Premiers États généraux de la démocratie locale et de la parité



Palais du Luxembourg, 7 mars 2005

INTERVENTION DE M. JEAN-PIERRE RAFFARIN,
PREMIER MINISTRE

Madame la Présidente, chère Simone VEIL, Monsieur le Président du Sénat, Mesdames les Maires de France, Mesdames les Maires d'Europe aussi qui sont ici, que vous avez invitées à participer à ce débat, à vos premiers états généraux, je voudrais vous dire combien ce rendez-vous est important.

Notamment parce que c'est un anniversaire, - évidemment ces soixante ans du droit de vote - mais aussi parce que nous pouvons aujourd'hui mesurer les résultats de cette loi de 2000 complétée par celle de 2003 qui, au fond, était un pari et pour lesquelles, les deux lois, nous avons eu beaucoup de débats. Et finalement, ce débat des quotas, ce débat de la parité, ce débat de l'obligation, au fond est-ce que ça allait marcher ? Est-ce que vraiment on allait ainsi renouveler la vie politique de notre pays et de notre démocratie ?

Eh bien oui, ça a marché ! Je crois que les uns et les autres aujourd'hui nous devons constater que les résultats sont là et que le mécanisme, qui au départ pouvait paraître contraignant, était utile parce que sans ce mécanisme, nous n'aurions pas fait ces progrès. Et je crois qu'il faut s'inspirer, pour d'autres formes d'élections, des résultats qui ont été obtenus par les textes qui ont amené à ce qu'il y ait cette parité dans un grand nombre de communes de France. Alors bien sûr, nous savons tous, le Président du Sénat, Christian PONCELET le disait tout à l'heure, qu'il nous faut veiller aussi à la parité parmi les vice-présidents dans les collectivités territoriales, parmi les adjoints dans les communes et parmi l'ensemble des fonctions électives.

Mais je pense que nous avons fait, grâce à ces textes, des pas très importants vers un équilibre plus juste de notre démocratie. Et cette mixité, je crois que c'est une valeur de la démocratie. C'est pour cela que je suis partisan de prolonger les initiatives qui sont celles qui peuvent être, soit par motivation des partis politiques, soit par les textes de lois. J'ai demandé à Nicole AMELINE de travailler sur les questions telles que celles qui ont été tout à l'heure évoquées par Christian PONCELET- comme la mixité pour les mandats uninominaux pour que globalement, on se présente par des tandems qui représentent cette mixité entre le candidat et le suppléant, entre la candidate et le suppléant, et donc qu'il y ait cette possibilité de pouvoir. Je vois bien comment on pourrait présenter les choses ! Le candidat et la suppléante, non ! La candidate et le suppléant. Je pense que c'est un élément très important pour que nous puissions avancer dans cette mixité de notre vie politique qui est une nécessité politique, mais on le voit bien aussi, c'est je crois un enrichissement des équipes, c'est la capacité, au fond, de gérer nos collectivités territoriales avec toutes les sensibilités qui sont dans la société. On ne peut pas imaginer qu'un conseil municipal, un conseil départemental, général ou un conseil régional ne soit pas en ressemblance, en résonance avec la population qu'il a à administrer. Donc, il y a visiblement encore beaucoup d'efforts à faire, mais je crois que nous pouvons les faire, notamment en veillant à ce que les responsabilités soient également partagées.

La parité, c'est un enjeu, c'est une philosophie de la démocratie. C'est pour ça que nous sommes heureux de pouvoir rassembler, à l'occasion de ces états généraux, les femmes maires pour que, ensemble, nous puissions tracer ces lignes d'avenir et faire les choix, et j'attends beaucoup de vos débats pour que nous puissions nous-mêmes mener un certain nombre d'initiatives, éventuellement donc législatives, pour faire progresser cette valeur à laquelle nous sommes attachés. Je veillerai, que tout ce qui dépend du gouvernement puisse être marqué de ce même souci et je pense notamment, Monsieur le président du Sénat, Mesdames et Messieurs les Sénateurs et les sénatrices, à la nomination de parlementaires en mission par exemple, de veiller systématiquement à ce qu'on puisse avoir, là aussi, la parité qui puisse être équilibrée.

