vous allez faire des économies – un peu plus de 10 milliards d’euros –, en ne leur payant pas de pension pendant deux ans, et ce sont eux qui vont apporter des recettes en cotisations et en impôts – un peu plus de 7 milliards.

Quant aux 3 milliards d’euros – 3 milliards et non 6, comme l’avance le Gouvernement – de mesures d’atténuation de la brutalité de la réforme, ils sont pris sur les 18 milliards annoncés. Ce sont donc bien les travailleurs qui vont payer : ni les employeurs, ni l’État, ni personne d’autre ! Seuls 16 %, et non 33 %, de ces 18 milliards vont atténuer la brutalité de la réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 133.

M. Guillaume Gontard. Depuis le début de cette réforme, le Gouvernement s’obstine à répéter en boucle un mensonge : le recul de l’âge de départ à la retraite serait inévitable, il serait la seule solution pour résoudre le futur déficit de notre système de retraite.

Cependant, nous l’avons répété à maintes reprises, c’est complètement faux ! Ce report de l’âge légal est un choix du Gouvernement et c’est un choix injuste, celui de faire reposer tous les efforts sur les épaules des travailleurs et des travailleuses,…

M. Guillaume Gontard. … particulièrement les plus précaires, celles et ceux qui ont commencé à travailler le plus tôt et qui ont des carrières incomplètes.

Pire, cette réforme est brutale et ne prévoit quasiment pas de mesures d’accompagnement. Votre choix est de ne pas redistribuer les richesses et de ne pas les prendre en compte.

À l’inverse, depuis le début de ce débat, nous martelons la même chose.

M. Roger Karoutchi. C’est sûr…

M. Guillaume Gontard. Il existe des alternatives à la fois socialement et écologiquement justes pour renforcer notre système de retraite, mais vous les avez méthodiquement refusées : l’élargissement de l’assiette des cotisations aux dividendes, l’augmentation des salaires, la réduction des inégalités de salaires entre les femmes et les hommes, ou encore la semaine de 32 heures sur quatre jours. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

À vrai dire, des dizaines de milliards d’euros de financements possibles, à rebours de votre projet, permettraient de revenir progressivement vers un âge de départ à 60 ans,…

M. René-Paul Savary, rapporteur. Mensonge !

M. Guillaume Gontard. … ce que nous défendons – et nous le ferons, monsieur le ministre !

Nous le répétons, cette réforme est injuste. Elle aura nombre d’effets négatifs importants sur le chômage des seniors, sur notre tissu associatif, sur notre démocratie locale – j’y reviendrai – et surtout sur le quotidien des Français et des Françaises, qui devront travailler deux ans de plus, mais aussi sur celui de leurs enfants et petits-enfants.

Monsieur le ministre, plus personne ne croit à votre réforme, et ce qu’il reste de votre majorité se fissure petit à petit. Votre seul credo : travailler plus. Votre absence de vision et d’imagination, votre dogmatisme vous empêchent de voir l’évolution de notre société ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Yan Chantrel applaudit également.)

Mme Sophie Primas. C’est bien de parler de dogmatisme…

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 134.

M. Guy Benarroche. Il ne me semble pas que notre système de retraite par répartition, auquel nous sommes tous très attachés, soit menacé ; du moins, je l’espère ! Et l’exécutif dramatise de manière caricaturale la situation qu’il a un peu créée lui-même. Il intègre notamment à ses calculs le poids des pensions des fonctionnaires, qui sont sous-financées par l’État, ce qui est une hérésie.

L’objectif est de faire une réforme budgétaire, en ne sollicitant que les efforts des travailleurs, sans jamais remettre en cause la gabegie des aides aux entreprises, qui sont versées sans aucune contrepartie, la baisse permanente des impôts sur les entreprises, le renoncement à la lutte contre l’optimisation fiscale, ou encore la course à l’extravagance financière qui déséquilibre chaque jour un peu plus la répartition des richesses.

Cette présentation caricaturale d’un besoin urgent de réforme du système de retraite se pare d’intentions nobles, toutes plus fausses les unes que les autres.

La vérité est tout autre. Les femmes comptent parmi les grandes victimes de cette réforme, avec l’annulation de l’effet de bonification des maternités. Les travailleurs et travailleuses ayant commencé à travailler tôt vont travailler encore davantage et seule une partie minime des retraités sera concernée par les 1 200 euros mensuels.

Les autres mesures d’accompagnement de la disposition phare qu’est le recul de l’âge ne sont que des tentatives d’amortissement des conséquences de cette disposition injuste.

La chance et le drame du pays, c’est que les citoyens et les citoyennes, salariés ou fonctionnaires, se sont aperçus de ces contre-vérités en même temps qu’ils ne se découvraient aucune appétence pour travailler dans des organisations où ils se sentent très souvent indésirables dès l’âge de 55 ans.

C’est une chance, parce qu’ils le manifestent dans des cortèges d’une importance inédite, tant à Paris qu’en province.

C’est un drame, parce que le Gouvernement reste sourd à une argumentation technique, solide et ancrée dans la réalité du monde du travail.

Le Gouvernement reste sourd à cette volonté populaire et l’incompréhension a laissé place à l’indignation, ainsi qu’à la colère.

Il ne s’agit pas seulement d’empêcher l’adoption et la mise en place d’un dispositif injuste. Il s’agit également de redonner à la Nation confiance dans la réalité et la vigueur de sa démocratie, et de maintenir une cohésion sociale menacée.

Nous vous demandons donc solennellement de voter le rejet de ce projet de loi et plus particulièrement de son article 7. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour présenter l’amendement n° 201.

Mme Florence Blatrix Contat. Des millions de Françaises et de Français sont descendus dans la rue, partout en France, pour la sixième journée de mobilisation contre votre réforme des retraites injuste, brutale et cyniquement négociée avec la droite.

En soutien de ces millions de manifestants, 80 % des salariés s’opposent à votre projet de réforme ; ils disent non au report à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite.

La fin du travail des enfants, le repos dominical, les congés payés, la semaine de quarante, trente-neuf, puis trente-cinq heures et bien sûr les retraites démontrent que libérer le travail est, depuis le XIXe siècle, l’horizon des luttes sociales ; c’est le sens du progrès humain.

Pourtant, votre gouvernement veut, avec cet article, imposer de travailler plus longtemps, en repoussant l’âge légal de la retraite à 64 ans au lieu de 62 actuellement.

La durée de cotisation nécessaire pour avoir une pension à taux plein augmenterait de façon brutale, alors que cette évolution était prévue de manière plus progressive jusqu’en 2035. Et vous oubliez de dire que l’objectif de la réforme Touraine était justement d’éviter un report de l’âge légal !

À rebours de tout progrès social, votre gouvernement prévoit de faire des économies exclusivement sur le départ à la retraite différé des travailleurs et sur l’allongement de notre temps de travail.

Cette réforme se fait sur le dos des Français et au détriment de leur santé, parce qu’il faut réduire les déficits que vous avez creusés. Déficits publics, déficit du commerce extérieur, ces déficits jumeaux, c’est vous qui en êtes responsables, mais ce sont les travailleurs qui doivent payer !

D’autres choix politiques, sociaux et fiscaux sont possibles. Vous avez renoncé à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), à la taxation des superprofits, à une réflexion sur une taxation plus juste de la valeur créée, à l’augmentation des salaires. Tout cela, vous le faites payer aux travailleurs. Pour nous, c’est non ! Il est temps d’entendre les Français et de retirer votre réforme injuste. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)