Premiers États généraux de la démocratie locale et de la parité



Palais du Luxembourg, 7 mars 2005

ALLOCUTION D'OUVERTURE DE M. CHRISTIAN PONCELET, PRESIDENT DU SÉNAT

Madame la Présidente, chère Simone Veil,

Monsieur le Premier ministre, cher Jean-Pierre Raffarin,

Mesdames les Ministres,

Mesdames les Maires de France,

Mes chers collègues,

Mesdames, Messieurs, et, m'adressant à toutes et à tous sans distinction, laissez-moi vous dire sincèrement et avec sincérité : très chers amis.

D'emblée, je voudrais vous remercier Madame la Présidente, Madame la Ministre, chère Simone VEIL de nous avoir délivré ce message de M. le Président de la République, un message plein d'espoir et riche de perspective. Au-delà de ces mots que vous avez fait vôtres, je sais, chère Simone VEIL, que Mesdames les Maires de France sont sensibles à votre présence. Pour nous, vous êtes, chère Simone VEIL, l'incarnation d'un idéal féminin en politique avec toutes vos vertus : le courage, l'abnégation, la dignité, l'humanité, le sens de l'intérêt général. Merci Madame.

Permettez-moi de vous dire, Mesdames les Maires de France, de France métropolitaine et ultramarine, combien je suis fier et heureux de vous accueillir, aussi nombreuses, pour ces premiers États généraux de la démocratie locale et de la parité.

Merci de votre mobilisation qui honore le Sénat.

Car il s'agit bien d'une mobilisation, et même d'une mobilisation massive, puisque la moitié des femmes maires, M.A.I.R.E.S., de France est réunie, ici et maintenant. C'est un événement sans précédent, une grande première.

Merci d'avoir accompli un voyage, parfois long et difficile en raison des conditions météorologiques, pour venir, -quel paradoxe-, à PARIS, dans la capitale de notre pays, traiter de votre vision de la décentralisation et de la gestion municipale.

Merci de nous avoir exposé votre opinion sur ces sujets au travers des réponses que près de 1 600 d'entre les femmes maires ont bien voulu apporter à la consultation que le Sénat a lancée auprès de vous, sous la forme d'un questionnaire particulièrement dense, riche et nourri.

Merci de votre participation active, déterminée et éclairée à ces États généraux.

Comme vous le savez, puisque vous êtes les brillantes actrices de cette commémoration, le Sénat a voulu célébrer, avec une particulière solennité, le 60 e anniversaire du premier vote des Françaises, voulu par le Général de Gaulle à la Libération. C'était les 29 avril et 13 mai 1945 pour des élections municipales et cantonales préludes à la restauration de notre République. Cette coïncidence ne pouvait laisser indifférent le Sénat qui, au-delà de son rôle d'assemblée parlementaire à part entière, exerce en outre, - c'est un plus, un bonus -, une fonction de représentant des Collectivités territoriales de la République.

Un clin d'oeil à la femme électrice mais aussi, et surtout, un coup de chapeau à la femme élue. En effet, ces États généraux participent d'une commémoration prospective, résolument tournée vers l'avenir, celui de la parité et celui de la démocratie locale.

Le Sénat avait une double raison d'organiser ce grand rendez-vous symbolique, emblématique et dynamique.

Première raison, le Sénat est désormais la plus féminisée de nos deux assemblées parlementaires. Le Sénat compte, en effet, 57 sénatrices pour un effectif de 331 membres, soit une proportion de 17,2 % de femmes, au lieu de seulement 12,2 % pour l'Assemblée nationale. Encore un cliché qui s'estompe...

En outre, ce pourcentage prometteur ne constitue qu'un début pour le Sénat. D'abord, parce que la moitié des Sénateurs sont élus au scrutin de liste, avec une parité alternée : un homme, une femme, etc. Ensuite, parce que le collège électoral des Sénateurs est de plus en plus féminisé, dans la mesure où près de la moitié des Conseillers municipaux (dans les communes de plus de 3.500 habitants) sont des « Conseillères municipales ».

