Mardi 15 octobre 2013

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Loi de finances pour 2014 - Audition de M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration (programme 212 « soutien des forces » de la mission Défense)

La commission auditionne M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration, sur le projet de loi de finances pour 2014 (programme 212 « soutien des forces » de la mission Défense).

M. Jean-Louis Carrère, président. - Monsieur le secrétaire général, après vous avoir entendu sur le projet de loi de programmation militaire le mois dernier, nous vous accueillons aujourd'hui dans le cadre de nos auditions sur le projet de loi de finances pour 2014 et plus particulièrement sur le programme 212 « soutien de la politique de la défense » dont vous êtes le gestionnaire. Nous vous avons entendu le ministre le 3 octobre et de chef d'état-major des armées le 10. Nous entendrons à votre suite l'ensemble des plus hauts responsables de la défense.

Le projet de loi de finances pour 2014 nous paraît en phase avec le projet de loi de programmation militaire. Les crédits du programme 212 sont en progression de 6 % en CP et de près 3% en AE, auxquels s'ajoutent 206 millions d'euros de recettes exceptionnelles au titre des cessions immobilières.

Nous souhaiterons bien entendu avec les rapporteurs pour avis auxquels je donnerai la parole à la suite de votre intervention explorer certains points qui concernerons les infrastructures, la politique des cessions immobilières, l'informatique et les perspectives de réorganisation du ministère.

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration. - Le budget 2014 est la première traduction des orientations du Livre blanc de 2013 et du projet de loi de programmation militaire (LPM) qui a fixé une enveloppe de 190 Mds d'euros courants sur la période 2014-2019 pour la mission « défense ».

En 2014, et durant les trois premières années de la programmation, le montant des crédits sera préservé au niveau de la LFI 2013, soit à 31,4 Md€. Cette stabilisation sera toutefois obtenue grâce à l'apport de recettes exceptionnelles, 1,8 Md€, dans le projet de loi de finances pour 2014 permettant une réduction des crédits budgétaires.

Sur le périmètre des crédits budgétaires, les ressources de la mission « défense » s'élèvent à 29,6 Md€ en PLF 2014 contre 30,1 Md€ en 2013, hors pensions. Cette baisse de 0,5 Md€ représente la participation du ministère à un effort global de réduction en valeur des dépenses de l'Etat.

Pour parvenir à un tel objectif, les dépenses de fonctionnement, seront réduites de plus de 100 M€ dès 2014. En outre, pour garantir la maîtrise de la masse salariale, la Défense programme une suppression de 7 881  ETP en 2014. Ce mouvement s'accompagne d'un effort de dépyramidage des emplois. Le ministère contribue donc très fortement à l'effort de stabilisation des effectifs de l'Etat et de maîtrise de sa masse salariale.

Le programme 212 regroupe les fonctions de direction et de soutien mutualisé au profit de l'ensemble du ministère. Le secrétaire général pour l'administration (SGA) pilote ainsi les grandes politiques transverses du ministère que sont la politique des ressources humaines, notamment en matière d'action sociale et de reconversion, la politique immobilière, la politique culturelle et éducative. Il coordonne et met en oeuvre les politiques de soutien, notamment en matière de systèmes d'information d'administration et de gestion et le soutien de l'administration centrale. Le SGA s'appuie pour l'exercice de ses missions sur des directions d'administration centrale dont l'autorité fonctionnelle est appelée à se renforcer dans le cadre de la réforme de la gouvernance du ministère.

Les crédits du programme 212 s'élèvent à 3,602 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), en hausse de 95 millions d'euros, et 3,015 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 168 millions d'euros. Cette augmentation résulte principalement des crédits affectés à l'infrastructure, qui progressent de 10,5 % en CP hors titre 2 et dans les efforts consentis au profit de l'action sociale et pour la mise à niveau des systèmes d'information d'administration et de gestion.

A ces crédits s'ajoutent des recettes exceptionnelles au titre des cessions immobilières. Dans le projet de loi de finances pour 2014, ces recettes se montent à 206 millions d'euros. Cette prévision est d'un caractère à la fois réaliste et prudent.

Cinq emprises parisiennes du ministère de la défense doivent être cédées en raison du regroupement des services centraux à Balard. L'Etat et la ville de Paris ont signé en juillet 2013 un protocole cadre définissant les conditions de cession et de reconversion de la caserne Reuilly qui est cédée à la Ville (ou à l'aménageur qu'elle aura retenu) au prix de 40 millions d'euros pour y réaliser un programme de logements. D'autres cessions devraient intervenir en 2014. L'ensemble Bellechasse Penthemont, pour lequel la Ville a renoncé à l'exercice de son droit de priorité, sera cédé comme immeuble de bureaux ; l'appel d'offres devrait pouvoir être lancé à la fin de l'année. L'hôtel de l'Artillerie place Saint-Thomas d'Aquin, et la Pépinière à côté de Saint-Augustin seront cédés comme immeuble de bureaux et les appels d'offres seront lancés en début d'année 2014. Enfin, l'Ilot Saint-Germain fait actuellement l'objet d'études de valorisation prises en charge par un marché du service France Domaine. Cet ensemble immobilier sera cédé en appliquant les procédures réglementaires en vigueur : droit de priorité de la ville de Paris puis cession par appel d'offres si la ville renonce à l'acquisition de l'emprise. Sa cession est envisagée en 2015. Ce sera la vente la plus difficile à réaliser compte tenu de sa taille et de son état car des travaux importants devront être réalisés par l'acquéreur. Il faudra probablement un groupement d'investisseurs et il pourrait y avoir un programme mixte incluant des logements et probablement des logements sociaux si la Ville de Paris confirme les souhaits qu'elle a exprimés.

S'agissant des effectifs, en 2014, le plafond d'emploi du programme 212 est de 12 852 équivalents temps plein travaillés (ETPT), dont 9576 civils et 3276 militaires. Ce programme contribuera en 2014 aux déflations ministérielles à hauteur de 303 emplois. Ces déflations porteront à 78 % sur le personnel militaire, conformément aux directives ministérielles de civilianisation des fonctions de soutien. Il convient de rappeler que les effectifs du programme 212 intègrent, pour un peu moins de 10 %, ceux des cabinets ministériels et d'organismes rattachés budgétairement tels que le contrôle général des armées, la délégation à l'information et la communication de défense (DICOD), la délégation aux affaires stratégiques (DAS) ou la direction générale des systèmes d'information et de communication (DGSIC), mais sur lesquels le SGA n'a pas de maîtrise directe.

J'en viens aux politiques mises en oeuvre, en commençant par la politique immobilière.

Les crédits hors titre 2 dédiés à l'infrastructure s'élèvent à 1,69 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit une légère baisse (-0,6 %) par rapport à 2013. Les prévisions d'engagement, à partir des AE 2014 et des autorisations d'engagement affectées non engagées (AEANE), seront de l'ordre de 1,5 milliard d'euros, soit une augmentation de près de 10 % par rapport à 2013.

En crédits de paiement (CP), le PLF 2014 prévoit 1,15 milliard d'euros pour l'infrastructure, soit une augmentation de 10,1 % par rapport à 2013. S'y ajoute la prévision de consommation de 206 millions d'euros sur le compte d'affectation spécial (CAS) immobilier.

En 2014, les principaux investissements dans le domaine technico-opérationnel accompagneront la montée en puissance des programmes d'hélicoptères de nouvelle génération (Tigre, NH 90), des programmes VBCI et SCORPION pour l'armée de terre, et des flottes A400 M, Rafale et MRTT. Nous prévoyons par exemple d'engager, en 2014 et 2015, 77 millions d'euros pour le MRTT dont 10 millions d'euros à Istres en 2014. S'y ajoutent des investissements importants dans les bases navales de Brest et Toulon pour l'accueil des frégates FREMM et des sous-marins Barracuda, notamment de réfection des installations électriques des deux grands ports (82 millions d'euros en 2014 et 2015). Par ailleurs, le ministère de la défense maintient ses efforts pour la rénovation des hôpitaux des armées : plus de 30 millions d'euros seront consacrés à la rénovation de l'hôpital Bégin.

La satisfaction de ces besoins sera un défi important pour le service d'infrastructure de la défense notamment en termes de plan de charge, par exemple le plan de charge de l'ESID de Toulon va doubler durant cette période- son chiffre d'affaires va passer de 100 à 200 millions d'euros - mais aussi défi au plan technique et en termes de ressources humaines. Le service d'infrastructure de la défense (SID) devra également récupérer les régies d'infrastructure se trouvant actuellement dans les groupements de soutien des bases de défense, ce qui représente environ 3000 emplois, afin d'obtenir une maîtrise de l'ensemble de la fonction infrastructure prévue dans le cadre de la réforme de l'organisation des soutiens.

Dans le domaine du logement, le ministère poursuit ses efforts en faveur du personnel militaire et civil. Ainsi, en 2014, le budget du logement familial sera de 66,1 millions d'euros en AE et de 73 millions d'euros en CP. Ces montants permettent, soit par conventions de réservation, soit par constructions, de maintenir les actions d'amélioration du parc domanial engagées notamment outre-mer et de conduire des opérations ambitieuses, comme la création de 44 logements, notamment de grands logements familiaux, sur le site de la caserne d'Artois, à Versailles, pour un montant de 10 millions d'euros. Nous faisons également des efforts pour accroître l'offre de logements dans des grandes villes comme Bordeaux et Toulon.

Le projet de regroupement des sites parisiens du ministère de la défense à Balard entrera en 2014 dans sa dernière phase avant l'installation des états-majors, directions et services centraux actuellement dispersés sur une douzaine de sites parisiens.

Les permis de construire ont été accordés le 21 février 2012. La Ville de Paris a déposé un recours contre l'arrêté du préfet de Paris du 17 février 2012, qui rendait le projet conforme au PLU, et contre ces permis. Dans un jugement rendu le 21 février 2013 devenu définitif, la Ville de Paris n'ayant pas interjeté appel, le tribunal administratif de Paris a confirmé la validité de la déclaration de projet et des permis de construire.

Parallèlement à cette phase contentieuse, nous avons trouvé un accord avec la Ville de Paris concernant l'implantation d'un garage à bus prévue initialement sur l'emprise du ministère de la défense, visant à favoriser son implantation sur l'héliport d'Issy-les-Moulineaux.

Je pense que la commission pourrait, si elle le souhaite, visiter le chantier d'ici quelques semaines, la partie gros travaux hors d'oeuvre sera achevée en novembre.

Des travaux complémentaires de dépollution des sols ont dû être réalisés. D'autres sujets tels que la complexité des études pour les parties les plus sensibles du site, la découverte de fondations d'anciennes fortifications, la découverte fortuite d'amiante ou la réalisation de travaux complémentaires dans les salles informatiques ont conduit à un recalage du calendrier des livraisons des bâtiments. Conformément à un avenant que j'ai signé le 2 octobre 2013 avec le groupement Opale ; l'essentiel des bâtiments sera mis à disposition fin février 2015 au lieu du 30 septembre 2014. Les livraisons se poursuivront jusqu'en avril.

La formalisation d'un accord avec Opale sur ces délais permet désormais de cristalliser les taux de financement aussi bien sur les taux courts que sur les taux longs. Les taux ayant sensiblement baissé depuis la signature du contrat, une cristallisation, sur la base des taux constatés récemment, réalisée le 10 octobre permet de diminuer la totalité des redevances d'environ 154 M€ TTC soit l'équivalent d'une annuité de redevance.

Les crédits dédiés aux systèmes d'information, d'administration et de gestion (SIAG), s'élèvent à 132 millions d'euros en AE et en CP, contre respectivement 118 et 106 millions d'euros en LFI 2013, soit une hausse de 12% en AE et de 24 % en CP. Le PLF 2014 traduit ainsi un effort conséquent pour la mise à niveau des systèmes d'information sur lesquels reposent les principales réformes du ministère mais aussi un abondement supplémentaire en CP afin de faire face aux besoins conjoncturellement élevés du domaine fonctionnel des ressources humaines en raison des problèmes rencontrés par la chaîne RH-SOLDE et notamment par le fonctionnement du logiciel LOUVOIS. Cela conduit à un important plan d'actions comprenant, le re-jalonnement de l'opération SIRH unique (projet SOURCE), des évolutions correctives et adaptatives induites sur les SIRH d'armées existants et une transformation de l'organisation de la fonction RH du ministère.

M. Jean-Louis Carrère, président. - A ce propos, une décision a-t-elle été prise de poursuivre avec LOUVOIS avec un dispositif de corrections ou d'abandonner ce logiciel pour se tourner vers un autre système.

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration. - Nous étudions les deux hypothèses. D'ici-là, nous faisons au mieux pour limiter les anomalies et corriger les erreurs. Sur la base des recommandations des audits commandés par le ministre, un plan d'action a été décliné en une douzaine de chantiers qui couvrent l'intégralité du spectre de la fonction solde. Ces mesures ont nécessité des renforts de personnels auprès des différents services impliqués dans la gestion de la solde, à la fois par redéploiements de personnels militaires et civils et par recrutements de vacataires - notamment pour le Centre d'expertise des ressources humaines et de la solde (CERHS) de Nancy dont les effectifs ont été doublés pour permettre une reprise des soldes erronées -, ainsi que le recours à de l'expertise externe pour conduire les audits et assister la maîtrise d'ouvrage.

De fait, le calculateur n'est pas stabilisé : d'une paie à l'autre nous pouvons avoir des taux d'erreurs complètement différents. Nous avons réussi à réaliser les soldes de juillet, août, septembre qui correspondent à la période des mutations et nous inquiétaient beaucoup. Fin septembre, il y avait des difficultés sur environ 2 000 soldes soit anormalement basses, soit anormalement élevées.

Des mécanismes de contournement ont été mis en place avec des avances et des paiements directs.

En sens inverse, pour permettre le recouvrement des trop-perçus, nous devons adresser 67 000 lettres, près de 13 000 ont d'ores et déjà été envoyées avec un taux d'acceptation sur le montant et l'échéancier de 80%.

Quoi qu'il en soit le passage à un nouveau système ne peut se faire avant 18 mois à deux ans.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Toutefois, en retardant la décision, on retarde d'autant la mise en oeuvre de la solution.

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration. - Il y a néanmoins un préalable avant de basculer sur un autre système qui est la remise en ordre du système des primes, ce que nous demande d'ailleurs la Cour des comptes. Nous avons identifiés 174 régimes d'indemnités dont environ 150 sont actifs, avec des interprétations différentes d'une armée à l'autre sur l'attribution des mêmes primes. Il nous faut aussi revoir le système des primes et des avances pour les militaires en OPEX.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Nous estimons également que cette remise en ordre préalable est nécessaire.

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration. - Nous faisons en sorte que le ministre dispose de tous les éléments de la décision sur Louvois d'ici la fin de l'année.

Les crédits dédiés aux politiques de ressources humaines font l'objet d'une attention particulière pour mieux accompagner les personnels dans la nouvelle phase de réforme engagée avec la loi de programmation militaire 2014-2019.

Ainsi, la dotation de l'action sociale est portée à 92,7 millions d'euros, hors fonds de concours, soit une hausse de 14 millions d'euros par rapport à la LFI 2013. Elle retrouve ainsi le niveau d'exécution constaté en 2012. Nous avions maladroitement diminué ces crédits dans le projet de loi de finances pour 2013, ce qui avait entraîné un vote négatif des représentants des personnels civils et militaires lors de la présentation du budget au Conseil central de l'action sociale. Nous avons alors dégagé des crédits complémentaires en gestion. Il faut maintenir ces dotations à ce niveau pour accompagner les restructurations. Cet exercice aura eu cependant deux aspects positifs. La conduite d'une étude du Contrôle général des armées (CGA) a montré que les aides n'étaient pas toujours bien ciblées vers les populations qui en avaient le plus besoin, ce qui nous conduira à des aménagements. En outre, l'engagement d'un travail de concertation sur le niveau des contributions des familles aux séjours a permis une révision des tarifs de l'IGESA en maintenant leur vocation sociale tout en demandant un effort à ceux qui étaient en mesure de contribuer davantage.

Cette dotation permet de conforter la subvention accordée à l'IGESA qui s'élèvera à 54,6 M€.

Par ailleurs, l'augmentation de la dotation dédiée à la reconversion résulte principalement du transfert de crédits de formation professionnelle à l'attention des publics fragiles (12 millions d'euros en AE et 8,4 millions d'euros en CP) en provenance de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), ce qui permettra à l'agence de reconversion de la défense (ARD) de piloter plus efficacement les lots « Défense » du marché interministériel que gérait la DGEFP.

Les crédits consacrés aux restructurations recouvrent trois volets : l'accompagnement social, la mise en oeuvre du plan de stationnement et l'accompagnement économique.

S'agissant de l'accompagnement social, le programme 212 supporte en titre 2 la mise en oeuvre du plan d'accompagnement des restructurations (PAR) pour les personnels civils restructurés. Le PLF 2014, avec une dotation ramenée à 77 millions d'euros pour l'ensemble des dispositifs du PAR civil contre 90 millions d'euros en LFI 2013, prend acte de la sous-exécution de ces crédits au cours des deux dernières années, liée à la baisse des attributions d'indemnités de départ volontaire pour les ouvriers d'Etat.

Les opérations d'infrastructure destinées à la mise en oeuvre du plan de stationnement issues des réformes de 2008 se poursuivent et prennent en compte à partir de 2014 les réorganisations induites par le Livre blanc et la future loi de programmation militaire. L'enveloppe qui y est consacrée dans le PLF 2014 est stable, à 209 millions d'euros en CP dont 81 millions répartis sur de nombreux sites de l'armée de terre (camp de Canjuers pour 10 millions d'euros, régiment du matériel à Bruz pour 9 millions, mise en conformité d'installations classées au Muret pour 5,5 millions...), 17 millions d'euros pour l'armée de l'air (3,9 millions sur la base aérienne d'Avord) et plus de 12 millions d'euros pour le service de santé des armées, avec notamment la construction d'un centre médical dans la base de défense de Toulon (5,4 millions).

Enfin, la dotation consacrée à l'accompagnement économique des restructurations s'élève à 43 millions d'euros en CP. Son augmentation de 15 millions d'euros par rapport à la LFI 2013 traduit la montée en plein régime du dispositif financé pour ce qui est du ministère de la défense sur les crédits du fonds pour les restructurations de la défense (FRED). Mi-septembre, 23 contrats de redynamisation de sites de défense (CRSD) et 29 plans locaux de redynamisation (PLR) ont été signés, soit la quasi-totalité de ceux qui étaient prévus en 2008. Les projets sortent, il faut honorer les engagements de l'Etat.

Lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire vous m'aviez demandé des éléments sur les économies de fonctionnement. En examinant le programme 212, on peut avoir le sentiment que les crédits de fonctionnement augmentent. Mais ces augmentations sont concentrées sur quatre postes particuliers : montée en puissance du PPP Balard (+20 millions d'euros), achèvement de la levée d'option d'achat sur une partie du parc des véhicules de service en circulation au titre du marché des VLGC (+ 12,3 millions), remise à niveau des crédits de l'action sociale (+ 13,6 millions), ainsi que l'augmentation inéluctable de la dotation du FRED (+15 millions). S'y ajoute le transfert externe au profit de l'ARD (+8,5 millions en CP). Elles sont compensées par un effort d'autant plus important sur les autres dépenses de fonctionnement qui baissent de l'ordre de 7,5% par rapport à 2013, un niveau comparable à celui déjà appliqué en 2013.

Ces économies portent sur toutes les dépenses de fonctionnement courant, notamment sur l'administration centrale, y compris les marchés de communication et les prestations d'assistance externe. Parmi les mesures d'économie les plus emblématiques, il convient de signaler celle qui touche à la réduction du nombre des véhicules. Le parc des véhicules légers de la gamme commerciale (VLGC) du ministère sera réduit de 16 000 à 12 130 unités. Parallèlement, et pour la deuxième année consécutive, il n'est pas prévu de renouvellement des véhicules de fonction.

Vous aviez attiré mon attention sur les difficultés de mises en oeuvre des réductions des charges de fonctionnement dans les bases de défense. Nous constatons ces mêmes difficultés au niveau de l'administration centrale.

Pour terminer cette présentation, je voudrais aborder les projets de réforme du ministère. Le ministre de la défense a, en effet, retenu quatre principes pour faire évoluer l'organisation actuelle :

- la primauté de l'opérationnel, avec une répartition équitable de l'effort, notamment celui demandé dans le cadre de la loi de programmation militaire 2014-2019 en matière de diminution des effectifs du ministère ;

- la mise en cohérence du ministère et la recherche d'un équilibre, avec une simplification de l'organisation, la suppression des doublons et le recentrage des grands organismes du ministère sur leur coeur de métier ;

- l'efficacité, avec, notamment, une amélioration du service rendu par les services de soutien aux formations soutenues ;

- l'engagement que doit prendre chaque grand subordonné (chef d'état-major des armées, délégué général pour l'armement et secrétaire général pour l'administration) à être le meilleur acteur de son propre changement.

Une trentaine de chantiers sont ouverts dont douze concernent le SGA. Je vous présente les trois plus importants.

