Les défis de la paix



Sénat - 11 juin 2005

L'Europe vue par les équipes candidates
Le point de vue de personnalités étrangères

1. Interview de M. Axel Berg, membre (SPD) du Bundestag
réalisée par les élèves du Werner-Heisenberg Gymnasium - Garching (Allemagne)

1 er trimestre 2005

Qu'est ce que la démocratie pour vous ?

« Très classiquement : la souveraineté du peuple à l'inverse du règne de certaines personnes comme dans les monarchies ou les dictatures.

La démocratie donne aussi aux citoyens la possibilité de dire ce qu'ils pensent, il y a pourtant beaucoup de différences dans l'interprétation et la réalisation de la démocratie.

Il va de soi, que la démocratie doit « s'épanouir » d'une manière naturelle et que certaines conditions sont nécessaires à son bon développement. Les citoyens ont besoin par exemple d'une certaine conscience et d'un certain « savoir » vis-à-vis de la démocratie.

On ne peut pas s'attendre à ce que des gens élevés sous un régime totalitaire deviennent du jour au lendemain des démocrates.

C'est ce que l'on voit en Allemagne avec l'exemple de la RDA, qui à part la courte interruption de la République de Weimar est passée sans transition de la monarchie à Hitler puis au régime communiste totalitaire. En tout cas, le concept de démocratie a pour moi une connotation toujours positive. »

Pensez-vous que l'intégration de la RDA aux structures démocratiques de la RFA a été réussie ?

« Il faut être indulgent, parce que cette situation était unique jusqu'à ce jour et que tout s'est relativement bien passé.

Ce qui n'était pas bon, c'est qu'on a quasiment imposé le système de l'Allemagne de l'ouest aux Allemands de l'est bien que les institutions de la RDA n'aient pas été toutes mauvaises.

Il y avait en RDA un système de crédit qui fonctionnait très bien, mais qui fut supprimé lors de la réunification.

Il est aussi insatisfaisant selon moi que l'on ait dit par principe : « tout est mauvais à l'est et tout est bon à l'ouest ».

On aurait dû plus examiner au cas par cas ce qui fonctionnait le mieux à l'est ou à l'ouest pour trouver ensuite dans chaque cas la meilleure solution pour l'Allemagne. De cette manière, on aurait pu mieux intégrer la population de la RDA, qui finalement n'avait aucune expérience de la démocratie, aux structures de la RFA ».

Que peuvent faire les citoyens et l'État pour couper l'herbe sous le pied des partis extrémistes de droite ?

« J'ai peur que nous ayons en Europe centrale un noyau d'électeurs (à peu près 10%) de tendance extrémiste. Les 90% restants de la population doivent faire attention à ce que ces 10% ne reprennent plus jamais le dessus. On ne doit pas les passer sous silence, mais leur demander des explications, ce qui devrait commencer au plus petit niveau comme par exemple dans les dialogues avec des voisins.

En Allemagne, nous avons été un petit peu négligents ces 10 dernières années en ce qui concerne les partis d'extrême droite, parce qu'ils ne parviennent pas à se maintenir au sein des parlements régionaux. L'électorat des partis d'extrême droite se recrute le plus souvent parmi les insatisfaits, qui n'ont pas de perspectives d'avenir. Nous devons en fin de compte nous rapprocher des gens.

Une interdiction des partis radicaux de droite ne serait vraisemblablement pas une solution, parce que ce n'est pas ainsi que le problème de l'extrémisme de droite serait résolu. Les extrémistes de droite se rencontreront de toutes façons, sans que le grand public en soit informé. »

Est-ce que la démocratie allemande a des points faibles ?

« Je ne connais aucune démocratie plus satisfaisante que la démocratie allemande, car ici les institutions démocratiques comme la séparation des pouvoirs fonctionnent très bien.

Mais je souhaiterais que les citoyens puissent prendre part plus directement à la démocratie. Par exemple, grâce aux référendums qui auraient l'avantage supplémentaire de réduire la lassitude politique de beaucoup de citoyens. Ceux-ci auraient ainsi le sentiment de pouvoir peser plus directement sur les événements. »

Comment puis-je, en tant que citoyen, protéger et améliorer la démocratie ?

« On peut protéger la démocratie quand on s'y investit. En Allemagne, par exemple seulement 2% des citoyens sont membres d'un parti. Ces 2% forment presque les 100% du personnel politique.

En Allemagne, nous avons des partis dont le programme est déterminé par leurs membres actifs. 98% des citoyens ne prennent absolument pas part à l'élaboration de ces programmes. Pourtant la démocratie est un processus qui dépend de la participation des citoyens.

Un homme, un vote ! Nous devons tous nous investir. La plupart des personnes ne s'intéressent à la politique que lorsqu'elles ont des problèmes. Alors que la démocratie est un processus qui a besoin de continuité.

Malgré tous les inconvénients existants, la démocratie est pour moi la meilleure forme de gouvernement. »

2. Interview de M. Ernst Burgbacher, membre (FDP) du Bundestag
réalisée par les élèves du lycée de Villingen - Schwenningen (Allemagne)

1 er trimestre 2005

Comment se développera à votre avis la démocratie dans l'Union européenne avec ses nouveaux pays adhérents ?

L'Union européenne est constituée d'États démocratiques légitimes. La démocratisation des institutions de l'Union Européenne peut bien sûr être approfondie. Le Parlement Européen n'a pas encore assez de droits et de compétences face à la Commission Européenne. Par l'adhésion à l'Europe en mai 2004 de dix États qui sont essentiellement des États de l'Europe centrale et orientale, la démocratie de ces États a été substantiellement consolidée. En même temps l'Europe élargie représente une Europe démocratique.

Pensez vous que la réputation des formes de gouvernement démocratiques soit mise en danger par la politique du Président américain qui justifie sa politique extérieure militante par l'encouragement des systèmes démocratiques ?

Il est très problématique d'imposer la démocratie avec des moyens militaires. Les manifestations dans le monde entier ont montré que cette manière d'agir n'est pas acceptable pour beaucoup de gens. D'un autre côté, la démocratisation de l'Afghanistan et de l'Iraq n'aurait pas été possible sans une intervention militaire. La démocratie dans ces pays - si imparfaite soit-elle encore - profite aux gens, en particulier aux femmes, car elles sont libérées de l'oppression et du règne de l'arbitraire.

Comment peut-on développer/défendre la démocratie face au terrorisme ?

Il est indispensable de lutter contre le terrorisme et de ne pas reculer devant lui. En effet il y a souvent un conflit entre les intérêts de la sécurité d'un côté et les intérêts de la liberté de l'autre. Le droit à la liberté et les droits fondamentaux ne doivent pas être sacrifiés sur l'autel de la sécurité. Cela vaut par exemple pour les débats concernant une limitation du droit de réunion. Je refuse strictement une restriction de la liberté de se réunir et de manifester.

Comment défendre la démocratie face à des partis d'extrême-droite qui ont toujours plus de partisans ?

Tous les partis démocratiques ont le devoir d'engager une explication franche avec les mouvements d'extrême droite et de lutter contre les causes de l'extrémisme. Dans ce contexte, il nous appartient aussi de ne pas seulement gérer le chômage mais de le combattre par une politique économique active.

Dans cette situation, l'interdiction du parti me semble être le dernier moyen à employer ; la restriction du droit de réunion n'est pas non plus un moyen efficace pour lutter contre les dangers de l'extrême droite. Notre constitution ainsi que le droit pénal et la législation relative au droit de réunion offrent déjà aujourd'hui la possibilité de faire face efficacement aux excès des militants « bruns ». A cause de cela, je refuse de modifier le droit de réunion pour quelques groupes.

Peut on créer durablement un statut pour les élus qui assument la représentation démocratique, notamment en ce qui concerne les règles relatives à leurs activités professionnelles annexes et à leurs indemnités?

Les activités annexes des politiciens ne doivent pas être interdites. Quand les élus n'ont plus la possibilité de revenir dans leur emploi initial, leur existence dépend alors uniquement de la politique. Une restriction des activités annexes fait que de moins en moins de gens qui exercent une profession libérale sont candidats au Parlement fédéral. Cela va à l'encontre de l'objectif de garantir que le Bundestag soit représentatif du peuple. Je suis pour la transparence des activités annexes des députés. Toutefois je refuse que l'on exige de connaître les revenus de ces activités annexes, parce que dans beaucoup de cas cela mènerait de fait à une interdiction d'exercer son métier.

Le groupe parlementaire FDP a déjà déposé un projet de loi en avril 2003, dans lequel il propose de réunir une commission d'experts pour évaluer et fixer une indemnité convenable pour les députés. Qui plus est, il doit être du seul ressort du député de souscrire les assurances nécessaires en cas d'incapacité à travailler ou de grand âge. Cela couperait court aux débats sur les indemnités et les retraites des élus.

3. Interview du Dr Hans-Peter Friedrich, membre (CSU) du Bundestag
réalisée par les élèves du Jean-Paul Gymnasium - Hof (Allemagne)

16 mars 2005

Dans quels domaines la démocratie peut-elle être encore développée ?

La démocratie est d'abord une question de conscience. Il faut toujours y travailler. Chacun a des intérêts propres et les défend, mais s'il accepte aussi que les autres aient des intérêts différents qui sont pourtant légitimes, on a déjà gagné beaucoup. La démocratie doit être vue et défendue comme mécanisme de résolution des conflits, pas comme un système de répartition de l'abondance.

A presque chaque élection en Allemagne aujourd'hui, la participation baisse de plus en plus. Est-ce que cette lassitude à l'égard des élections est aussi une lassitude à l'égard de la démocratie ?

Je l'appellerais un « oubli de démocratie ». La plupart des gens sont ennuyés par la démocratie, parce que les processus démocratiques sont longs et difficiles. Malheureusement, beaucoup de gens en Allemagne ont oublié ce que la dictature signifie, d'autant plus que les jeunes ne l'ont jamais connue eux-mêmes.

Quelles sont les raisons de cette lassitude à l'égard de la démocratie ?

En Allemagne, des conflits sociaux n'ont pas été réglés au fond pendant des décennies, ils l'ont été par de la redistribution, c'est-à-dire avec de l'argent, du fait de la croissance économique. Engager une discussion politique musclée sur la meilleure voie à suivre est considéré par l'opinion et les médias comme une « querelle partisane ». Si nous ne changeons pas d'état d'esprit, l'Allemagne ira à l'abîme. La démocratie n'est pas une organisation de l'harmonie, mais une lutte pour la meilleure voie à suivre dans l'intérêt du peuple.

Comment est-ce que l'on peut inciter les jeunes à participer et à travailler au développement démocratique de l'Allemagne ?

La chose la plus importante chez des jeunes, c'est de fortifier la volonté et le désir de participer à la société ; peu importe que ce soit dans une association, un groupe de jeunes ou un parti politique. Les jeunes doivent savoir qu'ils sont aussi responsables à l'égard de la collectivité et que l'on a besoin d'eux.

Comment est-ce qu'on peut défendre la démocratie ?

On ne peut pas laisser calomnier la démocratie par ceux qui veulent l'éliminer. C'est pourquoi je suis pour une démocratie qui se défend sur le terrain du droit et de la sécurité. L'État doit se défendre contre ses ennemis avec des lois et des forces de sécurité.

4. Interview de M. Frank Hoffman, membre (SPD) du Bundestag,
réalisée par les élèves de Egbert Gymnasium - Munsterschwarzach (Allemagne)

1 er trimestre 2005

Croyez-vous que la restriction de la liberté de réunion (à propos d'une manifestation néo-nazie à la porte de Brandebourg à Berlin le 8 mai 2005) représente un danger pour la démocratie ou est-elle plutôt une mesure pour la défendre ?

Consultons d'abord ce que nous en dit l'article 8 de la constitution allemande :

« (1) Tous les Allemands ont le droit de se réunir pacifiquement et sans armes, sans autorisation ni déclaration préalable.

(2) Pour les réunions en plein air, ce droit peut être limité par une loi ou sur la base d'une loi. »

De telles manifestations n'ont pas toujours été tolérées : par exemple dans les années 60, la police a interdit des manifestations dans les rues, parce que les rues sont, en définitive, réservées à la circulation. Donc la constitution doit être interprétée : ceux qui veulent se réunir, exercent leurs droits fondamentaux. Mais la loi prévoit des restrictions. Dans le débat autour du 8 mai, la question se pose de savoir si on fait valoir ce droit ou non.

En ce moment, il y a deux tendances : la CDU (Union chrétienne démocrate) estime que le quartier du gouvernement, où se trouve la porte de Brandebourg serait à considérer comme un périmètre de sécurité où les manifestations sont interdites ; le fonctionnement du Parlement pourrait être menacé.

Le SPD (Parti social-démocrate), au contraire, est d'avis qu'on peut manifester les jours où le Parlement ne siège pas. Une solution particulière au Land de Berlin est aussi envisageable, mais je doute de sa conformité à la Constitution.

Selon moi, le Bundestag n'est pas menacé par le NDP, mais il faut que la résistance contre l'extrême droite, par exemple par des contre-manifestations, vienne principalement du peuple, des citoyens. Bien sûr, la démocratie n'est pas en danger à cause d'une telle manifestation, mais l'image de l'Allemagne à l'étranger est gravement endommagée. La porte de Brandebourg est enfin un symbole de défaites et de victoires pour lesquelles beaucoup de gens ont perdu leurs vies. Par ailleurs, Berlin n'est pas seulement frappée par des manifestations des néo-nazis. Ceux-ci choisissent des lieux et des événements symboliques comme Wunsiedel et Würzburg pour leurs manifestations. Comme il n'est pas question d'interdire toute manifestation dans tous ces lieux, il faut en débattre.

A Berlin, le fait que des travaux de construction sont entrepris dans le quartier en question, empêchant ainsi une manifestation à la porte de Brandebourg pour des raisons de sécurité, peut être la solution du problème.

Est-ce que l'influence grandissante des tendances de l'extrême droite signifie une
régression dans le développement de la démocratie ?

Il faut se demander si l'extrémisme de droite gagne vraiment en importance. Le NPD était aussi représenté dans le parlement de « Bade-Wurtemberg » dans les années 60, mais le pourcentage des voix d'extrême droite en Allemagne s'est constamment limité à 13%.

Ce qui m'inquiète est le fait que ce ne sont plus des « porteurs de bottes », mais qu'ils viennent aussi des classes moyennes. L'extrême droite a une autre base sociale aujourd'hui.

Nous devons maintenant réagir différemment. Je pense que dans chaque société chaque génération doit apprendre à nouveau certaines choses. En tant qu'Allemands, nous avons une responsabilité spéciale à l'égard des minorités ; mais pour les générations actuelles, il n'y a plus cette responsabilité personnelle pour ce qui s'est passé autrefois.

« Une vie dans la liberté n'est pas facile, la démocratie n'est pas parfaite. » (John F. Kennedy) Est-ce qu'il y a en général un système gouvernemental idéal et la démocratie se développera-t-elle jusqu'à ce stade ?

Quand on regarde l'histoire, chaque époque avait sa forme d'État spéciale. Au début, l'exercice du pouvoir était lié à la démocratie, puis la politique a dû de plus en plus céder la place à l'économie. En transférant des postes de travail à l'étranger, le nombre de chômeurs grandit. La crise actuelle est le résultat de tous ces facteurs. Auparavant nous avons vécu dans notre démocratie pendant une cinquantaine d'années et la prospérité ne cessait de croître ; maintenant nous assistons à une stagnation dans ce développement. Pour cette raison, des doutes pèsent sur notre système actuel. Quand la législation essaie par exemple d'attaquer le problème des taux d'imposition dans les différents pays de l'Union Européenne, elle réagit trop tard parce que les choses se développent très rapidement depuis la globalisation. Cependant, il faut reconnaître que nous avons toujours revendiqué plus de justice sociale pour les autres pays, alors nous devons accepter et assumer aujourd'hui ce que nous avons réclamé dans le passé.

Avec la globalisation se développent de nouveaux modes de démocratie. Un de ces développements est l'influence accrue des ONG (Organisations non-gouvernementales), comme Greenpeace et Amnesty International. A mon avis, ces organisations sont très importantes, parce qu'elles incitent les citoyens à s'engager.

La démocratie est considérée beaucoup trop fréquemment comme un simple processus électoral, mais la démocratie c'est aussi la participation des citoyens à l'action, et la participation de la population est importante pour moi. Les lobbies prennent aussi part à la politique, mais on doit veiller à ce que leur pouvoir ne devienne pas trop grand, parce que les membres d'un lobby travaillent pour les entreprises. Les ONG, au contraire, interviennent dans des secteurs différents qui sont très importants pour le maintien de la démocratie. Dans leur travail, Internet joue un grand rôle. Il rend la vie dure aux dictateurs parce que tout le monde a la possibilité de donner son opinion et un nombre énorme de gens dans le monde entier a accès à Internet. En conclusion, on peut dire, que le Bundestag perd de son pouvoir, volontairement en partie, parce que le marché, selon beaucoup de gens, se régule mieux sans intervention extérieure. Un autre aspect, dont je n'ai pas encore parlé, est le fait que le système social, tel qu'il est en ce moment, ne peut pas non plus continuer à fonctionner. C'est certain, parce que tous les gens qui travailleront dans 20 ans sont déjà nés. La part des personnes âgées dans la population augmente, cela peut se voir dans les spots publicitaires qui mettent de plus en plus en scène des personnes âgées.

Où voyez-vous l'avenir de l'Europe, dans une union plus étroite des pays ou dans des États autonomes?

Je pense que l'Europe a plus besoin de profondeur que d'étendue. Tous les pays doivent arriver à un standard commun, par exemple un standard social minimum, un standard écologique et civique. L'Europe est née de la réconciliation fondamentale entre l'Allemagne et la France et donc les amitiés (par exemple : l'Allemagne/la France, la Bavière/l'Autriche) mèneront vers un rapprochement des États au sein de l'Europe et permettront une intégration croissante.

Je ne crois pas que nous arriverons à la formation des « États unis d' Europe », parce qu'il y a beaucoup trop de traditions qu'on n'abandonne pas facilement. En plus, chacun a besoin d'une patrie.

5. Interview de M. Josef Hovenjürgen,
membre (CDU) du Landtag de Rhénanie du Nord - Westphalie
réalisée par les élèves du Lycée Comenius - Datteln (Allemagne)

1er trimestre 2005

Que signifie pour vous la démocratie ?

La démocratie donne à l'individu la possibilité de prendre en main son avenir.

Quel rôle joue le peuple dans la démocratie ?

En démocratie, le pouvoir émane du peuple par le biais des élections, donc la démocratie tire sa vie du peuple.

Comment le peuple peut-il être impliqué dans la politique?

L'individu décide lui-même de son degré d'implication dans la démocratie. D'une part en participant aux élections et de plus en s'engageant dans les partis, les associations, les initiatives de citoyens (Bürgerinitiativen), etc.

Quel rôle jouent les jeunes dans la politique actuelle?

Même les jeunes peuvent devenir députés, dès qu'ils sont majeurs. La politique de mon parti est très axée vers l'avenir des jeunes parce que leur avenir, et en particulier leur avenir professionnel, est décisif pour l'évolution de notre pays, notamment du point de vue des systèmes sociaux.

Où y a t- il des résistances à la démocratie ? (par exemple, les partis radicaux)

Elles sont tout autant à droite qu'à gauche. Il est du devoir des démocrates de les combattre.

Que peut encore faire aujourd'hui un citoyen isolé en politique ?

La prise de conscience d'un individu en politique est certainement bien difficile. C'est pour cela qu'il doit essayer de se faire une opinion et chercher du soutien pour réussir à l'exprimer et à créer une majorité autour de ses idées, afin de permettre leur mise en oeuvre.

Où commence l'éducation à la démocratie ?

Tout d'abord dans la famille et ensuite à l'école. A cet effet une bonne connaissance de l'histoire est à mon avis nécessaire, en particulier celle du national-socialisme. Car seule une connaissance de l'histoire empêche qu'une répétition se produise.

Quel rôle jouent les possibilités d'échanges (entre différents pays-villes-jumelages, échanges culturels entre villes-écoles jumelées) pour la démocratie ?

La possibilité qu'ont les jeunes gens de connaître les habitudes de vie d'autres nations (ou peuples), de comprendre leurs points de vue et ainsi de contribuer à la compréhension entre les peuples, facilite l'entente entre les peuples, ce qui réduit les conflits potentiels et rend impossible les conflits armés.

Comment la démocratie peut-elle être maintenue et développée ?

Maintenir la démocratie n'est possible que si l'individu est prêt à s'engager pour la société, même s'il n'en tire aucun avantage, car la démocratie n'aura de chance que dans une société où l'individu ne se perd pas, parce qu'ainsi le risque d'une persécution des minorités ne trouvera pas de terrain favorable.

La démocratie peut se développer dans la mesure où chacun est responsable de lui-même mais aussi de son voisin et tend vers une société imprégnée par l'esprit de l'économie sociale de marché.

6. Interview de Mme Elizabeth Jeggle, membre (PPE) du Parlement européen
réalisée par les élèves du Gymnasium - Aulendorf (Allemagne)

1 er trimestre 2005

Comment définissez-vous la démocratie ?

La démocratie s'exerce non seulement dans le cadre rigoureux du respect du principe majoritaire, mais elle implique aussi le respect des droits fondamentaux, de la liberté et des droits de l'Homme.

Comment voyez-vous la situation politique actuelle ?

Je pense que de façon générale nous sommes actuellement confrontés à une situation politique vraiment difficile. En Allemagne, nous devons tenir compte du fort taux de chômage ainsi que, depuis plusieurs années, de la faible croissance économique. A cause de l'évolution démographique, il y a toute une série de bouleversements de la société dont les effets se font de plus en plus sentir.

Notre société dans les trente dernières années a vécu au-dessus de ses moyens ; tous les budgets de celui des communes à celui de l'État sont en déficit structurel, ce qui pèsera sur les générations à venir. Pour les réduire nous devons dans beaucoup de domaines faire des coupes budgétaires. Il est certainement difficile pour tous les partis de gouvernement de sortir de cette situation puisque la société est habituée inconsciemment à un certain niveau de vie et que le principe « oui aux économies, mais pas chez moi » domine dans une large partie de la population.

Quand il s'agit de faire les réformes nécessaires et de les réaliser, chaque parti court le risque d'être censuré par les électeurs ce qui veut dire ne plus être réélu. On a besoin d'un projet et d'une stratégie durable pour qu'à court, moyen et long terme, l'Allemagne soit à nouveau sur le devant de la scène économique. Il nous apparaît primordial de transmettre à la population le sentiment de la nécessité d'un train de réformes.

La situation politique sur le plan européen est marquée en ce moment, en plus de la ratification du projet de la constitution européenne par chaque État-membre, par l'intégration des nouveaux membres, ainsi que par les discussions au sujet de l'admission définitive de la Roumanie et de la Bulgarie, et par la question de savoir quelle est la capacité d'intégration de l'Union européenne. En somme, on peut retenir que la tendance est à une importance croissante du niveau européen pour tous les États membres, car de plus en plus de compétences lui sont transférées. La critique passée du manque de légitimité démocratique des institutions européennes perdra beaucoup de sa pertinence avec la nouvelle constitution européenne qui favorise la seule institution européenne légitime, car directement élues par des citoyens de l'Union, le Parlement européen.

Citons les innovations suivantes :

· Élection du Président de la Commission par le Parlement européen, au lieu d'une simple confirmation ; les citoyens de l'Union avec leur droit de vote aux élections européennes auront plus d'influence pour l'attribution de cette fonction.

· La procédure de codécision par laquelle le Parlement européen et le Conseil agiront conjointement comme législateurs deviendra la procédure législative pour 95% des lois européennes (avec seulement quelques exceptions comme la politique fiscale et sociale).

· L'égalité des droits entre le Parlement européen et le Conseil pour les questions budgétaires de l'Union européenne. Il s'agit d'un « consensus forcé » entre le Conseil et le Parlement européen.

· La « clause de flexibilité » n'exige plus seulement la consultation mais aussi l'accord du Parlement européen dans le cas où une intervention législative n'est pas prévue dans la constitution.

Est-ce que l'application de la démocratie s'est développée depuis la fin de la seconde guerre mondiale ?

Je pense qu'elle s'est développée dans la mesure où les hommes ont appris à estimer la paix et les facteurs de stabilité.

Du fait de l'écroulement du communisme en Union Soviétique et en RDA, la démocratie a fait son entrée en Allemagne de l'Est et dans les pays d'Europe de l'Est ; elle est devenue entre temps la forme politique dominante dans toutes l'Europe.

Voyez vous la démocratie « attaquée » de quelque façon que ce soit ?

Je ne la vois pas attaquée, même pas avec le succès ça et là des partis de droite auxquels il faut prendre garde, mais dont il ne faut pas surestimer l'importance.

La démocratie ainsi que la conscience de celle-ci sont à mon avis très enracinées dans la société en Allemagne. Malgré tout, cette prise de conscience que la démocratie vit grâce au concours actif de la population et qu'elle ne va pas de soi, doit être renforcée précisément en cette période de morosité politique, de baisse de la participation électorale et de réformes nécessaires et énergiques, mais impopulaires.

Auriez-vous des conseils pour améliorer la démocratie ?

En plus de l'élargissement des compétences du Parlement Européen maintenant ancrée dans la Constitution européenne, je pense que la transparence des réseaux d'influence et des circuits de décision politiques concernant les citoyens, plus spécialement dans le domaine européen, pourraient être encore améliorée.

La revendication sans cesse renouvelée d'un plus grand recours aux techniques de la démocratie directe est une chose que nous voyons en revanche d'un oeil critique.

Les responsables politiques élus de façon légitime sont à notre avis tout à fait habilités, du fait de leur connaissance des dossiers qu'ils traitent depuis des années, à représenter les citoyens, à défendre leurs intérêts et à prendre des décisions fondées.

Mais je pense également que chacun d'entre nous a sa responsabilité démocratique personnelle à prendre en main. La démocratie existe à tous les niveaux et, à chacun de ces niveaux, beaucoup plus de citoyens doivent faire preuve de leur capacité d'agir au service de la démocratie.

7. Interview de M. Volker Kauder, membre (CDU) du Bundestag,
réalisée par les élèves de Realschule de Schramberg (Allemagne)

1 er trimestre 2005

En 1948 les trois commandants en chef occidentaux ont donné l'ordre au conseil parlementaire d'élaborer une loi fondamentale. Comment pouvez-vous expliquer que la République fédérale d'Allemagne soit devenue un état démocratique ?

Les leçons de l'histoire ont produit leurs effets en montrant les conséquences de l'exercice du pouvoir par des idéologies niant la dignité humaine. Beaucoup de gens, non engagés en politique, se sont engagés dans celle-ci après la deuxième guerre mondiale comme par exemple les fondateurs de la CDU. Certes l'attractivité de la démocratie a été grandement aidée par le fait qu'en même temps l'Allemagne connaissait une croissance économique d'une ampleur inconnue jusqu'alors.

Quelles erreurs ont été commises pour qu'un grand nombre d'habitants des nouveaux Länder en arrivent à considérer que la démocratie ne soit pas la meilleur des régimes alors qu'ils ont dû vivre sous une dictature pendant 60 ans ?

La plupart des gens envisagent leur avenir du point de vue de la réussite économique et de l'emploi. Nous avons dans les nouveaux Länder un chômage extrêmement élevé, comme par exemple en Mecklembourg-Poméranie occidentale jusqu'à 30%.

C'est le problème principal. Une fois la liberté acquise, plus personne ne se souvient du temps où il n'y avait pas de liberté. Nous ne pouvons améliorer la situation économique que si nous encourageons la création de petites et moyennes entreprises et le développement de l'artisanat. Pour cela, il faut diminuer la bureaucratie et les impôts. Mais ceux qui cherchent à obtenir ce résultat sont confrontés à la concurrence venue, par exemple, de Pologne, etc.

Mais nous ne sommes pas obligés d'accepter les produits à bas prix. Réfléchissez : on est heureux de rentrer dans un supermarché et d'en sortir avec des produits à bas prix. Il faut donc que chacun se demande ce qui lui arriverait si son emploi était remis en cause par la concurrence de ces produits à bas prix.

L'extrême droite et les Islamistes désapprouvent la démocratie libérale. Quelles menaces voyez-vous pour notre démocratie dans ces deux groupes?

La démocratie en Allemagne est stable et n'est pas mise en péril par ces deux groupes. Notre démocratie est en état de se défendre. Mais on ne doit pas avoir peur quand il faut dire la vérité. On doit pouvoir dire ouvertement que les islamistes prêchant la haine doivent être expulsés du pays. Et cela ne fait pas de nous des xénophobes, comme on le prétend toujours. Il faut aussi combattre clairement et nettement l'extrême droite. Je le répète encore une fois : les difficultés économiques sont la raison pour la montée de l'extrême droite, surtout chez les jeunes, qui ne voient pas où est leur avenir. Concernant le NPD (un parti d'extrême droite en Allemagne) il n'y a pas de formule magique. Quand on interdit le NPD, il y a le DVU (un autre parti d'extrême droite en Allemagne) qui arrive et on peut recommencer. Ce qu'on doit faire c'est prendre en compte les soucis et les désirs de ces gens qui votent NPD et surtout s'occuper des jeunes. C'est pourquoi je veux qu'on engage des travailleurs sociaux et des assistants pédagogiques pour la jeunesse. Bien sûr, il est impossible que l'État paie tout ça. Mais s'il est possible de collecter autant d'argent pour les victimes du tsunami, alors il est aussi fort pensable d'organiser une grande collecte afin de pouvoir payer par exemple des travailleurs sociaux.

La République de Weimar a péri car elle n'était pas capable de lutter contre l'extrême droite et l'extrême gauche. Est-ce que la République fédérale d'Allemagne est mieux préparée et comment pourrait-elle lutter contre ses ennemis ?

Dans la question se cache déjà toute la vérité. La République de Weimar n'est pas morte à cause du grand nombre d'extrémistes de gauche ou de droite, mais au contraire du trop grand nombre de gens qui ne se sont pas engagés pour la démocratie. Nous avons besoin de gens qui s'engagent pour la démocratie, surtout des jeunes. C'est là qu'il faut faire quelque chose car trop peu de gens s'intéressent à la politique. Mais la politique est déterminante pour les conditions de vie de la jeune génération. C'est pourquoi j'invite les jeunes à s'engager dans un parti démocratique et surtout les jeunes femmes. Et ne nous faisons pas d'illusions : si nous ne le faisons pas, d'autres le feront et ce sont eux qui exerceront le pouvoir.

Il y a actuellement des réflexions qui sont engagées sur le développement de la démocratie en Allemagne. L'une d'elles porte sur l'introduction du référendum. Certains réclament également un référendum sur la constitution européenne et sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

Je sais qu'il y a dans la population la volonté non seulement de participer aux élections mais aussi d'être associé à la prise des décisions politiques. Je crois personnellement que la démocratie représentative a fait ses preuves. C'est pourquoi je pense que nous n'avons pas besoin de référendums au niveau fédéral. Cette possibilité existe au niveau de la commune et du Land. Je ne crois pas que nous tirerions un grand bénéfice si nous essayions de trancher des questions politiques par un référendum. Je me demande quelle serait la participation. Je n'apprécierais pas qu'on décide de l'adhésion de la Turquie avec une participation de 40 %. Dans cette hypothèse, même si une faible majorité de 51 % devait se prononcer pour ou contre l'adhésion, ce ne serait en fait qu'un cinquième du corps électoral qui aurait tranché cette importante question. Quand je vois la faiblesse de la participation aux élections municipales, alors qu'elles concernent très directement les citoyens, je ne pense pas que nous emprunterions le bon chemin avec le référendum.

8. Interview de M. Werner Kuhn, membre (FDP) du Landtag de Rhénanie-Palatinat
réalisée par le Burggymnasium - Kaiserslautern (Allemagne)

14 février 2005

Est-ce que la démocratie est garantie en Allemagne et en Europe ou voyez-vous des dangers ? Comment doit-on réagir, par exemple face aux exactions de l'extrême droite ?

