La ruralité,un atout pour demain à défendre ensemble



Palais du Luxembourg, 28 mai 2003

Henri PLAUCHE-GILLON Président de la Fédération Nationale des Syndicats de Propriétaires Forestiers et Sylviculteurs

La forêt française, avec quinze millions d'hectares, représente une part importante du territoire national : 28 %. Et ce territoire forestier ne cesse de croître : la forêt a doublé sa surface depuis un peu plus de 150 ans. Depuis les années 50, jusqu'en 90-95, c'était 50 000 hectares de plus de forêts en France. Ce chiffre est revenu à 23-24 000 hectares et dans le cadre des protocoles de Kyoto nous allons tendre vers les 30 000 hectares par an. Elle est constituée essentiellement de feuillus pour les deux tiers et de résineux pour un tiers.

La forêt privée, pour sa part, approche les 11 millions d'hectares et représente 74 % de cette surface forestière nationale. Elle appartient à 4 millions de propriétaires, ce qui indique qu'elle est très morcelée puisqu'en moyenne c'est moins de trois hectares par propriétaire forestier. Ce constat est un constat de richesse et de faiblesse. De richesse parce que c'est une assurance de variabilité des modes de gestion -et en matière environnementale c'est un atout. Faiblesse parce que bien évidemment, sur le plan économique, c'est un poids et nous prenons des mesures pour le corriger.

Cet espace qui nous appartient est confronté à des enjeux et des défis. Pour les survoler très rapidement, il faut aborder les trois grandes fonctions de la forêt, qui sont multi-séculaires en France et qui sont l'économie, l'environnement et le social.

La fonction économique tout d'abord, c'est bien sûr le socle de notre activité. Mais il faut bien dire que la France a des capacités qui sont mal utilisées en matière d'utilisation du bois. En effet, le bois de nos forêts est un atout pour la France. Aujourd'hui, il pousse, il croît, il s'accroît biologiquement à hauteur de 85 millions de mètres cubes par an et on en exploite moins de cinquante millions de mètres cubes. Il y a donc un différentiel sur lequel il faut réfléchir.

Et c'est suivant cette réflexion que les forestiers privés vont s'engager dans une vaste action de mobilisation du bois à travers deux thèmes. Tout d'abord, une réflexion stratégique qui consiste à faire un état des lieux pour voir ce qui existe et quelles sont nos capacités et notre possibilité dans l'avenir. Car le bois se produit à long terme et quand on plante, on ne récolte que de nombreuses années après. Donc nous allons faire un constat, nous allons voir ce qui constitue aujourd'hui des facteurs de blocage : des dessertes, des morcellements, le moyen d'exploitation forestier et la qualité du bois. Nous étudierons également les marchés. Car il est navrant de voir qu'une partie des artisans de France ou des industriels utilise du bois importé quand nous en avons à proposer. Donc il faut voir quels sont ces marchés, quelles sont les capacités, les forces et les faiblesses de l'industrie et nous ferons des propositions en la matière.

Et ensuite nous engagerons résolument des plans de développement massifs en mettant en oeuvre tous les moyens de la forêt privée, par massif de 5 à 10 000 hectares donc très proches du terrain, pour assurer cette mobilisation.

On touche au coeur de l'aménagement du territoire et la composante forestière est importante pour son avenir. C'est un sujet qui nous est nouveau dans sa composante actuelle car les questions de la société sont pour nous nouvelles et parfois provocantes. Mais nous savons bien sûr que la forêt rend des services nombreux à la société : le paysage, dont une partie importante vient de la forêt, le cadre des sites remarquables, la protection des sols, la qualité des eaux, la fixation du carbone atmosphérique, la biodiversité ou encore l'accueil du public.

Dans tous ces domaines, les demandes sont croissantes et nous demandons un esprit d'efficacité à travers la simplification. En effet, un forestier, lorsqu'il entreprend une action dans la gestion de sa forêt, doit se demander s'il se trouve dans un des 78 types de zones qui peuvent le concerner. C'est un véritable maquis incompréhensible, c'est une accumulation de strates successives qui rend l'action des forestiers très difficile. Nous demandons simplement de repenser, réformer et simplifier. Et je suis convaincu que cet axe, qui est un des axes forts du Gouvernement, sera entendu et trouvera un écho dans la loi sur les affaires rurales.