Le premier est la réorganisation des soutiens selon une logique dite « de bout en bout ». Cette démarche s'appliquera en particulier à la fonction infrastructure. Le service d'infrastructure de la défense (SID) sera ainsi appelé à exercer dès 2014 une autorité hiérarchique sur les régies actuellement présentes au sein des groupements de soutien des bases de défense. Tous ces personnels rejoindront le SID et les crédits de rémunération et de fonctionnement associés seront rattachés au programme 212 en construction budgétaire 2015 au titre de la politique immobilière. Les effectifs de la fonction « infrastructures » vont passer à environ 7500 emplois, mais ils seront amenés à être réduits de l'ordre de 10% dans les structures locales et de 15% pour la direction centrale du service.

Pour la fonction financière, deuxième chantier, les orientations retenues par le ministre consistent au renforcement de l'autorité fonctionnelle de la direction des affaires financières (DAF) sur l'ensemble des services financiers du ministère. Cela signifie la capacité pour le DAF de donner des directives plus précises à l'ensemble des services financiers et un pilotage de l'ensemble des systèmes d'information financière notamment de systèmes d'information relatifs aux grands programmes d'armement.

Le troisième chantier, qui concerne le domaine des ressources humaines, comporte deux volets. D'une part, il s'agira d'unifier l'ensemble des crédits de titre 2 dans un même programme, probablement le programme 212, dans le budget 2015, sous la responsabilité du Secrétaire général pour l'administration. En 2014, il n'y a pas de mouvement budgétaire mais le dispositif de gouvernance sera mis en place avec deux niveaux. Le premier, de nature politique, remontera jusqu'au ministre et au comité exécutif du ministère dont les décisions pour définir les grandes orientations de la politique RH du ministère seront préparées par le SGA et les chefs d'états-majors. Ainsi, nous travaillons en liaison étroite avec le major général des armées et les majors généraux au modèle RH à l'horizon 2025 en se mettant dans la trajectoire d'ensemble de la loi de programmation militaire. Le second niveau consiste à donner à la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) une autorité fonctionnelle renforcée sur l'ensemble de la politique RH du ministère et des organismes centraux chargés des RH dans les Etats-majors et directions, avec notamment un regard sur les systèmes d'information et la capacité d'intervenir dans les grands processus RH pour donner un accord aux mesures proposées ou s'y opposer si la mesure ne permet pas de maîtriser le titre 2.

Ce n'est pas, comme on voudrait le faire croire, la mise en place d'une autorité hiérarchique qui viendrait noter les militaires des différentes armées. L'enjeu n'est pas là. Le DRH-MD interviendra dans les procédures de recrutement pour déterminer le volant de personnes à recruter et valider les échéanciers. Il interviendra sur la définition des tableaux d'avancement, en termes de volume, pour mesurer l'impact en titre 2, mais pas sur le choix des personnes à promouvoir. L'autorité fonctionnelle renforcée, ce n'est pas l'administration qui prend la main sur les armées, c'est une obligation pour l'administration de travailler de façon plus étroite avec les armées.

Mme Michelle Demessine, rapporteur pour avis du programme 212. - Nous avons observé dans l'exécution de la précédente LPM que les déflations importantes d'effectifs (44.000) ne s'étaient pas accompagnées, loin de là, d'une diminution de la masse salariale. La réforme, et notamment la mise en place d'une autorité fonctionnelle renforcée de la DRH-MD, permettra-t-elle d'y parvenir ?

Face au deuxième volet de déflations, je note beaucoup d'inquiétude des personnels civils et militaires. La pression est forte et cela risque de rendre l'exécution difficile. Les personnels reprochent le manque de visibilité sur la manoeuvre RH, notamment sur la méthode. Il y a peu de concertation instituée sur les restructurations et les réorganisations. De ce point de vue, la défense échappe au droit commun, y compris des administrations publiques.

Sur Louvois, nous avons entendu vos propos, nous resterons attentifs. Mais, il semble que le service des pensions soit en proie à des difficultés, on parle de 45 000 dossiers en souffrance. Qu'en est-il ?

Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration. - Le service des pensions doit faire face à une difficulté importante qui est le résultat de retards intervenus dans la mise en oeuvre de la RGPP. En 2009, par simplification, il a été décidé que les pensions militaires devaient rejoindre le service des retraites de l'Etat en 2012. La date a été plusieurs fois repoussée - on parle aujourd'hui de 2015. Cette perspective a conduit à engager une réduction des effectifs du service des pensions en 2009-2010. Dès la fin de 2010, nous avons constaté un problème d'insuffisances d'effectifs. J'ai pris sur moi, en mai 2013, d'autoriser le recrutement de 28 agents pour essayer de redresser la situation. Il faut savoir, en outre, que nous perdons en moyenne dix agents par an pour départ à la retraite et qu'ils ne sont pas remplacés. Sur un tableau d'effectifs d'un peu plus de 400, 370 postes sont pourvus. Effectuer le même travail avec des effectifs moindre pose un problème d'organisation du travail, que nous essayons de résoudre. Nous avons présenté aux personnels un projet de réorganisation. Les organisations syndicales ont fait part de leurs inquiétudes, notamment sur le raccordement des systèmes d'information. Nous avons refait le point avec les services et nous avons repoussé la mise en oeuvre de la réforme à janvier 2014. Le stock des dossiers en retard s'accroît. Pour vous donner un chiffre, il y a 18 mois, 75% des personnes faisant valoir leur droit à retraite recevaient leurs pensions le mois suivant leur départ. Aujourd'hui elles ne sont plus que 66%. C'est une alerte. Le personnel en est conscient et est prêt à faire les efforts nécessaires pour redresser cette situation. Il ne refuse pas d'effectuer des heures supplémentaires à condition d'être rémunérées. Nous essayons de travailler en concertation avec les personnels pour trouver des solutions.

L'ensemble de la paie des personnels civils est en train de migrer vers un nouveau système. Là encore, nous avons mené une concertation étroite avec les personnels des centres ministériels de gestion et du service parisien de soutien de l'administration centrale concernés par cette réforme.

S'agissant des structures de concertation, dans les textes, le ministère de la défense n'est pas obligé de présenter les projets d'organisation du ministère au Comité technique ministériel (CTM), comme c'est le cas dans les autres administrations. Cela a une certaine logique, car il paraît difficile de faire se prononcer cette instance sur des réorganisations d'états-majors. Le ministre a cependant demandé qu'une information soit donnée sur les réformes à engager dans la prochaine LPM en CTM ou en CT d'administration centrale afin de recueillir l'avis des organisations syndicales. Nous nous efforçons également d'associer les personnels dans les modalités pratiques de mise en oeuvre des réformes.

Enfin, il faut préciser que l'effet de ciseau observé lors de la précédente LPM entre les effectifs et la masse salariale n'est pas qu'un problème d'organisation. Le ministère a dû absorber des mesures de revalorisation indiciaire et de nouvelles grilles salariales en 2009 et 2010, qui n'avaient pas été intégrées dans la base de la LPM, faute d'accord du ministère du budget. Preuve en est, il a fallu à trois reprises effectuer des réajustements des crédits du titre 2. Il faut également tenir compte de la revalorisation de la grille des sous-officiers suite aux avantages accordés à la police, étendus ensuite à la gendarmerie, puis aux armées. Enfin la gestion des aides aux départs, notamment des pécules ne s'est pas toujours traduite par  des suppressions de postes et a pu permettre des promotions. La DRH-MD regardera désormais qui bénéficiera des pécules et vérifiera qu'il y a bien suppressions d'emplois en conséquence. La mise en oeuvre des mesures de dépyramidage suppose ce travail commun de rapprochement emplois/effectifs/masse salariale.

Mme Nathalie Goulet. - En déplacement dans le Caucase, j'ai appris que le ministère faisait appel à des consultants extérieurs pour réaliser une étude sur la stratégie du groupe de Minsk et la situation dans le Haut-Karabagh. Est-ce une bonne démarche d'externaliser, alors que nous disposons d'un réseau diplomatique et, parfois, de parlementaires bien informés qui pourraient réaliser de telles études gratuitement ?

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration. - Je ne peux pas vous répondre, je pense, vu la nature de son sujet, qu'il s'agit peut-être d'une étude commandée par la Direction des affaires stratégiques (DAS) qui recourt assez régulièrement à des organismes extérieures sur les crédits du programme 144.

M. Jacques Gautier. - . - Le report de charges à la fin de l'année 2013 devrait atteindre à coup sûr 2 milliards d'euros, peut-être 3 milliards. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

Vous nous avez indiqué l'engagement de crédits d'infrastructures pour les MRTT, mais les premières livraisons n'interviendront qu'en fin de loi de programmation vers 2019-2020. Est-ce bien nécessaire d'engager ces travaux dès 2014?

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration.- Sur les rapports de charges, tout dépendra en fait des décisions en matière de levée de réserves et des mesures de « surgel ». Les chiffres cités sont un plancher et un plafond. Nous faisons tout notre possible pour limiter le montant de ces reports. Aujourd'hui, il est important de savoir également comment vont être financés le surcoût OPEX et les difficultés que nous rencontrons en titre 2.

Les investissements en infrastructures pour le MRTT concernent, dans un premier temps, la plateforme, mais aussi les outils de simulation utiles à la formation des personnels.

M. Yves Pozzo di Borgo. - S'agissant du devenir de l'îlot Saint-Germain, ne serait-il pas envisageable de passer un accord avec la ville de Paris, pour réserver une partie des logements à des militaires, ou à encore à d'autres catégories de fonctionnaires, comme les infirmières qui ont beaucoup de difficultés à se loger dans Paris. Le VIIème arrondissement a historiquement une vocation militaire, il va perdre le ministère, il pourrait accueillir des militaires et leurs familles.

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration. - Pour le moment, il n'y a pas de convention signée sur l'Ilot Saint-Germain. Le dossier est entre les mains de France Domaine, qui prépare un cahier des charges pour l'appel d'offres. Rien n'est encore tranché sur la destination de ces immeubles. S'agissant de la vocation militaire du VIIè arrondissement, il restera toujours les Invalides et l'Ecole militaire.

Nomination d'un rapporteur

La commission nomme rapporteur :

M. Yves Pozzo di Borgo, sur le projet de loi n° 459 (AN - 14è législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l'exploitation d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.

Désignation d'un rapporteur pour avis

La commission désigne :

Mme Kalliopi Ango Ela rapporteur pour avis sur le contrat d'objectifs et de moyens de Campus France.

Loi de finances pour 2014 - Audition de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement (programme 146 « équipement des forces » de la mission Défense)

La commission auditionne M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, sur le projet de loi de finances pour 2014 (programme 146 « équipement des forces » de la mission Défense).

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je vous souhaite la bienvenue dans cette commission qui est un peu la vôtre, et que vous connaissez parfaitement. Vous êtes un peu ici chez vous. Aujourd'hui nous souhaitons vous entendre sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2014 en ce qui concerne la mission Défense. Je vous donne la parole.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui pour vous présenter ma perception du projet de loi de finances 2014 pour la mission Défense, qui constitue la première annuité de Loi de programmation militaire que je vous ai déjà présentée. Je rappellerai simplement que, malgré un contexte budgétaire contraint, marqué par l'impératif de redressement des finances publiques, le Président de la République a personnellement choisi de maintenir un effort de défense significatif, afin de donner à la France les moyens de mettre en oeuvre un modèle d'armées ambitieux à l'horizon 2025.

Cela a été un exercice difficile et contraint.

Un exercice difficile, qui a visé à conjuguer souveraineté stratégique et souveraineté budgétaire, dans la situation économique d'aujourd'hui, a été demandé à la mission Défense.

Il a fallu ainsi trouver un équilibre financier sous fortes contraintes, un équilibre délicat entre le court terme et le moyen-long terme.

Avant de détailler le PLF 2014, il me semble important de présenter l'exécution 2013 puisqu'elle conditionne celle de l'année à venir.

S'agissant de l'exécution budgétaire et tout d'abord du programme 146, je dirai que :

- Les besoins de paiements, hors titre 2, sont estimés à environ 11,75 milliards d'euros ;

- Les ressources prévues sont aujourd'hui de 10,1 milliards d'euros en escomptant la levée des 754 millions de réserves et « surgels » et en incluant 1 milliard de ressources extrabudgétaires issues de la vente des fréquences.

- Le report de charge en fin d'année est donc évalué à 1,7 milliard d'euros en supposant que la réserve règlementaire soit effectivement levée ainsi que les « surgels », ce qui constituerait une légère amélioration du report de charge par rapport à fin 2012.

Ce report de charge représente environ 20% des 10 milliards d'euros de ressources annuelles, ce qui est une part significative.

Actuellement, un peu plus de 700 millions d'euros de de crédits 2013 sont encore gelés (dont 215 millions au titre du « surgel » et 536 au titre de la « réserve de précaution initiale »).

Si ces crédits ne sont pas débloqués, ou s'il faut financer les surcoûts OPEX, cela augmenterait fortement le report de charge et mènerait à des conditions d'exécution du budget 2014 qui seraient pénibles.

Comme en 2012, les intérêts moratoires sont bien maîtrisés avec un montant identifié à ce jour de 3,4 millions d'euros.

- Le niveau d'engagement à fin d'année est prévu à 10,7 milliards d'euros.

Pour ce qui concerne la part DGA du programme 144, pour les études amont commandées à l'industrie je dirais que :

- le niveau d'engagement à fin d'année est estimé à 732 M€, dont 53 M€ au profit du dispositif RAPID et pôles de compétitivité ;

- le niveau des paiements à fin d'année est estimé à 824 millions d'euros, dont 39 millions au profit du dispositif RAPID et pôles de compétitivité ;

- en termes de ressources, il est prévu 46 millions d'euros issus de la vente des fréquences ;

- dans ces hypothèses, le report de charges prévisionnel à fin 2013 est évalué à 75 millions d'euros.

Concernant la maîtrise des performances et tout d'abord la maîtrise des coûts et des délais dans la conduite des opérations d'armement, en 2012, je peux dire que l'évolution moyenne des devis à terminaison (- 0,3% pour un plafond de 1,5%) et l'évolution moyenne de délais de réalisation (+1,32 mois pour un plafond de 2 mois) des opérations d'armement ont été maîtrisées.

Sur 2013, les plafonds, inchangés par rapport à 2012, devraient aussi être tenus.

Pour ce qui est des commandes et des livraisons il faut noter :

Parmi les principales commandes de l'année :

- le lancement du programme TRANSOUM relatif aux transmissions stratégiques ;

- la commande de 34 hélicoptères NH90 TTH ;

- la commande d'un premier système de drones MALE « Reaper » ;

- la commande des équipements radios CONTACT ;

Dans la continuité de ces dernières années, les livraisons auront été nombreuses. On notera parmi les livraisons importantes de cette année :

- pour la dissuasion : la poursuite des livraisons des missiles M51 ;

- dans le domaine conventionnel :

la rénovation du 2ème Transall Gabriel ;

les premiers A400 M ;

7 hélicoptères NH90 ;

4 hélicoptères « Tigre » ;

11 RAFALE ;

83 Véhicules Blindés de Combat d'Infanterie (VBCI) ;

130 Petits Véhicules Protégés  (PVP) ;

252 roquettes pour Lance-Roquettes Unitaire (LRU) ;

72 Porteurs Polyvalents Terrestres ;

4 036 équipements FELIN ;

220 armements air sol modulaires ;

2 systèmes sol-air SAMP/T et 23 missiles ASTER.

Pour ce qui est des « urgences opérations »

Le nombre de demandes traitées en procédure d'urgence opérationnelle a de nouveau été relativement faible cette année : 13 nouvelles demandes essentiellement liées à l'opération Serval pour un peu plus de 10 millions d'euros.

Ce résultat est cohérent avec l'évolution de l'engagement des armées françaises sur les théâtres extérieurs, marqué par la fin effective ou programmée des opérations en Afghanistan et en Libye puis par le début de notre intervention au Mali.

Il confirme par ailleurs le bon niveau de maturité et de flexibilité des matériels des forces quels que soient les théâtres d'opérations.

En ce qui concerne la base industrielle et technologique de défense (BITD) je dirais que l'année 2013 a été marquée par :

- le rachat de Panhard par Renault Trucks Défense,

- la poursuite de l'opération One MBDA,

- et la restructuration des divisions d'EADS par le regroupement au sein d'Airbus Defense & Space de Cassidian, Airbus Military et Astrium.

Pour ce qui est des exportations d'armement et comme le Ministre l'a présenté en septembre à l'occasion du rapport annuel au Parlement sur les exportations, les prises de commandes des entreprises de défense à l'export s'établissent à 4,8 milliards d'euros en 2012.

Il s'agit d'un fléchissement par rapport à 2011 - 6,5 milliards - qui s'explique par une diminution du socle constitué des contrats inférieurs à 200 millions d'euros.

Nos résultats l'an passé au Moyen-Orient et en Amérique latine n'ont pas été à la hauteur de nos espérances. La France maintient malgré tout son rang dans les 5 premiers exportateurs mondiaux, mais sa part de marché diminue. On observe un renforcement de la concurrence, qu'il s'agisse des Etats-Unis, des pays européens, ou de nouveaux acteurs sur le marché international comme la Chine, la Corée du sud ou la Turquie. Même si un rebond est attendu en 2013 au Moyen-Orient, les enjeux pour la France en Inde et en Asie du sud-est sont devenus incontournables pour notre industrie. En 2012, l'Asie représente 50% de nos prises de commandes et devient, en moyenne sur les 5 dernières années, le premier débouché pour l'armement français à l'export.

L'année 2013 s'annonce sensiblement meilleure dans la mesure où elle se caractérise d'ores et déjà par l'obtention de contrats majeurs, en particulier aux Emirats Arabes Unis ou en Arabie Saoudite, et des signes encourageants qui montrent une tendance au redressement du socle des contrats d'un montant inférieur à 200 millions d'euros.

Concernant les effectifs et la masse salariale, fin 2013, la DGA rejoindra le format d'effectifs d'environ 10 100 personnes et aura réalisé les réductions d'effectifs fixées par la RGPP (soit plus de 2 600).

La masse salariale de la DGA, prévue à 757 millions d'euros sera tenue à moins de 0,7% près, dont une partie est liée à des départs moindres que prévus.

J'en viens maintenant au PLF 2014. Ce PLF est la première traduction des orientations du Livre blanc de 2013 et du projet de loi de programmation militaire 2014-2019.

Grâce à 1,5 milliard d'euros de ressources exceptionnelles, les ressources 2014 du programme 146 pour l'équipement des forces sont quasiment identiques à celles de 2013, soit 9,9 milliards d'euros.

Ces ressources permettront de maintenir le report de charge à fin 2014 au niveau atteint fin 2013.

Les besoins d'engagement, dans les orientations actuelles, sont de 9,5 milliards d'euros.

Les 1,5 milliard d'euros de ressources exceptionnelles prévues pour le P 146 pour 2014 sont d'ores et déjà identifiées : elles seront issues du plan d'investissement d'avenir au bénéfice de l'excellence technologique de l'industrie de défense. Les modalités pour leur consommation sont en cours de consolidation. Dans les grandes lignes, la quasi-totalité sera consacrée au CEA, sur des volets de développement et de recherche qui restent dans l'esprit d'investissement du PIA, et au CNES sur MUSIS dans une moindre mesure.

Concernant les études amont, sur le programme 144 :

- le PLF prévoit le maintien du niveau de crédits destinés aux études amont, qui avaient été augmentés de plus de 10% entre 2012 et 2013, traduisant la priorité donnée à la recherche & technologie (R&T).

- Le niveau de ressources de 746 millions d'euros en 2014 est stable par rapport à 2013 : 749 millions.

- Il est prévu que l'année 2014 soit marquée par le lancement de la première phase du démonstrateur franco-britannique de drone de combat, à la suite des études préparatoires lancées en 2012.

- L'ampleur de ce projet se traduira par un niveau prévisionnel d'engagements sur les études amont en 2014 de plus de 800 millions d'euros, 809 pour être précis, supérieur à celui de 2013 : 732 millions.

Ces engagements recouvrent les principales commandes suivantes :

- la réalisation du MRTT ;

- l'acquisition d'un système de drone MALE ;

- la commande du 4ème sous-marin Barracuda ;

- le lancement du programme SCORPION ;

- l'acquisition d'un avion léger de reconnaissance et de renseignement (ALSA 2R) ;

- 20 torpilles lourdes ARTEMIS.

Les livraisons quant à elles :

- renforceront les capacités d'intervention avec 11 RAFALE, 4 hélicoptères « Tigre », 77 VBCI, 4 036 nouveaux équipements FELIN, 1 frégate FREMM, 13 lance-roquettes unitaires et 60 missiles Missiles De Croisière Naval (MDCN) ;

- poursuivront la montée en puissance de la défense anti-aérienne avec 1 système SAMP/T, 17 missiles ASTER ainsi que 300 missiles Mistral rénovés.

- appuieront la maîtrise de l'information avec les satellites de télécommunication franco-italien SICRAL et ATHENA, ainsi que divers systèmes d'information et de communication,

- et renforceront les capacités de projection et de mobilité avec 4 avions de transport A400M, 115 PTT et 7 hélicoptères NH90.