Il ne faut pas oublier que 60 ans de démocratie en Allemagne, c'est déjà une période assez longue; on peut donc supposer que cette démocratie s'est consolidée. En regardant le développement de l'Allemagne il y a 60 ans, c'est-à-dire avant la deuxième guerre mondiale, on s'aperçoit que les Allemands n'ont pas eu, comme en Grande-Bretagne, par exemple, une démocratie stable ; au contraire, les Allemands, eux, ont longtemps vécu sous la monarchie. Il n'y avait que quelques timides tentatives d'émancipation, comme par exemple lors de la fête de « Hambach » (1832). Même pendant la courte durée de la République de Weimar, la démocratie fut souvent et sérieusement menacée, avant de sombrer finalement, pour des raisons connues ! Ce n'est donc pas étonnant si les Français et les Britanniques abordent cette question de la démocratie avec plus de sérénité, tandis qu'en Allemagne on fait preuve au moins d'une confiance plus limitée. En fin de compte, la démocratie allemande a une base solide et est bien ancrée, mais on ne doit pas oublier, toutefois, le danger que représentent les partis extrémistes. Comment, alors, éradiquer cette menace ? On doit s'attaquer à l'extrémisme uniquement par des moyens politiques, c'est à dire sans recourir à la violence. Le problème doit être traité légalement. Interdire des partis extrémistes tels que le NPD, par exemple, n'améliore en rien la situation, puisque cela leur fait une publicité et ils s'en trouvent renforcés. Il serait par ailleurs très facile de contourner une telle interdiction, en changeant simplement le nom du parti par exemple. Voilà donc ce qu'il faut faire: que chacun s'engage à lutter contre l'extrémisme. Personne ne doit se cacher ni se laisser détourner de cette lutte! La démocratie ne sera solide que lorsque les citoyens auront le courage de s'engager pour elle. Ainsi on mettra fin au danger de l'extrémisme.

Quelles mesures doivent être prises pour garantir la démocratie, avant tout dans les pays qui viennent d'adhérer à l'Union européenne ?

La démocratie est déjà fortement ancrée ! Il n'y aucun risque qu'elle soit remise en cause par les nouveaux pays membres de l'Union Européenne. La constitution de l'Europe est étroitement liée à notre vision de la démocratie, c'est pourquoi ses valeurs ne sont pas menacées. La Pologne est un bon exemple. Les Polonais sont des démocrates convaincus. La population rurale ne se sent certes pas très concernée ; ce sont les jeunes Polonais, très engagés, qui soutiennent la démocratie. Les anciens préjugés sont pour la plupart oubliés. Même dans les pays baltes, où les anciennes structures sont souvent mafieuses et jouent encore un rôle trop important, les structures démocratiques gagnent du terrain et s'affirment, même si la peur de la corruption n'est pas sans fondement. Un certain mécontentement à ce sujet n'est pas à exclure. La démocratie ne peut fonctionner harmonieusement que si on met en place des règles que chacun respecte. C'est pour cette raison que de telles règles doivent être établies dans ces nouveaux pays membres, pour assurer la victoire de la démocratie. Il est certain que des disparités économiques croissantes représentent une menace potentielle pour la démocratie. Il me semble cependant peu probable que les forces anti-démocratiques gagnent du terrain dans l'Union européenne.

Que pensez vous de l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne ? Voyez-vous des conséquences pour le fonctionnement démocratique de l'Europe ?

Je suis personnellement très favorable à l'ouverture de négociations pour l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne ! Nous faisons un pas vers un pays d'une culture très différente, ce qui provoque parmi la population allemande une peur diffuse, due aux problèmes liés à l'intégration des ressortissants turcs en Allemagne. D'un autre côté, il ne faut pas oublier que l'État turc, assez ouvert sur le monde, est très tourné vers l'Occident, et relativement indépendant de l'idéologie islamique. Le pays, de par sa position géographique, est d'une grande importance géostratégique, aussi bien pour l'OTAN, que pour les États-Unis. Si l'Union Européenne accueillait une Turquie réellement démocratisée, cela s'avérerait à long terme un réel pas en avant pour l'élargissement du monde démocratique dans la mesure où cet État pourrait servir de garde-fou contre les mouvements islamistes. Il est clair que la Turquie a encore quelques efforts à fournir pour sa démocratisation, mais elle est en excellente voie d'atteindre ce but ; c'est pourquoi, à mon avis, il ne devrait pas s'écouler plus de quinze à vingt ans avant qu'elle n'y parvienne. Nous, Allemands, ferions bien de « balayer devant notre porte » et d'aider à l'intégration dans notre propre pays, et de ne pas gêner les négociations avec la Turquie.

Pensez-vous que le terrorisme mondial représente un danger sérieux pour les démocraties occidentales ? Comment jugez-vous les différences d'appréciation des Européens et des Américains en ce qui concerne le terrorisme mondial ?

La question doit être posée ainsi : comment réagissent les États démocratiques face au terrorisme ? La République Fédérale d'Allemagne a déjà une première expérience du phénomène avec par . exemple la RAF 2 ( * ) . Les activités terroristes avaient préoccupé la population à l'époque et on discutait pour la première fois sur la question de savoir comment l'État devait se comporter face à cette menace. Helmut Schmidt a pris la décision grave et importante de ne pas céder aux terroristes. Dans cette épreuve, la démocratie a au contraire mûri car chacun était obligé de prendre position et de trouver la meilleure réponse démocratique au terrorisme. La population s'est donc rangée du côté du gouvernement en refusant de répondre aux exigences des terroristes. La menace des attentats est aujourd'hui bien réelle, mais elle ne pourrait altérer l'attachement du peuple allemand à la démocratie. Il faut bien sûr prévoir des mesures de prévention et rester vigilant. Des mesures trop sévères comme par exemple une « politique de mise sur écoute », aboutirait à l'établissement d'un État policier - une surveillance excessive va à l'encontre de la liberté personnelle, qui est un élément indispensable de la démocratie. Si on laisse s'installer un État policier à cause du terrorisme, alors les terroristes auront déjà atteint leur but !

Que peut faire l'individu pour soutenir la vie démocratique en Europe ? Est-ce que l'instruction civique vous paraît être suffisante à l'école ?

La démocratie suppose la possibilité et le devoir pour chacun de défendre activement sa liberté personnelle. L'individu doit prendre cette tâche au sérieux ; on a déjà fait suffisamment l'expérience à l'époque du totalitarisme en Allemagne. Les extrémistes cherchent à attiser notre peur ; on le sait, et on ne doit pas y céder. C'est à nous de faire preuve de courage personnel pour nous y opposer et nous battre pour le bien de tous. Il existe d'innombrables façons de s'investir et d'apporter son aide à l'État. La manière dont on s'y prend est évidemment une question de caractère et les différences individuelles subsistent et varient radicalement selon les influences de l'éducation, du milieu familial ou de l'école. Chacun doit donc avoir le courage de ses opinions. Si on adopte cette attitude, qu'on a le courage de se battre, si on fait preuve d'assez d'esprit civique pour prendre activement parti en faveur de la démocratie, alors celle-ci pourra bien fonctionner, et sera renforcée !

9. Interview de M. Dirk Manzewski, membre (SPD) du Bundestag
réalisée par les élèves du Fleesensee-Gymnasium - Malchow (Allemagne)

1 er trimestre 2005

Est-ce que vous considérez la démocratie comme un bon régime ?

Oui, comme le meilleur.

Est-ce que les référendums sont utiles pour développer la démocratie ? Qu'est-ce que vous en pensez ?

Avec des restrictions. Il y a des situations où un parlement doit prendre des décisions impopulaires. Si toutes les affaires étaient décidées par référendum, cela risquerait d'empêcher de prendre des mesures indispensables mais impopulaires. En plus, on risque de s'exposer à une dérive populiste comme, par exemple, durant les débats sur la double nationalité où il a été impossible d'engager une discussion objective.

Dans quelques États fédérés des États-Unis, on vote actuellement par ordinateur. Est-ce qu'un tel mode d'élection serait praticable en Europe ?

Oui, mais personnellement, je ne le préfère pas. Celui qui se sert trop des moyens techniques doit se rendre compte que ces moyens peuvent être manipulés.

Est-ce que vous mettez la renaissance des partis d'extrême droite (NPD, DVU, REP) en Saxe et en Brandebourg en relation avec la République de Weimar ? Comment est-ce que les gens peuvent défendre la démocratie pour éviter une victoire électorale de ces partis comme en 1933 ?

Je ne vois pas de rapport parce que nous avons toujours un des meilleurs systèmes sociaux du monde - même s'il y a eu des détériorations - comparé à la République de Weimar.

D'ailleurs, l'histoire a montré ce que les gens, du temps de la République de Weimar, ne savaient malheureusement pas : où les partis d'extrême droite peuvent nous mener.

Les gens peuvent défendre notre démocratie surtout en participant aux élections et en refusant les partis d'extrême droite.

Comment est-ce vous expliquez personnellement que les partis d'extrême droite deviennent plus populaires et quelles conséquences peuvent en résulter par rapport à la démocratie ?

Les élections en Schleswig-Holstein ont montré que ces partis ne gagnent pas forcément en popularité. Nous avons de gros problèmes qu'il faut résoudre. Pendant de telles périodes les partis d'extrême droite ont beau jeu de troubler l'opinion publique par des slogans populistes. On veut faire croire aux gens que les problèmes sont résolus par des moyens simples. Malheureusement, beaucoup de gens sont sensibles à ce type de discours : ils devraient étudier de plus près les idées et l'argumentation des partis d'extrême droite. C'est comme cela qu'ils comprendront qu'il ne s'agit que de populisme qui ne propose pas de solutions aux problèmes de nos jours. Il n'y a qu'une réponse politique : restaurer la crédibilité.

10. Interview du Docteur Christian Ruck, membre (CSU) du Bundestag
réalisée par les élèves du Gymnasium Maria Stern - Augsburg (Allemagne)

1 er février 2005

En regardant les tendances du moment comme par exemple le chômage de masse, l'abstention des électeurs et le succès des partis d'extrême droite aux élections régionales de 2004 dans les « nouveaux Länder » (Länder de l'ancienne RDA), pensez-vous que la démocratie en Allemagne soit menacée ?

La démocratie en Allemagne est bien consolidée. Je ne vois donc pas de tendances qui montrent qu'elle soit menacée. Certes, des élections avec un score élevé pour les partis d'extrême droite sont un signe qu'il y a un nombre important d'électeurs mécontents qui ne sont pas satisfaits des partis en place. Dans les périodes de chômage élevé, la démocratie doit s'affirmer car c'est elle qui est la force d'un pays.

Certes, notre gouvernement, en période de mondialisation, fait preuve d'immobilisme et de conservatisme lorsqu'il s'agit de prendre des décisions rapides. Ceci est principalement le fait du fédéralisme car beaucoup d'instances alourdissent considérablement le quotidien du gouvernement. Un exemple qui le montre est le fait que l'Allemagne est le dernier pays qui applique les décisions de l'Union Européenne. C'est pourquoi l'État doit être réformé pour donner au citoyen plus de lisibilité.

Les compétences réparties entre le « Bund » et les « Länder » doivent s'en trouver équilibrées, c'est-à-dire qu'une séparation claire des décisions entre le « Bund » et les «Länder » ainsi qu'un partage des compétences est indispensable.

En outre, nous considérons qu'il n'y a pas de danger venant des partis d'extrême droite, puisqu'ils n'entrent en jeu la plupart du temps qu'au niveau régional et que, de plus, une grande partie de la population allemande soutient les grands partis comme la CDU/CSU, le SPD ...

Certes un énorme travail de réformes incombe au gouvernement allemand qui mécontente la plupart des citoyens allemands. Ils voient le chômage de masse et veulent des changements. Mais ceci n'est pas, loin s'en faut, l'unique problème qui repose momentanément sur les épaules de l'Allemagne. Tout d'abord, nous avons un besoin urgent d'une réforme des institutions. Le gouvernement a besoin de règles claires. Les « Länder » doivent avoir la compétence exclusive et plus d'argent, ainsi l'électeur obtient davantage de droits à participer et se sent respecté.

Pour revenir à l'abstention, je voudrais mentionner qu'à mon avis l'électeur pense que sa voix ne sert à rien. C'est pourquoi beaucoup d'électeurs, qui n'ont la plupart du temps aucune idée de ce qu'est le gouvernement, regardent avec indifférence quel parti gagne les élections.

Comment peut-on améliorer chez les jeunes en Allemagne la compréhension de la démocratie et ainsi développer leur intérêt pour la politique ?

D'une part, nous avons besoin d'une démocratie vivante, d'autre part, le citoyen allemand doit comprendre les événements qui se passent dans son pays et pouvoir, le cas échéant, empêcher ce qui ne va pas.

De plus, on doit donner aux Allemands le sentiment que la démocratie est quelque chose de particulier car l'ordre libéral n'a pas toujours été quelque chose de naturel. Il faut surtout renforcer cette idée dans les écoles. C'est pourquoi je plaide pour davantage d'instruction civique à l'école.

Comment peut-on faire apprendre la valeur de la démocratie aux États non démocratiques où la démocratie ne s'appuie pas sur une tradition ?

Tout d'abord il faut dire qu'il n'est pas aussi facile de décréter la démocratie. Dans chaque culture, il faut obtenir par un travail acharné la prise de conscience individuelle de la démocratie. Les expériences d'un pays ne peuvent de plus être tout simplement transposées à un autre et ne peuvent être transmises car il faut passer par la démocratie elle-même pour pouvoir changer quelque chose. Les premiers pas de l'Iran vers la démocratie ont été un processus très long et très pénible, et en fin de compte pas seulement à cause du régime religieux. La population aussi regardait alors avec un grand scepticisme la nouvelle forme de gouvernement. Certes le soutien des pays qui connaissent déjà la démocratie est absolument nécessaire. Les démocrates doivent être soutenus, c'est pourquoi des bourses et des formations sont offertes par l'Allemagne et toujours bien acceptées par les citoyens des pays dans lesquels la démocratie n'est pas encore développée.

11. Interview de Mme Annette Widmann-Mauz, membre (CDU) du Bundestag
réalisée par les élèves du Wildermuth Gymnasium - Tübingen (Allemagne)

1 er trismestre 2005

Il y a beaucoup de tentatives pour améliorer l'exercice de la souveraineté du peuple. A ce sujet, il faut mentionner la discussion récente sur les éléments plébiscitaires dans la Constitution allemande. Est-ce que qu'un élargissement de l'emploi des référendums signifie forcément un développement de la démocratie ?

Les référendums sont des éléments qui peuvent contribuer à la formation de la volonté populaire car l'intention du peuple s'y exprime directement. Mais dans la démocratie représentative, cette intention est normalement exprimée par l'élection des représentants. Ceux-là prennent des décisions avec l'objectif du bien public en toute indépendance.

Moi, je suis favorable à la participation directe du peuple aux décisions politiques, mais elle devrait se limiter aux questions de niveau communal. Les réponses aux questions compliquées et abstraites ont souvent des conséquences imprévisibles, donc il est très important de trouver une solution adéquate. Les questions importantes comme l'introduction d'une nouvelle monnaie ou des changements dans le système d'assurances doivent certes être discutées avec le peuple, mais, à mon avis, il est raisonnable de laisser les décisions complexes aux représentants élus par le peuple. Je suis une partisane passionnée de la démocratie représentative car elle donne également aux minorités l'occasion de défendre leurs intérêts. Leurs arguments qui sont souvent plus compliqués peuvent mieux être suivis dans le cercle des représentants que dans une population de 82 millions d'habitants.

Pour conclure, les référendums présentent des avantages et des inconvénients, mais je pense que notre système est bien équilibré entre la démocratie représentative et la démocratie directe.

Cependant, particulièrement ces derniers temps, de plus en plus de doutes sur ce système représentatif naissent parce que les députés ne semblent plus êtres proches du peuple. Maintenant, toute l'Allemagne débat de la transparence quant aux revenus des parlementaires.

Pensez-vous qu'une plus grande transparence pourrait protéger notre système en renforçant la confiance de la population dans la représentation nationale ?

La transparence est une affaire très importante parce que les citoyens ont le droit de savoir quels intérêts leurs représentants défendent et pour qui ils travaillent. Si le peuple perd toute confiance et tout respect pour ses propres représentants, la démocratie est, à long terme, vraiment menacée. Pour la défendre, il faut veiller plus strictement à la déclaration obligatoire en ce qui concerne les activités professionnelles des députés. Il faudrait augmenter les sanctions en cas de manquement.

Malgré tout, il ne faut pas que cela empêche les représentants de rester ancrés dans la population et de connaître ses intérêts car le parlement a comme but de représenter le peuple entier. En plus, les parlementaires doivent avoir la possibilité d'une réinsertion professionnelle après la perte de leurs mandats - c'est pourquoi il ne faut pas couper les députés du monde du travail.

Mais pour simplifier, on peut dire : la transparence protège notre système.

Dans ce contexte, le terme de « député de verre » (« gläserner Abgeordneter ») est fréquemment mentionné. Est-ce que c'est pour vous, en tant que membre du Parlement fédéral, un concept acceptable ou le trouvez-vous inutile à cause de l'article 48 de la Constitution qui vous lie seulement à votre conscience ?

Il faut préciser le terme « de verre ». Chaque député doit pouvoir préserver sa vie privée comme tous les autres citoyens. Mais il devrait dévoiler les activités exercées pendant son mandat et les motifs de ses décisions et les rendre accessibles à la population. Après tout, c'est elle qui lui a donné son mandat. Mais il ne faut pas exagérer et revendiquer, par exemple, que les parlementaires publient leurs déclarations d'impôts. Cela serait problématique, surtout s'ils sont des entrepreneurs. Bien sûr, un député doit rendre compte au président du Parlement de ce qu'il fait et de ce qu'il gagne pendant son mandat de député, mais si la vie privée est touchée, de moins en moins de gens voudront devenir membres du parlement. Et cela serait plus nuisible que positif pour la démocratie. Nous voulons un parlement qui ne se compose pas seulement de fonctionnaires, mais qui représente toute la population.

Le scandale dans le parlement du Land de Saxe nous a récemment montré comment les « ennemis intérieurs », auxquels on n'a apparemment pas imposé assez de limites, menacent la démocratie. Comment peut-on empêcher que la partie de la population qui sympathise avec les groupes anti-démocratiques augmente ?

En refaisant de la politique un thème de discussion publique. Une grande partie de la population, la « masse silencieuse », n'a plus d'intérêt pour la politique. Quand cette grande masse au centre se tait, les petits groupes extrémistes deviennent forts. Le silence est une sorte de luxe que l'on peut seulement se permettre si l'on est satisfait de la situation. Mais il ne faut pas que cette satisfaction nous semble naturelle, il faut toujours se souvenir que nous devons notre bien-être à la démocratie. C'est pourquoi il ne faut pas se taire et laisser les groupes anti-démocratiques répandre leurs slogans, mais imposer des limites clairement définies. Il ne faut pas qu'un député profite de la liberté d'opinion et puisse impunément tenir des propos extrémistes comme l'incitation à la violence.

En ce moment, nous examinons si la liberté de parole peut être limitée afin qu'il soit possible de punir les propos extrémistes. Sinon, la démocratie pourrait être vaincue avec ses propres armes.

Les jours anniversaires comme le 27 janvier [Le Parlement Fédéral a évoqué la mémoire des victimes de l'Holocauste] nous rappellent la valeur de la démocratie et ils aident aussi à éclairer la population pour empêcher qu'elle sympathise avec les groupes d'extrême droite ou d'extrême gauche. Quant aux députés du NPD [un parti nationaliste allemand], il faut trouver un compromis: d'une part, chercher le débat politique et montrer en public la fausseté de leurs arguments historiques, et d'autre part, poser des limites et plus strictement faire usage du droit d'interdire les propos extrémistes.

George W. Bush a récemment prêté serment pour la deuxième fois comme 43 e Président des États-Unis. Est-ce que le combat américain contre le terrorisme, l'oppression et la tyrannie en Afghanistan et en Irak est une possibilité pour défendre la démocratie ?

C'est une question difficile. Les bombes ne peuvent pas apporter la démocratie dans la tête et le coeur des gens. La démocratie ne peut pas être créée par la guerre. La violence militaire doit toujours être le dernier moyen, si les négociations diplomatiques, les relations économiques et les sanctions ont échoué. En plus, après la guerre, il faut aider à construire un nouvel ordre, comme les Américains le font en Afghanistan. Toutefois, il y a une pensée derrière le terme de « démocratie vaillante ». La communauté mondiale pacifique doit défendre et protéger les droits de l'Homme. Si cela ne réussit pas avec les discussions et l'effort de persuasion, il faut quand même poser des limites et respecter le droit international pour que la démocratie reste vaillante. Pourtant, l'objectif doit toujours être d'éviter le moyen le plus effroyable, la guerre.

12. Interview de M. Rainer Wieland, membre (PPE) du Parlement européen
réalisée par le lycée Wilhelm - Stuttgart (Allemagne)

7 Mars 2005

Depuis les élections au Landtag de Saxe en 2004, on remarque que le parti NPD et de l'extrême droite ont des résultats de plus en plus élevés. A votre avis, quel danger cela représente-t-il pour la démocratie en Allemagne et en Europe ?

Le seul fait qu'une partie de l'extrême droite ou de l'extrême gauche soit représentée dans un Parlement n'est pas une preuve suffisante pour affirmer que cela constitue un danger pour la démocratie. Le danger est seulement réel si les démocrates ne prennent pas au sérieux ce problème. Ce qui est décisif, c'est de miser sur le pouvoir de l'argumentation, en direction des élus de ces partis et surtout envers les électeurs.

En Allemagne, la démocratie directe est très limitée car le référendum n'existe même pas pour des sujets aussi décisifs que la nouvelle constitution européenne. A votre avis, cela aurait-il un sens de poser cette question aux Allemands comme cela se fait en France ou en Pologne ?

Le fait que d'autres pays font un référendum doit toujours être comparé à la réalité de leur Constitution. Aux Pays-Bas, le référendum existe mais le Gouvernement n'est pas lié par le résultat. Je conseille de se poser la question du référendum en Allemagne dans une période moins agitée. A mon avis, il y a beaucoup de bons et sérieux arguments en faveur de la démocratie directe, mais les inconvénients l'emportent, car la question du référendum se pose toujours quand une masse critique de gens est opposée à une décision et sent qu'on ne tient pas compte de son opinion sur le sujet. Il ne faut pas prendre la décision d'introduire le référendum en tenant compte que d'une question spécifique.

La démocratie qu'on connaît chez nous n'est pas une réalité partout en Europe, par exemple dans certains pays de l'Est. Donc jusqu'à quel point l'Allemagne peut-elle aider ces pays à développer leur propre démocratie ?

Une question importante que l'on doit se poser avant tout, est de savoir si nous sommes l'élite de la démocratie. La France, dont le Président est directement élu par le peuple mais où le Parlement a moins de pouvoir qu'en Allemagne, est-elle une nation plus démocrate que la nôtre ? La plupart des pays de l'Est ont changé deux à trois fois de gouvernement depuis le renversement de 1997. La possibilité pour les électeurs de provoquer le renversement de la majorité du gouvernement est un aspect important de la démocratie ; ils sont sur la bonne voie. Ce qu'ils peuvent par contre apprendre de nous est que l'on peut s'entendre même si on ne fait pas partie du même parti politique.

En Allemagne, et surtout à l'Est de notre pays, les gens manifestent leur insatisfaction envers la politique et leurs représentants. A votre avis, à quel point vous sentez-vous responsable de la protection de la démocratie vis-à-vis d'elle-même et de groupes anti-démocratiques ?

Celui qui est démocrate doit se défendre contre les extrémistes car ceux-ci donnent une image négative de l'Allemagne à l'étranger. Je dois admettre que le problème de l'insatisfaction envers les élus est un problème contre lequel chacun d'entre eux doit agir. Par contre, on doit aussi se poser la question de savoir dans quelle mesure chaque électeur est responsable du développement de cette insatisfaction. L'inconvénient de la démocratie est que le politicien qui dit la vérité aux électeurs, et qu'ils ne veulent pas l'entendre, court le risque de ne pas être réélu. Nous devons être conscients que l'État, ce n'est pas seulement la classe politique mais nous tous.

Pensez-vous que les décisions prises dans l'Union européenne ont suffisamment de légitimité démocratique ? (problème du déficit démocratique)

Le problème du déficit démocratique s'est amélioré. Le Parlement a plus de possibilités de contribuer aux décisions mais manque toujours du pouvoir d'initiative. Seule la Commission européenne possède ce droit d'initiative contrairement au Parlement et au Conseil. A mon avis, ce ne serait pas utile de donner ce droit au Parlement car on devrait aussi l'accorder au Conseil et il n'est pas sûr que ce soit une bonne idée.

Le Parlement a seulement le pouvoir d'agir en fonction des droits qui lui sont accordés par les États membre dans le cadre des traités. Nous ne devons pas sous-estimer que si le Parlement oppose son veto à une décision, rien ne peut être décidé. C'est pourquoi la Commission doit écouter la voix du Parlement. Actuellement, chaque parlementaire doit essayer de tirer le meilleur parti des circonstances.

13. Interview de Philippe Mahoux, sénateur socialiste,
réalisée par les élèves de l'Athénée royal François Bovesse - Namur (Belgique)

1 er trimestre 2005

La politique est souvent une préoccupation mineure pour les jeunes. Avez-vous des idées pour développer l'esprit citoyen ? Comment sensibiliser les jeunes ?

Premièrement, il faut bien leur expliquer que la politique s'occupe d'eux même si elle ne les intéresse pas ou qu'ils ne se rendent pas compte de ses implications réelles dans leur vie. Ils doivent pouvoir appréhender à sa juste valeur la situation de bonheur dans laquelle ils évoluent au quotidien. Cette prise de conscience s'opère rarement d'elle-même durant l'adolescence mais survient souvent vers l'âge de la majorité lorsque les jeunes sont appelés à voter pour la première fois ou lors de leur entrée dans le monde du travail. En outre, il faut utiliser l'enseignement pour « éduquer » les jeunes en leur inculquant les rudiments nécessaires pour qu'ils puissent assumer leur rôle de citoyen. L'école doit aussi servir à les mettre en garde contre des phénomènes de société néfastes tels que le racisme ou la xénophobie. Pour conclure; les jeunes doivent pouvoir considérer concrètement le rôle de la politique dans notre société.

L'Union européenne ressemble de plus en plus à une grosse machine. Les gens ont l'impression que les décisions se prennent loin d'eux. Comment remédier à cela ?

Il est vrai que le fonctionnement des institutions européennes et la répartition des pouvoirs sont des choses complexes à comprendre et à expliquer aux citoyens. De plus, les gens ont souvent l'impression que les décisions se prennent loin d'eux.

Il faut donc sensibiliser les gens avec des exemples concrets qui les touchent et qu'ils sont à même de comprendre, comme leur alimentation, les soins de santé, leur sécurité sociale ou leurs conditions de travail.

Il faut savoir que 60% des textes de lois sont européens ou proviennent de directives européennes.

Il faut souligner également le caractère pacifique de l'Union européenne et cela a permis une évolution démocratique dans les pays membres. En effet, plus aucune nation de l'union européenne n'a été en guerre depuis 1945, fin de la seconde guerre mondiale.

Il faut également que le citoyen prenne conscience de ses devoirs et de ses droits ; même s'il est vrai que les institutions sont impressionnantes et peu abordables, on peut toujours y demander des comptes, rencontrer les élus nationaux ou régionaux. Mais trouver des exemples concrets restent pour moi la meilleure manière de sensibiliser les gens à la vie politique européenne.

La démocratie est un système politique qui permet la montée de l'extrême droite. Comment diminuer l'influence de ces mouvements ? La situation sociale est très liée à leur succès ?

Cela est une grosse question puisqu'elle n'a jamais été résolue. Premièrement, la meilleure manière de lutter contre les partis d'extrême-droite est de sans cesse continuer à prôner les valeurs de liberté et les richesses de la différence. Deuxièmement, un parti politique doit pouvoir proposer des politiques sociales ; cela me paraît fondamental. Mais il est vrai que l'exclusion, le non-emploi et donc le précarité sont des terreaux où les partis d'extrême droite peuvent venir semer leurs mauvaises paroles et leurs solutions simplistes aux problèmes actuels. Attention cependant à ne pas fustiger les gens les plus pauvres en prétendant que eux seuls votent pour les partis extrémistes. Il est vrai cependant qu'une personne au chômage depuis plusieurs années va avoir envie de se révolter contre le système pour réclamer ce qu'elle veut mais cela doit être en prônant des valeurs qui donnent le droit de liberté à chacun ; sûrement pas en épousant les thèses d'un parti politique qui justement restreint ces mêmes libertés.

Rappelons au passage que chaque fois qu'un parti d'extrême droite s'est retrouvé au pouvoir, la première mesure prise a été de limiter la liberté d'expression.

Et donc j'en reviens aux politiques sociales précises qu'il faut mener à l'égard de l'ensemble de la population en remettant sans cesse les droits de l'Homme : d'ailleurs je suis un fervent partisan de ce que l'on appelle « le cordon sanitaire »Je pense également que les médias ont leur rôle à jouer dans tout cela. Cela me paraît évident qu'il ne faut pas laisser la parole à des personnes bafouant les droits de l'Homme et les libertés de chacun.

Il faut aussi se poser la question du financement de ces partis extrémistes. Nous venons d'avancer de manière assez précise puisque nous avons adopté des textes qui permettent de ne plus financer les partis ayant été condamnés pour des atteintes aux droits de l'Homme.

D'un côté la Belgique a été première en matière européenne mais par contre. pour ce qui est de la constitution le gouvernement a décidé de ne pas organiser une consultation populaire comme en France . N'est-ce pas une belle occasion ratée de donner la participation aux citoyens et de devoir mieux les informer sur cette constitution européenne ?

La raison principale est que la constitution belge ne prévoit pas qu'on puisse faire une consultation populaire! Pour demander l'avis aux citoyens, il faudrait d'abord modifier notre constitution. Or, l'article qui a trait à Ici consultation populaire est un article qui ne peut être soumis à révision pour l'instant.

Néanmoins, si la loi n'était telle, les résultats belges de ce référendum seraient certainement favorables ; par contre, les quelques non seraient sans doute enregistrés par les partis d'extrême droite flamands. Il est donc préférable, vu Ici montée de l'extrême droite en flandre, de ne pas faire de consultation populaire.

Notre état fédéral accorde une grande place à la région. Ne pensez-vous pas qu'au sein de l'Union européenne les États - nations gardent trop d'importance pour que naisse vraiment un esprit européen ?

Il est certain que ceux-ci ont beaucoup de pouvoir. Cependant, il faut conserver le vote à l'unanimité dans certaines matières car si on l'abandonnait, nous risquerions de perdre nos avantages (par exemple : si une loi européenne prévoyait de changer le système de la sécurité sociale, nous y perdrions forcément puisqu'il n'est pas possible de faire mieux que ce que nous avons). Ceci met en évidence le rôle des États parce qu'un seul a le pouvoir de bloquer le processus. Par conséquent, il est important que l'Europe ne s'occupe pas de choses dont on s'occupe mieux au niveau de l'état ou des régions comme c'est le cas en matière sociale. De la même façon pour toute une série de problèmes ce sont les régions qui sont compétentes parce qu'elles sont plus efficaces. Hélas, certains États très centralisés délèguent encore trop peu de pouvoirs aux régions.

Vous êtes membre du parti socialiste. Le citoyen entend des critiques virulentes contre le caractère libéral de la future constitution européenne et pourtant votre parti veut la ratifier. Comment expliquer cela au citoyen qui a déjà du mal à s'y retrouver ?