Je voudrais vous dire que le gouvernement est mobilisé sur ce sujet. Il est mobilisé -et c'était clairement dit tout à l'heure dans le message du chef de l'État-également sur l'égalité professionnelle. Parce que, au fond, dans la vie d'élu local, on n'est pas seulement maire. On est maire, on est épouse, on est mère de famille, on est professionnelle, on est membre d'association, on a mille autres activités. Et que tout ce qui touche la vie professionnelle touche aussi la vie locale. Il n'y a pas la vie locale et la vie professionnelle. L'ensemble doit être regardé d'une manière globale. Ainsi, ça me paraît très important de pouvoir, dans notre société, régler un certain nombre de problèmes qui sont nés de l'inégalité entre les hommes et les femmes, notamment dans la vie professionnelle. Le président le disait tout à l'heure, entre vie élective et vie familiale, mais sur la vie professionnelle on voit bien que les problèmes de rémunération notamment sont des problèmes majeurs. Notre pays accepte, avec une forme d'indifférence quelque fois assez révoltante, que l'on puisse avoir des inégalités pour les mêmes fonctions entre hommes et femmes dans un certain nombre d'emplois de notre pays. Ceci n'est plus acceptable.

Le chef de l'État nous a donné cinq ans pour corriger cette disparité. Nous sommes engagés et avant la fin de ce semestre, avec Nicole AMELINE, un projet de loi sera présenté au conseil des ministres. C'est un élément très important. Je me souviens, quand j'étais plus jeune et que je faisais un peu d'enseignement à côté de ma vie professionnelle, un jour j'ai été jury d'une école. On m'avait donné comme instruction de mettre des notes inférieures aux filles par rapport aux garçons. Je n'ai pas participé au jury. Et j'ai dénoncé cette attitude. Mais tout ça parce que les classements des écoles se font en fonction des moyennes salariales ! Et comme les salaires des femmes sont inférieurs aux salaires des hommes, plus vous avez d'hommes, plus vous avez un meilleur classement de moyenne salariale et plus vous pouvez afficher que votre école est bonne par rapport à celle qui a plus de femmes, car au salaire de sortie, le salaire féminin est plus faible ! Eh bien, ceci est révoltant. C'était il y a une dizaine ou une quinzaine d'années dans notre pays. Il y a un certain nombre de sujets de cette nature qu'il nous faut considérer comme révoltants parce qu'ils font partie de ces disparités, de ces discriminations dont le Président de la République veut venir à bout, notamment en créant la Haute autorité contre les discriminations qui doit veiller à ce que de telles pratiques soient condamnées comme elles se doivent puisqu'il s'agit de véritables discriminations dans notre société.

Nous avons un certain nombre de décisions à prendre sur les rémunérations. Nous avons aussi des décisions à prendre sur tout ce qui concerne la vie des femmes -je pense notamment au problème de la maternité et de l'emploi et de la maternité à tous les niveaux, les frais de garde d'enfant- et de veiller à ce qu'il y ait un statut de la femme élue de manière à ce que l'on puisse venir en aide, à chaque étape de la vie, à celle qui s'engage au service de l'action publique. Je pense notamment, dans notre proposition, à un décret qui est en cours de préparation, qui permettra aux collectivités de financer des chèques emploi service pour la garde d'enfants au bénéfice des élus qui n'ont plus d'exercice professionnel et qui ont besoin de ce type de prestation sociale, comme d'autres femmes dans la société française.

Il y a là je crois, un certain nombre de progrès sociaux que nous pouvons faire, et Nicole AMELINE prépare sur ce sujet les décisions nécessaires, de même que, d'une manière générale, dans la fonction publique, pour que vous puissiez avoir autour de vous dans les secrétariats de mairie, dans l'ensemble des équipes qui travaillent avec vous, une représentation équilibrée des femmes et des hommes parmi l'ensemble des différentes structures, y compris dans les entreprises publiques puisque sur ce sujet, nous allons également développer la parité dans les conseils d'administration des entreprises publiques de tout ce que sont les structures pour lesquelles l'État est acteur de la nomination. On a même, avec Nicole AMELINE, inventé une procédure qui va être intéressante en conseil des ministres. À chaque fois qu'on a une nomination, on va demander au ministre qui présente cette nomination d'indiquer combien il y a de femmes dans la même fonction dans les dix dernières nominations. C'est un indicateur qui nous permettra de mesurer les progrès qui sont faits, et je vous assure que ce type de démarche est très efficace et chaque conseil des ministres est articulé autour d'une quinzaine ou d'une vingtaine de nominations. Il y a là des progrès de parité à faire aussi au niveau de l'État. Donc sur ce sujet comme sur d'autres, le gouvernement doit montrer l'exemple pour que nous puissions défendre tous ensemble, au sein de notre République, la parité comme une valeur.