Pour ce qui est des effectifs et de la masse salariale, la tension sur 2014 reste forte compte tenu de la nécessité de maintenir l'ensemble des domaines de compétences à haut niveau pour répondre aux missions, à la faible efficacité des leviers de départs (IDV) et de l'environnement interne et externe au ministère qui rend certains départs hypothétiques.

En conclusion, je dirais que le projet de LPM 2014-2019 et le PLF 2014 marquent le maintien d'un effort de défense significatif malgré un contexte budgétaire contraint.

Le PLF 2014 est la première annuité de la LPM 2014-2019 et son exécution conditionnera donc le bon début de celle-ci.

En tout état de cause, la LPM prévoit une clause de revoyure fin 2015 qui permettra de vérifier la bonne adéquation entre les prévisions et la réalisation. Elle parait d'autant plus nécessaire que la réalisation des grandes hypothèses de la LPM porte sur le court voire très court terme et conditionne l'équilibre financier de la LPM dès le début de période.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je vous remercie pour cette intervention très claire et très structurée. Je souhaite néanmoins vous poser quelques questions.

Premièrement, quel sera l'impact des décisions budgétaires combinées du PLF 2014 et de la LPM sur notre base industrielle et technologique de défense, en termes d'emplois et en termes d'activité industrielle.

Deuxièmement, comment voyez-vous la question de la consolidation de la base industrielle de défense européenne ? On en parle toujours, et jamais on ne la voit venir, en particulier dans les domaines naval et terrestre. A quoi cela-tient-il ? Faudrait-il, comme certains le disent qu'en préalable l'Etat français sorte complétement du capital des entreprises de défense ?

Troisièmement, où en sommes-nous dans la coopération franco-britannique en matière de défense. Est-ce que le groupe de travail à haut niveau continue-t-il de se réunir ? Vous êtes l'un de ceux qui ont vu naître cette coopération. Comment la voyez-vous évoluer ? Qu'en est-il en particulier dans le domaine des drones de combat et de l'aviation de combat future ?

Comment voyez-vous le marché des armements à l'export sur les pays émergents ? Est-ce que cela peut suffire à compenser les diminutions de crédits nationaux ?

Enfin, nous étions à l'assemblée générale de l'OTAN et nous avons entendu le délégué de l'ONU pour le Mali - la Minusma - qui a fait un discours très favorable aux thèses de la France et de l'Angleterre, à nos thèses, à la construction de la défense européenne. Nous avons eu dans le même temps des discours affligeants sur la Syrie. Et puis des débats extraordinaires sur l'extraction des gaz de schistes et l'approvisionnement énergétique. Nous abordons donc des questions de plus en plus éloignées du rôle premier de l'OTAN et la question se pose de la coexistence de cette organisation avec les institutions européennes. Si bien que la question que je me pose et que je vous pose est de savoir si vous-pensez que ce projet de loi de finances pour 2014 est de nature à nous permettre de jouer un rôle moteur en Europe, afin de l'emmener à consolider sa défense ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement.- Pour ce qui est tout d'abord de l'impact de la LPM, je dirais que le précédent Livre blanc surestimait l'effort financier qui pouvait être consenti pour les équipements sur la période de la future LPM, puisqu'il l'établissait à 9 milliards d'euros pour les seuls équipements classiques - hors nucléaire et autres opérations d'armement (AOA). Pour les équipements classiques, ce montant était, en moyenne par an, supérieur de plus de 3 milliards d'euros par rapport à ce qui sera alloué dans la prochaine LPM. Cependant, ce montant s'établissait en forte hausse par rapport à la période 2009 2012 et l'impact réel n'est pas été aussi destructeur que les chiffres pourraient le laisser penser.

Pour ce qui est de l'actuelle LPM, la DGA a défini neuf agrégats industriels pour lesquels nous avons cherché à préserver un niveau minimal pour les bureaux d'études et la chaîne logistique. Cette nomenclature des neuf agrégats s'est imposée dans les discussions préparant le projet de loi de programmation militaire. Elle a permis des négociations « par bloc » avec l'industrie, comme par exemple dans le cas des missiles avec MBDA avec une cohérence entre la charge du bureau d'études et les quantités de missiles commandées. Cela se traduit par un engagement réciproque très fort entre l'Etat et l'industrie, engagement qu'il conviendra d'honorer par la bonne exécution de la LPM. Le ministre en est très conscient. Les modèles de rupture qui auraient pu sacrifier un secteur ont ainsi été écartés.

Néanmoins, des ajustements sur l'outil industriel seront nécessaires et il faudra notamment redoubler d'efforts pour conquérir de nouveaux marchés à l'export afin d'assurer des plans de charge plus confortables. J'y reviendrai.

Votre deuxième question portait sur la consolidation de la Base industrielle et technologique de défense européenne (BITD-E). Cette notion est un élément clé. Elle est toutefois assez disparate puisqu'il existe d'une part des grands groupes industriels européens, comme par exemple Airbus, et d'autre part des groupes strictement nationaux. Par ailleurs, la conception entre les Etats n'est pas la même. Nous soutenons la BITD-E comme une extension du principe de la BITD inscrit dans le Livre blanc, c'est-à-dire comme contribuant à la souveraineté de l'Europe, et nous estimons qu'elle doit être conservée comme telle par tous les pays de l'Union européenne, en reconnaissant que dans un certain nombre de cas, elle doit être appréhendée à un niveau plus global. Mais avant tout, il nous faut mieux circonscrire le périmètre de la BITD-E si nous voulons y rallier nos partenaires. Sans cela, les axes de soutien efficace, en particulier les mesures de « protection », dans le respect de la règlementation européenne, seront difficiles à élaborer. Cela prend du temps car les avis sur la définition de ce périmètre sont nombreux et souvent divergents au sein de l'Union européenne.

Dans la perspective de Conseil européen de décembre 2013, la France propose de circonscrire le périmètre de la BITD-E notamment par ses constituants, en leur conférant par exemple un statut particulier, celui d'opérateur économique de défense en Europe (OEDE), visant à déterminer la valeur ajoutée que les opérateurs apportent réellement en Europe tant d'un point de vue technologique que socio-économique. Sans aller jusqu'à parler de « préférence européenne », il serait alors possible d'optimiser le plein développement et la compétitivité de la BITD-E en donnant à ces OEDE un accès prioritaire aux crédits de Défense européens. C'est d'autant plus important pour les PME/ETI. Cela ne remettrait pas en cause la possibilité de passer par une compétition hors de l'Union européenne lorsque les matériels souhaités ne sont pas disponibles en Europe ou lorsque qu'une situation monopolistique en Europe conduirait à une acquisition non économiquement intéressante.

Concernant la consolidation de cette BITD-E qui est un sujet qui concerne essentiellement les grands maîtres d'oeuvre industriels (MOI), je dirais qu'il s'agit d'un processus complexe. La plupart du temps, la consolidation se perd dans des considérations de mécano industriel plutôt que de réelle stratégie industrielle. La France postule que les consolidations supposent un accompagnement des Etats - les dépendances mutuelles - pour dégager les synergies industrielles et étatiques qui justifient les consolidations ; comme actionnaire, l'Etat essaie de favoriser de tels rapprochements.

Il faut accepter les dépendances mutuelles, mais on ne peut les avoir qu'avec des pays ayant les mêmes ambitions, comme par exemple le Royaume-Uni avec lequel nous partageons la même vision sur l'importance de la Défense et les opérations extérieures.

Je vous dirais également bien volontiers qu'il n'est de politique industrielle que de politique contractuelle. Ce sont en effet les contrats, notamment en matière de R&D, qui créent de la valeur et de la compétence. L'Etat doit être présent chez certains acteurs industriels tant que la stratégie n'est pas stable dans la durée. A l'inverse, certains groupes ont des partenariats stables notamment dans le domaine civil et la question de la nécessité de maintenir une participation forte de l'Etat dans ces sociétés peut se poser. Il faut donc donner du grain à moudre à nos industriels, sur un projet commun, et il s'agit alors souvent d'opérations bilatérales, beaucoup plus qu'européennes. C'est donc le pragmatisme qui prime et je suis partisan des avancées dites du « petit train », avec un leader pour tirer la coopération.

Les programmes et coopérations doivent venir en soutien des approches de consolidation. Mais là aussi, nous privilégions les avancées concrètes en créant des noyaux durs formés par quelques nations partageant la même ambition, même si elles ne sont que deux, trois ou quatre ; ne nous interdisons pas d'avancer à quelques-uns seulement, une fois les objectifs clairement définis.

Pour le secteur naval par exemple, la problématique actuelle est essentiellement liée au fait qu'il s'agit de développer et produire des équipements à haute valeur ajoutée mais en série très limitée.

La taille du marché à l'export favorise la demande (les clients) plutôt que l'offre (les MOI) ; on voit donc des compétitions mortifères, pour des contrats avec des niveaux de marges qui se resserrent et des transferts de technologie qui seront un jour un vrai problème.

La situation est similaire dans le domaine terrestre, même s'il s'agit plutôt de grandes séries avec des matériels de moins forte valeur unitaire, avec en supplément le fait que certains pays font l'effort de se constituer une industriel locale, qui a ensuite vocation à partir exporter...

En synthèse, il faut faire preuve de beaucoup d'adaptabilité et d'humilité.

Vous avez posé ensuite une question concernant la coopération entre le Royaume-Uni et la France en matière de Défense. Comme je le disais, nous avons pu constater, dans le cadre du traité de Lancaster House, que nous partagions avec le Royaume-Uni des ambitions de défense, des méthodologies, une approche des programmes d'armement, des objectifs techniques et de déploiement très similaires. Ainsi, nous parlons d'égal à égal, avec la possibilité de s'inscrire dans une dépendance mutuelle puisque nous partageons la même conception des choses. Je vois très régulièrement mes homologues dans le cadre du High Level Working Group (HLWG) - le groupe de travail à haut niveau - ou de rencontre ad hoc, dont la prochaine est prévue mi-décembre.

A l'heure actuelle, nous coopérons sur :

- le missile antinavire léger (ANL), qui contribue à la rationalisation industrielle des missiles des deux côtés de la Manche ;

- le système de lutte anti-mines (SLAMF) qui remplacera nos chasseurs de mines tripartites,

- les drones de combat, avec le programme FCAS DP (Future Combat Air Demonstration Programme) qui prépare le système de combat aérien futur. La négociation sur ce sujet a bien progressé, tant au niveau étatique qu'industriel puisque Dassault et BAé, Safran et Rolls Royce, Thales et Selex UK, ont tous dans leur domaine respectif atteint un consensus, basé sur la compétence industrielle. Un contrat portant sur des travaux technologiques, de design et de simulation doit être notifié en 2014 et permettra de disposer des éléments nécessaires au jalon de décision des Britanniques, prévu après leurs élections. Il ne semble pas opportun d'afficher ce sujet comme une proposition commune franco-britannique pour le futur avion de combat européen, ce qui serait le meilleur moyen de faire fuir les Britanniques. Ce projet peut s'interpréter comme une suite du démonstrateur NEURON, avec la recherche d'une optimisation d'ensemble et un élargissement de la maîtrise d'oeuvre à deux nations, puis une ouverture aux autres partenaires en fonction des savoir-faire.

Enfin, pour ce qui est de l'export vers les pays « émergents », je vais plutôt vous parler de l'Inde et du Brésil qui sont deux partenaires majeurs. Ces deux pays présentent un réel potentiel de débouchés en matière de marché d'armement : leurs ambitions stratégiques, leur croissance économique élevée les conduisent à développer leur outil de défense et parfois à repenser leurs sources d'approvisionnement historiques,

L'Asie est devenue un marché incontournable pour l'industrie de défense française, représentant 50% des prises de commandes en 2012.

- En Inde, les négociations sur le Rafale avancent positivement. Les indiens prennent soin de respecter à la lettre leur règlementation afin de rendre le dossier inattaquable au final, ce qui est sain.

- D'autres pays d'Asie comme la Malaisie ou Singapour, où on vient de remporter une compétition difficile sur les missiles sol-air, sont aussi des pays qui font un effort de Défense important.

La DGA fait également un gros effort en région, auprès des industriels de tous secteurs, pour expliquer le fonctionnement du soutien à l'exportation et les aspects règlementaires.

Le ministre s'investit également personnellement, comme par exemple récemment aux Emirats arabes unis dans le cadre d'un contrat de satellite en concurrence avec les Etats-Unis. Le succès rencontré est important puisqu'il démontre que le produit proposé est techniquement acceptable, financièrement supportable et compétitif vis-à-vis d'une offre américaine. Le principe est qu'il ne faut pas avoir peur de perdre certains prospects et qu'il faut se porter sur tous les marchés.

M. Daniel Reiner.- Les programmes d'études amont (PEA) bénéficient d'un montant significatif : 730 millions d'euros et bien plus si on compte l'agrégat « recherche militaire » - on arrive alors à près de 3 milliards d'euros. La question est de savoir comment vous répartissez ces millions ? Certains industriels nous disent qu'il faut les concentrer. D'autres nous disent qu'il faut au contraire les disperser. Comment valoriser ce montant et faire en sort qu'il n'apparaisse pas comme l'aumône faite par l'Etat aux industriels en compensation de la réduction des programmes en développement ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement. - En fait, si l'on compte les subventions à l'ONERA et à l'Institut Saint Louis, ainsi que les subventions au CNES via le programme 191, on dépasse le milliard d'euros seulement en R&T, et effectivement plus de 3 milliards d'euros en R&D. Sur les 730 millions d'euros, il y a plusieurs ensembles. Le premier est celui formé par les dispositifs RAPID et ASTRID, qui visent l'aide aux petites et moyennes entreprises de défense innovantes. Pour le reste nous avons un dispositif à granulosité variable. Nous finançons des démonstrateurs mais également les technologies de base dans les laboratoires, afin de faire émerger de nouvelles technologies qui pourront ensuite servir aux programmes. Nous payons des thèses de doctorat : 150 nouvelles thèses par an, dont une partie importante via le CNRS. Par ailleurs nous essayons de soutenir la recherche dans des secteurs qui n'ont pas été particulièrement bien traités par la LPM.

Ces financements d'études amont ont été pris en compte dans l'analyse menée dans le cadre des agrégats.

M. Daniel Reiner. - Est-ce que vous avez les moyens d'arbitrer dans la transparence ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement. - Bien sûr, si nous avions plus de moyens ce serait plus simple. Mais il faut mettre ce milliard d'euros en rapport avec les 5,7 milliards d'euros investis dans les équipements conventionnels. Ce n'est pas rien ! Même si on pourrait faire mieux.

M. Daniel Reiner. - On peut les mettre également en relation avec le milliard que consacre chaque année EADS à la recherche.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement. - Non, car c'est de la R&D, alors qu'en matière de PEA nous parlons de R&T.

M. Jean-Marie Bockel. - Y a-t-il des partenariats envisagés en matière de cyberdéfense qui est quand même un secteur qui touche à la souveraineté ? S'agissant de l'Institut Saint Louis, il semblerait que ses dirigeants nourrissaient des inquiétudes quant à l'avenir de l'Institut et que maintenant ils soient rassurés.

M. Laurent Collet-Billon.- L'Institut Saint Louis a effectivement beaucoup changé.

En matière de cyberdéfense, qui est un sujet sensible comme vous le savez, ce que je peux dire c'est que nous parlons d'égal à égal et que l'on se compare notamment avec le Royaume-Uni. Nous n'avons pas à rougir. Ce qui est important est que l'effort nous permette d'être efficaces et qu'il soit maintenu dans la durée. Ce ne sont pas des investissements matériels, mais des investissements en personnel. Aujourd'hui, nous avons beaucoup de candidats de très bon niveau et il est nécessaire de garder la dynamique et le niveau des embauches.

M. Daniel Reiner. - En matière de missiles, la LPM affiche des cibles réduites. Cela met en difficulté ce secteur industriel. Est-ce que nous avons des marges de manoeuvre ?

M. Laurent Collet-Billon.- Aucune : C'est un paquet minimal et un paquet global.

Mercredi 16 octobre 2013

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président, puis de M. Daniel Reiner, vice-président -

Loi de finances pour 2014 - Audition de Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères (programme 185 : Diplomatie culturelle et d'influence de la mission « Action extérieure de l'État » et programme 209 : Solidarité de la mission « Aide publique au développement »)

La commission auditionne Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2014 (programme 185 : Diplomatie culturelle et d'influence de la mission « Action extérieure de l'État » et programme 209 : Solidarité de la mission « Aide publique au développement »).

Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. - Je vous remercie de me donner l'occasion de venir vous présenter les deux programmes 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » et 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » dont je suis la nouvelle responsable comme Directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats depuis début septembre.

Nous concentrons nos actions autour de deux objectifs principaux :

- tout d'abord, la politique d'influence, thème retenu pour la dernière conférence des Ambassadeurs, constitue un axe prioritaire de notre action extérieure. Pour ce faire, notre diplomatie économique, en particulier vers les pays émergents, doit trouver à se conjuguer avec notre diplomatie culturelle ;

- ensuite, l'évolution de notre aide au développement selon les principes adoptés par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 31 juillet dernier afin de renforcer notre pilotage stratégique de l'aide.

La récente réforme de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) repose sur des logiques sectorielles -culture, développement, économie- qui permettent d'identifier les responsabilités et qu'il importe de croiser au quotidien pour dépasser les cloisonnements. Cette répartition des compétences devrait contribuer par ailleurs à un exercice plus rationnel de la tutelle du ministère des affaires étrangères (MAE) sur l'ensemble des opérateurs culturel, universitaire ou scolaire (l'Institut Français (IF), CAMPUSFRANCE, Canal France International (CFI), l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et du partenariat avec l'Alliance française.

Je souhaiterais tout d'abord préciser le cadre de notre diplomatie économique qui s'appuie sur tous les instruments du ministère (politique des visas, influence culturelle, bourses et stages, expertise internationale, lobbying économique et politique). Cette politique est au service des entreprises et de l'emploi, avec l'objectif de redressement du commerce extérieur et de l'attraction des investissements étrangers.

Le ministère se réorganise autour de cette priorité avec la création à Paris de la nouvelle direction des entreprises et de l'économie internationale depuis le 1er mars dernier (75 agents) et à l'étranger avec la forte mobilisation du réseau diplomatique. De nouvelles formules sont imaginées dans un esprit pragmatique et efficace avec notamment la nomination de représentants spéciaux du ministre dans des pays porteurs (Algérie, Chine, Russie, Mexique,...).

Nous devons travailler également à coordonner notre offre publique française d'expertise internationale qui est un sujet suivi notamment par le sénateur Jacques Berthou. Il s'agit pour nous autant d'être en mesure de répondre à des appels d'offre, que de placer des experts dans des pays en développement ou des pays émergents pour promouvoir nos normes.

Naturellement, la mise en oeuvre de cette politique est menée en lien étroit avec le ministère de l'économie et des finances, y compris à l'étranger où l'ambassadeur joue pleinement son rôle de coordination et d'animation des services de l'Etat.

Notre diplomatie culturelle est amenée à être réorientée. Les liens entre diplomatie d'influence et diplomatie économique sont plus que jamais affirmés et le réseau doit agir et être adapté en ce sens.

C'est dans cet esprit qu'une stratégie culturelle a été approuvée par le Ministre qui en a fait l'annonce devant les Conseillers culturels et de coopération réunis à l'occasion des « journées annuelles du réseau » les 17 et 18 juillet dernier à Lille. Ce document de synthèse reprend un certain nombre d'orientations comprises dans des stratégies sectorielles (scientifique, scolaire...) et développe des axes nouveaux à partir desquels s'ordonnera notre action d'influence.

Les stratégies culturelles ou d'influence ont vocation à se décliner localement. C'est pourquoi, en plus de lignes directrices, il convient de faire preuve de pragmatisme et de tenir compte du contexte propre à chacun des pays où nous intervenons.

Parallèlement, notre réseau culturel à l'étranger devra :

- développer une meilleure connaissance des publics pour adapter notre réponse aux attentes locales en ciblant les jeunes et les classes moyennes ;

- investir les outils innovants d'influence comme l'audiovisuel numérique et promouvoir les conceptions françaises dans le domaine culturel (mécanisme de soutien à la création, exception et diversité culturelle) ;

- porter une attention renforcée à nos industries culturelles et créatives.

Concrètement, ce soutien aux industries culturelles et créatives (ICC) se traduit, d'ores et déjà, par :

1/ des réunions, de caractère régulier, du ministre ou du secrétaire général avec les acteurs économiques, ainsi qu'au niveau des ambassades, par la mise en place d'un « conseil d'influence » (en charge de l'action culturelle, de l'éducation et de l'attractivité) ;

2/ des partenariats avec les opérateurs de promotion des ICC : Bureau Export, TVFI, Unifrance... ;

3/ l'accent mis sur les formations du réseau aux ICC (à titre d'exemple, cette semaine était organisée pour les agents du réseau une formation aux musiques actuelles) et tout spécialement celle des attachés audiovisuels (au coeur du dispositif de soutien).