Nos amies, Nicole AMELINE, ministre de la Parité et de l'Égalité professionnelle, et Marie-Josée ROIG, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, ne manqueront pas, dans leurs interventions, de procéder à une évaluation de cinq années d'application de la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives.

Pour ma part, je considère le bilan de la parité politique comme globalement positif mais aussi, et surtout, comme largement perfectible.

Globalement positif, comme nous venons de le voir, pour les élections Sénatoriales, pour les élections municipales et, d'une manière générale, pour les autres élections au scrutin de liste à la représentation proportionnelle : les élections régionales avec désormais près de 48 % de femmes, et les élections européennes avec une proportion de 43,5 % de députées parmi les représentants de la France.

Une indéniable progression de l'égalité républicaine, certes, mais le bilan de la parité demeure perfectible. D'abord pour les mandats électoraux pourvus au scrutin majoritaire qui échappent encore à toute forme de parité. Il en est ainsi des élections législatives pour lesquelles on pourrait envisager que le candidat titulaire et son suppléant soient de sexes différents.

Pour les élections cantonales, le même principe de mixité pourrait être appliqué mais après institution des suppléants dont les Conseillers généraux sont actuellement dépourvus. Ensuite, il en va surtout des fonctions électives, c'est-à-dire des fonctions exécutives locales. 4 000 femmes maires ou maires femmes pour plus de 36 000 communes, c'est insuffisant. Il faut poursuivre le combat pour la parité en le concentrant sur les villes moyennes et grandes. Car, paradoxalement, 75 % des femmes maires président aux destinées de communes de moins de 3 500 habitants auxquelles ne s'applique pas la loi sur la parité. Faut-il aller jusqu'à étendre la parité alternée aux municipalités et aux bureaux des Conseils généraux et des Conseils régionaux ? C'est une piste qu'il convient d'explorer sans tabous.

Seconde raison fondatrice de ces États généraux, après la parité élective : le rôle du Sénat, avocat vigilant de la décentralisation et de la démocratie locale.

Oxygène de la République, la décentralisation constitue, aux yeux du Sénat, toutes tendances politiques confondues, une réforme à l'évidence bénéfique. En effet, la décentralisation libère les initiatives locales, améliore l'efficience de l'action publique par la gestion de proximité et rapproche les décideurs des citoyens-usagers-contribuables.

Instruit par l'expérience de ses membres et échaudé par les précédents transferts, le Sénat est convaincu que, pour réussir, la décentralisation doit éviter deux écueils : d'une part, s'apparenter à une opération de délestage de l'État ; d'autre part, s'assimiler à un facteur d'aggravation des inégalités entre les collectivités territoriales.

Conscient de l'acuité de ces deux périls, le Sénat a voulu les conjurer. D'abord, en obtenant, grâce à l'appui bienveillant, -j'allais dire la complicité amicale-, de M. le Premier ministre, l'inscription dans la Constitution de principes tels que la compensation intégrale des transferts ou extension de compétences, l'autonomie financière des Collectivités territoriales ou la péréquation entre les Collectivités locales. Ces principes à valeur désormais constitutionnelle représentent autant de garanties, de garde-fous et de lignes jaunes protecteurs des Collectivités territoriales.

Par ailleurs, le Sénat a institué, en son sein, un Observatoire de la décentralisation chargé d'assurer le service après vote de ces garanties. Cet Observatoire a vocation à devenir le juge de paix, objectif et impartial, de la réalité de la compensation financière des transferts ou extension de compétences.

Enfin, j'organise depuis maintenant six ans, dans chaque région de France, des États généraux des élus locaux, qui sont destinés à prendre le pouls des élus locaux, à recueillir leurs propositions et à déboucher sur des réponses législatives. Je tenais les l7 es du genre, vendredi dernier, à Limoges, sur le thème lancinant et récurrent des finances locales et de la péréquation.

