La ruralité,un atout pour demain à défendre ensemble



Palais du Luxembourg, 28 mai 2003

Luc GUYAU Président de l'Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture

Le débat qui est engagé aujourd'hui ici - mais qui est engagé aussi à l'extérieur de cette salle sur le milieu rural d'aujourd'hui dans toutes ses composantes - nous fait chaud au coeur parce qu'il est important qu'au moment où nous sommes, on se penche vraiment sur le sort non pas du milieu rural mais de l'équilibre total de notre pays. Le débat sur le milieu rural ne concerne pas que les gens du milieu rural, il concerne bien tout l'équilibre du pays.

Dans un premier temps, nous ne pensons pas qu'à la fin de l'année tous les problèmes qui concernent le milieu rural seront réglés. Nous pensons donc qu'il y a un travail sur le long terme qui est à engager. Une loi d'orientation -moi j'utilise le terme d'orientation parce que la loi ne sera pas finale - doit voir le jour assez rapidement, je l'espère bien. Le Premier ministre a prévu un CIAT et je m'en félicite parce que le risque que nous avons dans le débat sur le milieu rural c'est qu'il redevienne très vite agricolo-agricole, alors que notre objectif est bien de faire en sorte qu'il explose et qu'il concerne tous les secteurs.

Trois éléments sur lesquels je voudrais dire quelques mots : un milieu rural c'est d'abord et avant tout un milieu économique, c'est un milieu de relations humaines, c'est un milieu de partage du territoire donc du foncier.

Au moment où on parle de l'avenir du milieu rural, ne pas faire référence aux questions qui se posent sur l'avenir du monde agricole serait une erreur. Car il n'y aura pas de milieu rural équilibré sans un milieu agricole dynamique et vivant et également d'autres activités rurales, artisanales, commerciales et autres. Je disais souvent cela quand j'étais aux Jeunes Agriculteurs : un planton plus un planton, même de sexe différent, ça n'a jamais fait un troisième planton.

Pourquoi ? Parce que c'est le syndrome de beaucoup de pays, y compris en particulier les pays en voie de développement : quand on n'a plus de réalité d'activité économique dans un milieu, on ne rêve que d'une chose, c'est d'aller dans un autre milieu où on n'a pas forcément un emploi mais où on peut accéder à la vie culture, à la vie sociale et peut-être à l'emploi. Ce risque-là existe toujours pour l'agriculture.

Deuxième chose, si l'agriculture est essentielle à cet équilibre, tous les autres secteurs ne le sont pas moins. J'ai cité l'artisanat, mais aussi toutes les activités dont on parlera tout à l'heure, celles de la chasse, de la pêche, du tourisme, des randonnées, pas uniquement en termes de loisirs mais également en termes économiques. Ne l'oublions pas, ce sont des aspects fortement économiques. Bien sûr, la volonté nationale de déconcentrer et de décentraliser un certain nombre d'économies reste indispensable, même s'il y a eu quelques efforts de fait. Il ne doit pas y avoir que les usines agroalimentaires qui soient à la campagne si on veut maintenir des populations actives.

Le milieu rural a son équilibre, sa société, son histoire et l'histoire vit avec les évolutions des populations et un certain nombre de citoyens ont envie de vivre dans le milieu rural sans avoir appris, regardé ou observé de près les habitudes du milieu rural. C'est vrai que quand je viens en ville, moi, l'homme du milieu rural, on m'impose les règles de la ville. Si je veux stationner ma voiture, on ne met pas le stationnement en fonction de ma voiture mais en fonction de la circulation et de la vie des gens qui habitent à Paris. Je le respecte et si je ne le respecte pas, j'ai un PV.

Eh bien je ne demande pas que nous soyons les seuls à décider mais le milieu rural a aussi droit à ses exigences : un milieu de vie et un milieu de travail qui doivent d'abord être respectés. Et dans cet équilibre-là nous avons besoin d'avoir un tissu relationnel, cadré bien souvent dans le cadre des lois, pour que chacun sache quelles sont ses responsabilités, ses droits et ses devoirs. Vous avez évoqué tout à l'heure la tondeuse et le coq : bien sûr, la tondeuse fait partie du nouvel espace rural. On doit pouvoir trouver un moyen, maintenant, avec les 35 heures, de passer la tondeuse un autre jour que dimanche après-midi. Et puis on ne va quand même pas assassiner tous les coqs parce qu'ils chantent, parce que c'est quand même la vie.

Le territoire c'est un espace vaste, plus de 55 % de terres agricoles. Avec les bois ça ne fait pas loin de 80 % de territoires qui sont occupés. Dans les bois il y a un peu moins d'habitations, c'est vrai, mais tout ce territoire, nous l'occupons pour le travail. Ça a posé des problèmes dans le monde agricole : nous avons essayé de répartir au mieux l'espace agricole. Mais aujourd'hui ce partage ne se fait pas qu'avec des agriculteurs mais aussi avec du résidentiel et nous disons que là aussi il faut l'organiser.

Tous les aspects évoqués tout à l'heure concernant les SCOT, les PLU et tous les zonages qu'il peut y avoir sont pour nous des éléments qui sont indispensables à la gestion équilibrée du milieu rural. Là aussi nous sommes favorables à ce que chacun puisse y participer selon sa conception mais à condition que l'on mette bien chacun à sa place : lieu de travail, lieu de vie, lieu de loisir. À chaque instant il faut justement que cette loi rurale permette de trouver cet équilibre-là.

Aux Chambres d'Agriculture nous essayons de faire en sorte que les agriculteurs eux-mêmes perçoivent ces nouveaux éléments des évolutions sociales du milieu rural.

J'étais la semaine dernière au congrès des Jeunes Agriculteurs : ils avaient un débat sur la pluri-activité des néo-ruraux dans le milieu rural. C'est vrai que lorsqu'ils parlent de leur profession, ils se sentent un peu agressés. Il faut donc passer ce cap de l'agression pour en faire quelque chose de dynamique.

Nous essayons aussi d'être présents au mieux, en lien avec les collectivités territoriales. Et pour ce faire nous voulons, au niveau interconsulaire, chambres de métiers et de commerce et d'agriculture, apporter justement notre savoir-faire, notre expérience et notre lien avec ceux qui vivent et travaillent dans le milieu rural pour essayer de faire en sorte que cet espace de vie qu'est le milieu rural ne soit pas une variable d'ajustement de la ville mais bien un complément de la ville. Nous cherchons ainsi à créer un équilibre à la française, à l'européenne, qui fasse la force de nos pays.

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