Il est certain que cette constitution n'est pas parfaite mais elle promeut le marché. A partir du moment où le marché est productif, les objectifs du parti socialiste peuvent être remplis. Elle est utilisée comme un moyen d'action et non pas comme un programme. Il est vrai qu'elle a une forte tendance libérale mais il est prévu qu'elle puisse être modifiée et améliorée. Avec tout le temps et les moyens qui ont été investis dans ce projet, on peut obtenir un résultat Qui ne sera pas parfait mais constitue une avancée supplémentaire. De toute façon, ce n'était pas pensable de créer un constitution qui répondait aux attentes de tout le monde.

14. Interview de M. Philippe Mahoux, sénateur socialiste,
par les élèves de l'Athénée royal - Namur (Belgique)

1 er trimestre 2005

L'élargissement de l'Union Européenne conduira-t-il forcément à un plus grand respect de la démocratie et des droits de l'homme ?

Tout d'abord, je tiens à dire que cet élargissement est nécessaire et positif, en particulier pour les nouveaux pays membres. Pour ce qui est de la démocratie et des droits de l'homme, je pense que la nouvelle Constitution européenne doit être acceptée car elle constitue indubitablement un plus pour certains des nouveaux adhérents ayant fait partie de l'ancien bloc de l'Est. Il faut bien vous dire que pour des anciennes dictatures communistes telles que la Pologne et la Hongrie, cette constitution est synonyme d'une avancée significative en matière des droits de l'homme. Elle se positionne comme une base solide pour une vraie démocratie dans ces pays qui ont connu bien pire. Enfin, cette démocratie, positive pour nous comme pour eux, ne pourra être obtenue dans ces pays que si l'on met en oeuvre une volonté politique et citoyenne.

Personnellement, je vois une Europe fédérale, régie par des lois communes et dans laquelle les problèmes sociaux ne seraient pas oubliés. Telle est ma conception mais elle ne fait pas l'unanimité car plus il y a de membres, plus c'est difficile d'harmoniser les législations.

La politique est souvent une préoccupation mineure pour les jeunes. Avez-vous des idées pour développer l'esprit citoyen ? Comment sensibiliser les jeunes ?

Premièrement, il faut bien leur expliquer que la politique s'occupe d'eux, même si elle ne les intéresse pas ou qu'ils ne se rendent pas compte de ses implications réelles dans leur vie. Ils doivent pouvoir appréhender à sa juste valeur la situation de bonheur dans laquelle ils évoluent au quotidien. Cette prise de conscience s'opère rarement d'elle-même durant l'adolescence mais survient souvent vers l'âge de la majorité lorsque les jeunes sont appelés à voter pour la première fois ou lors de leur entrée dans le monde du travail. En outre, il faut utiliser l'enseignement pour « éduquer » les jeunes en leur inculquant les rudiments nécessaires pour qu'ils puissent assumer leur rôle de citoyen. L'école doit aussi servir à les mettre en garde contre des phénomènes de société néfastes tels que le racisme ou la xénophobie. Pour conclure, les jeunes doivent pouvoir considérer concrètement le rôle de la politique dans notre société.

L'union européenne ressemble de plus en plus à une grosse machine. Les gens ont l'impression que les décisions se prennent loin d'eux. Comment remédier à cela ?

Il est vrai que le fonctionnement des institutions européennes et la répartition des pouvoirs sont des choses complexes à comprendre et à expliquer aux citoyens. De plus, les gens ont souvent l'impression que les décisions se prennent loin d'eux.

Il faut donc sensibiliser les gens avec des exemples concrets qui les touchent et qu'ils sont à même de comprendre, comme leur alimentation, les soins de santé, leur sécurité sociale ou leurs conditions de travail.

Il faut savoir que 60% des textes de lois sont européens ou proviennent de directives européennes. Il faut souligner également le caractère pacifique de l'Union européenne et cela a permis une évolution démocratique dans les pays membres. En effet, plus aucune nation de l'union européenne n'a été en guerre depuis 1945, fin de la seconde guerre mondiale.

Il faut également que le citoyen prenne conscience de ses devoirs et de ses droits ; même s'il est vrai que les institutions sont impressionnantes et peu abordables, on peut toujours y demander des comptes, rencontrer les élus nationaux ou régionaux. Mais trouver des exemples concrets reste pour moi la meilleure manière de sensibiliser les gens à la vie politique européenne.

La démocratie est un système politique qui permet la montée de l'extrême droite. Comment diminuer l'influence de ces mouvements ? La situation sociale est très liée à leur succès. Cela est une grosse question puisqu'elle n'a jamais été résolue. Premièrement, la meilleure manière de lutter contre les partis d'extrême droite est de sans cesse continuer à prôner les valeurs de liberté et les richesses de la différence. Deuxièmement, un parti politique doit pouvoir proposer des politiques sociales ; cela me paraît fondamental. Mais il est vrai que l'exclusion, le non-emploi et donc la précarité sont des terreaux où les partis d'extrême droite peuvent venir semer leurs mauvaises paroles et leurs solutions simplistes aux problèmes actuels. Attention cependant à ne pas fustiger les gens les plus pauvres en prétendant que eux seuls votent pour les partis extrémistes.

Rappelons au passage que chaque fois qu'un parti d'extrême droite s'est retrouvé au pouvoir, la première mesure prise a été de limiter la liberté d'expression.

Et donc j'en reviens aux politiques sociales précises qu'il faut mener à l'égard de l'ensemble de la population en remettant sans cesse les droits de l'Homme : d'ailleurs je suis un fervent partisan de ce que l'on appelle « le cordon sanitaire »*.

Il faut aussi se poser la question du financement de ces partis extrémistes. Nous venons d'avancer de manière assez précise puisque nous avons adopté des textes qui permettent de ne plus financer les partis ayant été condamnés pour des atteintes aux droits de l'Homme.

A ce propos, dans notre région voisine, la Flandre, un parti nationaliste et extrémiste, le Vlaams Belanq, recueille 25% des voix. Il n'est pas vraiment pro-européen.

Ne confondons pas les choses ! Tout le monde a le droit de ne pas être partisan de l'Europe, ceci n'est pas une idée anti-démocratique. Le problème de l'extrême droite n'est pas qu'elle soit opposée à l'Europe mais de tenir des thèses d'exclusion, de stigmatisation,... Bref, des propos racistes ! Ce sont ses thèses « liberticides » (c'est-à-dire qui touchent à la liberté de tout un chacun) qui sont illégitimes car contraire à la démocratie. C'est vrai que ce phénomène se répand davantage en Flandre (20 - 25%) mais il ne faut pas stigmatiser l'ensemble d'un peuple. Ce qui est le plus inquiétant, c'est que bon nombre de partis flamands pensent qu'il faut rompre le cordon sanitaire et qu'il serait opportun à présent de négocier avec eux pour nous wallons, c'est inadmissible.

D'un côté la Belgique a été première en matière européenne mais par contre, pour ce qui est de la constitution le gouvernement a décidé de ne pas organiser une consultation populaire comme en France. N'est-ce pas une belle occasion ratée de donner la participation aux citoyens et de devoir mieux les informer sur cette constitution européenne ?

La raison principale est que la constitution belge ne prévoit pas qu'on puisse faire une consultation populaire ! Pour demander l'avis aux citoyens, il faudrait d'abord modifier notre constitution. Or, l'article qui a trait à la consultation populaire est un article qui ne peut être soumis à révision pour l'instant.

Néanmoins, si la loi n'était telle, les résultats belges de ce référendum seraient certainement favorables ; par contre, les quelques NON seraient sans doute enregistrés par les partis d'extrême droite flamands. Il est donc préférable, vu la montée de l'extrême droite en Flandre, de ne pas faire de consultation populaire.

Notre état fédéral accorde une grande place à la région. Ne pensez-vous pas qu'au sein de l'Union européenne les états - nations gardent trop d'importance pour que naisse vraiment un esprit européen ?

Il est certain que ceux-ci ont beaucoup de pouvoir. Cependant, il faut conserver le vote à l'unanimité dans certaines matières car si on l'abandonnait, nous risquerions de perdre nos avantages (par exemple : si une loi européenne prévoyait de changer le système de la sécurité sociale, nous y perdrions forcément puisqu'il n'est pas possible de faire mieux que ce que nous avons). Ceci met en évidence le rôle des États parce qu'un seul a le pouvoir de bloquer le processus. Par conséquent, il est important que l'Europe ne s'occupe pas de choses dont on s'occupe mieux au niveau de l'état ou des régions comme c'est le cas en matière sociale. De la même façon pour toute une série de problèmes ce sont les régions qui sont compétentes parce qu'elles sont plus efficaces. Hélas, certains États très centralisés délèguent encore trop peu de pouvoirs aux Régions.

* accord conclu en Belgique entre les partis démocratiques et aussi les différents organes de presse en vue d'isoler l'extrême droite et de refuser toute transaction avec elle.

15. Interview de M. Jean-Marc Nollet,
député écologiste à la Chambre des Représentants de Belgique
réalisée par les élèves de l'Athénée royal Ernest Solvay - Charleroi (Belgique)

1 er trimestre 2005

Fallait-il effectuer un référendum en Belgique ?

Selon Jean-Marc Nollet, ce mode de consultation présente trois lacunes :

1. Rien dans la constitution belge ne donne de valeur à ce mode de consultation et il faudrait préalablement modifier la constitution

2. Le débat risquerait d'être pollué par des thématiques telles : Turquie et Europe ?

3. Au niveau communautaire, il existe trop de différences d'attitude entre les habitants du nord et du sud du pays.

Pour conclure, M.Nollet estime que l'absence de référendum est légitime.

L'Europe n'applique-t-elle pas une politique néo-libérale. ?

Selon notre député, il est évident que l'Europe privilégie l'aspect économique avant le volet social et environnemental.

Pour expliquer cette situation , M. Nollet cite deux pays tels que la Belgique et la Pologne et nous montre qu'il ne faudrait certainement pas que les « minima » polonais soit adapté en Belgique et ce aussi bien pour la Pologne que pour la Belgique. Il faut au contraire par des mécanismes de paliers et de cliquets, hisser les pays les moins développés vers de meilleures normes sociales et environnementales.

Ne faut-il pas élargir les compétences ?

La réponse de notre homme politique est nuancée. En effet, ce serait une bonne chose d'élargir les compétences afin de légitimer encore davantage l'Europe mais d'un autre côté cette augmentation des compétences passe par une augmentation du pourcentage du P.I.B au service de l'Europe.

Selon les élèves, il serait préférable de cibler mieux les besoins avant de parler d'augmentation. Notre orateur marque son accord avec cette réflexion et nous rappelle que le social est souvent vu pour corriger les erreurs de l'économie.

A la fin de l'entretien M. Nollet clame haut et fort sa croyance dans l'Europe en nous rappelant que depuis près de 60 ans l'Europe vit dans la paix.

N'est-ce pas là l'origine même de la création européenne ?

Poser la question c'est déjà y répondre. A ce moment, les étudiants avons rappelé que pour nous l'Europe c'était aussi le processus de Bologne et déjà nous aspirions à rencontrer d'autres étudiants universitaires issus de la grande Europe.

Pour finir, tous acquiescèrent quand l'orateur termina en disant : « Quand on rencontre les autres, on a moins peur et on va moins se battre ».

C'est par ces paroles de fraternité, de paix et d'espoir que le député Jean-Marc Nollet nous a quittés.

Ce débat fut riche en informations et nous, les élèves de l'Athénée Solvay de Charleroi, n'espérons qu'une chose : recommencer l'année prochaine ce type de concours et de rencontres.

Ceci nous a permis de mieux appréhender l'Europe et de démythifier le monde politique.

16. Interview de M. Sébastian Pirlot, député socialiste
au Parlement de la Communauté française de Belgique
réalisée par les élèves de l'Athénée royal - Athus (Belgique)

1 er trimestre 2005

Un trop grand nombre de lois - parfois difficiles à comprendre - ne risque-t-il pas d'éloigner les jeunes de la vie politique ?

Evidemment les lois doivent être respectées mais l'accumulation de lois, de décrets, de règlements semble parfois limiter la liberté. Cela risque d'éloigner les jeunes du monde politique ou, en tout cas, des institutions. Il faudrait peut-être les simplifier pour les rendre accessibles à tout le monde.

Le manque d'accès à la loi ne renforce-t-il pas l'inégalité sociale et l'insécurité dont la fracture sociale est une des grandes causes ?

C'est vrai que les inégalités en Europe augmentent. La fracture sociale est de plus en plus forte. On est face à un phénomène de mondialisation économique. Les écarts entre riches et pauvres se creusent. L'insécurité envahit certaines zones, mais il faut relativiser tout de même. Pour éviter l'insécurité, il faudrait que les parents donnent d'abord une meilleure éducation à leurs enfants et leur enseignent davantage de respect. Il faudrait renforcer la politique dans ce sens.

Est-ce que l'implication des jeunes dans la démocratie peut faire avancer la société ?

Aujourd'hui plus que jamais, les enfants et les jeunes ont des droits et des devoirs. Ils ont un rôle actif à jouer pour défendre la démocratie, c'est à dire que ce sont eux qui plus tard et nécessairement vont faire avancer la société. Il n'y a pas un type d'engagement spécifique aux jeunes, il est à chaque fois différent. Il dépend des générations. Les jeunes peuvent défendre la démocratie de manière différente car ils n'ont pas tous les mêmes idées. Ils voient le monde différemment, mais ils ne sont pas désintéressés du tout comme on le prétend souvent. Les jeunes doivent participer et se renseigner sur la démocratie. Les écoles devraient enseigner plus clairement aux jeunes ce qu'est la démocratie car beaucoup n'en savent rien. Une mauvaise implication de personnes malsaines peut entraîner une mauvaise influence sur la démocratie. L'exemple du Ille Reich est à ce titre éloquent. Il faut donc que les jeunes soient bien entourés, ni influencés et avec tous ces arguments, ils pourront s'y impliquer.

Une prise de pouvoir par un parti liberticide (extrême droite) ne risque-t-elle pas d'entraver nos libertés, voire de faire disparaître la liberté ?

Si, bien sûr. En cas d'accession au pouvoir, leur but est clairement d'entraver la bonne marche démocratique des autres partis. Ils chercheraient alors à diminuer nos libertés progressivement, de manière à ce que nous ne nous rendions compte directement. Quand leur système aurait été mis en place, il serait vraiment difficile de faire marche arrière. Ce serait la porte ouverte à tous les excès et à toutes les atrocités auxquelles nous avons déjà été confrontés.

17. Interview de M. Joël Riguelle, Conseiller régional bruxellois
réalisée par les élèves de l'Institut des Techniques et des Commerces Agro-alimentaires - Arvalée (Belgique)

1 er trimestre 2005

Quel rôle peut, jouer le politicien dans la défense et le développement de la démocratie ?

Les hommes politiques ont un grand rôle à jouer pour permettre le développement de la démocratie. Pour y parvenir, il faut veiller à respecter deux grandes règles.

La première est celle de l'éthique personnelle. Elle doit être irréprochable. La démocratie passe pour le politicien par le respect de la législation et des règles en vigueur. Non seulement, il doit les respecter, mais il a aussi le devoir de veiller à ce qu'elles soient respectées et de dénoncer tout manquement.

La deuxième règle est celle de l'attention portée au citoyen. Le politicien doit se montrer attentif vis à vis de ses concitoyens. Il faut également lui donner la possibilité de s'exprimer, de faire entendre sa voix. Dans la mesure du possible, il faut tenter de donner la possibilité aux gens de participer au processus décisionnel.

Quelles sont les actions qu'il faudrait mener pour permettre à la démocratie de se renforcer

Pour permettre un développement efficace de la démocratie, il faut faire des gens des citoyens responsables. Pour y arriver, il faut informer et faire comprendre la politique aux gens. Pour cela deux axes doivent être mis en avant.

Dans un premier temps, c'est le politique qui doit faire oeuvre didactique. C'est à lui de montrer que finalement la politique n'est pas si compliquée que cela. Il faut lui expliquer les enjeux. Le citoyen n'est pas bête.

En collaboration avec les politiciens, le monde de l'éducation a aussi un rôle à jouer. C'est à l'école, que les futurs citoyens doivent apprendre comment fonctionnent les institutions de leurs pays. Il faut les confronter au principe démocratique en développant l'idée des conseils de participation au sein des écoles. Tout cela permet de développer la conscientisation des jeunes. Cela doit être une des priorités de tout enseignant : le développement de citoyens consciencieux.

La défense de la démocratie doit-elle passer par l'interdiction des partis liberticides ?

Il ne faut pas avoir peur de lutter par tous les moyens contre les partis liberticides. L'Allemagne, qui a un plus lourd passé que nous, l'a bien fait. Face à ces partis, il faut avoir un langage clair. Il n'est pas normal que des partis qui ne respectent pas le jeu démocratique puissent bénéficier d'un financement public.

Par contre, il faut être plus proche des gens attirés vers ces partis. Il faut essayer de comprendre leur choix et leurs problèmes. Il faut donc tenter de les aider et de les rassurer. Il ne faut pas les critiquer mais les soutenir.

La lutte contre les partis liberticides et la défense de la démocratie passe donc par un rapprochement entre le personnage politique et le citoyen.

Quel rôle peut jouer l'Europe dans la défense de la démocratie ?

L'Europe véhicule en général des valeurs de respect des droits de l'homme. C'est aussi un vecteur de démocratie.

L'élargissement de l'Europe doit aussi être vu comme un formidable moyen de développer les politiques d'intégration.

L'Europe n'est pas seulement économique, elle peut être sociale et donc proche du citoyen.

Quel est le meilleur moyen de renforcer la démocratie ?

Le renforcement de la démocratie passe donc inévitablement par un rapprochement entre électeurs et élus. C'est en étant à l'écoute des gens que l'on parvient à réduire le fracture entre le politicien et le citoyen.

Il faut également développer les modalités de participation des citoyens au processus décisionnel.

Pour protéger la démocratie, il faut rendre facile la compréhension de la politique. C'est en associant les citoyens à la politique, que l'on parviendra à mieux analyser les situations.

18. Interview de M. Marc Tarabella, membre socialiste du Parlement européen
réalisée par les élèves de seconde 1 de l'Athénée Royal - Philippeville (Belgique)

21 mars 2005

Le projet de Constitution européenne doit être ratifié par les 25 États membres, quid en cas d'échec dans un ou plusieurs pays ? Est-ce que tout est bloqué ? Est-ce qu'on ne peut pas imaginer que des pays continuent dans le projet de fédéralisation pendant que d'autres restent en arrière ?

Si le projet de Constitution n'était pas adopté par l'un des États, l'Europe continuerait à fonctionner selon le traité de Nice : système un peu figé (application de la règle de l'unanimité, les membres ont le droit de veto), il n'y aurait pas de Ministre des Affaires étrangères commun, l'Union européenne manquerait de crédibilité du point de vue international. Dans le ou les pays qui diraient non, des efforts d'information devraient être réalisés.

Si le traité n'est pas ratifié, une coopération renforcée dans certains domaines pourrait exister mais il y aurait alors danger d'une Europe à deux vitesses.

Que pouvons nous espérer de la nouvelle constitution européenne du point de vue économique et du point de vue social ?

Actuellement les personnes et les biens circulent déjà librement dans l'Union européenne. La directive Bolkestein propose la libre circulation des services avec comme principe directeur la législation du pays d'origine.

Si la libéralisation des services entrait en vigueur, la concurrence serait forte et entraînerait une régression sociale (dumping social) pour des pays comme le nôtre. Il faudrait d'abord harmoniser les salaires, la législation sociale.

Entr+er dans l'Union européenne est-ce réellement une aubaine pour les nouveaux pays entrants ?

Ces pays nouvellement entrés sont déçus à juste titre : l'Europe ne répond pas à leurs espérances. Ils sont entrés trop tôt car il aurait été préférable d'améliorer d'abord le mode de fonctionnement des institutions et d'établir des règles claires. L'Europe a été créée sur base de la solidarité, mais les difficultés économiques présentes en Europe occidentale rendent difficile leur entrée.

Ces pays ne se rendent pas toujours compte des problèmes de concurrence qu'ils créent chez nous par leur arrivée.

Au Parlement européen, l'extrême droite est-elle représentée ? Si oui, ses députés sont-ils actifs et comment ? Comment les représentants des autres partis démocratiques réagissent-ils ?

Oui, l'extrême droite est représentée, mais il y a moins de 19 députés sur 732 et donc les élus d'extrême droite ne peuvent pas constituer un groupe, ils sont peu présents dans les différents groupes de travail, peu actifs dans leurs différentes commissions et rarement présents.

L'Europe est née sur les ruines de 1945, mariage de raison, aujourd'hui, l'Europe est devenue trop lointaine, les citoyens européens ne comprennent pas ou plus. Comment remédier à cette déficience ?

Il faut organiser plus de contacts avec la population. Il faut que les députés européens rencontrent la population, fassent plus de travail de communication. La presse ne fait peut-être pas tout ce qu'elle devrait, le texte des directives est trop technocratique, sujet à interprétations, comme par exemple la directive Bolkenstein qui autorise 15 interprétations différentes.

Le paradoxe est que l'Europe décide de choses pour notre mode de vie, et que les citoyens ne les connaissent pas.

19. Interview de M. Elio Di Rupo, député socialiste
à la Chambre des Représentants de Belgique
et de M. Gérard Deprez, membre du Parlement européen
(Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe)
réalisée par les élèves de l'Athénée Royal - Ath (Belgique)

1 er trismestre 2005

Nous avons commencé à étudier les Institutions belges et leur évolution, cela nous semble fort compliqué (nombreux niveaux de pouvoirs, compétences de chacun, évolution des partis politiques ...) Pensez-vous qu'une telle complexité a contribué à sauvegarder la démocratie en Belgique depuis 1970?

M. Elio Di Rupo - Nous sommes en effet dans un pays à la structure institutionnelle bien complexe. D'un point de vue historique, les Flamands ont voulu mettre en avant leur culture et leur langue, les trois Communautés ont donc été créées en 1970. Par contre, les Wallons souhaitaient insister sur l'économie, les trois Régions ont donc été créées lors de la deuxième vague en 1980. Pour la Région Bruxelles Capitale, il a fallu attendre 1988 pour qu'elle soit dotée d'institutions propres. Les entités fédérées ont acquis de plus en plus de compétences au fur et à mesure des réformes institutionnelles. La Belgique n'est pourtant devenue un véritable État fédéral qu'en 1993, le 14 juillet exactement. Ce n'est qu'à partir de ce moment que le fédéralisme belge est devenu une réalité juridique formellement reconnue.

La démocratie existe à tous les niveaux de pouvoirs car les électeurs choisissent leurs représentants dans les assemblées. Notons que les Flamands ont de suite décidé de fusionner la Communauté et la Région, ce n'est pas le cas pour les Francophones afin de ne pas se désolidariser de Bruxelles. Cependant, la complexité est toujours mal perçue, c'est un obstacle souvent inévitable. Dans le cas belge, c'est le chemin du moindre mal.

M. Gérard Deprez - «J'entends parler de l'éclatement de la Belgique depuis trente ans, est-ce une éventualité? Peut-être, mais je ne le souhaite pas». Prenez l'exemple de l'ex-Tchécoslovaquie : c'est la Slovaquie, la région la plus défavorisée qui voulait la séparation de la Tchéquie majoritaire et plus riche.

Depuis qu'elles se sont séparées, ces deux Républiques vont mieux. C'est un exemple de scission réussie. En irait-il de même pour la Belgique? Les conséquences seraient différentes, en particulier parce qu'il y a le problème de Bruxelles. Mais, sur le plan institutionnel, la Wallonie serait bien représentée. Sur le plan financier, elle bénéficierait du plan de cohésion (qui résoudrait le problème du financement de la sécurité sociale dont elle ne peut bénéficier dans le cadre de l'État fédéral).

Et si la Belgique éclatait ? Quel poids politique auraient encore les Régions à l'échelle de l'Union européenne? Serait-il suffisant d'après vous pour sauvegarder les intérêts des citoyens wallons, flamands et bruxellois? Quel serait le statut de Bruxelles?

M. Elio Di Rupo - Le risque serait énorme et ce processus a commencé depuis 1968 notamment par l'éclatement des partis politiques, plus de partis nationaux.

Actuellement, certains États membres de l'Union Européenne sont bien plus petits que la Wallonie ou que la Flandre. Par exemple, le Grand Duché du Luxembourg avec 430 000 habitants, Chypre avec 800 000 habitants, l'Estonie avec 1,4 millions d'habitants, la Lettonie avec 2.4 millions d'habitants, Malte avec 400 000 habitants ou la Slovénie avec 2 millions d'habitants.

Nous aurions un poids démographique et économique suffisant pour faire entendre notre voix dans l'Union Européenne mais un éclatement de la Belgique impliquerait beaucoup d'autres difficultés pratiques au niveau national. Quant à Bruxelles, il faudrait lui trouver un statut particulier, il y aurait plusieurs scénarios possibles ... à suivre.

Que pensez-vous pouvoir et devoir faire pour que la Constitution européenne présente toutes les garanties de respect des valeurs démocratiques dans tous les pays membres?

M. Elio Di Rupo - La Constitution de l'Union européenne est un véhicule qui devient plus performant mais dont la route est encore semée d'embûches. Il faut donc améliorer la route en informant les citoyens et en obtenant d'eux qu'ils s'investissent dans la réalisation des projets qui les concernent.

M. Gérard Deprez - La Constitution prévoit des sanctions contre les gouvernements qui ne respecteraient pas les principes de la démocratie. Par essence, l'idée européenne s'oppose aux nationalismes de tous bords. Dans certains pays, l'extrême droite fait partie du gouvernement mais tant que les règles démocratiques sont respectées, 1'UE n'a pas à intervenir. On défend la démocratie avec les armes de la démocratie pas avec celles de ses adversaires.

Que pensiez-vous de l'organisation en Belgique d'une «consultation populaire» à propos d'une Constitution (Traité) européenne ? Etait-ce une menace pour la démocratie comme le disent certains partis?

M. Elio Di Rupo - Nous ne sommes pas opposés au principe mais nous nous posons des questions par rapport au cadre juridique actuel. Une telle consultation populaire demande une révision de la Constitution. Une proposition de loi qui se base sur la modification de l'article 167§2 de la Constitution était en effet à l'agenda de la Commission parlementaire. C'était une solution possible mais ne résolvait pas tout.

Dans le même esprit, nous nous demandons quel sera le pouvoir réel du Parlement européen ? Quel sera sont poids par rapport aux Parlements nationaux ? Quelle sera la place du citoyen (en tant qu'individu) dans l'Union européenne ? Dans ce contexte ne croyez-vous pas qu'il faut encourager et élargir à tout le pays les initiatives transfrontalières comme le programme Interreg, collaboration en matière de programmes télévisés entre C9 Télévision Lille, West Vlaams Televisie et NO Télé (Hainaut occidental) ? Est-ce possible d'après-vous, compte tenu de la mentalité des collectivités qui, dans le cadre de la mondialisation veulent surtout sauver leur identité et développent une tendance au repli sur soi ?

M. Elio Di Rupo - L'Europe est l'espace où la démocratie est la plus présente. Le pouvoir du Parlement européen ne cesse de s'accroître.

Les citoyens élisent lors des élections européennes les parlementaires qui représenteront leur pays au sein du Parlement Européen. Les citoyens européens ont le droit de vote et sont éligibles aux élections municipales dans leur pays de l'Union Européenne de résidence.

Le Traité constitutionnel renforce la place et le rôle du citoyen : la démocratie participative devient un élément fondateur du fonctionnement de l'Union. Le Traité constitutionnel consacre dans sa partie II la Charte des droits fondamentaux et la Cour de Justice sera compétente pour vérifier la compatibilité de l'action de l'Union européenne avec les principes contenus dans la Charte. C'est une avancée énorme pour les citoyens européens car même si certains droits fondamentaux ne sont pas prévus dans leur législation nationale, ils pourront se prévaloir d'une protection européenne.

Quant aux échanges transfrontaliers, ils doivent évidemment être encouragés, ils sont indispensables. La ville de Mons offre un exemple de collaboration culturelle avec la ville de Maubeuge, et bientôt celle de Valenciennes.

Il faut se guérir de la simplification de la vie, ce n'est pas de perdre son identité que de s'ouvrir à une autre culture. Si nos ancêtres hominidés n'avaient pas eu la curiosité de partir, de découvrir ce qui se passait à des milliers de Km, nous ne serions peut-être pas là aujourd'hui.

20. Interview de Mme Rosa Aguilar, maire de Cordoue, ex-parlementaire
réalisée par les élèves du Collège Cervantes - Cordoue (Espagne)

1 er trimestre 2005

Bonsoir. Merci de nous accorder cette interview. Comme vous le savez, nous allons vous interroger sur les moyens de défendre et développer la démocratie D'abord, quelle définition pourriez-vous nous donner de ce mot ?

Et bien, je crois que le grec nous en donne une assez exacte : c'est un système politique dans lequel le peuple exerce la souveraineté. C'est la raison pour laquelle, nous, les politiques, devons toujours maintenir cette responsabilité envers les gens qui nous ont élu tandis qu'eux ont parfaitement le droit, je dirais même le devoir, d'exiger de nous des responsabilités.

Et comment croyez-vous que, nous, les citoyens de la rue, pouvons défendre la démocratie ?

Je crois, d'abord, en étant conscients de vos droits et en exigeant le respect de ceux-ci, sur les sujets liés à l'éducation, la santé, l'information, ... D'autre part, le premier droit d'un citoyen dans une démocratie est le droit de vote. C'est ainsi qu'il peut manifester l'orientation politique, sociale et économique qu'il veut voir dans les organes qui le représentent. D'autre part, il peut aussi participer au changement de la société dans différentes associations ou groupes, comme ici à Cordoue où les associations de quartier se réunissent pour décider ce que la Mairie doit faire dans les quartiers, exprimer leurs besoins, etc. A un niveau plus global, les citoyens ont toujours le droit de grève ou de manifestation pour protester contre des situations qu'ils jugent injustes ou incorrectes, comme ça a été le cas ici avec la guerre en Irak, où le peuple espagnol manifesta clairement qu'il était contre et élut finalement le parti qui a respecté cette volonté, ou bien avec le cas des mauvais traitements aux femmes, pour lequel la pression populaire a permis qu'un projet de loi soit élaboré pour défendre les victimes. En outre, je crois qu'il est très important que les citoyens aient un engagement très clair envers la démocratie, qu'ils la revendiquent et qu'ils l'exigent.

Et ici même, depuis la Mairie de Cordoue, que fait-on pour defendre la démocratie ?

Et bien, comme je vous l'ai déjà dit, Cordoue est l'une des villes d'Espagne où la vie associative est la plus riche. Les associations de quartier font un travail important et, depuis la Mairie, nous travaillons en étroite collaboration avec elles. Par exemple, Cordoue a été la première ville espagnole à implanter les budgets participatifs, qui nous viennent de Porto Alegre, au Brésil, où nous sommes allés pour voir comment cela fonctionnait là-bas et pouvoir les implanter ici. Cela consiste dans le fait que les citoyens, par le biais d'assemblées périodiques, décident des investissements à faire dans leurs quartiers respectifs. Ensuite, nous nous réunissons pour étudier les propositions de toutes les assemblées de quartier et nous votons les budgets municipaux en établissant un ordre de priorité qui respecte ces propositions. Nous nous efforçons également de tenir compte des revendications de tous les secteurs de la population cordouane, parce qu'une maire (ou un maire) doit être maire de tous les Cordouans et Cordouanes et pas seulement du secteur de la population qui l'a élu(e).

Vous, en plus d'être maire, vous avez aussi été représentante au Congrès des Députés. Depuis quel poste pensez-vous qu'il soit plus facile de défendre la démocratie ?

Ah, très intéressant. Et bien, je crois que ce sont deux niveaux différents et par conséquent les actions vont être différentes. D'abord, sans aucun doute, être Maire de Cordoue, ma ville, avec laquelle je m'identifie à cent pour cent, fait que l'implication est plus importante, parce que ce qui se passe à Cordoue m'affecte personnellement autant que n'importe quel citoyen ou citoyenne cordouan. Être maire implique qu'on se sente plus proche des préoccupations réelles des autres citoyens et citoyennes. D'autre part, la Mairie étant une structure relativement petite, elle est aussi plus souple et la rapidité d'action est plus grande au moment de tenir compte des demandes des gens.