Cette évolution de notre diplomatie d'influence se double d'un appui renouvelé de notre aide dans les pays en développement.

Dans le domaine de l'aide au développement, la France demeure le quatrième contributeur mondial d'APD en 2012 (12 Mds$), derrière les Etats-Unis (30 Mds$), le Royaume Uni (13 Mds$) et l'Allemagne (13 Mds€). Avec un ratio de 0,45% du RNB, la France se positionne comme 2e contributeur au sein du G7.

Entre 2012 et 2013, les prévisions actuelles prévoient une hausse de l'APD française de 550 M€, passant ainsi de 0,45% à 0,47% du RNB. Cette hausse résulterait notamment de la hausse de versements nets sur les prêts bilatéraux AFD. Dans le contexte du redressement des finances publiques, le Président de la République a indiqué l'objectif de reprendre une trajectoire ascendante vers les objectifs internationaux que nous nous sommes fixés, dès lors que nous renouerons avec la croissance.

Le Premier ministre a réuni un Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) le 31 juillet dernier qui a permis de redéfinir les principes et les priorités de notre aide. L'enjeu est notamment d'adapter les priorités et les instruments de notre aide en prenant en compte les défis de la mondialisation à commencer par la différenciation des pays en développement, la généralisation des aspirations démocratiques et la dégradation progressive de l'environnement.

Je retiendrais en particulier la redéfinition de nos priorités géographique avec la suppression de la Zone de solidarité géographique et la concentration des aides vers l'Afrique, notamment les pays les plus pauvres et les pays de la Méditerranée selon les critères suivants :

- à partir de 2014, la France concentrera la moitié de ses subventions et les deux tiers de ceux de l'AFD vers les 16 pays pauvres prioritaires ;

- les pays en crise et en sortie de crise ou en situation de fragilité bénéficieront d'une attention particulière, notamment Haïti ;

- enfin 85% de l'effort financier en faveur du développement seront dirigés vers les pays de l'Afrique subsaharienne et les pays voisins du Sud et de l'Est de la Méditerranée.

Dans ce cadre, l'Agence française de développement a vocation à intervenir dans l'ensemble des pays en développement éligibles à l'aide au sens du CAD de l'OCDE, sous réserve de l'accord de son Conseil d'administration. L'Agence est aujourd'hui à un tournant : l'enjeu est de l'aider à consolider son modèle et de lui permettre de répondre avec efficacité aux orientations stratégiques fixées par le CICID. Les décisions à prendre dans le cadre de la préparation du prochain COM pour la période 2014-2016 devront prioritairement porter sur la clarification de son mandat dans les grands émergents et les critères d'extension du champ géographique, ainsi que sur la trajectoire de croissance, en rapport avec la soutenabilité financière du modèle.

La France continuera par ailleurs à être active dans les zones en crise ou post-crise, notamment au Sahel. Lors de la conférence de Bruxelles du 15 mai, la France s'est engagée, par la voix du Président de la République, à fournir un effort bilatéral à hauteur de 280 M€ pour 2013-2014 au Mali, au-delà de son appui militaire. L'ampleur de cette aide fait de la France le 1er donateur bilatéral alors qu'avant les événements de 2012, la France était le 3e bailleur bilatéral avec des versements d'environ 50 M€. L'aide française comprend notamment 208 M€ de financements de projets portés par l'AFD et 15 M€ d'aide diverse du MAE (aide humanitaire, aide alimentaire et projets du fonds de solidarité prioritaire et du fonds social de développement).

Au Sahel, où la France compte parmi les premiers bailleurs bilatéraux, la France a apporté dès fin 2011 une réponse d'urgence en mobilisant 24 M€ d'aide alimentaire.

Au-delà de cette réponse d'urgence, plus de 140 M€ sont investis par l'AFD pour le renforcement de la sécurité alimentaire des pays sahéliens.

La France a adopté en 2008 un plan Sahel interministériel fondé sur le renforcement de la capacité des Etats du Sahel en matière de lutte contre le terrorisme et le développement des régions du Nord. A la demande de l'Elysée, le SGDSN est chargé d'établir d'ici fin 2013 une nouvelle stratégie saharo-sahélienne interministérielle, qui s'étend au pays du Maghreb. Elle comprendra un volet développement, car sans développement, la sécurité ne peut être garantie, et inversement. Cette stratégie régionale intégrée devra aider le Sahel à sortir du cycle d'aide d'urgence et assurer à moyen terme un développement plus résilient et durable. L'objectif est de présenter un rapport, sur ce sujet, au Président de la République avant la fin de l'année.

Je souhaiterais enfin insister sur les deux échéances majeures qui vont nous mobiliser en 2014 et 2015.

Nous avons déjà engagé la préparation du rendez-vous des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), lancés en 2000 et dont l'échéance arrive en 2015. La France est particulièrement mobilisée dans le domaine de la santé où ses contributions sont de l'ordre de 1 Md€ par an. Nous travaillons à présent à l'élaboration du nouvel agenda du développement après 2015, pour passer d'un agenda focalisé sur les services sociaux de base à des objectifs universels axés vers un développement durable.

En parallèle, comme vous le savez, la France accueillera en décembre 2015 au Bourget la COP 21 ou 21e conférence des parties à la conventions-cadre des Nations unies sur le changement climatique. Cette conférence vise à l'adoption d'un accord global pour limiter la hausse des températures à 2° C maximum. Le rapport du GIEC vient encore de nous rappeler l'urgence qui s'y attache. Nous sommes pleinement mobilisés avec le ministère de l'environnement pour la réussite de cette conférence et travaillons déjà très étroitement avec les présidences polonaises et péruviennes qui nous précèdent.

J'en viens aux moyens de ma direction générale qui sont inscrits au PLF 2014. Bien évidemment, la contrainte budgétaire en PLF 2014 a conduit à devoir resserrer encore un peu plus encore les arbitrages autour de nos priorités. Nous contribuons autant que les autres administrations à la réduction des déficits publics, mais avec le discernement qui doit permettre de poursuivre nos priorités.

En ce qui concerne les effectifs tout d'abord, le PLF 2014 prévoit 2 905 agents (ou ETP) dédiés au suivi des sujets de la mondialisation et inscrits sur les deux programmes 185 et 209. Nous devrons réduire nos effectifs de 76 ETP ou -2,5% en 2014.

La moitié de ces suppressions concernera les effectifs du secteur culturel et relèvera des exercices menés par l'ensemble du ministère au titre de l'évolution de ses réseaux à l'étranger, notamment la transformation de 13 petits postes en format à effectif réduit, la réduction des postes à grands réseaux ou la fermeture d'antennes culturelles. L'autre moitié des suppressions portera sur le dispositif d'experts techniques internationaux.

Au-delà de ces suppressions sèches, nous allons nous attacher à poursuivre des redéploiements d'effectifs engagés en 2013 pour un total d'environ 50 ETP d'experts techniques internationaux.

Il s'agit notamment de renforcer nos positions dans des secteurs jugés prioritaires, comme par exemple la préparation de la Cop 21 ou l'affectation d'ETI spécialisés dans l'innovation technologique.

Il s'agit également d'accentuer notre présence dans les pays émergents, et de reformater progressivement nos dispositifs dans l'UE et dans les pays développés - notamment dans le réseau scientifique - ainsi que d'établir le lien entre diplomatie d'influence et diplomatie économique.

Pour ce qui est des budgets, je crois plus simple de distinguer les deux programmes 185 et 209 pour la clarté de mon propos.

Commençons par le programme 209 qui constitue, avec le programme 110 de la DG Trésor, la Mission « Aide publique au développement ».

Ce programme comprend uniquement des dons et se répartit de manière schématique entre un tiers d'aide bilatérale, un tiers d'aide multilatérale et un tiers de contribution au Fonds européen de développement (FED). Cet équilibre varie d'une année sur l'autre, compte tenu notamment des fluctuations des appels de fonds du FED qui s'analyse comme une dépense obligatoire.

Les crédits du programme 209 s'établissent à 1 620 millions d'euros en crédits de paiements en PLF 2014 (hors masse salariale de 200 M€), soit une baisse de 129 M€ en crédits de paiements ou de près de -7% par rapport à la LFI 2013. En réalité, cette baisse recouvre principalement un important transfert de notre contribution au Fonds mondial du programme 209 vers les financements innovants, pour un montant de 83 M€. Hors cette mesure de périmètre, les crédits du programme 209 diminuent de 46 M€, soit seulement de - 2,6% en crédits de paiements.

Je soulignerais les principales évolutions des enveloppes du programme 209.

Tout d'abord, le PLF 2014 préserve nos moyens bilatéraux de coopération qui demeurent stables au sein du programme (36%) avec :

- la priorité accordée à la poursuite du doublement sur cinq ans de l'aide aux ONG sur gestion déléguée à l'AFD (passage de 45 à 90 M€ en autorisation d'engagement) et de son élargissement aux ONG humanitaires (rallonge de 1 M€ au Fonds d'urgence humanitaire géré par le Centre de crise, soit 10 M€ en 2014) ;

- la stabilisation de l'instrument bilatéral de don-projet à hauteur de 330 M€ en autorisations d'engagement (FSP, FSP Muskoka et projets AFD), ainsi que des autres enveloppes bilatérales d'aide alimentaire (37 M€), de gouvernance démocratique (19 M€ largement mis en oeuvre par les postes), d'appui à la sortie de crise (23 M€) et de coopération décentralisée (9,3 M€, stabilisés et même légèrement augmentés de 100 K€ à la suite du rapport Laignel).

La contribution française au Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme est stabilisée à hauteur de 360 M€ par an pour la période 2014-2016, soit 1,08 Md€ sur trois ans. Les perspectives actuelles de reconstitution sont de 15 Mds€ sur trois ans, ce qui semble ambitieux. La contribution britannique est susceptible de se hisser en seconde position en étant portée à 400 M€ par an, sous réserve d'une augmentation des contributions d'autres donateurs, faisant ainsi passer la France au troisième rang. Les perspectives de contributions américaine et allemande sont respectivement de l'ordre de 1 Mds€/an et 200 M€/an.

Enfin, la négociation du 11e FED conclue au printemps 2013 a permis de conforter l'engagement européen en faveur des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Le 11e FED s'élève à 30,5 Mds€ sur 6 ans, contre 22,7 Mds€ pour le 10e FED (5 ans). La clef de contribution française est ramenée à 17,81%, contre 19,55%, ce qui permet de se rapprocher vers la budgétisation.

J'en viens maintenant au programme 185 qui porte les moyens de notre diplomatie d'influence et relève de la mission « Action extérieure de l'Etat » du ministère des affaires étrangères.

Il s'articule autour de trois priorités principales, à commencer par l'enseignement français à l'étranger qui représente près des 2/3 du programme, notre politique d'attractivité et notre coopération culturelle. Le programme s'appuie essentiellement sur des opérateurs, avec l'AEFE et les deux EPIC -Institut français et CampusFrance- créés par la loi sur l'Action extérieure de juillet 2010, ainsi que sur le réseau de coopération et d'action culturelle à l'étranger, avec les Instituts français et les Alliances françaises.

La dotation du programme 185 s'élève à 645 millions d'euros en PLF 2014 (hors masse salariale de 80 M€). La réduction des crédits entre la LFI 2013 et le PLF 2014 est de 3%, soit la même proportion d'évolution que l'ensemble du budget du ministère. Les réductions sont réparties de manière équilibrée entre les instruments, y compris sur les subventions aux opérateurs qui sont désormais associés à l'effort de désendettement.

La dotation pour l'Agence de l'Enseignement français à l'étranger est ajustée compte tenu de la stabilisation du taux de contribution aux pensions civiles (alors que le budget triennal reposait sur une hypothèse de progression) et des économies à rechercher sur le fonctionnement courant. La dotation est fixée à 416 M€, en baisse de 2% (-8,5 M€). L'Agence est autorisée à recruter 100 agents supplémentaires en hors plafond pour accompagner la progression du nombre d'élèves. En parallèle, le gouvernement poursuit le recyclage des crédits de la PEC pour 8,5 M€ supplémentaires en PLF 2014, soit une enveloppe de 118,8 M€ sur le programme 151.

Le réseau scolaire à l'étranger est confronté à une concurrence internationale accrue en même temps qu'une forte augmentation de la demande d'enseignement français dans le monde. Le nombre d'enfants inscrits a augmenté de 4% à la rentrée 2013, notamment en raison de la croissance des communautés françaises expatriées. Dans ce contexte, l'Agence doit concilier ces attentes liées à un enseignement de qualité avec les besoins en personnels et en structures immobilières répondant à des normes de sécurités optimales. L'Agence doit aussi conserver ses missions de scolarisation d'enfants français et d'instrument d'influence.

La réflexion sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger menée à la demande du ministre par la ministre déléguée en charge des Français de l'étranger a abouti à la présentation, fin août, d'une communication en Conseil des ministres définissant les orientations en vue d'un développement maîtrisé du réseau d'enseignement français à l'étranger, qui seront intégrées au prochain contrat d'objectifs de l'AEFE pour 2014-2016.

Ce plan d'action fixe cinq objectifs : un pilotage politique renforcé, la préservation des deux objectifs « scolarisation des français / accueil des élèves étrangers », un développement maitrisé du réseau, la garantie de la qualité de l'enseignement et une diversification de l'offre (développement des sections bilingues francophones et promotion du Label FrancEducation.)

La deuxième priorité concerne la politique d'attractivité dont les crédits, qui avaient été sanctuarisés ces dernières années, tiennent compte de la progression des programmes de bourses co-financés par des partenariats (61 M€ sur les 186 M€ de cofinancement en 2012) et des programmes de mobilité scientifique et de formation à la recherche (53 Partenariats Hubert Curien) cofinancés à parité avec les pays partenaires (8 M€ en 2012) qui génèrent environ 4 800 mobilités entrantes et sortantes par an. Les réductions portent sur les bourses (68 M€, -3,5%) et les échanges d'expertise et scientifiques (15,6 M€,
-3%).

Ces moyens doivent nous permettre de conforter notre attractivité. Avec 290 000 étudiants internationaux en 2012-2013, la France est la 4e destination (après Etats-Unis, Royaume-Uni, Australie). Les étudiants originaires du continent africain représentent 41% des bénéficiaires. La part du continent asiatique est en progression (17% des bourses, contre 14% en 2000), de même que celle du continent américain (10% des bénéficiaires, contre 8% en 2000).

Face à une concurrence de plus en plus importante, notre stratégie consiste à :

- concentrer nos efforts de promotion de l'enseignement supérieur français en direction des pays émergents, des grands pays prescripteurs et de la zone francophone ;

- attirer les étudiants à fort potentiel qui soutiendront nos capacités de recherche et d'innovation ou deviendront demain autant de points d'appui de notre rayonnement ;

- accompagner les classes moyennes en proposant des cursus adaptés aux besoins des pays partenaires et en développant des coopérations axées sur la formation professionnelle.

Enfin, les dotations relevant de la coopération culturelle et de la promotion du français s'équilibrent de plus en plus avec les ressources propres des EAF et les co-financements. Les réductions sont réparties entre les dotations aux EAF (35,5 M€, -4%), la subvention à l'Institut français (39,5 M€, -6%) et la dotation pour la Fondation Alliance française et les associations (7 M€, -4,3%). Les Alliances continueront de bénéficier de mises à disposition de 300 agents.

Les ajustements de nos dotations impliquent que la mise en oeuvre de notre stratégie d'influence privilégie des moyens d'intervention capables de mobiliser des financements additionnels extra-budgétaires (ressources propres des Instituts français et Alliances françaises et programmes de partenariats qui donnent lieu à des cofinancements).

Les résultats en matière de ressources extra-budgétaires sont éloquents : près de 300 millions d'euros en 2012 (107 millions pour l'auto-financement et 187 millions de co-financement) qui complètent les dotations budgétaires des postes d'environ 150 M€ en 2014 (programmes 185 et 209).

L'importance de ces moyens extra-budgétaires soulève deux questions : le pilotage et la dépendance - relevée par la Cour - dans laquelle le réseau se trouve vis-à-vis de cette ressource : la recherche de financements extra-budgétaires relève de démarches locales et ne se prête donc pas à une logique de mutualisation centralisée. En tout état de cause, il ne faudrait pas non plus s'illusionner sur les marges de progression d'auto-financement et de co-financement qui ne sont pas illimitées.

Le mécénat (c'est-à-dire le co-financement) constitue une activité à temps plein. Notre réseau y est engagé et développe cette activité. Il importe, que nos Ambassadeurs s'y impliquent. C'est déjà souvent le cas. Les remontées de terrain témoignent du rôle déterminant de l'Ambassadeur et donc de l'Ambassade pour générer des recettes de ce type et mobiliser les donateurs.

L'auto-financement des EAF suppose de préserver, comme nous nous y employons, des capacités à former à bon niveau en français. Les recettes de cours de langue étant la principale ressource d'auto-financement (avec les certifications de diplômes). Ce point d'organisation et de moyens est essentiel. La diffusion du français mais aussi nos capacités d'auto-financement sont conditionnées en grande partie par la qualité de notre offre de cours de langue dans un environnement concurrentiel et donc la pertinence de la ressource humaine en charge de cette activité (directeurs de cours notamment).

C'est pourquoi, les arbitrages budgétaires rendus pour allouer les moyens au réseau répondent à un impératif : préserver l'instrument et lui permettre de fonctionner et de lever des recettes.

M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis du programme 209 - Le quotidien Le Monde évoque aujourd'hui un tournant de notre politique africaine vers l'est. Il y aurait un lobby de swahalistes au quai d'Orsay qui voudrait faire transférer une partie des moyens consacrés à l'ouest africain francophone vers l'est de l'Afrique plus anglophone. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Les moyens de la mission APD baissent de 7 % en 2014. Mais on dit que les moyens de la mission préservent les priorités fixées par le gouvernement grâce au développement de financements innovants.

L'augmentation de 10 à 15% de la part de la taxe sur les transactions financières affectée à l'aide au développement et la réévaluation de 12,7 % de la taxe de solidarité sur les billets d'avion permettent de maintenir pour les trois prochaines années la contribution de la France au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme et, en matière de lutte contre le changement climatique, de prévoir la contribution au nouveau Fonds vert pour le climat.

On perd en crédit budgétaires, mais on gage la diminution par le produit de deux taxes.

Est-ce que vous avez des garanties sur le montant des recettes de la TTF ?

Le CICID a décidé que l'Afrique subsaharienne ainsi que les pays du voisinage sud et de la Méditerranée représenteront au moins 85 % de l'effort financier de l'État en faveur du développement. Avant c'était 60 % + 20 %, donc on concentre 5% de plus mais est-ce que l'enveloppe va continuer à diminuer ? C'est cela la vraie question. Car les crédits de subventions du 209 ont diminué de 30 % depuis 2006. Donc on concentre de plus en plus une somme de plus en plus petite. On fait croire que cela augmente alors que cela baisse. C'est une question de moyens mais aussi de priorité.

Sur une aide publique au développement déclarée, estimée à près de dix milliards d'euros par an, dix millions d'euros par an pour un pays prioritaire, c'est un millième par pays, autrement dit, pour le moins, une priorité relative. La priorité africaine notamment dans les pays qui ne peuvent pas s'endetter est devenue, je les cite : « problématique ».

Le dernier bilan de la Coopération française par l'OCDE établissait que la France ne consacrait que 10% de son aide aux pays pauvres prioritaires d'Afrique francophone. Que faites-vous pour redresser cette situation ?

Vous assurez la tutelle de l'AFD, l'AFD a un problème de fonds propres. Elle ne peut plus prendre d'engagement dans des pays comme le Maroc. Va-t-on vers une solution ? Par ailleurs, l'AFD se développe, finance son développement grâce à son activité bancaire, mais ses effectifs sont plafonnés en valeur absolue alors qu'elle ne reçoit aucune subvention de fonctionnement. Avec ce système, on va finir pas faire en sorte que le développement de nouvelles activités se fasse au détriment d'autres. Êtes-vous favorable à la levée de ce plafond ?

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis du programme 209 - Vous avez évoqué l'effort français en faveur de l'aide publique au développement déclarée à l'OCDE, en indiquant qu'une grande partie de cet effort correspondait à des prêts. Des récents travaux du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE ont montré que non seulement nous avons dépassé la proportion souhaitable de prêts dans notre APD, mais une partie de ces prêts sont des prêts à des taux proches du marché. Le CAD proposerait une révision des règles de comptabilisation qui conduiraient à une réduction de plus d'un milliard de notre APD déclarée. Ces informations sont-elles exactes et que comptez-vous faire à ce sujet ?

Quelles sont les raisons qui vous ont conduite à réabonder le Fonds mondial de lutte contre le sida à hauteur de 360 millions ? C'est un formidable instrument, mais tout le monde sait que, dans cette période, il manque 200 à 500 millions dans l'aide bilatérale pour être suffisamment réactif dans des régions comme le Sahel où l'aide européenne va mettre longtemps à se mettre en oeuvre ou à Madagascar. Tout le monde aurait compris qu'on baisse. Il y a un déséquilibre, même au sein de la coopération santé, entre les trois maladies du fonds et les autres. Pourquoi ne pas laisser à l'Europe le soin d'abonder le Fonds sida ? On dit que le Fonds Sida est conforme à nos priorités, c'est vrai. Mais d'un autre côté, 200 millions d'aide projet pour l'AFD dans les 16 pays prioritaires, ce n'est pas cohérent.