Je voudrais aussi vous parler de décentralisation, d'aménagement du territoire. Parce qu'une façon de vivre la parité, c'est de parler aux femmes d'autres sujets que celui des femmes ! Car souvent, même s'il faut traiter un certain nombre de ces sujets, il ne faut pas s'enfermer, car justement ce qui est intéressant dans la parité, c'est qu'on puisse débattre de l'ensemble des problèmes et notamment des problèmes qui touchent les communes et l'organisation de notre démocratie.

D'abord je voudrais vous dire que je suis vraiment conscient que c'est la commune qui est l'espace premier de la République. Je vois bien que nous sommes dans un monde de complexité. Je sais que vous avez vous-mêmes beaucoup de bureaucratie à administrer. Je sais que nous devons faire des efforts de simplification. Mais je sais aussi que c'est dans la commune que le citoyen se retrouve. C'est dans la commune que le citoyen a ses repères républicains. Et c'est en s'adressant à ses élus qu'il connaît, qu'il rencontre, il vit, il pratique la République. Le département, la région, toutes les autres structures sont des structures efficaces, utiles, bien sûr ! Mais souvent, plus loin, et pas toujours compréhensibles quant à leurs compétences ou quant à leur fonctionnement. Donc, au fond l'ensemble de notre architecture démocratique est vécu par les citoyennes et les citoyens de notre pays au travers de la commune. C'est un élément très important. Et c'est pour ça que je voudrais saluer les maires que vous êtes, comme je salue l'ensemble des maires de France parce que ce sont les premiers de la République, la première ligne. C'est là où le citoyen rencontre la République. Et c'est pour ça que je suis très attaché à l'existence de la commune quelle que soit sa dimension. Et c'est pour cela que je ne suis pas favorable à ce que l'on élise au suffrage universel, par exemple, le président de l'intercommunalité ! C'est un point très important. Parce que si on veut que la commune soit cet espace républicain reconnu par le citoyen, c'est pas parce qu'un jour, on aurait un " super maire " qui serait élu au-dessus des autres et qu'on transformait la commune en quartier d'une plus grande communauté ou collectivité territoriale, le citoyen il ne se retrouverait pas dans cette situation. Et ce n'est pas parce que vous auriez transformé une commune en communauté de quartier que vous auriez fait de grands progrès ! Je crois que la commune, elle est un élément d'identité républicaine très important. Et dans une époque où la lisibilité, la compréhension des dispositifs est quelque chose de très important, la commune est une des structures que le citoyen comprend bien. Or nous ne pouvons pas promettre une organisation qui ne soit pas une organisation quelque peu sophistiquée. Il n'y a que les dictatures qui sont très, très simples. Chaque Française et chaque Français veut être traité par lui-même. " Ah oui, je suis de Normandie ! Ah oui, mais je suis pas de la Haute, je suis de la Basse ! Ah oui mais dans la Basse, je suis du bocage ! Oui mais dans le bocage, je suis de là ! Et là, dans mon village, je suis plutôt du trottoir de droite que du trottoir de gauche, les numéros impairs et les numéros pairs. " C'est-à-dire que plus on définit, plus on va au plus près du citoyen, plus il affirme son identité, plus il veut être traité pour lui-même ! Cela veut dire qu'on est obligé de faire de l'action publique qui n'est pas de la production industrielle mais de la dentelle ! On tient compte de chacun. Et chacun veut être traité pour ce qu'il est lui-même avec sa différence.