Mais il est vrai que depuis une mairie isolée, il y a des paris importants pour la démocratie qu'on ne peut pas faire parce qu'ils requièrent une infrastructure plus vaste ou l'implication d'un plus grand nombre de secteurs ou de personnes. Dans ce sens, au Parlement, je me sentais également utile pour cela : pouvoir transmettre les préoccupations de mes concitoyens à un niveau beaucoup plus élevé et surtout faire en sorte que ces préoccupations puissent être traduites par des lois, comme celle dont je vous ai parlé auparavant sur les mauvais traitements aux femmes. Tout cela, une Mairie ne peut pas le faire.

En ce qui concerne la défense de la démocratie au niveau de l'État, quelles difficultés l'État espagnol a-t-il rencontrées ?

Je crois qu'elles sont assez évidentes. Avant la Guerre Civile, l'Espagne avait l'une des Constitutions les plus avancées d'Europe. Plus tard, avec l'arrivée au pouvoir de Franco, la démocratie reçut l'un des coups les plus sévères de l'histoire récente, avec l'implantation d'un système dictatorial qui a duré presque quarante ans. A la fin de cette période, les gens avaient complètement perdu la conscience de ce que devait être un État démocratique. Bon, évidemment, beaucoup de personnes ont lutté pour elle et pour maintenir les principes fondamentaux d'un État démocratique durant ces longues années, mais la peur, la répression et la censure firent que de vastes secteurs de la population se virent complètement éloignés de la démocratie. C'était un concept alors irréel, lointain. Ensuite, avec la mort de Franco, on commença à entrevoir d'autres possibilités, d'autres façons de gouverner, en grande partie grâce aux secteurs les plus progressistes de la population qui avaient maintenu vivante la flamme de la démocratie durant toutes ces années. Mais elles ne pouvaient pas non plus être implantées du jour au lendemain : il y avait encore des gens qui, s'étant vus favorisés par le régime franquiste, ne voyaient pas d'un bon oeil l'implantation d'un autre système. Pensez que nous avons mis trois ans à voter la Constitution et que même ainsi, trois ans plus tard, une tentative de coup d'État mit sérieusement en péril les résultats déjà obtenus. Ainsi, nous pourrions dire que la démocratie mit plus de six ans à s'implanter en Espagne après la dictature, au moins dans les institutions. Ce n'est pas non plus un laps de temps très long si l'on considère qu'il existait beaucoup de rancoeurs et de rivalités à apaiser, beaucoup de craintes de part et d'autre qui rendaient les accords difficiles, beaucoup de méfiance. Il est également vrai que certains secteurs durent accepter une espèce d'amnistie de certains fidèles du régime pour que les réformes puissent se poursuivre. De toutes façons, je crois que dans les mentalités, l'arrivée de la démocratie a été plus longue parce que, comme je l'ai dit auparavant, les gens ont eu du mal à croire qu'ils pouvaient réellement faire quelque chose pour changer la situation, qu'ils avaient vraiment un pouvoir. Il faut les convaincre que ce sont eux qui peuvent réellement défendre la démocratie, qu'ils doivent croire en elle pour que leurs représentants en appliquent les principes avec rigueur et honnêteté.

21. Interview de M. Raimundo Benzal, membre socialiste du Congrès des députés
réalisée les élèves de IES Las Encinas - Villanueva
de la Cañada (Madrid) (Espagne)

1 er trimestre 2005

Que pensez-vous de l'existence de groupes parlementaires extrémistes de droite ou de gauche ?

D'abord, il est de l'intérêt des citoyens que ces groupes n'aient pas de représentation institutionnelle. Les élections doivent être un tamis pour que les citoyens disent ce qu'ils préfèrent, mais même s'il n'y a pas de loi qui les empêche de rester (ils ont tous le droit de se présenter), il va de soi qu'ils sont très éloignés des positions du Parti socialiste espagnol. Dans l'hypothèse où il y a une règle qui empêche leur fonctionnement, les tribunaux ont la charge de la faire appliquer.

Quels sont les moyens les plus utiles pour défendre la démocratie ?

Tout d'abord, la Constitution en soi est déjà un bénéfice, car 25 pays se sont mis d'accord, bien qu'au niveau des gouvernements seulement. Elle sera ratifiée par certains pays par la voie parlementaire, et pas avec un référendum tel que nous l'avons fait.

L'existence d'une Constitution est un symbole et nous pouvons le dire très nettement, parce que la Constitution espagnole, pour l'Espagne, a été un énorme progrès pour notre pays. D'abord, de la Constitution européenne sont tirées des lois, en outre il y a trois questions fondamentales : la démocratie signifie transparence et ça veut dire une projection accrue de la démocratie vers les citoyens, car tout, de plein droit ou bien parce que le gouvernement même le fait, est transmis aux citoyens ; la transparence de l'action des gouvernements et en définitive la transparence de la vie publique en général. Ensuite, il doit y avoir de la proximité, puisque nous voulons changer les organismes qui existaient dans la législature précédente, et savoir rester proches des nécessités des citoyens. Et enfin, l'accomplissement de la Constitution est en soi un bénéfice ; comme les lois qui en dérivent, la proximité, la transparence.

De quelle façon les médias influencent la consolidation de la démocratie ?

Les médias l'influencent beaucoup, surtout dans une société comme l'actuelle, dans laquelle sont répétées des choses qui ne sont pas vraies mais qui s'installent socialement.

En fait, l'autorégulation fonctionne dans les pays qui ont sur nous un avantage, surtout en termes de nombre d'années de démocratie. A présent on discute des moyens de limiter la durée de consommation des mass-médias, en particulier des émissions pour enfants et de contrôler la « télévision poubelle ».

D'abord l'information doit être objective, distincte de l'opinion personnelle, et ensuite, elle a une importante fonction de formation.

Dans quelle mesure l'Union européenne peut contribuer à consolider la démocratie dans des pays qui veulent y entrer ?

Largement, puisque les pays qui désirent entrer dans l'Union européenne sont censés remplir une série de conditions démocratiques telles qu'une Constitution, des élections libres, etc.

D'abord, en ce qui concerne les règles, ces pays doivent avoir des institutions démocratiques, ce qui est déjà une conquête en soi. Ensuite, c'est fondamental, la séparation des pouvoirs, une division tripartite classique qui ne s'est pas forcément produite dans tous les pays qui sont aujourd'hui dans l'Union européenne non plus que dans les pays qui souhaitent leur entrée.

D'ailleurs, tout cela conduit à un progrès commun. L'Espagne, depuis son incorporation à l'Union européenne, dans les années 80, a consolidé certains aspects que la transition avait commencé à résoudre, au fur et à mesure, et nous avons progressé sur le plan économique et social.

De la même façon, une fois dans l'Union européenne, on va consolider cette démocratie qu'on désire.

22. Interview de Mme Consuelo Catala, députée du département d'Alicante aux Cortes generales valencianas
du gouvernement autonome de Valencia (Espagne)
réalisée par les élèves de l'IES historiador Chabas Denia (Espagne)

1 er trimestre 2005

La Constitution Européenne, qu'apporte-t-elle à tous les citoyens ?

Pour commercer, laissez-moi vous dire que la Constitution européenne se divise en quatre parties. La 1 ère définit les valeurs, les objectifs, les compétences, les procédures de prise de décision et les Institutions de l'Union européenne ; elle aborde aussi les symboles, la citoyenneté, la vie démocratique et les affaires financières de l'Union. Dans la 2 ème partie nous pouvons trouver la Charte des Droits Fondamentaux. La 3 ème partie décrit les politiques et les actions internes et externes ainsi que le fonctionnement de l'Union Européenne. La 4 ème partie contient les dispositions finales, où l'on trouve les procédures d'adoption et de révision de la Constitution.

Elle apporte la garantie du respect de certaines valeurs communes et d'un modèle européen de société. Le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l'égalité, l'État de droit et les Droits de l'Homme. Une société caractérisée par le pluralisme, l'absence de discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre hommes et femmes. Seuls les États qui respectent ces valeurs peuvent adhérer à l'Union Européenne. De la même façon, on peut prendre des mesures contre les États membres qui ne respectent pas ces mêmes valeurs.

Pour la défense et le développement de la démocratie, on peut souligner, pour leur importance : art. I-2 : l'égalité comme valeur ; art. I-3 : l'égalité comme objectif ; art. II-81 : l'interdiction de la discrimination ; art. II-83 : le droit à l'égalité et à la discrimination positive ; art. II-93 : la protection de la maternité contre le licenciement ; art. III-124 : la loi européenne pour l'égalité ; art. III-120 : l'égalité pour le marché du travail et le salaire ; art. III-267 : la lutte contre le commerce d'êtres humains et l'exploitation sexuelle et art. III-116 : la lutte contre la violence de genre.

... et précisément pour les jeunes ?

La partie III « Politiques et fonctionnement de l'Union », dans son Titre III « Politique et actions internes », le chapitre V « Domaines où l'Union peut décider de mener une action d'appui, de coordination ou de complément » dans la Section 5 ème « Education, jeunesse et formation professionnelle ». L'article III-282 développe toute la dimension éducative et le chapitre III-283 celui de la formation professionnelle.

De quels moyens disposent les responsables politiques pour que la voix des jeunes soit écoutée et transmise sans aucune distorsion à la classe politique ?

Nous pouvons dire, au premier abord, que la participation politique présente plusieurs facettes. L'une d'elles c'est la politique institutionnelle qui naît par l'intermédiaire d'un parti politique qui, par le canal d'un programme qu'il s'engage à accomplir et des personnes qui sont élues, conduit à la formation de groupes parlementaires qui doivent poursuivre cette action. Bien sûr, la responsabilité est très différente si l'on appartient à la majorité ou bien si on fait partie de l'opposition. Une autre facette c'est la participation démocratique de la jeunesse moyennant la participation existante dans les lycées, c'est votre cas, ou dans la participation citoyenne.

Il doit y avoir des changements dans les deux facettes. Je pense qu'il faut introduire des mécanismes directs de communication par le canal des antennes parlementaires, des réunions périodiques des parlementaires qui s'occupent de ces thèmes, etc. et que les organismes de participation soient envisagés non seulement du point de vue de la consultation et/ou de l'information mais aussi des aspects qui doivent être pris en considération.

Que se passerait-il si la Constitution Européenne n'était pas ratifiée par le reste des pays européens ?

Permettez-moi de parler d'abord de l'importance de la Constitution européenne. Son approbation est obligatoire seulement sous la forme de la ratification parlementaire. Le referendum est un mécanisme complémentaire mais pas obligatoire. Le Président du Conseil, M. Zapatero, a planifié le referendum et, en plus, il a décidé, de manière volontaire, de le rendre politiquement obligatoire. Malgré tout, notre parlement devra le ratifier. Il s'agit d'un mécanisme qui rend possible la consultation des citoyens, donc sa valeur démocratique est grande, d'où la volonté du Gouvernement socialiste de le respecter. Il s'agit primordialement d'encourager d'une manière concrète la participation des citoyens. Cela signifie un débat, d'une manière publique, sur un thème, la participation des citoyens à ce débat, le rapprochement des décisions des citoyens et citoyennes.

Le dernier mot de la Constitution européenne revient aux parlementaires des pays membres. Le thème politique de fond, quand on soumet à referendum la Constitution Européenne, c'est qu'un pays est mal représenté si l'opinion du Gouvernement ne coïncide pas avec celle des citoyens.

Mais ... si elle n'était pas ratifiée ?

Il n'y a rien de prévu si un pays ne la ratifie pas du premier coup. Moi, je pense que même si un pays reste en dehors, cela dépendra du pays, mais puisqu'il y a cette liberté d'action, cette non imposition, il n'est pas vrai que rien ne va se passer. Je pense que cela supposerait un recul assez important de la Constitution. On reviendrait en arrière. Aux accords fondés sur des recommandations avec des équilibres assez difficiles à trouver (la décision est trop conditionnée par l'accord unanime. Quand il n'y avait que 15 pays membres cela était assez ardu ; maintenant, avec 25 pays membres cela serait impossible). Il y aurait une perte de l'opportunité historique de construire un cadre légal obligatoire pour tous les pays, à la base de l'ultérieur développement législatif, non seulement dans les affaires économiques mais aussi dans les affaires sociales. Je pense honnêtement que le projet européen, qui existe depuis 1957 et qui, évidemment, a accompli de grands efforts pour arriver à cette véritable Union, a besoin d'une Constitution. Une seule voix par Gouvernement, est, pour concrétiser, l'alternative de construction d'une société basée sur la défense des Droits de l'Homme et des nouvelles valeurs sociales.

J'aimerais vous faire comprendre comment l'Europe a toujours été le symbole de la liberté, de la solidarité et de la démocratie. Même quand elle a été ravagée par la guerre, par le nazisme, par le fascisme, même quand elle a construit un mur, Maria Zambrano, dans ses articles écrits entre 1940-1944, affirmait que « l'Europe ne peut pas mourir, puisque sans elle on fermerait la porte à l'espérance. »

Quelle serait votre réflexion finale ?

La Constitution espagnole a été, en son temps, pour la génération qui l'a vu naître, le cadre qui a rendu possible la normalité démocratique dans notre pays. En ce moment, pour nous mais surtout pour les jeunes, la Constitution européenne signifie la normalité démocratique, la solidarité, la convivialité dans l'égalité entre les hommes et les femmes, le développement de leur vie comme génération. Parce que la Constitution européenne ne consacre pas seulement l'égalité comme valeur mais aussi le texte constitutionnel lui-même envisage comme objectifs le combat contre la discrimination exercée en raison du sexe, l'application du principe du salaire égal entre les travailleurs hommes et femmes et, au nom de la conciliation de la vie en famille et au travail, elle reconnaît le droit de toutes les personnes à la protection qui empêche un licenciement sans indemnité, par exemple, en cas de maternité... C'est-à-dire, nos jeunes seront en mesure d'exiger des pouvoirs publics la concrétisation de ces mesures, dont j'ai parlé, et de beaucoup d'autres qui, en définitive, ne parlent que de la réorganisation sociale nécessaire à l'égalité, pour que les hommes et les femmes puissent développer leurs projets de vie en commun sans qu'une personne ne renonce à rien (ni à la promotion professionnelle, ni à la maternité, etc.). Ainsi tout le monde pourra être plus heureux.

23. Interview de Mme Carmen Juanes Barciela,
membre socialiste du Congrès des députés
réalisée par les élèves du Lycée Leonardo da Vinci - Alba de Tormes (Espagne)

1 er trimestre 2005

Que croyez-vous que nous, les européens, devons faire pour continuer à maintenir la démocratie ?

Je crois que ce que nous devons faire avant tout, c'est y croire, en tant que meilleur moyen que nous ayons aujourd'hui, nous les citoyens, les régions et les pays qui formons l'Union Européenne, de vivre ensemble et de nous développer en tant que peuple. Ensuite, il faut la vivre, dans notre quotidien, en famille, au travail et dans les institutions. La démocratie ne se réduit pas au monde des partis politiques, mais elle englobe tous les espaces qui constituent notre vie. C'est pourquoi nous devons croire en la liberté et aider autrui à la vivre, nous devons pratiquer l'égalité et la solidarité de peuple à peuple, de région à région et de citoyens à citoyens.

Quels avantages et quels inconvénients présente la démocratie pour les européens et leur société ?

Tout y est avantage. L'Europe s'est accrue économiquement plus que jamais dans toute son histoire grâce à la démocratie. Grâce à la démocratie nous avons vécu la période de paix la plus longue de toute l'histoire de notre continent. La démocratie a permis aux peuples d'Europe de choisir librement la voie qu'ils ont voulue, sans aucune emprise. La démocratie facilite la participation des citoyens à la construction de la nouvelle Europe des citoyens, à travers les élections, mais aussi à travers des associations et des mouvements divers (culturels, politiques, économiques, sociaux). Enfin elle a aidé à créer des liens de solidarité entre les peuples qui, au lieu de ne regarder que leurs propres intérêts, voient les besoins de tous.

Pour ce qui est des inconvénients, plus que ceux du système, que l'on peut toujours améliorer quant à la participation des citoyens, je crois que le plus grand peut être celui de la délégation des responsabilités à d'autres, et le manque de participation des citoyens par déception face à un possible abus de pouvoir ou face à la corruption des politiques.

Liberté, égalité et solidarité : laquelle de ces trois valeurs croyez-vous qu'il est le plus important de développer aujourd'hui ?

Actuellement nous avons développé de façon importante les libertés formulées dans notre Constitution à travers les institutions et dans la vie quotidienne. La Solidarité est une valeur en hausse dans notre société européenne et cela se manifeste aussi bien dans les politiques menées par l'Union Européenne à travers les fonds de cohésion, que dans les actions de la société qui se mobilise face à des catastrophes naturelles dans n'importe quelle partie du monde comme cela s'est récemment produit lors du raz de marée du Sud-Est asiatique, ou vis-à-vis des victimes d'attentats terroristes tel que celui que nous avons tragiquement subi dans notre pays le 11 mars 2004.

En revanche, l'égalité est une valeur qui passe inaperçue chez les citoyens et qui est moins présente dans les discours ou les conversations de politiques et de citoyens. L'égalité est une valeur essentielle dans la démocratie, et sans elle, la liberté ne peut pas se réaliser dans sa plus haute expression. Il n'y a pas d'égalité dans le monde du travail. Aujourd'hui encore, dans certains métiers, les hommes continuent à percevoir des salaires supérieurs à ceux des femmes pour des tâches identiques ; il y a des inégalités entre les pays, les régions et les localités, quant aux ressources ou aux infrastructures, qui ne permettent pas de donner une égalité des chances aux citoyens de l'Union, etc. C'est pourquoi je pense qu'il est important de développer cette valeur-là, pour obtenir un monde plus juste, plus libre et plus solidaire.

Quels moyens croyez-vous que la société européenne peut apporter aujourd'hui pour apprendre aux jeunes à vivre les valeurs démocratiques ?

Le mieux que nous puissions faire pour continuer à maintenir la démocratie, c'est de vous transmettre aujourd'hui, à vous les jeunes, ces valeurs démocratiques à travers la famille, le système éducatif, les institutions, etc. Nous devons vous apprendre à vivre en démocratie, à respecter la liberté de l'autre, à valoriser l'égalité et à pratiquer la solidarité. Je crois que le système éducatif doit transmettre ces valeurs et il doit aussi enseigner aux jeunes à participer à travers des structures à la vie de la société (Assemblées de délégués, Associations de jeunes, etc.)

Comment le citoyen européen peut-il se protéger de la manipulation politique ?

Pour se protéger de la manipulation politique, le citoyen européen doit beaucoup lire. Il doit recouper les informations et chercher d'autres moyens d'information. Aujourd'hui, Internet est un forum où l'on peut trouver beaucoup d'opinions sur divers sujets. Nous devons avoir une conscience critique, et ne pas tout croire sans mener notre propre réflexion. La démocratie doit nous enseigner à penser par nous-mêmes et à avoir nos propres critères, indépendamment de notre idéologie ou de notre façon de penser.

24. Interview de M. Membrado Giner,
membre socialiste du Congrès des députés
réalisée par les élèves de l'Instituto Miguel de Molinos - Saragosse (Espagne)

Vendredi 18 février 2005

Quelle est votre opinion sur l'évolution de la démocratie ?

Du point de vue démocratique, nous sommes un pays jeune parce que notre constitution n'a été approuvée que depuis 25 ans. Nous avons, par conséquent, un système de relations constitutionnelles très récent, d'autant que, pendant 100 ans, notre pays n'a connu pratiquement que la dictature. C'était une étape très importante et je crois que nous avons entamé une trajectoire positive. Aujourd'hui, parler des questions politiques est quelque chose de normal.

En second lieu, du point de vue constitutionnel, il y a certes des choses qui se traitent dans les parlements mais il y en a d'autres qui sont décidées par le gouvernement, en liaison avec les syndicats, les entrepreneurs, les associations de citoyens... C'est un autre type de démocratie qui émerge, appelée démocratie sociale.

Pour autant, la démocratie est quelque chose de plus que l'image de l'Assemblée ou du Sénat ; c'est la participation active de la société. La démocratie est fondamentalement tolérance et respect, non seulement parce que nous votons pour ou contre, mais aussi parce que nous nous comportons de manière respectueuse face à ce qui est différent ou face aux opinions différentes des nôtres. Pour cela, je crois que l'évolution a été très positive puisque nous avons gagné en culture du respect et nous avons essayé de résoudre un problème historique qui remonte au XV e siècle, en resserrant les liens entre les différents « peuples » qui forment l'Espagne à travers ce que nous appelons « l'Etat des Autonomies ».

Que pensez-vous des « Autonomies » et du plan Ibarretxe ?

Dans notre pays, nous avons essayé de résoudre un problème très ancien grâce aux « Autonomies ». Pour cela, chaque communauté autonome doit avoir la possibilité de gérer les services essentiels pour le citoyen ; aujourd'hui, toutes les communautés autonomes gèrent la santé, l'éducation, l'essentiel du secteur agricole, les politiques industrielles, une partie des politiques environnementale et sociale. Pour cela, elles ont des compétences importantes de gestion qu'elles assument de façon démocratique avec un Gouvernement et un Parlement.

Aujourd'hui, on recommence à débattre de ce dont on discutait déjà il y a 25 ans parce que certaines Communautés considèrent que les transferts de compétences sont insuffisants.

Quant au plan Ibarretxe, le pays Basque a quelques particularités. En premier lieu, la majorité des hommes politiques nationalistes doivent être accompagnés d'une escorte ce qui prouve que la démocratie et le respect ne sont pas aussi clairement assurés que dans le reste du pays. En deuxième lieu, les provinces basques possèdent des pouvoirs autonomiques que n'ont pas les autres. Par exemple, l' « Ertzaintza », une police basque. Mais elles ont aussi des droits économiques qui leur permettent de percevoir les impôts et ont ainsi plus de ressources. Elles ont un statut appelé « statut de Guernica » qui ne s'est pas développé complètement pour plusieurs raisons. Il y en a plusieurs qui n'ont pas été réunies ce qui fait que le statut ne s'est pas mis en place à 100% mais peut-être à 85%. Ce qui se passe en ce moment, c'est que les basques sont en train de définir un projet de réforme statutaire qui comporte une connotation indépendantiste et qui propose des institutions tellement particulières qu'elles pourraient s'éloigner des principes de la constitution espagnole. C'est pourquoi nous pensons que le plan Ibarretxe est contraire à la constitution.

Où en sont aujourd'hui les libertés ?

En ce qui concerne la religion, la constitution consacre le fait que notre pays est un pays non confessionnel puisque notre Etat ne se déclare pas constitutionnellement catholique. Ceci est un grand compromis, qui a supposé l'intervention d'une séparation de l'Eglise et de l'Etat. L'Eglise est là où elle doit être et l'Etat, là où il doit être. Mais l'Eglise reçoit toujours une partie de ses ressources de l'Etat à travers l'impôt sur le revenu et aussi de façon indirecte, par exemple par le fait que les professeurs de religion sont payés par l'Etat espagnol. Cependant, c'est l'archevêque qui les sélectionne. En outre, l'Eglise bénéficie de l'entretien des lieux de culte, des monastères... Elle conserve une influence énorme.

En ce qui concerne l'immigration, deux questions se posent :

Pourquoi les immigrants viennent-ils ? Pour manger. Personne ne veut en effet quitter son pays, abandonner sa famille et sa culture par plaisir.

La seconde est de savoir ce que nous faisons vis à vis de ces immigrants : le problème est qu'à leur arrivée, ils exercent des métiers dont personne ne veut, avec des bas salaires, ce qui crée des tensions avec les espagnols et alimente un sentiment de xénophobie. Beaucoup ne sont pas dans une situation régulière. Depuis 1996, sont intervenus des processus de régularisation, c'est à dire que l'on a donné des papiers à des personnes en situation irrégulière pour qu'elles puissent continuer à travailler. La dernière régularisation a commencé depuis peu avec la loi sur les étrangers qui dit plus ou moins que les travailleurs étrangers qui vivent ici dans des conditions illégales, mais qui peuvent démontrer qu'ils occupent un emploi, pourront obtenir des papiers dès lors qu'ils pourront produire un contrat de travail.

Allons-nous nous sentir plus européens qu'espagnols ?

Je crois que nous ne nous sentirons jamais plus européens qu'espagnols, même s'il est vrai que chaque jour nous avons le sentiment d'être un peu plus européens. La possibilité d'aller travailler en Autriche, Italie, avec des droits identiques, la possibilité de se déplacer dans 25 pays, c'est cela que permet l'Europe. Voilà ce que construit l'Europe. La Constitution sera un petit pas, mais sera un pas. En Espagne, ce dont nous avons besoin, ce sont de programmes européens qui permettent aux jeunes d'avoir chaque jour plus de liberté pour choisir.

Comment défendre la démocratie ?

Je pense que c'est en construisant la société civile. La démocratie se défend par l'association, la participation, la structuration. Comment ? Pour les jeunes, en faisant partie des associations pour jeunes, des conseils de classe. On gagne du temps en participant aux associations, c'est ce qui garantit et renforce la démocratie parce que cela permet de la défendre jour après jour. Chaque jour, les associations ont plus de force. On ne résout pas tous les problèmes en votant, mais il est important de participer. Il est très important que se renforce la société civile.

25. Interview de Mme Maria Xosé Porteiro Garcia,
membre socialiste du Congrès des députés
réalisée par les élèves du Lycée Tomino (Espagne)

28 février 2005

Où résident les idéaux démocratiques? Ont-ils beaucoup changé ces dernières années ?

Les idéaux démocratiques résident surtout dans la souveraineté qui émane du peuple. Ce sont les citoyens qui, à travers leur suffrage, décident sur les grandes questions qui concernent leur vie. Ces idéaux ont évolué : avant, par exemple, les esclaves et les femmes étaient privés de leur droit de vote ; à présent, le suffrage est universel et libre, tous les citoyens, ayant l'âge de la majorité légale, peuvent voter. Mais, l'essence de la démocratie, le fait que ce sont les citoyens qui, grâce à leur participation aux élections, décident de la politique de leur pays, est toujours la même.

Comment le Traité constitutionnel européen pourrait-il favoriser le développement de la démocratie ?

D'une manière très importante parce qu'il unifie des critères dans un espace très ample, habité par 450 millions de personnes, à peu près, et formé par 25 pays. Un texte constitutionnel commun à tous ces pays, sans pour autant annuler chacune de leurs Constitutions, favorise la participation des citoyens à la vie politique européenne. Ainsi, par exemple, si un million de citoyens européens veulent faire une proposition à une institution européenne, ils peuvent le faire en y apposant leurs signatures. La Constitution européenne offre donc aux citoyens européens un niveau de participation dont ils manquaient jusqu'à présent.

Est-ce que les citoyens jouent un rôle important dans le développement et la défense de la démocratie ou est-ce une question qui ne concerne que nos dirigeants?

Les dirigeants sont là parce que les citoyens les ont élus. Les citoyens jouent donc un rôle très important. Mais, il existe aussi d'autres moyens de participer à la vie politique à travers des mouvements associatifs non gouvernementaux comme les ONG, les associations de voisins, de pères et de mères (à l'école) qui, avec leur opinion, leur influence dans la société et leurs voix participent d'une manière très importante à la vie politique. Une seule voix peut faire changer le panorama politique d'une ville ou d'un pays, c'est pourquoi nous les politiciens nous demandons aux citoyens de se rendre aux urnes, d'exercer leurs devoirs et leurs droits de citoyens et de participer à la vie politique.

Peut-on imposer la démocratie?

Non, parce que dans son essence même la démocratie est un acte de liberté. Les véritables régimes démocratiques se caractérisent par la liberté. Dans un pays où il n'y aurait pas de liberté de la presse, de liberté d'expression ni d'association, la démocratie n'existerait pas ; même s'il se définissait comme un pays démocratique, ce type de démocratie serait très imparfait ou virtuel. On ne peut donc pas imposer la démocratie, pour qu'elle existe il faut qu'il y ait des conditions basées sur la liberté. Mais, il y a aussi d'autres manières de concevoir la démocratie. Par exemple, avant, les femmes disaient qu'en Europe il y avait une semi-démocratie et qu'il n'y aurait pas de démocratie réelle tant que le pourcentage d'hommes et de femmes dans les niveaux de représentation politique ne serait pas équivalent.

Comment la démocratie est-elle appliquée et défendue au quotidien?

L'exemple que je viens de donner est également pertinent pour cette question. On en trouve un autre dans ce qui est arrivé en Espagne il y a un an, quand le gouvernement du parti alors au pouvoir a pris la décision de participer à la guerre d'Irak, cette décision n'a pas été bien accueillie par les citoyens et ils ont protesté. Cette protestation des citoyens contre une décision prise par leur gouvernement a influencé quelque temps après leur vote et a entraîné un changement de gouvernement. Les citoyens peuvent décider, quand ils veulent qu'il y ait un changement politique, ils l'obtiennent.

26. Interview de M. Moreno Sánchez, Jesús, Conseiller Municipal,
Président de la Mairie de l'arrondissement de Usera, Madrid,
réalisée par les élèves du Lycée Pío Baroja - Madrid (Espagne)

1 er trimestre 2005

À votre avis, quelles sont les caractéristiques les plus importantes de la Démocratie ?

La liberté, les droits et l'égalité de chances

Quels sont les actes les plus importants que les citoyens peuvent réaliser pour defendre la Démocratie ? Pourquoi ?

Participer activement aux processus électoraux. De cette façon les citoyens peuvent élire librement ceux par qui ils souhaitent être gouvernés.

Au cours de l'histoire, il y a eu beaucoup d'actes menés dans des pays démocratiques contre ce système de gouvernement. Pourriez-vous mentionner les plus importants, à votre avis ?

Sans doute nous avons un exemple clair dans les événements du 11 mars 2004. Profiter d'un attentat terroriste pour attaquer le gouvernement légitime d'un pays en le faisant coupable de l'attentat dans le seul but de gagner les élections.

Un acte terroriste comme celui du 11 mars, affaiblit-il la démocratie, ou au contraire la fortifie-t-il ?

En Espagne, sans doute, il l'a affaiblie, car la réponse du pays qui l'a subi et celle du Gouvernement issu des élections qui l'ont suivi, n'ont pas été adéquates. Par contre, après les attentats du 11 septembre à New York, tous les citoyens et les partis politiques ont soutenu leur Président dans un moment critique pour l'unité du pays.

Considérez- vous antidémocratique que le Gouvernement du Parti Populaire maintienne l'Espagne dans la guerre contre l'Irak, quand la majorité du pays avait montré son opposition à cette guerre ? Pourquoi ?

Non. Ce que vous affirmez dans votre question n'est pas vrai. La plupart des pays "démocratiques" de l'Europe ont soutenu la guerre contre l'Irak, et en ce qui concerne notre pays, il est évident que la majorité de la population ne s'est pas manifestée contre la présence de notre armée collaborant dans des tâches humanitaires en suivant une résolution de l'O.N.U. pour la reconstruction de l'Irak, de la même forme qu'elle le fait aujourd'hui en Haïti ou en Afghanistan. Cela signifie-t-il être pour une guerre?

Comme conclusion, le plus grand ennemi de la démocratie est la manipulation des citoyens dans le seul but d'obtenir le pouvoir.

27. Interview de M. Domingo Tabuyo Romero,
membre socialiste du Congrès des députés
réalisée par les élèves de IES Xunquerai - Pontevedra (Espagne)

1 er trimestre 2005

Depuis la mort du Général Franco en novembre 1975, la démocratie a-t-elle été menacée, dans quelles occasions ?

