La ruralité,un atout pour demain à défendre ensemble



Palais du Luxembourg, 28 mai 2003

Yves CENSI Député de l'Aveyron, chargé par le ministre de l'Agriculture d'un rapport sur le développement rural

Il y a beaucoup de choses à dire et à penser sur la ruralité. Quand on a affaire à ce sujet, on est confronté forcément à plusieurs définitions. Dans le cadre de la mission qui m'a été confiée, je me suis livré à des auditions dites auditions nationales. J'ai entendu les fédérations, avec des organisations professionnelles, des ministères et des spécialistes.

Finalement, le plus important était de savoir probablement comment les actifs ruraux et les habitants du monde rural vivent et interprètent la ruralité. Je voulais savoir comment ils interprètent la réglementation et la manière dont on gère les territoires ruraux. Pourquoi m'a-t-il semblé qu'il est important de raisonner de cette façon ? C'est parce qu'on a autant de définitions qu'il y a de représentations et de catégories de personnes qui travaillent sur les territoires ruraux. Ce qui fait qu'on oublie toujours quelque chose quand on veut tenir un discours ou élaborer les politiques sur la ruralité.

Dans ce contexte, une vision catégorielle qui se focaliserait par exemple sur l'agriculture dont on parlait tout à l'heure serait réductrice. En effet, le monde rural est un territoire qui regorge de tout ce qui représente la société française. Ça veut dire qu'on y est confronté à la même diversité qu'on aurait à l'échelle de la société française. Mais on peut essayer de regarder cette diversité sous l'angle de la ruralité. Ce qui fait reposer, je crois, une responsabilité énorme sur les épaules du législateur à partir du moment où on fait le choix de légiférer sur une politique de la ruralité. Il faudra en effet s'attaquer à cette immense variété des situations. Je pense à la diversité des situations personnelles et individuelles et à la diversité des territoires.

Vous savez bien que lorsqu'on parle de ruralité, on va mettre sous ce même terme la Haute-Savoie qui est pratiquement une surchauffe de développement avec 10 000 habitants supplémentaires chaque année et la Haute-Loire ou l'Aveyron ou la Lozère confrontés au déclin de la population. Ce qui veut dire qu'on ne peut pas aborder les choses de la même façon sur des territoires aussi différents.

Je vais m'attarder sur les chiffres parce qu'il faut se méfier des idées reçues. Quand on s'intéresse aux chiffres on va dire, voilà l'évolution des populations et de la démographie sur les territoires ruraux et urbains selon l'INSEE. Mais dès qu'un territoire rural connaît une évolution significative, ça devient un territoire urbain ! Ce qui veut dire en quelque sorte qu'il n'y a pas d'accroissement de population dans les territoires ruraux. Je crois que le plus important, c'est de bien distinguer les choses entre les angles d'observateur, d'aménageur et de la population.

Mon rôle sera de prendre les choses sous l'angle de la population. Et à ce niveau, on se rend compte que les choses sont complexes. Moi, je n'ai jamais rencontré une tête pensante, quelle qu'elle soit, qui puisse dire, « j'ai la solution sur le rural. » Je pense même que cela n'arrivera jamais. Par contre, ce que j'ai rencontré c'est beaucoup de gens qui, sur le terrain, avaient des solutions. C'est là la clé. Je pense que la démarche qui consisterait à uniformiser les enjeux, notamment par l'uniformité des contraintes et des règlements, on n'y arrivera pas. Ce qu'il faut faire peut-être, c'est enfin accepter de s'appuyer sur les acteurs et les actifs ruraux pour qu'ils trouvent eux-mêmes des solutions au développement rural. Personne ne sera suffisamment plus intelligent que les autres pour dire moi j'ai trouvé la solution qu'il faut faire passer par la loi. Ça ne marche pas et c'est peut-être l'une des causes des difficultés actuelles du développement rural.

Un deuxième point, puisqu'on parle de développement des activités. L'agriculture a un rôle éminemment majeur dans les activités économiques de la ruralité. Je suis génétiquement sensible à cette phrase selon laquelle « il n'y a pas de pays sans paysans », a fortiori puisque Bernard Lacombe habitait d'abord à Camboulager, au coeur de l'Aveyron et je crois que ce n'est pas par hasard qu'il habitait là. « Il n'y a pas de pays sans paysans », c'est un état de fait, c'est un constat. Il a aussi dit, « Il n'y a pas de territoire sans avenir. Il n'y a que des territoires sans projet. » Et je crois qu'un projet de territoire en soi, il ne faut pas se leurrer, ça n'existe pas. Les projets ne sont portés que par les femmes et les hommes qui sont sur ce territoire. Il faut donc s'intéresser à ces femmes et hommes.

Or on a entendu dire que les services publics quittaient les campagnes parce qu'il y a un problème de rentabilité. Le problème de rentabilité est d'abord un problème de taux d'usage. Il est donc un peu difficile de parler de rentabilité quand on parle des phénomènes aux conséquences humaines aussi fortes. Par contre, il est évident que le taux d'usage doit être suffisant. Je crois que le premier objectif est de permettre aux populations de s'installer, d'habiter et de travailler dans les zones rurales. Un des premiers devoirs que nous avons est d'être capable d'accueillir.

La question qui se pose est donc de savoir comment faire pour accueillir, libérer, responsabiliser et rapprocher ? Je suis persuadé que nous sommes dans un mouvement qui est absolument favorable aux territoires ruraux. Si ces territoires continuent néanmoins à connaître quand même des difficultés, c'est parce qu'on empêche aux acteurs qui en sont issus de s'organiser comme ils l'entendent et de manière adaptée. Ce qu'il faut, c'est des formes d'organisation qui n'ont rien à voir avec les organisations urbaines concentrées sur des territoires aux densités beaucoup plus larges. Ce qu'il faut pour le monde rural, ce sont des modes d'organisations différents ; il faut laisser faire les acteurs. Les solutions existent et chaque fois qu'on s'intéresse aux projets d'une commune ou d'une entreprise, les capacités d'adaptation existent.

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