La dernière revue par les pairs de l'OCDE souligne que : « Sur le terrain, dans un contexte où les crédits de coopération gérés par les SCAC diminuent fortement, la question se pose d'une rationalisation du réseau afin de diminuer les frais de structure, ainsi que le recommande la Cour des comptes.

L'intégration prochaine des SCAC dans l'Institut Français posera de toute façon la question de l'avenir des compétences développement des SCAC.

La Cour des compte juge que « la gestion des FSP par le ministère chargé des affaires étrangères s'est révélée insuffisamment rigoureuse. », aussi bien au niveau central qu'au niveau des ambassades.

N'est-il pas temps d'achever le transfert vers l'AFD de toutes les responsabilités opérationnelles, de simplifier l'organisation du réseau en mettant fin à la double compétence des SCAC et des agences de l'AFD et de réduire ainsi son coût en s'appuyant principalement sur les agences de l'AFD, sous l'autorité des ambassadeurs.

Au sujet de la mutualisation des opérateurs de promotions de l'expertise française à l'étranger, le regroupement des opérateurs, (il y en a plus d'une dizaine dont trois gros) et la mutualisation des moyens pour mettre fin à des gaspillages est sur la table depuis de trop nombreuses années. Le rapport Tenzer, celui de la Cour des comptes, datent d'il y a cinq ans. Il y a trois ans, le Parlement, sur proposition de la commission, a adopté l'article 13 de la loi sur l'action extérieure de l'État. Cet article demandait au gouvernement de formuler des propositions pour, je cite, « un renforcement de la cohérence du dispositif public de l'expertise technique internationale ». Depuis nous avons eu le rapport Maugüé, le rapport de notre collègue Berthou. Les parlementaires ont le sentiment qu'il convient maintenant d'agir. On attend avec impatiences des propositions vers une « une unicité et une lisibilité du dispositif, des regroupements et rapprochements pertinents ». Ce sont les termes du mandat qui a été donné par le Premier ministre. Est-ce que ce dossier avance ? Il y aura un débat au Parlement dès janvier 2014 sur la loi d'orientation et de programmation relative à l'aide au développement. L'expertise fera naturellement partie des sujets discutés.

On parle de la fusion des agendas entre les objectifs du millénaire pour le développement (les OMD) et ceux de la préservation du climat, c'est l'enjeu de l'agenda post 2015. Pouvez-vous nous décrire très concrètement ce que cela signifie au quotidien pour notre coopération ?

Face au drame de Lampedusa, nous devons réfléchir aux interactions entre les phénomènes migratoires et le développement. Où en est la stratégie de votre direction en matière de développement solidaire ?

Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. - Je ne peux pas vous répondre sur l'ensemble de la politique africaine qui dépasse la compétence de la direction générale. En revanche je puis vous indiquer que le CICID a confirmé la volonté du gouvernement de concentrer les subventions consacrées à des projets de développement dans 16 pays pauvres prioritaires qui se situent essentiellement en Afrique de l'Ouest et dans la zone sahélienne.

Alimenter le financement de la politique d'aide au développement par des financements innovants nous permet de maintenir notre effort mais comporte, il est vrai, une part de risque liée à l'évolution des taxes. C'est pourquoi nous avons une attitude particulièrement prudente qui nous conduit à relever le pourcentage des recettes qui sont consacrées à la coopération, aussi bien au niveau de la taxe sur les billets d'avion qui sera relevée pour abonder le fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, que la taxe sur les transactions financières. Vous avez raison de souligner que l'augmentation du taux de concentration de l'effort financier de l'Etat en faveur du développement dans la zone Méditerranée et Afrique sub-saharienne est relative. On passe en effet de 80 à 85 % et il s'agit d'une proportion sur une enveloppe que nous essayons de sanctuariser.

S'agissant des fonds propres de l'AFD, les discussions sont en cours avec la direction générale du Trésor et la direction du budget. Il convient de conforter le modèle économique de l'AFD. Cela sera un des sujets centraux du prochain contrat d'objectifs et de moyens qui sera très prochainement discuté.

M. Jean-Claude Peyronnet. - Il conviendra de consulter les parlementaires sur ce contrat d'objectifs et de moyens.

Mme Anne-Marie Descôtes - Non seulement les parlementaires membres du conseil d'administration seront consultés mais le contrat d'objectifs et de moyens sera soumis pour avis aux commissions compétentes.

S'agissant de la mesure de l'APD, nous travaillons avec le CAD sur la définition technique des prêts éligibles. C'est un sujet que nous suivons avec attention.

En ce qui concerne la reconduction de la contribution française au fonds de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, c'est une décision du Président de la République qui s'inscrit dans la tradition française de forte implication dans le domaine de la santé publique, en général, et de la lutte contre ces trois maladies, en particulier.

Vous avez soulevé la question du réseau et des compétences respectives des agences de l'AFD et des services de coopération et d'action culturelle. Depuis la réforme de 1998 et des transferts de compétences, il y a une répartition des rôles entre ces deux services, qui peut faire l'objet de discussions, mais qui sont aujourd'hui très complémentaires.

La convergence des agendas des objectifs du millénaire pour le développement et des objectifs du développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique est un thème majeur de l'année 2015 sur lequel l'ensemble de mes équipes est mobilisé.

S'agissant du drame de Lampedusa, vous avez raison de dire qu'il y a des interactions très fortes entre les problématiques migratoires et les problématiques de développement. C'est un thème de discussion aussi bien au niveau des Nations unies qu'au niveau européen.

M. Jean Besson, rapporteur pour avis du programme 185. - Le MAE affiche de grandes ambitions en matière de diplomatie économique. Autant en matière de diplomatie culturelle, il dispose d'opérateurs sous tutelle (Instituts français, Campus France, établissements à autonomie financière...), autant en matière de diplomatie économique il en est dépourvu, les opérateurs (Ubifrance, Coface, AFII, AFD, missions économiques) sont placés dans la mouvance du ministère de l'économie et des finances. Comment travaille votre direction ? La structure mise en place pour piloter la diplomatie économique n'est-elle pas redondante avec celles du ministère du commerce extérieur et la direction du Trésor ? Dans quelles actions du programme 185 trouve-t-on les crédits correspondants à cette priorité ?

Quand aurons-nous communication du 3e rapport sur l'expérimentation du rattachement direct de 12 EAF à l'Institut français ? Ce rapport qui doit être en cours de rédaction. Contiendra-t-il les compléments que nous avions demandés expressément au Secrétaire général du MAE lors de son audition en juillet dernier ?

M. René Beaumont, rapporteur pour avis du programme 185. - Quels sont les enseignements et décisions issues de la consultation sur les objectifs, les priorités et le modèle économique du dispositif d'enseignement français à l'étranger conduite par Mme Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger ?

La négociation d'une nouvelle convention avec la Fondation Alliances Françaises est annoncée. Quel bilan tirez-vous la mise en oeuvre de la précédente convention ? L'Etat estime-t-il avoir tenu ses engagements à l'égard de la Fondation et du réseau des Alliances françaises ? Quelles évolutions l'Etat souhaite-t-il voir mettre en oeuvre grâce à la nouvelle convention ?

Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. - La diplomatie économique est en effet une priorité. Il y a désormais une direction dédiée au sein du ministère avec 75 agents qui travaillent sous la direction de Jacques Maire. Cela marque la volonté du ministère de soutenir de façon proactive les entreprises. Pour autant, ce n'est pas nouveau et beaucoup d'ambassadeurs ont eu l'occasion de travailler notamment avec les grandes entreprises publiques. Aujourd'hui, il s'agit de soutenir toutes les entreprises car le contexte a changé. Les grandes entreprises continuent à être soutenues. Nous venons récemment de nous réjouir du succès d'Airbus au Japon. Dans certains cas, les entreprises peuvent agir seules, mais dans un certain nombre de pays, où la parole officielle doit être portée, c'est souvent indispensable. C'est une des raisons pour lesquelles le ministre, M. Laurent Fabius, a nommé des personnalités comme représentants spéciaux pour tel ou tel pays.

Le Ministère des affaires étrangères n'a pas créé de nouveaux opérateurs à côté de ceux qui dépendent du ministère des finances, il ne duplique rien et il s'appuie sur l'ensemble du réseau et sur le terrain l'ambassadeur a autorité sur les différents services et il travaille étroitement avec Ubifrance, les missions économiques, les chambres de commerce...

En fait, il s'agit de mettre l'ensemble des services de la direction générale au service de la diplomatie économique, bien sûr pour soutenir à l'étranger nos industries culturelles et de la communication, mais plus largement pour articuler diplomatie culturelle et diplomatie économique. Historiquement, grâce à son action dans le domaine de l'enseignement, de l'accueil d'étudiants étrangers, de l'action culturelle, la recherche, la France a constitué de multiples réseaux que nous utilisons de façon insuffisante. Elle a consenti des investissements considérables. Il s'agit de faire de ceux qui ont bénéficié de ces actions des relais d'influence et de mettre cet ensemble de réseaux en relation. Il y a une action à mener et nos opérateurs à l'exportation en ont besoin.

Nous essayons de travailler en bonne intelligence avec les services du ministère des finances. Nos actions sont complémentaires.

M. Jeanny Lorgeoux. - La multiplicité des acteurs fait-elle une politique unique ?

Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. -Chacun doit rester sur son créneau. Nous n'avons pas les moyens de nous substituer à des opérateurs comme Ubifrance ou l'AFII. Lorsqu'un ambassadeur va soutenir le dossier d'une entreprise, il le fait en consultant ces acteurs qui sont ses interlocuteurs réguliers en matière économique.

Nous travaillons aussi beaucoup avec l'AFII pour rechercher des investisseurs étrangers susceptibles de venir investir en France.

Notre rôle est aussi d'accompagner des PME et les collectivités locales qui sont très impliquées pour soutenir les entreprises de leur bassin d'emplois. Nous sommes en mesure de leur fournir de l'information et si elles le souhaitent de soutenir leur démarche. C'est le rôle des ambassadeurs en région.

M. Jeanny Lorgeoux. - Je ressens beaucoup de compétences, plutôt des juxtapositions d'efforts, mais je suis partisan d'une diplomatie économique qui ait du souffle. Je ne le sens pas suffisamment pour le moment. Sans doute faut-il du temps...

Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. - Je pense qu'il faut qu'il y ait une unicité. Sur le terrain, c'est le rôle des ambassadeurs. Il faut les reconnaître dans ce rôle-là. Il y a une volonté politique extrêmement forte. C'est une préoccupation partagée par l'ensemble des ministres, nous essayons à l'étranger de la coordonner.

J'en viens à l'Institut Français.

M. Jean Besson. - Qui connaît une baisse de 6% de sa dotation !

Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. - L'Institut Français connaît, il est vrai, une baisse des crédits. S'agissant de l'expérimentation du rattachement de 12 établissements à autonomie financière à l'Institut Français, le 3e rapport est en effet prévu pour la fin du mois d'octobre, mais il est possible que nous attendions la sortie du rapport que prépare la Cour des comptes sur le réseau culturel pour pouvoir tenir compte de ses observations. Le projet de rapport contient des éléments assez clairs sur le coût d'une généralisation et je pense que cela pèsera sur la décision finale.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée, a conduit une grande consultation sur l'enseignement français à l'étranger. Le constat est globalement positif. Dans un environnement concurrentiel, le service est compétitif et attractif.

C'est à la fois une chance et une difficulté pour l'Etat qui souhaite accompagner les familles d'expatriés et en faire un instrument du rayonnement culturel en y accueillant des étrangers. Pour répondre à ces objectifs, il faut en maintenir la qualité, ce qui implique des moyens budgétaires, ou par autofinancement, mais surtout des moyens en personnels enseignants. Il convient également de mener un exercice de rationalisation et de redéploiement des moyens afin d'accompagner le développement de la demande dans les grands pays émergents notamment en Asie, sans délaisser les autres pays où nous étions très présents. Cela veut dire également, qu'à partir de l'AEFE, il faudra réfléchir à des solutions complémentaires, je pense naturellement au réseau FLAM (français langue maternelle) pour élèves scolarisés dans le système local et à la labélisation des établissements étrangers qui mettent en place des filières bilingue en français.

La convention triennale avec la Fondation des Alliances Françaises arrive à son terme. Nous allons conclure une nouvelle convention pour la période 2014-2016 pour assurer la poursuite du soutien du gouvernement dans un contexte budgétaire plus contraint. Malgré un léger fléchissement, les moyens sont maintenus puisque l'Etat apporte 7 millions d'euros de dotation aux 400 alliances françaises à travers la Fondation ou par des subventions des postes aux alliances locales. Il met également à disposition des alliances conventionnées 300 agents qu'il rémunère, soit au total 40 millions d'euros. Les alliances restent pleinement intégrées dans le réseau culturel.

M. Daniel Reiner. - On n'a pas entendu parler des frais de scolarité. Est-ce encore un sujet ?

Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. - Le sujet est moins présent. Nous avons changé de dispositif en 2013 avec la suppression de la prise en charge de la gratuité de la scolarité au lycée. C'est un enseignement de qualité, qui a un coût, qui est largement subventionné. En général les familles en ont conscience et sont très impliquées dans les établissements. Elles contribuent volontiers aux investissements immobiliers, pédagogiques ou innovants des établissements.

M. Jeanny Lorgeoux. - L'Afrique comptera en 2050 2 milliards d'habitants, hypothèse basse. Dans la meilleure des hypothèses les francophones pourraient être 750 millions mais chaque jour la place de la langue française, même créolisée, s'érode. Sans volontarisme pour le maintien de son enseignement dans les pays d'Afrique, ils risquent d'être beaucoup moins nombreux. Il y a là un vaste sujet. Il ne faut pas se priver d'une politique ambitieuse. Partagez-vous cet avis ?

Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. - Le constat et les hypothèses sont connus. Le besoin est certain. Il y a une forte concurrence d'autres modèles éducatifs. C'est dans l'aide à apporter aux pays à mettre en place ou de rénover leur système éducatif que cela se joue. Cela va au-delà de la seule mission de l'AEFE.

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée à la francophonie, a lancé une initiative, 100 000 professeurs pour l'Afrique, qui sera financé par un fonds de solidarité prioritaire (FSP) dans le cadre de la stratégie de l'enseignement du français qu'elle a présenté. Cette mobilisation existe. Dans certains pays, comme le Maroc, est mené un travail spécifique avec les autorités marocaines pour reconstruire un système éducatif de qualité. Nous avons également des projets au Sénégal et en Côte d'Ivoire pour reconstruire et transformer le Lycée Jean Mermoz en lycée franco-ivoirien. Le réseau de l'AEFE est un levier à travers la labélisation. Nous sommes conscients de l'enjeu. Le problème est de trouver les moyens financiers et de mobiliser de nouveaux moyens notamment peut-être par l'enseignement numérique.

M. Jean-Pierre Cantegrit. - Je reviens sur le coût de l'enseignement français à l'étranger. Il est vrai que l'introduction de la scolarité gratuite au lycée avait suscité des réserves. Le transfert sous forme de bourses a aidé les plus défavorisés. Quelle est l'implication du ministère de l'éducation nationale dans le système ?

Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. - La question est d'actualité en effet. La consultation engagée par Mme Hélène Conway-Mouret a abordé cet aspect. La question de la double tutelle ne se pose pas, mais il est nécessaire que le ministère de l'éducation nationale (MEN) s'implique au plus haut niveau, ne serait-ce que parce que 98% des personnels de l'AEFE sont issus du MEN. La relation est donc extrêmement forte et quotidienne entre les services. Dans la contrainte, pour répondre à la demande qui s'exprime, il faudrait être capable de mettre plus d'enseignants titulaires devant les élèves mais cela suppose un engagement stratégique du ministre de l'éducation nationale, pour répartir les effectifs entre les besoins en France et à l'étranger. C'est lui qui autorise les détachements (actuellement 6 500). Il est donc important qu'il puisse faire connaître ses orientations sur la promotion du modèle éducatif français à l'étranger et sa participation à la diplomatie d'influence. Il y aura des réunions ministérielles sur ce sujet. Ce sera l'occasion de donner ces orientations.

Loi de finances pour 2014 - Audition de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

La commission auditionne M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2014.

M. Jean-Louis Carrère. - Monsieur le ministre des affaires étrangères, chers collègues, c'est avec un grand plaisir que nous vous retrouvons, cher Laurent Fabius, un mois après une audition à huis clos sur la situation syrienne, qui fut tout à fait passionnante.

Compte tenu de l'état du monde, et je pense notamment à la situation en République centrafricaine, d'où vous revenez, et dont vous nous direz peut être un mot, il nous sera difficile aujourd'hui de cantonner nos questions aux seuls enjeux budgétaires.

C'est pourtant ce que nous tenterons de faire, tant il est vrai que les moyens d'action dévolus au Quai d'Orsay sont la condition nécessaire -mais pas suffisante- pour maintenir le rayonnement de notre diplomatie, sa capacité à orienter le cours des choses, bref la puissance d'influence de notre pays.

Les questions ne manquent pas, qu'il s'agisse du dimensionnement du réseau diplomatique et consulaire, de la sécurité diplomatique ou de l'adaptation de notre outil à l'émergence de nouvelles puissances.

Avant de céder la parole aux rapporteurs budgétaires pour leurs questions, c'est à vous, Monsieur le ministre, pour la présentation de votre budget.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - Monsieur le Président, mesdames et messieurs les sénateurs, le budget de la mission « Action extérieure de l'Etat » s'inscrit dans les orientations que je vous avais présentées l'année passée, dans un contexte où la dépense publique doit être contenue. C'est un budget que j'ai souhaité efficace et économe.

Économe, car le budget de la mission « Action extérieure de l'État » s'élève à 2 952,3M€, y compris la masse salariale, en diminution de 0,7% par rapport à 2013. Il diminue de 2,1% hors masse salariale. Le plafond d'emplois s'élève à 14 505 emplois équivalent temps plein, en diminution de 196 ETP. Ce chiffre inclut la création de 28 ETP dans le secteur des visas. Il prend aussi en compte le redéploiement vers nos géographies prioritaires d'une centaine d'emplois en 2014 et de 300 sur l'ensemble du triennum. J'y reviendrai.

Efficace, car les économies proposées sont cohérentes avec les objectifs que j'ai fixés au ministère des affaires étrangères : diplomatie économique pour participer au redressement économique de la France, un service public efficace, puissance d'influence, nous renforcer dans les pays d'avenir.

Pour mettre en oeuvre ces priorités  nous adaptons le réseau, je devrais dire les réseaux du ministère. Il n'est pas question de revenir sur son universalité, qui est un atout de notre diplomatie.

Le nouveau dispositif permet en revanche d'être davantage présent là où nos intérêts l'exigent, d'assurer nos missions essentielles et de proposer des économies, qui produiront encore leurs effets dans les années à venir.

Le réseau se redéploie vers nos géographies prioritaires, les pays émergents et les pays en sortie de crise, à hauteur de 300 agents sur trois ans, principalement à partir des effectifs d'Europe et d'Amérique du Nord. Il y aura ainsi par exemple des créations d'emplois en Chine, en Inde, en Afrique du Sud, en Indonésie, également au Mali (+4) et en Birmanie.

Le réseau se renforce sur ses missions prioritaires. Un examen a été fait pays par pays et a conduit à établir une liste de treize pays où les postes seront très allégés et travailleront sur deux à trois missions exclusivement. En 2014, cela concernera la Jamaïque, le Népal, la Papouasie Nouvelle guinée, le Libéria, la Kirghizistan, la Guinée Bissao, le Honduras et le Cap Vert. En 2015, s'y ajouteront Brunei, l'Erythrée, le Tadjikistan, Trinité et Tobago et la Zambie, d'autres peut être. Tous ces pays conserveront les missions de représentation politique et diplomatique, de protection consulaire et de suivi et d'accompagnement de l'action économique ou commerciale de nos entreprises.

Autre évolution du dispositif, les missions assurées par quatre antennes diplomatiques seront rapatriées vers les capitales de rattachement : en 2013, nous l'avons fait au Malawi. En 2014, ce seront la Sierra Leone et la Gambie. Et en 2015, Sao Tomé. Il n'y avait pas d'ambassadeur physiquement présent dans ces pays. Nous avions des ambassadeurs accrédités. Nous les gardons.

A côté des évolutions liées à la réorganisation du réseau diplomatique, le réseau consulaire se réoriente pour accompagner les populations expatriées qui en ont le plus besoin. Certains réseaux s'adapteront. C'est le cas au Canada. Des agences consulaires seront ouvertes à Edmonton, capitale de l'Alberta, et à Calgary. C'est également le cas en Europe où nous rationalisons nos implantations sans fermer de consulat général mais en mettant fin au cloisonnement entre les diplomaties (politique, économique, culturelle, scientifique). Des consulats dits « à gestion simplifiée » verront leurs missions recentrées sur la diplomatie d'influence et adossés aux structures publiques ou associatives les plus pertinentes, afin de décloisonner les missions. Notre consulat à Hambourg a déjà adopté ce profil ; Stuttgart, Düsseldorf et Naples devraient suivre.