Francisco Franco a gouverné l'Espagne pendant 40 ans, après un coup d'état, il a instauré une dictature. Lors de ces années, certains groupes sociaux profitaient de privilèges dont le reste de la population ne profitait pas. En plus, la politique était présentée comme quelque chose de négatif qui devait être éloignée des citoyens. En étant sous un régime militaire, l'armée avait un grand pouvoir et une grande influence dans la vie sociale espagnole, de même que l'Église catholique, qui jouissait de certains privilèges.

Après la mort de Franco, et avec l'arrivée de la Démocratie, pendant cette période appelée la Transition, ces groupes qui avaient acquis certains privilèges n'étaient pas prêts à les perdre. C'est ainsi que certaines opérations militaires d'essai de coup d'état ont eu lieu : Opération Galaxia, Opération Almendro, et surtout le coup d'état du 23 février 1981, mais le peuple espagnol souhaitait la réconciliation et l'arrivée de la paix.

Le 23 février 1981 la démocratie espagnole a été sérieusement menacée. Est-ce que, actuellement, une situation comme celle présentée le 23 février serait possible ?

La situation la plus grave de la démocratie espagnole a été le coup d'état du 23 février sous le commandement du lieutenant-colonel Tejero. Encore aujourd'hui nous pouvons voir dans le Parlement les traces des coups de feu réalisés ce jour-là. Il est évident qu'à ce moment-là d'un côté l'opinion populaire contre le coup d'état a eu une grande importance, et de l'autre le Roi a clairement montré son rejet de cet essai de retour au passé.

De nos jours une telle situation serait impossible, car nous avons une démocratie beaucoup plus consolidée ; en plus nous sommes l'un des 25 états membres de l'Union européenne, et il est évident que l'Union Européenne interviendrait dans un conflit aussi grave.

Comment l'Union Européenne pourrait-elle intervenir dans un cas d'essai de coup d'état dans n'importe quel pays de l'ensemble ?

L'Union Européenne est aujourd'hui un grand espace de paix et de solidarité, avec 25 pays et 450 millions de personnes qui ont en commun d'être européens. Le 20 février, les Espagnols ont voté et accepté par referendum la Constitution européenne qui est la première constitution transnationale, née de la volonté de construire un objectif commun. Les 25 pays s'engagent à protéger la liberté, la démocratie, l'égalité et le respect des droits de l'homme. Cette constitution nous assure que dans cet espace commun où les frontières sont éliminées, il existe des mécanismes constitutionnels qui empêchent la possibilité d'un coup d'état dans un pays européen, de même que n'importe quelle agression contre un droit démocratique.

Comment est-ce que nous, les jeunes, nous pouvons protéger les valeurs démocratiques ?

Vous les jeunes, vous pouvez protéger les valeurs démocratiques en participant par l'intermédiaire de ce que l'on appelle la citoyenneté active et les éducateurs, nous devons vous aider à devenir des citoyens libres et réfléchis qui sachent interpréter la réalité et ces éléments de la réalité que les médias et d'autres sources vous offrent.

Un autre élément essentiel, c'est l'éducation aux valeurs avec une connaissance de ce que nous sommes, des institutions qui nous gouvernent, de la réalité. Cette éducation doit se baser sur des valeurs comme la tolérance, le respect, et la non violence. Tout cela fait avancer une société.

Vous pensez qu'il faudrait réformer notre constitution pour développer la démocratie ?

Notre constitution va subir quelques réformes parce qu'elle a 25 ans d'existence et dans ce temps, beaucoup de choses ont changé. Quand elle a été élaborée, nous n'appartenions pas à l'Europe, nous avions comme monnaie la peseta, pas l'euro. Dans cette constitution, on parle déjà de la diversité des territoires de l'État espagnol, mais en tenant compte de l'actualité politique espagnole, il est possible que certains aspects soient modifiés pour que l'on puisse continuer à avancer dans la convivialité.

Pour qu'elle puisse être modifiée, l'accord entre les représentants des citoyens serait nécessaire, mais ces modifications seront ponctuelles.

Quelles mesures adopter pour aider les régions du Sud, les chômeurs, leurs moyens d'expression et avoir plus d'entraide ?

Il est vrai qu'en Italie, les jeunes et les chômeurs ne perçoivent aucune indemnisation, ni de salaires minimum d'insertion pour sauvegarder leur dignité. Le gouvernement n'intervient pas dans ce domaine. La nouvelle génération vit dans l'angoisse du travail. Autrefois, il appartenait aux enfants de subvenir aux besoins de leurs parents. Aujourd'hui, on assiste au contraire : ce sont les familles qui subviennent aux besoins de leurs enfants. Une proposition pour verser un minimum garanti a été faite à la région des Pouilles. L'émigration est un phénomène lié à la mentalité d'un peuple. Les gens fuient leurs pays pour trouver de meilleures conditions ailleurs, toujours dans l'espoir de revenir dans leur terre natale. La main d'oeuvre du Sud à bon marché n'est plus recherchée car les pays de l'Est offrent une main d'oeuvre à meilleur marché et les entreprises préfèrent investir dans les pays pauvres. Il est vrai que la politique agricole européenne a contribué à appauvrir les campagnes du Sud riches exportatrices d'huile d'olive et à limiter la production du lait dans le nord de l'Italie.

28. Interview de M. Francisco Trigo Duran,
député du Bloque Nacionalista Galego (BNG)
pour la province de Pontevedra au Parlement de Galice
réalisée par les élèves du Lycée Vilagarcia de Arousa (Pontevedra) (Espagne)

1 er trimestre 2005

Pouvez-vous nous expliquer votre parcours politique ?

Plusieurs raisons peuvent nous pousser à faire de la politique, mais la politique est une activité propre à l'être humain, ce n'est pas un choix conscient. J'ai fait mes études à Vilagarcia bien que je sois de Cambados. Lorsque j'étais au lycée, j'ai été expulsé pour avoir organisé une grève. C'est mon frère aîné (nous étions 9 frères et soeurs et mon père était décédé) qui a dû aller parler avec le proviseur pour que je sois réadmis au lycée. En arrivant à la maison, mon frère m'a dit : "à partir de maintenant tu ne liras plus le journal tous les jours, tu ne feras rien d'autre que d'étudier". J'avais alors 15 ans et je lisais le journal tous les jours depuis que j'avais 9 ans. Le proviseur lui avait dit que j'étais communiste et un tas d'autres choses. Voilà ma façon d'entrer en politique : s'intéresser aux autres.

Après, quand j'étais étudiant, pendant la dictature, toute forme d'expression politique libre était interdite, je me suis engagé dans la lutte contre le régime de Franco. Depuis mon enfance je me suis toujours préoccupé des problèmes des autres et j'ai essayé d'y apporter une solution.

Pourquoi vous êtes-vous engagé dans le nationalisme ?

Lorsque j'ai terminé mes études, j'avais 21 ans, j'ai monté un cabinet d'architecte et je me suis inscrit au Parti Socialiste Galicien, qui n'a rien à voir avec le PSOE, le mien est un parti nationaliste. J'ai donc fait mon entrée en politique pour changer les choses, mes préoccupations étaient dans le domaine social, culturel et régional.

Je suis convaincu qu'il n'est pas possible d'être apolitique, nous avons tous nos idées et il faut les défendre.

Comment s'est faite la transition de la dictature à la démocratie et comment avez-vous vécu ce changement ?

Nous sommes passés de la dictature à la démocratie par la rupture et la réforme : voilà les deux mots clé. Il est évident que dans un contexte occidental les dictatures sont un anachronisme. L'État espagnol, fondé sur la répression ne pouvait donc pas subsister. La rupture s'est faite tout naturellement.

Que signifie pour vous le mot démocratie?

Et bien, pour moi, la démocratie est quelque chose que je construis au jour le jour, un grand espoir lorsque je l'ai connue, un monde nouveau, dans le sens d'un monde normal et réel. La démocratie pour moi est la tolérance, le dialogue, le respect des autres. C'est aussi accepter le dialogue et le débat, accepter ce qui est différent. Pour moi la démocratie est avant tout tolérance et liberté.

Croyez-vous que les jeunes ne participent pas à la politique?

Oui, je crois que les jeunes ne participent pas à la vie politique, on dit beaucoup de choses des jeunes... La jeunesse est quelque chose d'extraordinaire, je ne crois pas que les jeunes sont ce qu'il y a de mieux dans la société, je crois qu'ils sont une partie importante de la société. Je pense que les jeunes doivent connaître les idées, l'histoire de leur pays, mais ils doivent aussi chercher leur formation. Je crois que les jeunes devraient s'intéresser plus à la politique, non pas comme une issue professionnelle, aussi ils ne devraient pas voir les hommes politiques comme des êtres isolés du monde; nous sommes le reflet de la société, nous sommes une partie de la société qui nous a engendrés. Parfois, les jeunes ne veulent pas participer à la politique car ils nous voient comme des parasites de la société.

29. Interview de M. Daniel Varela, membre (PPE) du Parlement européen
réalisée par les élèves du Lycée Saint-Jacques de Compostelle (Espagne)

1 er trismestre 2005

Quelles mesures sont en train de se mettre en pratique dans les nouveaux pays qui vont entrer dans l'Union européenne pour favoriser la démocratie et d'autres aspects qui les mettent au niveau des autres ?

L'Union européenne doit avoir des limites donc tous les pays ne peuvent pas entrer. C'est le cas de la Turquie. On doit savoir si c'est un pays européen ou pas européen. Le grand aimant de l'Europe est son niveau de vie, c'est le lieu du monde où il y a le plus de droits et de sécurité sociale. Beaucoup de gens veulent y entrer mais on ne peut les admettre tous. Il faut partager des valeurs démocratiques, sans démocratie les pays ne peuvent pas entrer. Ce sont les principes de Copenhague. Il doit y avoir des élections démocratiques avec la participation des citoyens, des droits de l'homme, une économie de marché, l'état ne peut pas interrompre l'économie. On doit avoir une constitution et être dans la géographie de l'Europe. C'est avec tout ça qu'on pourra demander l'entrée dans l'Union européenne. Dans le Parlement européen on a créé une institution qui évalue la situation. La candidature doit être acceptée par les parlements de tous les pays de l'Union et aussi par le Parlement européen et après on commence les négociations pour s'adapter progressivement à la vie de l'Union.

La Turquie a un morceau européen mais ni les droits des femmes ni les droits dans les prisons ne sont comme les nôtres. Pourtant ils ont une économie de marché mais ils doivent encore faire des changements s'ils veulent être européens.

Quelle est la position de l'Union européenne avec la religion ? Exemple de la Turquie

Le conflit vient de l'origine chrétienne de l'Europe. Les États dans leur constitution sont pour la laïcité. Bien qu'on n'oublie pas nos origines on n'impose aucune religion. Dans la constitution on ne fait aucune mention de quelque religion pour ne pas arriver à des conflits et pour respecter la variété parce qu'elle nous fait plus cosmopolites. Quand un pays qui a une religion différente du christianisme veut entrer dans l'Union, c'est le cas de la Turquie, c'est une grande confrontation. La Turquie est le seul état musulman laïc et ça c'est une bonne chose pour entrer dans l'Union européenne. S'ils satisfont aux valeurs européennes ils pourront entrer donc ils ne diront pas que nous sommes anti islamistes.

Quels sont les aspects profitables de l'Union européenne ? Qu'est-ce qui ne va pas ?

L'incorporation des pays qui étaient derrière le rideau de fer signifie la consolidation de la démocratie. En Espagne, on va soumettre à referendum la Constitution européenne, la plus grande manifestation de la démocratie. Il n'y a pas un état dans tout le monde avec les niveaux démocratiques des européens. On doit obtenir de tous les habitants de la mettre en pratique. Dans l'Union, nous sommes 500 millions d'habitants profitant de tous les avantages de la démocratie. Vraiment, si tout ne marche pas c'est qu'on n'a pas fini de faire tous nos projets. Nous sommes tous unis dans un projet de construction commun mais on doit travailler beaucoup.

Est-ce que la pauvreté du monde pourrait être éliminée? L'Union promeut-elle une politique destinée à éradiquer le problème ?

L'Union européenne est l'organisme qui donne le plus d'argent pour l'élimination de la pauvreté et le développement de quelques territoires. On donne trois fois plus que les États-Unis. Par exemple, dans la catastrophe du tsunami on a donné 1000 millions d' euros, cinq fois plus que les États-Unis. On ne sera pas tranquilles tant qu'il y aura des disparités entre des riches et des pauvres. L'éradication de ce problème c'est la matière en suspens de l'humanité. Le Parlement européen connait la situation et est en train de développer des politiques pour les aider. C'est un problème dont tous les jeunes devraient se préoccuper. Je dois répéter que l'Union européenne travaille pour mettre fin à ce problème et personne n'a une plus grande conscience sociale que les européens.

L'Union européenne pourrait-elle cesser d'être une union de nations pour être une union de peuples semblables aux Communautés Autonomes?

L'Union ne peut pas englober tout, les pays sont trop grands pour résoudre les petits problèmes mais trop petits pour résoudre les grands problèmes. Chaque organisme a ses compétences et limitations de même que ses propres problèmes. La Xunta de Galicia par exemple ne pourrait pas résoudre le problème palestinien. À l'intérieur des 25 états membres il y a, à peu près 20 régions, s'il est déjà difficile de se mettre d'accord avec 25 gouvernements et 25 parlements... Si dans cette union européenne toutes les régions étaient au même niveau que les États il serait très difficile de mener la situation, peu pratique. Ce qu'on fait dans la constitution c'est de dire les compétences de chacun : Union européenne, États et régions. On pourrait dire que de même que la constitution espagnole établit le pouvoir, les compétences dans le gouvernement et délègue dans des statuts des 17 communautés d'autres compétences. La constitution européenne dit quelles sont les compétences de l'Union au-dessus des États : monnaie unique, économie... Là, on dit ce que l'Union fait et ce que font les États membres et il revient à chaque état de dire ce que fait chacune de ses communautés autonomes.

30. Interview Giuliano Amato, sénateur de la République italienne,
Vice-Président de la Convention Européenne
réalisée par les élèves de la classe 4ème
du Liceo Scientifico « E. Amaldi » - Novi Ligure (Italie)

10 mars 2005

La définition que Thucydide donne de la démocratie est citée dans le Préambule de la Constitution européenne comme suit : « ... notre Constitution s'appelle Démocratie parce que le pouvoir n'est pas dans les mains de peu de personnes mais dans celles des plus nombreux ». Selon vous, que pourrions-nous ajouter à cette définition à l'époque actuelle de la globalisation ?

... Afin que, dans le monde d'aujourd'hui, le pouvoir ne soit pas le privilège d'un petit nombre, nous devons élargir la Démocratie au-delà des frontières nationales, desquelles les « plus » mais pas les « peu », sont prisonniers.

De quelle manière et avec quels instruments, le citoyen, les jeunes citoyens en particulier, peuvent-ils être sensibilisés au concept de Démocratie ?

Est-il juste d'affirmer que la Démocratie est une valeur qui s'acquière à partir de la société et de la culture dans lesquelles on vit ?

Et quels sont, à votre avis, les dangers que la Démocratie court dans la société européenne?

A travers l'implication dans des identités et des actions collectives qui les persuadent à ne pas rester enfermés dans la solitude de leur vie individuelle et à se rendre compte que beaucoup d'aspirations qu'ils ont pour leur futur dépendent de leur engagement envers les autres, parce qu'ils ne peuvent pas les réaliser tout seuls, les jeunes, plus encore que les adultes, ressentent le besoin de se rassurer à travers des identités collectives. La chose la plus difficile est, si nécessaire, de donner à ces identités collectives une dimension et une finalité pas seulement privées.

L'école et les stimulations qui leur viennent de l'information sont cruciales. Les amis le sont souvent aussi, comme cela a été le cas pour moi.

En ce qui concerne l'influence de la société et de la culture, cela ne signifie pas que nous, sommes impuissants face aux régimes non démocratiques des autres pays.

Ça signifie, cependant, que nous pouvons et devons promouvoir la démocratie, en aidant et en soutenant ceux qui, dans ces pays, se battent pour la réaliser (les femmes, dans l'application leurs propres droits, sont un levier crucial), non pas que nous pouvons l'exporter.

Il faut souligner que la démocratie européenne n'est pas une démocratie entièrement saine : il y a le virus du populisme, qui tire profit des émotions et qui exaspère les conflits ; il y a le risque qu'à travers les mass medias, la participation politique se transforme en un supporter pour les leaders opposés, il y a une échappée aux devoirs et une course aux droits seulement, il y a trop souvent le Moi et il n'y a pas les Autres. Mais nous discutons de cela et nous cherchons des antidotes.

Et peut-être, à cause de cela, nous sommes mieux placés que les autres.

Étant donné que la Turquie, pour rentrer en Europe, a élargi dans son propre État les espaces de Démocratie, peut-on parler de diffusion de l'idée de Démocratie de la part de l'Europe?

Cela peut-il être une alternative à l'exportation de la Démocratie avec l'utilisation des armes?

C'est comme ça. Le pouvoir d'attraction que l'Europe exerce sur les voisins qui désirent s'unir à nous est un puissant facteur de transformation de ces mêmes pays, un facteur qui démontre que l'Europe n'est pas perçue seulement comme un marché économique commun, mais comme une communauté de valeurs, de droits, de tutelle des minorités. Mais elle a des limites géographiques et nous devons savoir avoir d'autres ressources pour les pays du monde les moins proches.

L'Europe a sûrement permis d'améliorer la cohésion économique et sociale des Pays de l'Union et elle est aussi un instrument de solidarité parmi les États membres.

Ne faudrait-il peut-être pas une plus grande participation et une implication plus forte de la part de chaque pays ? Quels sont, selon vous, les nouveaux défis qui l'attendent au jour d'aujourd'hui ?

Les pays individuels sont impliqués, même trop en ce sens que, souvent, ils décident à la place de l'Europe. Si on se réfère aux opinions publiques nationales, c'est alors indiscutablement vrai. L'Europe aurait besoin d'eux, et pour eux, l'Europe est distante.

Enfin, le défi le plus important qui attend l'Europe est de contribuer à donner au monde la paix qui, outre la cohésion économique et sociale, qu'elle s'est donnée à elle-même, après des siècles, de sanglantes guerres intérieures, devenues mondiales au XX ème siècle. Pour cela, il leur faut être un acteur global dans la lutte contre la pauvreté et dans l'affirmation des droits fondamentaux et de la Démocratie.

L'Europe des citoyens est un concept très récent et pour qu'elle devienne une réalité, il faudrait que les symboles d'identité commune se multiplient. Ces derniers éléments pourraient-ils être favorables à la diffusion de la conscience communautaire afin que les citoyens se sentent directement partie intégrante de l'Union Européenne?

Quelles sont enfin les institutions qui garantissent, de nos jours, l'exercice de la citoyenneté en Europe et comment la Constitution Européenne satisfait-elle les besoins des citoyens selon les limites et les conditions qu'elle a déjà définies ?

Les symboles peuvent servir pour solliciter fierté et identité communes et pour cela la Constitution leur dédie un article approprié, consacré au drapeau, à l'hymne, à la devise, à la Fête annuelle de l'Union Européenne. Mais les symboles seuls, seraient seulement rhétoriques. En ce qui concerne les institutions européennes, je dirais tout d'abord, les institutions judiciaires, à partir de la Cour de Justice Européenne, qui, depuis quarante ans fait valoir et défend les droits des européens. Mais maintenant, avec ce qui s'appelle : «Espace de Liberté, Sécurité et Justice commune», un espace qui devra être construit, la Commission et le Parlement européen pourront faire beaucoup. Pour conclure, la Constitution ne satisfait pas les besoins, elle indique aux institutions les moyens pour le faire.

Et ses indications, avec toutes leurs limites, sont les plus avancées que l'Europe ait jamais eues.

31. Interview de M. Alfredo Antoniozzi, membre (PPE) du Parlement européen
réalisée par des élèves de l'Institut Technique Commercial
« Sandro Pertini » - Rome (Italie)

1 er trimestre 2005

Comment développer une identité européenne en respectant les différences culturelles des pays membres ?

Il serait utile de parler d'abord de l'Europe comme une réalité géographique qui nous est très proche. Chaque pays a sa propre histoire qui a ses racines profondes dans le passé. Il n'est pas facile d'imaginer une homogénéisation des diverses langues et cultures présentes en Europe.

L'Europe naît avant tout pour des raisons économiques et industrielles. La première Communauté européenne la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier), a représenté le dépassement des intérêts nationaux de la France et de l'Allemagne, en conflit depuis des siècles pour l'exploitation des richesses naturelles de l'Alsace et de la Lorraine.

Après la recherche d'une identité commune et la défense des questions c ommerciales devant les deux grands blocs, les États Unis et la Russie, les européens ont relancé l'idée d'une Europe unie. N'oublions pas que l'Union Soviétique a constitué pour quelques décennies un danger pour la démocratie et pour la liberté des pays européens.

Successivement naît l'exigence de se doter d'une politique commune qui conjugue les stratégies commerciales d'un côté et politiques de l'autre. Il ne suffit plus de se préoccuper des frontières, de la libre circulation des biens et des services, de la politique agricole commune, qui ont été les objectifs de la CEE, instituée par le Traité de Rome de 1957. C'est l'Union européenne, instituée par le Traité de Maastricht en 1992, qui pose les bases pour la construction d'un projet politique sur plusieurs piliers.

Mais le processus de construction d'une Europe politique est très long, Il faut surmonter de nombreux obstacles parmi lesquels les langues, les différences culturelles, l'histoire. Parmi les nouveaux états qui ont été intégrés en Europe, 10 s'affranchissent de l'influence de la Russie ; ils ont subi pendant 60 ans un régime militaire communiste et ils ont demandé l'adhésion à l'Europe de laquelle il se sentent plus proches géographiquement et culturellement : il suffit de penser à la Pologne catholique, ou à la Hongrie centre de l'empire austro-hongrois.

Où en sommes-nous actuellement? Il y a une forte volonté aujourd'hui de faire de l'Union européenne une union politique qui dépasse toutes diversités. L'Europe commerciale a été créée : aux jeunes la responsabilité d'une Europe sans barrières culturelles avec une forte identité dans le respect de toutes les cultures.

Sur quels principes se fonde la Constitution Européenne ?

Sur la nécessité d'avoir une constitution commune basée sur les valeurs de la démocratie, de la paix, de la liberté tout en respectant l'histoire et les traditions de chaque pays membre.

La constitution est une tentative visant à rassembler les éléments qui nous unissent et à mettre en arrière plan les choses qui nous séparent.

Par exemple l'accent est mis sur la Charte des droits de la femme qui n'a pas eu le développement social qui lui était dû. La Constitution est la carte d'identité de l'Europe, nécessaire pour développer une politique qui dépasse les nationalismes et qui soit l'expression d'une volonté populaire. En Espagne elle a été récemment approuvée. En Italie elle le sera bientôt. La Constitution est le dénominateur commun des pays membres.

Comment développer la démocratie en Europe?

La démocratie est la grande valeur fondamentale.

L'Europe ne peut reconnaître aucune organisation sociale qui ne soit pas démocratique, contraire au totalitarisme, aux discriminations sociales, à toute violation des droits de l'homme. La démocratie est le premier élément d'unification et d'intégration des peuples. Les pays qui sont intégrés à l'Europe doivent reconnaître et accepter les valeurs sur lesquelles se fonde l'Europe et devront démontrer vouloir faire des efforts pour s'insérer dans ce processus de démocratisation interne.

Au niveau stratégique et économique qu'est-ce que l'adhésion de la Turquie signifie pour l'Europe?

La Turquie n'a malheureusement pas la pratique de la démocratie et du respect des droits de l'homme. La violence physique et mentale, l'ostracisme, le manque de liberté ne sont pas les caractéristiques de la communauté européenne. Les conditions de vie des prisonniers, la torture, les conflits ethniques, encore présents dans ce pays, ne sont pas des éléments favorables à son intégration. Cependant il y a eu dans son histoire une certaine ouverture au dialogue avec la culture européenne : faire partie du bloc atlantique et de l'Otan lui confère courage et fiabilité. Bien qu'elle soit proche de la Russie, elle a démontré la volonté de se détacher de son orbite. Ces considérations favorisent l'accueil de la Turquie au sein de l'Europe.

D'un point de vue stratégique, La Turquie est un pays islamique modéré, avec lequel on peut mettre en marche un processus de collaboration. Ouvrir des négociations signifie donner la possibilité d'ouvrir un parcours de démocratisation et empêcher que 80 millions de personnes glissent vers une alliance avec les pays islamiques comme l'Irak et l'Iran.

Chypre, Malte sont désormais en Europe. L'intégration de la Turquie est aussi un projet politique qui va durer 12 ans pendant lesquels on ouvrira un dialogue culturel, social et politique plus intense, nécessaire à sa transformation.

A un niveau économique son intégration pourrait altérer les rapports économiques entre les états membres. Actuellement les aires à développer sont certaines régions de l'Espagne, les régions du sud de l'Italie, mais ces régions pourraient être considérées comme avancées par rapport aux zones défavorisées et moins développées de la Turquie.

C'est un grand défi pour un grand projet politique ! Il serait réducteur de considérer seulement les aspects économiques. Il faut créer une Europe plus forte même au détriment de quelques intérêts économiques. Cela explique l'intégration de la Pologne, un pays pauvre mais qui va nous rapporter une certaine richesse sociale et politique.

Le président des États-Unis, Bush, lui-même a constaté que l'Europe a un poids politique. 500 millions de personnes ne raisonnent pas seulement en termes économiques mais aussi en termes politiques. Pour aller au Vietnam les États-Unis, eux-mêmes, sont sortis de la logique de l'intérêt pour celle de l'élargissement et du poids politique.

Une autre réalité à considérer est la Chine, où le bas coût de la main d'oeuvre serait impossible sans la violation des droits des travailleurs et sans le grand nombre d'heures de travail que les chinois sont obligés de faire.

Une Europe politique forte aura beaucoup plus de pouvoir économique.

Le vrai projet, donc, est de nature politique. Voilà pourquoi il faut s'élargir et diffuser la culture européenne et la démocratie.

32. Interview de M. Franco Asciutti, sénateur (Forza italia) de la République italienne,
réalisée par les élèves du Lycée Jocopone - Todi (Italie)

1 er trimestre 2005

Au cours des premières années du XIX ème siècle, Dewey écrivit que la démocratie n'est pas une fin mais un moyen grâce auquel les gens découvrent, développent et manifestent leur propre nature et leurs propres droits. La démocratie est fondée sur la liberté, la solidarité, le libre choix du travail et la capacité de participer à l'organisation sociale. Lesquels, parmi ces éléments constitutifs et fondamentaux du système démocratique, sont, à votre avis, négligés par la société d'aujourd'hui (ou par la politique d'aujourd'hui) ?

L'affirmation de Dewey, selon laquelle la démocratie n'est pas une fin mais un moyen, est valable dans la mesure où le système politique d'un état qui se déclare démocratique se fonde sur un système de règles dont le respect est un principe absolu auquel on ne peut déroger. Et ceci parce que ces règles servent non seulement à sauvegarder les droits de chaque citoyen, mais elles représentent elles-mêmes les éléments constitutifs du système démocratique, des libertés de choix et de participation de la part des citoyens à l'organisation et au développement social de la communauté à laquelle il appartient. Je pense que ces principes et ces règles, parce qu'ils sont absolus justement, finissent quelquefois par être inadéquats par rapport à l'évolution des événements et à la réalité qui se transforme sans cesse.

En politique par exemple, l'équilibre qui règle le principe de la majorité apparaît très délicat. C'est-à-dire qu'une application mécanique de ce principe pourrait - si nous voulons employer un oxymoron - empiéter sur une sorte de «dictature démocratique». Chose qui, en ces termes, serait une contradiction.

Ceci me conduit à penser qu'une application purement mécanique du principe de majorité peut finir par rendre vain et léser le principe du respect des minorités : minorités linguistiques, culturelles, politiques, religieuses, etc., en réduisant de cette façon les possibilités d'action et d'expression qu'une démocratie qui fonctionne se doit de garantir.

Il est donc indispensable pour la politique de ne pas négliger d'autres principes importants qui font partie de la démocratie comme le principe de solidarité, d'aide sociale, de respect de la personne. En ce qui concerne le libre choix du travail je ne pense pas qu'il faille accuser la politique de négligence ou de responsabilités en ce sens qu'elle ne peut et ne doit s'occuper qu'à créer de l'emploi et de nouveaux postes de travail à une époque où il est déjà très difficile de trouver du travail à cause de l'innovation technologique incessante, de la mécanisation et de la mondialisation. Malheureusement, ce qui contribue à dicter les lois de la croissance et du choix de l'emploi ne sont ni la solidarité ni l'aide sociale mais la forte présence des multinationales et de la mondialisation économique des marchés à laquelle, pour le moment, le pouvoir politique même est contraint parfois à s'adapter.

La « pax Augusta » était fondée sur le contrôle des dissidences au sein de la patrie et sur l'écrasement de l'ennemi à l'extérieur. Pensez-vous que la politique extérieure mise en oeuvre par les États-Unis en Irak dans le but d'apporter la paix soit très différente ? Peut-on justifier le recours à la guerre pour apporter la démocratie dans un pays ?

Il ne me semble pas que la « Pax Augusta » ait été essentiellement fondée « sur le contrôle des dissidences intérieures et sur l'écrasement de l'ennemi à l'extérieur ». Il me semble plutôt que les causes fondamentales d'une longue période de paix après de nombreuses décennies dominées par les guerres civiles et les luttes intérieures, naissent de la prise de conscience d'un Empire qui est désormais virtuellement universel, et par conséquent de son renoncement à toute volonté d'expansion limitant ses actions militaires au seul renforcement de son territoire.

Je dirais donc que la comparaison avec la politique actuelle des États-Unis n'est pas envisageable, ou du moins qu'elle est singulière, anormale.

En ce qui concerne la question « d'ordre général » : si l'on peut « justifier le recours à la guerre pour apporter la démocratie dans un pays » il est nécessaire de se mettre d'accord clairement pour ne pas risquer de tomber dans la différenciation banale entre pacifistes et bellicistes ou dans des exagérations rhétoriques et démagogiques. Je pense qu'il n'existe aucun homme politique, aucun citoyen ou être humain au monde qui aime la guerre en tant que telle. La guerre, en tant que valeur en soi, est un mal absolu. Mais je suis convaincu que le recours à la guerre en Irak de la part des États-Unis, s'il n'a pas été provoqué par des prémisses justes ou justifiables, peut toutefois s'expliquer, d'un point de vue émotionnel, par le sentiment de la légitime défense. Ce conflit, à mon avis, est la conséquence de la forte émotion suscitée par l'attaque terrifiante (les Twin Towers) laquelle fut suivie d'un incendie épouvantable où plus de trois mille victimes périrent en un instant.

Avoir la conviction, ensuite, que le terrorisme provienne de l'Irak ou penser qu'il ne provienne que de Ben Laden est matière qui peut être sujet de discussion et d'opinions divergentes.

On ne peut toutefois s'empêcher de penser que, s'il est vrai que le régime irakien de Saddam Hussein - comme le régime serbe de Milosevic - a largement effectué le «nettoyage ethnique», l'extermination en masse et fait usage des fosses communes, il nous est difficile de comprendre pourquoi quand on intervient au Kosovo on parle d'«intervention humanitaire» alors que quand on intervient en Irak il faut parler d'«agression» et d'«impérialisme américain».

De toutes façons, je suis convaincu que le pouvoir politique doit investir toutes ses forces pour éviter la guerre et qu'il ne devra jamais renoncer à la confrontation démocratique pour résoudre les conflits internationaux.

