La ruralité,un atout pour demain à défendre ensemble



Palais du Luxembourg, 28 mai 2003

Richard BURGE Secrétaire Général de la Countryside Alliance

J'aimerais vous féliciter pour la tenue de ce colloque car on ne pourrait jamais organiser un tel événement au Parlement britannique. Le Parlement britannique, au cours des six dernières années, a passé beaucoup plus de temps à discuter de la vénerie que de toutes les autres questions rurales réunies. Donc je pense que j'ai beaucoup plus à apprendre de cette réunion que je n'ai à vous enseigner.

400 000 personnes ont manifesté à Londres afin de protester parce qu'on les traite comme une colonie. La Grande-Bretagne rurale n'est pas une colonie, l'Europe rurale n'est pas une colonie, ce sont des partenaires dans le développement économique et le développement durable de l'Union Européenne. Nous ne pouvons pas parler d'une France rurale ou d'une Grande-Bretagne rurale comme si les autres n'existaient pas. Nous sommes tous partie prenante du même problème. C'est une population rurale qui se sent dévalorisée, qui se sent sans pouvoir face à la situation politique, qui se sent méprisée. Et ceci, en Grande-Bretagne, s'est produit beaucoup plus rapidement que n'importe où ailleurs en Europe.

Mais je ne suis pas ici pour vous montrer le mécontentement de la Grande-Bretagne ni pour vous dire que Paris doit organiser une manifestation similaire à celle que nous avons organisée à Londres. Les personnes sont passionnées dans le monde rural, parce que ce n'est pas dans leur tête, c'est dans leur coeur. Ce n'est pas dans leur portefeuille, c'est dans leur style de vie. Notre manifestation s'appelait la « manifestation pour la liberté et le style de vie ».

En 1987, nous avions déjà eu une manifestation avec 250 000 personnes. En 1999, nous avons organisé sept manifestations dans les sept villes principales d'Angleterre et du Pays de Galles et c'était pour certaines d'entre elles les plus grandes manifestations jamais vues. Et puis ensuite il y a eu cette grande manifestation du mois de septembre, qui tient son nom du fait qu'à la campagne, la liberté sans style de vie cela veut dire la pauvreté. Mais si nous n'avons pas de liberté, ce n'est pas mieux que d'être esclave. Nous voulons à la fois pouvoir vivre à la campagne et être libres. La campagne ne doit plus être perçue comme une colonie. La campagne n'est pas un jardin. Et le monde rural n'est pas un monde de jardinier, c'est un endroit où on vit, où on travaille, où on respire.

Le monde rural est un endroit très varié. Les personnes qui y habitent sont plus souvent en désaccord qu'en accord. Mais c'est cette diversité qui lui donne sa richesse et sa force, c'est cette diversité qui a rendu possible une telle manifestation dans les rues de Londres. La diversité sera renforcée dans l'Europe rurale si nous rendons du pouvoir et de l'autorité aux ruraux pour prendre des décisions concernant leur propre vie. Évidemment il faut des législations nationales et un cadre. Mais plus on donne de responsabilités au niveau local, plus on renforce ces communautés locales et plus ces personnes peuvent assumer de responsabilités.

La chasse en Grande-Bretagne est menacée parce qu'elle est perçue comme un endroit où les aristocrates créent des problèmes pour les paysans. Ce n'est pas du tout ça. Friedrich Engels, qui était sans doute le chasseur le plus connu en Grande-Bretagne, a dit que c'était la seule activité égalitaire qu'il voyait dans l'Angleterre victorienne. C'est encore le cas, c'est encore une activité où préside une certaine égalité. Mais la chasse, pour beaucoup de personnes, pour les chasseurs à tir, les pêcheurs, c'est un mode de vie. C'est la différence entre une existence monotone et une existence diverse, stimulante et variée. C'est quelque chose qu'ils peuvent transmettre à leurs fils, à leurs filles et ça leur donne le courage et la volonté d'exister avec moins de services et de revenus que les citadins.

Le monde rural doit être prêt à accepter le changement. L'un de ces changements doit être une manière différente de financer le monde rural. Les agriculteurs ne doivent pas gérer le monde rural comme un parc et n'être soutenus que pour produire des aliments. Si on parle de diversité, il faut qu'il y ait un revenu, un revenu honnête, un revenu équitable.

En Grande-Bretagne, actuellement, nous tentons de mettre en place des conseils ruraux, c'est-à-dire des organisations rassemblant des associations et organisations rurales pour qu'elles soient à même de débattre honnêtement des problèmes qui se posent au monde rural, sans avoir de politiciens qui nous chuchotent à l'oreille ce qu'il faut faire. Si je peux être quelque peu provocateur, nous devons nous souvenir que les hommes politiques sont comme de très belles sirènes sur les rochers, qui amènent les gens à leur mort. Et les organisations, si elles écoutent ces sirènes-là, seront menacées. Elles doivent davantage écouter leurs partenaires dans le monde rural.

Et donc j'espère qu'au cours des cinq à dix années à venir, à travers le monde rural, les organisations rurales pourront se rassembler non pas pour confronter les hommes politiques mais pour faire entendre leur voix. Nous, nous avons des problèmes entre les chasseurs et les propriétaires de forêts. Eh bien, nous avons réussi à les rassembler au sein de ces conseils, à discuter de nos problèmes en privé, sans qu'ils soient exposés aux sarcasmes et à la malveillance de nos hommes politiques.

L'unité dans le monde rural en Grande-Bretagne n'est pas plus facile qu'en France ou qu'ailleurs. Il faut être patients et disciplinés. En ce qui concerne le Gouvernement, je dois vous dire - et je suis membre du Parti Travailliste -que c'est un Gouvernement qui est arrivé au pouvoir en promettant une interdiction de la chasse au bout d'un an. La chasse est encore un sport, le sport le plus populaire, pour lequel aucune législation n'est intervenue. Cependant, ce qu'il faut faire c'est travailler avec les chasseurs, les agriculteurs et toutes les autres parties prenantes pour qu'ils comprennent qu'ils habitent tous ensemble, qu'ils partagent le même milieu. Nous n'avons pas encore tout à fait mis en place les conseils dont je vous parlais mais nous sommes sur la bonne voie. On n'a pas construit Rome en un jour.

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