Cela veut dire que, dans ce système-là, hélas, nous avons forcément un certain nombre de procédures complexes. Oh, je sais, il y a des progrès à faire sur les permis de construire, sur un certain nombre de choses, sur l'assainissement et quelques autres sujets que vous avez à affronter de manière quotidienne. Cela je le sais... Mais cependant, sachons bien que... une dictature, c'est toujours très simple, c'est la file indienne ! Une démocratie, surtout une démocratie qui veut vivre avec sa diversité de territoires, ça a besoin de structures de base qui soient des structures de lisibilité et c'est pour ça que la structure communale est la structure fondamentale de notre organisation républicaine. C'est pour ça que la décentralisation, elle doit partir de la commune. La décentralisation, ce n'est pas comme on le dit souvent, simplement un partage de compétences ! C'est un mouvement ! Ou notre mouvement part d'en haut - École nationale d'administration - et on descend, ou elle part d'en bas, - la commune - et on remonte. La décentralisation, c'est le mouvement qui part du bas, qui part de la commune. Tout ce qui ne peut pas être traité au niveau du bas peut remonter. C'est ça le principe de subsidiarité qui va entrer dans notre Constitution, c'est ce principe-là qui est fondamental. La commune, c'est le lieu à partir duquel doit s'organiser notre vie collective. D'où la solidarité intercommunale et d'où le fait que le département et la région doivent travailler avec la commune. C'est pour ça que je dis clairement que, aucune - et c'est dans notre statut, dans notre organisation républicaine - aucun échelon de collectivité n'a la hiérarchie sur une autre. Un département ne peut pas demander à la commune de mener telle politique parce qu'il l'a décidé ! La commune est libre de ses choix. La région ne peut pas imposer à la collectivité, qui est infra territoriale, ne peut pas imposer ses choix. Chacun dans notre République est libre et c'est la commune qui doit, par ses partenariats, par l'ensemble de son organisation elle-même et notamment ses propres financements et sa solidarité intercommunale, choisir les chemins qui sont les siens.

C'est cette démarche-là qui nous a conduit à organiser le financement de notre République avec, d'abord une augmentation de la DGF de 3,3 % alors que l'ensemble des dépenses de l'État sont à un niveau constant, 0 %, et que nous avons augmenté, cette année de manière significative, d'une part la dotation de solidarité rurale et d'autre part la dotation de solidarité urbaine de 20 %, de manière à aider les collectivités territoriales à pouvoir disposer de leur capacité à construire des partenariats dans l'intercommunalité, en s'appuyant sur le département -le département étant celui qui est le premier partenaire de la commune- et en faisant en sorte qu'il y ait une sorte de couple de la proximité département-commune, et un couple de la cohérence qui est le couple région-État. Il y a un contrat État-région pour que nous puissions assumer la cohérence, Monsieur le Président du Sénat en parlait tout à l'heure. Il est très important que chaque Français puisse se sentir dans une cohérence nationale ! Et ça c'est le couple État-région qui est en charge de la cohérence. Et c'est le couple département-commune qui est d'abord en charge de la proximité. Et dans notre pays, il faut et de la cohérence parce que nous sommes une République, et de la proximité pour que nous puissions être au plus près du citoyen. Si on ne fait que de la proximité, on fera de la dispersion. Et si on ne fait que de la cohérence, on fera de la centralisation. Et donc il faut équilibrer les deux fonctions, la fonction de proximité et la fonction de cohérence. Nous ferons cela dans la décentralisation en finançant l'ensemble des dépenses et des charges qui seront celles des collectivités territoriales. Nous l'avons inscrit dans la Constitution. Je sais bien - j'ai été élu local très longtemps - je sais bien qu'on a toujours des doutes sur les financements de l'État. Mais là en l'occurrence, je suis à la tête du premier gouvernement qui a inscrit dans la Constitution que l'État ne peut pas transférer une responsabilité sans transférer en même temps la charge financière liée à cette responsabilité. Et je tiens à vous le dire, j'assumerai cette responsabilité !... Y compris quand il peut y avoir des dépassements ! Je le dis ici, je vois quelques présidents de conseils généraux... quelques hommes... en attendant que les femmes... Je leur dis clairement, je sais par exemple qu'en termes de RMI, il y a un dépassement. Nous allons prendre l'ensemble des comptes administratifs du conseil général de 2004. Vers le mois de mai, le mois de juin, nous aurons l'ensemble des chiffres et l'État paiera le dépassement ! Parce que c'est une responsabilité d'État qui est confiée au département, l'État financera le coût exact de la dépense. C'est un engagement que je prends... parce que c'est un engagement de décentralisation et de responsabilité. Et je tiens à le dire parce que je ne souhaite pas que, un certain nombre de gens soient tentés d'augmenter trop fortement les impôts et de dire que " c'est pas eux, c'est nous " ! En l'occurrence, ce n'est pas ça. Et d'abord je vais vous dire une chose, mais vous avez l'expérience, c'est toujours le maire qui prend, quand sur la feuille, le département ou la région augmente, c'est toujours le maire qui se fait d'abord attrapé parce que c'est lui qui rencontre les gens. Alors s'il y a des gens qui ont intérêt à ce que les impôts n'augmentent pas, c'est bien le maire, parce même lui, quand il maîtrise sa fiscalité et que l'autre augmente, c'est le maire qui prend les compliments sur le trottoir, sur le marché ou quand il va se promener ou faire ses visites de quartiers.