Telle est, Mesdames les Maires, la toile de fond de l'Acte II de la décentralisation, cette « mère des réformes » , pour reprendre votre expression, Monsieur le Premier ministre, cher Jean-Pierre.

L'objet principal de ces États généraux exceptionnels est de traiter de la condition féminine à l'épreuve des responsabilités électives. De la condition féminine vécue, en premier lieu, comme un obstacle pour l'accès à la fonction de Maire, sacerdoce qui, pour la moitié d'entre vous, s'apparente, en plus, à un sacrifice. Les journées n'ont que 24 heures, les semaines que 7 jours et pour une femme l'exercice d'une fonction municipale équivaut, le plus souvent, à une troisième journée de travail, après les contraintes professionnelles et les obligations familiales.

Deuxième question qui retiendra toute notre attention : existe-t-il un regard féminin particulier, une vision féminine spécifique, de la gestion municipale et de l'avenir de la cité ? Notre débat s'annonce d'autant plus intéressant que la plupart d'entre vous, Mesdames les Maires, ont été élues pour la première fois et tout de suite à la mairie, lors des dernières élections municipales de mars 2001. A priori, la lecture de vos réponses au questionnaire ne souligne pas de divergences notables avec vos collègues masculins dans la définition de vos priorités municipales ou la perception des difficultés rencontrées dans l'exercice de vos fonctions de maire.

En revanche, il me semble qu'il existe une différence dans votre façon d'être maire et dans votre manière de vivre votre mandat. C'est ainsi que vous apparaissez plus enclines au travail en équipe, en partenariat avec vos adjoints, en concertation avec les associations, ou au sein d'instances de coopération intercommunale. En outre, vous êtes très attentives aux relations humaines, à la communication et à la participation. Enfin, vous me semblez parfois plus déterminées et souvent plus modestes que vos homologues ou analogues, comme en témoignent vos réticences à rencontre du cumul des mandats.

Mais c'était avant votre rencontre avec mes collègues sénatrices qui ont eu le plaisir de vous accueillir ce matin en commission. Je les remercie de cet engagement à vos côtés. Elles vous ont peut-être donné l'envie de vous présenter aux élections Sénatoriales. J'en accepte l'augure. Car mon objectif est d'atteindre, lors du prochain renouvellement Sénatorial, un taux de féminisation compris entre 20 et 25 %.

Mesdames les Maires, avant d'aborder les travaux de nos trois tables rondes, vous entendrez M. le Premier ministre, Jean-Pierre RAFFARIN, qui s'adressera à vous et participera à la première phase de nos travaux en séance plénière.

Mesdames les Maires de France, je voudrais, pour conclure mon propos, vous assurer que nos travaux ne resteront pas lettre morte : ils vont alimenter la réflexion du Sénat, votre Maison, et déboucher, le cas échéant, sur des réponses législatives. Loin d'être une grand'messe républicaine sans lendemain, nos États généraux constituent un espace de dialogue et un atelier d'échange et de prospective.

Mesdames les Maires de France, je voudrais vous redire toute la joie et la fierté qu'éprouve le Sénat à vous accueillir aujourd'hui, vous les nouveaux hussards de la République.

Nous comptons sur vous pour aider notre pays à relever le grand défi auquel il est confronté, à savoir renforcer la République, rétablir une communauté de citoyens, restaurer l'égalité des chances, relancer la machine à intégrer et retisser le lien social. Vous êtes en première ligne dans ce combat pour la République et ses valeurs.

Nous comptons enfin sur vous pour faire vivre la République des territoires au service d'une France moderne, d'une France dynamique, d'une France solidaire au sein d'une Europe forte, unie et fraternelle. Merci de m'avoir écouté. Je cède la parole à Monsieur le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin.

Intervention de M. Jean-Pierre RAFFARIN, Premier Ministre

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