Une grande révolution démocratique est en train de se réaliser parmi nous, tout le monde la voit mais tout le monde ne la juge pas de la même façon. Certains la jugent comme quelque chose de nouveau et, pensant qu'il s'agit d'un accident, ils espèrent encore pouvoir l'arrêter ; d'autres, au contraire, estiment qu'elle est irrésistible, parce qu'elle leur paraît être le fait le plus continu, le plus ancien et le plus permanent qu'on connaisse dans l'histoire ». Charles Alexis de Tocqueville, « De la démocratie en Amérique » . C'est ce qu'écrivait Tocqueville, vers 1850, dans ce traité qui a été fondamental pour la démocratie moderne. A votre avis, existe-t-il aujourd'hui encore ceux qui espèrent arrêter le processus «le plus continu, le plus ancien et le plus permanent qu'on connaisse dans l'histoire», et si oui, qui sont-ils ?

Je crois que Tocqueville a raison. Le processus de la démocratie ne peut être arrêté, à condition qu'il ne se configure que comme une méthode et jamais comme un système parfaitement accompli.

Karl Popper, un des philosophes les plus libéraux, au vrai sens du terme, de notre temps, en accord avec Tocqueville, affirme dans « La société ouverte et ses ennemis » que « la démocratie fonctionnera bien dans une société qui respecte la liberté et la tolérance ». La tolérance des minorités linguistiques, religieuses, culturelles, mais aussi des droits individuels de la personne, représente le principe méthodologique qui permet la correcte réalisation de la démocratie. Malheureusement, au cours de l'histoire, au sein même de l'histoire de l'Europe, les forces qui se sont opposées à la démocratie n'ont pas manqué. Ces forces représentées par des régimes totalitaires ont eu des effets catastrophiques pour notre civilisation.

Le nazisme et le fascisme, les systèmes du socialisme réel et du communisme se sont écroulés parce qu'étant structurés comme système fermé de société, ils ont fini par trahir les aspirations individuelles des hommes et donc leur liberté.

Mais le danger demeure si la société s'oriente aujourd'hui, en Orient, vers des formes de fondamentalisme et d'intégrisme religieux et en Occident vers des formes de capitalisme sauvage, qui prétend planifier la société dans une seule direction -la direction économico-financière- pour la contrôler ensuite sous tous ses aspects à travers la mondialisation de la production.

Au contraire, adopter la démocratie comme méthode et comme système qui peut être sans cesse amélioré, signifie être persuadés que le développement de l'histoire et de la société n'est pas guidé par des lois inexorables ni même garanti par une formule qui règle les événements des hommes et à laquelle il est inutile de s'opposer, mais plutôt par le choix d'une démarche politique qui répond au présent de l'histoire, à une société qui évolue et se transforme continuellement.

De quelle façon et en quelle mesure les intellectuels et la diversité des intérêts de la culture européenne peuvent-ils favoriser la démocratie et la mise en acte des libertés fondamentales ?

Je pense que le rôle des intellectuels au sein d'un système démocratique est d'éclairer et d'expliquer les principaux problèmes de la politique, de débattre les grands sujets de la paix, de la justice sociale, de la liberté, de l'indépendance des peuples, et des droits fondamentaux de la personne.

Je crois également que c'est le devoir de l'intellectuel d'en dénoncer les dangers à travers la presse, les médias, les moyens de communication si la menace de ces droits plane sur la démocratie.

Je considère au contraire que la fonction de « l'intellectuel organique », enrôlé dans l'idéologie dans le but d'orienter la recherche scientifique, sociale, culturelle vers des fins qui tendent à justifier l'idéologie même et donc une ligne politique, est fallacieuse.

Je ne veux pas dire par là que l'intellectuel aligné ne se comporte pas de façon démocratique, puisque, si la démocratie signifie éduquer dans la liberté, on ne peut ôter la parole à ceux qui ne partagent pas nos opinions, ni même à ceux qui nient la liberté. Carlo Cattanco, un grand libéral du « Risorgimento » soutenait que « la liberté est l'essence de la raison ». D'où le rôle de l'intellectuel : témoigner à travers son oeuvre, à travers ses écrits de la démocratie et exercer, au cours de sa vie la liberté comme une vraie force, la seule force qui puisse vaincre la violence sans devenir violente.

Noam Chomsky, un politologue qui analyse avec une implacable lucidité le système démocratique américain, affirme qu'une société est démocratique si ses citoyens ont des opportunités significatives de prendre part à la construction de la vie politique. Il existe différentes façons de le faire, mais ce n'est qu'à partir du moment où cela arrive qu'une société peut être définie démocratique. « Noam Chomsky, le coup d'état silencieux, Secrets, mensonges, crimes et démocratie » par David Barsamian. Pourriez-vous nous indiquer les façons de participer à la construction de la vie politique pour un jeune de notre âge ?

D'après ce que j'ai pu constater, je pense que les jeunes aujourd'hui affrontent la politique dans un contexte relativement nouveau et différent par rapport à celui des générations de leurs parents. C'est-à-dire qu'ils abordent la politique davantage comme sujet d'intérêt social et d'approfondissement culturel que comme champ de participation active. Je pense évidemment que, tout comme la démocratie, la politique ne doit pas être le privilège de quelques-uns mais le patrimoine de tous. Je pense que pour que les jeunes s'intéressent à la politique il faut promouvoir davantage l'inclusion de nouveaux projets qui puissent encourager et favoriser l'implication sociale, qui facilitent à travers la naissance d'associations de jeunes -organisées d'un point de vue culturel et social- la participation des jeunes au processus de croissance démocratique à un niveau local, régional et national.

Je suis en outre convaincu que le rapport entre les jeunes et la politique ne doit pas être à sens unique, c'est-à-dire que la poussée ne doit pas venir des jeunes seulement mais d'abord et surtout de la classe politique.

Quant aux motifs du détachement des jeunes de la politique, je pense qu'il est dû à une croissante « érosion » -aussi bien au niveau européen qu'international- envers ceux qui gouvernent, mais aussi au lent déclin des rapports avec les partis, à cause peut-être du dépassement des idéologies et de la fin de la guerre froide.

Je me souviens de l'enthousiasme des jeunes des années soixante et soixante-dix qui s'étaient engagés dans le but de transformer la société et d'obtenir la sécurité aussi bien du point de vue social qu'économique.

A partir des années quatre-vingt au contraire, les intérêts des jeunes se sont manifestés à travers de nouvelles formes de participation qui tendaient à des thèmes plus circonscrits et à brève échéance.

Je pense que pour tâcher de récupérer en grande partie l'approbation perdue des jeunes, les partis et les institutions doivent considérer comme une ressource précieuse leur engagement civil et social, quel qu'il soit, en les aidant à grandir, en leur fournissant des espaces, des structures et en acceptant leurs idées même quand ils ont une attitude critique envers la démarche institutionnelle.

Le rôle et l'engagement des jeunes se sont aujourd'hui libérés de la tutelle des partis. Ceci est une bonne chose. Mais il est plus que jamais nécessaire d'instaurer un dialogue entre eux et les institutions.

33. Interview de M. Giovanni Battafarano,
sénateur (Démocratie de gauche - L'Olivier) de la République italienne
réalisée par les élèves du Lycée Aristosseno - Taranto (Italie)

1 er trimestre 2005

La démocratie doit être défendue et développée progressivement. Par exemple, dans tous les pays européens et non européens, l'exercice du droit de vote est un premier pas vers la démocratie. Il existe des pays où les femmes ne votent pas, mais il existe aussi des pays où le droit de vote est reconnu aux travailleurs immigrés résidents. Le droit de vote s'exerce dans les élections politiques, administratives et régionales, mais il s'exerce aussi dans les sociétés pour élire les représentants syndicaux du personnel. Tout cela est l'expression de la démocratie comme l'est aussi la défense des libertés civiles, de la presse, de l'opinion. La démocratie s'exerce à travers un processus continuel non seulement à l'intérieur d'un pays, mais aussi au niveau d'un continent comme l'Europe.

Comment défend-on et renforce-t-on la démocratie ?

On défend la démocratie quand il y a un attentat aux libertés civiles. On la défend aussi en garantissant la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. De la sorte, on évite l'ingérence d'un pouvoir envers l'autre. L'opinion publique attentive est aussi très importante. Elle ne doit pas s'intéresser seulement au bien-être matériel. En résumé, la démocratie est un bien acquis qu'il faut toujours défendre car une régression est toujours possible.

Quel est l'état de la démocratie en Italie en ce moment ?

En ce moment, en Italie, il n'existe pas de menace à la démocratie. Toutefois, je remarque une volonté d'ingérence dans le pouvoir judiciaire. Par exemple, ces jours-ci la Ligue du Nord a manifesté contre un magistrat qui a ouvert une enquête sur quelques membres de ce parti.

L'élargissement de l'Union européenne est-il un facteur d'affaiblissement ?

D'un côté, il est vrai que l'on a tendance à inclure les pays qui géographiquement font partie de l'Europe, de l'autre il est vrai aussi que l'élargissement pourrait affaiblir la capacité décisionnelle de l'Union. Une extension pondérée serait préférable.

Les élèves affirment que la Turquie pour entrer en Europe doit assurer le plein respect des libertés civiles, des droits de l'Homme en abolissant la peine de mort. Le fait que la Turquie soit un pays musulman n'est pas un problème pour faire partie de l'Union européenne composée de pays à majorité chrétienne.

Quel est le facteur de progrès de l'Union européenne ?

Le progrès existe, même s'il n'est pas continu. Si on pense à la monnaie unique par exemple, elle a permis de rapprocher les économies des différentes nations. Mais on doit aussi penser aux positions différentes prises par les pays européens face à la guerre en Irak. Le progrès devrait assurer la cohérence et l'unicité d'un point de vue.

La constitution d'une armée européenne représente-t-elle un danger pour la démocratie ?

L'existence d'une armée européenne n'est pas une menace pour la démocratie quand elle est utilisée dans des buts humanitaires. On pourrait éviter de cette façon l'intervention des forces américaines et elle serait utile en Europe pour affronter une crise comme celle des Balkans, mais aussi dans les pays africains où il existe de nombreux conflits ethniques.

34. Interview de Mme Mercedes Bresso,
Présidente de la région Piémont (Coalition de centre gauche),
membre du Parlement européen (jusqu'au 24 mai 2005)
réalisée par les élèves de Liceo Blaise Pascal - Chieri (Italie)

1 er trimestre 2005

Quel futur voyez-vous pour une démocratie qui est en train de se dévaluer dans ses contenus et qui est de moins en moins représentative ? Un élargissement de cette dernière et l'institution de la démocratie directe sont-ils possibles ?

A vrai dire je ne sais pas si l'on peut dire que la démocratie est en train de se dévaluer, nous pouvons peut-être dire que la démocratie, en s'élargissant à différents centres sociaux et à ces pays qui, jusqu'à maintenant ont seulement connu des gouvernements autoritaires, se modifie et s'adapte aux différents contextes, mais elle n'est pas en train de se dévaluer de ses contenus. Certes cela signifie aussi devoir changer les règles de la démocratie pour les adapter à des pays qui ont des traditions culturelles et politiques complètement différentes de celles occidentales, mais on ne peut pas dire qu'elle soit toujours moins représentative.

Même dans le respect des règles de la représentation, il y a des intentions nouvelles et certaines sont aussi positives, telle l'expérience de démocratie participative, d'autres au contraire tendent à l'exploitation des moyens de communication de masse pour supplanter les principes de représentation, car ces instruments permettent de percevoir le consensus à travers des sondages qui n'ont pas toujours de caractère scientifique.

Quelle est votre opinion sur les mouvements de démocratie participative ? Des expériences comme celles de Porto Alegre sont-elles généralisables dans les pays de l'Union Européenne ?

Je pense qu'il y a plus de disponibilités d'information, même si souvent elle est déformée ou mal interprétée mais aussi les exigences des citoyens changent. Il est possible, aujourd'hui suivre en direct le procès décisionnel et cela produit un nouveau type de participation de la part des citoyens.

La démocratie participative, sur le modèle de Porto Alegre, est très intéressante, surtout dans un pays moins développé où les choix politiques sont plus importants parce qu'il manque beaucoup de services. C'est un instrument qui naît pour combler l'écart dû au fait que les citoyens connaissent, par les médias, l'état du débat, mais ils ne peuvent pas participer aux décisions. Elle permet, donc, de surmonter un peu cette sensation d'affaiblissement de la démocratie représentative, parce que tous les sujets du débat sont toujours à l'ordre du jour des représentants mais aussi des représentés.

Les nouvelles technologies informatiques peuvent-elle représenter une aide pour la défense et le développement de la démocratie ?

Probablement oui. Nous assistons toujours plus à la naissance de débats et de sondages sur Internet, en ce qui concerne les thèmes de notre société, qui certainement sont un élément de démocratie participative, parce qu'ils font participer les citoyens au moins dans le procès d'expression des opinions, mais ils gravent aussi sur le procès décisionnel, parce qu'ils poussent la classe dirigeante politique à accepter, ou au moins à tenir compte, de l'opinion des citoyens. D'autre part, je ne sais pas si on peut imaginer un procès structuré de démocratie directe (comme par exemple voter les lois sur Internet) remplaçant les instruments traditionnels de la démocratie représentative. À ce sujet, j'ai quelques perplexités, parce qu'il manquerait le peu de méditation et de professionnalisme nécessaires.

En outre, dans une démocratie participative, on perdrait tout à fait l'exigence de médiatiser les différentes exigences et de satisfaire les intérêts collectifs.

Cela deviendrait une espèce de guerre où gagne toujours la majorités sans tenir compte des minorités, surtout des minorités qui n'ont pas la possibilité de s'exprimer en ce moment-là à cause de différents motifs.

Quels défis, les différents systèmes démocratiques des pays européens présentent à l'Union européenne ? A l'avenir, on pourra parler d'un système démocratique européen ?

L'Union Européenne s'est élargie dans ces années avec l'intention d'élargir pas seulement les frontières et les marchés, mais aussi les institutions démocratiques, surtout en faisant participer les pays de l'Est européen comme dans cette dernière phase. On a essayé de stimuler les institutions de ces pays à marcher plus rapidement sur le parcours de la démocratie, en adaptant les institutions nationales et locales, la législation et les habitudes aux règles de la démocratie, pas seulement formelle, mais aussi substantielle.

L'Union Européenne a beaucoup travaillé sur la démocratie substantielle, c'est-à-dire sur les droits, sur les mêmes opportunités et sur la suppression de toute forme de discrimination.

Tous ces principes ont été dans un certain sens imposés à ces pays, mais ils ont permis de les intégrer dans un procès d'élargissement vers de nouveaux espaces de démocratie, même si cela comporte beaucoup de problèmes. Pensons, par exemple, à l'intégration de la Turquie, qui porte avec elle, un rapport différent entre société et religion et pose beaucoup de limites à l'affirmation des droits.

Quelles garanties existe-t-il pour les droits fondamentaux dans une Europe qui est en train de prendre toujours plus le signalement d'un village global et où la nationalité et la citoyenneté ne peuvent plus être l'unique source de droit ?

On doit, d'abord, dire que dans la discussion sur les droits humains à l'intérieur de l'Union européenne, on ne parle plus de « droits des citoyens » parce que l'Union Européenne veut être un continent inclusif et il veut, donc, garantir les droits à tous ceux qui vivent sur le territoire européen (immigrés, étudiants, réfugiés...).

Par conséquent, la première considération qu'il faut faire est celle-ci : la Charte des droits fondamentaux fait abstraction de la citoyenneté de la nationalité ; au moins pour ces droits qui sont de compétence de l'Union Européenne. Il existe, en effet, une forte limite, parce que la Charte des droits s'applique seulement pour les matières de compétence de l'Union, tandis que pour ce qui est de la compétence de chaque État, sont encore en vigueur les Constitutions nationales. Le prochain pas qu'il faut faire concerne l'extension à tous les pays membres des règles de l'Union en matière de nationalité.

Quels instruments scolaires et extrascolaires, conseillez vous pour éduquer ou respect des valeurs de la démocratie ?

Pour ce qui concerne les instruments scolaires, ceux plus traditionnels sont le Parlement des jeunes ou la Convention européenne des jeunes, c'est-à-dire des moments qui demandent de l'approfondissement et une analyse des Chartes Constitutionnelles et législatives et qui obligent les jeunes à se confronter sur le procès décisionnel. Ceux-ci sont les instruments les plus intéressants et les plus actifs qui demandent de l'étude, mais aussi une dynamique de groupe.

Il existe beaucoup d'instruments extrascolaires, mis je crois qu'il est indispensable surtout de voyager et de connaître les autres réalités et les autres systèmes institutionnels, pour apprécier, au-delà de la ressemblance apparente, ces diversités pas toujours évidentes. Il est indispensable de voyager pour changer sa propre perception de la réalité et pour faire l'expérience de la grande force de la démocratie. Je crois qu'il n'y a pas de substitut à l'expérience.

35. Interview de M. Pier Ferdinando Casini, Président de la Chambre des Députés
réalisée par les élèves du Lycée Galvani - Bologne (Italie)

1er trimestre 2005

Le débat au Parlement est le moment par excellence dans lequel se réalise l'esprit démocratique. Comment un tel débat peut se dérouler de façon efficace et constructive ?

La démocratie italienne est une démocratie parlementaire dont le coeur est le Parlement, dans lequel se rassemble la représentation populaire dans les deux chambres : la Chambre des Députés et le Sénat. Certainement le mécanisme du débat dans ces derniers cinquante ans a présenté différentes limites, et pour cette raison on devrait examiner certains aspects qui concernent ce débat ; on ne peut pas ignorer, en effet, que d'abord avec les institutions des régions et, aujourd'hui, avec le fédéralisme, le problème de l'équilibre institutionnel entre les régions et le Parlement, qui est d'ailleurs le thème du débat actuel, devient de plus en plus important. Par expérience, je crois que quelques procès de simplification seraient opportuns. En effet, l'opinion publique ne se rend pas compte que le travail le plus absorbant et le plus important se déroule au dehors de la salle des séances, dans les commissions, où les dispositions législatives sont examinées de façon plus technique. En suite, ces dispositions sont reprises en Parlement, et donc elles doivent parcourir un iter plutôt compliqué.

Mais un autre problème que vous posez dans cette question est aussi celui du rapport entre le Parlement et la société. Ce dernier certainement doit prendre la décision finale, mais il doit tenir compte de ce qui provient de la société. Quand j'étais dans le monde de la politique, les partis étaient plus forts et ils représentaient en quelque sorte les filtres entre la société, dont la participation était plus importante, et le Parlement ; aujourd'hui, je pense que ce lien est moins fort parce qu'on a tendance plutôt à remettre les décisions politiques à des structures spécifiques et à des spécialistes. Mais une disposition ou une loi devrait être toujours la réponse efficace aux attentes de la société et donc le lien avec cette dernière est extrêmement important.

Comment le citoyen est-il appelé à participer à la démocratie et comment se réalise concrètement cette participation ?

Une démocratie sans partis perd son essence. En effet, ils sont les filtres à travers lesquels la participation se réalise. Il faut analyser la condition des partis aujourd'hui: autrefois ils étaient très liés à la société, ils étaient peut être plus idéologiques mais certainement meilleurs que l'excessif pragmatisme actuel qui ne suscite ni des enthousiasmes ni des passions. Le parti doit être soutenu par une idéologie politique, mais malheureusement aujourd'hui il n'y a pas une condition sociale qui puisse favoriser l'intérêt pour la politique, vu qu'elle ne sait plus respecter l'opinion de ses adversaires.

Dans des sociétés multiculturelles et toujours plus touchées par le phénomène de l'immigration, comment le concept de citoyenneté a changé-t-il et/ou comment devrait-il changer ?

Chaque période historique a ses problèmes : aujourd'hui, la question des sociétés multiculturelles est certainement une des grandes problématiques de ce nouveau siècle et je crois que notre société est destinée à des grands et profonds changements dans le développement de ces processus qui sont en train de se réaliser. Si on fait référence à l'Europe, on enregistre des taux de natalité très bas et du point de vue des nécessités du marché du travail, les Européens ont besoin d'importer de la main d'oeuvre. Les puissants moyens de communication permettent de connaître des réalités arriérées qu'on ne peut pas ignorer, aussi dans l'intérêt même des pays les plus riches. Les sociétés sous-développées du tiers-monde font une grande pression sur les sociétés occidentales : le problème qui naît donc du point de vue politique est celui de la réponse que ces pays plus riches et évolués sont capables de donner à cette requête.

La rencontre entre les différentes cultures devrait être alimentée par le besoin d'affirmer des valeurs de solidarité, peu prises en considération dans les sociétés actuelles, où, au contraire, les égoïsmes (nationaux et politiques aussi) l'emportent. Toutefois, c'est à travers la solidarité qu'on doit agir dans les pays les plus nécessiteux, parce que c'est là-bas que va se jouer le futur de l'humanité. Il faut savoir organiser une réponse même face au phénomène de l'immigration qui caractérise notre pays ; une réponse qui se fonde sur des valeurs comme le respect et la compréhension de la diversité que ces mondes représentent. Ceux qui arrivent en Italie ont laissé des réalités économiquement et socialement en crise et pour cette raison, il faut leur offrir un aide immédiate; mais pour résoudre vraiment les problèmes et construire un rapport de parité, l'aide doit être donnée directement à leur pays d'origine.

L'évolution du concept de citoyenneté est profondément liée à ce processus d'intégration et d'aide réciproque et il est évident que cette parité peut être obtenue aussi grâce à la participation des étrangers aux élections italiennes. De cette façon, on cesserait de considérer seulement le pire aspect de l'immigration, la criminalité ; phénomène qui, d'autre part, est typique de tous les flux migratoires, même du passé (le développement de la mafia italienne en Amérique).

Quels sont les problèmes et les difficultés principales que l'adaptation à la Constitution européenne implique pour les pays de l'Union et pour l'Italie en particulier ?

L'idée d'Europe naît pour s'opposer à la guerre. Ce sont surtout les hommes qui ont vécu le plus directement les deux conflits mondiaux (par exemple de Gasperi) qui veulent en éloigner le souvenir. Une fois affirmée, cette volonté aura beaucoup de conséquences culturelles, sociales et économiques, en premier lieu la conscience qu'il s'agira d'une évolution longue et difficile. Ce n'est pas simple d'établir des règles économiques communes pour tout le monde : l'introduction de la monnaie unique a rendu impossibles même des manoeuvres internes aux pays comme par exemple la dévaluation de la Lire. En Italie, on a le gros problème de la différence entre Nord et Sud, tandis que dans les autres pays, l'idée de donner ses propres pouvoirs à quelqu'un d'autre rend difficile l'acceptation de la Constitution européenne, même au citoyen moyen. Il faut dire de toute façon que pour jouir ensuite des avantages apportés par le nivellement des déséquilibres entre différentes nations, maintenant c'est la partie la plus riche du continent qui doit payer pour la plus pauvre.

De nos jours, la guerre semble être devenue un moyen pour diffuser la démocratie. Croyez-vous que ce moyen puisse s'avérer efficace ?

La guerre est une blessure de la démocratie. En Italie, nous avons une Constitution qui exclut la guerre ; un conflit est prévu et considéré licite seulement en cas d'agression extérieure. La guerre est violence et l'utilisation de la violence contraste avec le principe de la démocratie ; les processus de développement démocratique traversent des phases différentes, mais il est impensable que la guerre puisse représenter une de ces phases. Le consensus se construit à travers la communication, la voie diplomatique : la route qu'on devrait continuer à suivre est celle-ci, mais malheureusement l'histoire du présent et du passé sont plus riches de conflits que de mots.

36. Interview de M. Giusto Catania,
membre (Gauche unitaire européenne) du Parlement européen,
réalisée par les élèves du Lycée Maria Adelaïde - Palerme (Italie)

1 er trimestre 2005

La superposition progressive des pouvoirs : exécutif, économique, et médiatique risque d'altérer -si elle n'est pas réglementée-, les principes d'égalité des citoyens et même le droit de vote qui représentent les bases fondamentales de la démocratie. Quelles initiatives peuvent être prises à ce propos et à quel niveau ? Connaissez-vous des mesures efficaces adoptées dans les autres pays européens ?

Je partage votre analyse : il est vrai que nous sommes dans une phase de crise de la démocratie, à partir du moment où son principe cardinal, ce que Montesquieu définissait comme «la séparation des pouvoirs», est en train de disparaître. La séparation du pouvoir parlementaire, législatif, exécutif et judiciaire est très importante pour l'essence même de la démocratie. En Italie, mais pas seulement, il y a une tentative d'homogénéisation des pouvoirs pour les assujettir tous à une seule entité. En outre il y a aussi la superposition d'un « nouveau » pouvoir, celui des médias qui détermine de plus en plus des formes de démocratie que je définirais « autoritaires », ce n'est pas un autoritarisme mais une démocratie qui se manifeste sous forme autoritaire. C'est un problème préoccupant en Italie et dans d'autres pays d'Europe. Je vous donne un exemple : il y a un spot publicitaire d'une télévision privée suédoise qui ironise sur la « liberté » de la télévision italienne, fortement contrôlée par le Président du Conseil, et en disant a contrario : « nous, nous ne sommes pas comme ça ». Dans d'autres pays nous devenons la référence de ce que ne devrait pas être la démocratie lorsque le pouvoir de la communication en vient à se substituer aux formes normales de représentation de la démocratie. Que peut-on faire ? Quelqu'un comme Berlusconi aux États-Unis, dans ce pays libéral des États-Unis d'Amérique, ne pourrait même pas se présenter, parce que, dans une « démocratie libérale , celui qui a le pouvoir communicatif et le pouvoir économique ne peut pas être candidat. Ce principe est valable aux États-Unis et dans la plupart des pays européens. Je pense que ce principe doit être adopté aussi en Italie, alors qu'aujourd'hui, au contraire, nous avons une loi qui contourne la question mais qui, en réalité, ne s'occupe pas de la question centrale de la propriété des moyens de communication. Au Parlement européen cela est en discussion dans ma commission et la Commission européenne a rédigé un décret qui va en direction de la sauvegarde de la démocratie et de la séparation du pouvoir politique des organismes d'information. De toute évidence, cette directive n'est pas comminatoire dans les pays de l'Union et l'Italie la détourne toujours. Je crois qu'il est important au contraire, d'exercer une forte pression, pour que l'opinion publique se rende compte de cette anomalie italienne et qu'elle essaie d'uniformiser cet élément de démocratie avec les autres pays européens. Pour l'instant, l'Europe n'a pas le pouvoir d'imposer cette directive aux États, mais l'attention d'une partie de l'opinion publique peut faire changer d'avis même par rapport à la législation italienne.

Sauvegarder la démocratie implique l'attention et le soin constant de toutes les citoyennes et de tous les citoyens, mais actuellement il semble que la pratique de la démocratie se réduise au simple fait de voter. Ne pensez-vous pas que dans de telles conditions la démocratie ne soit en péril ? Quels instruments peut-on prévoir pour réaliser une participation active à la vie politique, sociale et culturelle ?

Sur cela aussi je suis d'accord, dans la mesure où on pense que la démocratie ne serait exclusivement liée qu'à l'exercice du vote. Un peu comme si la démocratie se terminait à partir du moment où on s'est présenté aux urnes pour voter. Au contraire, le processus démocratique est un processus long et accompli. Il y a un exemple qui, selon moi, nous devrions chercher à importer : celui du Brésil. Le Brésil a une administration locale, celle de « Porto Alegre », où nous trouvons une organisation communément appelée « démocratie participative ». En respectant une échéance qui varie selon l'importance des questions à discuter, une assemblée à laquelle participent des citoyens, des associations et des organisations syndicales est convoquée. Pendant cette assemblée on décide des instances et des priorités à fixer à l'administration locale. Dans certaines communes italiennes nous avons tenté d'instaurer ce modèle afin d'établir un budget communal en partant des instances des citoyens et avec leur participation. Cela peut être une façon efficace de rapprocher des citoyen(ne)s d'une participation démocratique, parce que le vrai principe de la démocratie n'est pas celui qui vote, quand il vote, ni même la liberté d'expression. A mon avis, le plus important dans la démocratie est de savoir comment on arrive à la décision, et quel niveau de participation est possible pour arriver à une décision. Nous, nous sommes dans une phase où désormais les assemblées électives sont vidées de plus en plus de leurs pouvoirs, ce qui fait que, paradoxalement, le droit de vote n'est plus en soi un exercice démocratique. Voici un exemple : le « conseil communal » est l'organisme le plus démocratique de la ville, il en représente toutes les instances politiques, toute l'articulation de la société ; pourtant le conseil communal, élu par tou(te)s les citoyen(ne)s, est désormais vidé de son pouvoir, parce que la plupart des décisions sont assumées par le Maire et ses adjoints et non par le Conseil municipal élu par les citoyens. Cela vaut pour tout par extension, même pour le Parlement italien. Le Parlement italien l'année dernière a voté moins de projets de loi que le gouvernement n'a fait passer de décrets. Donc, étant donné que les assemblées électives sont expropriées de leurs pouvoirs, le droit de vote, lui-même, n'est plus un principe de démocratie.

Nous ne devons donc pas seulement redonner de la valeur aux assemblées électives, les hauts lieux de la démocratie représentative, mais surtout penser les moyens pour construire de nouveaux éléments de démocratie participative. Je prends un exemple plus percutant encore sur la façon de s'y prendre pour tenter de construire des éléments de démocratie participative. Nous avons trop pris l'habitude de penser la démocratie en termes de représentativité. Porto Alegre est un exemple un peu plus évident de démocratie directe, sur laquelle nous devrions discuter, un modèle de démocratie où il y a une rencontre entre les institutions et les citoyen(ne)s, ce n'est pas simplement une représentation mais une participation active dans laquelle les citoyen(ne)s assument directement la responsabilité de la décision. Voici un autre exemple dans la réalité palermitaine qui peut vous sembler provocateur : tous les jeunes de la ville, ceux qui n'ont pas de maison, ou qui vivent avec leurs parents sans avoir la possibilité économique pour vivre seuls, devraient, pour exercer le droit de démocratie directe, se réapproprier tous les édifices abandonnés de la ville. Une provocation ? Bien sûr c'est une provocation, mais qui peut être un point de départ pour rediscuter les formes de la démocratie directe, participative, et donner plus de valeurs à leurs formes expérimentales.

Comment pouvons-nous apprendre « La démocratie » et devenir citoyen(ne)s conscient(e)s ? Quel peut- être le rôle de l'école et de l'éducation ?

La question est très stimulante, parce que moi, je suis d'abord un enseignant avant d'être un parlementaire, donc mon rôle consiste à penser aussi à l'éducation et à l'école comme les éléments fondamentaux pour la construction des citoyen(ne)s. Je pense que nous devrions avant tout, et cela est un des devoirs de l'école, définir la notion de citoyenneté.

Regardez en Europe : est considéré citoyen européen quiconque naît dans un Pays de l'Union. Selon moi, cette conception de la citoyenneté, et même le concept qui donne forme à cette définition, est une idée déformée de la citoyenneté et de la démocratie même. Je pense que l'Europe ne devrait pas seulement appartenir aux personnes qui naissent en Europe, parce qu'on ne décide pas où naître. Par contre, on peut décider où vivre, et donc lier la citoyenneté à la résidence, au lieu où je choisis de vivre, d'aimer, de travailler, de partager des valeurs, de bâtir mon futur. Je pense donc que cet élément doit être le principe cardinal de la construction d'une citoyenneté européenne. Je pense que l'école a un rôle fondamental dans tout cela parce qu'à la base de cette idée de construction de la citoyenneté, il y a le rôle pédagogique de l'école qui devrait essayer de faire vivre dans une société interculturelle. Nous pensons trop souvent vivre, et nous le disons, dans une société multiculturelle. C'est un fait. Il suffit de voir tes « Doc Martins » qui ne sont pas fabriquées en Italie, ce qui signifie que tu portes aux pieds le fruit du travail d'une autre culture, d'une autre forme d'organisation du travail, etc... Ta montre est probablement de facture japonaise, ton téléphone portable suédois. Nous vivons donc dans une société multiculturelle parce que chacun de nous est impliqué dans des processus culturels qui ne sont plus nécessairement liés à notre territoire.