Je voudrais donc vous dire que cette décentralisation sera financée. Je voudrais également vous dire un mot, parce que c'est un sujet, je sais qui vous préoccupe beaucoup, c'est le sujet des services publics en milieu rural. Je me suis engagé devant l'Association des maires de France au dernier congrès à l'AMF pour mettre en place la Conférence nationale des services publics en milieu rural qui est présidé par un maire rural du Vaucluse et qui est au travail avec, non seulement les représentants des maires ruraux, des associations des maires de France, mais aussi des départements, des régions et aussi de l'ensemble des grands services publics, entreprises publiques, La Poste, EDF, la SNCF, l'ANPE, l'ensemble des acteurs du service public sur le terrain. Et donc, cette conférence est au travail pour faire des propositions à l'occasion du prochain congrès des maires qui aura lieu, donc, à l'automne 2005. Nous travaillons avec cette conférence et nous voulons faire en sorte que l'on puisse trouver un certain nombre d'idées innovantes. Puisque, évidemment, les services publics doivent tenir compte de la démographie, il ne faut pas être démagogue, on voit bien que, il y a un certain nombre de mutations qu'il faut assumer, mais il faut aussi faire en sorte que le service public permette à la ruralité d'être vivante et notamment à toute la ruralité qui se bat, à toute la ruralité qui est un modèle au fond, de vivre ensemble, et on voit bien que le tissu local est un moyen de créer du lien social et c'est pour ça qu'il faut défendre le service public.

Nous avons mis en place cette conférence et j'ai demandé, clairement, à l'ensemble des ministères, que d'ici les résultats de cette Conférence nationale des services publics en milieu rural et dans l'attente donc des propositions de la conférence, j'ai demandé de suspendre toute réorganisation avec suppression ou réduction significative de prestations de services publics en milieu rural, sauf quand il y a accord des élus concernés. Donc, quand il n'y a pas accord des élus concernés, il ne peut pas y avoir mutation profonde du service public en milieu rural, tout cela jusqu'au 1er janvier 2006. Au 1er janvier 2006, nous créerons les nouvelles dispositions à partir de la loi votée sur les territoires ruraux et à partir des travaux d'une part de la Conférence nationale des services publics en milieu rural, et d'autre part du Congrès des maires de France. Cette mesure s'applique aux fermetures d'écoles, hors le cas de regroupement pédagogique, ainsi qu'aux fermetures de collèges. Pendant que nous travaillons, je ne souhaite pas que les services publics puissent avoir un certain nombre de mutations qui anticiperaient sur ce que nous avons à décider, mais à décider avec ceux qui sont responsables de la cohésion territoriale, c'est-à-dire ceux qui sont responsables d'abord et avant tout de l'animation de nos communes de France. Je suis très attaché, je connais bien ce sujet, j'ai souvent labouré le terrain, je sais combien aujourd'hui on a besoin de l'État dans les territoires.

Cela ne veut pas dire que l'État doit assumer toutes les responsabilités, mais ça veut dire que le service public doit être très présent. Vous entendrez tout à l'heure le ministre de l'Intérieur, nous avons un grand projet ensemble, pour revaloriser, redonner des moyens notamment aux sous-préfectures pour que vous puissiez avoir des interlocuteurs, et puis que la Préfectorale soit capable de répondre aux maires, soit capable d'arbitrer sur un certain nombre de décisions, parce que je sais bien que quelque fois un ingénieur, quelque fois un représentant des services techniques vous impose des décisions que vous ne trouvez pas forcément adaptées, pertinentes pour la situation de la commune et vous n'avez pas, face à vous, l'interlocuteur représentant de l'État qui peut interpréter le règlement.