Il faut également achever la réforme du réseau culturel. La fusion de nos services de coopération et d'action culturelle avec les établissements à autonomie financière (EAF) est arrivée à son terme. Nous devons maintenant envisager l'évolution du dispositif des antennes et instituts, notamment ceux durablement déficitaires. Je compte pour cela suivre la même méthode que pour les réseaux diplomatiques et consulaires : sur la base de propositions des services, engager le dialogue avec les organisations syndicales. Ce dialogue a lieu actuellement.

En ce qui concerne la sécurité de nos implantations et la rationalisation immobilière, ces choix structurels opérés et qu'il faudra poursuivre permettent de redistribuer des moyens aux postes et, également, de mener à bien le plan de sécurisation de nos implantations auquel 20M€ seront consacrés en 2014, 40 M€ sur trois ans.

Quelques exemples : 3,3 M€ sont programmés à Tripoli pour un budget de construction global de 15 M€ environ ; 3 M€ sont inscrits pour le relogement et la sécurisation des déplacements des agents. Je rappelle qu'en 2007, 6 ambassadeurs bénéficiaient de protection. Ils sont 20 aujourd'hui. Les préoccupations sécuritaires s'accumulent : Sanaa, Le Caire, Tunis et les capitales de la zone sahélienne. La donne évolue, après l'attentat de Nairobi. Il faut sans cesse s'adapter à l'évolution de la menace.

La moitié de ces crédits est gagée par des ventes d'immeubles (22M€) car la poursuite de la rationalisation de nos implantations immobilières le permet et que la sécurité de nos bâtiments, de nos personnels et de la communauté française est une priorité. La problématique immobilière se posera à terme. Certains d'entre vous le soulignent, il sera difficile de poursuivre indéfiniment le financement des travaux d'entretien lourd de notre parc immobilier par la vente d'immeubles. Mais il reste encore des marges de manoeuvre.

À New York, la vente de la résidence de notre ambassadeur auprès de l'ONU sera lancée dans les prochains mois. En Malaisie, nous cèderons une parcelle de terrain.

Pour ce qui est de l'appui aux Français de l'étranger, l'appui à nos communautés expatriées demeure une priorité de notre action. Nous maintenons l'aide sociale pour les Français défavorisés.

La réforme des bourses a été mise en place à la rentrée. Vous en avez eu les premiers résultats. Ils seront s complétés par les résultats de la prochaine Commission nationale des bourses en décembre. Le nouveau modèle proposé, plus juste et plus équitable, a, je crois, rencontré une large adhésion, même si, comme toujours lorsqu'on change de système, il faut un temps d'adaptation. Il faut souligner le travail effectué par les commissions locales des bourses et je souhaite les en remercier. C'est leur connaissance des populations françaises qui permet d'adapter un mécanisme aux réalités locales. La redistribution a été réelle. 10% des familles bénéficiaires de bourses le sont pour la première fois cette année. Il y aura des adaptations marginales : la prise en compte des familles monoparentales notamment. Nous retravaillerons ensemble à ces améliorations.

La diplomatie culturelle et d'influence n'est pas séparée du reste de notre action. Elle s'y insère et en est complémentaire. Cela vaut notamment pour la diplomatie économique, qui bénéficie de notre rayonnement culturel.

Le réseau culturel est très dynamique. Cela lui permet de s'autofinancer à plus de 60% et de lever plus de 180 M€ de cofinancements. Ce réseau est atout majeur pour l'influence de la France et l'attractivité de notre culture et de notre langue.

Nous consacrons 68M€ aux boursiers du gouvernement français, quel que soit l'instrument : les BGF, bien sûr, mais aussi les bourses Eiffel, les bourses Major, les bourses cofinancées, la contribution que nous versons à l'Université franco-allemande...

S'y ajoutent 60M€ de programmes de bourses financés par les Etats tiers, ce qu'on appelle les boursiers des gouvernements étrangers.

Notre action doit être efficace et non ponctuelle voire anecdotique. Pour cela, il faut assurer un suivi de ces étudiants, qui étudient parfois dans le système éducatif français depuis leur plus jeune âge, grâce au réseau de l'AEFE. Je tiens à ce qu'il conserve son ouverture sur les étrangers ; en particulier j'ai demandé à nos ambassadeurs de s'investir pour faire vivre les réseaux d'anciens élèves, en liaison avec l'AEFE. C'est là aussi inscrire notre action dans le long terme.

Voilà, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, comment ce budget accompagne les priorités de notre action extérieure.

Je suis à présent à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. Jean-Claude Peyronnet. - Pouvez-vous nous indiquer, compte tenu de l'actualité, quelles seront les orientations de la France en Afrique dans les années à venir ?

Sur le plan budgétaire, une partie du produit des cessions immobilières ne reviendra pas au Quai d'Orsay mais ira au budget général de l'État ; les ressources disponibles seront diminuées d'autant. Quelles seront en conséquence vos priorités géographiques ?

Plus globalement, nous souhaiterions naturellement vous entendre sur l'Iran, la République Centrafricaine ou le Nord Mali.

M. Christian Cambon. - Le concept d'ambassade « low cost » nous laisse un peu sceptiques ; de même que nous attristent les réceptions du 14 juillet financées par des entreprises privées... Sans doute cela est-il inévitable... Ne pourrait-on pas parallèlement envisager des partages d'ambassades au niveau européen ?

L'accroissement annoncé des crédits pour le développement au Mali nous pousse aussi à relancer aussi la réflexion sur l'évaluation : nous avons par le passé déversé des sommes importantes sur ce pays, sans résultat tangible. Nous aurions besoin en réalité d'une véritable « conférence de méthodologie » pour que l'aide soit dépensée à meilleur escient.

20 000 personnes ont péri en tentant de rejoindre Lampedusa : quelle action concertée, de développement solidaire, allons-nous pouvoir enfin mettre en oeuvre ?

Nous nous entretiendrons la semaine prochaine avec de hauts responsables de l'ONU, quelle explication pourrons-nous donner aux évolutions parfois difficilement compréhensibles de nos contributions, qu'il s'agisse du PNUD ou du fonds SIDA...

M. Robert del Picchia. - La réforme des bourses pour la scolarité des Français de l'étranger a posé des problèmes aux familles monoparentales. Je m'interroge en plus, au vu des premières remontées des consulats, sur la méthode, en deux temps, retenue pour déterminer les enveloppes, avec à mon sens une sous-estimation, dans un premier temps, des montants nécessaires. De nombreuses familles qui se sont vues refuser une bourse vont redéposer une demande pour la deuxième réunion des commissions locales des bourses.

Le consulat de Calgary avait été créé pour des raisons économiques, aujourd'hui l'intérêt n'est plus le même. Quels autres consulats seront concernés, et quels consulats généraux dans les capitales ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - Un article du journal « Le Monde » affirme que nous allons abandonner l'Afrique francophone pour nous concentrer sur l'Afrique anglophone. Telle n'est pas notre intention : nous devons être partout en Afrique, qu'elle soit francophone, anglophone ou lusophone - je me rends prochainement en Angola-. La francophonie, qui comptera demain 750 millions de locuteurs, est un point d'entrée irremplaçable, mais la France ne peut se désintéresser de grands pays comme le Nigéria ou l'Afrique du Sud. J'observe d'ailleurs que notre intervention au Mali a été bien perçue par ces pays ; la France est écoutée et son expertise respectée sur les enjeux africains.

En effet, une partie du produit des cessions immobilières du réseau diplomatique à l'étranger sera affectée au désendettement de l'État. Sur les 52 millions d'euros de cessions prévus sur le triennum, 30 seront affectés à l'amélioration de la sécurité diplomatique, soit 10 millions d'euros par an. Notre plan de sécurisation inclut nos postes à : Nouakchott, Dakar, Beyrouth, Ndjamena, Brazzaville, Alger, Téhéran, Djakarta, Bamako, Tallin, Tunis et Bangui. Les 10 millions d'euros iront en priorité à la sécurisation des postes dans la bande sahélienne.

Nous avons des projets d'implantation commune avec l'Allemagne, notamment au Bangladesh, en Corée, au Koweït, où nous avons deux parcelles contiguës, ou encore à Rio où nous partageons les mêmes locaux de la Maison de France. Je pense que notre réflexion devrait aussi englober les représentations du Service européen d'action extérieure.

S'agissant de l'aide au Mali, je souscris pleinement aux propos de M. Cambon et je sais que la traçabilité et l'évaluation des aides sont des préoccupations fortes tant de mon collègue en charge du développement Pascal CANFIN que de l'ambassadeur au Mali Gilles HUBERSON. Nous avons besoin d'une méthode qui rompe avec les pratiques passées.

M. Jean Besson. - La diplomatie économique française obtient des résultats et nous nous en réjouissons. La vente d'Airbus au japon en est un exemple. Vous avez mis en place une direction au quai d'Orsay dans ce but, mais il existe également dans la sphère du ministre de l'économie et des finances, une ministre du commerce extérieur et des opérateurs centraux et locaux (Ubifrance, AFII...). Comment vous organisez-vous ?

L'Institut français va connaître une nouvelle baisse de son budget (- 6%). Un nouveau contrat d'objectifs et de performances va être préparé. Dans le projet annuel de performances, il est écrit que « les objectifs de l'Institut français vont être recentrés ». Quelles orientations allez-vous donner à cet opérateur de la diplomatie culturelle ?

Je reviens de Mongolie. C'est pays au potentiel intéressant. Nous avons sur place une équipe resserrée mais qui m'a paru efficace. Je souhaitais vous en faire part.

M. André Trillard. - Dans certains postes diplomatiques, et parfois dans des pays où notre représentation est peu nombreuse - j'ai en tête l'exemple du Kosovo - la résidence de l'ambassadeur est séparée de l'ambassade. Ne serait-il pas utile de les regrouper, éventuellement de mutualiser avec les Allemands ne serait-ce que pour des raisons de sécurité ?

La mutualisation des charges de fonctionnement est souhaitée et vous avez raison. Dans certaines grandes villes européennes, la France dispose de plusieurs établissements. Je ne parle pas que des locaux diplomatiques, mais aussi de ceux dépendant d'autres ministères comme la Villa Médicis à Rome ou la Casa Velázquez à Madrid. A-t-on envisagé une gestion commune de ces différents établissements ? Vous ont-ils spontanément proposé de gérer le fonctionnement en commun ?

Dans certaines de nos représentations anciennes, les immeubles souffrent de problèmes d'accessibilité du public. A-t-on un petit budget dédié à la mise aux normes de ces immeubles, sachant que cela peut représenter des coûts de travaux importants ?

L'immeuble du Consulat à Hong-Kong a-t-il été cédé ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - Oui et il a été vendu pour un montant important, 52 millions d'euros.

M. André Trillard. - Je suis parfois surpris de voir que dans des villes où nous avons plusieurs postes diplomatiques - parfois d'ailleurs avec des effectifs peu importants, les gens s'ignorent. Vous avez entrepris des rattachements de postes dans les mêmes villes, lorsqu'il y a plusieurs ambassades. De quelles villes s'agit-il ?

M. Jeanny Lorgeoux. - Vous revenez de République Centrafricaine. La situation est catastrophique. Comment appréhendez-vous la mise en oeuvre d'un processus politique dans un Etat qui n'existe pas ? Comment faire émerger de nouveaux dirigeants fiables et compétents ? Et comment obtenir des instances internationales capacité à intervenir et arrêter cette tragédie ? Je constate que les crédits destinés à la coopération de défense baissent de 4% au moment où nous devons aider se structurer une architecture africaine d'armée.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - La diplomatie économique n'est pas l'apanage du ministère des affaires étrangères. Le ministère du commerce extérieur et celui des finances s'y emploient également. Je n'ai pas voulu me lancer dans un meccano institutionnel. Je suis parti des faits. Juridiquement et pratiquement, l'ambassadeur de France est le représentant de la France à l'étranger et a autorité sur tous les services. C'est lui le patron. C'est à lui d'organiser pour que cela fonctionne dans le même sens et en général cela fonctionne bien. Des difficultés administratives peuvent survenir, mais on arrive à les surmonter. On a créé des mécanismes qui contribuent à la circulation de l'information comme les conseils ou comités économiques qui regroupent les administrations en charge des affaires économiques l'ensemble des acteurs spécialisés, les représentants des entreprises, les conseillers du commerce extérieur. Au niveau ministériel, j'ai créé une direction des entreprises, avec Jacques Maire, un diplomate qui a travaillé pendant de longues années en entreprise, qui dépend de la direction générale de la mondialisation. J'ai nommé des représentants spéciaux pour certains pays, qui sont susceptibles par leur réputation et leur compétence de faciliter les relations économiques dont certains de vos collègues Jean-Pierre Raffarin pour l'Algérie, Jean-Pierre Chevènement pour la Russie. Ce sont de structures légères, on trouvera le mouvement en marchant. Ce concept satisfait les entreprises comme les diplomates. Cette optique plus économique, va sans doute nous amener dans l'avenir à faire évoluer le recrutement du ministère des affaires étrangères. Il faut qu'il y ait un va et vient entre les entreprises et la diplomatie.

L'Institut Français fonctionne bien, il assure des prestations de qualité pour l'ensemble du réseau culturel. S'agissant des résultats de l'expérimentation du rattachement direct des établissements à autonomie financière, nous allons avoir une décision à prendre rapidement. Je constate que la généralisation aura un coût important et qu'il y a nécessité de conforter l'ambassadeur en lui laissant l'autorité sur les services.

La Mongolie est un pays intéressant dans lequel je vais me rendre prochainement. Il a un taux de croissance élevé. C'est une démocratie. La peine de mort y est abolie. Il suscite l'intérêt des entreprises françaises. Nous allons signer un certain nombre de contrats.

S'agissant de l'immobilier, nous regroupons dans les grandes villes où il y a plusieurs postes notamment auprès d'organisations internationales à Vienne, à Bruxelles, à Washington, à Montréal et à Genève. Pour les organismes dépendant de différents ministères, la mutualisation est aussi spontanée que ce que nous constatons dans nos collectivités locales. Pour l'accessibilité, nous essayons de faire du mieux possible, mais cela a effectivement un coût.

Avant d'aborder la situation en République Centrafricaine en réponse à M. Lorgeoux, je dirai quelques mots, comme vous m'y avez invité sur l'Iran, puis sur le Mali.

Vous le savez des négociations sont en cours à Genève entre les partenaires du 5+1 et l'Iran sur la question du nucléaire. L'attitude l'Iran paraît, depuis le changement de gouvernement, plus ouverte, mais à ce stade leurs positions sur le dossier n'ont guère évolué : pas de propositions sur la limitation de l'enrichissement, ni sur le démantèlement des installations d'Arak, ni sur l'arrêt du centre de Fordow, ni sur le transfert des stocks d'uranium enrichi à l'étranger. Cela étant nous sommes au tout début de la négociation. Il va y avoir une session au niveau des ministres. A ce stade, il ne faut ni sur-réagir, ni baisser la garde.

Le Mali est entré dans la période de préparation des élections législatives. Le Président Keita est une personnalité responsable. La question liée au Capitaine Sanogo est désormais derrière nous. Il a repris les contacts avec les populations du Nord en application des accords d'Ouagadougou, mais la période des élections législatives ralentit bien sûr les discussions. Il faut avancer pas à pas et ne pas se précipiter. Il y a eu quelques incidents au Nord qui nous amènent à conserver des effectifs militaires sur place. Nous réduirons la voilure petit à petit. Je n'ai pas d'inquiétude à court terme, mais à plus long terme, il va falloir régler les problèmes de développement économique et de discussions entre les différentes composantes du peuple malien.

En République Centrafricaine, il y a un Etat très affaibli. La pauvreté est effrayante. Dans un pays de 4,8 millions d'habitants, il y a 450 000 personnes déplacées. Le taux de mortalité infantile atteint les 10%. Les salaires ne sont plus versés aux fonctionnaires et aux militaires depuis 4 mois. Pour la première fois dans l'histoire de ce pays des affrontements entre communautés religieuses, chrétiens contre musulmans, se sont produits. L'ancienne Seleka qui avait pris le pouvoir a été dissoute, laissant la place à un assemblage de petits chefs de guerre qui vivent sur la population.

Sur le plan de la sécurité, 4 pays ont envoyé des contingents militaires dans le cadre de la force des Nations-Unies : le Tchad, le Congo, le Gabon et le Cameroun. Ils sont actuellement 2100 et ce contingent devrait être porté à 3500. Nous avons sur place 410 militaires français qui sécurisent l'aéroport et effectuent des patrouilles à Bangui. La dernière résolution du Conseil de sécurité des Nations unies a donné mission au Secrétaire général de lui présenter un rapport dans les 30 jours. Une nouvelle résolution en décembre devrait donner mandat aux forces africaines et à la France d'intervenir pour traiter le problème de la Seleka qui représente 5000 personnes, mais certains sont retournés à la vie civile et d'autres doivent être intégrés dans l'armée ce qui pose problème. Lorsque nous aurons mandat pour intervenir, des risques d'affrontements ne doivent pas être écartés mais les éléments de l'ex-Seleka ne disposent pas d'un armement considérable. Entretemps il peut y avoir une dégradation de la situation et des massacres sous des prétextes religieux.

La restructuration de l'armée centrafricaine pourrait être engagée avec l'appui de l'Union européennes selon le même schéma qui est mis en oeuvre au Mali. La commissaire Gueorguieva m'a accompagné lors de mon dernier déplacement, car il est important d'anticiper.

Sur le plan humanitaire, la situation est abominable. Il faut réunir des fonds pour aider la population. L'Europe s'engage. Nous envisageons une conférence des donateurs.

Sur le plan politique, des élections sont prévues en février 2015, le Président et le Premier ministre se sont engagés à ne pas se présenter. Mais qui sera candidat ? Il est difficile de le dire.

M. Jeanny Lorgeoux- Nos services ont-ils détecté des terroristes de Boko Aram ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères -Nous n'avons pas établi de liens avec Boko Aram.

Dans la perspective des élections législatives de février 2015, il faut au préalable un referendum sur la constitution et reconstituer les listes électorales, une grande partie des registres de l'état-civil ont été détruits. Une mission des Nations unies est attendue en novembre. La France apportera une aide.

Aux Nations unies, une résolution sera présentée en décembre et une autre est envisagée en mars ou avril pour mettre en oeuvre soit une opération de maintien de la paix sous casques bleus, soit une opération associant les forces africaines et la France.

La restauration de la stabilité est importante car si la RCA s'effondre, c'est l'ensemble des pays de la zone qui seront menacé : il y aura risque de développement du terrorisme au Tchad, dans les Soudans, au Congo et au Gabon. L'Union africaine et sa secrétaire générale Mme Zuma, partagent notre analyse. L'Afrique du Sud qui s'est engagée en République centrafricaine, mais a retiré ses troupes après des pertes importantes comprend notre position. M. Bozizé, l'ancien président, a quitté la France pour rejoindre un pays africain de la région.

Les Africains, la communauté internationale avec le soutien de la France doivent s'engager pour reconstruire l'État. Le sujet n'est pas d'intervenir militairement mais de soutenir la population et d'aider les Africains. Il y a des attentes fortes de la population. Et il y a urgence. C'est le message que le Président de la République a porté lors de son intervention devant l'Assemblée générale des Nations-Unies.

Mme Kalliopi Ango Ela. - Comment préparez-vous le sommet de décembre avec les chefs d'État africains consacré à la sécurité ?

M. Jean-Claude Requier-Le Premier ministre des Vanuatu a attiré notre attention sur la fermeture de la représentation diplomatique de l'Union européenne dans ce pays francophone. J'aimerais vous interroger sur le sort de notre otage au Niger dont la famille est de mon département.

M. Gilbert Roger. - Que répondre lorsque nous sommes interpellés par des concitoyens d'origine ivoirienne -c'est mon cas en Seine-Saint-Denis- sur l'évolution politique de ce pays ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - Le Premier ministre s'est entretenu avec le Premier ministre des Vanuatu et nous avons alerté les institutions de l'Union européenne sur ce sujet.

Je ne m'exprimerai pas sur la question des otages, sauf pour dire que le Président de la République et moi-même, qui avons reçu personnellement les familles, comprenons la situation très difficile dans laquelle elles sont placées.

En Côte d'Ivoire, la situation s'améliore sur le plan économique mais il reste des tensions en termes politiques et sociaux.

Le sommet de décembre sera consacré à la sécurité du continent africain. De nombreux chefs d'État devraient y participer, pour aboutir à une méthodologie commune permettant d'envisager la prise en charge de leur sécurité par les Africains directement. Mettre en place des forces d'action rapide sous-régionales (pour la CEDEAO par exemple), voire une force d'action africaine, est une idée intéressante qui pourra être débattue. Nous devons approfondir notre dialogue avec les pays africains, tant sur les questions de sécurité que dans la perspective de la conférence de 2015 sur le climat.