Dire que nous vivons dans une société multiculturelle, c'est seulement une photographie de la société, et je ne crois pas que ce soit une valeur en soi. L'approche que doit en avoir l'école, au contraire, c'est la construction d'une société interculturelle à l'intérieur de laquelle les cultures se confrontent mutuellement, vivent certes le mode statique de la différence, mais en se confondant et en cherchant à construire une relation différente où non seulement se conservent les identités particulières, mais où ces mêmes identités particulières reçoivent l'influence d'autres cultures dans un échange continu. C'est cela une approche propédeutique à la construction d'une société et d'une citoyenneté européennes qui auraient comme principe premier une citoyenneté liée à la résidence et non à la naissance.

La représentation démocratique devrait impliquer une présence équilibrée entre les femmes et les hommes ; mais la représentation féminine dans les institutions représentatives est inférieure à celle masculine, ce qui implique une « démocratie imparfaite ». Quelles mesures peut-on adopter afin de dépasser cette limite ? Êtes-vous d'accord avec la « politique des quotas», ou pensez-vous que le problème de la représentation féminine ne peut pas se réduire à une question de pourcentage ?

Je ne suis pas d'accord avec la politique des quotas parce que je pense qu'elle est limitée. Je pense que le problème de la participation des femmes à la politique, et de la représentation féminine dans les institutions est réel et je crois aussi que cela dépend de la modalité même du fonctionnement des institutions et pas seulement du fait que les femmes ne participent pas, ne veulent pas participer ou que leurs rythmes de vie leur rendent l'implication dans la vie publique plus difficile. Je crois que le fait que les femmes participent en nombre restreint à la vie des institutions tient à la façon dont elles sont organisées, de la façon dont le pouvoir actuel se manifeste, de cette tendance de plus en plus forte à une représentation majoritaire et même aux lois électorales. La modalité même de sélection des candidats, en effet, et la compétition électorale sont perçues comme un exercice « musculaire » qui exclut les femmes de la direction et de la gestion de la vie politique. Pour cette raison, je pense qu'il y a un problème lié à la démocratie : le fait que peu de femmes participent à la vie publique est une limite à l'essence même de la démocratie, du moment qu'il nous prive d'une façon différente de voir les choses : les femmes ont en effet une approche différente de la politique que celle des hommes, même dans les questions d'ordre général. Le thème de la participation des femmes à la vie démocratique peut être donc résolu en mettant en discussion la forme et les modalités dans lesquelles le pouvoir se manifeste réellement, et pas à travers les quotas ou encore, comme on est en train d'en discuter en Sicile, par la double préférence de genre. Mais pour réaliser tout ça, nous avons besoin de leur point de vue.

A l'occasion de la guerre en Irak, on a beaucoup parlé d' « exporter la démocratie ». Ne croyez-vous pas que ce principe soit inconciliable avec l'idée même de démocratie ?

Je pense que la démocratie n'est pas exportable et, bien sûr, elle ne l'est pas avec les canons et les bombardements. Je crains même que la démocratie exportée avec les troupes d'occupation soit un élément qui dégrade les conditions démocratiques mêmes de ceux qui pensent exporter la démocratie. Le concept même de démocratie, celle de notre époque, est un concept valable exclusivement pour nous. Canfora, historien italien d'inspiration marxiste, nous explique que la démocratie dans laquelle nous vivons en ce moment en Europe et dans le monde occidental est une démocratie oligarchique : par conséquent l'idée communément représentée de la démocratie est en crise.

Par rapport à ce qui s'est passé en Irak, il est désormais clair que la prétendue volonté d'exporter la démocratie était un prétexte. En réalité on a « seulement » destitué un dictateur qui avait été précédemment utile puisqu'il avait été financé avec l'argent américain pour faire la guerre à l'Iran. Les États-Unis ont révoqué un dictateur, ce qui est bien pour la démocratie, mais ils ont inventé un concept pour justifier une agression belliqueuse qui a exclusivement une cause économique. Le simple fait que nous parlions d'« exporter la démocratie » nous démontre que nous sommes restés prisonniers du mécanisme, que ce modèle nous a été imposé. Tout aussi imposée la pensée unique et dominante qui nous fait croire à une unique vision possible du monde. Un monde dans lequel une personne qui est différente de toi est ton ennemi : l'arabe est ton ennemi, voire tous les arabes sont des terroristes et de dangereux subversifs qui viennent ici te voler ton travail et compromettre le bonheur de ta vie de famille. Tout cela est construit avec des mots d'ordre qui ont pour but d'asservir les esprits, nos corps, notre façon de faire et d'être. Il y a quelques années, cette opération semblait ne pas avoir d'obstacles, maintenant pour l'accomplir ils sont même obligés de faire la guerre. Mais il y a dans le monde pour la première fois une opposition des peuples, des hommes et de femmes qui s'opposent à ce modèle de construction de la planète. Par conséquent à l'intérieur de ce cadre pessimiste je suis très optimiste sur le destin de l'humanité et sur la possibilité de construire un autre monde qui ne mette pas au centre l'économie, mais la vie de chacun de nous et donne la possibilité à chacun d'être acteur de son propre futur.

37. Interview de M. Mario Mauro, membre (PPE) du Parlement européen
réalisée par les élèves du Liceo Galileo Galilei - Caravaggio (Italie)

1 er trimestre 2005

A votre avis, existe-t-il des menaces pour la démocratie en Europe ? Si oui, lesquelles ?

En Europe je ne vois pas de menaces particulières pour la démocratie, mais je voudrai quand même mettre l'accent sur un risque très important que l'Union Européenne est, silencieusement, en train de courir. Ces dix dernières années ont vu un sentiment croissant contre le catholicisme dans les institutions de l'Union Européenne, comme en témoigne une série d'actions malheureusement méconnues par l'opinion publique italienne. La profondeur idéologique du climat contre le catholicisme qui règne dans les institutions européennes a été sûrement bien exprimée par le vote avec lequel le 13 mars 2002 le Parlement Européen a adopté un rapport sur « Femmes et Fondamentalisme », rédigé par le « Comité pour les droits des femmes » et « Egales opportunités ». D'après une première lecture de ce document, les objectifs semblaient être les régimes fondamentalistes d'origine islamique qui ne garantissaient pas la parité des droits entre hommes et femmes. L'intention la plus évidente était celle d'interrompre les rapports avec les gouvernements qui ne permettaient pas la participation des femmes à leurs propres organismes décisionnels. Un objectif à première vue politiquement correct sur lequel cela vaut la peine de réfléchir. Il existe un seul état au monde interdisant l'accès des femmes aux organismes de gouvernement : le Vatican. Donc l'unique résultat pratique de cette proposition de loi votée par le Parlement aurait été l'expulsion du Vatican des organismes internationaux qui laisserait l'Eglise sans aucune voix au chapitre en ce qui concerne les relations internationales. Cependant l'attaque provenant du rapport « Femmes et Fondamentalisme » n'a pas été la seule action exprimée par le Parlement Européen contre le Vatican. Durant ces 10 dernières années, on a présenté 19 questions écrites à la Commission Européenne contre l'Eglise ou le Vatican, 5 relations et 4 propositions de résolution qui ont « critiqué » les positions du Saint-Siège, dont deux sur une supposée ingérence du Vatican dans le secteur européen. En conclusion, presque 30 occasions dans lesquelles le Parlement Européen a attaqué l'Eglise ou les positions du Vatican, en faisant passer pour «fondamentaliste » la simple expression d'un credo religieux. En politique, ce qui est important, ce sont les relations de pouvoir et il est certain que, si les racines de notre continent sont chrétiennes, il est aussi sûr que les catholiques en Europe comptent beaucoup moins que leurs racines, comme il a été encore une fois démontré dans le cas du ministre Buttiglione, dont il est émergé une évidence : « les chrétiens aux lions! ».

La décision de la Commission « Liberté » du Parlement Européen, contraire à la nomination de Buttiglione a démontré que chaque bon catholique qui manifeste sa propre foi sans réticence n'est pas apte à remplir des fonctions au sommet de l'Union et que, entre le christianisme catholique et les principes dans lesquels on reconnaît les institutions européennes, il existe une incompatibilité importante.

A votre avis, comment est-il possible d'intégrer les cultures non européennes, de plus en plus présentes, sans mettre en danger l'identité originaire de l'Europe ?

Cette question me renvoie au problème de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Sur cet argument ce qui me touche prioritairement et qui me fait surtout peur c'est que nous, européens, nous ne devrions pas redouter les Turcs. Nous devrions plutôt nous inquiéter de la fragilité de l'identité européenne, une faiblesse qui ne nous permet pas de considérer Ankara comme une ressource mais uniquement comme une menace. Je suis préoccupé par une Constitution comme celle qui vient d'être signée et qui sera ratifiée. Je suis préoccupé par une Europe qui, quand elle se heurte à l'Islam, ne trouve d'arguments meilleurs que le fondamentalisme nihiliste de la loi qui interdit le voile. Ce n'est pas pour rien si la France est l'un des pays opposés à l'entrée d'Ankara, bien qu'en Turquie le voile soit interdit et que les filles du premier ministre Erdogan, de tradition très religieuse, ont été envoyées aux États-Unis pour étudier, pays dans lequel le voile n'est pas interdit. Donc je pense que l'Europe devra investir plus sur l'éducation, l'instruction et la formation, c'est-à-dire le carrefour où les peuples pourront devenir amis sans perdre leur propre identité.

De quelle façon la Constitution Européenne garantit-elle la cohabitation démocratique entre les citoyens européens ?

L'insertion dans les textes du principe d'égalité démocratique et de démocratie représentative ne donne pas de nouveaux droits aux citoyens européens, mais il établit des principes émanant de l'esprit des traités. Ainsi les citoyennes et les citoyens sont représentés directement au niveau de l'Union dans le Parlement Européen. En outre, les gouvernements nationaux qui envoient leurs représentants au Conseil européen et au Conseil des ministres sont responsables devant les parlements nationaux, eux-mêmes élus par des citoyens européens.

La participation démocratique devient ainsi un des piliers du fonctionnement de l'Union. La principale innovation dans ce secteur est représentée par l'apparition d'un droit d'initiative populaire. L'article 1-47 prévoit qu'une pétition qui recueillerait au moins un million de signatures dans plusieurs états membres puisse inviter la Commission à prendre une initiative législative à condition que cette dernière soit compatible avec la Constitution et en particulier avec la Charte des droits fondamentaux. L'initiative populaire ne porte pas atteinte au droit d'initiative de la Commission étant donné que cette dernière est libre de répondre à l'invitation de présenter des propositions.

Il s'agit toutefois d'une nouveauté fondamentale qui introduit pour la première fois la notion de démocratie participative dans le cadre politique européen. Une telle mesure donne donc aux citoyens européens, ayant l'intention de dénoncer le « déficit démocratique européen », les moyens pour faire entendre directement leur voix. Cette innovation s'associe aux efforts qui ont permis l'explication de la répartition des compétences et la simplification des instruments juridiques qui ont pour but de rapprocher le citoyen aux institutions communautaires.

La notion de démocratie participative comprend d'autres aspects importants. Le même article rappelle, aussi, en effet, que les institutions maintiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives de la société civile et que la commission procède à d'importantes consultations mettant en cause les parties intéressées.

A partir de votre expérience de parlementaire européen, quelles sont les priorités à poursuivre pour renforcer la démocratie en Europe ?

La priorité pour renforcer la démocratie en Europe consiste sûrement dans l'application du principe de subsidiarité, c'est-à-dire le principe garantissant des décisions, qui, une fois adoptées, sont les plus proches possibles du citoyen. On vérifiera constamment que l'action à entreprendre au niveau communautaire soit justifiée par rapport aux possibilités offertes par l'action au niveau national, régional ou local. Concrètement cela signifie que, dans les secteurs qui ne sont pas de sa compétence, l'Union intervient seulement quand son action est considérée plus efficace que celle entreprise au niveau national, régional ou local.

De quelle manière un citoyen peut-il contribuer à la consolidation de la démocratie ?

Il faut considérer que dans n'importe quel État, sous n'importe quelle forme d'organisation sociale, rien ne peut remplacer la personne comme protagoniste de l'action dans tous les secteurs, de l'initiative économique à la passion politique.

38. Interview de M. Rollandin,
sénateur (Groupe pour l'autonomie) de la République italienne
réalisée par les élèves du Lycée classique et Institut d'art - Aoste (Italie)

1 er trimestre 2005

Quelles sont, à votre avis, les caractéristiques d'une démocratie effective ?

Les définitions du mot « démocratie » ont changé au cours des siècles et selon les différentes théories politiques. Toutefois une caractéristique fondamentale de la démocratie est la liberté, c'est-à-dire la possibilité de choisir entre différentes options politiques et d'élire au pouvoir celui que la majorité aura choisi. Cela implique évidemment la participation des citoyens au débat politique et au moment électoral; mais une participation consciente n'est pas possible sans une information libre et accessible à tous. Le cadre dans lequel une démocratie s'insère est celui des règles qu'on se donne et qu'on s'engage à respecter: règles qui sont exprimées à différents niveaux - les constitutions des États et de l'Europe, les Statuts des régions et des communes - mais qui ont en commun l'engagement au respect qu'on se doit réciproquement, et qu'on doit même à ceux qui ont des opinions différentes des nôtres. Règles qu'on doit respecter, quitte à en proposer un changement si on les considère dépassées par les événements; mais tant qu'elles sont en vigueur, on ne peut pas les transgresser. Enfin, une autre caractéristique de la démocratie est l'égalité entre tous les citoyens, hommes et femmes: un aspect qui n'est pas encore réalisé partout, et qui constitue donc encore un défi en plusieurs lieux du monde.

Là où elle est instaurée, la démocratie est-elle menacée ? Quels sont les principaux risques auxquels elle est exposée ?

On voit heureusement un progrès de la démocratie, qui commence à se réaliser dans des pays qui auparavant n'en jouissaient pas (Europe de l'Est, Asie, Afrique). Dans ces situations, souvent la démocratie est faible, encore exposée aux tentations, de la part de pouvoirs « forts » (militaires, financiers) d'éliminer les règles qui fondent la démocratie et de revenir à un régime totalitaire. Le premier passage d'une tentative de ce type est d'éliminer la liberté de presse, c'est-à-dire la possibilité des citoyens de s'informer: il leur arrive seulement la voix du pouvoir, qui leur dit « tout va bien, tout marche bien, tout est en règle ».

Peut-on envisager un développement, une amélioration de la démocratie dans notre région, dans notre Pays, en Europe ?

Là où la démocratie est instaurée, il y a parfois des excès. Certains utilisent mal cette liberté, en outrepassant les règles que l'on ne fait pas respecter. C'est ce qui se passe dans quelques pays européens, dans certains domaines. C'est à l'école qu'on peut se préparer à bien vivre la démocratie et à la faire s'épanouir. Il faut avant tout connaître l'histoire, pour être conscient des luttes qui ont été nécessaires pour la conquérir ; les textes scolaires même devraient mieux expliquer certains passages cruciaux de notre histoire récente, les mêmes qui sont célébrés par des dates et des manifestations qui trop souvent pour les jeunes sont dépourvues de signification. L'école devrait transmettre aux jeunes les passions, les sentiments, le goût pour la liberté qu'ont encore les vieillards qui ont vécu en première personne la lutte contre le fascisme.

Que peuvent faire, d'après vous, les jeunes pour s'engager en faveur de la démocratie ?

Les jeunes sont portés naturellement à être contestataires, à être « contre »: contre le « système », contre les règles... Mais ils sont aussi curieux, désireux de se mettre en relation entre eux, et aujourd'hui les moyens modernes de communication leur donnent des possibilités immenses de connaissance, même de réalités très éloignées. Les jeunes devraient donc avant tout connaître des réalités différentes de celle où ils vivent, particulièrement en voyageant, si cela leur est possible: ce serait le meilleur moyen pour couper à la racine toute forme de racisme, c'est-à-dire de refus de ce qui est différent de nous. Si on voyage, on voit que tout le monde est pareil, qu'on a partout les mêmes difficultés, à part le fait qu'il y a des différences importantes quant au développement. Une formation plus approfondie serait aussi un remède à cet esprit grégaire qui amène quelquefois les jeunes à se tenir en groupe et à en partager l'idée, en refusant tout ce qui est différent. L'alternative c'est le dialogue, où des idées différentes se confrontent et cherchent à se comprendre réciproquement, tout en restant différentes. C'est ainsi que peut croître la démocratie, le sens civique de participation.

Que pensez-vous de la « mission » que se sont attribuée les États-Unis d'établir la démocratie en Irak, en abattant par une guerre le dictateur Saddam Hussein ?

Tout le monde est d'accord que le régime de Saddam Hussein était inhumain. Toutefois, je crois qu'il y avait d'autres systèmes que la guerre pour le faire cesser. Un des acquis de la démocratie est la diplomatie, et si elle a le temps de travailler, elle arrive à des résultats meilleurs que ceux qui peuvent être garantis par une guerre. Lors des votes au Parlement italien, j'ai voté contre cette intervention militaire. Je pense que la guerre est justifiée seulement pour résister à une invasion (ce fut le cas du Koweït, agressé par l'Irak), tandis que dans le cas de la dernière guerre contre l'Irak on n'avait pas épuisé toutes les ressources de la démocratie. En outre, une solution militaire contre Saddam Hussein aurait dû être autorisée et approuvée par des organismes internationaux, l'ONU en premier lieu. La situation actuelle, après les élections, est différente: à ce stade, il est nécessaire que la présence d'une force militaire multinationale, qui ne soit plus une force d'occupation, puisse soutenir la création dans le pays d'un système démocratique et protéger la population de la violence des terroristes.

39. Interview de M. Pietro Ruzzante,
membre (Démocratie de gauche - L'Olivier) de la Chambre des députés
réalisée par les élèves du Lycée Enrico Fermi - Padoue (Italie)

1 er trimestre 2005

Quels sont les facteurs qui peuvent être un obstacle pour l'affirmation d'un gouvernement ?

La question est un peu trop vague, mais je crois que les facteurs essentiels sont deux : l'absence du consentement populaire et l'absence de stabilité économique. Naturellement dans le cas du Gouvernement Berlusconi je crois que l'incapacité à respecter les engagements et les promesses électorales ont eu une certaine importance. Dans la question, je crois qu'il y a un élément important également : l'expression « affirmation ». Qu'est-ce que c'est l'affirmation d'un gouvernement ? Est-ce l'affirmation des « intérêts » d'une partie politique, comme par exemple ceux personnels du Premier ministre, ou est-ce la réalisation d'un projet politique et d'un programme, ou mieux encore, garantir le bien-être et le bonheur de la population à partir des personnes plus faibles ou de ceux qui possèdent le moins ?

Est-ce qu'il y a des caractéristiques particulières qu'un pays doit posséder pour être démocratique ? La démocratie est-elle accessible à tous les pays ?

Oui. Je crois qu'elles sont clairement énoncées dans la Charte des Nations Unies (je vais en énumérer seulement quelques-unes : le suffrage universel, l'existence d'un Parlement élu librement et d'une Constitution, la liberté d'information, de religion, l'absence de formes de racisme ou de ségrégation, la présence dans les lieux de travail de syndicats pour la protection des droits des travailleurs, l'absence de torture dans les lieux de détention, une magistrature indépendante, l'équilibre entre les pouvoirs législatifs, judiciaires, constitutionnels, ainsi que le contrôle démocratique des forces armées. Ceux-ci me paraissent les aspects les plus importants. Je crois non seulement que l'aspiration de tous les pays du monde à parvenir à un système démocratique est une juste aspiration, mais aussi qu'elle est réalisable.

La démocratie en Occident est le fruit d'un long parcours historique dans lequel n'ont pas manqué les massacres, les tyrannies et les horreurs. Elle est née parce qu'elle était considérée comme une nécessité soutenue par une conscience politique. Dans des pays avec un parcours historique différent, qui sont arrivés à un niveau de développement différent par rapport au nôtre, est-ce que la démocratie peut arriver de l'extérieur, en sautant ces passages ?

Je ne crois pas que la démocratie puisse être exportée de la façon dont elle a été réalisée en Occident. Chaque pays a ses racines et ce serait une erreur de ne pas en tenir compte. Je ne crois pas non plus qu'il existe un seul modèle de démocratie (hormis quelques principes fondamentaux que j'ai cité dans la réponse précédente). Mais je crois que les longs parcours pour arriver à la démocratie qui ont caractérisé l'Europe de la Révolution Française à la constitution européenne ne sont pas nécessaires. Il y a des pays comme l'Afrique du Sud de Nelson Mandela par exemple, qui ont montré comment on a pu passer rapidement du régime de l'apartheid à l'élection démocratique du président.

La démocratie n'est pas parfaite. Elle sert les intérêts de beaucoup de monde, de la majorité, mais pas de tous. Quel doit être le rapport de la démocratie avec la liberté et les droits des minorités ou de l'individu ?

Bien sûr, elle n'est pas parfaite, mais c'est la meilleure organisation que nous connaissions. Une vraie démocratie n'est pas seulement celle qui permet la liberté d'action, de propagande, d'organisation d'une minorité, mais elle donne aussi la possibilité qu'à force d'idées et de programme, cette minorité ou opposition devienne force de gouvernement en garantissant ainsi l'alternance entre majorité et opposition. Naturellement la seule condition qu'on peut établir en démocratie est la pratique de la non violence comme moyen pour la diffusion de ses propres idées.

Quel est le rôle, selon vous, des médias dans un régime démocratique ? Est-ce qu'ils favorisent la transparence politique sur laquelle devrait se baser la démocratie ou, au contraire, peuvent- ils la compromettre ?

Le rôle des médias dans la société de la communication globale est absolument central. Ce n'est pas par hasard si c'est l'un des premiers moyens que les dictatures musèlent et utilisent pour le contrôle du consentement. Au cours de ces années, et l'Italie est un très mauvais exemple, s'est manifesté le problème du conflit d'intérêts et de l'incompatibilité entre le pouvoir économique et politique et le contrôle des grands moyens d'information. Pour le moment le problème n'a pas pu être résolu. Au cours de cette législature je crois même que la situation est devenue pire. Bien sûr, la confusion de divers pouvoirs (politique, économique et de l'information) représente un vrai risque pour notre démocratie. C'est le « Cinquième Pouvoir » qui va s'affirmer et qui devrait être réglementé opportunément pour éviter tout abus.

40. Interview de M. Giannicola Sinisi, membre (Margherita-DL-L'Olivier) de la Chambre des députés
réalisée par les élèves du Lycée « R. Nuzzi » - Andria (Italie)

11 février 2005

Comment est née la démocratie en Italie ?

La démocratie est la base des institutions républicaines. Celle-ci est née de la volonté de sortir de la guerre, de réconcilier les pays et avec le désir de rendre les règles égales pour tous. Ces règles sont inscrites dans la constitution approuvée par le peuple. La date de la fondation de la démocratie est 1948 parce que au-delà de l'approbation de la Constitution, il y eut l'introduction du suffrage universel qui jusqu'à cette date était limité aux hommes.

Est-il possible de préserver et d'améliorer la démocratie ?

C'est possible, si avant tout nous préservons les principes qui sont ceux des pères fondateurs de la République. Après la guerre le désir de paix était très fort, ainsi que le désir de liberté et d'égalité qui sont les principes fondamentaux de la démocratie. Il faut, avant tout préserver ces principes, et ils sont solidaires avec les autres pays.

L'une des plus grandes menaces contre la démocratie et la paix, est la pauvreté. C'est pour cela que nous ne pouvons pas ignorer les peuples qui nous entourent. Notre réalité est la même que celle qui a inspiré les pères fondateurs de l'Europe unie : De Gasperi, Schuman et Adenauer. Ils disaient que l'Europe est le point de départ et ce n'est pas l'arrivée. Avec la nouvelle Constitution européenne, ils vont suivre leurs idéaux qui n'ont pas changé. Il faut regarder au-delà de l'Europe, défendre les principes de l'Europe qui font de celle-ci un exemple pour les autres peuples.

Quelle est la vraie signification de la démocratie ? Peut-on l'affirmer dans le monde entier de la même façon ?

Ça dépend de la façon dont on l'interprète. La démocratie peut être un ensemble de procédures, mais peut être aussi un principe fondamental. Les deux choses se confondent. En réalité, les procédures servent pour la réglementation et la sauvegarde. Au début, la démocratie était le gouvernement du peuple par le peuple, et donnait la possibilité aux citoyens d'être maîtres de leur propre destin. La démocratie doit se baser sur des réalités dans lesquelles elle peut opérer : nous devons comprendre que chaque peuple fait son chemin dans l'histoire, donc il a sa propre culture, ses propres traditions, son histoire et c'est pour cela que la démocratie surtout dans la partie qui concerne ses règles doit s'adapter.

Le Président de la république a le droit de « veto » sur les lois : il est garant de la démocratie. Quelques variations sur le pouvoir du Président pourraient-elles améliorer la démocratie ? Quel type de pouvoir devrait-on lui attribuer ?

Je crois que notre Parlement est un système assez démocratique. Ce système existe depuis cinquante ans dans notre pays, et fait vivre la liberté et la démocratie. L'unique et véritable défaut de notre Constitution est le régionalisme car en 1948 on avait pensé à tout, sauf à une forme de 'Fédéralisme'. Je ne pense pas que changer les pouvoirs du Président de la République modifierait la qualité de la démocratie dans notre pays.

Est-ce que l'immunité parlementaire ternie l'image de la démocratie ?

L'immunité parlementaire est un principe qui a été introduit par nos constituants en 1948.

En 1993 le Parlement, pendant la période du ' tangentopoli', modifia l'article 68 de la Constitution et limita l'immunité parlementaire seulement pour les dispositions restrictives de la liberté personnelle, qui sont des mesures très protectrices, les perquisitions, les séquestrations, et même les interceptions. Cela ne signifie pas que le parlementaire ne peut pas être poursuivi en justice, mais que pour être arrêté la condamnation doit se faire par l'intermédiaire d'un juge.

Tout cela est fait pour que la vie politique et l'activité judiciaire n'interfèrent pas. Et donc, toutes entraves et tous dangers peuvent être évités pour défendre notre démocratie.

Telle qu'elle est conçue, l'immunité parlementaire, n'est pas tant un privilège du parlementaire que la garantie de la liberté politique de notre pays. Il est évident qu'un abus de l'immunité serait mauvais pour notre Constitution.

41. Interview de M. Nichi Vendola, député italien (Refondation communiste)
réalisée par les élèves du Lycée Sandro Pertini - Turi (Italie)

8 mars 2005

Comment entendez-vous défendre et développer la démocratie dans notre pays et en Europe ?

La démocratie s'exprime à travers la participation du peuple au gouvernement. Mais comment peut-on parler aujourd'hui de démocratie si le gouvernement fait en sorte que le peuple n'intervienne pas dans ses décisions. Les nouvelles lois de plus en plus restrictives s'éloignent des idées dictées par la Constitution de 1948. Elles parviennent à effacer la démocratie au sens strict du terme. Il faudrait faire intervenir le peuple pour les présidentielles par exemple en donnant plus de pouvoirs au Président de la République pour mieux équilibrer les pouvoirs du Premier ministre.

Autrement, le pouvoir est toujours concentré dans les mains d'une seule personne, maires, présidents de la Région, du Département, etc.

La politique gouvernementale intervient dans plusieurs domaines dans le sens démocratique avec des initiatives comme la lutte contre l'intolérance et les discriminations, des commémorations comme celle de la « Journée de la mémoire » contre le génocide juif, « la journée régionale pour les porteurs d'handicap », « la journée pour les droits de l'enfance », etc. dans le domaine éducatif avec des bourses d'études, des projets pour l'apprentissage des langues étrangères, formation professionnelle (les PON). La L.R. n°14 de 2002 reconnaît le rôle joué par les universités du troisième âge pour une meilleure intégration et divulgation de la culture, concours, valorisation du patrimoine culturel en accord avec le ministère des biens et activités culturelles. Notre région assure des aides financières et l'assistance sanitaire gratuite pour les plus démunis.

Dans le domaine européen, la Région et les communes favorisent les jumelages, les initiatives d'échanges scolaires avec les programmes Socrates et Erasmus à l'université. Le Parlement européen représente tous les citoyens des pays membres, on parle alors d'une Europe des peuples (Partie II de la future Constitution européenne). Pour défendre la démocratie des peuples, le Parlement européen est en train d'élaborer la future Constitution européenne dont les droits reposent sur les libertés, l'égalité, la justice, la dignité et le respect de la personne. Nous déplorons que cette Constitution omette de tenir compte de l'article 11 de la Constitution italienne qui condamne la guerre vue comme une offense à la liberté des peuples, là où il faudrait un gouvernement qui assure la paix, la justice entre les nations. Aucun article de la Constitution en projet n'en fait mention.

Comment se fait-il qu'aujourd'hui encore, même si les femmes ont obtenu le droit de vote, dans la politique italienne, la gestion de la Nation soit confiée aux hommes ?

Le monde d'aujourd'hui est conjugué au masculin. L'origine du mot patrie lui-même s'apparente à la sphère masculine « pater »... L'Italie, par rapport aux autres pays, est le dernier de la liste pour la représentation féminine dans le domaine politique. Il y a moins de femmes dans le monde politique, non parce que les partis refusent leurs candidatures, mais parce qu'elles ne veulent plus être instrumentalisées, utilisées seulement à la dernière minute pour figurer sur les listes des candidats aux élections. Elles voudraient participer activement à la vie politique mais ce n'est pas facile d'envahir un monde réservé aux hommes.

Comment développer la démocratie plus localement ? Dans le domaine social et environnemental ? Quelles mesures adopter pour sauvegarder l'environnement ?

En ce moment, plusieurs plans de réformes régionales sont en cours comme celui du recyclage des déchets domestiques, le ramassage des ordures à domicile imposé par l'Union Européenne et l'implantation d'usines de compostage de qualité, car la région des Pouilles est considérée comme la grande poubelle d'Italie. Interviennent ensuite la protection de la santé contre la pollution acoustique et l' « électrosmog », la réalisation d'une « cartographie » du territoire régional pour avertir des risques sur les sites pollués par l'amiante, usines insalubres, zones sismiques, zones à risque d'inondation, etc. avec l'actualisation d'un Système d'Information Territorial de la Région Pouilles (L.R. 28/96). Il faut prévenir avant de guérir. Informer les citoyens de la nouvelle politique des déchets, c'est-à-dire réduire et recycler. Pour ce qui concerne les côtes maritimes des Pouilles, elles sont les plus polluées d'Italie, à cause de plusieurs facteurs comme le manque d'épurateurs, la forte densité de la population. Il existe un autre danger, le recul des côtes rocheuses sujettes à l'érosion. Notre région a pris en main le projet de nettoyage des plages de Bari sous lesquelles sont enfouies des tonnes d'amiante, les terrains contaminés de la Fibronit sont interdits de construction, la zone sera imperméabilisée. Il manque également un système de contrôle sur la perte, le gâchis et le contrôle de la qualité des eaux superficielles et souterraines mises à part celles contrôlées par la Compagnie des Eaux (Acquedotto Pugliese - (AQP). Il faut aussi remarquer que Bari se distingue par son manque d'espaces verts et de pistes cyclables, services utiles, récréatifs, sportifs et culturels pour la population. En conclusion, il faut jouer une politique de prévention de l'environnement en informant et sensibilisant la population.

42. Interview de M. Charles Goerens, député luxembourgeois (Parti démocratique)
réalisée par les élèves du Lycée classique de Diekirch (Luxembourg)

1 er trimestre 2005

Le sujet sur lequel nous voulons nous entretenir avec vous est le suivant « Comment défendre et développer la démocratie en Europe ? » Nous nous sommes posé la question de savoir s'il s'agit là d'une préoccupation prioritaire des citoyens européens ?