C'est ce que je souhaite que fassent le préfet et le sous-préfet qui doivent être les coordonnateurs de l'action de l'État ! Et j'ai vu un certain nombre de cas où la DDE n'est pas d'accord avec la DIREN qui n'est pas d'accord avec la Direction départementale de l'environnement, c'est le préfet qui est le représentant de l'État ! C'est lui qui doit pouvoir arbitrer, c'est votre interlocuteur et je souhaite qu'on lui donne progressivement - nous l'avons fait pour les préfets de région, nous allons le faire pour les préfets de départements, de même pour les sous-préfets - que le préfet puisse être le représentant de tous les services de l'État et d'être capable d'être face au maire celui qui met de la cohérence dans l'action de l'État, comme le maire met de la cohérence dans l'action de sa propre collectivité territoriale. C'est cette réforme-là que nous proposons de manière à ce que les communes restent cet élément fondamental de ce qui est aujourd'hui l'organisation décentralisée de notre République, puisque maintenant, nous avons mis dans notre Constitution que la République était une organisation décentralisée.

Je termine en vous remerciant, les unes... et les autres de vous être ainsi rassemblés pour travailler ensemble. Je reste un Girondin, et un grand écrivain qui fut aussi un grand parlementaire, LAMARTINE, a écrit un livre formidable qui s'appelle L'histoire des Girondins. Et dans ce livre qui est écrit dans une langue du XIX e siècle, une très belle langue, il écrit et il décrit tous les personnages. Et parmi les personnages dont il parle, il y a une femme d'exception qui s'appelle Mme ROLAND qui a inspiré les Girondins, qui a inspiré l'engagement politique, qui a inspiré des grandes idées de notre vie républicaine mais aussi de notre organisation décentralisée, et Lamartine disait : « Il y a toujours une femme à la source des grandes choses ».

Jean Dumonteil : Merci Jean-Pierre Raffarin, merci Monsieur le Premier ministre.

Avant de rentrer dans le débat, je vous propose comme respiration de faire un petit tour en images, 60 ans en arrière, avec un film d'actualité de cinéma Pathé : « 1945, c'est le premier vote des Françaises ». C'est aussi la date des premières élections municipales d'après-guerre. Alors retournons 60 ans en arrière.

Commentaire des Actualités Pathé de 1947

« Et voici notre reportage de la semaine : dans ce petit village de la Côte-d'Or, les élections municipales ont revêtu un visage assez particulier. À l'appel du tambour de ville, deux clans ont répondu et se sont affrontés avec une énergie à nulle autre pareille. Deux clans qui s'opposent sur une question de sexe. Car, depuis deux années Echigué, est géré par les femmes. Et celles-ci ont entendu porter la culotte en même temps que ceindre l'écharpe, et tout régenter au gré de leurs délibérations.

Mairesses et conseillères ont tout mis en oeuvre pour que le pouvoir ne leur échappe pas. Après les graffitis d'usage, des meetings occultes ont réuni des dizaines de personnes, et les manoeuvres d'encerclement ont été élaborées. On a décidé de combattre l'adversaire sur son propre terrain. Jamais propagande ne fut plus subtile. Jamais arguments ne furent plus soigneusement mis au point. Mais, dans ce combat revu et corrigé des Horaces et des Curiaces, les hommes ne sont pas restés inactifs.

Décidés à secouer la tyrannie du jupon, ils ont décidé de grouper leurs forces. C'est à l'homme qu'il appartient d'être maire, avec une belle audace verbale.

Et, au matin du grand, jour on a vu les ménages, sinon ennemis, du moins adversaires, gagner la mairie en vue du combat. Philémon et Baucis séparés par les urnes.

Beau sujet de pendule. Mais le sexe faible avait trop présumé de ses forces. Les hommes l'ont emporté. »

Jean Dumonteil : Voilà ! Heureusement, en 60 ans, les choses ont un peu progressé.

Nous allons rentrer maintenant dans le débat.

Je vous rappelle que cette assemblée plénière des États généraux de la démocratie locale et de la parité va s'organiser autour de trois tables rondes. Et j'invite toutes les participantes et les participants à la première table ronde consacrée à « La condition féminine à l'épreuve des responsabilités électives municipales » à rejoindre la tribune.

Première table ronde

La condition féminine à l'épreuve des responsabilités électives municipales

Nicole AMELINE, Ministre de la Parité et de l'Égalité professionnelle

Yolande BOYER (Finistère, Soc.), Présidente de la commission n° 1

Catherine TROENDLE (Haut-Rhin, UMP), Rapporteure de la commission n° l

Yvon COLLIN (Tarn-et-Garonne, RDSE), Sénateur

Gisèle PRINTZ (Moselle, Soc), sénatrice

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