La ruralité,un atout pour demain à défendre ensemble



Palais du Luxembourg, 28 mai 2003

Philippe BRAYER Président de la Fédération Nationale de la Propriété Agricole et Rurale

Il faut parler de ceux qui détiennent le territoire parce que notre territoire français appartient à des propriétaires.

Le président Plauche-Gillon vous a dit qu'il y avait quatre millions de propriétaires forestiers mais il y a aussi quatre millions de propriétaires agricoles et ruraux, ce qui représente huit millions de propriétaires sur le territoire rural. Et ces huit millions de propriétaires sont des hommes et des femmes qui sont des passionnés par leurs propriétés, peut-être parce qu'ils en ont hérité et qu'elles font partie de leurs tripes et de leur généalogie mais aussi très souvent parce qu'ils achètent ce bout de territoire et, on l'a dit tout à l'heure, parce que c'est un mouvement de notre société aujourd'hui. Et ces propriétaires aspirent à être des hommes et des femmes de projets de développement de ce territoire.

Le président César l'a dit tout à l'heure, les propriétaires ont des droits et des devoirs. Dans ce partage du territoire aujourd'hui, nous avons tendance à considérer que nous devons, nous propriétaires, conserver les droits. On serait enclin aujourd'hui, un peu comme un artichaut, à nous enlever droit par droit tout en nous conservant nos devoirs. Ces hommes et ces femmes de territoire, qui le détiennent et qui sont des hommes et des femmes de projets, qu'est-ce qu'on va leur apporter dans le cadre de cette loi sur la ruralité ?

Si on pouvait se reporter à peu près cinquante ans en arrière il devait y voir dans cette noble maison qu'est le Sénat un certain nombre de débats identiques aux débats que nous avons aujourd'hui parce qu'à l'époque on devait se poser la question de savoir comment pérenniser notre agriculture, pour faire en sorte que nous ayons dans le territoire une action liée à cette production de produits de première nécessité qu'étaient les produits alimentaires de l'époque.

Aujourd'hui on se pose la question : que va-t-on faire du territoire ? Le territoire, de toute évidence, sera de moins en moins agricole. On peut le déplorer - et je suis moi-même un propriétaire exploitant - mais c'est comme ça, parce que notre agriculture est une agriculture économique. Il est vrai que beaucoup de bouts de territoire demain ne seront plus voués à l'agriculture. Donc il va falloir à un moment ou à un autre continuer à entretenir nos paysages tels qu'ils ont été entretenus depuis des siècles. Nous souhaitons, nous propriétaires, que ce vaste débat qui s'installe autour de ces projets pour la ruralité permette de modifier beaucoup de textes que nous avons aujourd'hui à notre disposition pour pouvoir, sur ce territoire, être des propriétaires actifs.

C'est vrai que toutes les règles qui régissent les relations entre le monde des propriétaires et le monde des exploitants agricoles devront être revues. Je crois qu'il faut rappeler que plus de 70 % des terres agricoles sont louées par bail rural, c'est-à-dire qu'elles sont soumises à des règles sur le statut du fermage qui ont été édictées dans les années 45. Je crois qu'on ne pourra pas, dans toute cette évolution et peut-être cette révolution du monde rural, faire l'économie d'une modification de tous ces textes qui régissent toutes ces relations. Les actifs agricoles, certes, ont besoin de conserver sur le territoire une stabilité d'action, mais aussi ils vont être amenés à libérer un certain nombre de morceaux de ce territoire, pour que tous ces actifs de la ruralité que sont les propriétaires puissent se lancer dans cette formidable nouvelle aventure du partage du territoire.

C'est une aventure pour nous tous, le partage du territoire. Parce qu'il existe des consommateurs d'espace : tous ceux qui sont en ville et qui aspirent, le week-end venu, à venir sur nos territoires et consommer ces territoires, c'est-à-dire profiter de tout ce que nous pouvons leur apporter. Il est évident qu'il faut façonner ce territoire. Et si on nous l'envie depuis longtemps, c'est parce que tous les actifs de la ruralité l'ont façonné, siècle après siècle, et il va bien falloir que nous continuions à le façonner pour qu'il soit attractif, pour qu'il puisse satisfaire cette nécessité de partage du territoire.

On ne pourra pas éviter de faire changer un certain nombre de textes qui handicapent cette évolution des relations et la volonté de tous ces actifs propriétaires de se dépasser pour aller dans ce sens de l'accueil en milieu rural.

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