Dans votre question il y un élément impliquant la défense de la démocratie et un second élément faisant référence au développement de la démocratie. En ce qui concerne sa défense, je pars de l'idée qu'elle n'est pas menacée, donc faut-il développer une défense contre une absence de menace ? Mais ce qui importe avant tout, c'est de constater que le citoyen européen a l'impression que nombre de décisions sont prises à son insu donc il faut rapprocher le citoyen, il faut réconcilier le citoyen avec l'idée européenne et aussi avec l'idée nationale dans la mesure où la plupart des décisions sont prises au niveau européen, très souvent à l'insu du citoyen européen. Il s'agit de développer d'avantage l'information et la participation du citoyen aux décisions.

Dans l'opinion publique s'expriment des inquiétudes au sujet, notamment, du terrorisme, de l'islamisme, de la montée de l'extrême droite, mais aussi du poids du monde commercial, de la bureaucratie, de la corruption, etc. ... Quels sont pour vous les dangers pour la démocratie en Europe ?

Il faut rester hypersensible, il faut faire appel à la vigilance : l'islamophobie, le terrorisme sont des dangers qui menacent la démocratie, une démocratie fortement ancrée dans des valeurs de tolérance et de défense des libertés publiques, individuelles et collectives. Donc il faut être absolument sensible aux diverses menaces qui se profilent à l'horizon. Je rappelle au passage qu'à Vienne il y un observatoire des phénomènes xénophobes, racistes, antisémites et aussi islamophobes. Il faut s'inspirer des renseignements tirés par cet observatoire et faire en sorte que les menaces que vous venez d'indiquer soient conjurées, que les risques liés à ces menaces soient conjurés. Donc il faut être extrêmement vigilant. Il faut préparer les jeunes d'abord à la conjuration de ces dangers et il faut faire en sorte que nous préparions un monde basé sur la tolérance et sur les valeurs qui sont inhérentes à notre démocratie.

Pour contribuer au développement de la démocratie au niveau national et européen, la voie référendaire vous paraît-elle un moyen souhaitable ?

La voie référendaire peut être un moyen utile, néanmoins le referendum est un moyen et il faut veiller à ce que ce moyen ne soit pas manipulé. Je fais référence notamment à la façon dont le rapprochement entre la Turquie et l'Union Européenne est en train de se faire. Personnellement je suis d'avis qu'il faut tenir les promesses que nous avons faites à la Turquie depuis 1963. Ces promesses d'adhésion devraient se concrétiser à l'issue des négociations qui risquent de prendre une quinzaine d'années, peut-être vingt ans. A l'issue de ce processus, nous devons tenir nos promesses. Si toutes les conditions sont remplies par la Turquie (respect des droits de l'homme, respect des droits des minorités, respect de l'acquis communautaire, donc de l'ensemble de la législation qui est en vigueur pour les 25 États membres déjà à l'heure actuelle), si toutes ces conditions sont remplies il n'y a pas moyen, il n'est pas question de remettre en cause les promesses qui ont été faites, donc là le referendum risque d'être contre-productif. Donc je pars de l'idée qu'il importe de manier cet instrument avec une extrême prudence, il faut rester cohérent dans ses décisions, ce qui ne veut pas dire que le referendum ne peut pas être utile, mais, dans ce cas précis, je crois qu'il faut y renoncer.

Quelle politique l'Union Européenne doit-elle poursuivre pour approfondir la démocratie en son sein et pour la promouvoir dans le monde, à commencer par les pays qui ne sont pas encore membres ?

D'abord au sein de l'Union européenne il importe de faire l'inventaire des déficits démocratiques, il y en a, je fais notamment référence au contrôle des dépenses publiques de l'Union européenne, 80 % des dépenses qui sont opérées à partir du budget de l'Union européenne, de la communauté européenne, comme il était convenu de l'appeler d'antan, transitent par l'intermédiaire des administrations nationales. Elles sont, de ce fait, soustraites aux contrôles du Parlement européen et elles ne sont pas non plus contrôlées par les instances nationales. Donc là il y a une démocratie à organiser entre les commissions de contrôle budgétaire du Parlement européen et les commissions de contrôles budgétaires au niveau national. Voilà un exemple concret montrant comment on pourrait développer davantage le contrôle démocratique.

Deuxièmement, (ce n'est qu'un seul exemple, la réponse n'est pas exhaustive), en ce qui concerne la promotion de la démocratie en dehors de l'Union, vous faites la distinction entre deux sortes de pays, ceux qui ont vocation à adhérer à l'Union européenne et ceux dont l'adhésion ne peut pas être envisagée. Aux futurs membres, on impose le respect de l'acquis communautaire, le respect des droits de l'homme et le respect des minorités, c'est ce qu'il est convenu d'appeler les critères de Copenhague. C'est un élément de conditionnalité, qui dans les pays qui veulent adhérer à l'Union européenne doit être rempli, sinon il n'y a pas d'adhésion. Voilà un moyen puissant, j'irai jusqu'à dire que c'est un moyen de pression que l'on peut exercer sur ces pays en vue de promouvoir la démocratie. Donc les pays qui veulent adhérer doivent avoir développé une démocratie respectueuse des droits de l'homme et des minorités, être basé sur un système de partage des responsabilités. Il faut que le parlement, librement élu, puisse contrôler le gouvernement démocratique, et que le tout soit bien entendu sujet à des vérifications par le système judiciaire qui doit jouir d'une indépendance totale.

En ce qui concerne les autres pays qui n'ont pas vocation à adhérer à l'Union européenne, mais qui néanmoins entretiennent avec elle des relations là aussi on introduit des éléments de conditionnalité, notamment dans le rapport avec des pays ACP, donc le groupe des pays de l'Afrique et des Caraïbes et du Pacifique, dans la mesure où la bonne gouvernance, le respect de l'État de droit et la démocratie sont un des éléments de conditionnalité pour pouvoir développer d'avantage ces relations. Donc ces pays ne peuvent être bénéficiaires des accords que dans la mesure où ils respectent ces conditions. Voilà de façon très concrète quelques éléments qui permettent à l'Union européenne d'influer sur le développement de la démocratie dans le monde.

43. Interview de Mme Jane Davidson, membre travailliste
de l'Assemblée nationale pour le Pays de Galles, Ministre de l'Education
réalisée par les élèves du Lycée Cardinal Newman RC school - Pontypridd (Royaume-Uni)

1 er trimestre 2005

A votre avis, quelle est la base de la démocratie ?

Pour moi, c'est l'aptitude des gens à choisir leur propre gouvernement, et ils peuvent seulement le faire en exerçant leur droit de vote. Dans des pays comme les nôtres c'est impératif que les gens exercent leur droit de vote.

Etes-vous satisfaite de notre démocratie ?

Je ne suis pas satisfaite parce que les gens n'exercent pas leur droit de vote. Ils sont heureux de pouvoir voter, mais ils ne le font pas, ils n'utilisent pas ce droit. J'entends les gens autour de moi se plaindre à propos du gouvernement et des sujets importants qui sont de la responsabilité du gouvernement, et quand je demande à ces gens s'ils ont voté, très souvent ils disent que non. Ceci amène à l'inévitable question du vote obligatoire. Cela obligerait les gens à exercer leur droit de vote et donc à faire que le gouvernement soit en effet le choix des électeurs. Je pense que le gouvernement serait plus fort s'il était élu par plus de gens. Cela entraînerait une meilleure relation entre la population et les membres du Parlement.

Comment encouragez-vous les gens à voter plus ?

Je parle souvent à des élèves de lycées de toutes régions de notre pays, qui n'ont donc pas encore le droit de vote. Je leur explique que chaque décision qui est prise au sujet de l'Education, du nettoiement des rues, etc, relève des compétences du gouvernement.

Les jeunes gens sentent que le gouvernement ne s'occupe pas de leurs préoccupations.

Quels changements apporteriez-vous à notre démocratie ?

Je pense que le vote obligatoire serait un changement positif. Je pense aussi qu'il y a actuellement trop d'élections - en cinq ans il y en aura eu six ! Tout cela ennuie les gens. Or il est important qu'ils comprennent les différences entre les divers échelons du gouvernement. Par exemple il est important pour les Gallois de comprendre qu'une élection générale concerne des sujets tels que la défense nationale, tout ce qui a trait aux affaires étrangères ou au système de couverture sociale. Car l'enjeu de l'élection pourra être la santé ou l'éducation nationale, qui concernent aussi directement le Pays de Galles. Nous avons besoin d'illustrer de façon beaucoup plus claire les relations entre les divers échelons du gouvernement, pour que les gens sachent qui est responsable de quoi. Ainsi ils se sentiront plus contents de voter parce qu'ils savent pourquoi ils votent.

Comment pourrait-on développer l'unité européenne ?

Elle peut être développée de nombreuses façons. Par exemple, je pense que le Royaume-Uni doit engager des négociations avec tous les États membres afin de mettre en oeuvre la Stratégie de Lisbonne. Quant à l'accord sur l'éducation (ELL), il prévoit que le Royaume-Uni est impliqué dans les débats sur l'éducation.

Pensez-vous que les autres européens se considèrent vraiment comme tels ?

Cela dépend ... J'ai été élevée dans divers pays, et, malgré tout, je me considère d'abord galloise puis européenne. Je pense que la plupart des gens en Grande-Bretagne se considèrent d'abord britanniques puis européens. La principale raison en est que, géographiquement, la Grande-Bretagne est une île, et de ce fait séparée de l'Europe. Toutefois, il y a de très nombreux échanges commerciaux avec l'Europe, donc nous sommes loin d'en être isolés.

Pensez vous que les gens se considéreraient plus européens si les lois étaient harmonisées ?

En fait, la législation européenne traite de sujets qui me tiennent à coeur. Par exemple, la protection maternelle/paternelle infantile, une politique sociale plus juste. Toutefois, de nombreuses entreprises trouvent que ceci freine pour ainsi dire leur course au profit. On doit pouvoir trouver un équilibre entre ce qui ressort sur une base européenne et ce qui ressort sur une base individuelle. Je pense vraiment que les droits de l'Homme sont une notion essentielle dans l'Union Européenne, je suis heureuse que cette notion y soit née et c'est la raison pour laquelle je ne souhaite pas voir la Turquie en faire partie.

44. Interview de M. Stephen Dorrell,
membre conservateur de la Chambre des Communes,
réalisée par les élèves du Lycée Uppingham (Royaume-Uni)

15 Mars 2005

Pensez-vous que la démocratie est souhaitable pour tous les pays européens ?

Oui, et je ne la cantonnerais pas seulement à l'Europe. Il y a diverses raisons de penser que la démocratie est le meilleur des systèmes pour nos sociétés, malgré l'opinion de W. Churchill selon qui : « c'est le pire des systèmes à l'exception de tous les autres ». Je suis pour la mise en place de sociétés plus transparentes fondées sur le respect des lois. L'alternative c'est la corruption du gouvernement qui se sert, lui, plutôt que la société. La démocratie rend responsable le gouvernement. Il doit justifier ses actions et les expliquer aux citoyens. Il doit y avoir un système de lois qui vous dit ce que vous pouvez faire et ne pas faire. La loi est faite par les autorités élues. C'est elle qui définit les pouvoirs de chacun. Une fois ce système établi, les élections sont le moyen de contrôle.

Si l'on devait accepter l'euro, est-ce que vous pensez que l'on pourra préserver notre « individualité » ? Est-ce qu'il y a un risque que nous devenions les « Etats-Unis d'Europe » ?

Je ne pense pas que nous serons moins « britannique » si l'on accepte l'euro. Je pense que l'identité nationale est beaucoup plus puissante que de simples changements politiques. Notre nation est protégée par sa langue et sa culture. En revanche, si le pouvoir est donné à une autorité politique qui donne l'impression de ne pas être contrôlée par les électeurs alors il y a un problème. Je pense que c'est ce qui se passe à l'heure actuelle avec l'Europe centralisée. Le vote est important car d'un côté il peut permettre l'élection d'un meilleur parti ou bien déposer un mauvais gouvernement.

Pour l'euro, c'est purement technique. Il y aura un jour une monnaie unique, incluant la Grande-Bretagne, mais je pense que plusieurs pays qui l'ont déjà adoptée ont voulu aller trop vite et en paient le prix. A titre d'exemple un taux d'intérêt fixe n'est une bonne chose pour personne. Quand les taux de change auront convergé nous pourrons envisager de rejoindre l'euro.

L'apathie est-elle un danger pour la démocratie et comment y remédier ?

Je pense souvent que c'est le devoir des hommes politiques d'intéresser les citoyens plutôt que ce ne soient les citoyens qui abandonnent les politiques. Je ne pense pas que le vote obligatoire soit la voie de l'avenir, l'abstention peut au contraire être vue comme une décision politique. L'un des problèmes du Parti Conservateur est que nous avons été dénoncés comme ne prenant pas en compte les intérêts du peuple et même si les gens apprécient notre programme ils ne voteront pas pour nous parce que nous sommes le Parti Conservateur - nous avons un problème d'image -. Cela vient de l'image dégradée qui reste depuis le gouvernement de John Major et la complaisance qui est née pendant le long règne « Tory » des années Thatcher et Major. Cela dit ce n'est pas seulement un problème d'image pour les Conservateurs, c'est bien plus fondamental que ça. L'attitude des députés au sein du parti est bien plus importante parce que sans la bonne attitude nous ne réussirons jamais à produire la bonne impression.

Qu'est-ce qui peut attirer les gens et les amener à s'intéresser à la politique ?

Je pense que les hommes politiques n'expriment pas assez les problèmes des électeurs. C'est ce que l'on voit avec l'Europe. Les électeurs veulent voir des réalisations concrètes comme l'amélioration des routes, des écoles ou des hôpitaux.

Les électeurs veulent que les hommes politiques les comprennent. C'est ce que le Parti Conservateur commence à comprendre.

45. Interview de Ivan Lewis, membre travailliste de la Chambre des Communes, sous-secrétaire d'État pour les jeunes et la formation
réalisée par les élèves de William Hulme's Grammar school - Manchester (Royaume-Uni)

4 mars 2005

Quel rôle spécifique, le Royaume-Uni, a-t-il joué au cours des 60 dernières années pour favoriser la paix, la démocratie et les relations harmonieuses en Europe ?

En soutenant la reconstruction de l'Allemagne après la fin de la deuxième guerre mondiale.

En jouant un rôle principal en tant que membre de l'OTAN et en même temps en assurant que la Grande-Bretagne puisse maintenir sa capacité d'influencer les États-Unis.

En intervenant en ex-Yougoslavie quand beaucoup de pays avaient choisi d'ignorer la nouvelle forme de purification ethnique qui s'y déroulait.

En plaidant pour la coopération au sein de l'Union Européenne, et non pas pour une fédération, ce qui est sans doute plus conforme aux vues de la grande majorité des citoyens de l'Union Européenne.

Le Premier Ministre actuel a développé de bons rapports avec le président de la Russie tout en étant un défenseur important de l'agrandissement de l'Union européenne.

En favorisant le programme économique de Lisbonne pour assurer que l'Union Européenne réponde au défi et aux possibilités venant de Chine, d'Inde et d'autres économies naissantes

Les forces armées britanniques

Le ministère des affaires étrangères

Les premiers ministres à succès

Les institutions qui ont plaidé pour que la Grande-Bretagne puisse être au coeur de l'UE tout en maintenant la souveraineté en tant qu'État-nation où c'est nécessaire et souhaitable.

La National Society for the Prevention of Cruelty to Children (NSPCC) : dans quelle mesure son travail a-t-il, au Parlement, et dans la sphère publique, contribué au développement et au maintien des droits des enfants au Royaume-Uni ?

La NSPCC a apporté une contribution importante. La protection des enfants, les droits des enfants se trouvent maintenant à l'ordre du jour de l'action gouvernementale comme jamais auparavant.

Des niveaux d'investissements records sont faits pour répondre aux besoins des enfants et de leurs familles à l'école, dans la maison et dans la communauté. Le gouvernement donne la priorité aux premières années d'éducation et à la protection infantile comme étant la manière la plus efficace d'augmenter les chances de développement et de vie des enfants.

Les textes de loi successifs se sont concentrés sur l'amélioration de la qualité et de la responsabilité des services de protection de l'enfant.

La NSPCC a été l'une des « voix » principales qui ont assuré que ces questions ne soient plus en marge mais fassent partie du courant dominant.

A propos de la Commission pour les relations inter-raciales (CRE) : est-il vrai de dire, à votre avis, que le Royaume-Uni est un modèle pour l'Europe, en favorisant d'excellentes relations inter-raciales entre ses diverses communautés ?

La Commission pour l'égalité raciale a été une voix puissante pour l'égalité raciale au Royaume-Uni. De façon générale, il y a des rapports positifs au sein de diverses communautés. Cependant, récemment les inquiétudes concernant l'immigration et les demandeurs d'asile, plus les perturbations dans quelques communautés, ont apporté de nouveaux défis.

À la différence de quelques autres pays de l'Union Européenne le gouvernement cherche à faire face à ces défis d'une façon globale, par des politiques économiques et sociales. En outre, il y a une stratégie nationale de cohésion de la communauté pour réunir les communautés et briser les barrières qui causent l'ignorance et la crainte.

Malheureusement des éléments de la presse populaire et des partis politiques de droite parlementaire et extrême renforcent la division, particulièrement, dans le cadre des débats sur l'asile et l'immigration.

En dépit de ces défis contemporains la CRE a contribué à des rapports inter-raciaux globalement positifs.

Ce concours `Les Défis de la Paix' est conçu pour célébrer 60 ans de paix en Europe depuis la Libération de Paris. Pensez-vous utile de célébrer un tel événement ? Si oui, pourquoi ?

Très important, oui. Quelles que soient les différences qu'ont les alliés de l'Union Européenne sur des questions de détail, l'Union Européenne a connu un grand succès en empêchant une autre guerre majeure en Europe.

Il est important que la génération actuelle de jeunes ne croient pas que la paix, la stabilité et la prospérité, c'est facile. Ils doivent comprendre les sacrifices et les tragédies qui se sont produits pendant les deux guerres mondiales. Ils devraient être encouragés à être fiers de leur identité nationale tout en célébrant leur citoyenneté européenne et non pas à faire un faux choix.

Le contact entre personnes peut souvent être plus puissant et significatif que les liens politiques et diplomatiques. Ce type de concours plaide en faveur de l'Union Européenne plus efficacement que les conférences au plus haut niveau ou les activités du Parlement européen ou même de la Commission européenne. Nous pouvons être fiers de beaucoup de choses - on devrait fêter cela plus souvent !

46. Interview de Mme Linda McAvan, membre travailliste du Parlement européen
réalisée par les élèves du Lycée King Edward VII - Sheffield (Royaume-Uni)

1 er trimestre 2005

Combien y a-t-il de femmes au Parlement européen?

Il y en a un peu plus d'un tiers, je n'ai pas le chiffre exact, mais il y en a plus qu'au Parlement britannique où elles constituent à peu près un sixième de l'effectif. Je pense qu'elles sont environ 100 à Westminster contre 180 à 200 au Parlement européen.

Y a-t-il une variation de la représentation en fonction des partis ?

En fonction des pays ? Oui, comme on peut s'y attendre, la représentation est plus forte dans les pays scandinaves. Mais les choses changent : nombre de pays pratiquent désormais la discrimination positive, pour impliquer plus de femmes dans la vie politique. Les Français, par exemple, comptaient très peu de femmes en politique à tous les niveaux, ils ont changé la loi et pratiquent désormais la discrimination positive grâce à une répartition équitable sur les listes électorales entre hommes et femmes. Ils font se qu'on appelle le « zipping » en alternant une femme, un homme, il y a donc plus de femmes élues. Avant, certains avaient tendance à placer les femmes en fin de liste, donc à limiter leurs chances d'être élues ... Grâce à ce système de listes à la proportionnelle, on a tendance à penser qu'il y aura de plus en plus de femmes qui seront élues par ce système.

Pourquoi y a -t-il moins de femmes au Parlement britannique ?

Parce que nous n'avons pas le même système électoral, nous n'avons pas un scrutin de liste mais le principe du système majoritaire à un tour, qui ne nous permet pas la pratique de la parité. Maintenant, le nombre de femmes est énorme comparé à ce qu'il était avant 1997. Je ne veux pas être partisane, mais, c'est le parti travailliste qui a permis le changement en 1997. Les travaillistes se sont assurés que des femmes soient choisies pour des sièges qu'ils pouvaient gagner, et cela a amené 100 députés femmes ce qui a transformé le Parlement. Avant cela, les deux partis présentaient peu de candidates. C'est grâce à la discrimination positive que tout a changé radicalement.

Pourquoi la politique est-elle encore une profession dominée par les hommes  ?

Je pense que les hommes planifient mieux leur carrière. En politique, ils savent se mettre en avant pour se présenter à des postes, ils font cela mieux que les femmes qui ont besoin de plus d'encouragements. Elles ont besoin qu'on les incite à faire ceci ou cela tandis que les hommes affirment vouloir faire ceci ou cela. Dans les partis politiques britanniques, la plupart des membres sont des hommes et très peu d'entre eux envisagent d'avoir une femme comme successeur. Cela ne leur vient pas à l'esprit, c'est comme dans le milieu des affaires, ils pensent en priorité à leurs relations sociales: un homme va mettre en avant un autre homme, mais les choses changent car les femmes se conduisent de la même façon...

Y a-t-il d'autres exemples de discrimination positive en Europe ?

Oui, dans le parti travailliste anglais, nous avons un programme de discrimination positive où les candidatures pour certains sièges sont réservées aux femmes. Pour les dernières élections européennes, par exemple, on a placé les femmes en tête de liste, mais cela dépend de la politique du parti. Là où se pratique la discrimination, les femmes sont plus nombreuses.

47. Interview de Mme Arlene McCarthy, membre travailliste du Parlement européen
réalisée par les élèves de William Hulme's Grammar school - Manchester (Royaume-Uni)

Quel rôle spécifique, le Royaume Uni, a-t-il joué au cours des 60 dernières années en favorisant la paix, la démocratie et les relations harmonieuses en Europe ?

En tant que l'un des cinq états-clefs, le Royaume-Uni a joué un rôle principal en favorisant la paix et la démocratie en Europe. Par exemple, le Royaume-Uni a joué le rôle le plus fort en plaidant pour la restauration de la paix et démocratie en Europe de l'Est et maintenant nous avons les nouveaux États-membres, qui sont des démocraties dans l'Union Européenne. Il est important de se souvenir que beaucoup d'organisations non-gouvernementales ont joué un rôle fondamental en soulevant les questions des droits de l'homme, de la démocratie et de la paix. Nous travaillons, aussi, très étroitement avec Oxfam parce que nous pensons que nous avons une obligation en Europe d'aider dans le domaine international en soutenant des démocraties naissantes. Le succès de la Commission de l'Afrique qui a été publiée aujourd'hui est dû en partie au travail de tels organismes comme Oxfam. Amnesty International, aussi, a joué un très grand rôle dans ce domaine.

La National Society for the Prevention of Cruelty to Children (NSPCC) : dans quelle mesure son travail a-t-il, au Parlement, et dans la sphère publique, contribué au développement et au maintien des droits des enfants au Royaume-Uni ?

Je pense que ceci est une très bonne question parce que c'est l'un des organismes avec lequel j'ai beaucoup travaillé, parce qu'il est très actif en Europe. Il est très actif parce qu'il est de plus en plus plus reconnu qu'on ne peut pas réaliser les droits des enfants dans un seul État membre. Il y a beaucoup de thèmes qu'il nous faut traiter à travers les frontières européennes. Un des secteurs où j'ai travaillé très étroitement avec la NSPCC est dans le domaine de l'abus de l'enfant sur Internet. Comme vous le savez le réseau Internet peut exercer une influence salutaire, mais il peut également exercer une influence malsaine. Il a permis à des pédophiles d'échanger des images d'enfants et c'est exactement cela que la NSPCC nous a fait connaître en Europe. En conséquence, dès que quelqu'un voit l'une de ces images sur Internet il peut téléphoner à une ligne directe spéciale, de sorte que le criminel puisse être dépisté. Si nous réussissons à avoir une constitution européenne, les droits des enfants y seront inclus.

A propos de la Commission pour les relations inter-raciales (CRE) : est-il vrai de dire, à votre avis, que le Royaume-Uni est un modèle pour l'Europe, en favorisant d'excellentes relations inter-raciales entre ses diverses communautés ?

Lorsque Tony Blair a été élu président de l'union européenne en 1997, il s'est assuré qu'un nouvel article soit inclut dans le Traité d'Amsterdam sur l'anti-discrimination C'était une initiative britannique. En raison de cela tous les États membres ont une politique anti-discriminatoire. Il ne s'agit tout simplement pas de discrimination raciale, mais, il s'agit aussi de n'importe quelle sorte de discrimination. Nous avons pu exiger cela car notre propre législation au Royaume-Uni était déjà assez avancée dans ce domaine, mais beaucoup d'autres États membres n'avait aucune législation ou une législation très faible et donc aucune protection pour les minorités raciales ou les personnes avec des incapacités. En lien avec cela, nous avons un programme d'action pour s'assurer que nous avons les finances pour ce programme, et une agence, qui a été installée à Vienne, pour assurer l'égalité raciale. Ainsi, il y a eu beaucoup d'initiatives en particulier depuis la présidence du Royaume-Uni. Quand de nouveaux états comme la Roumanie et la Turquie veulent devenir membres nous leur posons des questions sur leur politique à propos de ces questions. Maintenant que l'égalité des droits fait partie de la constitution européenne les nouveaux États membres doivent s'y engager aussi. C'est l'un des secteurs où le Royaume-Uni a eu l'impact le plus grand, et qui a dépassé les États membres européens existants, puisque n'importe quel État qui veut devenir membre de l'Union européenne doit avancer sur ces questions d'intégration.

Que faut-il faire d'autre, pour promouvoir les droits des femmes au RoyaumeUni?

Je pense qu'il reste beaucoup à faire. Une des campagnes à laquelle j'ai participé cette semaine parce que c'était le Jour des Femmes c'était de poser la question « Pourquoi se fait-il qu'en 2004, les femmes, aussi bien formées et aussi bien qualifiées que les hommes, soient toujours payées en moyenne 40% de moins? ». Ce fossé n'a pas diminué et je pense qu'il reste énormément à faire dans ce domaine. Depuis les dix dernières années il y a eu beaucoup de changements positifs pour les femmes, par exemple dans le domaine des soins des enfants. Au Royaume-Uni, où nous avons une population qui vieillit, il est important de soutenir les femmes au cours des années où elles s'occupent de leurs propres enfants, de sorte qu'elles puissent retourner travailler après, afin de ne pas perdre leurs compétences. On a fait beaucoup dans ce domaine, mais il reste beaucoup à faire en ce qui concerne l'égalité des droits des femmes.

Ce concours `Les Défis de la Paix' est conçu pour célébrer 60 ans de paix en Europe depuis la libération de Paris. Pensez-vous utile de célébrer un tel événement ? Si oui, pourquoi ?

Je pense qu'il est utile de rappeler aux gens la raison pour laquelle nous avons l'Union Européenne puisque il est si facile de l'oublier et aussi il faut que les jeunes sachent pourquoi. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons notre Parlement à Strasbourg parce que c'est symbolique de la fin de la guerre dans laquelle nous étions tous impliquées. Il est important de célébrer et de se souvenir du passé et en même temps de se tourner avec intérêt vers ce que nous pouvons faire à l'avenir, non pas seulement en Europe mais aussi globalement en favorisant la paix, la prospérité et la démocratie. Cette semaine le ministre des affaires étrangères britannique, Jack Straw, est venu nous parler en Europe. Il a fait la remarque très importante que dans les pays européens où il n'y a pas assez de démocratie, il n'est pas acceptable de dire que nous faisons des affaires avec ces états; nous devons nous engager avec eux et insister sur le fait qu'ils réforment leurs programmes d'une façon démocratique et qu'ils fassent des réformes économiques de sorte que leur richesse soit également distribuée parmi leurs citoyens. L'Union européenne est une force économique (25 États membres avec plus de 500 millions de personnes dont tous à fort pouvoir d'achat) qui peut également être une force pour le changement dans le monde parce qu'elle peut insister sur des politiques commerciales justes avec les pays avec lesquels nous commerçons.

48. Interview du Professeur Steve Webb, membre libéral-démocrate
de la Chambre des Communes
réalisée par les élèves du Lycée de Bristol (Royaume-Uni)

1 er trimestre 2005

« Avant de répondre précisément aux questions, il est important d'être clair sur ce que nous entendons par démocratie et il est certain qu'il existe différentes définitions qui peuvent être utilisées. Nous dirons que la démocratie est une forme de gouvernement dans laquelle ce sont les souhaits et priorités de la majorité de la population qui façonnent les actions du Gouvernement, plutôt que la politique d'un seul dictateur ou d'un petit groupe d'oligarques. Il apparaît cependant qu'il y a un grand nombre de manières par lesquelles les souhaits de la « majorité de la population » peuvent se traduire, dont la composition et les actions du gouvernement. »

Comment peut-on défendre et développer la démocratie?

« Je crois qu'il vaut mieux défendre la démocratie en empêchant des individus ou de petits groupes d'obtenir un pouvoir disproportionné. Les plus grandes menaces pour la démocratie sont probablement l'essor d'empires médiatiques mondiaux et le pouvoir des entreprises multinationales. Nous avons besoin de fortes réglementations nationales et internationales pour empêcher qu'un seul individu ne possède tous les médias, l'audiovisuel et la presse. Il doit aussi y avoir des structures pour s'assurer que les hommes politiques ne soient pas financièrement dépendants des intérêts de ces grandes multinationales. L'ouverture et la transparence quant au financement de la vie politique sont un aspect important de n'importe quelle démocratie. »

Dans quelle situation se trouve la démocratie au Royaume-Uni ?

« La démocratie du Royaume-Uni est inégale. Trop de décisions sont effectivement prises par des bureaucrates non élus, qui n'ont de compte à rendre à personne. La menace de fermeture de notre hôpital local de Frenchay en est un exemple frappant : les électeurs locaux ne peuvent retirer leur soutien aux personnes qui prennent les décisions principales. Notre système électoral basé sur le scrutin majoritaire uninominal est, de mon point de vue, profondément non-démocratique. Le fait que les partis politiques concentrent tellement leurs efforts sur les électeurs indécis votant habituellement pour les partis marginaux entraîne effectivement le désintérêt de millions d'électeurs. Ce n'est pas surprenant que les jeunes, en particulier, ne voient pas de raisons de voter.

Le pouvoir politique est également beaucoup trop centralisé. Bien que des progrès aient été faits avec le nouveau Parlement Ecossais, l'Assemblée Galloise et la Grande Assemblée de Londres, même ces corps politiques ont des pouvoirs limités, et une grande partie de l'Angleterre n'a pas de pouvoir décentralisé, ce qui crée, pour les citoyens, le sentiment d'être éloignés de ceux qui les gouvernent. »

La démocratie peut-elle être développée dans des pays tels que l'Irak?

« Je pense qu'il est possible de développer la démocratie dans des pays composés de nombreuses ethnies ou de différents groupes religieux, mais cela représente un véritable défi. L'organisation de tels états doit impliquer une part importante de dévolution et d'autonomie (et d'autant plus pour les Kurdes) et il est nécessaire qu'il y ait une protection constitutionnelle des intérêts des groupes minoritaires. Avec le temps il sera peut être possible d'encourager le développement de partis politiques qui surmonteraient les divisions ethniques et religieuses, bien que l'expérience de l' Alliance Party d'Irlande du Nord montre que cela est plus facile à dire qu'à faire. »

La démocratie vaut-elle la peine d'être défendue?

« A moins que nous ne défendions vigoureusement la démocratie, nous allons bientôt nous trouver réellement contrôlés par les puissants intérêts particuliers des médias et des grandes multinationales. Lorsque les individus se sentent impuissants, ils deviennent frustrés et cette frustration peut se transformer en de violentes révoltes. Celles-ci peuvent être à leur tour réprimées par un État oppresseur. Ce n'est pas le genre de scénario auquel j'adhérerais de préférence à notre système démocratique, malgré toutes ses imperfections. »


* 2 Rote Armee Fraktion, appelée en France « bande à Baader ».

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