En orientant et adaptant notre gestion à travers tel ou tel service, nous pouvons faire faire des économies à la société. Je prendrai un seul exemple : la forêt aide à la qualité de l'eau et des collectivités territoriales peuvent parfaitement envisager dans l'avenir un partenariat entre des forestiers et leur cité pour éviter de coûteuses infrastructures de purification de l'eau. Je citerai un seul exemple qui est la ville de Vienne, en Autriche, où ce partenariat est très productif et fonctionne dans l'intérêt de tous, les forestiers qui voient un de leurs services reconnu et pris en compte et la collectivité de cette ville de Vienne qui y trouve un grand avantage.

Nos propositions, c'est de faire en sorte que, entre les forestiers et les différents partenaires de la société que sont des personnes, des sociétés, des collectivités territoriales, qui ont un rôle fondamental en la matière, ou l'État, puisse s'établir un partenariat à travers des contrats qui seront le socle d'améliorations futures.

Les conflits d'usage, il y en a. Ils doivent être identifiés et résolus.

Pour l'usage du territoire, il n'y a quasiment plus de conflits avec les agriculteurs. Après la guerre, vous savez que la politique agricole était souvent, en tout cas chez certains agriculteurs dans certaines régions, de défricher beaucoup pour développer la production agricole. Aujourd'hui ce n'est plus d'actualité, d'actualité première en tout cas, et si ensemble, agriculteurs, forestiers et élus territoriaux, on aborde cette question d'équilibre du territoire entre la zone agricole et la zone forestière, à travers notamment des réglementations de boisements concertées et intelligentes, on saura résoudre ce problème.

Entre forestiers et chasseurs, c'est un conflit contre-nature parce que les chasseurs sont nos amis. Il y a pourtant un point qui fait l'objet d'un débat, difficile parfois, c'est celui de l'équilibre sylvo-cynégétique. C'est-à-dire que lorsqu'il y a trop de gibier, la forêt ne peut plus se renouveler. Et aujourd'hui en France, 30 % du territoire forestier est concerné, parfois dramatiquement, par ce problème. C'est une confrontation entre deux passions : la passion des chasseurs, que tout le monde connaît bien et que nous respectons parfaitement, et la passion des forestiers, qui sont très attachés à leur métier et à ce qu'ils font. Je suis convaincu qu'à travers une concertation, même parfois un peu ardue, nous saurons trouver des solutions à cette difficulté.

Les forestiers ont eu du mal à comprendre cette résistance forte du monde de l'environnement. D'abord un exemple sur l'environnement venu des instances européennes. Lorsque l'on a des applications qui utilisent bien notre territoire, de type Natura 2000, alors nous appelons avec l'ensemble des partenaires du monde rural à ce que la concertation avec les autorités européennes et les acteurs, à travers les démarches nationales, soit véritablement efficace. Il nous faut cette concertation et il faut qu'on y soit associés. Ça progresse mais ce n'est pas encore toujours le cas.

Nous sommes aussi confrontés à un véritable défi avec la certification forestière, qui est un débat de caractère mondial. Nous avons appris à cette occasion à nous concerter avec ceux des écologistes qui sont raisonnables et constructifs. Et nous savons que grâce à ce contact, qui, lui, n'était pas naturel au départ, bien que nous soyons tous attachés à la gestion de notre territoire, et grâce à cette concertation, nous arrivons à trouver des zones de progrès.

Enfin, les forestiers sont des partenaires du monde rural. Ces enjeux auxquels ils sont confrontés, ils ne les affronteront pas seuls parce qu'ils ne sont pas les seuls dans le monde rural. Nous les affronterons avec nos partenaires de la filière bois, avec lesquels nous sommes très étroitement liés, avec nos partenaires de l'agriculture que sont les propriétaires agricoles, les exploitants agricoles, les chasseurs et les pêcheurs et, c'est notre voeu, avec l'ensemble des représentants des collectivités territoriales. C'est par ce contact et ce travail en commun qu'ensemble les forestiers apporteront leur contribution à une valorisation de l'espace rural.

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