Jeudi 17 octobre 2013

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Loi de programmation militaire - Examen des amendements extérieurs

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Nous sommes appelés à nous prononcer sur une quarantaine d'amendements. Je vous propose de réserver l'examen des amendements à l'article 2, qui concernent le rapport annexé.

Article 3

M. Jacques Gautier. - Vu l'état de nos finances, nous sommes tous prêts à reconnaître que cette loi de programmation est un moindre mal. Le Gouvernement aurait pu toutefois procéder autrement. Pourquoi ne pas sortir du cadre budgétaire traditionnel, en cédant des actifs dans des entreprises de défense pour maintenir les dépenses à hauteur d'1,5 % du PIB, objectif auquel nous sommes tous attachés ? Dès 2014, nous devrions passer en-dessous de ce seuil ; et à supposer même que la loi de programmation soit exécutée à l'euro près, les dépenses tomberont finalement à 1,3 % du PIB. Par l'amendement n° 28, je propose de dégager 21 milliards d'euros de recettes exceptionnelles en cédant les parts de l'Etat dans les sociétés Nexter et DCNS.

Du moins faudrait-il neutraliser d'emblée le report de charges qui pèse sur le ministère depuis trois ans, et qui attendra 2,5 à 3 milliards d'euros à la fin de cette année. C'est l'objet de mon amendement n° 29. Ainsi, nous pourrons partir du bon pied pour l'exécution de la prochaine LPM. Le délégué général pour l'armement ne nous a-t-il pas dit que le programme 146 serait en cessation de paiement dès le début du mois de novembre ?

L'État peut conserver son influence dans la gouvernance des entreprises sans en rester actionnaire. Voyez comment le gouvernement de Mme Merkel, sans que l'État allemand soit actionnaire d'EADS, a réussi à s'opposer à la fusion de l'entreprise avec le britannique BAE.

M. Jean-Pierre Chevènement. - L'affaire BAE ne prouve rien. Quand l'Allemagne parle, elle se fait entendre, ce qui n'est pas le cas de tous les pays... L'Allemagne s'est opposée à la fusion d'EADS et BAE pour des raisons que nous connaissons mal, mais qui touchent sans doute à ses intérêts vitaux. De même, elle a bloqué un accord sur la réduction de CO2 pour défendre ses grosses cylindrées. On ne peut pas en conclure que la participation au capital des industries de défense est devenue superflue. Nous ne voyons pas clair dans l'avenir de DCNS ou de Nexter. Le président-directeur général de DCNS, Patrick Boissier, dit vouloir s'affranchir de la domination de l'État, mais pour privilégier quelles alliances ? Céder les parts de l'État ne me paraît pas de bonne politique. Je préférerai que l'on réduisît de 85 à 80 % la participation de l'État dans le capital d'EDF, ce qui ne changerait rien.

M. Jacques Gautier. - L'État a su trouver une solution pour Astrium ou MBDA. Toutefois, si vous obtenez que l'on cède plutôt 5 % du capital d'EDF, je signerai volontiers ! Ce qui m'importe, c'est de préserver le budget de la défense.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Je vous invite à la concision, car l'heure tourne. Nous pourrons nous exprimer plus longuement en séance.

Je suis défavorable à vos amendements, bien qu'ils aient du sens, en particulier le premier. Je crains que l'enveloppe de 190 milliards d'euros que nous avons obtenue ensemble du Conseil de défense ne soit remise en cause s'ils étaient votés. N'ouvrons pas la boîte de Pandore.

Concernant le report de charges qui pèse sur le budget de la défense, je vous propose plutôt d'utiliser la clause de revoyure pour prévoir une remontée progressive du budget jusqu'à 2 % du PIB en cas de retour à meilleure fortune. C'est l'objet de mon amendement à l'article 4 bis.

M. Jacques Gautier. - Je maintiendrai mon amendement, mais si je suis battu, je voterai le vôtre des deux mains.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 28 et 29.

Article 4 bis

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - L'amendement dont je vous parlais prévoit que l'actualisation de la programmation « sera l'occasion d'examiner le report de charges du ministère de la défense, dans l'objectif de solder ce rapport de charges. Dans le cadre de cette actualisation, il conviendra d'examiner en priorité certaines capacités critiques, telles que le ravitaillement en vol et les drones, ainsi que la livraison des avions Rafale, à la lumière des résultats à l'export. » J'ai mentionné les Rafale pour satisfaire la commission des finances, qui voulait les financer sur le budget général.

M. Robert del Picchia. - Pour éviter une répétition, ne pourrait-on écrire « dans l'objectif de le solder » ?

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Soit.

L'amendement rectifié est adopté à l'unanimité.

Article 4 ter

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - L'amendement 35 est retiré. Je vous propose par un autre amendement de réécrire l'article de la manière suivante :

« Indépendamment des pouvoirs propres des commissions chargées des finances, les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées de la Défense disposent de pouvoirs d'investigation sur pièces et sur place, aux fins d'information de ces commissions, pour suivre et contrôler de façon régulière l'application de la programmation. Ces pouvoirs sont confiés à leur président ainsi que, dans leurs domaines d'attributions, à leurs rapporteurs budgétaires et, le cas échéant, à un ou plusieurs de leurs membres spécialement désignés à cet effet. Ils procèdent, à cette fin, aux auditions qu'ils jugent utiles et aux investigations sur pièces et sur place auprès du ministère de la Défense, des organismes de la défense et des établissements publics compétents, ainsi que, le cas échéant, auprès du ministère de l'économie et des finances.

Dans le respect du secret de la défense nationale, le ministre leur transmet tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif utiles à l'exercice de leurs missions. »

Cette rédaction vise à parer à des risques d'inconstitutionnalité.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Un droit de suite est-il garanti en cas de subvention versée à une entreprise privée ?

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Le ministère aura l'obligation de répondre à toutes les questions qui lui seront posées.

L'amendement est adopté à l'unanimité.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Je considère que l'amendement n° 42 de MM. Marini, Marc, Krattinger et de Legge est satisfait par celui qui vient d'être voté, sinon j'y serais défavorable. J'ai bien pris soin d'éviter toute interférence entre les pouvoirs de contrôle des commissions des finances sur l'exécution des lois de finances et ceux des commissions de la défense sur l'application des lois de programmation. On se réfère à l'« application » plutôt qu'à l'« exécution » de la loi. Or la LPM contient aussi des dispositions normatives, notamment en matière de renseignement, et la commission n'a pas souhaité prévoir de contrôle sur pièce et sur place en cette matière : à quoi bon, sinon, une délégation parlementaire au renseignement ?

La commission émet un avis défavorable l'amendement n° 42.

Article 4 quinquies

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Nous en arrivons aux articles relatifs au renseignement.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Merci de m'avoir invité à défendre devant vous les amendements de la commission des lois.

Notre amendement n° 8 rectifié prévoit que le gouvernement transmet à la délégation parlementaire au renseignement les communications de la Cour des comptes aux ministres portant sur les services de renseignement, ainsi que les réponses qui y sont faites. C'est bien le moins.

M. Gilbert Roger. - Pourquoi parler des commissions chargées « de la défense et des affaires étrangères », en omettant les « forces armées » ?

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - L'ajout n'est pas nécessaire, mais si vous y tenez, le président Sueur n'y verra sans doute pas d'inconvénient.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Aucun.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 8 rectifié.

Article 5

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - La délégation comprend quatre députés et quatre sénateurs, dont, ès qualités, les présidents des commissions de la défense et des lois. Nous sommes tous convaincus, je crois, de la nécessité de renforcer ses prérogatives, comme l'a souhaité le Président de la République lui-même lorsque nous lui avons remis notre rapport annuel.

L'amendement n° 1 précise que la stratégie nationale du renseignement est transmise à la délégation. Ce document devrait d'ailleurs être public, et tracer les grandes orientations de l'action des services pendant deux ou trois ans. Nous prévoyons aussi que la délégation puisse prendre connaissance du plan national d'orientation du renseignement, document beaucoup plus précis. Cela signifie que le document sera mis à la disposition de ses membres, sans qu'ils puissent l'emporter ni en faire une copie.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - J'y suis favorable.

M. Christian Cambon. - Le groupe UMP n'ayant pas encore défini sa position, nous ne prendrons pas part au vote sur ces amendements.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Mon amendement n° 2 précise que la délégation est destinataire des informations utiles à l'accomplissement de sa mission, afin que l'on ne se limite pas aux documents explicitement mentionnés par la loi.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 2.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 43 de M. Marini, qui rendrait les présidents des commissions des finances membres de droit de la délégation. Ne rompons pas l'équilibre actuel de la composition de la délégation. Je suis beaucoup plus attaché à la coprésidence et au pluralisme de la commission de vérification des fonds spéciaux.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 43.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Notre amendement n° 3, qui reprend les termes d'une décision du Conseil constitutionnel, prévoit que seules les informations relatives aux opérations en cours ne peuvent être transmises à la délégation. Aucun d'entre nous n'aurait songé à aller interroger le Raid ou le GIGN au beau milieu de l'affaire Merah. En revanche, nous devons pouvoir être informés des opérations passées. Sinon, il ne nous reste pas grand-chose...

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Je partage votre objectif, mais je propose une rédaction légèrement différente, afin d'assurer l'équilibre entre le respect des prérogatives de l'exécutif et la nécessité de renforcer les moyens de contrôle du Parlement : « Sauf opposition du Premier ministre, ces informations et ces éléments d'appréciation peuvent porter sur les activités opérationnelles de ces services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités. Ces informations et éléments d'appréciation ne peuvent porter sur les opérations en cours, ni sur les échanges avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement. »

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Requérir à chaque fois l'avis du Premier ministre, cela me semble bien contraignant... Je défendrai l'amendement de la commission des lois en séance, mais la commission de la défense est libre de proposer sa propre rédaction.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Pour protéger les services, il était important de former une délégation très restreinte. En revanche, je sais par expérience que, si la rédaction du Président Carrère était choisie, on se heurterait au blocage permanent de Matignon.

M. Jean-Pierre Chevènement. - Pourquoi ne pas exiger que l'opposition du Premier ministre soit motivée ?

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Soit. Je vous soumets donc mon amendement, commençant par les mots : « Sauf opposition motivée du Premier ministre... »

L'amendement est adopté.

La commission émet un avis défavorable l'amendement n° 3.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Par mon amendement n° 5, je propose que la commission puisse entendre, non seulement les directeurs des services, mais aussi d'autres agents, avec l'accord du directeur. Cela se fait déjà : pour des problèmes informatiques, nous avons parfois besoin des explications d'un spécialiste...

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Avis favorable, sous réserve que l'on précise que ces auditions ont lieu en présence du directeur concerné.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - C'est tout à fait pertinent, et c'est d'ailleurs ce que proposait le rapport Urvoas-Verchère. La délégation n'est pas une commission d'enquête. Un agent entendu en l'absence de son directeur pourrait être mal à l'aise et s'en tenir à la langue de bois.

M. Joël Guerriau. - Il vaudrait mieux parler du directeur « du » service concerné.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur et M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - En effet.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 5, sous réserve de sa rectification.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Le droit en vigueur autorise la délégation à entendre les directeurs des services de renseignement sans recueillir l'accord de leur ministre de tutelle. Il devrait en être de même des directeurs d'administration centrale, comme les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales, ou encore le directeur de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). C'est l'objet de l'amendement n° 6.

M. Christian Cambon. - En quoi le fait de demander l'autorisation du ministre pose-t-il problème ?

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Cela ne fait qu'alourdir la procédure. Seul un contrôle parlementaire effectif, placé entre le gouvernement et les services, peut limiter le risque de judiciarisation des activités de renseignement.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Il faut trouver le bon équilibre, et exiger au moins que le ministre soit informé de toute audition.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Cela va de soi.

M. Robert del Picchia. - Quand une commission parlementaire entend un ambassadeur, il faut l'accord du Quai d'Orsay.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - C'est autre chose...et il vient quand même !

M. Robert del Picchia. - Il est arrivé au ministre de refuser.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - La délégation parlementaire au renseignement est l'oeuvre du Gouvernement précédent. Ce fut une avancée importante, reconnaissons-le. Mais encore une fois, il nous paraît aujourd'hui indispensable de renforcer le contrôle parlementaire.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 6.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Une inspection des services de renseignement doit être créée. Il nous semble légitime que la délégation soit destinataire de ses rapports, comme le prévoit l'amendement n° 7.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Sauf lorsque ces rapports contiennent des informations particulières concernant des agents : ayons soin de respecter ce principe général.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Les membres de la délégation ont toujours scrupuleusement respecté le secret-défense. Sinon, elle ne fonctionnerait plus, et les pouvoirs de contrôle du Parlement s'en trouveraient amputés.

M. Christian Cambon. - Vous nous parlez là d'un état de fait, mais rien ne garantit qu'il en ira de même à l'avenir. Mon groupe préférerait s'en tenir à l'ordonnance de 1958.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Pour vous satisfaire, je propose d'ajouter les mots : « sous réserve de l'anonymat des agents ».

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Monsieur Cambon, le Parlement a pour mission constitutionnelle de contrôler le pouvoir exécutif. Jusque récemment, il n'existait pas de délégation parlementaire au renseignement. En cela, nous étions en retard sur beaucoup de démocraties. Nous avons donc souhaité nous donner les moyens d'exercer notre mission de contrôle, dans des conditions très particulières et restrictives.

M. Joël Guerriau. - Afin d'éviter que les rapports ne soient reproduits, ne vaudrait-il pas mieux prévoir qu'ils sont mis à disposition de la délégation pour consultation ?

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Quoi qu'il en soit, je pense que le Gouvernement sera défavorable à l'amendement. Je partage, pour ma part, l'opinion du président Sueur. Si nous voulons éviter la judiciarisation, il faut donner au Parlement les moyens d'exercer un contrôle digne de ce nom. Si l'anonymat des agents est préservé, pourquoi nous priver de ces informations ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Je propose une double rectification. D'une part, il est sans doute légitime que le Gouvernement soit le seul destinataire stricto sensu des rapports d'inspection ; pour satisfaire M. Guerriau, nous pourrions remplacer les mots « Elle est également destinataire » par les mots « Elle prend également connaissance ».

D'autre part, je suis évidemment favorable à la protection de l'anonymat des agents. L'ajout proposé par le président Carrère est tout à fait conforme à l'esprit des travaux de la commission des lois.

L'anonymat conditionne la crédibilité des agents.

M. Christian Cambon. - Certains ne le respectent pas : certains journalistes d'investigation, par exemple, n'ont pas vos scrupules... Sans parler des anciens directeurs des services de renseignement qui se croient autorisés à écrire leurs mémoires pour faire connaître leur version d'évènements auxquels ils ont eu part, ce qui peut porter atteinte à d'anciens agents. Le Parlement peut souhaiter mieux contrôler les services de renseignement, mais soyons très rigoureux sur ce point !

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Il faut contrôler pour protéger. Les groupes devront proscrire toute complaisance dans le choix de leurs représentants à la délégation parlementaire au renseignement (DPR).

M. Robert del Picchia. - Des sanctions sont-elles prévues contre les membres qui failliraient à leurs obligations ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Si un parlementaire ne respecte pas le secret-défense auquel la loi l'astreint, il encourt des sanctions pénales.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Il en va de même des fonctionnaires qui nous assistent, et qui sont habilités secret-défense.

M. Jean-Pierre Chevènement. - Presque tous les anciens chefs de service du renseignement ont commis ce type de livres narcissiques pour raconter leurs exploits...

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Nos deux commissions pourraient dénoncer publiquement cette pratique indécente.

M. Jean-Pierre Chevènement. - Mais ancienne !

M. Yves Pozzo di Borgo. - Aux États-Unis, révéler l'appartenance d'une personne à la CIA est très grave.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - L'ambiance qui règne à la DPR est extrêmement sérieuse. Le risque est faible, donc.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 7, sous réserve de rectification.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - La commission des lois n'a pas été saisie de l'amendement 20 rectifié ter, mais M. Gorce nous a prévenus de son dépôt. L'affaire Prism a suscité la publication de nombreux articles sur la capacité de nos propres services à collecter de l'information. Nous allons devoir adapter la législation à cet état de fait. La CNIL, qui se voit opposer le secret-défense, est impuissante. La DPR a fait ce qu'elle a pu : elle a auditionné le coordinateur national du renseignement et le directeur général de la sécurité extérieure. Tous deux, interrogés, nous ont affirmé agir dans le cadre de la loi, sous le contrôle de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité pour les Français en France, et dans la limite des attributions de la DGSE. Nous avons rédigé un communiqué faisant état de ces déclarations. Pour M. Gorce, la situation actuelle n'est pas satisfaisante : l'amendement 20 rectifié ter propose de donner à la DPR la capacité de procéder à des contrôles.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Elle n'a ni les attributions de la CNIL ni les moyens d'effectuer de tels contrôles. Retrait, ou avis défavorable. 

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20 rectifié ter.

Article 6

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Il existe une commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS), où siègent quatre parlementaires. Le gouvernement propose, assez étrangement, que quatre membres de la DPR soient aussi membres de cette commission, ce qui revient à fusionner partiellement les deux instances. Après réflexion, une véritable fusion nous semble préférable : le financement des services de renseignement est lié aux fonds spéciaux, il serait donc bon que ce soient les membres de la DPR qui contrôlent leur usage, ce qui limiterait le nombre de parlementaires impliqués. Le projet du gouvernement prévoit que seuls quatre d'entre eux en soient informés, sans pouvoir partager cette information avec les autres : ce serait un système baroque.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Les deux commissions coexistent depuis la mise en place du contrôle parlementaire, mais la CVFS a des pouvoirs bien plus grands que ceux de la DPR , puisqu'elle peut contrôler sur place et sur pièces. M. Dulait et moi-même en sommes membres. Certains parlementaires siègent à la CVFS et à la DPR. Il n'est précisé nulle part qu'un membre de la CVFS ne peut communiquer avec un membre de la DPR : si c'était le cas, je ne pourrais pas communiquer avec moi-même... Afin de ne pas atténuer les prérogatives de la CVFS, je vous propose la rédaction suivante : « La commission d'investigation constitue une formation spécialisée de la DPR. Elle est composée de deux députés et de deux sénateurs membres de la DPR désignés de manière à assurer une représentation pluraliste. » Il n'appartient pas au gouvernement de s'immiscer dans l'organisation d'un organe parlementaire. Actuellement, les membres de la CVFS sont : pour l'Assemblée nationale, M. Urvoas, président, et M. Fromion ; pour le Sénat, M. Dulait et moi-même. MM. Dulait et Fromion ne sont pas membres de la DPR. Avec ma rédaction, M. Dulait, pour être membre de la CVFS, devrait représenter l'UMP à la DPR.

M. André Dulait. - Deux magistrats de la Cour des comptes siégeaient à la CVFS. Depuis un accrochage avec M. Séguin, ils n'y siègent plus. Qu'en sera-t-il à l'avenir ?

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Ils n'en sont plus membres.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Je dois m'en tenir à la position adoptée, à une large majorité, par la commission des lois, qui trouve plus logique de fusionner les deux instances. Je présenterai l'amendement en séance, assorti de votre proposition de rectification, et le Sénat tranchera.

L'amendement est adopté.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 9 et n° 44.

Article 10

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 10 porte sur un sujet difficile et important : le passenger name record (PNR). Le PNR figure dans un projet de directive européenne, qui n'a pas été adoptée. La commission « Libe » du Parlement, qui a demandé à nous entendre, y est hostile, tout comme les CNIL européennes. Le Sénat a adopté à l'unanimité deux résolutions : en 2009, à l'initiative de M. Détraigne et en 2011 à l'initiative de M. Sutour. M. Détraigne a formulé la position du Sénat très clairement en déclarant à la tribune : « une limite me semble ne pas devoir être franchie : l'extension de la collecte des données PNR à des vols nationaux ou intracommunautaires (...). L'équilibre entre liberté et sécurité serait rompu. » Le fichier PNR doit se limiter aux données extracommunautaires. Le gouvernement n'est pas d'accord, au motif que certaines personnes font des sauts de puce entre aéroports, mais nous ne pouvons pas adopter une autre attitude.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Cet amendement restreint le champ des données concernées par le PNR aux seuls vols extracommunautaires. L'article 10 prévoit que le PNR concernera tous les vols à l'exception de ceux reliant deux points du territoire métropolitain ; introduire d'autres exceptions créerait une faille dans le dispositif. L'affaire Merah a montré qu'il était facile de tromper la vigilance des services de renseignement en faisant plusieurs escales pour ne pas apparaître un voyage vers des points de formation ou d'entraînement. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 11 prévoit que les données transmises par les passagers aériens ne soient pas directement transmises aux services répressifs ou de renseignement mais d'abord traités par une unité de gestion du traitement automatisé. Cela figure dans le projet de directive et nous paraît raisonnable. Le projet de rédaction alternative que vous présentez, Monsieur le président, me semble en accord avec l'esprit de notre commission.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Je suggère de rédiger ainsi  la deuxième phrase du V: « Ce décret détermine les services autorisés à interroger l'unité de gestion chargée de la collecte des données auprès des transporteurs aériens, de leur conservation et de leur analyse, en précisant si cette autorisation est délivrée à des fins de répression ou à des fins de prévention. »

M. Joël Guerriau. - Pourquoi créer une telle structure ?

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Sinon, les services auront un accès direct aux informations. L'unité de gestion évite cet écueil.

M. Robert del Picch ia. - Comment cela fonctionnera-t-il ? Il y a des millions de passagers... La NSA y parvient, mais avec des moyens que nous n'aurons jamais !

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Nous nous sommes renseignés. L'important, c'est d'identifier chaque jour les informations pertinentes.

M. Robert del Picch ia. - Impossible !

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Tous les informaticiens que nous avons consultés nous ont affirmé le contraire.

M. Jeanny Lorgeoux. - Des ordinateurs très puissants peuvent extraire en dix minutes les informations importantes.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Il y a deux manières de faire : le criblage, qui consiste à rapprocher les fichiers, et le ciblage.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Il n'y aucun doute que le traitement automatisé doive être géré par une telle unité. La question est de savoir si nous passons par un décret, comme le propose le gouvernement, ou par une loi, comme nous le croyons nécessaire au regard des incidences en matière de libertés publiques. J'accepte la rectification suggérée par M. Carrére.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 11 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 12 concerne le profilage et le criblage. Les machines peuvent croiser des données comme le choix d'un repas, la religion, la destination, les habitudes de vol... Cela constitue un risque fort pour les libertés et le respect de la vie privé. Nous proposons donc un contrôle individuel préalable des résultats.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Cet amendement précise en effet les conditions d'utilisation du fichier PNR, en prévoyant que tout résultat positif fasse l'objet d'une vérification humaine. En fait, celle-ci va de soi. Retrait, ou avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Je maintiens cet amendement, voté à une très large majorité par la commission des lois.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.

La commission donne par coordination un avis défavorable à l'amendement n° 14 (article 10) de M. Sueur.

Article 13

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 15 rectifié bis concerne la géolocalisation. Les interceptions de sécurité sont régies par une loi de 2006, prorogée en 2009 et à nouveau en 2012, et qui sera caduque en 2015. Nous souhaitons, par cet amendement adopté à l'unanimité par notre commission, revenir à la loi de 1991. M. Hyest, qui a déposé un amendement n° 45 similaire, s'est rallié au nôtre.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - L'amendement n° 15 rectifié bis unifie le régime de l'accès aux données de connexion issu de la loi antiterroriste de 2006 et le régime des interceptions téléphoniques de la loi de 1991. L'objectif de l'article 13, beaucoup plus limité, était de clarifier le régime juridique de la géolocalisation en temps réel. Il est difficile de s'opposer à cet amendement, en ce domaine où la commission des lois est compétente. Le régime de la loi de 2006 est transitoire et pose des problèmes. Une réforme est donc indispensable. Cet amendement présente le mérite de réformer le régime de l'accès aux données de connexion en renforçant le contrôle sans l'aligner sur celui applicable aux interceptions de communication, qui présentent un caractère plus intrusif. Mais introduire par un amendement dans un texte de programmation militaire une réforme de cette importance et si sensible en termes d'opinion publique est risqué sur le plan politique et juridique. De plus, les services de l'État concernés, que nous avons tous consultés, estiment que cette réforme, encore non aboutie, serait susceptible de retarder l'adoption du projet de loi de programmation militaire qui doit impérativement intervenir avant la fin de l'année. Enfin, il n'est peut-être pas nécessaire de prévoir un régime d'autorisation aussi strict pour les fadettes que pour les interceptions. Le délai de trois jours pour suivre une cible me paraît insuffisant. Je vous propose donc de demander l'avis du gouvernement.

M. Joël Guerriau. - L'intention de cet amendement est louable, mais il est inapplicable et fort mal rédigé. Il faut le reprendre.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Il s'agit d'un débat fondamental, qui mérite mieux qu'un amendement : la commission des lois devrait s'en emparer pleinement.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - C'est le gouvernement qui a choisi de placer dans ce texte un article relatif à la géolocalisation. Le ministre de l'intérieur a déclaré en décembre dernier devant l'Assemblée nationale qu'il souhaitait que ce sujet soit traité le plus rapidement possible : nous ne pouvons pas nous contenter de proroger régulièrement une loi. Le ministre de la défense, que nous avons vu, n'est pas contre : il souhaite simplement que le débat ne soit pas monopolisé par ce thème. Nous pouvons y veiller. Je suis d'accord pour étendre le délai à dix jours, puisqu'il s'agit d'un délai maximal.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Pourriez-vous travailler avec le gouvernement avant lundi à un compromis acceptable?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Oui, ainsi qu'avec M. Hyest, qui a une longue expérience du sujet.

La commission décide de demander l'avis du gouvernement sur l'amendement n° 15 rectifié bis, et émet un avis défavorable à l'amendement n° 45.

Article 17

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 16 concerne la justice militaire. Après un vaste débat, nous avons voté tous les articles conformes, sauf l'article 17. Nous avons longuement discuté du monopole du parquet, et nous considérons qu'il faut le maintenir, pour des raisons liées aux intérêts de la défense nationale : si nous allons trop loin dans la judiciarisation, plus personne n'osera donner d'ordre. Toutefois, la présomption simple suivant laquelle la cause de la mort d'un militaire au cours d'une action de combat n'est ni suspecte ni inconnue peut être renversée par tout moyen, et n'a donc de valeur que symbolique. Le conseil supérieur de la fonction militaire a donné un avis défavorable à cet article : ne soyons pas plus royalistes que le roi ! Nous avons voté à l'unanimité la suppression de cet article, suivant l'argumentation de M. Richard, ancien ministre de la défense.

Mme Michelle Demessine. - Nous demandons également, par l'amendement n° 41, la suppression de cet article, auquel s'oppose l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit à la vie et impose une enquête impartiale aux États l'ayant ratifiée.

M. Marcel-Pierre Cléach. - Ces deux amendements suppriment, pour des raisons différentes, l'article 17, qui prévoit que « pour l'application de l'article 74 du code de procédure pénale, est présumée ne pas avoir une cause inconnue ou suspecte la mort violente d'un militaire au cours d'une action de combat se déroulant dans le cadre d'une opération militaire hors du territoire de la République. »

Le gouvernement propose de modifier cette rédaction, qui nous a paru en effet conduire à ouvrir trop systématiquement des enquêtes en recherche des causes de la mort. Dans certains cas - nous l'avons bien vu en Afghanistan - la cause de la mort au combat est évidente, et il est superfétatoire de déclencher une enquête : dans ce cas, le parquet dispose du renseignement judiciaire, fourni par la prévôté, qui est sur le terrain. En cas de mort suspecte, causée par une balle tirée dans le dos, par exemple, il en va autrement. A la moindre suspicion, il peut déclencher une enquête. J'avais rapporté le texte supprimant le tribunal aux armées. Dans les dernières années du tribunal aux armées de Paris, des enquêtes ont été ouvertes de manière intempestive, ce qui a eu un effet néfaste : les familles comprenaient mal que les enquêtes soient très rapidement refermées et en venaient même à voir de nouveau en l'armée une Grande Muette... Le texte du gouvernement précise qu'il n'est pas anormal de mourir au cours d'une action de combat. Au moindre doute, par exemple en cas de dispute, le juge pourra renverser la présomption.

L'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose une enquête effective, notamment dans l'arrêt Girard du 30 juin 2011. L'enquête en recherche des causes de la mort n'a pas vocation à se substituer à l'enquête pénale. Dès que les circonstances de la mort sont élucidées, l'enquête s'achève, et conduit à un classement sans suite ou à l'ouverture d'une enquête pénale. La procédure du renseignement judiciaire satisfait donc à l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans le rapport pour avis de la commission des lois sur l'article 17, aucun risque de non-compatibilité n'a été relevé. Je demande le retrait de l'amendement de la commission des lois ; sinon, mon avis est défavorable. Cette loi cherche à conforter l'armée, et éviter les manipulations.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Conformément aux usages anciens de notre commission, MM. Vallini et Cléach ont travaillé en binôme sur ce thème. Nous demandons le retrait de l'amendement n° 41.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - J'entends ce que dit M. Cléach, mais nous avons voté cet amendement à l'unanimité, après un long débat : je ne le retire pas. Le maintien du monopole du parquet devrait prévenir les dérives. L'effet de la présomption simple serait uniquement symbolique, et les militaires n'y voient guère d'avantages.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Nous avons besoin de réfléchir. Nous nous abstenons.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 16, ainsi qu'à l'amendement n° 41

Article 23

M. Christian Cambon. - L'amendement n° 32 rectifié prévoit un dispositif de suivi médical et psychologique pour les militaires ayant été engagés dans des opérations extérieures, comme cela s'est fait, pour l'Afghanistan.

M. André Dulait. - Je vous propose un avis favorable sous réserve de sa rectification pour en changer de place l'insertion dans le texte. Des troubles peuvent survenir dans les trois mois après le retour.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 32 rectifié.

Article 24

Mme Michelle Demessine. - L'amendement n° 46 supprime cet article, qui restaure le dispositif du conditionnalat qui a été censuré à plusieurs reprises par le Conseil d'État. Avec ce système, des postes susceptibles d'être accordés à des candidats méritants seront de fait accordés à des officiers ayant pris l'engagement de démissionner.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Je comprends votre préoccupation. Ce ne serait pas juste, en effet. Mais le nouveau dispositif est conforme à la jurisprudence du Conseil d'État. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 46.

Articles additionnels après l'article 28

M. Jeanny Lorgeoux. - Les amendements n° 22 rectifié ter et n° 23 rectifié ter proposent un nouveau statut juridique pour le Foyer d'entraide de la Légion étrangère (FELE). Il s'agirait d'un établissement public administratif sui generis placé sous la tutelle du ministère de la défense. Cet amendement s'inscrit dans la lignée d'une longue série d'initiatives sénatoriales prises ou soutenues par MM. Picheral, de Rohan et Poncelet, et, plus récemment, par Mme Garriaud-Maylam.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Avis favorable aux amendements n°22 rectifié ter et 23 rectifié ter.

La commission émet un avis favorable aux amendements n°22 rectifié ter et 23 rectifié ter.

Article additionnel après l'article 29

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 19 reporte jusqu'au 31 décembre 2019 le régime dérogatoire de la mission pour la réalisation des actifs immobiliers du ministère de la Défense.

Mme Michelle Demessine. - Je vous propose un avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 19.

Article 33

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Les auteurs de l'amendement n° 34 souhaitent supprimer l'article 33, qui réserve le bénéfice de l'allocation de reconnaissance aux membres des formations supplétives relevant du statut civil de droit local lors de la guerre d'Algérie. Pourquoi ne pas l'avoir fait avant ? Avis défavorable, à regret, mais cette mesure coûte cher.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 34.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 33 rectifié pour les mêmes raisons.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 33 rectifié.

Article additionnel après l'article 33

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Mme Bouchoux, porte-parole du groupe écologiste sur ce texte, a déposé l'amendement n° 26 rectifié. Le mécanisme d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires fonctionne mal, comme l'ont constaté M. Lenoir et Mme Bouchoux dans un rapport de la commission sénatoriale pour l'application des lois. Le ministre a proposé de favoriser la coordination interministérielle, d'augmenter la déclassification et d'étendre le périmètre à la Polynésie. L'amendement n° 26 rectifié vise à transformer le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) en autorité administrative indépendante. Avis favorable.

M. Marcel-Pierre Cléach. - Le groupe UMP s'abstient. L'amendement vise à redonner confiance aux associations, mais il sera de peu d'effets car les principes d'indemnisations ne changent pas. À titre personnel, je suis toutefois favorable à cet amendement.

M. Joël Guerriau. - Nous nous abstenons.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 26 rectifié, ainsi qu'à l'amendement de conséquence n° 25.

Article 2 et rapport annexé

Mme Michelle Demessine. - L'amendement n° 36 inscrit explicitement dans le rapport annexé l'objectif de lutte contre la prolifération nucléaire.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Avis défavorable. Je ne peux souscrire à l'expression «un désarmement général et complet ». Par ailleurs, je préférerais « destinées aux armes » plutôt qu'à « usage militaire ».

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 36.

Mme Michelle Demessine. - L'amendement n° 37 inscrit dans le rapport annexé l'objectif de parvenir à la création d'un état-major européen permanent de planification des opérations ou d'une agence européenne d'armement dotée d'une réelle autorité.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Avis favorable à cet amendement qui reprend des propositions formulées dans le rapport Pour en finir avec "l'Europe de la défense" - Vers une défense européenne de notre commission.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 37.

M. Joël Guerriau. - La brigade franco-allemande est sous-utilisée ; nous souhaitons la redynamiser. Tel est l'objet de l'amendement n° 21 rectifié.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 21 rectifié.

Mme Michelle Demessine. - L'amendement n° 38 précise que les opérations militaires extérieures (Opex) doivent s'inscrire dans un cadre multinational et s'appuyer prioritairement sur une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Avis favorable. Des interventions sans l'aval du Conseil de sécurité, comme celle menée au Kosovo, doivent rester exceptionnelles en cas de blocage.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Qu'en est-il des conventions bilatérales conclues avec certains pays ?

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Effectivement, nous pouvons intervenir dans ce cadre sans intervention de l'ONU.

M. Gérard Larcher. - Je ne voterai pas cet amendement  car il réduit le pouvoir de décision du Président de la République.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Pourquoi ne pas exclure du champ de cet amendement les conventions qui existent déjà ?

M. Daniel Reiner. - Le livre blanc contient déjà une formule similaire à cet amendement.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - Je vous propose de remplacer l'expression « dont la légalité procède d'une résolution du Conseil de sécurité » par « s'appuyant de façon privilégiée sur les résolutions du Conseil de sécurité », afin de ne pas remettre en cause la légitimité de certaines opérations résultant de conventions, comme celle menée au Mali.

Mme Michelle Demessine. - Je maintiens la rédaction de mon amendement.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur. - La discussion se poursuivra en séance.

M. Joël Guerriau. - Préciser que les Opex s'effectuent prioritairement dans un cadre multilatéral semble suffisant.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 38.

M. Jeanny Lorgeoux- L'amendement n° 27 rectifié précise les crédits et les effectifs supplémentaires dont bénéficieront les services de renseignement entre 2014 et 2019. Je propose de rectifier l'amendement en précisant que le renforcement des effectifs de la DGSE sera « d'au moins » 300 postes et « non de l'ordre » de 300 postes.

M. Daniel Reiner. - Le rapport annexé n'a pas valeur normative.

M. Jean-Louis Carrère, président. - En effet, mais il fixe un cap. C'est grâce à la précédente loi de programmation militaire que la DGSE a obtenu la création de 700 postes supplémentaires depuis 2009. Le renseignement bénéficiera d'un effort financier substantiel. Avis favorable à l'amendement sous réserve de rectification.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 27 rectifié.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Ni le livre blanc ni la loi de programmation ne tracent de perspectives claires concernant les implantations des forces prépositionnées en Afrique. Des arbitrages ont été rendus en conseil restreint, il y a peu. Un sommet sur la sécurité en Afrique aura lieu à Paris. Le Président de la République devrait annoncer ses décisions. L'amendement présenté par les co-présidents des groupes Sahel et Afrique de notre commission précise que la France maintiendra des forces prépositionnées en Afrique et cherche à les inscrire dans un cadre africain, pour contribuer à la construction de capacités africaines de sécurité. La rédaction est suffisamment souple pour respecter les attributions du Président de la République. En outre les accords de défense seront publiés et soumis au Parlement.

M. Jeanny Lorgeoux- L'amendement n° ETRD-2 prévoit que la France continuera à déployer des forces dans la bande sahélo-saharienne et en Afrique de l'Ouest, sans préciser toutefois les pays.

Mme Michelle Demessine. - Nous nous abstenons.

La commission adopte l'amendement n° ETRD-2.

Mme Michelle Demessine- Les auteurs des amendements n° 39 et 40 considèrent que la modernisation de notre force nucléaire n'est pas compatible avec le principe de stricte suffisance.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 39 et 40.

M. Jacques Gautier- Nos armées manquent de munitions ou de missiles. L'amendement n° 30 vise à y remédier.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Avis défavorable. Je comprends cet amendement mais ne nous substituons pas à l'exécutif. Le ministre nous éclairera en séance et rassurera certainement M. Gautier.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 30.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Il est étonnant que la commission des finances propose un tel amendement ! L'amendement n° 17 présenté par M. Krattinger au nom de la commission des finances prévoit que les livraisons de Rafale, en l'absence d'exportations, seront financées par abondement de la mission « Défense ». Avis défavorable. Cet amendement est contraire à l'amendement que nous soutiendrons à l'article 4 bis. Attendons l'actualisation de la programmation pour réexaminer le dossier.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 17.

M. Jacques Gautier- L'amendement n° 3 accélère les livraisons d'avions ravitailleurs.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Avis défavorable pour les mêmes raisons : cet amendement est contraire à l'amendement que je vous ai soumis précédemment. Attendons l'actualisation de la programmation. Nos amendements peuvent sans doute apparaître comme des voeux pieux, mais si nous les soutenons tous ensemble, ils contribueront à modifier les lignes.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 31.

M. André Dulait. - Nous avons adopté un amendement qui précise qu'en cas de dépassement de la trajectoire de la masse salariale, hors dépenses hors socles, le ministre devra prendre des mesures correctrices. L'amendement n° 18 intègre dans ce calcul des charges sur lesquelles le ministère n'a pas la pleine maîtrise, comme les dépenses d'assurance-chômage. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Avis défavorable à cet amendement coercitif. Le désendettement est une condition de notre souveraineté, mais les ponctions sur le personnel de nos armées sont telles qu'il faut espérer un retour rapide à une meilleure fortune pour nous permettre de desserrer la contrainte. Notre armée de terre peine à mettre en oeuvre cette réduction d'effectifs à marche forcée.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 18.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je vous remercie. Grâce à votre attitude constructive, la position de notre commission gagne en force.

M. André Dulait. - Votre façon de présider y contribue. (Assentiment)

L'ensemble des avis émis par la commission sur les amendements extérieurs figure dans le tableau suivant :

Article 3

Auteur

Avis de la commission

M. J. GAUTIER

28

Défavorable

M. J. GAUTIER

29

Défavorable

Article 4 ter

Auteur

Avis de la commission

M. CARRÈRE

35

Retiré

M. MARINI

42

Défavorable

Article 4 quinquies

Auteur

Avis de la commission

M. SUEUR

8 rect. bis

Favorable si rectifié

Article 5

Auteur

Avis de la commission

M. SUEUR

1

Favorable

M. SUEUR

4

Non examiné

M. SUEUR

2

Favorable

M. MARINI

43

Défavorable

M. SUEUR

3

Défavorable

M. SUEUR

5 rect.

Favorable si rectifié

M. SUEUR

6

Favorable

M. SUEUR

7 rect.

Favorable si rectifié

M. GORCE

20 rect. ter

Défavorable

Article 6

Auteur

Avis de la commission

M. SUEUR

9

Défavorable

M. MARINI

44

Défavorable

Article 10

Auteur

Avis de la commission

M. SUEUR

10

Défavorable

M. SUEUR

13

Non examiné

M. SUEUR

11 rect.

Favorable si rectifié

M. SUEUR

12

Défavorable

M. SUEUR

14

Défavorable

Article 13

Auteur

Avis de la commission

M. SUEUR

15 rect. bis

Avis du Gouvernement

M. HYEST

45

Défavorable

Article 17

Auteur

Avis de la commission

M. SUEUR

16

Défavorable

Mme DEMESSINE

41

Défavorable

Article 23

Auteur

Avis de la commission

M. TRILLARD

32 rect.

Favorable si rectifié

Article 24

Auteur

Avis de la commission

Mme DEMESSINE

46

Défavorable

Article additionnel après Article 28

Auteur

Avis de la commission

M. LORGEOUX

22 rect. ter

Favorable

M. LORGEOUX

23 rect. ter

Favorable

Article additionnel après Article 29

Auteur

Avis de la commission

M. KRATTINGER

19

Favorable

Article 33

Auteur

Avis de la commission

M. GILLES

34

Défavorable

M. GILLES

33 rect.

Défavorable

Article additionnel après Article 33

Auteur

Avis de la commission

Mme BOUCHOUX

24

Non examiné

Mme BOUCHOUX

26 rect.

Favorable

Mme BOUCHOUX

25

Favorable

RAPPORT ANNEXÉ

Auteur

Avis de la commission

Mme DEMESSINE

36

Défavorable

Mme DEMESSINE

37

Favorable

M. BOCKEL

21 rect.

Favorable

Mme DEMESSINE

38

Favorable

M. BOUTANT

27 rect.

Favorable si rectifié

Mme DEMESSINE

39

Défavorable

Mme DEMESSINE

40

Défavorable

M. J. GAUTIER

30

Défavorable

M. KRATTINGER

17

Défavorable

M. J. GAUTIER

31

Défavorable

M. KRATTINGER

18

Défavorable